Bon.

Au final, il lui aura fallu sacrifier les cinq dollars du jour et ceux de la veille. Il lui aura fallu laisser des indices sur la boîte vocale à la maison à Bayside sans rien dire de plus que des rues, des chiffres, un code secret qu'il s'amusait à égrainer sans jamais savoir si le résultat allait aboutir à bon port. Il lui aura fallu beaucoup de mal pour un plan dont il est même pas sûr, pauvre gars qui savait pas dans quoi il s'embarquerait à peine une semaine même pas de jeu derrière lui.

Ellie passait la journée avec River, elle devait s'amuser à lui faire lire toutes les merdes qu'elle avait inscrites dans le formulaire d'inscription de Race of Australia comme si c'était la vérité absolue. Lui-même les avait pas toutes lues tant elle s'était fait un plaisir de lui dire que son portrait était parfaitement dépeint et que s'il passait le casting, il se retrouverait probablement dans ceux sélectionnés tant elle l'avait caricaturé. À la surprise générale, un peu moins d'un mois plus tôt, on l'avait donc appelé à la barre des auditions. On lui avait posé pléthores de questions, il avait apparemment su y répondre à la bonne allure puisqu'on lui avait bandé les yeux quelques jours plus tard et qu'on l'avait lancé dans le bush australien une poignée d'heures ensuite.

On y revient, donc.
À la raison pour laquelle il a l'air d'un putain de voleur de bas étage, quel abruti, caché au coin d'une ruelle en bordure de Charleville. Il s'est arrêté de regarder par-dessus son épaule parce qu'il a réalisé que ça, c'était ce qui lui donnait l'air d'être plus louche que le simple fait de fumer sa clope dans la pénombre d'un trottoir voilé à la recherche des deux silhouettes des brunes censées passer dans le coin d'une façon inopinée.

Il attend encore un peu, pas trop. Il veut pas alarmer personne, il retournera sagement là où on lui a dit de se poster pour le grand dévoilement. Mais avant, il pouvait pas se permettre de prendre le risque de les manquer, quand bien même il sait que c'est que quelques jours déjà qui se sont écoulés. Encore dix minutes et il se tire, qu'il se promet, la cigarette qui grille au bord de ses lèvres et la cendre qui tombe distraitement à ses pieds.



@river shears
@may glitters

Il s'était embarqué dans l'une de ces aventures dont River semblait être privée ou s'en priver d'elle-même, alors c'était l'évidence à ses yeux que durant cette absence elle irait s’enquérir d'Ellie, l'adolescente déjà charismatique de Jack. Depuis leur arrivée à Brisbane River côtoyait Ellie et Jack, Jack et Ellie, l'un et l'autre ensemble ou en tête-à-tête. Si quelque part jouer la grande sœur -c'est qu'elle préférait penser ça plutôt que le mot en "M"- n'était pas dans ses priorités du moment, la journaliste n'avait pas pût dire non à Jack comme à sa fille, et en fait elle n'en n'avait même pas eut ni l'envie ni l'intention. La tendresse qu'elle éprouvait envers ce duo parfois sorti d'un cartoon couplée à l'espèce de temps orageux qui semblait s'installer dans son foyer l'avait fortement encouragée à sauter dans sa voiture pour aller chez les Epstein.
Quand elles étaient seules, entre fiiilles, River se détendait étrangement, aussi elle entreprit de couper toute remarque de la jeune fille sur le chaos de sa tenue, prétextant que la journée shopping prévue était faite réparer ces dégâts. Mais Ellie avait un tout autre programme, en fait c'était Jack qui avait laissé un semblant de programme sur la boîte vocale de la maison, elles l'avaient réécouté ensemble, se lançant des regards perdus entre l'incompréhension et l'euphorie. Ok, plan annulé, mais aucune des deux ne le regrettait, River qui n'avait pas eut beaucoup de détails concernant le départ de Jack n'eut plus qu'à compter sur l'adolescente pour les lui fournir. Ou du moins, lui fournir les siens : le processus, le formulaire qu'elle avait presque envie de garder pour elle et d'encadrer tellement l'esprit d'Ellie l'avait amusée. Elle tapait juste et elle révélait des aspects que malgré les années River ne connaissait pas vraiment, ça l'avait attendrie, ça lui rappelait une fois de plus pourquoi elle s'était sentie si bien chez eux à l'époque où elle s'était sentie si mal. Si Liberty pouvait devenir aussi débrouillard que cette puce, elle en serait ravie.  

HUIT HEURES ?? qu'elle s'exclame quand le jeu de piste du père les lance sur Charlesville. Comment justifier une telle absence à Luke ? Elle s'en moque en vrai. C'est un peu triste, elle culpabilise ou fait semblant de culpabiliser, mais ce formulaire insolent qui traduit le regard de la belle enfant sur son père aussi atypique qu'extraordinaire à sa manière l'avait galvanisée. C'est idiot d'imaginer soudainement que sa propre vie n'a été qu'un fleuve tranquille et chiant alors que ses enquêtes l'avaient poussées dans l'extrême quitte à risquer sa vie, mais elle ne voyait pas ça comme de l'aventure romanesque et pourvoyeuse de rêves. Alors que l'époque des 20 ans est censée représenter la gelée royale d'une vie que Jack semblait à sa manière poursuivre au delà de la vingtaine, River avait l'amère impression d'à peine y avoir goûté.
Sommant sa coéquipière de préparer ses effets avant de se rendre compte qu'elle l'avait déjà fait, les deux jeunes femmes quittèrent la maison en trombe afin de retourner dans la voiture afin de prendre la route le plus rapidement possible pour arriver à temps, en espérant ne pas se perdre.

~ ~ ~

D'habitude elle est prudente et responsable River, du moins quand elle a Ellie avec elle, bien qu'elles s'amusent à écouter la musique à fond dans la voiture, ou qu'elle lui fasse la morale sur les clopes tout en s'en grillant une sous ses yeux, consciente de son manque de conviction dans ces cas là; mais sur ce trajet, exit les pauses toutes les deux heures. Elle se sait capable et la puce la soutient à renfort de Redbull et de café. Elles se sont arrêtées pour prendre à manger, le SUV blanc habituellement propre comme un sou neuf avait pâtit de leurs grignotages. Et quand les coordonnées semblèrent enfin correspondre aux énigmes du père fouras Epstein, la plus vieille des deux commençait à regretter de n'avoir dormi que trois heures : elle avait manqué de se perdre sur la fin du trajet.
Posant sa voiture sur un bord de route ou un parking poussiéreux, elle ne savait même pas, ne voulait pas savoir, excédée, la jeune maman entreprit de réveiller Ellie, lui annonçant qu'elles ne devaient plus être loin et qu'à partir de là il faudrait continuer à pieds.

Pendant qu'elle attend que la jeunette se motive, elle ouvre son deuxième paquet de clopes puis ferme la voiture une fois que plus personne n'est à bord. Elle passe une veste à Ellie d'un de ces gestes maternel et naturel qu'elle avait développé envers la gamine ces dernières années. La fraise de la cigarette de River sert de lumière -non- l'espace de quelques minutes jusqu'à ce que le produit de la génération Z n'allume le flash de son téléphone. Putain. Qu'elle lâche machinalement. Quels culs bordés de nouilles sérieusement. Et elles se précipitent les deux voyoutes, vers cette silhouette que l'une reconnaît instinctivement, car elle est plus proche de son père qu'elle ne l'imagine, et que l'autre devine sans y réfléchir, car il n'y en a pas deux comme Jack. La fatigue disparaît, l'euphorie s'installe à nouveau, il n'y a plus qu'une adolescente mais deux l'espace d'un instant quand elles se bousculent contre lui dans une embrassade un peu débile et très touchante formant un petit tas de trois, avant que River ne se retire, sa pudeur naturelle reprenant petit à petit ses droits. Ça va ? qu'elle demande bêtement. En même temps, quoi d'autre ?

     
@Jack Epstein

Ça, là, de suite, ça a l'air d'une scène de Vaudeville où tout le monde aurait les larmes aux yeux tant ils se tiennent les uns contre les autres désespérément - ça fait même pas une semaine, c'est con, c'est trop, c'est nul, c'est pathétique, et il en a rien à foutre Jack, quand il étouffe un rire et un autre. Qu'Ellie grogne bien plus que de raison. Il se sentirait presque à la maison.

River a volé ses Converse à lui c'est sûr que ce sont les siennes à lui, elle le fait tout le temps et ça l'enrage jamais. Maintenant que sa gamine faufile sa main à l'intérieur de la poche du cardigan de laine qu'il porte et qui jure avec le soleil brûlant. Elle y trouve pas de clopes comme à l'habitude, elle y trouve rien parce qu'il a rien sur lui Jack, il est paumé plus que d'ordinaire à cause de l'aventure et des rations qui viennent avec, il se retrouve avec à peine de la monnaie mais le coeur qui déborde.

Ça va ?
« Du tout, c'est la merde, toi?  »

Un éclat de rire vient trahir ses conneries, bien sûr. Oh qu'il est con le grognon, quand il répond du tac au tac à sa question sans le moindre indice de s'il passe à la prochaine étape ou pas. Pour être totalement honnête il sait même pas, il ignore jusque là et il le vit relativement bien. C'est son moyen testé et approuvé depuis des années de juste en avoir rien à foutre du futur tant le présent lui convient. Et son présent, là, il est composé des deux têtes brunes qui se confondent l'une contre l'autre à grommeler, à taper du pied, à sourire aussi. Ouais, il a vu des sourires sur leurs visages ça c'est sûr et autant River râlerait qu'il le souligne autant Ellie ferait de même. « C'est vraiment cool que vous soyez passées dans le coin. Un beau hasard hen-  » « - ta gueule papa c'est trop évident là. » elle a dit papa. Et comme à chaque fois ça lui serre le coeur et ça lui mouille l'oeil. Mais quel abruti qui se laisse attendrir par un simple petit mot quand il est enrobé de presque quatre vingt pourcent d'insultes à travers.

Quand elle se recule et regarde ses pieds un instant, laissant un peu d'espace au père et à sa fille -bien qu'elle ne se sente aucunement de trop- l'espèce de truc foireux qu'elle a fait en enfonçant son leggings dans les chaussures, façon chaussettes, comme pour remplir l'espace en trop dans les chaussures, lui semble un peu ridicule. Pourtant elle ne peut s'en empêcher. Il les a emporté dans sa propre aventure avec un coup de téléphone presque farfelu. Peut-être qu'ils étaient tout les trois assez matrixés pour se comprendre à demi-mots. Punaise, elle se sentait crade, empattée, fatiguée, tendue, crispée, mal au cul, mal au dos, la migraine. Mais malgré tout elle se sentait bien.
Elle se moque peut-être des conventions sociales la River, mais son éducation la rattrape facilement quand elle se sent pas assez habillée, quand elle s'abandonne dans un laisser-aller qui ne doit rester que privé. Mais pas là, pas face à Jack qui dès le premier jour a sût la mettre à l'aise. Puis pas face à lui qui quelque part semble bien plus à plaindre qu'elle; que ce soit par la situation comme par la relation, le naturel prévalait sur tout embarras -ou presque-. T'es viré tu rentres avec nous ? Tu conduis j'espère. Qu'elle le charrie en réponse, avant de terminer sa clope et de relever ses lunettes de soleil sur sa tête. Je vais bien mais tu me dois quelques heures de sommeil, je ne sais pas comment on va procéder mais... ça vaut le coup. Qu'elle pense, en le fixant avant de reporter soudainement son regard sur sa fille. Sa jolie fille. Jolie comme lui, d'une manière différente mais on l'y retrouve dans ses traits, dans ses yeux perçants. Il y a du Redbull dans la voiture si ça peut te remonte le moral. Elle sait qu'il va bien son moral ou du moins qu'il a la capacité de relativiser.
(...)  ta gueule papa c'est trop évident là.
Elle ne sait pas ce qui la fait le plus rire, la lourdeur du Canadien ou la l'acidité d'Ellie. Un mélange des deux, la dynamique dans son ensemble sans doute. River lance un regard complice à Jack quand il appelle le "hasard". Et alors qu'il récolte une réponse tonitruante pendant que Riv jette un œil aux alentours, se questionnant sur les lieux et l'emplacement des caméras qu'elle tente de trouver comme pour surveiller les arrières du participant de l'épreuve; le mot en P se fait entendre comme si tout les autres sons aux alentours avaient étés avalés. Dis moi... t'as besoin de repos toi, on s'installe quelque part peut-être ? Qu'elle lance en passant une main dans les cheveux d'Ellie, sans se rendre compte que c'est un privilège que cette dernière se laisse faire. C'est presque hors propos, c'est presque insensible de penser que l'émotion de Jack n'est dût qu'à sa fatigue, mais cette phrase n'est que la traduction du tempérament de River.  Elle sait que ce n'est pas la fatigue, elle le préserve son Canadien, à sa manière, certes, mais elle le fait. Tout le monde se trompe en la qualifiant d'apathique, c'est juste que personne ne la voit assez. Profitons de cet heureux hasard. Sur ces mots, elle tend son paquet de clopes à Jack, elle l'aurait presque tendue à Ellie, si elle ne se rappelait pas parfois de son âge, mais étrangement cet attrait envers la nicotine ne semblait se manifester qu'en présence de son père, pour le peu qu'elle savait. Sans doute qu'elle ne cherchait vraiment qu'à le faire réagir, comme elle l'avait mentionné à la production.

T'es viré tu rentres avec nous ? Tu conduis j'espère.
« M'envoie pas des mauvaises ondes va falloir que je sorte la sauge à brûler encore. »

Comme s'il avait son bâton prêt, comme si c'était le genre de chose qu'il traînait. Ils se moquent les cons, lui le hippie et elle la Thomas, celle qui juge quand elle voit pas, tous ses élans de grano quand bien même il s'amuse à toujours exagérer ses dosages d'encens rien que pour la faire râler. Elle est drôle quand elle râle River, y'a un monde en entier qu'elle réussirait à terroriser avec son caractère de femme forte qui s'en laisse pas mener. Il regretterait presque de pas avoir rien sous la main pour la faire chier alors sa main, il la perd dans ses mèches pour l'ébouriffer. Mieux.

Je vais bien mais tu me dois quelques heures de sommeil, je ne sais pas comment on va procéder mais... ça vaut le coup. il se sent mal Epstein, qu'elles se soient tapé des heures de route pour finalement gratter seulement quelques minutes volées au compteur. Il peut pas leur offrir de visite guidée et il peut encore moins leur raconter d'histoires, tout est secret gardé et ça le ferait presque rager. Mais il inspire et se contente du parfum de vanille au charbon de sa fille, de clope et de bois de Shears qui sent exactement comme lui au final. Un autre de leurs milliers de points en commun qu'ils ont arrêté de compter depuis le temps. L'infinité leur va parfaitement. Il y a du Redbull dans la voiture si ça peut te remonte le moral. son coude se perd entre les côtes de la trentenaire, son rire se casse sur sa joue. « C'est toi et tes cernes qui en auraient besoin. » et son index lui, il dégage de ses mèches pour pointer l'étendue des dégâts, dommages collatéraux d'être venues pour lui. Il leur dira jamais assez merci. « T'es belle même au bout de ta vie, c'est lourd River. » alors il parle en piques, vaut mieux. « Avoue qu'elle fait chier. » Ellie non plus fait pas dans la dentelle, mais elle le dit avec un si grand sourire et un coup d'oeil tellement condescendant, une voix si mielleuse et un ton qui flirte avec le doux que ça sonnerait presque comme un compliment.

Dis moi... t'as besoin de repos toi, on s'installe quelque part peut-être ? bien fait, ça lui remettra le coup entre les dents lui qui a ciblé ses cernes et elle qui le fait également. « J'me poserais, ouais. » un banc, là, un truc large pour les contenir tous les trois. Maintenant qu'il pose ses bras de part et d'autre des épaules de l'une et de l'autre bien posé au milieu entre elles. « Vous avez visité? Avouez, c'est nickel comme destination vacances. » nargue Jack, moque-toi, rend ça un peu plus léger. « J'espère que la prochaine fois qu'on viendra tu s'ras moins perdu dans un taudis. » de l'espoir - c'est de ça dont il avait besoin finalement, quand il entend Ellie qui y croit, un la prochaine fois à la clé.

Elle pouffe, l'air dédaigneuse sans faire exprès, parce qu'elle porte le mépris facilement sur son visage mais ses sourcils redressés vers l'intérieur traduisent l'amusement qu'elle ressent face à sa répartie que des simples d'esprits qualifieraient de "perchée" tandis qu'elle y trouve une certaine finesse. Ou peut-être qu'elle est bon public, avec lui. Assez bon public pour à peine broncher quand il fout en l'air son semblant de coiffure. C'est bas, tu sais que pour toi il n'y a rien à faire. Puisqu'il a toujours l'air décoiffé n'est-ce pas ? A quoi bon riposter. Elle souffle de manière nonchalante à travers ses cheveux qu'il a désordonné, pour les relever avant qu'ils ne retombe sur son visage. Des fois on ne sait plus qui de Ellie ou River influence l'une ou l'autre. Je vais te maudire sur des générations. ... Sauf toi ma puce. Qu'elle assure à Ellie avec un clin d’œil, comme si elle était vraiment capable de maudire, quoique son entêtement devait bien servir à quelque chose, en attrapant le pull de Jack pour en retirer l'essence il y avait sans doute moyen d'en faire une de ces odeurs fumées dont il avait le secret. La première fois elle avait râlé, son savon d’Alep, ses serviettes sans adoucissants, avaient été une aventure en soi maintenant qu'elle y repensait. Se familiariser avec le mode de vie de Jack l'avait mise face à ses propres contradictions, ou sa propre "hypocrisie" elle qui se voulait écolo mais ne pouvait se passer d'adoucir son linge. Et pourtant, cette odeur de savon lui semble à présent plus agréable que les odeurs artificielles, et quand elle était arrivée pour faire de la lessive maison avec Ellie elle avait juré de l'avoir vu sourire en coin le Jack. Qui influençait qui encore ?

River accompagne le geste du musicien en calant derrière son oreille la mèche qu'il dégage pour pointer ses valises. Il a ce ton qui change un brin, ça sonne léger mais c'est enrobé de bienveillance voire d'un sentiment protecteur peut-être. Observateur ? Il l'a toujours été.
Medium aussi ?
Il la complimente l'air de rien , au moment où elle faisait de même dans sa tête. Il a cette facilité déconcertante à aborder les gens, à dire ce qu'elle a apprit à taire souvent. Jack a ce côté simple et facile qui l'espace d'un instant lui rappelle presque son époux, sauf que la comparaison est en réalité très superficielle. La différence entre Luke et Jack étant que ce dernier était absolument sincère la plupart du temps. La manière qu'il a de flotter à travers les gens comme les événements lui est naturelle, ça n'a rien d'un effort perfectionné des années durant pour se construire une carapace et se faire apprécier. Jack donne sans y penser.
Les fossettes de River se creusent dans ses joues pour toute réaction. C'est pas toi qui te moquait de mes fringues il y a de ça HUIT HEURES ? Qu'elle lance à Ellie pour changer de sujet, même si son sourire qui ne veut pas s'effacer est sans équivoque; tout en insistant sur les heures, rien que pour se venger de Jack pour l'avoir presque faite rougir.

Elle ne sait pas si c'est le cadre qui veut ça, mais Ellie semble plus détendue. Fidèle à elle-même elle assaisonne toutes ses répliques, cette petite à le goût de l'épicé, River se surprend à penser que c'est une bonne chose pour une future femme d'avoir autant de trempe dans ce monde de brutes.
Elles s'affalent sur le banc, couvertes par les ailes de Jack, River tourne la tête vers eux quand celui-ci se plaît à jouer le pacha. Il cache sa sensibilité avec l'humour, chacun sa méthode, la sienne est au moins agréable. La brune ne prend même pas la peine de répondre, ou n'en n'a pas le temps, que c'est Ellie qui, bien plus spontanée, réagit. Ou alors on fera tout les taudis d'Australie. Stop Riv, tu peux pas. Des taudis en bonne compagnie. Qu'elle s'amuse avec cette rime ringarde. Tu sais combien de temps tu reste ici ? Demande-t-elle sérieusement, avant de se pencher un peu plus vers les Epstein. On peut pas voter pour toi ? Ahahah t'as rien compris River. Mais t'essaie d'envoyer des bonnes ondes, même si ça veut dire se frapper le retour à deux, ça n'est pas une corvée, au contraire, cette fois-ci on envisagera des pauses en motel par exemple, et on clôturera "l'aventure" par une bonne nuit chez l'une ou l'autre et un brunch pour se féliciter. Elle voterait pour lui Riv si c'était possible, au détriment de sa préférence égoïste de l'embarquer à bord de son carrosse.

Je vais te maudire sur des générations. ... Sauf toi ma puce. blablabla c'est que la première fois aujourd'hui qu'elle le menace et il serait bien triste Jack que ce soit la dernière avant qu'elles ne partent vers de nouvelles aventures pour le laisser lui derrière à vivre les siennes. Elles ont un drôle de goût ses histoires et ses aventures, quand il ne les assaisonne pas au Redbull de River et aux remarques acerbes d'Ellie. « Il est vieux et j'veux pas d'enfants, t'auras pas tant de générations à maudire que ça en vrai. » ah voilà, ça lui manquait, ça aussi.

Ils ont une drôle de dynamique, tant vraie que désarticulée et elle date de plusieurs années. C'est pas toi qui te moquait de mes fringues il y a de ça HUIT HEURES ? d'un côté, y'a River le femme forte qui pourrait braver des démons et déplacer des montagnes, mais qui s'insurge de détails comme une gamine la voix qui grince et les prunelles qui flinguent. « Tu portes toujours du noir c'est déprimant. » et de l'autre, y'a Ellie, l'éternelle poupée de rébellion qui charme avec son minois de porcelaine et qui brûlerait une ville en entier si un matin elle s'en sentait intéressée. « Regarde qui parle, Dracula en personne. » au milieu, les paumes couvant l'épaule de chacune, y'a Jack, qui tente de recoller les morceaux quand bien même ils explosent la seconde d'après à coups d'humour merdique et de sourires complices. Ils s'aiment tous et ainsi, ça leur suffit. Et c'est vrai qu'elle peut pas râler sur le noir de River quand elle porte que ça, Ellie.

C'est pas l'endroit auquel il aurait aspiré pour leur proposer des vacances d'été, n'en reste que c'est ici qu'ils se retrouvent pour quelques minutes encore. Tous, ils ont à coeur d'en profiter autant qu'ils le pourront. Ou alors on fera tout les taudis d'Australie. Des taudis en bonne compagnie. « On en a un bon là, déjà. » il pouffe, grogne contre la joue de sa fille, la rapproche de lui quand elle grogne à son tour. Tu sais combien de temps tu reste ici ? sa tempe se pose sur le crâne aux mèches emmêlées de River, il souffle un « Jusqu'à dimanche. » qui ne dévoile pas s'il passe à la prochaine manche ou s'il quitte. Il sait même pas encore de toute façon, il pourra pas dévoiler par erreur sa position. On peut pas voter pour toi ? « Nope, pas cette fois. » il ignore si les votes seront en ligne de mire à un moment ou un autre de toute façon. Autant pas s'y accrocher. « Une chance que non. » elle fronce du nez Ellie, mais il la voit la fossette d'amusement creuser ses joues. Il osera jamais lui demander à sa gamine, si elle pensait à ce moment-là à voter pour lui.

« T'aurais aimé qu'elle t'inscrive à ma place? » il chuchote Epstein, à l'oreille d'une River posée, un peu trop pour qu'il soit rassuré.

N'importe qu'elle femme ou adulte, ou peut-être juste n'importe qu'elle mère, aurait sans doute "corrigé" Ellie en lui affirmant qu'elle disait ne pas vouloir d'enfant parce qu'elle était encore jeune; mais que son avis changerait probablement avec l'âge. Ce que River pense, au contraire, c'est que si elle avait eut un avis aussi tranché que la jeune Epstein dès son âge, elle aurait sans doute été plus prudente. Une idée folle puisque la jeune femme était sous pilule quand elle était tombée enceinte, mais les "et si" culpabilisants ont étrangement quelque chose de réconfortant.

Quand elles sont toutes les deux, la carapace de la demoiselle s'effrite un peu, quand elles sont ensemble, River se surprend à se voir amie avec une enfant dont elle a le double de l'âge; mais quand ils sont ensemble, Jack, River, c'est presque dans le même panier. Traités à la même enseigne d'adultes bancals ou de figure d'autorité inefficace. Elle ricane River, Dracula en personne. C'est le mot, mais elle jette un œil à Chica Vampiro, l'air complice, l'air de dire "T'inquiète pas, si tu dis que ce n'est pas qu'une phase, ce n'est pas qu'une phase". Le noir est trop facilement attribué aux crises d'adolescence ou aux esthétiques gothiques.

La suite c'est du ping-pong. Jack qui prend soin d'accorder de l'attention à elles deux, bien que River n'aurait jamais exigé cela, il devait sans doute le faire de manière absolument naturelle. Leur position avait peut-être tout d'un cliché, aucune des deux n'avait bronché, preuve qu'il savait mettre à l'aise. L'idée de se poser avait été lancée pour ne pas embarrasser le Canadien qui avait eut les yeux brillants à l'instant ou sa petite l'avait appelé Papa, c'était aussi un peu pour détendre ses jambes, mais elle regrette presque sa proposition quand elle sent toute la fatigue l'attraper à nouveau, profiter de son inactivité pour l'engloutir. La fatigue mentale parle aussi, l'esprit de la journaliste n'avait cessé de s'échauffer ces derniers mois et dans ce bon taudis à rien faire, elle peut enfin se détendre, elle se sent en sécurité, elle a confiance en eux.
Après avoir emmagasiné les réponses du musicien sans rien dire et pouffé au taquet de retour de sa fille, River continue calmement : On va se chercher un hôtel alors. Ça te dit Ellie ?  Outre le fait qu'elle se sente absolument incapable de reprendre la route sans une bonne nuit de sommeil, Shears espérait qu'en traînant un peu plus dans le coin ils pourraient un peu plus s'embêter se choyer les uns les autres. Non ?

Un frisson la redresse presque, sensible sur la zone du cou à l'oreille, le souffle caramélisé de Jack la surprend. Peut-être. Qu'elle chuchote à son tour, non sans un sourire, les yeux fermés, s'imaginant comment elle aurait géré une telle situation, se demandant si elle l'aurait gérée, oubliant tout ce qu'elle avait fait de téméraire pour ses enquêtes -surtout pour Albuquerque- qui l'aurait automatiquement propulsée dans les candidats à prendre au sérieux. Un miracle qu'elle n'ai pas eut de traumatismes liés aux voitures suite à ses frasque, "sinon il aurait pût s'asseoir sur leur visite le Jack" qu'elle se plaît à penser, comme si train et avion n'existaient pas. Pas à ta place. Qu'elle dit plus doucement, en un soupir. Parce que l'aventure semblait drôle, ou au moins intéressante, mais surtout car ils sont bien ensemble là. Elle est sûre qu'à trois ils auraient tout raflé et que la présence de Jack aurait désamorcé n'importe qu'elle frustration naissante. Toi t'as l'habitude il paraît et tu ne nous initie même pas. River s'affale un peu plus et croise les bras comme pour marquer sa frustration sans même s'en rendre compte. On a pas le temps d'aller manger ? malgré son poids plume, elle enfile River, et son estomac commence à se tordre, ou si on la laisse faire elle dormirait bien là tout de suite maintenant, calée sur le sirop d'érable qui la soutien, mais elle ne veut pas que Ellie s'ennuie, elle ne veut pas détourner la situation qui est de rassembler père et fille.

On va se chercher un hôtel alors. Ça te dit Ellie ?
« Yuk. Okay. »

Oh, elles. Il se fait la remarque qu'ils devraient revenir ici as a joke plus tard. Qu'ils devraient se faire chier à véritablement en faire une carte de roadtrip, leur truc de tour des taudis du coin. Ça serait pour la blague mais ça serait bien, pour vrai, et c'est probablement pour ça qu'il resserre l'étreinte encore un peu Epstein. Espérant toujours que son overdose d'amour ne les fasse pas trop râler, que ni l'une ni l'autre ne grogne et en finisse par mordre ses doigts qu'il perd dans leurs mèches, là où il fait des noeuds aussi distraits qu'il l'est lui-même.

Est-ce qu'elle aurait voulu, le faire, River? Peut-être. elle aurait clairement pu. Elle l'aurait fait les yeux fermés, elle aurait tout raflé. Il en doute pas une seule seconde, l'imagine même avec Ellie en partenaire et déjà il planifie son discours pour les féliciter sur leur podium de gagnantes hypothétiques. « Jalouse. » il pouffe, fronce du nez, et rigole encore. Pas à ta place. alors elle aurait voulu qu'ils la fassent ensemble, la course? « On aurait été soit la pire équipe soit la meilleure. » il idéalise le canadien, se disant que dans un extrême ou dans un autre ils auraient vécu l'une des plus belles aventures de leur vie en commun, encore, toujours.

Toi t'as l'habitude il paraît et tu ne nous initie même pas. il y croit pas, à la moue qu'il entend dans sa voix. Il y croit pas, pas moins qu'elle-même n'y croit certainement plus. Ses lèvres se perdent sur sa tempe et il lui chuchote un merci à l'oreille, qui en a des airs du moins. « Je vous mérite pas. » il devrait les initier, il devrait les amener voir le monde, il le fera, il se le promet là, rien que là. C'est pas trop tard quand on y croit autant que ça. On a pas le temps d'aller manger ? « Le temps ouais, mais pas le droit. » le truc de budget, la connerie du cinq dollars par jour, il y tient aux règles. Il les a jamais suivies de sa vie et pourtant là il s'y plie. C'est beau de voir comment il veut faire les choses bien pour une fois dans son existence le p'tit gars. « J'ai pas faim de toute façon. » qu'elle gronde, l'adolescente, posant à son tour sa tête nichée dans la nuque de Jack. Il a gagné le droit d'être son père aujourd'hui, apparemment.

Elle ne manifeste pas plus d'enthousiasme que ça Ellie, pourtant à sa réponse River est un peu plus convaincue que sa proposition est la bonne. Pour le corps comme pour le cœur, à voir si Jack peut suivre maintenant. En espérant qu'au cas contraire elle réussira à remonter le moral de l'adolescente ou à calmer ses accès d'acidité.
Jalouse.
Très.
Elle répond du tac au tac, secouée par les rires de Jack sur qui elle est à moitié avachie, autant par choix que par conséquence de l'étreinte qu'il maintient autour de sa fille et d'elle-même. Elle envie, oui, l'opportunité de s'évader et de tout laisser derrière, ou presque. De vivre au jour le jour sans se poser mille et une questions; de vivre comme si les responsabilités n'existaient plus. On aurait été soit la pire équipe soit la meilleure. River y pense un instant. Pourquoi la pire ? Pour les statistiques ? Impossible, un habitué et une obsessionnelle, ils trouveraient forcément un moyen. Pour l'humain ? Jusqu'ici il n'y avait pas eut d'ombres au tableau, malgré la douceur et la lenteur qui agaçait même Ellie, Jack avait cet esprit en plus qui le rendait parfois moins tendre qu'on ne pouvait l'imaginer. Non pas qu'il soit brute, ni même qu'il soit méchant, mais ils avaient au moins ça en commun de ne pas tourner autour du pot, alors parfois ils piquaient. Lui par son détachement parfois proche de la lévitation, elle par son manque de tact. Mais depuis le premier jour elle savait qu'il était de ceux qui se jettent à la mer sans réfléchir, et elle savait depuis qu'elle était de ceux qui avaient besoin de ces piques d'imprévus dans sa vie. Imprévus jusqu'ici maintenus par son travail, son travail uniquement. Liberty aussi parfois, son fils, haut comme trois pommes, lui procurait désormais plus de frissons que son propre mari envers qui elle avait toujours une incroyable tendresse. Sauf ces dernières semaines, épuisée par son comportement de bon élève, de père idéal et de mari sur-disponible et moralisateur. Quelque part, même en laissant la priorité à son travail, River devenait plus mère qu'épouse. Elle eut une pensée pour Luke, encore. La meilleure, tu m'as pris pour qui Jack ? Son ton est froid, c'est de la Commedia dell'arte pure, bien que cela trahisse son esprit conquérant que l'on ne lui devine pas sous ses airs de poupée.  


Son merci la chatouille encore, et alors qu'il prétend ne pas les mériter, River met sa main sur sa bouche comme pour le faire taire, bien qu'il ai déjà terminé de parler. Elle lui sourit alors, attendrie et par son comportement et par ses mots, avant de le laisser libre, puis de se lever à sa réponse avec un râle de désespoir surjoué. Qu'elle angoisse sérieusement ! Elle tourne la tête vers Ellie, celle qui n'a pas faim. Et si on la laissait avec le daron ? Ça lui fera peut-être les pieds. Elle est drôle Ellie, et touchante à se laisser aller à se reposer sur son père. Toi, ton jeu, il est tout pourri. Qu'elle dit à Jack en le pointant du doigt. Et toi, attend voir si t'as pas faim. Cette fois-ci à Ellie, avant de remettre ses lunettes de soleil. Je vais faire un tour et m'occuper de la réservation, si jamais t'as besoin d'un heureux hasard demain on sera dans le coin. Un hasard du type discret, si elle avait presque la curiosité de vouloir s'essayer au jeu de rôle et incarner la conductrice qui par miracle tombait sur Jack et son équipe pour les mener à bon port, elle savait que c'était trop de risques pour son ami. Venir le voir, faire les voyous, s'octroyer des pauses qui n'ont pas lieu d'être, ok. Mais tricher au risque de le disqualifier ? Elle ne le ferait pas.   

Sans se retourner elle se dirige d'un pas décidé vers son SUV, ses petites jambes pleines de nerfs grimpent dedans, puis la voiture les dépasse, elle leur fait le signe de la victoire par la fenêtre alors qu'elle démarre en trombe, pour s'échapper quelques minutes avant de revenir.
Dans l'espèce de désinvolture que présentait son départ soudain, River cherchait à laisser un peu d'intimité au père et à sa fille, elle avait repéré une station essence à laquelle elle ne s'était pas arrêtée, obsédée à l'idée d'arriver rapidement. Aussi elle profite de ces quelques minutes seules pour réserver une chambre via son smartphone, puis d'acheter quelques conneries à grignoter pour Ellie et elle, un paquet de clopes pour Jack et trois bouteilles d'eau avant de revenir.

Combien de temps encore avaient-ils en toute intimité ? L'émission passait-elle en direct ? Ces questions revenaient à la charge à son esprit, accentuant l'air fatigué qu'elle portait pas si mal à en croire les Epstein.

En les voyant toujours ensemble, toujours proches, River sourit.

Il serait resté comme ça une journée en entier. Il aurait pas bougé du moindre centimètre, se serait même pas plaint lui qui se plaint jamais de toute façon. Il aurait été celui qui aurait attendu que ses bras et ses jambes aient des fourmis avant même de penser peut-être considérer se dégager. Pourquoi la vie était pas toujours aussi simple que ça, en vrai?

La meilleure, tu m'as pris pour qui Jack ?
« Alors je serai le pire ; comme ça on s'équilibre. »

Ils s'équilibrent tout le temps et ça date pas d'hier. Il sait pas trop, comment il aurait pu bousiller la course Jack, mais il aurait eu tout le temps de le trouver lui qui semble tout bousiller ces derniers temps ; et au final toute sa vie.  

Puis, il grogne. Il grogne parce que River se dégage, parce que ça veut dire qu'elle a perdu, parce qu'il lui met la défaite entre les dents en restant éternellement hilare, elle qui est plus du tout la meilleure partenaire finalement.

Toi, ton jeu, il est tout pourri.
« Blablablabla... »
Et toi, attend voir si t'as pas faim.
« ... blablablabla. »

Père et fille se retrouvent dans une complicité qu'ils ont rarement eue ensemble aussi longtemps. C'est qu'elle doit vachement s'ennuyer de Jack Ellie, pour rire autant à ses conneries. Je vais faire un tour et m'occuper de la réservation, si jamais t'as besoin d'un heureux hasard demain on sera dans le coin.

Il lui dira merci de ses lèvres qui bougent en silence, elle le verra sûrement à remarquer le sourire qu'elle arbore quand elle finit par brièvement les quitter. Si elle revient une heure après ou mille autres, il est égoïste au point de pas l'avoir remarqué Jack, quand il s'est assoupi sur la tête de sa fille sans le moindre remord, et encore moins de regret. Elle est restée immobile et a probablement dormi elle aussi - son orgueil ne dira jamais si elle était éveillée ou non, blottie en amont.

« T'es parfaite. » pour l'eau, pour les clopes, pour l'entière et totale étendue de son oeuvre aussi. « Lui dis pas trop fort elle va s'enfler la tête. » elle pourrait - elle l'est, qu'il pense, Jack, convaincu.

Il faut au moins une River pour équilibrer les choses, c'est ce qu'elle se dit, donnant raison à Jack lorsque les deux voyous lui répondent comme des enfants, blablablablabla. Elle n'a même pas l'énergie d'être fatiguée. Puis elle ne le montrera que très peu, mais ils l'amusent. Puis elle ne dira rien, mais elle comprend. Ils n'ont pas besoin de se parler énormément pour se comprendre. Peut-être aussi car ils tournent vite à l'essentiel, peut-être car les tensions sont rares alors c'est difficile de complexifier ce qui est déjà simple. En tout cas ça l'est pour eux.
Quand elle revient, ils font moins les malins, ils font plus rien en fait à part dormir ensemble, l'un sur l'autre. En cinq ans River doute de les avoir déjà vus aussi proches, les huit heures de route valent le coup, elle l'avait déjà dit, elle en est encore plus sûre à ce moment là. L'équilibre. Peut-être qu'elle leur rend actuellement le service qu'ils lui avaient rendus durant sa grossesse, peut-être que sa présence ou du moins ses actes les ont apaisés comme leur présence et leur actes l'avait apaisée trois ans plus tôt. Si elle pouvait leur rendre le bien-être qu'elle avait ressentie en squattant chez eux, pieds sur la table basse, ventre au menton, à siroter de la citronnade pendant que Jack jouait de la guitare alors ça valait effectivement le coup.

Espérant ne pas les réveiller, la brune s'assied à côté de Jack et pose doucement le sac à terre, mais à peine s'est-elle ré-adossé au dossier du banc que la voix éraillée du Canadien la remercie. A sa manière. Avec un de ces compliments dont il a le secret. De ces phrases qu'elle le sait dire facilement, ou elle s'en persuade peut-être; mais c'est un gentil Jack, c'est un tendre. Elle qui ne complimente jamais s'équilibre à ses côtés, lui qui complimente trop. Et pourtant ça la touche. Ce serait un autre qu'elle trouverait ça trop facile, trop faux. Baratin ! Qu'elle penserait, elle le dirait en fait. Mais quand c'est Jack elle ne le dit pas, elle ne le crie pas non plus. Parce qu'elle ne le pense pas, et ce serait plus facile si ça avait moins d'impact sur elle, ses mots ont toujours un impact, bien qu'elle s'efforce de rester debout face à ses compliments qui la mettent parfois à genoux. Elle a cette chaleur qui l'envahie et provoque un sourire qu’elle n’arrive pas à retenir, le rose aux joues lui monterait presque. River ne sait pas si c'est de la mauvaise foi de sa part ou une épiphanie, mais elle ne peut s'empêcher de se demander de quand date le dernier compliment de Luke ? Elle n'en veut pas à son époux, à moitié consciente des tourments qu'elle lui inflige à déserter la maison. Alors, quand était-ce ? La dernière fois qu'il a eut un mot doux et que ça l'a touchée au point de baisser les yeux comme elle le fait au son de la voix de Jack ? Était-ce le signe qu'une thérapie de couple s'imposait ? L'ordre naturel des choses, dix ans de mariage, seize année partagées ensemble, la routine et le temps détruisait-il toute chose ?
On ne m'a pas attendu pour la sieste à ce que je vois. Qu'elle dit doucement, amusée, comme pour lui dire "n'importe quoi, regarde comme je râle" ou comme pour faire passer son geste pour plus égoïste qu'il ne l'est en réalité, parce qu'à la vérité elle les avait laissé exprès pour qu’ils se retrouvent un peu seuls Jack et Ellie. Elle le dit aussi, pour ne pas penser plus, pour ne pas se formuler les mots qui mettraient en évidence qu'avec Jack le temps ne semble jamais passer. Du moins celui-ci Ne semblait n’avoir aucun effet néfaste à leur relation. Plus le temps passe, plus ils étaient proches. Qu'ils se soient vus plusieurs fois par semaine pendant un an comme une fois tout les quatre mois, leur entente demeurait et prospérait et ça River ne l'avait vécu avec personne d'autre que le Canadien. Elle pouvait prétendre se sentir parfaite, approuver ses dires pour le taquiner ou pour se donner de la contenance qu'elle perdait pourtant si difficilement.
Lui dis pas trop fort elle va s'enfler la tête. C'est l'instant, avec eux, lui, qui est parfait. Qui lui fait du bien; et River n'a qu'une envie c'est de ne pas se lever de ce banc avant de très longues heures. Alors elle s'adosse, l'air de rien, avant de frotter la joue de Jack avec le pouce. Parlez pas trop fort, vous avez bavé. , elle rit et elle s'allume une clope avant de donner sa bouteille d'eau à Ellie. Puis naturellement elle se laisse aller à poser sa tête contre l'épaule de Jack, la moitié du corps blottit contre le sien, une jambe en accord avec la sienne tandis que sa jambe opposée est repliée, pied sur le banc. Reprenant, ainsi, ce qu'elle ressent comme étant sa place.

On ne m'a pas attendu pour la sieste à ce que je vois. et elle ne râle pas River, elle fronce du nez juste. Il la détaille alors qu'elle revient, conquérante, ses emplettes éparpillées entre ses mains agiles, celles-là même qui écrivent les papiers qu'il dévorent dès qu'ils sont publiés. Elle a l'air épuisée la pauvre, elle s'est tapée des heures de bagnole pour se défoncer la colonne vertébrale sur un banc inconfortable, arquée contre un vieux con qui pue la sueur et l'incertitude, s'improvisant babysitter d'une adolescente toujours prête à dégainer la prochaine pire pique dégoulinante d'insultes.

Pourtant lorsqu'elle vient se caler contre Jack et qu'elle retrouve sa place, il la resserre en lovant un bras autour de ses épaules. C'est bien plus facile pour lui de sourire que de faire autre chose. Elle boit de l'eau et elle en met partout, il lui souffle à l'oreille sa perfection et Ellie en râle le rire dans la voix. Ils auraient presque l'air d'une famille soudée s'ils n'étaient pas si dysfonctionnels chacun de leur côté, et c'est bien ce qui lui plaît, dans la scène, à Epstein. Que malgré leurs défis divisés, que mis à part leurs conneries qu'ils ont tous les trois traversées, ils se retrouvent aussi bien tous alignés les uns à côté des autres. C'est un tout qu'ils forment, une équipe, il le constate que maintenant. Au fin fond d'un trou qui sert de taudis du jour, un bled paumé qu'il aime un peu plus que toutes les autres destinations du parcours parce qu'il rime avec elles, ici.

Parlez pas trop fort, vous avez bavé. qu'elle se moque River, qu'elle joue à la plus maligne. Qu'elle fasse genre elle est pas attendrie, quand il essuie son menton de merdeux dans ses mèches à elle, qu'il pouffe de rire à la suite. « Si je gagne, j't'achète de meilleures clopes que ces conneries. » Jack qui perce le silence, quand il vole la cigarette allumée des lèvres de River, qu'il l'inspire une longue seconde, et quelques autres ensuite. S'il gagne y'aura du fric à la clé, du fric dont il ne sait même pas encore ce qu'il fera. Mais il sait que peu importe ce que la liste comportera, elles seront toutes deux en tête à récolter le fruit de son labeur, une clope de qualité à la fois.

En formant cette brochette, River réalise qu'il ne leur est pas arrivé si souvent que ça de se retrouver tous ensemble en dehors du foyer de l'un ou de l'autre; pourtant si elle le remarque, ce n'est pas car ça sonne faux. Tout l'inverse. Ils sont accordés sans même l'avoir prémédité et cette spontanéité l'aide à se laisser aller. Ça sonne juste. Elle préfère peut-être encore charrier que de dire merci, mais le geste qu'elle se permet est déjà un remerciement inconscient. Elle lui signifie qu'elle le voit comme il la voit, ils n'ont pas besoin de se dire des banalités pour comprendre où ils veulent en venir. C'est ce qui lui met du baume au cœur. Ils rient comme des adolescents turbulents alors qu'ils partagent leur boue, fatigue et sueur, poussière et tabac, eau et cheveux. Qu'il lui vole sa cigarette, elle ne s'en formalise pas, jamais. Si je gagne, j't'achète de meilleures clopes que ces conneries. Elle a un sourire River, consciente de l'enjeu financier, émue par une promesse presque ridicule mais elle n'a jamais eut la propension à compter les sous. Elle sait que c'est une manière de parler bien qu'elle ne doute pas qu'il lui en offre quand même des cigarettes, rien que parce qu'il l'a dit. Le fait de le dire compte plus que ce qui est dit, peut-être parce que c'est lui qui le dit. Son étreinte, sa voix, son tout l'apaise et la chambre d'hôtel semble n'avoir rien à envier à Jack à cet instant. J'attendrais. qu'elle répond alors tandis que ses yeux se ferment tout seuls. Je pourrais garder les converses ? Sa tête enfouie dans l'épaule de son Canadien bouge un peu, lui étalant sans doute quelques mèches folles sur le menton. Elle bluffe, si ces chaussures venaient à lui appartenir elle n'y verrait plus aucun attrait à les porter. Est-ce qu'il le sait ça Jack ? Qu'elle les porte aussi car ce sont les siennes.
Elle baille. Je t'attendrais à Bayside. Elle glisse sa main dans celle toujours chaude de son ami. Avec Ellie. Elle la serre sans s'en rendre compte, s’agrippant au peu de temps qu'il leur reste, un temps qu'elle ne souhaite pas gaspiller en dormant alors que le sommeil s'impose à elle, comme un coup de massue, rassurée et confortable à sa place. Réconfortée par les odeurs familières, le vrombissement de la voix de Jack, les étincelles de celle d'Ellie, le tempo de son souffle à la nicotine qui n'a jamais changé. Elle doute qu'ils aient le temps de se revoir le lendemain, ils auraient le temps à son retour. Elle attendrait, à Bayside, avec Ellie. Elle l'attendrait.