| AMOS & SIENNA ► IT BURNS LIKE A GIN |
| | (#)Jeu 18 Juin 2020 - 0:04 | |
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IT BURNS LIKE A GIN
Après ma rencontre avec Molly lorsque j’ai déposé mes valises sur Brisbane, j’ai statué sur une évidence : Sofia s’est enlisée dans les sables mouvants qu’est la drogue et de la prostitution. Mais, elle n’a pas duré. J’ai rapidement cultivé cette habitude qu’est le déni pour ne pas avoir envie de hurler, de tuer de mes mains Mitchell et ne surtout pas abîmé l’image qu’il me restait de ma vie. Or, aujourd’hui, ma rencontre avec Lou Aberline, outre les informations capitales qui profitera à ma vengeance, je ne suis plus certain que je me mens au quotidien. J’en viens même à m’interroger sérieusement sur la théorie d’Olivia. Elle, elle n’a jamais cru à cette descente aux enfers fulgurante. D’après cette amie fidèle, mon bébé a été la victime de choix, faute à sa candeur et à sa fragilité, non pas d’un seul prédateur, mais d’une meute qui agirait en clan. Je l’ai trouvée, celle-là. Mais, il me manque encore des données en particulier sur ces drogues que l’on fait ingurgiter à des gamines jusqu’à ce qu’elles en perdent toute combattivité. Comment d’ailleurs ? Par voie orale ? Par intraveineuse ? Fort de cette nouvelle obsession, j’ai contacté quelques médecins en quête d’informations, mais autant dire que mon éventail de question a rapidement été défalqué par le principe de discrétion. N’est-ce pas suspect que de questionner à propos des méfaits des substances sur le marché illicite par téléphone interposé ? Sans nul doute, quoique l’un d’entre eux s’est montré assez volubile pour me diriger vers une association à même de me renseigner. J’eus même droit à un numéro de téléphone où les joindre et j’ai béni mon mensonge. Je n’ai plus personne à sauver, si ce n’est moi-même, mais la corde sensible d’un docteur est de sauver des vies et il en était une, fictive, qui gisait dans mon divan, m’implorant de ne pas la conduire à l’hôpital.
J’ai obtenu un rendez-vous l’après-midi qui a suivi mon appel. A priori, mon histoire a touché mon interlocutrice, une dénommée Sienna de son prénom, parce qu’elle a préféré me recevoir sans attendre. J’ai vécu son intérêt comme une sorte de bénédiction, une qu’un fervent croyant aurait décri comme un miracle ou une intervention divine. Aussi, ai-je choisi d’enfiler une tenue plus correcte que mes t-shirts, histoire de faire bonne impression. Je n’aurais pas envie qu’elle s’imagine que mes intentions sont fallacieuses. A ce stade de mon histoire – et de mon enquête – j’ai besoin de ses compétences, assez que pour montrer patte blanche et offrir à la dame de l’accueil mon plus sourire. « Amos Taylor. Je suis attendu. » ai-je avancé non sans surprise d’être attendu. Elle n’a pas eu l’air surprise. Elle ne m’a pas toisé d’un regard désagréable non plus. Elle m’a conseillé d’attendre et je me suis exécuté jusqu’à ce qu’apparaisse une jeune femme à l’allure avenante qui s’est dirigé vers moi, moi qui me suis levé par politesse et qui l’ai saluée le timbre proche de la reconnaissance. « Merci d’avoir accepté de me recevoir aussi vite. Je sais que ce n’est pas banal et…. Je ne vous ai pas donné tous les détails… » En tomberait-elle de sa chaise que j’en serais à peine effaré tant la fin de Sofia est glauque…glauque et indigeste pour mon cœur de père.
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| | | | (#)Ven 19 Juin 2020 - 14:00 | |
| Le temps qu’elle accordait à l’association autrefois n’était plus pareil aujourd’hui. S’était-elle lassée ? Peut-être. Et ça lui fendait le coeur de se l’avouer. Elle avait l’impression de trahir ses parents et la mémoire de son frère. Mais elle avait mis tant d’années de côté. Dix ans. Elle avait sacrifié dix ans de sa vie pour lui. Dix années qu’elle avait considéré comme une peine à purger pour se soulager de sa culpabilité. Coupable de ne pas avoir prévenu ses parents sur la consommation à risque de son frère. Coupable de ne pas avoir été assez ferme avec lui. Au bout de cette décennie, elle avait la douloureuse impression que la boucle était bouclée. Elle travaillait dans la gestion administrative de la pâtisserie de son cousin depuis deux ans et exerçait pour une fois un profession qui lui plaisait. Enfin, à peu près. En pensant ça, elle avait l’impression de s’être forcée à intégrer l’association de ses parents. Au contraire, elle avait pris tant de plaisir ces dix années en aidant les personnes souffrant d’addiction, en les guidant dans leur sevrage et en leur permettant de retrouver la surface. Sienna avait épaulé tant de personnes. Elle le faisait pour eux. Mais pour elle aussi. Pour se soulager et se donner bonne conscience. Parce que parfois, elle se disait que c’était de sa faute si Avery était parti trop tôt. Si seulement elle avait été plus sévère... Néanmoins, elle était toujours présente. De loi, et plusieurs de l’année. On était loin de son omniprésence d’il y a trois ans. Elle était toujours là mais s’éloignait de plus en plus. Parce qu’elle voulait prendre son envol et s’éloigner de cet univers qui l’empêchait de faire le deuil de son frère.
Ses activités dans l’association s’étaient également réduites. Elle n’assistait seulement qu’aux assemblées, à quelques journées inter-asso (là où elle a d’ailleurs rencontré Noa) et s’occupait de temps en temps de la prise rendez-vous et de la paperasse. Ses journées dans les locaux de l’association étaient aux antipodes de ses soirées au Canvas ou à la pâtisserie. Pas de rire, des histoires dramatiques, rythmées par la mise à jour du registre de personnes décédées d’overdose. Parce que l’association s’occupait aussi de fournir le Queensland en pourcentage concernant les drogues dures et les consommations. Elles avaient une liste de personnes, dont Avery faisait partie. Et chaque année, elle envoyait les données concernant les personnes mortes dans l’année x à l’État du Queensland. Bien sûr, c’était confidentiel. En ce samedi matin, un appel avait suscité tout son intérêt et sa sensibilité. Un homme appelait pour sa fille à l’histoire tragique et elle lui avait donné rendez-vous sans plus tarder. Et c’était quelques heures plus tard qu’il arriva dans les locaux de Toowong. « Bonjour monsieur Taylor ! Venez je vous en prie. » Dit-elle en l’incitant d’un signe de la main à entrer dans le bureau où se trouvait sur la porte le nom de sa mère, Elena Hawkes. Elle la remplaçait quand cette dernière n’était pas là. Elle lui priait de prendre place en face d’elle. Son bureau était occupé par un bureau et les murs arboraient des posters exposant les chiffres clés et les risques de la drogue. « Ici, nous prenons en compte et portons une certaine attention à toutes les urgences. Nous ne laissons personne sur le côté. On ne va pas tourner autour du pot... Dites-moi en plus. Que pourrais-je faire pour vous ? » Les mains jointes sur le bureau, elle remarqua qu’il avait fait un effort vestimentaire alors qu’elle portait un vieux t-shirt à l’effigie de Prince et des stan smith.
@Amos Taylor |
| | | | (#)Dim 21 Juin 2020 - 1:27 | |
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IT BURNS LIKE A GIN
Elle m’a conduit dans un bureau estampillé au nom d’une certaine Elena et je me suis demandé si, au téléphone, je n’avais pas confondu des vessies avec des lanternes. J’aurais juré qu’elle s’appelait Sienna, mon interlocutrice, mais je ne m’en suis pas préoccupé longuement. Ce genre de méprise arrive et n’a rien de dramatique. Tout du moins, pas en ces circonstances. Autour de moi, les murs d’un blanc cassé de la pièce accentuent la luminosité de la pièce et mes yeux clairs se sont plissés. Quant à mes sourcils, ils se sont froncés à l’évocation du terme d’urgence. Sofia est décédée il y a près de trois ans. C’est presque trop tard pour me pointer ici en quête d’informations. J’ai mené ma barque comme je le pouvais et je la guide encore à la sueur de mon front. Mais, ne suis-je pas en train de prendre la place de quelqu’un d’autre ? Quelqu’un qui aurait effectivement besoin de la bienveillance de la jeune femme ? Quelqu’un qui ne vient pas pour ressasser de vieilles histoires et réclamer, avec beaucoup d’humilité, qu’on fouille dans des dossiers classés depuis une éternité ? « Au bout de trois ans, je ne sais pas si mon histoire peut encore être qualifié comme telle, mais… je vais essayer de ne pas vous retenir trop longtemps. » Autrement dit, d’être clair, précis et concis, afin que son précieux temps lui soit épargné à moins qu’elle ne soit en mesure de me renseigner. « Ma fille, Sofia, a été retrouvée morte dans un motel. Elle avait une seringue dans le bras, mais elle a aussi été étranglée. » Ces quelques mots, énoncés d’une voix blanche sans émotion, forment un discours que j’ai longtemps répété pour apprendre à l’accepter, mais aussi pour ne pas flancher à chaque fois que je narre cette histoire glauque et dramatique. « Récemment, j’ai appris que… qu’elle n’était peut-être pas là parce que c’était une droguée en manque qui… » Cette éventualité, en revanche, je n’en parle jamais. Je rejette l’idée de la prostitution volontaire depuis si longtemps que l’habiller de mots m’a fendu le cœur et j’ai baissé la tête et j’ai récupéré dans ma poche mon paquet de cartes. Le mouvement des cartes que l’on bat est hypnotisant. Il me permet de me concentrer pour formuler l’horreur sans réaliser le sens des mots. Ils perdent alors toute définition et ils ne m’atteignent plus. « Enfin, vous voyez ce que je veux dire. La fin justifie les moyens comme on dit. » Et sa fin m’aura laissé avec un vide dans le cœur et une panoplie de questions. « Mais récemment, j’ai reçu la composition de la drogue qu’elle avait dans le corps et… je n’y connais rien. » C’était l’objet de ma première interrogation. L’autre a suivi rapidement de peur de ne plus être capable d’assembler les mots par la suite. « Et, ensuite, j’ai cru comprendre qu’il se pourrait qu’elle ait été droguée pour se retrouver là où elle était. » Et dans cette situation inconfortable où elle vendait son corps malgré elle et au bénéfice d’un autre. « Je me dis que vous devez avoir entendu beaucoup d’histoires ici et que peut-être, vous pourriez me dire si c’est possible. » Ou si c’est moi qui m’accroche à un espoir vain.
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| | | | (#)Jeu 2 Juil 2020 - 4:08 | |
| Monsieur Taylor semblait légèrement perplexe. Sa façon de se tenir sur la chaise, ses sourcils froncés… Il avait l’air tendu d’être aller au bout en se rendant à ce rendez-vous pour en savoir ce qui le tourmentait depuis un bon moment maintenant. Elle avait employé le terme d’urgences, et peu importait la réelle durée de celle-ci, elle la prenait tout autant en compte qu’une urgence actuelle. S’il n’avait pas eu le courage de la quelques années avant pour trouver le remède à ses maux, c’était normal. S’il lui fallu un long moment pour passer le cap, c’était à bras ouverts qu’on l’accueillait ici. Depuis sa création, For Avery Life mettait un point d’honneur sur la bienveillance envers chacun, quelque soit le problème, la situation. On ne mettait personne sur le côté et chaque personne était prise au sérieux. Sienna hochait la tête, sincèrement attentive et impliquée. Ce qu’elle redoutait le plus dans ce genre de rendez-vous, c’était de ne pas réussir à aider la personne en face, de ne pas être en mesure ne pouvoir faire quoi que ce soit lui. Sienna restait silencieuse, l’incitant du regard à introduire le fil conducteur de leur rendez-vous de dernière minute. Il annonça d’une voix claire et distincte le décès de sa famille et les circonstances dans lesquelles son corps a été retrouvé. Sienna ne bronchait pas. Elle restait neutre devant les propos du Taylor. Après des années de fonctions récurrentes au sein de l’association, Sienna avait appris à gérer ses émotions à ne plus absorber celle des autres telle une éponge plus sensible que la normale. Elle avait aussi appris que la fausse empathie n’était pas la bienvenue dans ce milieu. Elle devait être bienveillante et à l’écoute mais ne pas donner l’impression aux usagers de les prendre en pitié. Elle l’écoutait, avec sincérité et elle l’aidera avec implication et sérieux. Puis, démontrer sa pitié à l’autre serait le décrédibiliser, lui et son histoire. Malgré tout, la destin de sa fille fut tragique. Des histoires dans le style, elle en avait écouté des tas. Mais un détail la titillait, cette Sofia avait été étranglée. Elle gardait cette partie là dans un coin de sa tête, c’était un élément à ne pas négliger. Il avait prononcé ses mots comme une poésie que l’on récitait sans cesse étant petit et qui nous avait marqué à vie. Les mots étaient sortis de sa bouche dans un automatisme étonnant au vu de la tristesse de sa phrase. « Récemment, j’ai appris que… qu’elle n’était peut-être pas là parce que c’était une droguée en manque qui… » Cette fois-ci, il semblait chercher un peu plus ses mots. Elle l’avait l’impression de se voir en lui. De voir la Sienna lors des premiers jours de deuil, quand elle n’arrivait pas à formuler une phrase qui concernait Avery. Elle ne démontrait rien, mais le Taylor venait de l’achever en sortant un jeu de cartes. Le genre d’échappatoire que l’on avait lorsque la douleur était trop forte, trop réelle pour avoir le courage de l’affronter en face. Son coeur se serrait, et heureusement qu’elle était silencieuse car le moindre mot lui ferait tomber son masque de neutralité. Elle avait l’impression de voir son père avec le bricolage intensif pour oublier qu’Avery était parti, sans dire au revoir. Cette histoire datait peut-être d’il y a trois ans, mais la détresse de ce père était encore intact. Il y avait urgence, tant qu’il n’avait pas résolu cette énigme, il errerait sur Terre tel un être sans ambition pour la suite. Sienna allait l’aider à tourner cette page du passé, ou du moins, à soulager sa conscience. Elle espérait en avoir les moyens, elle le devait. Pour lui et sa fille. Elle l’écouta toujours attentivement, l’air un peu moins impassible qu’il y a quelques instants. Il l’avait touché, c’était certain. Elle se racla la gorge. « Effectivement, en dix ans, on a entendu beaucoup de témoignages, d’histoires qui font qu’on a certaines ”connaissances” sur le sujet. Et à vrai dire, tous les témoignages que nous recueillons sont soumis au secret professionnel, même si je peux me permettre de vous assurer que ce n’est pas un cas isolé. Enfin, malheureusement, ce genre de situations est un fléau et je suis navrée que votre fille ce soit retrouve concernée par cela. En tout cas, si vous voulez savoir, la plupart des personnes qui ont été retrouvées dans, à peu près, le même schéma que vous me dépeignez, ne se droguaient pas de base... Enfin je ne veux rien avancer, je ne veux pas dire qu'on l'a forcé. Mais on voit de tout, on croise mille et une situations que plusieurs pistes sont à envisager. » Ses paroles eut un goût acide en bouche. Elle savait que rester vague pour tourmenter un peu plus le père dans son nuage de questions. Mais elle se devait de lui dire la vérité pour le rassurer. Il y avait des chances pour que Sofia ne se soit pas droguée elle-même comme il y avait des chances qu'elle l'ait fait de son plein gré. « Avez-vous avec vous le rapport de la composition de drogue qu’elle avait dans le corps ? Des médecins et des addictologues qui collaborent bénévolement avec nous peuvent avoir les réponses aux questions que vous avez. Ils sont plus facilement accessibles que des médecins de ville sur ces questions-là. » Elle se pencha, les mains jointes et posées sur le bureau. « Nous sommes une des associations les plus importantes du Queensland en matière de suivi en rehab, de sortie de cure, de réinsertion et en parallèle nous envoyons des statistiques à l’État du Queensland pour tenir à jour un bilan des risques et de la hausse des consommations des drogues en tout genre. Ce qui signifiait que nous avons également un listing de toutes les personnes qui sont venues ici ou qui sont mortes suite à une consommation dangereuse à Brisbane et dans les alentours. Bien évidemment, c’est anonyme. Mais je peux peut-être trouver quelque chose… Je ne veux pas vous faire de faux espoirs. »
@Amos Taylor |
| | | | (#)Lun 27 Juil 2020 - 3:46 | |
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IT BURNS LIKE A GIN
J’ai toujours été mal à l’aise à l’idée de rapporter l’histoire de ma fille. Que je tienne en face de moi un inconnu, un flic ou l’un de mes proches, je m’en sens meurtri pour différentes raisons. La première découle de ce que ce récit lui appartient plus qu’à moi et je m’en moque qu’elle ne soit plus envie pour protester face à mes indiscrétions. J’aurais souhaité qu’elle reste inviolable, mais n’ai-je pas besoin d’aide ? N’est-ce pas là la seconde justification à mon malaise. Ma fierté hurle de m’entendre témoigner de mon échec en tant que père et d’appeler au secours pour enfin avoir le sentiment d’avancer. Mon enquête fait du surplace et, quelque fois, je me demande sérieusement si je ne suis pas en cause. Ne serait-ce pas en train de me bercer d’illusion ? De me convaincre à tort que ma gamine était une victime ? On ne tire pas une épingle absente d’un jeu et je dois bien l’admettre : cet entretien avec Sienna est un peu celui de la dernière chance. Si, aujourd’hui, elle m’apprend qu’elle n’a jamais rencontré de cas similaire à celui de ma gosse, alors je m’emploierai à changer mon fusil d’épaules et à entrevoir la possibilité que Sofia a opéré de mauvais choix et s’est embrigadé seule dans cette histoire qui la dépassait complètement. Rien ne présage de ce que l’hypothèse soit complètement idiote. Que du contraire. Son silence sur ses problèmes suggère qu’elle avait honte de ce qu’elle était devenue, mais dès lors que mon esprit torturé s’aventure sur ce sentier, je rebrousse chemin sans sonder les panneaux directionnels. Je ne suis pas prêt, tout simplement. La fatalité me fait peur et cette crainte justifie à elle seule cette sensation de ne pas être réellement à ma place dans ce bureau. « Qu’entendez-vous par, ce n’est pas un cas isolé ? » ai-je toutefois répliqué. Je ne l’ai pas interrompue. J’ai entendu toute sa tirade à partir du concret en passant par ce qui ressemble à s’y méprendre à des condoléances. Je n’en peux plus de ce mot et, intérieurement, je la remercie de ne pas l’avoir jeté sur la table. Il ne me soigne pas. Il m’horripile. « Vous dites à peu près, donc j’imagine qu’il y a des différences et...» Et, l’évidence me saute aux yeux d’ailleurs. Evidemment qu’ils ont tous été plus ou moins forcés par les circonstances, mais je traîne mes savates au Club depuis assez longtemps pour affirmer qu’il n’a jamais enfoncé la tête de quiconque dans la came. Certains dealers doivent certainement jouer de leur charme et de leur influence, mais personne ne consomme d’avoir été menacé d’un couteau sous la gorge par un membre de cette organisation criminelle. « He oui. Je l’ai. Dans mon téléphone.» ai-je ensuite répliqué en fouillant ma boîte mail. Olivia me l’a transmis en se parjurant et, avant de permettre à la jeune femme de le consulter, j’ai précisé que : « Je n’étais pas sans l’avoir. Je suppose que je dois pas vous préciser que je peux pas vous en adresser de copie. Ceci étant dit, je me suis déjà renseigné sur la question et c’est un sacré cocktail. Héroïne. Cocaïne. Mal coupées pour les deux.» Mon regard s’est voilé d'opprobre, de déception et de tristesse. « Et, tout est bon à prendre, vous savez.» Et, enfin, je lui ai tendu mon portable. Je lui ai également dispensé un sourire chargé de gratitude avant de poursuivre. « Je suppose que vous devez en voir souvent, des pères comme moi, qui ne veulent pas accepter la réalité.» Combien d’entre eux ont cherché des arguments pour dédouaner leur môme de leur erreur, quitte à se lester du fardeau d’avoir raté quelque chose dans leur éducation. « Je suis prêt à entendre qu’elle s’est laissé piéger par un mec…. son mec… il était toxicomane. Je pense qu’il doit sans doute l’être encore. » Il n’avait pas l’air bien frais lors de mon ultime visite. « Je pense même que je suis en paix avec l’idée qu’elle était prête à tout pour une dose et pour rembourser une dette aussi.» De quel genre ? Je l’ignore. Suis-je réellement au clair avec cette vérité ? Absolument pas. Elle m’empêche toujours de dormir malheureusement. « Prête à se vendre….» ai-je renchéri la mort dans l’âme. La précision est inutile pour Sienna. Elle avait compris. L’exprimer à voix haute offre plus de corps au fait, aussi détestable soit-il. « Ce que j’essaie de vous dire, c’est que vous n’êtes pas obligée de prendre des pincettes. » Je crois à l’inverse qu’à se montrer trop précautionneuse, elle me vexerait. « Je propose de vous envoyer une copie du dossier. Si vous avez quelque chose d'intéressant, n'hésitez pas à me recontacter. » A quoi bon lui faire perdre son temps ? Ma fille n'est plus et Sienna semble occupée à traiter les vivants. C'est tout en son honneur. Néanmoins, je me suis levé, je lui ai tendu la main et, un sourire et quelques remerciements plus tard, j'ai pris congé.
Sujet clôturé
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