La route s'étend d'un sens comme de l'autre de ses prunelles. Il s'y perd presque Jack, quand il confond kilomètre et kilomètre et qu'il n'y pas vraiment d'inconvénient. Ils ont pris plus d'avance qu'ils ne l'auraient cru, ne sont pas encore rendus à Charleville mais arrive à y voir un maigre espoir entre aujourd'hui et hier. Se perdre en début d'aventure aurait facilement pu démolir l'espoir des troupes, pourtant ils ont cumulés les bons coups depuis, et ils risquent bien de réussir la première étape du moins. Il y croit de plus en plus.

Colleen a pris le premier tour au téléphone payant pour appeler sa fille une fois qu'ils ont été assez chanceux pour trouver des pièces de monnaie sur la chaussée. Lui il s'est dit que la blague se ferait à frais virés. Elle lui avait donné l'idée sans le vouloir, Elise, elle s'était moquée de lui quand il lui racontait les dizaines de fois où il faisait le coup à ses parents, enfant. Bonjour - vous avez un appel de la part de "P'pa vient m'chercher au cinéma!" acceptez-vous les frais? Et il lui téléphone Epstein, il rigole, scande son nom, lui dit qu'il a envie de lui écrire une chanson. Pourtant, quand il s'apprête à raccrocher, il l'entend qui décroche à l'autre bout du fil.

« Entre les billets d'avion en première classe et l'appel à frais virés tu vas penser que j'en veux juste à ton fric. » il nargue, il désamorce, il trouve ça important Jack, d'ajouter une touche d'humour à leurs échanges. Pour faire comme si de rien était, ils sont passés maîtres dans l'art de - pas du tout, absolument pas. Ils sont si faciles à cerner, et ils le seront encore plus si qui que ce soit voit le sourire en coin qui se dessine sur le visage et dans la voix d'un Jack heureux d'entendre une Elise articuler à travers le combiné.


@may glitters
@elise williams

Tu passes à deux doigts de pas décrocher pour la simple et bonne raison que c'est un numéro étrange, et surtout inconnu, qui s'affiche sur ton portable. Tu sais d'ailleurs pas trop pourquoi tu as décroché justement. Acceptez-vous les frais de... C'est quoi cette connerie ? Mais la voix qui suit, tu la reconnais rapidement. Il y a ton coeur qui s'emballe alors que c'est lui, sans vraiment être lui. Pas encore. Bien sûr que tu acceptes l'appel. Il en a mis du temps avant de donner des nouvelles.

« Entre les billets d'avion en première classe et l'appel à frais virés tu vas penser que j'en veux juste à ton fric. » Tu ris doucement. Une seule petite semaine et il te manque déjà cet idiot. Tu es tellement dans la merde. Tellement. « Justement, fais ça vite. J'ai pas trop les moyens. » Et tu souris de l'autre côté du combiné. « Où est-ce que tu es rendu ? » Quand est-ce que tu reviens ? Tu espères secrètement que c'est un appel pour t'annoncer qu'il a perdu et que tu dois venir le chercher, peu importe où il est. Egoïste ? Si carrément !

« Tu es avec qui ? » Quelqu'un d'ultra nul et d'horrible à regarder ? Ça aussi tu l'espères secrètement. Il va quand même passer possiblement cinq semaines avec elle. Il s'en passe des choses en cinq semaines. Parano, toi ? Pffff. Pas du tout. Il a quand même pris le temps de t'appeler. Ça veut dire qu'il pense à toi, non ? Oui. Et c'est suffisant à calmer tes inquiétude qui n'ont pas lieux d'être. C'est chiant les choses officieuse, celles qu'on n'arrive pas a mettre le doigt dessus, celles qu'on ne comprend pas vraiment, mais qu'on ressent. Ouais. Dans la merde jusqu'au cou.

@jack epstein  

Les cliquetis de la ligne font place à des bribes de rires, de voix d'Elise à l'autre bout du fil. Ça fait combien de jours, déjà, qu'ils se sont pas parlés?

« Justement, fais ça vite. J'ai pas trop les moyens. »
« Tu vas me faire pleurer à la caméra, c'est bon pour les cotes d'écoute. »

Qu'il se moque, le musicien heureux, quand y'a pas la moindre caméra autour de lui ; il a validé quinze fois et quinze autres. Parce que ce serait con que ça soit filmé, ça, quand lui-même sait qu'il le faudrait pas. Il se fout de bien des choses Jack, il est relax au point de jamais vraiment voir le mal ou les problèmes nulle part. Mais dans leur cas, il est pas idiot, il comprend, il sait que ça la mettrait elle dans la merde - et jamais, jamais il voudrait que ce soit le cas.

« Où est-ce que tu es rendu ? »
« Près de Charle- de la première destination. »

Et il se rattrape de justesse Jack. Parce que même si y'a personne pour le surveiller, il sait aussi que cette variable-là doit rester le moindrement secrète. Que la destination de la semaine aurait pu être changée pendant l'enregistrement, qu'il y aurait pu y avoir des modifications de dernière minute au montage. Oh qu'il essaie de bien se comporter Jack, oh qu'il tente d'être un participant honnête, quand il le fait pas juste pour lui, certainement pas, mais aussi pour - « Tu es avec qui ? » voilà. « Elle s'appelle Colleen, elle est anglaise. » et elle est cool, relax. Elle se prend pas la tête, elle a un enfant, un genre de copain qui l'attend à Brisbane aussi. Et elle mérite de gagner, il l'a décidé. Mais Elise s'en fout de ça, non? « J't'ai pris un souvenir. » ça par contre, il espère qu'elle s'en fout pas.

« Près de Charle- de la première destination. » Il reste vague. Il répond à moitié. Wow. C'est qu'il respecte son contrat de confidentialité. « C'est moi qui paie et tu réponds même pas à mes questions ? C'est injuste. » Tellement injuste. Où est-ce que tu es Jack ? Bon, il t'a quand même donné la moitié de la réponse. Tu pourrais facilement trouver si tu y réfléchissais juste un peu.

« Elle s'appelle Colleen, elle est anglaise. » « Elle est comment ? » Mise à part être anglaise. Ça veut rien dire ça être anglaise à part qu'elle a un accent bizarre, qu'on y comprends rien quand elle parle. « J't'ai pris un souvenir. » Et tu souris. De toute tes dents, attendrit même si c'est probablement un truc débile. Rien à faire. Il y a une option livraison express pour ce souvenir ? « Tu devrais venir me le porter. Maintenant. » Ce que tu manques de patience. Ce n'est que cinq petites semaines. Juste ça. Mais ton lit, il est tellement froid quand il n'est pas là pour le réchauffer. C'est qu'on s'habitue plus rapidement au dodo collé qu'à ceux tout seul. Elle est nulle cette émission. Elle est trop longue.

« Tu me manques.. » que tu laisses échapper tout en douceur dans un soupir. Tes paroles qui dépassent tes pensées. Toi, qui ne s'ennuie jamais, qui s'exaspère quand il rentre trop tôt. Tu aurais dû être plus insistante avant qu'il parte. Tu aurais dû le kidnapper. Tu comprends pas trop c'est quoi le but de participer à cette émission de toute façon. 100 000$ c'est vraiment si attrayant ? C'est l'argent de poche à Cosimo quand il faisait la vaisselle à sept ans. Mais il fait pas ça pour l'argent Jack. Il s'en fou de l'argent lui. Il est trop bizarre. Adorablement bizarre.

@jack epstein  

« C'est moi qui paie et tu réponds même pas à mes questions ? C'est injuste. » il pouffe de rire le grand enfant, lui qui céderait si facilement si elle le lui demandait à nouveau. Il tente de faire les choses bien et elle est moche l'ironie, quand tout ce qui se trame entre eux risque de les amener fatalement loin du bien, justement. « La vie est une série d'injustices, que veux-tu. » comme le fait qu'ils ne soient plus au Canada à jouer les hippies. Son rire est triste sur la fin, il espère de tout coeur qu'elle ne l'entendra pas même s'il n'en doute pas une seule seconde. Contrairement à lui, Elise elle entend tout.

Et lui, il entend pas les inquiétudes derrière les questions de la brune. « Elle est comment ? » il sent pas de pointe de jalousie, ni même de bribes territoriales. Il est aveugle et ça lui va, de parler de sa coéquipière avec qui y'a qu'une complicité bon enfant qui s'est étalée. « Elle est cool, tranquille. Elle fait pas de vagues, même si je nous ai perdus la première nuit. » le pauvre gars qui ressasse son échec des 24h de lancement le sourire aux lèvres. Ils se sont très bien rattrapés depuis.

Au point où il a eu le temps d'arrêter en chemin trouver un petit truc pour une Elise qu'il imagine occupée entre mille et uns événements quand le dernier auquel ils sont allés laisse encore des marques au fer rouge. « Tu devrais venir me le porter. Maintenant. » un nouveau rire transperce la ligne, il appuie son front sur la cabine quand ses doigts font d'horribles noeuds avec le fil collant entortillé. Ce sera un calvaire à détacher. « Je savais que j'aurais pas dû te dire, ça gâche la surprise. » la surprise qu'il est à deux doigts de lui donner, comme la ville, si elle presse une miette de plus.

« Tu me manques.. »
« Toi aussi. »

Le temps s'arrête, son souffle avec. Ses yeux se ferment, il inspire, quel idiot, espérant humer son parfum quand il ne sent que la terre, la sueur et la clope froide volée à un passant y'a une vie de ça. « T'as déjà fait du stop? » ils sont bons, à ce jeu-là. « Oh, et j'ai presque volé un ukulele, aussi. » celui des questions qui sortent de nulle part et des conversations qu'ils arrêtent avant même de les commencer.

« La vie est une série d'injustices, que veux-tu. » Il rit et ton sourire suit presque automatiquement. Un sourire qui se termine en froncement des sourcils à son rire, justement, qui change vers la fin. Il sonne, triste ? nostalgique ? Tu ne saurais dire à travers le combiné. C'est frustrant. Très frustrant. « C'est quelle injustice qui te rend triste ? » que tu lui demande par la suite avant de t'attaquer au vif du sujet; avec qui il est. Il est si relax Jack. Il voit rien. Il entend rien plutôt. Temps mieux. Comme ça, tu n'as pas l'air trop cinglé. « Elle est cool, tranquille. Elle fait pas de vagues, même si je nous ai perdus la première nuit » Elle est cool, alors. « Tu as l'air de bien t'amuser. » Au fond, c'est tout ce qui compte. Même si, ouais, tu préférerais qu'il gagne pas pour qu'il rentre plus tôt. En vrai, tu ne le penses qu'à moitié. Tu ne l'empêcherais jamais de rien faire. C'est pas ton genre. Surtout qu'au niveau où vous en êtes, tu n'as aucun droit sur lui et l'inverse est aussi vrai. « Je savais que j'aurais pas dû te dire, ça gâche la surprise. » « Qu'est-ce que s'est ? » Tant qu'à gâcher la surprise, aussi bien la gâcher comme il faut.

« Toi aussi. » Cette simple phrase. Ces deux petits mots. Ils suffirent à te réchauffer le coeur. Tu lui manques. Il pense à toi. Qu'est-ce que tu as besoin de plus ? Rien. Absolument rien. Juste lui et cet appel. « T'as déjà fait du stop? » « Tu poses vraiment la question ? »  Question auquel il connaît déjà la réponse. Bien sûr que non, tu n'as jamais fait de stop.  Et ce n'est pas prêt d'arriver non plus. « Oh, et j'ai presque volé un ukulele, aussi. » « C'est sûr que c'est mieux d'en voler un que de retrouver le tien. » Le fameux ukulélé perdu quelque part dans le chao de sa fille. Faudra bien que tu le lui retrouve d'ailleurs. C'est que pour ça que tu devras retourner chez lui. Pour rien d'autre.  « Passe me voir dès que tu rentres. » C'est que ça sonne presque comme un ordre. Presque.

@jack epstein  

Une seconde, une autre, un rire avec. C'est presque passé inaperçu qu'il passe - oh, and he was so wrong. « C'est quelle injustice qui te rend triste ? » « C'est pire de le dire à voix haute. » c'est pire de le dire parce qu'ils veulent pas l'entendre. Elle sait, bien sûr qu'elle sait. Que j'ai pas fait de ta vie un enfer à l'adolescence. « Tu as l'air de bien t'amuser. » ouais, changez de sujet. Ouais, parlez de Colleen et parlez de la route et parlez de la suite quand bien même la véritable suite reste entre deux. « Comment tu vas? » ça, c'est important. Envers et contre tout le reste.

« Qu'est-ce que s'est ? » si de prendre le pouls de son état est sa priorité à lui, elle, elle en a une autre par la faute d'un Jack bien trop bavard. « T'as droit à un indice. Écoute bien, c'est sérieux. » il poufferait presque, dans sa barbe pas faite. Sa barbe qui gratte sur le combiné, qui lui piquerait la joue à Elise, les lèvres, si elle était pas à l'autre bout du monde quasiment. « C'est pas du gin à l'érable. » indice de merde pour un merdeux en puissance qui se fait ricaner lui-même de sa connerie. Au moins, maintenant, ils rient.

Elle a jamais fait de stop, il sait bien, il s'en amuse. « Tu poses vraiment la question ? » pourtant, il l'imagine. Elle aurait fait une redoutable adversaire, une incroyable partenaire. Cosimo aurait été impeccable pour inscrire Elise comme Ellie a inscrit Jack. « Faudra y remédier. » qu'il lance, les idées et les projets qui s'immiscent, qui leur donnent une chance. C'est de trop il le sait, mais tant qu'il y a pas de date d'arrêtée ni de plan calé, c'est presque comme si la date n'avait jamais existée. « C'est sûr que c'est mieux d'en voler un que de retrouver le tien. » le ukulele lui, il existe. Celui qui n'est pas noyé dans les fringues sales de sa fille, celui qu'on lui a donné et qu'il a pas volé, mais il fait tout comme le p'tit bum. « Ton boulot ça, pas le mien. » de trouver l'instrument égaré, disparu. Elle avait signé pour le faire, non?

« Passe me voir dès que tu rentres. » il est muet, le soupir, celui qui se noie dans son sourire. « Passe me voir dès que tu viens dans le coin. » elle pourrait facilement venir en éclair s'il lui laissait des indices. Faut juste trouver une bonne raison, une autre et dix encore, et elle pourrait, en vrai.

« C'est pire de le dire à voix haute. » Alors tu avais vu juste. Alors, il y a ton souffle qui coupe quand tu insistes, quand tu veux tu entendres sans vraiment savoir si c'est vraiment ce que tu veux. « Dis-moi. » Par chance que c'est toi qui va recevoir la facture, ce serait tellement le pire moment pour qu'il manque de monnaie. Ton téléphone, il est bien chargé ? « Comment tu vas? » En voilà une question compliquée. Ta vie n'avais jamais été autant en montagne russe de toute ta vie. Mais malgré tout, « Bien. Ça va bien. » ouais, ça va. Tu gères mieux (?) le retour de Saül. Tu te détaches de plus en plus de cette froideur extrême chez toi, sans vraiment savoir ce qui te motive à rester, à pas lui balancer ton alliance en pleine figure. Il a bien malencontreusement perdu la sienne, lui.

« T'as droit à un indice. Écoute bien, c'est sérieux. » Bon, quel connerie il va encore sortir. « C'est pas du gin à l'érable. » Il rit Jack, et son rire, il est contagieux. Il réchauffe les âmes. Il réchauffe la tienne depuis quelques semaines du moins. « Faudra y remédier. » « Pousse pas ta chance. » Hors de question. Aucune chance. Aussi bien abandonner tout de suite.

« Passe me voir dès que tu viens dans le coin. » Tes lèvres se pincent. Ne me tente pas. Tu réfléchis quelques secondes qui te paraissent une éternité. « C'est où ça, ton coin ? » Il est où Jack ? Et là tu réfléchis pour vrai. Voyons voir si tu la connais bien ta belle Australie. Il doit pas en avoir des tonnes de Charlequelquechose. « Charle..roi ? Charle...ville ? » Tu n'en vois pas d'autre honnêtement. Alors, laquelle des deux ? Tu as le droit d'y aller au moins ? Tu n'as pas trop suivis c'était quoi les règlements de son chose. Tout comme t'as pas compris pourquoi il y allait. T'as rien suivit finalement. Cosimo il trouve ça cool. C'est tout ce que tu sais. Si l'ado wanna be rebel trouve ça cool, c'est que ça doit être cool. « Tu as vraiment envie que je vienne ? » Toi qui doute encore que tout ceci est bien réel. Vous deux. Ça ne fera aucun sens pour personne. Comme ça ne fait probablement aucun sens pour lui. Comme ça n'en fait aucun pour toi. Mais c'est là. Malgré tout. C'est là et ça se contrôle pas.

@jack epstein  

« Dis-moi. »
« Que le timing ait pas été avec nous. »

On dit que pour être heureux, on a besoin de la bonne personne au bon moment. Et voilà - il avait raison, ça fait mal. Ça fait mal et ça grince, et il sait même pas, quand il aurait été leur timing parfait. Il sait même pas si c'est possible en vrai.

Parle d'autre chose Jack, parle de ce qui compte bien plus que ton coeur qui tape sur tes tempes quand tu flirtes avec ce qu'il faut pas dire, et certainement pas quand y'a des caméras à portée. « Bien. Ça va bien. » « Bien. » il répète, enregistre, mémorise. Alors elle va bien. Sûrement parce qu'il est pas dans ses pattes à mettre du sable sur son marbre de plancher quand il est pas allé à la plage de toute la journée. « Pousse pas ta chance. » est-ce qu'elle viendra, avec lui, à la plage? « Tu peux pas m'en vouloir d'espérer. » oh que ces mots-là, aussi, ils les blessent eux bien plus que n'importe qui.

« C'est où ça, ton coin ? »
« Si j'te dis, je vais avoir besoin de ton avocat. »
« Charle..roi ? Charle...ville ? »
« Le deuxième. »

Il a baissé le ton d'un cran, il sourit par contre bien plus franchement. Un coup d'oeil par-dessus son épaule pour s'assurer qu'il est encore seul et tout roule quand il reprend la conversation avec la catégorie des faits divers. Puis, y'a les mots qui ne blessent pas du tout, ceux qui apaisent plutôt. « Tu as vraiment envie que je vienne ? » oui, bien sûr que oui. « T'es fourbe, tu poses la question juste pour entendre la réponse. » et il est fourbe, il espère qu'elle insistera pour ça autant que pour la ville. « Faut que t'aies une bonne raison, mais l'équipe de tournage bloque pas les visiteurs. » en attendant, il lui donne toutes les cartes au cas où sa réponse à elle ferait écho à sa réponse à lui.

« Que le timing ait pas été avec nous. » Il peut pas la voir la moue triste qui s'installe sur son visage. C'est probablement pas une bonne idée d'aborder tout ça par téléphone. C'est pas une bonne idée, parce que tu as juste envie de le serrer dans tes bras, mais c'est pas possible. « Moi, je le trouve parfait. » Le timing. Compliqué certes, mais parfait. Il n'aurait pas pu être avant. Il pourrait possiblement être après qui sait. Mais, oui, Jack ne pouvait pas mieux tomber dans ta vie, qu'en ce moment là. « Tu peux pas m'en vouloir d'espérer. » Pourquoi cette phrase sonne t-elle autant à double sens ? « Tu devrais espérer plus grand. » Que le stop, bien sûr, quoi d'autre ?

« Le deuxième. » Charleville, alors. Il parle comme un gamin qui ne veut pas que ses parents entendent son cou tordu. Adorable. Quand est-ce qu'il arrête d'être si charmant ? Quand est-ce que la réalité vous rattrape ? Quand est-ce qu'elle explose cette bulle parfaite ? Ah oui. Quand il saura tout de toi et toi tout de lui. Quand les secrets auront tombés, au même moment où ça fera mal. « T'es fourbe, tu poses la question juste pour entendre la réponse. » « J'entends rien, justement. » Il a pas dit oui, même si au fond, oui, tu sais que c'est ça la réponse.

« Faut que t'aies une bonne raison, mais l'équipe de tournage bloque pas les visiteurs. » Une bonne raison, alors. Qu'est-ce qui pourrait justifier de s'introduire en plein milieu d'un tournage ? « J'suis certaine que tu es assez créatif pour me faire entrer sans que personne ne s'en rende compte. Suffit d'une bonne distraction.. » Si personne sait... Ça dérange personne justement. Tu te seras faufiler sous ses draps ni vu ni connu. C'est juste ça que tu demandes, une nuit. « Quand ? » que tu demandes, alors que tu es déjà prête à prendre le prochain vol.  Dis-moi quand et j'y serais.

@jack epstein  

Il tergiverse, il diffuse, il divague. « J'entends rien, justement. » et elle le rattrape, elle rattrape le rythme et elle le rattrape lui avec. « C'est la ligne, la réception est mauvaise ici. » et elle les entend, ses sourires par contre. Peu importe la mauvaise réception elle doit les entendre ses rires avec. Ce serait mentir de dire qu'il est pas heureux, foncièrement et entièrement, de lui parler. C'était pas de la merde quand il disait qu'elle lui avait manqué.

« J'suis certaine que tu es assez créatif pour me faire entrer sans que personne ne s'en rende compte. Suffit d'une bonne distraction.. » un alibi, c'est pas ce qui est le plus difficile à imaginer. Il ira piquer une clope à un des techniciens, il filera au coin pour fumeurs, il lui fera une ouverture, elle pourra se faufiler. Les scénarios sont nombreux et certainement pas difficiles à cerner, n'en reste qu'elle, si elle vient, ils auront du mal à eux se définir à la clé. « On serait meilleurs si on avait pratiqué depuis le lycée. » il pouffe, rappelle à la nostalgie, à leur avant qui flirte avec le maintenant. Elle a dit que leur timing était parfait, il l'a retenu.

Charleville, il le lui dit sans vraiment le lui dire. « Quand ? » oh, le soulagement. Oh, le soupir qui glisse de ses lèvres et qui vient se fendre contre la cabine sur laquelle il a toujours le front appuyé. Ils ont 15 ans et des poussières en l'instant. « Ce week-end. » ils sont quel jour, aujourd'hui déjà? Il l'ignore, se fiant à Colleen qui tient bien mieux ce genre de données que lui. Son boulot jusqu'à maintenant, c'est d'aiguiller les destinations et de gérer les repas et les alliances. « On saura qui est éliminé, là. » c'est ce dont il se souvient Epstein, pour avoir entendu sa binôme dire la même à sa fille une poignée de minutes plus tôt. « Par contre faudra que tu gardes le secret. » de qui est éliminé, bien sûr. Pas de sa visite, et pas de toutes celles qui sont venues avant, qui viendront ensuite.

« Ce week-end. On saura qui est éliminé, là. Par contre faudra que tu gardes le secret. » « Je suis excellente pour garder un secret. » Il ne peut pas s'imaginer à quel point. De toute façon tu n'en a rien à faire de cette course. C'est lui qui t'intéresse et personne d'autre. Tu ne retiendra même pas qui est là, ni même qui est éliminé. Sauf si c'est Jack bien évidemment. Peut-être que tu remarquera cette Colleen si elle en vaut la peine. Peut-être. Ce week-end, donc. Tu commandes tes billets dès la seconde où tu raccroches avec lui. « Garde-moi une place bien au chaud. Je serai là. » Vraiment aucun suspense. Ouais, tu aurais probablement mieux fait de le torturer un peu, qu'il se demande à chaque heures si tu allais ou non débarquer. Qu'il y pense sans cesse. Que tu occupes toutes ses pensées comme il occupait les tiennes. Mais non, tu allais être là et il le savait déjà.

« Allez file avant qu'elle t'abandonne parce que tu lui fait perdre du temps, encore. » Tu ris doucement. C'est lui qui a avoué qu'ils s'étaient perdus par sa faute. Ça leur a sûrement coûté cher en temps. Chaque minute est importante dans une course, non ? Enfin, qu'est-ce que tu y connais là dedans ? Absolument rien. « Rappelle quand tu veux. Je rencontre mon conseiller pour débloquer un budget pour toi. » Honnêtement, tu ne t'en rendra sûrement même pas compte sur la facture du montant légèrement, microscopiquement, plus élevé. Ah oui c'est vrai, c'est pas toi qui gère les factures. Même pas les tiennes. Pour dire vrai, tu n'es même pas certaine qu'il les gère plus. Lui, ton mari d'une autre vie.

On se voit ce week-end.

@jack epstein  

« Je suis excellente pour garder un secret. » le truc, le soucis, c'est qu'ils doivent les garder à deux les secrets maintenant. Qu'ils en ont un et plusieurs, qu'ils en ajoutent au fur et à mesure que les jours avancent et que bien vite, ces secrets-là en auront d'autres qui s'y grefferont bien plus mal, bien plus fort encore.

Il s'en fout, rien à battre, rien à faire des secrets et de leur potentiel à éclater au grand jour quand elle souffle, qu'elle sourit, et qu'elle confirme aussi. « Garde-moi une place bien au chaud. Je serai là. » il hoche de la tête de la positive l'idiot fini, maintenant qu'il oublie qu'elle est pas devant lui et qu'elle le verra pas dire oui comme stipulation. Alors il le souffle, son oui qui sonne comme un c'est dans combien de dodos tellement enfantin et tellement ridicule et tellement pathétique qu'il se félicite de l'avoir laissé glisser sur ses lèvres en mode murmure inavoué. Elle a tout entendu encore, pour sûr. « Allez file avant qu'elle t'abandonne parce que tu lui fait perdre du temps, encore. » « J'suis pas si pire. » oh oui, qu'il l'est. Il l'est parce qu'il va probablement ajouter une bonne poignée de minutes supplémentaires à sourire niaisement comme le plus grand des imbéciles, à se fumer une clope et à rejouer l'appel sur trame d'une mélodie qu'il accompagnera de son ukulele volé avant de rejoindre Colleen pour la suite du trajet.

« Rappelle quand tu veux. Je rencontre mon conseiller pour débloquer un budget pour toi. » un nouveau rire, le coup du "non toi raccroche" qu'il garde en stand by, justement parce qu'il va rappeler. Il sait pas quand il pourra, il sait pas si ce sera avant ce week-end ou après, mais il sait qu'il le fera. « On se voit ce week-end. » qu'il laisse glisser, qu'il cède finalement, une fois la tonalité qui lui confirme qu'elle a raccroché.