Trois jours et trois nuits de course et il en était désormais certain : le plus frustrant ce n’était pas la balise qui sonnait la fin de la course à dix-neuf heures, c’était la balise qui tardait à sonner le début de la course le matin, quand se montrer un peu plus matinaux aurait pu le faire gagner tellement de temps. Si Tommy s’écroulait littéralement de fatigue une fois le soir venu, les journées de course n’étant de tout repos ni pour le corps ni pour l’esprit, il n’était pas encore parvenu à se défaire de cette habitude le tirant des bras de Morphée quelques minutes avant trois heures et demi, soit l’horaire exact à laquelle sonnait chaque matin sa montre lorsqu’il allait travailler. Il avait tout le temps dès lors de constater que Bob le cameraman – il leur avait depuis révélé son véritable prénom, mais Tommy continuait de l’appeler Bob – ronflait comme un tractopelle sur la dernière partie de sa nuit, et que Love possédait un sommeil agité … dans les deux cas, il s’était cependant gardé de tout commentaire à ce sujet.

Lorsque les premières lueurs du jour étaient apparues il s’était donc glissé dehors aussi silencieusement que possible, accueilli par une très légère brise lui arrachant un soupir d’aise – elle ne durerait pas, bientôt l’air serait à nouveau aussi sec que le paysage, raison de plus pour en profiter. Leur hôte était déjà levé, son vieux tacot ne les emmènerait pas loin mais il avait promis de les déposer à la station-service à quelques miles de là, où ils auraient plus de chance de trouver une bonne âme susceptible de les prendre en stop. Tommy regrettait un peu la facilité du premier jour, et le trajet jusqu’à Toowoomba confortablement installés dans un wagon de train régional … Mais ce n’était probablement pas ce qu’il y aurait de plus passionnant à regarder depuis sa télévision. Paraît-il qu’un autre binôme avait trouvé asile dans les environs, dans une autre de ces bicoques un peu brinquebalantes supposées former un quartier à ceci près qu’ils étaient littéralement au milieu de nulle part.

Au milieu de nulle part, avec le jour qui se levait tout juste et les nuances orangées qui coloraient le ciel, et là-bas juste au bout du sentier, une silhouette qui marchait dans sa direction. Rageusement, ou disons vigoureusement, mais il fallait au moins s’être levé du pied gauche pour avoir une telle démarche au saut du lit. Peut-être qu’elle n’avait pas dormi. Peut-être qu’elle avait mal dormi. Peut-être qu’elle avait dormi en mauvaise compagnie, ou peut-être un mélange de tout cela … Allez savoir. Qu’elle soit une concurrente ne lui avait même pas traversé l’esprit, à vrai dire, et au demeurant il n’avait pas plus de preuves pour avancer qu’elle ne vivait pas dans ce bled paumé qu’elle-même n’en avait pour l’affirmer à son sujet. À cet instant ils n’étaient que deux ploucs au milieu de Ploucland.

@IVY WATERHOUSE & @MAY GLITTERS

Il est bien trop tôt. Bien trop. J’ai mal dormi. Déjà, je n’avais qu’un lit une place. Même quand j’étais gamine j’avais un lit 2 places. Comment je suis censée pouvoir dormir dans de bonnes conditions quand j’ai un lit pareil ? Et le matelas, j’en parle même pas. Les coussins étaient presque inexistants. C’est scandaleux de laisser les gens dormir aussi mal. Résultat, je suis épuisée, et, surtout, je suis levée bien trop tôt à mon goût. Le soleil n’est même pas levé encore, je déteste le monde entier ce matin. Mais surtout Martin qui lui arrive à trop bien dormir. Je ne peux même pas râler sur lui. J’ai eu beau me racler la gorge des dizaines de fois, tousser encore plus de fois, rien à faire pour le réveiller. Alors je marche, encore. Décidément, je marche souvent quand je rage, ça m’aide pour l’aventure finalement. J’aurais envie de partir maintenant parce que je suis réveillée et que je déteste attendre. Je n’ai même pas l’heure sur moi, toujours pas de téléphone. Et j’ai faim, mais personne n’est réveillé dans cette foutue baraque. Alors je sors je marche et je grogne alors que personne ne m’entend.

Les bras croisés sur la poitrine j’avance, je ne sais pas où je vais mais j’y vais presque en courant. J’espère que je n’ai pas de cerne, s’il y a une quelconque marque de fatigue sur mon visage, là, je suis capable de faire un scandale et un procès à l’émission. J’avance, j'avance. Toutes les maisons ont l’air aussi pourries les unes que les autres. Mais c’est quoi ces villes par lesquelles Martin nous fait passer ? Je ne comprends pas. Il y avait pas une ville comme Sydney sur le trajet ? J’aurais dû mémoriser des cartes avant de partir. Il y a un type sur une terrasse qui regarde dans ma direction. Il risque de prendre toute ma mauvaise humeur dans la figure s’il ne dégage pas rapidement. Il ne dégage pas, tant pis pour lui. “Quoi ? Tu veux ma photo peut-être ? T’as jamais vu quelqu’un marcher le matin ?” Je ne fais normalement pas partie de ces gens qui marchent le matin.


@Tommy Warren

Il ne la connaissait pas. À la manière dont elle avançait vers lui il en avait douté un quart de seconde, mais à mesure qu’elle se rapprochait il en était plus que certain : il n’avait jamais vu cette demi-portion blonde avant aujourd’hui, et s’il s’avérait être la cible de sa colère – ce qui restait encore à prouver – ce ne serait probablement que parce qu’il avait le malheur de se trouver sur son chemin au mauvais moment. Pas de quoi le dissuader quitter le petit bout de route sur lequel il s’était avancé cela dit, trop heureux de sentir les premier rayons du soleil réchauffer doucement sa peau … Un contraste assez saisissant avec la froideur avec laquelle la nouvelle venue lui avait finalement craché « Quoi ? Tu veux ma photo peut-être ? T’as jamais vu quelqu’un marcher le matin ? » en arrivant à sa hauteur, mettant à mal la plus élémentaire des politesses. S’armant en retour d’un brin de cautèle mais tout en refusant de se laisser démonter pour si peu, Tommy avait croisé les bras et l’avait jaugée des pieds à la tête avant de rétorquer « Bonjour, belle journée en effet, merci beaucoup. » d’un air placide. C’était donc vrai, ce que l’on disait à propos du manque de politesse des « jeunes d’aujourd’hui » ? Car à première vue la donzelle n’avait pas l’air bien vieille, le brun lui aurait donné vingt-quatre, peut-être vingt-cinq ans grand maximum … Une génération d’écart en somme, bien suffisant pour qu’il se sente en droit d’émettre un jugement de valeur sur cette simple phrase qu’elle lui avait balancé à la figure pour soulager Dieu savait quelle frustration. « Pas étonnant que l’on croise si peu de touristes dans les environs, si vous les accueillez tous de cette façon … » Elle ne rendait clairement pas service au cliché déjà persistant des habitants des terres, que les mauvaises langues disaient un « un peu rustres » … Une chose était en tout cas certaine, Tommy n’aurait pas souhaité se voir ouvrir la porte par cette demoiselle lorsque Love et lui avaient fait le tour des maisons la veille au soir, dans l’espoir de trouver un endroit où dormir.

Soudain, le regard du brun avait été attiré par un mouvement furtif sur le sommet du crâne de la jeune femme, entre ses mèches blondes comme les blés. Et puis finalement une, deux paires de pattes, trois, quatre paires de pattes qui s’agitaient tranquillement, sa propriétaire semblant parfaitement à son aise d’avoir pris ses quartiers comme passagère clandestine sur le crâne d’une habitante. S’éclaircissant la gorge, Tommy avait désigné le visage de la jeune femme du menton « Hm, tu as une … hm, juste là … » et finalement passé une main au-dessus de ses propres cheveux pour lui indiquer d’en faire de même et tenter de se débarrasser de l’intruse. Une araignée, donc. De taille raisonnable pour l’Australie, dirait-on, mais laissant le soin à la jeune femme de réaliser la chose il en avait profité pour se faire la remarque qu’il préférait la bestiole sur la tête de Miss Grincheuse que sur la sienne, qu’on se le dise. Et puis si cette fille était du coin, ce n’était pas une petite araignée qui devait lui faire peur, hm … ?

@IVY WATERHOUSE

C’est moi ou tous les gens sont chiants ici ? A chaque fois ils viennent me parler alors que je suis énervée. Oui je suis souvent énervée et alors ? Là j’avais juste envie d’être tranquille sur la route et pester contre Martin qui est bien trop long à se lever, et ce lit qui était vraiment affreux pour mon dos. Comment les gens d’ici peuvent dormir correctement dans de tels endroits. Ca reste un mystère pour moi. Et souvent, je me demande ce que je fais ici, pourquoi je ne suis pas tranquillement dans mon lit dans mon appartement à me remettre d’une gueule de bois un peu trop violente. La compétition, toujours, c’est ce qui me maintient aussi motivée à passer la ligne d’arrivée la première. Je grogne quand il répond à ma question comme si je lui avais dit bonjour, ou comme si je lui avais demandé comment ça allait. Je le regarde, les yeux ronds, étonnée. Est ce qu’il pense vraiment que je suis une fille qui vit dans ce genre de ville ? Là il pourrait vraiment commencer à m’énerver. Comme si je ne l’étais pas déjà assez. “J’ai vraiment l’air d’une fille qui vit ici ?” Il n’y a qu’une seule bonne réponse à cette question.

Mais le brun reste devant moi, je ne le connais pas. Ou du moins je ne le reconnais pas. Je l’ai déjà dit, je vois trop de visage, trop de gens, et je ne peux pas me souvenir de tout. Alors je me demande pourquoi il me regarde comme ça, je ne sais pas s’il me regarde moi ou s’il regarde quelque chose derrière moi. Alors je me retourne, pour vérifier. Ce type a l’air complètement taré. “Tu peux pas finir tes phrases ?” Il bégaie presque et me fait comprendre que j’ai quelque chose dans les cheveux. “J’ai une bête dans les cheveux c’est ça ?” S’il finissait ses phrases je n’aurais pas eu besoin de poser la question. “Faut enlever ça.” Et autant dire que je ne hurle pas mais je n’ai pas du tout envie de passer mes mains dans mes cheveux.

Elle s’agitait, s’agaçait, semblait animée par un désir inconscient d’être toujours remarquée même pour quelque chose d’aussi trivial qu’une marche en pleine nature, et elle lui rappelait un peu ces filles qui venaient en troupeau au McTavish et riaient plus fort que la moyenne dans l’espoir d’attirer l’attention et d’être servies plus vite. C’était d’abord l’attitude, puis était venue la façon cinglante dont elle avait rétorqué « J’ai vraiment l’air d’une fille qui vit ici ? » comme s’il venait là de les insulter elle et toute sa famille – qui ne vivait donc pas ici. Mais plutôt que de lui faire le plaisir d’admettre que non, il avait haussé les épaules avec toute la nonchalance dont il était capable et s’était fendu d’un « Plutôt, oui. » narquois. L’idée qu’il puisse toutefois s’agir d’une concurrente faisait peu à peu son chemin dans son esprit, et déjà il se surprenait à songer que si tel était le cas, il était bien content d’avoir eu de la chance à la roulette russe des attributions de binômes … À l’évidence, ce n’était pas le cas de tout le monde.

Il n'avait pas eu l'occasion cependant de s'appesantir plus longuement sur la question, puisque son regard avait été attiré par la bestiole visuellement peu engageante qui s’abattait au milieu des mèches blondes de son interlocutrice. « Tu peux pas finir tes phrases ? J’ai une bête dans les cheveux c’est ça ? » Se contentant d’acquiescer d’un signe de tête, il l’avait vue s’immobiliser et lever les yeux vers le ciel comme si elle avait eu la moindre chance d’apercevoir la coupable de cette façon. « Faut enlever ça. » Et donc ? Un peu incrédule, Tommy l’avait toisée du regard tandis qu’elle le fixait toujours sans bouger. « Il est pas question que je touche à cette chose. » avait-il alors fait remarquer, puisqu’elle semblait s’imaginer qu’elle pouvait lui donner des ordres comme s’il était à son service. Ses cheveux, son problème … Il l’aurait peut-être aidée si elle lui était apparue sympathique, mais là cela lui semblait être un retour de karma totalement mérité. « Elle est peut-être venimeuse, tu devrais faire attention. » Il y avait en réalité peu de chance, cela ressemblait à une araignée commune – dans l’apparence du moins, pas dans la taille – mais faire monter un peu la pression était trop tentant pour que Tommy ne songe à s’en priver. Heureusement pour lui que Jimmy et sa caméra n’étaient pas là.

@IVY WATERHOUSE

Je fronce les sourcils et lui lance le regard le plus noir que j’ai en banque. J’ai l’air d’une fille d’ici ? D’une campagnarde qui ne sait pas utiliser un téléphone correctement ou s’habiller de manière correcte ? C’est scandaleux qu’il pense un truc pareil, vraiment. Je ne réponds même pas, je lui montre juste mon corps de bas en haut. Je ne suis pas d’ici, pas de la cambrousse australienne je vaux bien mieux que ça. Je souffle, pourquoi tous les gens que je rencontre sont aussi insupportable et débile ? Il n’y en a pas une pour rattraper l’autre, et oui pour le moment je mets mon binôme dans le même lot. Je ne parle pas beaucoup plus, mes grognements et mes expirations parlent pour moi et ça suffit largement pour me faire comprendre j’en suis certaine.

J’ai une bête dans les cheveux. Je ne me mets pas à hurler mais je ferme les yeux, de peur que cette chose soit dangereuse. Et le type est vraiment inutile jusqu’au bout puisqu’il ne cherche même pas à m’aider. Super comme situation, j’aurais mieux fait de rester dans la maison malgré ma mauvaise humeur. Parce que, si sortir devait me calmer, c’est en train de faire absolument tout le contraire. Je lui dis qu’il faut l’enlever et il me regarde comme si j’étais une extra terrestre. Super courageux l'australien de la cambrousse. “Sérieusement ?” Je commence à hausser légèrement le ton là, et rien à foutre de réveiller la totalité du village parce que s’il ne m’aide pas je vais me mettre à hurler très fort. “Je vais te la faire bouffer et on verra lequel des deux devra faire attention.” Je panique un peu, je ne sais pas quoi faire, je n’ai jamais appris à me débarrasser d’une araignée qui a l’air énorme vu la panique dans le regard de ce type. “Tu vas vraiment me laisser comme ça ?”

Bien que pas particulièrement animé par la flamme de l’abnégation, Tommy n’était pas du genre à laisser quelqu’un en galère si on venait lui demander de l’aide … Ceci étant dit, il perdait assez vite son sens du devoir lorsque la personne en face de lui s’avérait manquer de la sympathie la plus élémentaire, et à ce sujet la blonde qui venait de croiser sa route – de se planter au milieu de son chemin, plus exactement – n’était pas en reste. Et surtout personne n’était là pour les filmer actuellement, un fait trop rare ces temps-ci, et auquel le brun se sentait de profiter même au point de forcer un peu sur la mauvaise foi. « Sérieusement ? » Elle ne semblait pas des plus habituées à se voir essuyer un refus, et bien que profiter ainsi de la situation fasse probablement de lui quelqu’un de pas beaucoup plus sympathique qu’elle il n’avait pas su résister à l’envie de souffler sur les braises. « Je vais te la faire bouffer et on verra lequel des deux devra faire attention. » Probablement parce qu’il souvenait d’avoir soulevé cette éventualité lors de son entretien avec la production de l’émission, la remarque de la jeune femme lui avait arraché un bref ricanement, après quoi elle avait questionné d’un ton maintenant plus paniqué qu’en colère « Tu vas vraiment me laisser comme ça ? » … Et comme souvent, malgré lui, Tommy avait commencé à sentir les remords lui peser sur les épaules. S’agaçant lui-même de sa propre incapacité à tenir son mauvais genre sur la longueur, il avait vaguement roulé des yeux « C’est bon, chouine pas, j’suis pas un monstre non plus. » Elle pourrait bien sûr raisonnablement en douter, mais peut-être parce qu’elle se savait en mauvaise posture elle n’avait pas osé protester lorsqu’il s’était mis en mouvement – il allait l’aider, puisque c’était si gentiment demandé. Sur le perron d’où il se tenait jusque-là, un parapluie qui semblait ne pas avoir servi depuis des lustres prenait sagement la poussière ; Cela ferait amplement l’affaire. Le brandissant théâtralement dans la direction de la jeune femme en intimant « Ne. Bouge. Pas. » il avait tenté de faire déguerpir la bestiole de la chevelure dans laquelle elle s’était emmêlée, non sans résister à l’envie de faire remarquer « Qu’est-ce que tu es venue foutre dans ce bled, si tu gères pas les petites bêtes ? » Lui avait au moins l’excuse de cette émission de télévisée, quand bien même il faisait probablement moins tâche qu’elle dans le paysage … Son côté vaguement rustre, probablement.

DÉDÉ:

Je n’aime pas vraiment les bestioles, mais on ne peut pas dire que je sois du genre à être facilement terrifiée non plus. N’importe quelle fille se serait sans doutes mise à hurler à plein poumon en suppliant d’avoir de l’aide avant de finir dévorée par cette araignée que je n’ai même pas encore vu mais dont je sens les pattes tricoter sur le dessus de mon crâne. Je tente de rester calme, mais cet abruti en face de moi n’a pas l’air de vouloir m’aider. Il est tôt, trop tôt, et je me fais attaquer par une bête énorme, autrement dit ma journée commence très mal et je passe mes nerfs sur la première personne que je croise. Donc lui. Je ne sais pas qui il est, je ne l’ai jamais vu et pourtant je continue de lui hurler dessus juste parce qu’il est là et parce qu’il ne s’est pas jeté sur cette araignée pour la déloger de mes cheveux.

Je râle, je le regarde pour savoir s’il est vraiment sérieux. S’il l’est je cherche déjà un moyen pour l’éliminer de la surface de la terre en un claquement de doigt quand je me serai débarrassée de cette bête. “Un monstre aussi affreux que ce truc.” Je serre les dents mais souffle légèrement quand je vois qu’il attrape un parapluie. Courageux mais pas téméraire. Je lève les yeux au ciel et tente de toute mes forces de ne pas faire de remarque sur ce parapluie dans un état pitoyable, je dirai quelque chose s’il a le malheur de toucher ma tête en enlevant cette araignée. “Te. Loupes. Pas.” Je parle sur le même ton, et je me méfie de ce que le jeune homme peut faire. Je surveille chacun de ses faits et gestes, je ne ferme pas les yeux une seule seconde. “Je pensais pas qu’une émission de télé réalité nous laisserait dormir dans des endroits aussi affreux.” Je pensais qu’au moins moi j’aurais des passes droits, il faut bien qu’ils gardent leur meilleure candidat non ?

Je sens l’araignée qui s’accroche au parapluie et je me décale vivement en passant mes mains dans mes cheveux emmêlés. Et, quand je tourne à nouveau la tête vers le jeune homme je me rends compte que la bête se rapproche de lui rapidement en courant sur le parapluie plein de poussière. Et je ne peux retenir un léger rire. “Si elle te grimpe dessus j’ai pas de deuxième parapluie pour l’enlever.” Et je n’irai jamais enlever ça avec mes mains.

L’ironie pour Tommy était d’avoir vécu successivement dans deux pays où le rapport aux animaux et au ratio entre leur taille et leur dangerosité était totalement différent – pour ne pas dire diamétralement opposé. Et si au Canada plus la bête était grande et plus ses crocs étaient acérés plus dangereuse elle était, en Australie c’était bien souvent les plus petites qui se révélaient les plus coriaces. D’être né et d’avoir grandi dans ce pays avait cependant au moins l’avantage d’avoir très tôt initié Tommy à la faune et à la flore locale, d’autant plus après les années de scoutisme que lui avaient imposé ses parents pour « canaliser son énergie » dans son enfance, et dont il soupçonnait surtout qu’ils en aient fait un excuse pour ne pas l’avoir dans les pattes … Bref, toujours était-il que dans le cas présent, l’araignée logée dans les cheveux de Miss Australia était aussi laide à la vue qu’elle était inoffensive. N’en déplaise à la blonde, qui s’était fendue d’un « Un monstre aussi affreux que ce truc. » aussi insultant pour l’insecte que pour celui qui, bon gré mal gré, avait tout de même décidé de lui venir en aide – pour améliorer son propre karma bien plus que parce que la jeune femme lui semblait le mériter, tho. « Te. Loupes. Pas. » La mission était plus grotesque que périlleuse, et faisait se demander à Tommy quelle mouche l’avait piqué pour ne pas simplement se forcer à rester au lit, au moins jusqu’à ce que leur hôte à Love et à lui soit levé. « Je pensais pas qu’une émission de télé réalité nous laisserait dormir dans des endroits aussi affreux. » Un quart de seconde déconcentré par cet aveu, et donc la conclusion implicite qu’il avait affaire à l’une de ses concurrentes, il avait fait mine de rien et rétorqué « La prochaine fois inscris-toi plutôt à Big Brother, t’auras une piscine et des cocktails. » Du moins il lui semblait que c’était le genre de choses auxquelles on avait accès dans Big Brother … Mais il n’était pas vraiment amateur de télévision en réalité. Ironique, puisqu’il était là. « J’y … suis … presque. C’est bon ! » Décrochée de la chevelure de la jeune femme, l’araignée s’agrippait désormais fermement à la toile du parapluie … qu’elle avait alors entrepris de remonter à une vitesse que Tommy n’avait pas soupçonné. « Bordel de … AH ! » Ricanant sans aucune honte, la baroudeuse de pacotille avait commenté « Si elle te grimpe dessus j’ai pas de deuxième parapluie pour l’enlever. » d’un ton moqueur, et sans réfléchir le brun avait tout bonnement jeté le parapluie dans un buisson tout proche. « Merci de ton aide, princesse. » qu’il avait alors marmonné d’un ton mauvais. Hors de question qu’il aille récupérer le parapluie, qu’il reste là où il était et la bestiole avec. Désormais suffisamment réveillé et de mauvaise humeur, faire la conversation avait cessé de faire partie de ses plans, et se fendant d’un « Allez, on se voit à Charleville. » bougon dévoilant ainsi son statut de concurrent il avait offert un sourire exagérément agacé à la blonde et s’en était retourné à l’intérieur de la bicoque, avec la désagréable impression désormais qu’une araignée imaginaire lui grimpait sur le dos ou le long des bras. Brrr.