Elle avait fait un bien fou, cette matinée au ralenti. Celle qui s'était lancée au soleil levant, la brise qui à peine faisait craquer les branches, la chaleur qui tatouait sa peau. Ils avaient pris tout le temps du monde pour commencer à bouger au réveil, Colleen et Jack. Eux qui étaient enfin arrivés à bon port après s'être perdus et surtout avoir renoué avec la religion - aheum - avec des moines silencieux - aheum aheum. L'aventure commençait à peine et ils étaient autant relativement calmes, toujours un brin inquiets l'un l'autre à se partager des regards sans savoir s'ils avaient leurs chances. Elle y croyait, alors il y croyait lui aussi. Ç'aurait été mentir de Jack angoissait tout court - il s'en foutait limite, de gagner. Mais il n'aurait jamais voulu être un poids mort à la cheville de Colleen qui elle méritait amplement à ses yeux de se rendre en finale. S'il aurait été du genre seul à s'accrocher les pieds sur la route là où il aurait feeler une vibe plus similaire à la sienne, son instinct de compétition se réveillait dès lors qu'il se disait que par sa faute, sa binôme pouvait perdre.

Leur yoga avait fait du bien, aussi. Ils arrivaient à communiquer en silence depuis à peine une poignée de jours et ça, aux yeux du canadien, ça valait tout l'or du monde. La relaxation s'était étirée une poignée d'heures ensuite, lui à gratter son ukulele, elle a faire des aller retour entre la sieste et la randonnée. Elle était un bien curieux personnage aux milliers de secrets aux yeux d'Epstein, mais il était pas pressé de les découvrir tant qu'elle n'aurait pas l'impulsion de les lui confier.

Il a partagé un thé avec un des mecs de l'équipe technique, ayant déjà bossé tous les deux dans la même salle de spectacle, ils se connaissent pas des masses mais ils se sont reconnus. S'en est suivi d'une balade dans les environs qui s'est soldée par une pause à l'ombre, jambes croisés en tailleur et cheveux en bataille. Jack a décidé d'alterner les notes sur l'instrument qu'un de ses compagnons de route de la semaine lui a cédé - et des partitions qu'il éparpille au sol et sur ses genoux. Les feuilles volent au vent mais il en a rien à foutre, parce que les notes elles, restent bien ancrées dans sa tête.

« Attention, tu vas te faire attaquer par le refrain! » qu'il pouffe, hilare, voyant une des fameuses feuilles volantes s'aligner directement vers le sourire solaire d'un jeune brun qui fait lui aussi partie de l'aventure.


@loan severide
@may glitters

Mes doigts glissent lentement sur mon front. Quatre jours et la bosse est toujours bien présente, juste là, au-dessus de mon sourcil. Souvenir de cette première journée de compétition et de ce kangourou qui avait décidé de nous couper la route. Je soupire et applique la pommade que m’a donnée l’infirmier de la production dès notre arrivée à Charleville hier dans la soirée. J’ai également un beau bleu sur le torse à cause de la ceinture de la sécurité et un autre sur la jambe, hérité d’un coup de bâton de la part de Kelly. Un léger rire m’échappe alors que je repense à ce moment où l’on, c’est retrouver nez à nez avec un serpent. Bloopers material.

Je me tourne vers ma coéquipière qui semble complètement perdu dans ses pensées. « Je vais aller faire un tour. » Nous venons de passer une semaine entière coller l’un à l’autre. Il est important d’utiliser ces deux jours de relâche pour grappiller des moments de solitude. Elle à l’air d’en avoir besoin Kelly et je lui offre toute la liberté dont elle a besoin. Je me balade au milieu du camp. Croise Martin qui me taquine, bien entendu, sur mon énorme bosse. On échange un peu. Il me parle de sa coéquipière que j’ai eue la chance de croiser au tout début. Autant dire que leur duo est haut en couleur. Ils iront loin, je le sens.

Je m’éloigne de l’agitation. J’ai besoin de profiter de la nature qui nous entoure. Inspirer. Expirer. Le silence est rassurant. L’absence des caméras est également agréable. Je ne sais combien de temps, je passe, à l’écart des autres, perdu dans mes pensées, à me refaire le film de la semaine. L’aventure à démarrer sur les chapeaux de roue, on a pas toujours eu de la chance, mais je ne m’étais pas aussi vivant depuis cette première à la Northlight. C’est vivifiant.

Ma réflexion est coupée par le doux bruit d’un ukulélé que l’on gratte en rythme. Curieux, je décide d’aller voir d’où proviens le son. Je trouve un homme assis en tailleur, des feuilles de papier étalées devant lui malgré le vent et un air qui m’attire irrésistiblement. Tel un guépard, je m’approche à pas feutrer, sans me faire remarquer, un sourire démentiel accrocher aux lèvres. J’apprécie le moment. Jusqu’à ce qu’un coup de vent, m’envoi une partition en pleine tête. « Attention, tu vas te faire attaquer par le refrain! » Mon sourire s’agrandit alors que j’attrape le papier de justesse. « Ça donne quoi le refrain ? » Son visage me dit quelque chose. Il est un peu plus âgé que les autres participants. Il semble si serein et son magnétisme, me force à m’asseoir en face de lui sans même demander l’autorisation. Mon regard ne se décroche pas des traits de son visage. « Vous… Vous êtes Jack Epstein, non ? » J’en suis pratiquement sûr désormais. « Mais oui, Bananas & Blow downtown. » Je hoche la tête et résiste pour ne pas l’inonder de questions. « C’est trop cool. » que je souffle tel un gamin émerveillé le matin de Noël.


@jack epstein

« Ça donne quoi le refrain ? » il avait même pas remarqué qu'il n'était plus seul Jack. Jack et ses idées, Jack et ses inspirations, Jack et sa musique, Jack qui fait le con. Y'a des feuilles partout mais il n'en tient guère rigueur, lui qui garde ses inspirations dans sa tête et qui les compose de la plus archaïque des manières. Il est bien ainsi, à se laisser du temps pour créer après une semaine à se l'être refusé. « Vous… Vous êtes Jack Epstein, non ? » habituellement, quand on s'adresse à lui avec son nom au complet, c'est pour l'engueuler. C'est ainsi que son père le nommait, c'est ainsi que ses pires ennemis qu'il ne compte que sur les doigts d'une main le catégorisent. Autrement, pour ses musiciens, pour la presse, pour les promoteurs et pour le monde entier c'est Jack, juste Jack. À la base Epstein aussi, ça passe.

Mais voilà qu'il précise le gamin, et d'emblée, Jack redresse le menton, visiblement curieux. « Mais oui, Bananas & Blow downtown. » il arrive jamais à capter d'où ni de comment les gens le reconnaissent, quand il met un point d'honneur à ce que ce soit ses artistes qui soient les vedettes du label, et jamais lui. Humble petit canard qui préfère de loin être dans l'ombre, ce que les caméras qui errent désormais autour d'eux ironisent à la perfection. « C’est trop cool. » il sait pas trop si c'est vraiment cool, d'être un type à la voix de fumeur et à l'odeur, qui gratte son ukulele esseulé et qui est entouré de feuilles à moitié tachées, déchirées. Mais il prend d'office le sourire solaire du brun qui par la plus douce des coïncidences se voit illuminé d'un rayon de soleil en plus de celui qui tatoue son visage. « T'as déjà essayé? » qu'il demande, curieux et de nulle part, la question qui monte et l'instrument à cordes aussi qu'il lui tend, malicieux. Encore et toujours, c'est sur la musique qu'il aime qu'on braque les projecteurs, jamais sur lui.

C’est si idiot d’aborder les gens de cette manière. De briser un moment de solitude avec un sourire et quelques mots. Je me souviens de mon père qui, lorsque j’étais enfant, me rappelais sans cesse que parfois les gens n’avaient pas réellement envie de parler même si moi, j’étais curieux et que je n’avais aucune timidité. Cela n’a pas changé avec les années, d’ailleurs. J’aime découvrir le monde qui m’entoure, en posant des questions, en m’intéressant à des domaines que je ne connais pas. Il était dans sa bulle l’homme, seul avec ses feuilles et son ukulélé. J’aurais peut-être dû ramasser la feuille qui s’était échapper du tas, lui rendre avec un sourire et passer mon chemin. Cela aurait été la solution la plus sage, mais lorsqu’il relève la tête vers moi, je suis persuadé de reconnaître le visage bourru de ce producteur de musique. Il est surpris que je l’appelle par son prénom et je me demande si je ne viens pas de mettre les pieds dans le plat. Il n’est pas très connu ou tout du moins, il est réputé pour être discret, mais je m’étais intéressé à son travail après avoir eu un réel coup de cœur pour un artiste qu’il a lancé il y a de cela quelque temps. « Pardon, c’est juste que j’aime beaucoup un artiste que vous avez promu. » que je lui dis tout timidement. Il est impressionnant dans son silence et avec son regard qui vous transperce l’âme. Pourtant, c’est sans aucune hésitation que je prends place face à lui, jambe en tailleur, sourire qui ne s’efface jamais. « T'as déjà essayé? » Et je me retrouve avec son ukulélé entre les mains. Je le prends contre moi, place mes doigts sur les cordes, tente un air, un rythme, mais échoue lamentablement. La deuxième tentative est tout aussi vaine. Ce n’est rien, j’efface tout cela dans un rire. « Je suis ne pas très doué. » Je lui rends le petit instrument qui doit être bien précieux à ses yeux. « Je préfère la scène. » que j’affirme en hochant vivement la tête. Le silence nous englobe à nouveau et je profite de l’instant présent, l'homme impose le respect.

« Pardon, c’est juste que j’aime beaucoup un artiste que vous avez promu. » « Lequel? » il a pas besoin de s'excuser, il a pas besoin d'être désolé, et d'office il se reconnait en lui Jack, la timidité qui tartine ses joues d'un rouge cramoisi. Il s'est presque emporté le canadien, il a joué aux ours mal léché et désormais il se repent non sans s'assurer de partager un peu de son univers avec un gamin aux yeux désormais un peu plus brillants.

« Je suis ne pas très doué. » c'est ce qu'ils disent tous, les premières fois, et les fois d'après. C'est normal et y'a pas de mal, absolument pas, quand il se décale sur son banc pour lui faire une place avec toute la douceur dont il est capable. Ils s'apprivoisent, et c'est beau à voir. « C'est pour ça que je suis là pour t'apprendre. » il y passerait des heures s'il le pouvait. Enseigner ses notes et partager son inspiration a toujours été ce qu'il préférait dans son art.

« Je préfère la scène. » art que Loan avance, à son tour, un peu plus confiant. Le sourcil de Jack se hausse, il arque la nuque aussi. Curieux au fur et à mesure des doigts du brun qu'il aligne savamment sur les cordes du précieux ukulele dont il est le propriétaire depuis une poignée de jours à peine même s'il s'en sent redevable depuis bien plus longtemps que ça. « Tu joues ou tu danses? » à son tour d'être curieux, à son tour de doucement entrer dans l'univers créatif de Loan sur la pointe des pieds. La journée est douce et la journée est belle, ils ont tout le temps du monde pour partager ce qui pourrait bien devenir leur terrain d'entente en période d'accalmie. Il en faut, des moments calmes à travers toute cette folie.

« Lequel? » « J’ai découvert Mostly Cloudy par pur hasard. » C’est si vieux, mais c’est bien son nom à lui qui est lié à ce groupe, tout le temps. C’était de la bonne musique, la définition même de ce que j’attends, de ce qui me fait vibrer. « Pis y a eu Dan. » Probablement l’une de mes plus belles trouvailles musicales. J’aime écouter ce que l’on entend de partout, ce qui est considérer comme mainstream, je ne vais pas le cacher. Mais souvent, j’aime prendre le temps de fouiller sur YouTube ou même Soundcloud pour tenter de trouver des petites pépites que personne ne connaît réellement, mais qui mérite tellement plus de visibilité. Il se situe là, le travail du producteur. Dans cette zone d’ombre que peu de gens prend le temps de scruter, de fouiller.

Je me sens honteusement privilégié de pouvoir m’installer à ses côtés, de pouvoir gratter les quelques cordes de ce ukulélé tendu telle une main ouverte. J’hésite, je recommence. Il m’impressionne le barbu dans ce calme et cette sérénité qu’il dégage. « C'est pour ça que je suis là pour t'apprendre. » Je relève la tête, croise son regard. Un sourire dans sa direction et déjà, je tente à nouveau. Idiot de manquer de rythme sur un instrument lorsque ma vie entière se base sur cela : le rythme. « Je vais trop vite. » que j’analyse de moi-même avant de m’asseoir un peu plus en face du producteur. Le laisser voir la manière dont mes doigts dansent sur les cordes, alors que je partage à mon tour.

« Tu joues ou tu danses? » « Les deux ? » que je questionne moi-même alors que mon regard reste fixe sur le ukulélé. On ne fait plus vraiment la différence lorsque tout se mêle. « Je fais des comédies musicales. » Il est là le résumé de ma vie. La comédie, la musique, la danse. Dans un mélange parfait qui me transporte et me fais vibrer depuis des années. Et enfin, je relève le regard, pour croiser celui toujours aussi calme de Jack. « C’est mon truc à moi. » que j’annonce en haussant les épaules.

Je tente une nouvelle chanson, quelque chose que tout le monde connaît. Somewhere Over The Rainbow. Je fredonne l’air avec facilité, la musique qui s’échappe d’entre mes doigts, elle, fait grincer des dents. « C’est une horreur. » que je ricane comme un enfant.

« Je vais trop vite. »
« Ou moi pas assez. »

C'est pas dit qu'il s'en fâche Jack, qu'il se brusque. Il sait clairement qu'il est le type le plus lent à la ronde. Il traîne du pied et il met huit plombes à s'activer en temps normal. Faut mettre le fait qu'il soit levé et posé à cette heure sur l'obligation de suivre l'horaire de production calculé à la seconde près et ce serait mentir de dire qu'il s'en amuse, qu'il se redécouvre une passion pour aller vite, pour se presser en général. Pourtant il n'est pas nécessairement celui qui râle d'office, lui-même surpris de bien s'adapter. Quand les doigts de Loan parcourent le ukulele il sourit même, Epstein. De voir que le rythme de l'un inspire celui de l'autre. « Les deux ? » il le laisse poursuivre, hoche distraitement de la tête. Ses jambes éternellement croisées en tailleur lui donnent l'air de l'ado désarticulé qu'il n'est plus depuis des décennies, pourtant aux côtés de Loan et de sa candeur solaire il se sent rajeunir d'un trait. « Je fais des comédies musicales. » en voilà un talent certain qu'il pense, le canadien, quand là où chanter et jouer lui prenait toute sa concentration, y ajouter de la danse et du jeu de scène lui paraît absolument impossible pour sa tête en l'air et ses gestes diffus. « C’est mon truc à moi. » et c'est probablement pour cela qu'il va vite - parce qu'il peut le faire. Il se fait vieux sage Jack, il relativise.

« C’est une horreur. » mais non, c'est pas si pire, qu'il excuse en silence, avant de dédramatiser le tout d'un de ses énièmes sourires chaleureux. « C'est ta première fois, aussi. » il encourage, il replace les doigts, il donne le compte, il aide, il enseigne presque. Une toux étrangère elle, vient s'immiscer entre eux, impolie. Et quand il entend le cliquetis respectif des caméras il ravale un soupir Jack, serre brillamment les lèvres en abandonnant toute bataille qu'il n'aimerait pas mener de toute manière. « Rapprochez-vous, souriez, faites comme si vous aviez du plaisir. » mais quelle horreur qu'il grommelle dans sa barbe vieille de quelques jours, avant de pouffer de plus belle à l'oreille de Loan. « T'as entendu les ordres. » il ridiculise, il se moque, il bouge pas du moins millimètre non plus, pour la forme.