Les températures sont agréables à Brisbane. Si, en été, le sol en béton décuple la chaleur des rayons du soleil et la projette vers le haut pour plonger la ville dans un épais nuage suffoquant, en hiver, il est possible pour le front de Raphael de ne pas se couvrir de sueur collante. Il est bien, là, posé sur le banc qu’il a monopolisé en s’installant en plein milieu, pour éviter de se retrouver en compagnie d’un bavard. Les secondes s’écoulent lentement parce qu’il attend une heure précise : il a rendez-vous chez le banquier dans une heure et il n’aurait pas le temps de se rendre chez lui avant de repartir. C’est donc pour patienter qu’il observe les passants au centre-ville, certains traînant avec eux des sacs en plastique pleins de fringues ou d’objets en tout genre. Juste devant lui se dresse l’entrée d’une boutique à l’allure geek, le genre d’univers qui ne parle pas vraiment à Raphael. Pourtant, quand il remarque à travers la vitrine un t-shirt loufoque à carreaux, son attention est rapidement attrapée. Il hésite un moment en se demandant si ça vaut vraiment la peine de quitter son confortable siège mais un seul coup d’œil sur sa montre lui suffit pour réaliser qu’il lui reste beaucoup trop de temps à gaspiller.

Il entre en se faisant tout petit. Il offre un sourire discret à l’homme derrière la caisse et enfonce rapidement ses mains dans ses poches pour se camoufler dans le décor. Ses pas le mènent immédiatement en direction de la section des vêtements, là où il peut déjà voir des Mario et des Zelda encrés sur le tissu. Il n’a jamais été fan de jeux vidéo mais, s’il arrive à trouver un motif intéressant, ça pourrait lui plaire. Tant qu’il n’a pas à expliquer à tout le monde qu’il ne connait pas le personnage sur sa chemise mais qu’il le trouvait visuellement sympathique. Alors qu’il est sur le point d’atteindre la rangée qui l’intéresse, une large bibliothèque colorée attire son regard. Il s’arrête devant celle-ci et penche la tête sur le côté pour tenter de lire les titres mais il ne semble rien reconnaître. Sa curiosité le pousse à s’emparer d’un des bouquins, l’extirpant d’entre deux autres, pour le feuilleter. Il reconnait le style de l’illustration. Les mangas sont un genre de littérature très populaire à l’école où il offre des cours : il faut croire que les enfants préfèrent regarder des images plutôt que de lire d’interminables phrases. « Humf. » Il glousse en tournant soigneusement la mince page. Ses yeux intrigués dansent sur les illustrations, sur les visages féminins des personnages, sur leurs habits joliment dessinés et il se pince les lèvres en remarquant deux filles s’embrassant dans le bas de la page. Il hausse un sourcil, tourne la page et… Mais ! Elles sont où les deux filles ? Pourquoi la scène a complètement changé ? Malheureux petit Raphael qui ne sait pas que les mangas se lisent à l’envers.

Il perd rapidement son intérêt : les quelques pages qu’il a zyeutées ne l’ont pas convaincu. Il repose donc le livre à sa place et s’apprête à retrouver sa route initiale mais une clochette tinte dans sa tête. Il rougit instantanément, honteux d’avoir eu cette simple pensée, mais il ne peut s’empêcher d’attiser sa curiosité. L’air innocent, il se remet à lire les titres des mangas, glissant son doigt sur leur reliure pour mieux s’orienter, puis, après quelques minutes de recherches en compagnie de la chanson thème de mission impossible, il trouve ce qu’il cherchait. Aux aguets, il jette un coup d’œil autour de lui tel un suricate à la recherche d’un prédateur et il s’empare d’un bouquin imagé sur lequel figure deux hommes. Il ne lui suffit que de l’ouvrir à une page aléatoire pour sentir sa gorge se nouer et son pouls s’accélérer. Serait-ce la gêne ? La honte ? Un mélange de tout ça ? Probablement. Il n’a pas l’impression d’avoir le droit de faire ça. Il se trahit. Mais le torse sculpté d’un des personnages le force à se mordre la lèvre inférieure. La sueur s’accumule sur son front, comme en plein été, mais ce n’est pas le béton qui reflète la chaleur du soleil. Il tourne la page, encore, encore, et tombe enfin sur une scène qu’il déteste avoir désiré. Boom boom, boom boom, boom boom.      

can i have this dance (ft. @raphael elly )

Elle adore son travail. Vraiment, elle pouvait pas rêver mieux. Elwyn est vraiment le genre de patron pour lequel on est heureux d’aller bosser. Quelqu’un de normalement constitué serait possiblement usé bien vite, mais Jess a le même genre d’humour idiot que lui. Ils font la paire, ces deux là. Alors certes, elle gagne pas des fortunes, mais c’est pour le moment suffisant pour sortir la tête de l’eau. En faisant attention, elle met de côté et ses espoirs de trouver un appartement sous peu augmentent de jour en jour.

C’est plutôt calme, aujourd’hui. Quelques gamins qui viennent jeter un oeil aux derniers comics Marvel, la hype dûe aux films récents ne descendant toujours pas. Mais hé, c’est bon pour les affaires. Plutôt amusant d’ailleurs de voir tous les différents clients qui se pointent dans une boutique nerd. Bien sûr, y a les éternels habitués, ceux qui connaissent tout de leurs univers favoris et qui pré-commandent des éditions collectors de figurines ou de bouquins à des sommes complètement indécentes. Puis il y a les néophytes. Ceux qui sont là soit parce qu’ils se sont perdus et qu’ils ont vu de la lumière, soit parce qu’ils cherchent un quelconque cadeau et que tout ce qui touche à la pop culture a plutôt le vent en poupe en ce moment. Ou alors parce qu’ils sont curieux et s’attendent sûrement à trouver tous les clichés possibles et imaginables dans ce genre d’endroit. Dans tous les cas, ils sont facilement reconnaissables. Et il y en a tellement pour tous les goûts que Jess peut leur vendre des trucs qu’ils s’imaginent même pas. Tout ça juste en résumant quelques fables aux allures dantesques, coupant le récit au meilleur moment afin d’attiser leur curiosité.

Depuis une petite demi-heure, elle fait des aller-retours dans les rayons, s’assurant que tout soit en ordre, vérifiant les étiquetages et remettant en place les articles mal rangés par les clients trop pressés. Dès qu’elle croise quelqu’un, elle offre un sourire poli en guise de bonjour. S’il y a une question ou une hésitation, elle est là pour répondre et aider. Ces contacts humains font parti de ce qu’elle préfère dans ce job. Occupée à remplacer quelques anciennes figurines par des nouvelles, Jess repère ce jeune homme du coin de l’oeil. Il a l’air un peu paumé, pas vraiment à sa place. Il erre dans le rayon des mangas et Oxton peut jurer l’avoir vu en lire un du mauvais sens. Elle ne s’attarde pas trop sur lui, s’il a besoin d’un coup de main elle ira voir après. Pour l’heure, elle termine la mise en place des statuettes avant de fermer la vitrine et d’aller ranger le carton dans la réserve. En resortant de là, Jess voit au loin le haut du crâne du jeune homme de tout à l’heure. En bonne vendeuse qu’elle est en train de devenir, elle se dit qu’elle peut sûre le conseiller et lui vendre une série adaptée à ses goûts. Beaucoup de monde considère les mangas comme de la littérature pour enfants. Sur le principe, oui, certes, ça peut en avoir l’air. Mais quand on regarde bien, les thèmes abordés dans beaucoup d’entre eux sont bien plus adultes qu’il n’y paraît.

Et elle ne croit pas si bien dire. Alors qu’elle s’approche, elle affiche un sourire amusé en voyant ce qu’il est en train de feuilleter. Non pas qu’il y ait de quoi se moquer, bien au contraire. C’est juste qu’en règle générale, les personnes qui parcourent ce genre d’ouvrages ont tendance à le faire chez eux. Les quelques personnes qui les achètent, au moment de payer, évitent de croiser son regard et lancent toujours des oeillades autour. Elle les comprend. Il ne semble pas l’avoir vue. Jess penche légèrement la tête sur le côté et s’éclaircit la gorge, juste pour signifier qu’elle est là. « Salut, j’peux t’aider à faire un choix ? » qu’elle demande gentiment.

Les images sont explicites. Plus que Raphael ne l’aurait imaginé. Pourtant il se sent absorbé par l’histoire – évidemment, quoi d’autre pourrait l’intéresser – et il perd la notion du temps, tournant doucement les pages en sentant sa gorge se nouer progressivement, toujours inconscient du sens de lecture d’un manga. À ses yeux, les personnages ont des pouvoirs de téléportation, quoi de plus normal pour une histoire pleine de fantaisies comme celle-là ? Pendant un moment, il oublie sa lutte incessante contre ses préférences sexuelles, lui qui essaye tous les matins de convaincre son reflet que seules les courbes féminines arrivent à attirer son attention. Lui qui se pince à chaque fois qu’il se surprend à regarder les acteurs plutôt que les actrices durant le visionnage d’un film sur Netflix. Lui qui ne peut pas absorber la moindre miette au petit déjeuner quand ses rêves l’ont mené vers l’interdit. Mais, dans cette boutique, ses pensées se laissent bercer et il se met à fantasmer honteusement quand ses yeux curieux se mettent à tracer le chemin jusqu’à l’aine d’un personnage masculin à la musculature bien plus prononcée que la sienne. C’est évidemment à ce moment qu’une voix à quelques centimètres de son oreille le surprend. « Salut, j’peux t’aider à faire un choix ? » Aussitôt, c’est la montée d’adrénaline, le déclenchement de l’alarme d’incendie : il se redresse vivement, détachant enfin son attention des dessins, referme fermement le bouquin, faisant claquer ses pages lustrées, et il se retourne brusquement en direction de la jeune femme qui lui a adressé la parole. Dans cette lancée maladroite, il perd le contrôle de ses membres amples et son coude renverse l’entièreté d’une montagne de mangas perdus qui attendaient de se faire replacer par les commis. Le vacarme le surprend une seconde fois, il sautille comme une petite souris qui esquive la patte d’un renard et il fait plusieurs pas plus loin pour ne plus permettre à sa maladresse de faire davantage de dommages, rapidement, évitant de piétiner les pauvres livres étendus sur le sol par sa faute. « Oh… Ooooooooh. » Il s’exclame en plaquant le manga qu’il lisait sur son menton, cachant sa bouche en forme de melon. Ses yeux écarquillés se baladent sur les dizaines de bouquins éparpillés sur le carrelage. Long silence. Raphael reste immobile dans l’espoir de disparaître. « Je suis désolé j’ai… vous m’avez un peu surpris. » Il ne réalise pas tout de suite qu’il tient devant son visage le bouquin qu’il lisait quelques secondes plus tard, présentant sa page couverture explicite au commis tout aussi surpris d’avoir vu son incrustation polie se transformer en véritable bombe atomique. « Je vais vous aider, attendez. » Et il s’abaisse, sans attendre sa réponse, pour ramasser les mangas avec ses longs bras bien pratiques dans ce genre de situation qui n’arrive que très peu souvent. Il préfère les utiliser pour se balancer lorsqu’il se tient sur une jambe en exécutant un mouvement de danse difficile, pas pour réparer ses erreurs. Habituellement, Raphael est trop timide pour enchaîner la moindre phrase mais, dans les cas comme celui-ci, on ne peut plus l’arrêter. « Ah merde, une des pages de celui-ci est pliée… Je rembourse sans problème, ça ne me dérange pas ! Je n’ai pas d’intérêt pour les mangas mais je vais l’acheter si vous ne pouvez plus le vendre. » Il présente le bouquin en question au commis en l’interrogeant du regard, la respiration visiblement saccadée, épuisée par cet effort soudain.  

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C’est drôle de voir à quel point le jeune homme a l’air à la fois nerveux d’être découvert avec ce genre d’ouvrage à la main et pourtant il semble totalement inconscient de ce qui l’entoure. Sans doute trop absorbé par les images qu’il feuillette dans le mauvais sens, il n’a prêté aucune attention à Jess qui s’est approchée. Elle n’a pourtant utilisé aucune de ses compétences de furtivité pour arriver là et lui poser la question fatidique. (Tout ça semble bien dramatique alors qu’en vérité… Pas du tout.) A aucun moment, Oxton ne se serait attendue à une réaction pareille. A croire qu’elle venait de secouer un mannequin complètement désarticulé de manière bien trop violente. La scène s’est déroulée extrêmement vite et elle a à peine eu le temps de sursauter. Par réflexe, elle recule d’un pas ou deux, histoire d’éviter de se retrouver emmenée par la marée de livres qui se déverse sur le sol. Jess grimace et son regard se reporte sur le jeune homme qui semble mortifié. Elle zieute aux alentours, remarquant ainsi le regard fuyant de quelques autres clients dans la boutique. Elle leur fait un bref signe de main histoire de leur signifier que c’est pas bien grave et ils reprennent leurs activités. « Je suis désolé j’ai… vous m’avez un peu surpris. » il s’excuse et elle ricane, amusée par le ton qu’il adopte. « J’ai cru comprendre. » elle s’agenouille et commence à ramasser quelques pauvres livres qui gisent là. « Je vais vous aider, attendez. » Oxton lève les yeux vers lui vers le grand maladroit et l’observe un instant alors qu’il lui file un coup de main. Elle affiche un sourire en voyant à quel point il est nerveux et se sent mal d’avoir causé tout ce remue-ménage. « Merci. Désolée d’être arrivée sans prévenir. » qu’elle dit en faisant des petites piles de manga sur le sol, histoire d’au moins dégager le passage dans un premier temps. Il faudra ensuite tout remettre en rayon. « Ah merde, une des pages de celui-ci est pliée… Je rembourse sans problème, ça ne me dérange pas ! Je n’ai pas d’intérêt pour les mangas mais je vais l’acheter si vous ne pouvez plus le vendre. » Jess penche la tête et jette un oeil à l’ouvrage qu’il lui présente. Un sourire en coin se dessine sur son visage lorsqu’elle reconnaît la couverture, un autre yaoi. Bien plus explicite que celui qu’il lisait juste avant. « T’avais l’air pourtant absorbé par la lecture. » elle plaisante l’air de rien, tout en continuant ses petites piles. Elle tend la main et prend le livre qu’il tient, le feuilletant rapidement. Effectivement, il y a une page un peu cornée. Rien de bien grave en soit, ça arrive souvent. « Mais, si tu achètes un manga il faut que tu connaisses le plus important. » l’air qu’elle adopte est sérieux, un peu trop sûrement pour ce qu’elle compte annoncer. Elle laisse planer le doute quelques secondes, ouvrant la première page qui se trouve par conséquent là où se trouverait la fin d’un livre classique. « Le sens de lecture. Tu vois, ça se lit de droite à gauche. » du bout du doigt, elle suit les cases, traçant brièvement l’ordre dans lequel c’est supposé être lu. Elle lui laisse quelques instants pour assimiler l’info pourtant pas nouvelle, puis continue. « T’as de la chance, celui là est un one shot, t’as toute l’histoire en un seul tome. Ca raconte l’histoire d’un seigneur mortel qui doit une dette à Caine, le roi dragon. Un jour ce dernier réclame son dû et c’est un jeune chevalier au coeur pur qui se sacrifie à la place de son seigneur. » Elle fait un vague geste de main, n’entrant pas dans les détails de l’histoire ou de ce qu’elle contient. La suite est beaucoup moins romantique et un peu (beaucoup) plus explicite mais ça… Il aura tout le temps de le découvrir par lui-même. « C'est plutôt intense comme histoire. » elle se retient à grand peine de lui offrir un haussement de sourcils explicite.

Il a réagi comme s’il était en train de commettre le plus sordide des crimes. Il aurait probablement sursauté autant si des policiers l’avaient intercepté en train d’égorger un chiot près d’une poubelle. Ce combat que Raphael mène contre sa propre sexualité le terrifie. Il le déteste, est conscient qu’il ne fait que se décevoir lui-même en regardant les garçons mais il n’y peut rien : après avoir passé plus de vingt ans à observer la même fille sans oser l’approcher, ça frappe de plein fouet de se rendre compte que le temps a été perdu. Diana a toujours accompagné ses rêveries de famille parfaite, de couple heureux en vacances dans les montagnes, à l’ombre d’un grand arbre. « J’ai cru comprendre. » Étrangement, la vendeuse ne l’effraie pas autant que toutes les autres filles à la tignasse longue qu’il a croisées dans sa vie. Elle est bien plus petite que lui et ses grands yeux bleu semblent amicaux, familier. Comme si elles et lui partageaient des points en commun – on peut tout de suite retirer les jeux vidéo et les mangas de la liste, Raphael n’a jamais eu d’intérêt pour un autre univers que le sien. Un univers dans lequel il a réussi sa carrière de danseur, a marié la femme de ses rêves et a eu deux enfants avec elle. Et, surtout, un univers dans lequel il ne perd pas le contrôle sur lui-même quand un homme lui adresse un sourire. Il est normal, dans ce monde-là, et c’est génial.

Mais, malgré son cœur qui se tape contre sa poitrine, il arrive à s’abaisser pour ramasser la montagne de mangas qu’il a renversée. Il sait que la jeune femme n’a rien fait de mal : elle l’a simplement surpris à un moment où la honte l’habitait. « Merci. Désolée d’être arrivée sans prévenir. » Il esquisse un sourire nerveux sans la regarder, les deux yeux rivés vers la tâche à laquelle il s’est attelé. « C’est rien. C’est votre boulot de déranger les clients. » Il se pince les lèvres et se corrige rapidement : « De les aider. Pardon. » Il n’échange toujours pas un seul regard avec elle, bien trop blême – ou rouge, il ne sait pas trop de quelle couleur son visage a décidé de se teindre. Il remarque rapidement que l’un des bouquins a été abîmé dans sa chute et il se propose instinctivement pour payer les dégâts. Il pourra lui servir de presse papier, dans le pire des cas, il en aurait justement besoin d’un pour empêcher les paperasses de s’envoler au passage des hélices du ventilateur. « T’avais l’air pourtant absorbé par la lecture. » Que réplique la vendeuse alors qu’il prétend ne pas apprécier la lecture. Sa gorge se noue et il détourne les yeux vers n’importe où dans le but de trouver un divertissement qui lui fera oublier que, la jeune femme, elle connait les mangas qu’elle vend dans sa boutique. S’il a compris une chose, c’est qu’elle a eu le temps d’apercevoir le titre du bouquin érotique qu’il feuilletait avant qu’il n’explose comme une bombe de nervosité. « Non je… Rien. » Pas d’argument, aucun, zéro, nada, le néant, le désert désertique dans un trou noir. « Mais, si tu achètes un manga il faut que tu connaisses le plus important. » Elle réussit à capter son intérêt : il pose enfin ses deux yeux sur elle, une expression sceptique collée sur le visage. « Le sens de lecture. Tu vois, ça se lit de droite à gauche. » Oh. Cela expliquerait pourquoi les personnages se téléportaient sans arrêt. « Eh bien, je me sens un peu con. » Il répond en tournant les pages dans le bon sens, cette fois. Il revoit un dessin plutôt démonstratif et il se racle la gorge en refermant le manga, le faisant claquer. S’il ne voulait pas se ridiculiser aujourd’hui, il est bel et bien tombé sur la pire section de l’étagère. « T’as de la chance, celui là est un one shot, t’as toute l’histoire en un seul tome. Ca raconte l’histoire d’un seigneur mortel qui doit une dette à Caine, le roi dragon. Un jour ce dernier réclame son dû et c’est un jeune chevalier au coeur pur qui se sacrifie à la place de son seigneur. » À vrai dire, l’intérêt de Raphael n’est pas du tout capté. Les histoires fantastiques ne l’ont jamais intéressé. Mais… Il y a peut-être quelque chose d’intéressant à « analyser » dans celui-ci. Et ce ne sont pas les dragons. « C'est plutôt intense comme histoire. » Une profonde expiration gonfle sa poitrine et il fronce les sourcils en se pinçant les lèvres. Oui, il a compris, et elle a compris. Depuis le début, elle s’amuse avec le client complètement perdu. « Vous avez l’air de bien connaître le sujet. » Le jeune homme redresse enfin la tête et croise à nouveau le regard de la vendeuse. Et, là, son instinct misérable prend le dessus sur lui et il devient le véritable imbécile qu’il peut être lorsqu’il tente de renier sa nature : « Mais je préférerais une histoire dans laquelle y’a pas de trucs malsains. » Putain Raph, ta gueule. Tu as été élevé dans l’homosexualité : tu as deux pères qui s’aiment et qui t’ont appris à respecter les choix de chacun. Tu n’as rien à prouver à personne.      

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Y a pas à dire, les réactions de ce garçon sont bien trop amusantes. La mine presque coupable qu’il affiche à la simple idée d’avoir été pris la main dans le sac… Ca n’a clairement pas de prix. Y a un truc à propos du jeune homme qu’elle aime bien. Elle sait pas trop expliquer pourquoi, mais elle a un sacré bon feeling à son égard. Même lorsqu’il renverse la pile de bouquins par terre et qu’il se confond en excuse, elle arrive pas à être agacée. C’est pas grave, y a pas mort d’homme. Dans le pire des cas, c’est la dignité de ce type qui en a pris un coup, elle est sûre qu’il s’en remettra. « C’est rien. C’est votre boulot de déranger les clients. De les aider. Pardon. » Oxton cligne des yeux et les relève vers lui qui a pourtant l’air de désespérément chercher à éviter son regard. Elle finit par lâcher un léger ricanement, amusée par ses choix de mots. Elle secoue la tête, un sourire toujours dessiné sur le coin des lèvres. Elle essaye d’engager un peu la conversation, essayant d’un peu mieux cerner son interlocuteur. Un néophyte un peu curieux. A le voir là, c’est quasi certain qu’il s’est juste perdu. Ca ou quelqu’un lui a parlé du genre d’oeuvre avec laquelle il a été pris en flagrant délit. Histoire de continuer sur sa lancée, elle lui explique brièvement le sens de lecture, ça l’aidera pour plus tard. Parce que ouais, il est hors de question que Jess le laisse repartir d’ici sans un ou deux manga. Il est temps de l’éduquer un peu sur la culture nippone. C’est pour son bien. « Eh bien, je me sens un peu con. » Jess hausse les épaules et secoue la tête. « T’en fais pas, c’est pas rare que les gens sachent pas. » Hop, petite pile terminée, elle lui adresse un sourire rassurant. « Le prochain que tu liras, tu pourras mieux suivre l’histoire comme ça. » Forcément. Ca va tout de suite mieux en commençant pas par la fin. Pour l’amusement, elle lui présente donc l’oeuvre qui porte le nom de Vanquished Knight. Enfin le manga adapté du light novel, mais elle va pas commencer à lui expliquer tout ça sinon elle va le perdre. Voir la tête qu’il fait quand elle lui raconte le résumé, c’est vraiment incroyable. Pas le meilleur choix marketing de lui proposer un yaoi explicite, certes. Mais putain, qu’est ce que c’est drôle. « Vous avez l’air de bien connaître le sujet. » Enfin, il croise le regard de Jess. Cette dernière opine du chef. « Ouais je l’ai lu pas plus tard que la semaine dernière celui là. » Faut dire qu’il y a pas non plus des quantités astronomiques de manga dans la boutique. Y a surtout des séries populaires et connues. De toute façon, avec tous les autres goodies de pop culture un peu partout dans le magasin, y aurait pas la place. « Mais je préférerais une histoire dans laquelle y’a pas de trucs malsains. » Jess plisse les yeux en le fixant, incertaine de la manière dont elle doit réagir. Elle tient à lui laisser le bénéfice du doute, préférant se dire qu’il est maladroit de nature. Après tout, elle a eu un plutôt bon avant goût y a à peine quelques minutes. Elle s’humecte la lèvre, faisant mine de réfléchir. « Pas un fan des dragons hein ? » avant qu’il ne puisse répondre, elle se tourne vers une étagère et farfouille un peu dedans. « Pas de soucis, t’aimes quoi ? Y a vraiment de tout. » farfouillant les quelques ouvrages qui se trouvent là, elle en prend un autre qu’elle feuillette, sans pour autant lui proposer tout de suite. A la place, elle résume très grossièrement quelques collections parmi les plus populaires. « Y a cette série où le gars veut devenir le roi des pirates. Une autre où deux frères essaient de ramener leur mère à la vie et bon.. Ca tourne un peu mal. T’as des ouvrages sans fantastique aussi… Sur le sport surtout, y en a plein. » bon, ces derniers sont souvent dans la catégorie yaoi aussi, mais c’est bien moins explicite que celui avec le roi dragon là.

« T’en fais pas, c’est pas rare que les gens sachent pas. » Probablement une phrase que la vendeuse a apprise par cœur pour la sortir au bon moment, lorsqu’elle a l’opportunité de faire croire à son client qu’il n’est pas le seul perdu dans ce monde. Malgré ses paroles qui se veulent rassurantes, Raphael n’arrive toujours pas à trouver sa place dans cette boutique dans laquelle il n’aurait pas dû mettre le pied. Il ne voulait voir qu’un seul t-shirt dans la vitrine : foutus mangas érotiques qui ont capté son intérêt d’adolescent éternel. « Le prochain que tu liras, tu pourras mieux suivre l’histoire comme ça. » Il avale de travers, pose le revers de sa main sur sa bouche pour cacher son embarras et il hoche vaguement la tête plus pour demander de changer de sujet que pour affirmer ses propos. Certes, il sait maintenant comment lire un manga mais l’envie de le faire a rapidement disparu quand il s’est fait prendre en pleine contemplation gênante. S’il se propose pour acheter le bouquin fripé par l’accident, c’est seulement par politesse. Malgré tout, il y a quelque chose de captivant chez cette vendeuse. Certes, elle doit avoir l’habitude de croiser des clients comme lui mais elle semble tellement à l’aise de parler du contenu plutôt… unique… des mangas rangés devant leurs yeux. Le tabou ne semble pas exister dans son monde et voilà quelque chose dont Raphael pourrait être jaloux. S’il y a quelque chose que le garçon aimerait plus que d’être simplement hétérosexuel, c’est bien d’être à l’aise avec qui il est, avec le corps dans lequel il est né, avec son cerveau qui déjoue parfois les lois du mâle et de la femelle. « Ouais je l’ai lu pas plus tard que la semaine dernière celui là. » Eh bien. « Pour le plaisir ou… parce que ça fait partie de votre boulot de connaître les objets que vous vendez ? » La question est truquée. Il n’y a qu’une seule information qu’il veut récolter : est-elle elle aussi intéressée par ce qui se trouve entre les pages de ce manga ? « Pas un fan des dragons hein ? » Il souffle tout son air par ses narines en secouant la tête de droite à gauche. « Pas trop fan des écailles. » Si les univers fantastiques n’ont jamais capté son intérêt, ce n’est pas la raison pour laquelle il préfère jouer les mecs normaux devant la vendeuse ne se cachant derrière aucun filtre. « Pas de soucis, t’aimes quoi ? Y a vraiment de tout. » Mal à l’aise, et regrettant complètement d’avoir lancé la discussion, il hausse les épaules en émettant une sorte de couinement incertain. Il n’était pas là pour les mangas à la base et voilà qu’il doit broder autour du sujet principal, faire comme si cette discussion était plus que normale. « Y a cette série où le gars veut devenir le roi des pirates. Une autre où deux frères essaient de ramener leur mère à la vie et bon.. Ca tourne un peu mal. T’as des ouvrages sans fantastique aussi… Sur le sport surtout, y en a plein. » Il ne l’écoute que d’une oreille, son regard ayant capté celui d’une jeune femme dans la rangée voisine. Elle semble le regarder… Attends… Elle vient de lui sourire, non ? Allez, souris en retour Raph ! « Euuuum le sport ça peut être bien. » qu’il fredonne en reposant son attention sur la vendeuse, l’air complètement innocent. Et, dans son angle mort, il capte un mouvement de la part de l’autre cliente qui semblait l’observer quelques secondes plus tôt. Elle s’approche de lui ! Oh mon dieu ! OH MON DIEU ! « Salut… » L’étrangère dit doucement dans le dos de Raphael. Il se tourne rapidement. « Sa… » Elle ne le regarde pas. Ses yeux bleus ont capté ceux de la vendeuse. « L…uuuuut… » TEUF TEUF TEUF  il vaut mieux faire semblant de s’étouffer que de subir la honte de s’être senti interpellé. « Je n’ai pas de questions, et désolée de vous déranger… » Elle continue en observant Raphael puis la vendeuse, plus longuement, parce que c’est bien à elle qu’elle parle. « Je voulais juste te demander ton prénom… Et peut-être ton numéro de téléphone, si tu veux bien. » Se raclant la gorge, le garçon rouge se met à observer les mouches invisibles en faisant mine de n’avoir rien entendu.

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Oxton sait que si elle joue sur les bonnes cordes, elle peut lui faire acheter ce qu’elle veut. Là il a l’air d’avoir envie de disparaître dans un trou, voire de sortir au plus vite. Seulement il est bien trop poli pour juste s’éclipser sans rien dire. Il se sent probablement coupable d’avoir causé cette scène et veut faire amende honorable auprès de Jess, brave garçon. « Pour le plaisir ou… parce que ça fait partie de votre boulot de connaître les objets que vous vendez ? » la question est à peine surprenante, faut être honnête. Ca la fait rire et elle ne le cache même pas. Pour le show, elle fait semblant de réfléchir, le doigt tapotant légèrement son menton. Quelques secondes, rien de plus et tout dans la gestuelle. Finalement, elle hausse un peu les épaules. « Les deux. » un vague sourire mutin vient danser sur ses lèvres. « C’est pas ce que je lis en temps normal mais c’était… Intéressant. Et c’est toujours un bon point de savoir de quoi on parle quand on les vend ensuite. » qu’elle lui dit le plus sincèrement du monde. Sa came, c’est plutôt les comics à Jess. Les manga c’est sympa, mais c’est clairement pas ce qui fait vibrer son coeur de nerd. « Pas trop fan des écailles. » elle hoche brièvement la tête, maintenant qu’elle commencer à un peu mieux cerner le personnage, elle va pouvoir lui proposer des trucs un peu plus adaptés. Et surtout arrêter de tourmenter le pauvre garçon. S’il veut partir sans rien acheter, c’est bien aussi. Au moins il pourra sortir d’ici avec une anecdote amusante à ne pas raconter à ses amis. Parce que clairement, elle doute que ça soit le genre de chose dont il se vantera dans le futur. Elle lui fait d’autres propositions, moins osées, moins obscènes. Mieux pour commencer à s’intéresser à la culture des manga. « Euuuum le sport ça peut être bien. » Plutôt réaliste donc. Parce que là encore y a une chiée de sous-catégories plus ou moins épiques, un vrai bordel pour les néophytes. (Parce que ouais, jouer au tennis en lançant des comètes c’est pas donné à tout le monde.) Jess affiche un sourire radieux et se redresse, cherchant quelques instants dans les étagères. « Pour le coup y a vraiment de tout, ça va dépendre de ce que t’aimes bien. Basket, tennis, patinage artistique... » elle continue à énumérer la liste infinie de thèmes trouvables, ne faisant pas particulièrement attention aux réactions du client pour le coup. « Salut… » la voix n’est pas celle du jeune homme. Jess tourne la tête vers la fille qui vient d’arriver et sourit brièvement en croisant son regard. Le nerveux commence à s’adresser à la nouvelle arrivante en retour et le son de sa voix va décroissant quand il se rend compte que la salutation était en fait adressée à Jess. Cette dernière affiche un sourire amusé et penche légèrement la tête sur le côté,  s’apprêtant à demander si elle peut aider. « Je n’ai pas de questions, et désolée de vous déranger… » « Oh ? » mais pourquoi alors ? La réponse ne tarde pas à arriver. « Je voulais juste te demander ton prénom… Et peut-être ton numéro de téléphone, si tu veux bien. » Ah ok, elle s’attendait pas vraiment à ça. « Oh heu… Ouais, ouais carrément. » elle sourit, presque un peu nerveuse (carrément nerveuse en fait). Pas qu’elle soit mal à l’aise, plus qu’elle est prise au dépourvu. Dans ce genre de situation, elle a souvent la réaction d’une ado. Son regard se porte un instant sur Raph qui a l’air d’avoir trouvé un intérêt tout particulier à une particule de poussière ou quoi que ce soit qu’il ait vu. Néanmoins, elle sourit à la jeune femme; « Jess. Mon nom, je veux dire. » qu’elle souffle en s’approchant, lâchant un ricanement nerveux. Comme toujours, cette confidence qu’elle met un point d’honneur à afficher en permanence disparaît dès que quelqu’un commence à flirter avec elle. Elles échangent quelques instants et finalement, celle qui se présente sous le nom d’Amelia sort son téléphone pour que Jess rentre son numéro dedans. A l’occasion, elle jette un oeil au garçon derrière, toujours occupé à faire comme si il ne voyait rien. Il aurait pu en profiter pour filer sans demander son reste, c’est pas comme si il était obligé de rester là et d’attendre. Oxton adresse un autre sourire à Amelia qui lui propose d’aller boire un verre après le boulot. Oxton a rien à perdre alors pourquoi pas. Elle s’éloigne ensuite, visiblement ravie d’avoir eu ce qu’elle voulait. Jesse se masse la nuque, croisant le regard fuyant du grand maladroit. « Heu je... » Elle se râcle la gorge et force un sourire. L’ambiance est un peu bizarre. « Du coup heu… Le sport. Ouais. » elle est partie loin sa confidence là.

« C’est pas ce que je lis en temps normal mais c’était… Intéressant. Et c’est toujours un bon point de savoir de quoi on parle quand on les vend ensuite. » Ah, donc. C’est « intéressant », entre deux gros guillemets. Le genre de truc que les scientifiques regardent de loin en portant des gants et des lunettes de protection au cas où ce serait dangereux d’y toucher. Ça devrait couper directement la curiosité de Raphael mais le contraire se produit dans ses neurones. Les synapses se multiplient, explosent, même. Qu’est-ce qu’il a envie de voir ce qu’il se passe entre les pages de ce bouquin « intéressant ». On est tous curieux un jour ou l’autre, pas vrai ? « Je vois. » Il répond simplement, ne souhaitant pas être plus intrusif. S’il se permet trop de questions, peut-être se le permettra-t-elle aussi et, là, il sera dans une impasse. Pleinement conscient qu’il n’a pas envie de sortir de cette boutique avec un manga dans les mains, il continue tout de même à jouer le jeu pour cacher la raison première pour laquelle il s’est arrêté devant la bibliothèque des bouquins imagés. La vendeuse lui énumère les thèmes qu’on peut retrouver entre les pages des livres et, aussitôt, son choix s’arrête sur le sport. Il n’y a rien de plus réaliste que le sport. Pas de dragons, pas de chevaliers, pas de jeux de rôle étrange entre un maître et son esclave. Du moins, c’est ce qu’il pense. « Pour le coup y a vraiment de tout, ça va dépendre de ce que t’aimes bien. Basket, tennis, patinage artistique... » Il a envie d’hurler le nom de son sport préféré mais il se doute bien que la danse n’est pas le choix le plus masculin. Il le sait depuis toujours. En s’inscrivant à son premier cours de danse, il se condamnait aux clichés du garçon efféminé, aux moqueries de ceux qui préfèrent se gonfler les muscles. Heureusement pour lui, il ne subit plus une telle injustice depuis que son parcours scolaire est terminé. Ce sont les enfants les plus méchants. Ceux qui ne comprennent pas encore la vie et qui ne possèdent aucun filtre. Ceux qui se battent tous les jours pour ne pas être pointés du doigt et qui le font donc avant les autres. Raphael réfléchit, il se mord la lèvre inférieure, fait mine de se concentrer en plissant les sourcils et la voix de la jeune femme dont il avait le regard quelques secondes plus tôt s’élève pour le sauver. Ou pour le ridiculiser encore plus. Il tient la chandelle pendant que les deux filles discutent, s’échangent leurs numéros de téléphone. Évidemment qu’elle avait craqué pour l’assurance de la vendeuse et pas pour son apparence de piquet de glace. Qu’est-ce qu’il croyait ? Que la chance allait soudainement lui sourire entre deux rangées de bouquins érotiques ? « Jess. Mon nom, je veux dire. » Il l’écoute lui aussi, bien qu’il se soit mis à l’écart. Il note son prénom dans sa tête par réflexe. Quelques secondes plus tard, l’inconnue disparaît enfin en offrant un dernier sourire à cette fameuse Jess qui a accepté de la retrouver plus tard dans un bar, ou un restaurant, Raphael ne sait pas trop. Aussitôt, il note un changement radical dans le comportement de cette dernière et il hausse un sourcil en esquissant un sourire confus. Parce qu’il est surpris de la voir comme ça, lui qui croyait faire partie des quelques espèces qui se teintent de rouge pour se défendre contre l’affection. « Heu je... Du coup heu… Le sport. Ouais. » Elle a perdu tout son aise et, étrangement, ça permet à Raphael de trouver le sien. La confidence dresse son dos et étire son visage en un sourire plus lumineux. « Comment tu fais ? » Il demande, observant ses yeux un à un. Réalisant qu’il n’a pas donné assez de détails, il rectifie : « Je veux dire… Comment tu fais pour parler normalement à une personne qui te drague, clairement. » Et il ne peut contenir sa curiosité piquante. « Elle te plaît, alors ? » Elle était jolie, certes, Raphael n’aurait pas été déçu si elle était venue le voir, lui. Mais il sait qu’il n’aurait pas pu gérer la situation aussi bien que Jess qui, elle a gagné un numéro de téléphone et une soirée.

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Il a l’air un peu perplexe, le client. Jess sait pas trop pourquoi à vrai dire. Soit parce qu’il est vraiment pas intéressé par ce qu’elle raconte (ce qui est tout à fait possible), soit parce qu’il est toujours trop géné d’avoir été vu en avec ce genre de littérature pas si facile que ça à assumer. Dans les deux cas de figure, Oxton serait bien peu étonnée. Elle continue néanmoins d’essayer, ne perdant pas espoir de le faire resortir de là avec de quoi agrémenter sa culture littéraire. Le tout c’est vraiment de lui trouver un thème qui lui convient. Elle connaît plusieurs personnes qui n’étaient pas très enjouées à l’idée de lire des manga, jugeant ces oeuvres trop enfantines/malsaines/bizarres. Enfin ça, c’est jusqu’à ce qu’ils tombent sur le bon thème. Enfin dans ce cas précis ça a pas l’air gagné, les diverses propositions ont pas l’air de le convaincre plus que ça. Peut-être que des comics ça lui conviendra mieux ? Bof. Puis intervient Amelia, un peu plus grande que Jess et sa taille de collégienne. Comment Oxton arrive à ne pas trop bafouiller, c’est un mystère qu’elle ne sait pas expliquer. Dès qu’il s’agit de flirt ou de date game, elle devient la pire des boules de nerfs. Paumes umides, balancement d’une jambe à l’autre, regard fuyant, bref, la totale. Au moins, ça a l’air de faire sourire Amelia. L’honneur est presque sauf. Retour aux affaires, elle balbutie vers le grand dadet, essayant de faire comme si de rien n’était. Peine perdue, elle vient de se griller. Elle se crispe un peu lorsque son regard se pose de nouveau sur le client qui se met à sourire. Ok, comment elle est supposée interpréter ça ? Il va tellement se venger de la manière dont elle s’est amusée de lui il y a à peine quelques minutes. Le pire c’est qu’elle peut même pas lui en vouloir… C’est qu’un juste retour de bâton après tout. Ca lui apprendra à pas savoir foutre la paix aux gens. C’est trop tard maintenant, il va dire un truc et elle peut pas se défiler. Nique toi le karma. « Comment tu fais ? » elle plisse légèrement les yeux, confuse. Comment elle fait pour passer de la meuf presque arrogante dans sa confidence à une enfant prête à se faire remonter les bretelles ? Bonne question. Si seulement elle savait, elle serait pas dans cette situation. « Je veux dire… Comment tu fais pour parler normalement à une personne qui te drague, clairement. » Elle cligne des yeux. Attends quoi ? Ils ont pas dû assister à la même scène. Il se moque ou… Non, il a pas l’air pourtant. Ca la rassure un peu. Elle se gratte nerveusement la nuque, pas vraiment certaine de la meilleure réponse à fournir. « Elle te plaît, alors ? » il enchaine, l’air véritablement curieux. Bien plus intéressé que lorsqu’elle lui faisait la liste des potentiels manga qu’il devrait acheter pour qu’elle oublie sa maladresse. Elle souffle du nez dans un petit rire et hoche doucement la tête, répondant à sa dernière question par l’affirmative. « Je veux dire… T’as vu ses yeux ? » Elle dit ça comme si c’était une évidence. Ca va peut-être lui paraître bizarre, au grand. Mais pour Jess, c’est toujours ce qu’elle remarque en premier. Et pour le coup, la Amelia a de jolis yeux verts et un regard pétillant qui inspire plutôt confiance. Jess se détend un peu et se râcle la gorge. « Si là tu crois que je lui ai parlé normalement... C’est à elle qu’il faudrait poser la question. » elle ricane et secoue la tête. « Mais j’improvise juste… C’est pas toujours efficace, d’habitude il me faut au moins un ou deux verres pour avoir le courage de parler aux filles. » elle roule des yeux face à sa propre inutilité dans ce domaine. « Crois moi, si tu veux des conseils pour ça, t’es pas venu voir la bonne personne. » elle lui adresse un sourire amusé en haussant les épaules. « Pourquoi, toi aussi elle te plaît ? »

La table a tourné, les rôles se sont inversés, et c’est au plus grand plaisir de celui qui ne doit plus supporter la chaleur dans ses joues et la rougeur que celle-ci implique. Il en profite pour lancer la conversation car il n’est plus le centre d’attention : parfait. « Je veux dire… T’as vu ses yeux ? » Les lèvres pincées pour contenir son sourire, il hoche la tête de haut en bas, puis de droite à gauche, incertain de la réponse à donner. Il ne l’a pas vue bien longtemps, cette Amelia, et son attention n’était pas rivée sur lui. « J’en sais rien, c’est toi qu’elle regardait. » Il répond donc sur un ton amusé même s’il ment un peu : il a bel et bien vu son regard vert forêt et il ne l’a pas laissé indifférent. Elle était très belle, l’inconnue, mais il a l’impression de ne pas avoir le droit de le dire à voix haute. Comme si les mecs ne pouvaient pas exprimer leurs pensées sans que ce soit… plutôt mal vu. Mais Jess n’en aurait probablement rien à faire. « Si là tu crois que je lui ai parlé normalement... C’est à elle qu’il faudrait poser la question. » Au moins, elle n’est pas tombé dans le coma en essayant de prononcer un seul mot. Voilà une grande différence entre elle et lui. « Elle, elle est du niveau supérieur. » Il affirme, les yeux gros comme des melons, conscient qu’il ne pourrait pas l’approcher sans trébucher dans ses propres pieds. « Enfin, elle est intimidante. Plus que toi… » Il devrait vite se rectifier ou simplement annuler ses propos. C’est l’honnêteté crue qui s’est échappée de ses lèvres alors qu’il observait les cheveux courts, les piercings et l’apparence plus masculine de Jess. Elle ne lui fait penser en aucun cas à Diana, celle qui fait soi-disant chavirer son cœur depuis qu’il est haut comme trois pommes. « Mais j’improvise juste… C’est pas toujours efficace, d’habitude il me faut au moins un ou deux verres pour avoir le courage de parler aux filles. » Ça lui fait plaisir de la voir si ouverte à parler de ça. Enfin, d’homosexualité. Elle ne cache pas son attirance pour le même sexe qu’elle, Raphael l’admire. Mais pas parce que lui-même est gay, oh, non, jamais, lui il n’aime que les femmes, quelle idée ahahahahahahahahah. « Crois moi, si tu veux des conseils pour ça, t’es pas venu voir la bonne personne. » Non, pour la drague elle ne serait peut-être pas un bon mentor. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’elle possède quelque chose qu’il désire avoir depuis toujours. Elle pourrait la lui enseigner mais, pour ça, il devrait admettre que les bouquins qu’il feuilletait, ce n’était pas par simple curiosité, ou pas en rigoler. Et, ça, c’est un secret caché de lui-même. « Pourquoi, toi aussi elle te plaît ? » Il dresse le dos et s’exclame rapidement sans laisser le temps au doute de se former : « Ah, oui, clairement. » Un mensonge parmi tant d’autres, un mensonge qu’il pourrait presque croire lui-même tellement il refuse d’admettre cette vérité qui semble si fausse à ses yeux. « Elle avait… de très jolis…. Des hanches…. Superbes… » Ah non, il ne sait pas complimenter une femme. Il ne fallait pas en espérer autant. « Ses cheveux aussi ! » Il ajoute, croisant les doigts pour que ce détail fasse oublier l’évocation douteuse des hanches qu’il n’a même pas regardées. Afin de rapidement changer de sujet, pour s’éviter une énième humiliation, il se tourne vers Jess l’air complètement sérieux : « Alors, toi t’es okay avec tout ça ? » Avec son homosexualité, évidemment. Mais il ne le dirait pas à voix haute. Ce mot n’existe pas.

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Un peu nerveusement, la musicienne tire sur le col de son hoodie. Un peu comme si elle avait soudainement trop chaud et qu’elle cherchait un moyen de baisser la température de son corps. Distraitement, elle regarde son téléphone et le numéro qu’elle vient de récupérer. « J’en sais rien, c’est toi qu’elle regardait. » elle ne peut s’empêcher de sourire d’un air amusé. « Tu marques un point. » Jess hoche la tête avant de reprendre, toujours sur le même ton de plaisanterie. « Elle aimait peut-être ma coupe. » sur ces mots, elle se passe une main dans les cheveux, replaçant au passage quelques mèches qui commençaient à lui tomber devant les yeux. Au moins a-t-il l’air aussi doué qu’elle quand il s’agit de parler à une fille, ça leur fait un bon point commun. « Elle, elle est du niveau supérieur. » pour toute réponse, elle glousse en hochant la tête, l’air de carrément approuver ses dires. « Enfin, elle est intimidante. Plus que toi… » Oxton pose une main sur sa poitrine, feignant un air outré en regardant le grand type. « Je sais pas comment je dois prendre ça. » Oxton exagère juste assez pour que ça se voit qu’elle plaisante. Les gestes et expressions sont théâtraux au possible. Elle fini par secouer la tête en ricanant, devant bien avouer qu’il a pas tort sur ce point. Jessalyn est à peu près aussi menaçante qu’une peluche tombée par terre. C’est dire. Viendra le jour où elle devra être menaçante sur un truc vraiment important et où personne la prendra au sérieux. A la place, elle lui révèle le secret de sa potion magique pour aborder des gens qui l’intéressent. Une technique ancestrale à base d’alcool et de mauvaises décisions. « Ah, oui, clairement. » un peu précipitée, comme réponse. Elle hausse un sourcil lorsqu’il continue. « Elle avait… de très jolis…. Des hanches…. Superbes… » elle acquiesce cependant, affichant une légère moue. C’est si facile de rentrer dans son jeu. Elle ne peut pas nier tous ces détails, c’est juste la façon qu’il a d’en parler. « Ses cheveux aussi ! » « Hahun. » oui les cheveux. Rarement le genre de détail qui est mentionné, mais pourquoi pas. « Alors, toi t’es okay avec tout ça ? » elle penche légèrement la tête sur le côté, ses doigts pianotant quelques instants sur l’étagère contre laquelle elle a pris appui. Elle pince légèrement les lèvres, considérant un bref instant le fait de jouer l’idiote qui ne comprend pas là où il veut en venir. Mais elle a vu les regards, discerné les inégalités dans sa voix, tout dans l’attitude du jeune homme commence à donner beaucoup d’indications et elle sait pas vraiment sur quel pied danser. Finalement, elle se redresse et s’approche doucement du garçon, le détaillant pendant quelques secondes. « C’est quoi ton nom ? » qu’elle demande finalement. Ses mains se glissent dans ses poches tandis qu’elle tente de croiser son regard. Elle a un peu de mal à le cerner, le grand sec. Elle le jauge, cherchant à comprendre ce qui se passe dans son cerveau à cet instant précis. Finalement, elle s’humecte les lèvres en lâchant un haussement d’épaules. « Mais pour te répondre, oui. Je suis okay avec tout ça. J’veux dire… Tu m’as bien regardée ? » elle arque un bref sourire en coin et se désigne d’un geste de main. Y a un bon début d’indication dans son apparence générale. « C’est un problème… ? » elle a hésité à poser cette question. Elle l’a tout de même fait sur un peu méfiante sur les bords.

« Elle aimait peut-être ma coupe. » Il esquisse un sourire en observant plus longuement la coupe en question et il ne peut s’empêcher de noter des ressemblances avec la sienne. Ce sont les mêmes mèches rebelles qui cachent ses yeux quand elle ne les replace pas vers l’arrière, ce sont les mêmes pointes légèrement bouclées – juste un peu pour mieux reposer sur leurs têtes. « Ça doit être ça. » Il répond en rigolant doucement, amusé par cette confiance dont fait preuve Jess. Ensuite, bien évidemment, il trébuche dans ses mots et frôle le niveau de l’insulte en admettant que la vendeuse n’est pas aussi intimidante que cette Amelia qui est venue lui demander son numéro de téléphone. C’est une façon de dire qu’elle est beaucoup moins féminine que l’autre et que, pour cette raison, Raphael a moins l’impression de se faire percer l’âme quand elle le regarde trop longtemps dans les yeux. « Je sais pas comment je dois prendre ça. » « Ce n’est pas négatif. » Il s’empresse d’ajouter en levant les mains devant lui pour la rassurer. À vrai dire, c’est presque un avantage pour elle car elle peut voir le vrai Raphael devant elle – enfin, le Raphael qui peut prononcer plus d’un mot à la suite sans que sa langue ne tombe sur ses pieds. Mais ça ne l’empêche pas de trébucher dans ses excuses en énumérant ce qu’il y avait de joli chez la jeune femme qui vient à peine de fermer la porte de la boutique. « Hahun. » Il ferait mieux de se taire : c’est le signe qu’il perçoit provenant de ce raclement de gorge. C’est une excellente idée sinon il se mettra à discuter de la poitrine d’Amelia alors qu’il ne l’a pas regardée une seconde. Parce que c’est ce dont parlent les vrais mecs virils, pas vrai ? Des courbes des femmes. « C’est quoi ton nom ? » Elle lui demande, zappant pour le moment la question plutôt personnelle que le jeune homme lui a posé. « Raphael. » Voilà une question à laquelle il peut facilement donner une réponse. Pas d’intrusion dans sa vie privée, pas de sujets tabous – c’est à se demander pourquoi lui il s’est permis d’interroger Jess quant à son aise vis-à-vis de ses préférences sexuelles. « Mais pour te répondre, oui. Je suis okay avec tout ça. J’veux dire… Tu m’as bien regardée ? » Il glousse tandis qu’elle désigne son accoutrement qui penche davantage vers la masculinité. Il bascule la tête de droite à gauche, faisant mine de ne pas être certain de ce qu’elle avance. « Peut-être que c’est le look de toutes les amatrices de… » Il pose sa main sur la bibliothèque adjacente pour la désigner. « Livres à images. » S’il n’avait pas l’air perdu jusqu’à présent, il n’y a plus aucun doute maintenant. « C’est un problème… ? » Hébété, les yeux gros comme des melons, il observe les siens un à un, réfléchissant à la réponse à donner. Il préfère plutôt lui répondre par l’interrogation parce que, au fond, il ne sait pas à quoi elle fait référence exactement : « Que tu t’habilles comme ça ? Ou que tu sois okay avec… Tes préférences ? » Il ne sait pas formuler la phrase. Quelque part dans son cerveau, il y a une liste de mots qu’il ne peut prononcer. Parmi eux se trouvent orientation sexuelle, attirance sexuelle, gay, lesbienne et fromage bleu – mais, ce dernier, c’est juste des PTSD à la suite d’une mauvaise expérience qu’il a vécue quand il était jeune, ce n’est pas trop important et c’est surtout hors contexte. « Parce qu'elles sont très bien, tes fringues. » Il répond à sa première hypothèse simplement dans l'espoir que Jess oublie la seconde. Il ajoute même des détails inutiles pour brouiller ses esprits: « Je sais que je n'ai pas un look standard, moi non plus, alors je comprends complètement tes goûts en terme de... vêtements. » Au moins, son argument est facilement validé par le t-shirt vert à motifs de canards qu'il porte fièrement.   

can i have this dance (ft. @raphael elly )

Le grand sec a l’air d’entrer un peu dans son jeu lorsqu’elle argue qu’Amelia aimait sans doute sa coupe de cheveux. Ca fait sourire Jess. Ouais, y a moyen qu’ils s’entendent bien ces deux là. « Ce n’est pas négatif. » Il est un peu prompt à lui assurer que tout est ok, c’est plutôt amusant à voir. Oxton lâche un ricanement amusé en haussant les épaules. « J’espère. » qu’elle ajoute à son tour, sourire en coin toujours présent. C’est plutôt fun cet échange. Même si elle ne sait pas toujours bien ce qu’elle est supposée en penser, il faut tout de même avouer qu’il a un petit quelque chose, ce grand maladroit. D’ailleurs, Jess lui demande son nom. Lui trouver mille et un surnom en rapport avec sa taille, ça va bien cinq minutes mais ça va vite devenir usant. Surtout qu’en vérité, il n’est probablement même pas si grand que ça. C’est juste elle qui est… Proche du sol. Mais elle ne se l’avouera probablement jamais, alors elle préfère continuer à penser que les autres sont bien plus hauts que la moyenne. (Sa moyenne.) « Raphael. » Bien. Au moins c’est simple et facile à retenir. A l’avenir, ça évitera qu’elle disserte pendant dix ans sur des questions de taille qui n’ont pas lieu d’être. « Jess. » elle se présente aussi brièvement, même s’il l’a déjà probablement entendue tout à l’heure. Mais la moindre des choses, quand on est polie, c’est de le faire quand même. Elle élude à moitié la question en se basant sur son apparence. C’est cliché et pas toujours vrai (dans son cas, si, y a pas à questionner plus loin que ça), mais c’est plus fort qu’elle. « Peut-être que c’est le look de toutes les amatrices de… Livres à images. » son regard va de l’étagère sur laquelle il a posé la main à sa tête. Elle le dévisage l’espace de quelques secondes, retenant à grand peine un rire qui menace de se montrer à tout instant. La réponse de Raphael est drôle. Il y a une sorte d’innocence niaise qui n’est pas si étonnante que ça vu ses précédentes réactions. Elle fait de son mieux pour garder un visage neutre, mais c’est plus complexe qu’il n’y paraît. « Qui sait ? » elle hausse des épaules, laissant finalement son sourire transparaître. Elle peut pas lutter. Elle essaie toujours de le cerner un peu. Elle pose la question qui peut fâcher, et l’air qu’il adopte est un peu incertain. Il a pas l’air de savoir où se positionner ou même comment aborder le sujet. « Que tu t’habilles comme ça ? Ou que tu sois okay avec… Tes préférences ? » le voilà qui dévie encore la question, d’ailleurs, il ne s’arrête pas là. « Parce qu'elles sont très bien, tes fringues. » Elle arque un sourcil en le regardant continuer de brasser du vent. « Je sais que je n'ai pas un look standard, moi non plus, alors je comprends complètement tes goûts en terme de... vêtements. » à ça, elle regarde son t-shirt vert qui, il faut l’avouer, est pour le moins original. Exactement le genre de fringue qu’elle porterait si elle en avait sous la main. Elle n’a pas vraiment souvenir d’en avoir déjà vu en boutique, peut-être qu’il les fait importer ? Jess relève les yeux vers Raphael, se contentant d’une nouvelle fois hausser les épaules. « Je parlais plutôt de mes préférences mais… Y a vraiment pas grand chose à en dire en vérité. » elle fait un bref geste de main, comme pour chasser l'idée. A quoi bon insister sur le sujet vu que ça a l’air un peu épineux du côté de Raphael. Plusieurs possibilités à ça, mais elle n’a pas réellement envie de se retrouver confrontée à la véritable raison. Pas sur son lieu de travail en tout cas. « Mais franchement… Ton tshirt est énorme, tu l’as eu où ? »

Elle répète son prénom, se présentant officiellement à celui qui connaissait déjà son identité car il avait évidemment espionné sa discussion avec la jeune femme qui lui avait fait de faux espoirs. Au moins, il est certain d’avoir bien entendu. Elle s’appelle Jess, peut-être un raccourci pour Jessica ou Jessie, il ne saura jamais car il n’osera jamais demander. Il pense s’être assez ridiculisé devant elle pour seulement tenter de deviner son prénom complet. Ça ne l’empêche pas de toute faire une généralisation concernant le look plutôt unique qu’elle arbore fièrement, le liant à cet amour pour les mangas – alors que, au fond, il sait très bien que ces bouquins imaginés attirent un énorme public. Seulement, il ne pouvait pas dire à voix haute ce qu’il pense tout bas : elle n’a pas un look féminin. « Je parlais plutôt de mes préférences mais… Y a vraiment pas grand chose à en dire en vérité. » Elle le corrige, lui qui avait préféré se diriger vers le sujet des fringues parce qu’il est beaucoup plus facile à aborder que celui des… de… des goûts en matière d’humain, voilà. Pour cette raison, il fait encore une fois semblant d’être innocent et de ne pas comprendre de quoi elle parle sans toutefois relancer le sujet. « Si tu le dis. » Parce que, s’il se faisait plus précis, il y aurait trop de chance qu’il devienne l’interrogé et que les lumières des projecteurs soient déviées vers lui. Et, dans ce cas-là, il ne saurait pas quoi faire : la seule option possible serait de courir en dehors de la boutique. C’est bien quand c’est Jess qui en parle, il ne risque rien. « Mais franchement… Ton tshirt est énorme, tu l’as eu où ? » Elle dit après avoir jeté un regard à ce t-shirt vert que tu arbores toujours fièrement en sachant très bien qu’il est plutôt différent. Ce sont ses motifs de canards qui attirent la curiosité et pas la personne qui les porte. Parce que, soyons francs : ces canards sont horribles et c’est exactement ce que Raphael adore. Alors, les yeux soudainement brillants, il coince le tissu de son t-shirt entre ses doigts pour le désigner : « Celui-là c’était sur un site internet. » Il dit en plissant les sourcils afin de réfléchir à la question, faisant possiblement erreur. Il ne se souvient pas de la provenance de toutes ses trouvailles. « Mais on peut trouver ce genre de truc dans les friperies, souvent. Ils ne coûtent que deux dollars parce qu’ils sont beaucoup trop démodés. » C’est un autre terme pour dire « laid ». Parlant d’argent, il se rappelle qu’il est entré dans cette boutique geek seulement pour faire passer le temps avant de se rendre chez son banquier qui allait probablement lui dire qu’il est encore dans le rouge. Bonne nouvelle, il doit acheter ce manga qu’il a abîmé. Il espère seulement qu’il n’est pas trop dispendieux. « Je dois y aller, j’ai un rendez-vous. » Il avoue en baissant ses yeux vers le manga pour lire son prix. Ses yeux deviennent gros comme des ballons. C’est dix t-shirt laids dans une friperie, ça. « J’ai promis de dédommager la boutique en l’achetant… » Il marmonne en tentant en vain de retirer le pli dans la dizaine de pages. Évidemment, cette affirmation en cache une autre. Évidemment que sa curiosité le pousse à vouloir feuilleter ce bouquin sans que personne ne puisse le surprendre. Il ne pourrait jamais l’admettre à voix haute. « Tu peux faire la caisse aussi ou je dois trouver quelqu’un d’autre ? » Et, à ces mots, il la supplie du regard. Stp. Fais-moi payer. Je ne veux pas qu’une autre vendeuse se moque de cet achat, j’ai assez souffert aujourd’hui.