On a vraiment de la chance de cocu. On l’a aussi joué solo en repartant directement avec le couple alors que Grace et Isy nous ont clairement aidé à trouver cette fête. Mais tant pis, ROA, c’est chacun pour sa gueule non ? L’alarme incendie nous a fait quitter la fête des voisins plus tôt, mais Sienna et moi on s’est empiffré comme des porcs durant les 10 minutes pendant lesquelles on est restés là-bas. Arrivé dans l’appartement du couple, on a discuté un peu avec eux, Sienna m’a enfin passé ma clope, je me suis détendu en prenant ma douche, et la femme m’a prêté son ordi pour qu’on puisse s’avancer sur notre itinéraire. Une aubaine d’être tombé sur eux. J’abuse de leur hospitalité en demandant si je peux emprunter leur téléphone pour appeler Amos. De tous ceux que j’ai laissé sur Brisbane, c’est Amos que j’appelle en premier. Ca fait un jour qu’on s’est quitté, un jour qu’on s’est pas parlé, mais je sais pas quand je vais pouvoir l’appeler sinon, alors j’en profite.

Son numéro de téléphone, je le connais par cœur. C’est le premier que j’appelle en toute circonstance, et j’ai appris à le mémoriser à force de perdre mes contacts lorsque je changeais de téléphone. Je pianote son numéro rapidement, et je prie pour qu’il me réponde. Peut-être qu’il est avec sa blonde, peut-être que Sarah est venue l’emmerder, dans tous les cas, j’ai 15 minutes à lui accorder avant d’aller me coucher, il peut bien laisser tomber ses plans pour moi, non ? Ca sonne pendant une bonne quinzaine de secondes, et sa voix rauque vient finalement briser le tuuuut-tuuuut régulier.

« Allo Amos ? C’est Greg. » Il a décroché et j’ai pas caché mon enthousiasme. « Bon alors, comment tu vas mon vieux ? Tu survis sans moi ? »

@Amos Taylor @May Glitters

J’ai cru à une blague lorsque j’ai reçu le message de Greg m’annonçant qu’il participait à une émission de téléréalité et, dès lors que mon frère m’a confirmé son inscription, je me suis sincèrement demandé quelle mouche les avait tous piqués. Tous, parce qu’ils n’étaient pas les seuls. Jack Epstein s’est lui-même lancé dans l’aventure et j’avoue que je suis pressé de regarder au minimum une émission, que je puisse me faire une idée de concept, histoire de comprendre également ce qui les a poussés. En attendant, je suis inquiet. J’ai l’impression d’avoir été amputé de mon entourage le même soir et, tandis que Rae, endormie dans mes bras, se repose, je m’interroge : que font-ils ? Où sont-ils ? Je suis inquiet également, mais moins pour mon frère que pour Greg. Liam est un habitué du voyage. Je suis certain qu’il s’en sort comme un chef, mais Morton ? L’âge nous empâte, on va cesser de se mentir. Je n’ai plus la vigueur de mes trente ans et lui non plus. Au moins sommes-nous assez sportif pour limiter les dégâts, mais est-ce que cela suffira ?

Dans mes bras, ma dulcinée se retourne. Je la serre un peu plus contre moi. J’embrasse son crâne à travers ses cheveux. Je les respire et peu à peu le sommeil me gagne. Je me laisse bercer par sa respiration, je la rejoins auprès de Morphée quand soudain, sur la table de chevet vibre mon téléphone. J’ai sursauté d’emblée et, si j’ai maudit mon interlocuteur, ça n’a pas duré longtemps. Greg depuis je ne sais quel village paumé d’Australie est à l’autre bout du fil. « Greg…attends, attends. » lui ai-je chuchoté en sortant du lit dans l’espoir que le déplacement ne réveillera pas l’endormie. Risqué, mais le pire est évité et je me réfugie dans le salon. « Je suis content de t’entendre. Mais, c’est moi qui devrais te poser la question. Ça se passe comment ? Raconte ? Tu as pas fait une crise d’asthme ? Ou une crise de goutte ? »

Il chuchote et j'en déduis qu'il n'est pas seul, et surtout qu'il cherche à faire le moins de bruit possible. Raelyn doit lui tenir compagnie, tant mieux, il n'est pas seul. « Vous dormez déjà ? Il est que 22h, tu prends vraiment le rythme d'un petit vieux dis moi. » Je le charie, je vais devoir rattraper toutes les vannes que j'aurais pas pu faire en 5 semaines.

« Je suis content de t’entendre. Mais, c’est moi qui devrais te poser la question. Ça se passe comment ? Raconte ? Tu as pas fait une crise d’asthme ? Ou une crise de goutte ? »

J'explose de rire. Moi, je peux faire tout le bruit du monde, personne ne dort encore. « Ça va j'suis vieux mais pas au point d'avoir la goutte quand même. » que je rétorque, toujours un sourire espiègle fixé sur mon faciès. « Je suis chez un couple super sympa ce soir. On a atteint Dalby. Première journée plutôt réussie. » Je commence mes explications, tout enthousiaste d'avoir quelqu'un que je connais à qui partager mes aventures de la journée. J'aurais pu m'étendre auprès de Grace, mais je suis parti come un voleur sans même l'avoir remerciée de nous avoir trouvé un endroit pour nous remplir le bide. « Et tu sais pas quoi ? J'ai même réussi à me trouver la moitié d'un paquet de clopes. Si c'est pas beau ça. » Paul m'a clairement sauvé, qu'elle idée aussi de s'inscrire à une aventure pareille quand on sait que je suis addict à la nicotine. « Bon, et toi alors, ta blonde est blottie contre toi en cette soirée ? Comment vont tes côtes ? » que je lui demande, conscient que ce genre de blessures ne se réparent pas en une seule nuit.

« Ouais. Je suis allé jouer hier soir. Elle m'a accompagné. On a beaucoup dormi la nuit passée. On est même rentré très tôt dans la matinée si tu veux tout savoir. » me suis-je défendu de sa taquinerie en avortant toutes pensées goguenardes éventuelles. Je n'ai pas de problème avec les allusions licencieuses, mais je suis plus susceptible quand il s'agit de Raelyn. Elle n'a rien à faire au milieu d'une blague inconvenante. Elle vaut mieux que ça et, si j'ai souri, la voix ne suit pas. Je préfère d'ailleurs me concentrer sur lui, sur son expérience et, puisqu'il m'a comparé à un petit vieux, je lui prête les maux des septuagénaires. Au moins ai-je le mérite de l'amuser et j'imagine aisément que vu l'expérience qu'il est en train de vivre, ça doit lui faire du bien. Je n'ose imaginer le stress d'être lancé dans une ville avec un dollar en poche pour s'y déplacer. « Dalby ? Mais vous partiez d'où ? » Avec l'armée, j'ai beaucoup baroudé, mais ça me semble le bout du monde de le savoir aussi loin. Sans doute parce que l'émission m'a amputé de bien d'autres proches, dont Liam. « Top ! Pas de couac donc. Tu as rencontré les autres participants ? » Je n'ai pas souvenir de lui avoir présenté mon petit frère. Je ne me rappelle pas non plus qu'il se soit déjà croisé et je me demande s'ils ont eu l'occasion de discuter avant le début de l'aventure. La coïncidence est tellement énorme que je ne peux m'empêcher de la partager. « Mon frère participe. C'est un de tes concurrents. Et, top pour ton paquet de clopes. Si tu étais pas célibataire, je t'aurais encouragé à raccrocher pour vérifier que tu étais pas cocu. Mais, vous n'avez pas le droit d'avoir vos cigarettes ? » Je ne suis tellement pas un féru de télé-réalité que j'ignore les règles qui régissent l'émissions. « Sinon ouais. Elle est là.» Comme souvent et pour mon plus grand plaisir. Je ne dors jamais aussi bien que lorsqu'elle est à mes côtés. «Sinon, ça va mieux. Je suis allé chez le médecin parce que j'ai eu un peu de mal à m'économiser, du coup, ça guérissait lentement, mais j'ai de moins en moins de douleurs résiduelles. Mais, dis-moi ? Ton binôme ? Féminin ou masculin? » La question vaut la peine d'être posée : je ne serais pas surpris qu'ils reviennent avec une conquête de plus à son tableau de chasse, mon dragueur de pote.

Amos me raconte sa soirée, et justifie par la même occasion la présence de Raelyn dans son lit. Il veut certainement me prouver aussi qu’il n’est pas vieux, qu’il peut encore faire la fête jusqu’au lendemain. Et il l’a fait, il est rentré à l’aube, mais il est au lit à 20h. « Pour moi de toute façon, t’es vieux. Ca sert à rien de justifier tes sorties ou tes galipettes au lit avec ta blonde, je reste sur ma position. » Je le taquine, il le sait bien que je me moque. Il m’interroge sur mon itinéraire, et c’est avec fierté que je lui annonce qu’on a atteint Dalby relativement facilement. « Yup, j’ai rencontré un binôme de mongole avec une nana sapée avec des trucs à ras la fouf, et on est tombé sur Grace et son binôme aussi. C’est eux qui nous ont trouvé une fête pour qu’on puisse se remplir le bide. Et non du coup, on pouvait pas prendre nos clopes, mais on a profité de la soirée pour remplir un peu le paquet. » que je finis par lui dire, tout enthousiaste. On a réussi à manger et à se loger sans payer, en grand partie grâce à ma belle-fille, et je me rends compte qu’on est partis sans lui dire merci. J’espère qu’elle ne nous en voudra pas trop, mais après tout, le jeu c’est le jeu. Amos me dit que son frère participe, je savais même pas, et il me parle de ses blessures. « Ok, peut-être qu'on se croisera, qui sait. Et donc toi, ça va mieux alors ? Le toubib t’a passé des trucs plus forts pour la douleur ? »

Je me marre quand il me pose la question que tout le monde attend : qui est mon binôme ? « C’est une gonzesse. MAIS. Avant que tu ne fasses une remarque : elle a même si elle est plutôt bonne, elle a 15 ans de moins que moi, donc c’est mort. » que je lui dis, sûr de moi. J’ai toujours dis que je prenais pas beaucoup plus jeune. « Je suis plutôt content, elle est vraiment cool et puis elle a l’air vraiment motivée, et compétitrice aussi. Ils nous ont bien choisis. » Je parle un peu plus bas cette fois, je voudrais pas que Sienna entende ma conversation.

« Va te faire foutre, Morton ! » lui ai-je lancés sans animosité. Les taquineries sur notre âge est monnaie courante. C’est notre mode de communication préféré. «  Et je ne me justifie pas, je partage avec moi un peu de mon quotidien. C’est ce que font les potes normalement. » Et je fais mine de bougonner alors qu’en réalité, il m’amuse. Sa spontanéité et son humour un peu limite m’ont permis, à une époque, de décrocher de mes emmerdes. Jamais longtemps. Mais qu’est-ce que ça a pu faire du bien. « Grace ? La fille de ton ex ? La photographe ? » J’appris plus tard qu’elle avait eu une aventure avec Lola, Lola qui n’aura peut-être pas supporté son absence, Lola qui s’en est allée vivre de nouvelles aventures loin d’ici. Je l’ai au téléphone de temps en temps. Elle vit sa meilleure vie et je suis fier d’elle, je dois l’admettre, fier comme je l’aurais été de Sofia si elle avait vécu ses rêves à fond. «  J’ai l’impression que tout Brisbane se retrouve dans ce  jeu. Et du coup ? Vous êtes en compétition alors. Ton grand cœur t’a dicté de lui filer un coup de main ? » Je ne serais pas surpris venant de Greg. « Et au boulot, tu as justifié comment que tu partais aussi longtemps ? » Un mois et demi, quand on est un flic, ça peut vite sembler insurmontable à ses collègues. Peut-être a-t-il laissé derrière lui une femme qui se languit de son retour le connaissant. C’est un tombeur, le Greg. Reviendrait-il au bras de sa compagne de galère que j’en serais à peine surpris. Sauf que l’âge semble le rebuté et que je me rappelle de la différence d’âge, entre Rae et moi, de la plus détestable des manières. Est-ce malsain ? « Ouais. Tu sais qu’on a dix ans d’écart elle et moi ? » Pas la peine de dévoiler l’identité cachée derrière le pronom. Il a deviné déjà. « Et, sinon, le médecin ne m’a rien donné de plus. Je vais mieux. Vraiment. C’est en bonne voie de guérison même si je t’avoue que je me suis fait un peu peur. Mais, c’est ton aventure qui m’intéresse. Tu es content donc. Qu’est-ce qui t’a motivé à te lancer dans un truc pareil ? » Je suis curieux de comprendre tant ça m’échappe. Mais, je ne juge pas, cependant. Chacun trouve son compte dans l’éventail de propositions qu’offrent la vie.

« Et je ne me justifie pas, je partage avec moi un peu de mon quotidien. C’est ce que font les potes normalement. »
« Ah parce qu’on est potes ? Merde, je l’avais pas vu venir celle-là. Ca va, ça va, je sais que tu te justifies parce que t’as peur d’être rouillé. »

Toujours plus avec lui, toujours plus avec moi. Deux potes qui se cognent jusqu’à ce que l’un tombe et que l’autre le rattrape dans sa chute pour se foutre de lui, je pense que cette image nous correspond bien. J’aborde le fait d’avoir croisé le binôme de Grace, et il me demande si c’est bien celle dont je lui ai parlé. « Yep, elle-même. Moi aussi j’ai l’impression que tout Brisbane y est, j’ai l’impression de connaître tout le monde, directement ou indirectement. J’ai pas vraiment été fair play avec elle en vrai, on s’est barré de la soirée dès qu’un couple nous a proposé un toit. » Est-ce que je m’en veux ? Un peu, mais tant pis, c’est le jeu.

« Et au boulot, tu as justifié comment que tu partais aussi longtemps ? »
« J’ai refourgué les rennes au petit Archibald, le petit couillon. Au fond, je pense qu’il est prêt, ça fait plusieurs mois qu’il me colle aux basques, il a été formé sans le vouloir »

Et puis, j’avais le droit de prendre du temps pour moi aussi, de prendre des congés après toutes ces années de dévouement, de m’éloigner un peu de tout pour me recentrer et savoir ce que je voulais vraiment. Le sujet dérive sur ma binôme, et la différence d’âge vient également sur le tapis avant qu’il ne me rappelle être l’aîné de Raelyn de dix années. « Oui, mais toi t’acceptes le rôle de sugar daddy. » que je rétorque, sachant pertinemment qu’il est certainement plus fauché que sa blonde. Il m’explique son rendez-vous chez le médecin, et je suis content que ça ait pu s’améliorer. « T’as intérêt d’être plus en forme que moi quand je reviens. » Parce que je vais certainement revenir encore plus vieux que ce que je ne suis déjà. « Ben, j’avais besoin de bouger. » Surtout, j’avais besoin de savoir si j’en étais encore capable, et si je me voyais continuer encore dans la police, je suis lassé par tout ça. « C’est tout, va pas t’imaginer que je suis en pleine crise de la quarantaine et que je teste encore mon potentiel de séduction. Je le connais déjà, ça. » Et parce que j’ai pas vraiment envie de m’étendre tout de suite sur les vraies raisons de mon départ, je me précipite pour couper court à la conversation : « Bon mon vieux, je pense que je vais pas abuser de la gentillesse du couple. J’ai cru comprendre que Sienna voulait parler à ses proches aussi, donc je vais te laisser là. Ca fait plaisir d’entendre ta voix en tous cas, je te rappelle quand je peux. Prends soin de toi d’ici là, meurs pas d’un coma éthylique avant mon retour. » que je m’autorise à lui dire, sachant qu’il essaie de réduire sa consommation. « A plus ma couille ! »[/color]

@Amos Taylor

Je l’adore, mon vieux pote. Je l’adore même si je déteste cette manière de ramener ma vie sexuelle au cœur de toutes les conversations, même s’il se sent forcé de me rappeler que je vieillis alors que, fondamentalement, il est plus vieux que moi. Je l’adore aussi lorsqu’il ponctue la différence d’âge entre Raelyn et moi en étant proche de l’insulte. Je l’adore, mais qu’est-ce qu’il me fatigue lorsqu’il oublie que je suis susceptible et que j’ai des tendances vieux jeu. Il me fatigue lorsqu’il néglige mon tempérament de principe. Il me fatigue, oui, mais ça m’a fait du bien de l’entendre. J’ai été ravi qu’il partage avec moi les quelques anecdotes de son aventure. J’ai été content qu’il choisisse de m’appeler moi alors qu’il a sans doute une brochette de potes qui aurait mérité plus que moi qu’il leur accorde un peu de son temps. Alors, je lui passe tout d’un sourire. « Tu sais, elle t’en voudra pas, Grace. Elle a toujours su que t’étais un vieux con ! » lui ai-je lancé parce que j’estime que c’est de bonne guerre. « La preuve, ton remplaçant au boulot te talonne et tu lui as cédé ta place. Tu es bientôt à la retraite, mec. Et, c’est trop tard. Je suis déjà convaincu que tu nous fais une crise de la quarantaine. Ça te pendait au nez de toute façon. » Et la mienne ? Elle est passée au bleu avec Sofia. Elle a commencé anticipativement. J’ai l’impression d’être seulement en train de m’en sortir peu à peu. Il n’en reste plus que l’alcool et je ne sais pas comment prendre cette dernière remarque alors qu’il s’apprête à raccrocher. « Greg. » l’ai-je arrêté juste avant qu’il passe le combiné à sa partenaire. « ça, c’était pas drôle, vieux. Je ne suis pas alcoolique. » Mensonge. Je le suis et je le sais, mais… «  Mais, on en reparlera. Profite de ton aventure. » ai-je finalement conclu.