« T’es sérieux t’hésites entre deux marques de bouteille d’eau ? Prends-en une et c’est fini ! » Dit-elle la voix pleine d’impatience. Là elle n’avait pas envie de mettre son imatience de côté pour Greg. Elle estimait avoir fait assez preuve de patience pour apaiser ses nerfs tout au long de la semaine mais c’était lui, qui abusait totalement en hésitant entre une Beloka et une Blue Mountains. De l’eau c’était de l’eau, c’était juste inutile de se poser ce genre d’ultimatum à ce stade-là de la semaine. Surtout qu’il était le premier à dire que tout devait se faire rapidement sans réfléchir et que traîner pouvait causer leur perte. « Et ne me regardes pas comme ça, je ne vais pas baisser d’un ton non. » Oh oui elle était clairement agacée, elle ne se gênait pas pour lui faire comprendre parce que lui ne se gênait pas non plus pour grogner dès qu’il avait envie de râler. C’était à son tour un peu d’exprimer son mécontentement. Elle prit une bouteille d’eau au hasard et passa en caisse. « Franchement, tu crois qu’on a le temps pour hésiter entre deux bouteilles d’eau ? » Elle ne savait pas pourquoi il se permettait ce genre de perte de temps, mais elle n’avait pas envie de chercher à comprendre non plus. Se contentant juste de souffler d’énervement. La caissière lui rendit la monnaie. C’était le milieu d’après-midi et il devait rapidement rejoindre Morven pour être sûrs au moins de ne pas être au milieu de nulle part pour la nuit. Pas de nuit à la belle étoile pour cette fois-ci. Le problème était que quelques voitures passaient mais aucune d’entre elles ne s’arrêtaient. Et l’autre était bien trop occupé à jouer sa vie entre ces deux marques de bouteilles d’eau. Sienna ouvrit la bouteille de Greg sans lui demander, et en but une gorgée. Il l’agaçait, elle l’avait le droit. « Commence pas à râler parce que j’ai bu en première ta bouteille. Parce qu’à cause de toi on a pu rater un automobiliste qui voulait bien nous prendre. »

@Gregory Morton @May Glitters

On n’a plus d’eau, et on a besoin de boire. Donc on est dans un supermarché pour acheter de quoi se désaltérer. Jusque-là, tout va bien. Le problème, c’est que y’a trop de marques. Pourquoi est-ce que y’a autant de marque de bouteilles d’eau ? Ils peuvent pas juste en faire une qui les rassemble toutes ? Non, en vrai, c’est pas plus mal. Parce que la Beloka est quand même sacrément dégueulasse, mais elle est beaucoup moins chère que la Blue Mountains. Mais est-ce que je veux vraiment boire une eau au goût douteux, et me forcer à la boire juste pour payer moins cher ? « T’es sérieux t’hésites entre deux marques de bouteille d’eau ? Prends-en une et c’est fini ! » Elle est sérieuse elle surtout à me parler comme ça ? « Et ne me regardes pas comme ça, je ne vais pas baisser d’un ton non. » Ouais, elle a l’air sérieuse. Je souffle exagérément, c’est vraiment un problème pour moi de choisir. Et le fait qu’elle me presse, ça m’aide pas. « Oui bah c’est bon, je sais qu’on a pas 10 ans devant nous. » que je grommelle entre mes dents.  Je finis par choper la Beloka. Tant pis pour le goût, on a merdé avant-hier en claquant les sous dans les chips, on peut pas se permettre de perdre encore plus de sous. Même quelques centimes. On passe à la caisse, je vois Sienna râler silencieusement (au moins elle me fait pas chier directement), et on sort. Elle me prend la bouteille des mains pour boire au goulot, putain elle pouvait pas attendre qu’on transfère l’eau dans chacune de nos gourdes ? « Ah parce que maintenant c’est ma faute si on n’est pas dans une voiture pour rejoindre Morven ? » Vous la sentez la tension qui monte petit à petit ? Moi je la sens bien en tous cas. « C’est pas à cause de madame qui se plaint de ses ampoules au orteils par hasard ? On a dû s’arrêter au moins trois fois pour que tu masses tes pieds, on aurait très bien pu choper une voiture à ce moment-là aussi. » Elle va pas me faire une scène non plus, si ? Je lui reprends la bouteille des mains, et commence à marcher à une vitesse soutenue en tendant mon pouce. J’ai laissé tomber les pancartes.

Spoiler:

Il avait tellement les nerfs qu’elle ait bu la première dans sa bouteille d’eau, ça se sentait. Et qu’il ne lui fasse pas le coup du mec qui craint quand les autres boivent au goulot. Ils étaient ensemble h24, dormaient ensemble, suaient ensemble et d’autres trucs anodins d’un quotidien d’un binôme dans un jeu télévisé tel que Race of Australia. Ils avaient dormi ensemble dans un lit double chez le couple de Dalby. Donc qu’il ne commence pas avec ses manières s’il ne veut pas se prendre la Beloka dans la tronche. « Ah parce que maintenant c’est ma faute si on n’est pas dans une voiture pour rejoindre Morven ? » Ah mais oui oui, c’était de sa faute. S’il n’avait pas autant hésité entre les deux bouteilles comme lorsque l’on hésitait avec le numéro du loto, ils n’en seraient pas là. Mais elle se retint de lui dire. Pas envie de se prendre la tête, il ne fallait pas oublier que Sienna détestait les conflits et qu’il fallait vraiment l’agacer pour qu’elle se décide à grogner et à sortir les crocs. Malgré qu’elle se contînt comme elle le pouvait, Sienna sentait que du côté de Greg la tension commençait à monter et que cette histoire de bouteilles d’eau était en train de tourner au vinaigre. « C’est pas à cause de madame qui se plaint de ses ampoules au orteils par hasard ? On a dû s’arrêter au moins trois fois pour que tu masses tes pieds, on aurait très bien pu choper une voiture à ce moment-là aussi. » Pardon ? Sienna se retourna vers lui, presque offusquée par les propos de son binôme. Mais pour qui il se prenait celui-là ? Les mecs, des professionnels dans le retournement de situations. « Quoi ? C’est de ma faute à moi aussi ? Je n’y suis pour rien ! Toi tu aurais pu servir à quelque chose aussi au lieu de retourner la situation. Pendant que j’avais au pied, tu avais largement le temps de trouver une voiture pour nous amener ! Je t’y vois bien toi avec des ampoules au pied, tu verrais comment ça fait mal. » Dit-elle en le dépassant d’un pas rapide, presque à deux doigts de bouder devant tant de méchanceté. Il lui reprit brutalement la bouteille des mains et ce geste eut le don de l’agacer un peu plus. Mais elle ne disait rien. Elle attendait seulement un pas de travers pour l’attaquer. Aujourd’hui, elle s’était levée du pied gauche. Greg leva son gros pouce disgracieux en l’air pour interpeler les voitures mais la seule chose permettant de se déplacer était un vélo abandonné sur le sol. Assez vieux, mais il avait l’air de rouler toujours. Greg le releva, les mains sur le guidon. « Tu vas me dire que tu veux qu’on monte dessus ? Désolée, on va couler ! À part si on pose nos sacs dessus et on fait rouler le vélo à côté de nous ! »

@Gregory Morton

Renvoyer la faute à celui qui vient de dire que c’est de la tienne, ça fait rarement plaisir. Et voilà que Sienna montait sur ses grands chevaux, et la voilà qui commence à s’énerver elle aussi. Elle me gonfle. On s’est pas pris la tête une seule fois depuis que le jeu a commencé, on a tenu 4 jours à se supporter alors que je suis habituellement pas du tout familier à rester autant de temps avec quelqu’un, mais voilà qu’elle me fait chier sur une bouteille d’eau. Putain mais c’est une bouteille d’eau, merde quoi. Le fait qu’elle s’arrête toutes les deux secondes à cause de ses ampoules, c’est surtout ça qui nous a fait perdre du temps. Pas juste mes 5 minutes d’hésitation devant le rayon. « Parce que tu crois que j’ai pas cherché à ce qu’une voiture s’arrête pendant que tu te plaignais ? Me rejette pas la faute Sienna, on sait très bien qui est le fautif de nous deux. » que je dis, presque en gueulant alors qu’elle fait sa belle à me doubler pour marcher devant moi. Elle va ralentir dans 2 minutes pour s’arrêter pour check ses ampoules aux orteils, aucune crédibilité. Je tends à nouveau mon bras, mon pouce en l’air, dans l’espoir qu’une voiture nous prenne, mais on tombe sur un vélo abandonné plus vite que sur une bagnole. Nos regards se croisent, on s'est compris mais il y en a clairement un de nous deux qui veut pas de cette solution. « Tu vas me dire que tu veux qu’on monte dessus ? Désolée, on va couler ! À part si on pose nos sacs dessus et on fait rouler le vélo à côté de nous ! » Le regard toujours fermé et froid, je me fous sur la selle. Si elle veut pas monter dessus pour reposer ses pieds, tant pis pour elle. « Passe-moi ton sac. » que je lui dis finalement, la mine boudeuse. Même si elle me saoule, je peux lui prendre son sac quand même. Je place son gros bagage entre le guidon et moi, et commence à pédaler (lentement quand même, le but n’est pas de la semer). « Si tu fais pas confiance au vélo, alors monte pas dessus. Je préfère pédaler que marcher moi perso. »

Qu’est-ce qu’il était chiant quand il s’y mettait. Ses ampoules étaient bien plus importantes que ses putains de bouteilles, et elle restait campée sur ses positions. Elle avait une bonne raison de s’arrêter par moment pour soulager sa marche. C’est sur que quand on avait pas des douleurs aux pieds comme elle on ne pouvait pas se mettre dans la situation de l’autre. Mentalement, elle le maudissait et espérer qu’à son tour, il ait des ampoules lui aussi. Qu’il comprenne sa douleur, ce goujat. « HA ! Parce que c’est ma faute si j’ai des ampoules aux pieds ? C’est moi qui l’ai décidé, c’est ça ? Excuse-moi ! Mais je ne me suis pas réveillée ce matin en me disant ‘Oh bah tiens ! Et si je me faisais des ampoules aux pieds, aujourd’hui ? Juste pour faire chier Greg !’ Sérieux. » Carrément, c’était de sa faute maintenant. Mais ce mec était juste complètement à côté de la plaque. Les nerfs commencèrent à monter d’impatience et elle se retint de lui conseiller d’aller se faire soigner. « Je déteste les conflits Greg. Donc ne commence pas. » Bras croisés, tête haute. Elle marcha devant lui pour ne plus avoir son tronche dans son champ de vision. D’un côté, ça la faisait sacrément chier. Depuis le début de l’aventure, ils avaient été sur la même longueur d’ondes et il a fallu qu’ils s’embrouillent pour un truc nul. C’était le jeu, ça en faisait partie. Mais ça la faisait drôlement chier quand même. Pleine de fierté, elle se fit intérieurement la promesse de ne pas râler de douleur ou de ne pas s’arrêter. Même si elle avait la voute plantaire en feu. Et lui, avec son vélo rouillé, là. Sienna se retenait de pester. Le space cake faisait-il encore effet ou bien ? Il posa son énorme cul sur la selle et commença à pédaler tel un plouc. « Passe-moi ton sac. » Toujours la tête haute, elle lui tendit son sac sèchement. Sans un mot. Mais elle sourit intérieurement. Ils étaient deux petits cons plein d’égo tentant des perches indirects pour réinstaller un dialogue plus calme entre eux. « Mais n’insistes pas avec ton vélo, comment veux-tu qu’on rentre à deux ? Rien qu’avec tes grosses fesses, il va s’écrouler ! »

@Gregory Morton

Elle s’envenime, hausse le ton, hausse la voix, et m’incendie encore, toujours et encore, toujours plus. Vas-y, défoule-toi Sienna, vas-y, profites-en avant que je ne craque et que je te laisse en plan avec tes ampoules de merde. « Mais c’est bon arrête de faire ta chochotte là, moi aussi j’en ai, des ampoules aux peds. Est-ce que je me plains ? Non, bon alors, tu vois c’est possible. » Je suis peut-être un peu de mauvaise foi, parce que je les ai vu ses ampoules, j’ai vu comme elles étaient rouges éclatées, ou gonflées de pus. Les miennes sont petites à côté des siennes, et j’en ai quand même moins. Mais dans tous les cas, elle me gonfle, et comme à chaque fois, j’aime avoir le dernier mot. « Je déteste les conflits Greg. Donc ne commence pas. » « Je déteste les conflits Greg. Donc ne commence pas. » que je répète après elle comme une gamin puéril, ça nous avance en rien et ça accentue encore plus les tensions, mais c’est plus fort que moi. Elle doit faire genre elle a pas entendu parce qu’elle boude toute seule devant, les bras croisés en marchant de façon déterminée.

On tombe sur un vélo, je monte dessus parce que madame est trop précieuse pour utiliser un vélo volé, et je lui ordonne de me passer son sac. Elle s’exécute sans parler, le visage fermé et l’ego certainement blessé. « Mais n’insistes pas avec ton vélo, comment veux-tu qu’on rentre à deux ? Rien qu’avec tes grosses fesses, il va s’écrouler ! » Je la fusille du regard. Elle veut vraiment pas s’arrêter hein, elle veut continuer jusqu’à ce que je la fasse chialer parce qu’elle est trop énervée ? T’es sûre que tu veux jouer à ça, Sienna ? T’es certaine ? Parce que crois moi, je suis bien entraîné pour jouer au plus con. « En attendant, mes fesses sont peut-être grosses, j’ai les pieds reposés, moi. » Elle marche à côté de moi en boîtant à moitié (à cause de ses ampoules, oui oui on a compris), et je pédale doucement en me maintenant en équilibre avec les deux gros sacs.

Spoiler:

Mais qu’est-ce qu’il l’agaçait. Était-il au courant qu’il était chiant ? Il n’était pas putain fichu de comprendre que ses pieds lui faisaient un mal fou. Et pourtant, ses ampoules il les avait vu. Ils avait analysé la situation et l’évolution des ampoules. Ce n’était pas beau à voir. Autre que ça, c’était peut-être bizarre qu’elle lui montre ses pieds mais pour eux c’était devenu tout à fait normal. Il n’y avait plus aucune gêne au bout du quatrième jour et c’était un truc de fou à quel point tout s’était fait si rapidement. Tant mieux. Ils allaient devoir se voir tous les jours pendant des semaines. Pas la peine de jouer les précieuses qui a honte devant lui. Ils avaient passé tous les stades. Enfin pas tous, il y avait certaines limites quand même et Greg était bien trop Greg pour que Sienna n’envisage quoi que ce soit. Puis, elle lui avait montré ses ampoules quand même. Comment tuer son sex-appeal en trente secondes ? « Je déteste les conflits Greg. Donc ne commence pas. » Elle serra le poing et le mordit pour contenir tous ses nerfs. Des gifles se perdaient Greg, prends-en conscience.

Il la fusilla du regard, mais Sienna n’en avait rien à foutre. Il l’avait complètement saoulée aujourd’hui et elle ne se gênait pas pour le lui faire savoir. Elle sentait la colère monter chez Greg. Elle voyait qu’il bouillonnait. Mais qu’il bouillonne, ha ! Ça lui apprendra à hésiter entre deux bouteilles. « Parle encore de mes pieds, c’est dans ton cul qu’ils vont finir leur course. » Ouh lala, elle était dure là. Elle savait que cette réponse n’allait pas du tout être appréciée par Greg mais il l’avait cherché et il continuait à titiller ses nerfs. Rien que de le voir sur ce vélo tel un ours dans un cirque sur un mini tricycle lui mettait les nerfs. Sienna avait envie de le pousser de son vélo tout rouillé. Argh. Ses nerfs disparaîtront quand cette situation avec Greg s’améliorera. Et c’est pendant 2 kilomètres qu’ils marchèrent, s’adonnant à un rap contenders totalement remixé. Greg ressemblait à un agriculteur dans les montages d’Asie avec son petit vélo et ses deux gros sacs. Soudain, un camion s’arrêta sur le bas côté en un bruit énorme. Il ouvrit la portière passager et leur fit signe de venir. Sienna sortit son plus beau sourire (pas un sourire qu’elle adressera à Greg, jamais de la vie) et expliqua la situation au camionneur qui accepta de les prendre en stop.

@Gregory Morton

Spoiler:

« Parle encore de mes pieds, c’est dans ton cul qu’ils vont finir leur course. »

Elle se laissait décidément pas faire, il n’y a pas que moi qui suis de mauvais poil. Je sais que je l’ai cherché, je savais qu’elle allait rétorquer. J’ai failli répéter sa phrase en prenant une voix de débile, mais je l’ai ravalé, je me suis retenu parce que je sentais que cette dispute de gamin n’allait pas finir sinon. Pour une fois, j’ai joué l’adulte, pour une fois, j’ai fermé ma gueule. C’est une grande première ça. Josh nous filme depuis la voiture qui nous suit depuis plusieurs heures déjà, le salaud, il est gentiment assis pendant que nous, on est en train de crever en marchant. On parle pas, on parle plus. Parce que ça risquerait d’envenimer les choses, parce qu’on a tous les deux besoin de se calmer. Au bout de 2km (à vue de nez), un camion finit par s’arrêter pour nous prendre. Nos prières sont exaucées, quelqu’un est venue à notre rescousse. Nos deux têtes de con se tournent vers le camionneur, il est pas mal en surpoids, il doit certainement avoir de la bouffe plein le camion. On monte tous les deux, pose nos sacs à nos pieds, et on se serre parce qu’apparemment, le frère du chauffeur a décidé de se faire une petite virée lui aussi. Ca pue la clope dans son camion, la clope et les chips au barbecue.

« Alors jeunes gens, je vous mène où ? »
« Morven, c’est sur votre chemin ? »
« Et comment ! Je passe par là de toute façon pour faire le plein d’essence. »
« Ah, super c’est vraiment cool. C’est un gantelet que vous avez là ? » je montre le morceau d’armure posé sur le tableau de bord, « Je suis trop fan des trucs du Moyen-Age, vous l’avez chopé où ? »
« Yup, c’est mon porte bonheur. Mon arrière grand père me l’a passé, ça venait du passé de ses ancêtres, ça décore pas mal mon camion. »

Les rôles s’inversent, c’est moi qui fais la conversation, alors que Sienna semble avoir perdu sa langue, peut-être qu’elle est en train de penser au pus qui sort de ses chaussettes à cause de ses ampoules, mais je lui donne un petit coup de genoux (on est vraiment serrés). « Tu fais encore la gueule ? » que je lui demande tout bas pour ne pas que les deux gros gaillards nous entendent. « On va peut-être pouvoir faire le stock de clopes vu comme ça pue dans son camion. » Je continue à marmonner pendant que les deux frères se tapent une barre sur je sais pas trop quoi, peut-être que ma petite proposition pourra redonner le sourire à Sienna.

Ils étaient drôlement serrés dans ce camion et ça ne plaisait pas à Sienna. Ils étaient quatre dans un fauteuil pour trois en prenant compte du fait que le conducteur était vachement en surpoids. Même si elle fumait beaucoup, le camion puait la clope et c’était juste insupportable. Ce qui était insupportable aussi, c’était d’être collée serrée à Greg alors qu’elle lui faisait la gueule. À cet instant t, elle ne pouvait pas se le voir et juste penser à l’idée que son bras plein de transpiration était collé au sien, ça la dégoutait. Mais elle ne bronchait pas. Elle restait silencieuse dans son coin, totalement saoulée par la situation. Saoulée que ce soit ce camion qui puait l’homme qui les a choisi. Sienna avait la tête contre la vitre et elle pouvait apercevoir Josh dans la voiture d’à côté qui la filmait. Sourire aux lèvres, car il devait trouver ça drôle de la voir râler. Elle était à deux doigts de lui faire un doigts d’honneur à travers la vitre. Mais elle se retint parce que c’était Josh, mais elle le pensait bien fort. Elle écoutait Greg faire le lèche-botte avec le camionneur en complimentant sa décoration moyenâgeuse. Quoi ? On avait affaire avec un fan du XIIIème siècle ? Sienna connaissait des tas de choses sur le Moyen-Âge en France. Sur l’architecture, le développement des villes. C’était une option qu’elle avait pris à l’université. Mais juste parce Greg parlait, elle n’avait pas envie de parler. Oui, c’était une drama queen et elle assumait. D’ailleurs ce dernier lui donna un petit coup de genoux. Mais elle ne broncha pas. Elle savait que c’était une petite perche tendue par Greg pour réinstaller un dialogue entre eux mais Sienna ne se laissait pas avoir par un simple geste. « Tu fais encore la gueule ? » Elle grogna. Le grognement était contagieux quand on restait avec Greg. Mais elle retint tant bien que mal un sourire. Elle voulait rester crédible. « On va peut-être pouvoir faire le stock de clopes vu comme ça pue dans son camion. » C’était marrant à quel point il savait ce qui pouvait lui décocha un sourire ou une petite étincelle dans son regard. Ça faisait plus trois heures qu’ils ne s’étaient pas adressés la parole et c’est vrai que ça commençait à faire un peu long. « Oui, p’t’être. Mais j’fais toujours la gueule. » Dit-elle en lui lançant une oeillade sans réussir à retenir un sourire en coin. Elle était démasquée, elle ne tiendrait plus très longtemps sans lui parler ou dire des conneries avec lui, comme se moquer du camionneur par exemple. Parce qu’il y avait matière pour.

@Gregory Morton

Elle fait encore la gueule Sienna, peu importe si j’essaie de détendre l’atmosphère. Apparemment, elle est rancunière. Rancunière pour des bouteilles d’eau, c’est un peu abusé quand même. Je crois déceler quand même un petit sourire sur ses lèvres après ma proposition, bon, c’est toujours ça de gagné. Mais en fait Greg, pourquoi tu tiens tant à ce que Sienna retrouve le sourire ? Simplement parce que c’est plus agréable pour tout le monde, c’est tout. Alors qu’elle regarde toujours dehors, le camionneur nous demande ce qu’on fait et pourquoi on est chargé comme des bœufs. « On fait Race of Australia, et la première étape, c’est Charleville. » que je lui réponds, simplement.

« Vous connaissez cette émission ? »
« Ouais, ça m'arrive de regarder parfois quand je suis pas sur la route. »

L'amorce est lancée, la conversation aussi, et il nous pose alors des questions un peu plus indiscrètes. Ce gros monsieur a maintenant connaissance de mon métier, de mon prénom, de mon amour pour les objets du Moyen-Âge, et de mon amour pour les chiens. Lui, Travis, et son frère Dereck, viennent du sud. Ils ont 2 ans de différence, et Dereck est apparemment intéressé par le métier de Travis, alors ils partent ensemble comme ça de temps en temps. La conversation n’est pas bien intéressante, mais suffisante pour installer une ambiance presque chaleureuse, Sienna se mêle aussi à la conversation (c’est là que je me rends compte qu’elle fait presque plus la gueule, en tous cas elle sait bien faire semblant sinon), et je réussis à amener le sujet qui m’importe relativement facilement : on s’arrête pour pisser sur une aire d’autoroute, et j’en profite pour demander des clopes et de la bouffe à Travis. Il paraissait chaleureux au volant, mais est-il tout aussi généreux ?

Spoiler:

Au fil du trajet, Sienna arrêta de faire la gueule. Déjà parce qu’elle s’ennuyait et qu’elle avait envie de parler, et aussi parce que ça lui manquait un peu de discuter avec Greg, mais ça elle avait du mal à se l’avouer. Ça passait le temps de papoter un peu. Surtout qu’au final, le camionneur et son frère étaient relativement sympathiques. Et pas si ignares que ça car tenir une conversation avec eux était assez aisé. Au bout d’un certain temps de trajet, le camion se gara dans une aire d’autoroute. Pause pipi. Enfin pour qui veut mais pas pour Sienna, tout mais pas les toilettes d’aires d’autoroutes. C’était dégueulasse. Elle rêvait tant d’avoir un pénis dans ces moments-là. Greg profita de ce moment pour demander quelques clopes et à manger au conducteur. Et miracle, Greg et Sienna se retrouvèrent avec des chips, des barres de céréales et six clopes. Jour de chance ! Ils se regardèrent, et elle lui sourit vraiment pour la première fois depuis le début de la journée. « Trop fort, on va bien manger. » L’envie de fumer une clope et d’ouvrir un paquet de chips était trop forte mais elle savait se retenir comparé à Greg qui lorgnait déjà le paquet de clopes, à deux doigts d’en tirer une. Elle lui lâcha un regard qui voulait tout dire, et il l’avait bien compris le message qu’elle lui faisait passer et rangea les clopes dans son sac. Bien éduqué cet ours. Après ça, ils remontèrent dans le camion avec Travis et Dereck, suivis de près par Josh et sa caméra. Direction Morven, ils n’étaient plus très loin. Plus les heures et les journées avançaient plus elle sentait le week-end détente arriver à grand pas. Bouffe, lit confortable, douche, piscine. Et ça c’était génial, elle en avait tellement hâte.