Alors, lentement et avec autant de délicatesse dont il était capable, Damon vint se glisser à l’intérieur de la bouche d’aération qui donnait directement dans le bureau du directeur. Le bruit de ses pas se fit entendre, mais n’en était pas à non plus à réveiller les morts - c’était le cas de le dire pour cette fois-ci en plus, car il y avait véritablement des morts de présents dans cette école. Prenant un instant pour inspirer tranquillement et ne pas céder à la panique de se retrouver de nouveau seul, Damon tenta de venir par la même occasion ajuster sa vue à l’obscurité nouvelle de la pièce. Il le connaissait par coeur en réalité, le bureau du directeur, et contrairement à Léo pas parce-qu’il venait s’y faire convoquer tous les quatre matins pour avoir faire une ânerie ou deux de plus. Non, calculette connaissait si bien ce bureau car il s’agissait en réalité de celui de son père.

Cette information là, il s’était gardé de la donner à qui que ce soit, car il avait beau être plutôt naïf et innocent, il savait qu’une fois que quelqu’un saurait le lien existant entre le directeur et lui, les moqueries n’en termineraient jamais. Mais c’était également la raison qui lui permettait d’être sûr à ce point là de pouvoir trouver de quoi ouvrir la grande grille de l’entrée du lycée car il connaissait par coeur les clefs présentes sur le trousseau que son père trimballait un peu partout avec lui… Tellement partout que lorsqu’il eut fini de fouiller en vitesse le bureau en bois massif, il se rendit rapidement compte qu’il n’y avait aucune trace de clefs. Bien sur que son père devait les avoir sur lui - mais où se trouvait-il en ce moment même ?

Prenant une chaise - sa chaise - afin de nouveau prendre la hauteur, Damon vint avec grand peine se hisser de nouveau dans la ventilation. Tout seul, il n’irait pas bien loin, surtout que son père devait se trouver dans le gymnase ou un endroit rempli de monde comme ce dernier lorsque le tueur avait commencé à frapper; il y avait donc de fortes chances qu’il y soit passé aussi et ce n’était pas en restant dans son bureau qu’il avancerait à quoi que ce soit. Il tenta de faire le moins de bruit possible mais autant dire que la forme physique n’était pas un élément qui le caractérisait particulièrement - il était connu pour venir gagner des trophées de mathématiques, lui. Une fois de nouveau à quatre pattes dans la ventilation, entouré d’obscurité, Damon vint déglutir avec peine. « Rae ? Léo ? » Il n’avait envie de revoir ni l’un, ni l’autre, mais il n’avait pas vraiment le choix s’il voulait survivre: l’union faisait la force, surtout face à un tueur.

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Léo est mort et, en état de choc, c’est tout ce dont je me souviens pour l’instant. Hagarde, je me balade dans les couloirs, le visage blême autant que tâché de sang - tout comme ma robe rose : elle est recouverte d’éclaboussures - et j’ai presque oublié qu’un tueur sanguinaire erre dans l’école. J’ai le regard vide, je suis un magnétoscope cassé qui repasse en boucle la scène qui s’est déroulée sous mes yeux il y a quelques instants : nous avions cru trouver une sortie et, juste là, le tueur nous attendait. Il a planté un ciseau dans la carotide de ce looser de Léo, son sang a giclé partout sur moi, j’ai hurlé et je me suis mise à courir.

Depuis, plus rien : mon esprit n’imprime plus la moindre information. La scène repasse en boucle et, toutes les minutes, je passe une main sur mon visage et je suis prise d’effroi lorsque je constate qu’elle revient pleine de sang. Puis je me rappelle, je panique, et je reboot. La main sur le visage, le sang, la panique, le reboot. Amos aura quoi faire, et c’est lui que je cherche comme une âme en peine sans trop en avoir conscience.

J’erre dans les couloirs et je pousse les portes qui me tombent sous la main. D’ailleurs, j’en pousse une dans laquelle je trouve un blondinet dont le visage me parle. Je fronce les sourcils, avant de remarquer le sang sur la poignée de la porte : il vient de ma main, et la panique revient. « Rae ? Léo ? »  Je relève mon visage couvert de sang dans la direction du blondinet ? « Non, pas Léo. Léo est … » Je me foutais du brun : nous nous détestions cordialement depuis des années, ce n’est pas tant sa mort qui me choque que d’y avoir assisté en direct. « Y’a plein de sang… » Je fixe mes mains, à nouveau sans trop comprendre. « Calculette ? » Il me semble que c’est ainsi que le jeune homme désormais décédé appelait le blondinet qui me fait face, j’en suis presque certaine.

La ventilation n’avait pas été vraiment le meilleur moyen de déplacement, il aurait été plus vite venir parcourir les couloirs à pieds, mais il ne se voyait pas faire autrement pour ressortir discrètement du bureau du directeur. Déjà qu’il était venu faire un sacré bruit en y atterrissant de tout son poids, il ne pouvait risquer de venir se faire repérer en repartant de là-bas. Le seul avantage qui était pour lui, c’était si quelqu’un l’avait entendu dans le bureau du directeur et que cette supposée-personne l’attendait désormais devant la porte de ce dernier; en ressortant par les ventilations, il passait inaperçu et se sauvait la peau.

En revanche, cela ne lui permettait pas de voir s’il y avait autre âme qui vive dans les alentours, alors il se vit contraint d’en descendre à un moment donné. Il mit bien une bonne dizaine de minutes - si ce ne fut pas une vingtaine en réalité - avant de reposer un pied sur le sol en linoléum du couloir des salles de classe. Aucun bruit ne provenait de nulle part, et ce fut en déglutissant avec grand peine que Damon vint observer avec un peu plus d’attention la semi-obscurité. Des personnes encore présentes sur le terrain, et s’il était juste avec la réalité de celles encore en vie également, il ne connaissait pas grand monde. Alors, à tâtons et avec grande hésitation - cette dernière s’entendait parfaitement dans sa voix -, il vint appeler à la ronde les deux seules personnes pouvaient répondre présent en entendant leurs prénoms. La première salle de classe éplorée fut un échec, la seconde s’y apparenta. Il avançait sans grande réussite jusqu’à temps que la porte vienne s’ouvrir à sa suite dans une énième salle de classe qu’il venait inspecter. Bien sur, il vint sursauter lorsqu’il comprit qu’il n’était plus seul - son heure pouvait avoir sonné. « Non, pas Léo. Léo est …  » En reconnaissant, malgré le sang et la peur parcourant les traits de son visage, la blonde du nom de Rae, le coeur de Damon vint ralentir un petit peu. En revanche, ce n’était pas avec joie qu’il observait la scène qu'il avait sous les yeux. « Y’a plein de sang… » Il déglutit, avec grand peine une fois de plus. Oui, il y avait plein de sang et ce n’était pas le moment de tourner de l’oeil. Apparemment, quelque-chose de grave s’était passé pendant le peu de temps qu’ils s’étaient retrouvés séparés, et finalement l’union faisait peut-être vraiment la force.

« Calculette ? » Dans un autre monde, Damon serait venu lever les yeux au ciel: de tous les surnoms qu’elle aurait pu lui donner, il avait fallu qu’elle garde celui que Léo lui avait gentiment donné. Mais dans le monde actuel, il ne réagirait en rien de cette façon et il vint plutôt venir doucement hocher la tête. « C’est moi oui. » Le sourire qu’il tenta de venir lui accorder ressemblait plus à une mauvaise grimace qu’autre chose, mais il ne saurait faire mieux en cet instant. « Il faut qu’on sorte d’ici, je crois que le tueur est de retour. » Il vint faire un pas ou deux en direction de la jeune femme, tentant de concentrer son regard sur ses yeux et non sur le sang qui venait tacher toute sa jolie robe, avant d’avancer une main vers elle. « Je crois avoir trouvé où sont les clefs du lycée, mais il faut qu’on parte d’ici. » Si elle n’était pas dans le bureau du directeur, c’était parce-que le directeur en question les avait sur lui. Et où le père de Damon allait-il lors des soirées organisées pour les élèves, avec les parents de ces derniers ? Faire des parties illégales de poker dans le sous-sol des bâtiments - Damon avait appris cette information par hasard quelques mois plus tôt, et peut-être finalement que cela allait leur sauver la vie aujourd’hui.

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« C’est moi, oui. » Le visage du petit blond me parle et, pourtant, j’ai l’impression que c’était il y a des heures que nous nous sommes quittés dans le système d’aération, lui parce qu’il voulait tenter sa chance dans le bureau du directeur et Léo et moi parce que nous préférions tenter de trouver une sortie. Nous avons cru y être parvenus avant de réaliser que nous sommes tombés dans un piège tendu par le tueur que nous avons tenté d’arrêter. L’acide lui a brûlé le visage, le verre lui a lacéré le dos mais cela ne l’a pas mis hors jeu : cela l’a simplement énervé au point de vouloir nous retrouver. « Il faut qu’on sorte d’ici, je crois que le tueur est de retour. » J’ai un frisson dans le dos et je quitte mes mains des yeux pour observer le blondinet avec deux yeux ronds. « Oui. Il n’était pas content du tout qu’on l’ait attaqué. » J’entends encore les cris de Léo alors que je ne sais quelle arme s’enfonçait dans son corps. Je revois encore le sang qui gicle dans tous les sens et surtout mon joli visage. Je suis en vie parce que ce malade mental se délectait de tuer weirdo au point d’oublier temporairement ma présence. « On est en danger. Y’a du sang partout. » Sur mes mains, et si je me bats pour empêcher le reboot de mon cerveau cette fois-ci, je perds du terrain.

« Je crois avoir trouvé où sont les clefs du lycée, mais il faut qu’on parte d’ici. » - « C’est un piège. » L’entendre parler de sortie me replonge dans les terribles événements de tout à l’heure. C’était un piège, et Léo et moi sommes tombés dedans. Je glisse ma main dans celle du jeune garçon, et je le suis comme une poupée de chiffon, en jetant des regards hagards et apeurés à droite et à gauche. « Les sous sols ? » Prise de panique, je tire sur mon bras pour récupérer ma main et je recule de quelques pas. « Y’a pas d’issue par là. » Terrorisé, je prends ma tête dans mes mains. « C’est un piège. »

« Oui. Il n’était pas content du tout qu’on l’ait attaqué. » A détailler la tenue que portait la demoiselle, désormais recouverte de sang, Damon avait deviné facilement que quelque-chose de grave s’était passé. Il n’avait seulement pas pensé que cela pouvait être le tueur en question, celui qui rodait dans les parages, qui avait pu tomber pour la deuxième fois sur Rae - et surement sur Léo, qui n’était plus à ses côtés. « On est en danger. Y’a du sang partout. » - « Alors il faut qu’on sorte au plus vite. » Il ne comprenait pas exactement ce qu’elle voulait dire par il y a du sang partout mais cela ne pouvait pas être une bonne nouvelle, dans aucune situation. Leur seul moyen, Damon en était toujours convaincu, de venir s’en sortir était en passant par la grande porte du lycée. Cependant, afin d’y arriver, ils devaient retrouver les clefs et il n’y avait pas d’autre endroit que les sous-sols à ses yeux où elles pouvaient se cacher. « C’est un piège. » Serrant les dents, Damon ne vint pas relever, et préféra venir agripper la main de la demoiselle pour qu’elle le suive en dehors de la salle de classe; pour une fois, il n’était pas celui transi de peur - il se devait être traversé par un éclair d’imbécillité, peut-être en revanche.

Finalement, leurs pas les emmenèrent devant les portes s’ouvrant sur les fameux sous-sols du lycée. Et si Rae avait été docile jusque maintenant, elle vint retirer sa main d’un geste brusque de celle du blond. « Les sous sols ? Y’a pas d’issue par là. » Venant pincer ses lèvres en une ligne fine, Damon vint détourner son regard un instant de la jeune fille. « Non, y’a pas de sortie là bas. » - « C’est un piège. » - « Peut-être, oui. » Il vint laisser ses prunelles accrocher celles de Rae un instant, avant de rougir légèrement. « Je sais pas ce qu’il s’est passé avec Léo, mais tout ce que je sais c’est que les clefs se trouvent en bas, dans ces sous-sols, et que si on tente pas notre chance on pourra jamais sortir d’ici. » Ils allaient tous restés enfermés dans les locaux du lycée jusqu’à temps que le tueur les trouve un par un et se débarrasse d’eux comme des vieilles chaussettes. « Tu peux rester ici, mais moi je descends. » Son coeur battait à mille à l’heure alors qu’il vint poser son pied sur la première marche de l’escaliers.

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« Alors il faut qu’on sorte au plus vite. » Qu’est ce qu’il ne comprend pas ? On a essayé de trouver une sortie, Léo et moi, et maintenant je suis toute seule. Tenter de s’enfuir, c’est une mauvaise idée ou en tout cas j’en suis persuadée : je ne suis plus du tout capable de réfléchir correctement.

Alors je me laisse faire docilement, peut-être pour la première fois de mon existence, j’attrape ses doigts et tout ce que je suis capable de faire c’est mettre un pied devant l’autre comme si je n’étais pas tout à fait consciente. En revanche, l’arrivée devant les sous-sols me fait l’effet d’un électrochoc : je suis terrorisée alors que cela ne me ressemble pas, mais je ne suis plus qu’une enfant qui vient de voir un être humain être violemment assassiné sous ses yeux. « Non, y’a pas de sortie là bas. » Je croise mes bras sous ma poitrine, le regard braqué dans le sien et brûlant d’effroi. Tout à l’heure c’était un piège. C’est encore un piège Raelyn, il veut en finir avec toi. « Peut-être oui. » La paranoïa me gagne et je suis persuadée que le tueur est là, en bas, et qu’il veut en finir avec moi. « Je sais pas ce qu’il s’est passé avec Léo, mais tout ce que je sais c’est que les clefs se trouvent en bas, dans ces sous-sols, et que si on tente pas notre chance on pourra jamais sortir d’ici. » - « Il nous attendait. » Petit à petit, j’ai l’impression que la brume autour de mon cerveau s’évapore mais c’est encore pire finalement, de se souvenir avec une netteté parfaite de ce qu’il s’est passé. « Il l’a poignardé de partout. Il lui a tranché la gorge. » Je jette un coup d'œil au jupon de ma robe de princesse à présent tâché de rouge. « Il y avait du sang partout. » J’ai réussi à fuir, mais je ne suis même plus certaine de comment.

« Tu peux rester ici, mais moi je descends. » Et si c’était de rester ici, le piège ? Si c’était une technique pour me séparer de mon seul soutien pour m’attaquer plus facilement ? Je ne suis plus certaine de rien mais, alors que le blond disparaît dans l’escalier qui mène en bas, j’ai si peur que je ne réfléchis plus et que je le suis en courant, pour le rattraper. « Elles sont où les clés ? Pourquoi elles sont là ? »

Le regard que Rae vint lui lancer en cet instant n’avait absolument rien de rassurant, bien au contraire: malgré la panique qui l’animait jusqu’alors, elle semblait en parfaite maitrise de ses réactions en cet instant. Si elle avait pu le fusiller sur place, elle l’aurait surement fait. « Il nous attendait. » Le tueur, il supposait, parce-qu’il y avait peu de chance qu’elle vienne parler de son petit-ami avec cet effroi dans le fond des yeux. « Il l’a poignardé de partout. Il lui a tranché la gorge. » Léo il supposait ici. Si Damon n’avait jamais porté le jeune brun dans son coeur - et il était facile de comprendre pourquoi -, ce n’était pas pour autant que d’entendre la façon dont il avait été tué lui faisait plaisir. Au contraire, il réalisait avec un noeud au ventre la façon horriblement macabre grâce à laquelle il les avait quitté. « Il y avait du sang partout. » Le jeune blond vint baisser le regard. La fin de Léo était horrible, et les agissements du tueur n’en étaient que bien pires encore.

Cependant, ne rien faire était lui laisser l’avantage et surtout la victoire en finalité de cette histoire, et Damon ne pouvait se résoudre à rester ici les bras croisé. Le plan qu’il avait pu élaboré était le bon, il le savait, le sentait; la peur l’animait bien sur, mais c’était comme si son instinct de survie avait pris le dessus depuis quelques minutes. Il irait aux sous-sols, qu’importe si Rae venait avec lui ou non. Marche par marche, il vint s’enfoncer dans la terre - et finit par entendre les pas de la jeune femme à sa suite. « Elles sont où les clés ? Pourquoi elles sont là ? » - « Elles sont avec le directeur, dans sa poche, c’est pour ça que j’ai pas pu les trouver dans son bureau. » Damon avançait désormais dans les couloirs mal éclairés des sous-sols, en faisant attention de regarder où il marchait. « Et je sais qu’il est dans les sous-sols pour pouvoir mener ses tables de poker clandestin. C’est ce qu’il fait dès qu’une fête est organisés au lycée. » Il avouait la vérité à demi-mots, presque en murmures, car cela lui faisait mal d’admettre à une inconnue - qui plus était quelqu’un comme Rae - les agissements de son père. Mais étant donné les circonstances, cela n’importait plus réellement.

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J’ai peur de descendre au sous-sol, j’ai peur de rester ici seule et j’essaye de déterminer de ces deux situations laquelle est la moins dangereuse : dès que le blondinet sort de mon champ de vision, je tranche : je n’ai guère envie de rester seule dans ces couloirs où rode le tueur, j’en suis à présent certaine. Léo et moi étions deux à avoir fomenté le plan pour attaquer ce psychopathe, s’il veut se venger, je suis la prochaine sur la liste. Attends moi calculette. La peur me donne des ailes et je lui cours après, le rattrapant bien vite dans les escaliers.

« Elles sont avec le directeur, dans sa poche, c’est pour ça que j’ai pas pu les trouver dans son bureau. » - « Et tu sais ça comment exactement ? » Et comment est-il certain de trouver le directeur dans les sous-sols ? Il serait là depuis tout ce temps et ne serait pas intervenu dans la boucherie qui se déroule en haut ? Est-il sourd, inconscient ou se fiche-t-il simplement du sort des élèves de son école ? C’est du n’importe quoi, du grand n’importe quoi. « Et je sais qu’il est dans les sous-sols pour pouvoir mener ses tables de poker clandestin. C’est ce qu’il fait dès qu’une fête est organisée au lycée. » - « Des tables de poker ? » Je ne comprends plus grand-chose à cette scène digne d’un mauvais film du câble. « Et tous les adultes, ils sont où ? Les profs et les parents qui étaient supposés chaperonner l’événement ? » Je n’ai même plus le souvenir de les avoir vus depuis l’annonce du meurtre de Brittany dans le gymnase, depuis les cris et les bousculades. Ma couronne de reine du bal de promo est toujours sur ma tête, mais elle est tordue et tâchée de sang : c’est loin d’être la soirée dont j’ai rêvé pendant toute mon adolescence.

« Donc là on va débarquer en pleine soirée poker, pleins de sang, et demander calmement les clés pour s’échapper parce qu’il tueur sanguinaire se promène dans l’école ? » On nage en plein délire là. Je suis Damon, de plus en plus agitée, de plus en plus en proie au doute et, alors que Damon me fait signe de me taire, je l’observe frapper à une porte : derrière, c’est le silence.

   

« Et tu sais ça comment exactement ? » Le regard que Damon était en train de lui jeter voulait clairement dire ne me pose pas cette question s’il te plait, mais comme il était en train de lui demander de le suivre dans des sous-sols où la mort devait surement les attendre patiemment, il ne pouvait pas se murer dans un tel silence: ce ne serait pas juste pour elle. Il vint laisser échapper un long soupire. « Parce-que le directeur, c’est mon père. » Après ma tragédie qui était en train de se dérouler, de toutes façons, ce type d’informations ne serait plus à cacher puisqu’il y avait de fortes chances que Damon en vienne à changer de lycée.

« Des tables de poker ? » Il entendait l’incompréhension dans sa voix., mais vint tout de même hocher la tête pour acquisse et valider les paroles de Rae. « Et tous les adultes, ils sont où ? Les profs et les parents qui étaient supposés chaperonner l’événement ? » - « Ils sont tous là, à jouer. D’habitude, y’a pas un tueur fou qui arrive dans l’école pour perturber leurs plans… »  Combien de fois avait-il entendu son père se vanter de la soirée qui venait de se dérouler, alors qu’il rentrait bien trop tard pour un directeur de lycée ? « Donc là on va débarquer en pleine soirée poker, pleins de sang, et demander calmement les clés pour s’échapper parce qu’il tueur sanguinaire se promène dans l’école ? » Déglutissant, Damon vint s’arrêter devant la porte de ferraille. Son coeur battait la chamade et malgré tout, malgré la situation, une partie de lui avait surtout peur de se faire engueuler par son père. « Je pense qu’on arrive trop tard, en vrai. » Damon s’était accommodé à cette idée depuis de bonnes minutes déjà, comprenant que si personne n’était venu voir ce qu’il se passait en surface depuis tout ce temps, c’était uniquement parce-qu’ils avaient du être les premières victimes et que la panique générale avait fait que personne ne s’en était aperçu jusque là.

Alors, avec un calme des plus étonnants, Damon vint frapper par acquis de conscience contre la porte, avant de venir tourner la poignée. Et il avait raison: ils arrivaient trop tard, la boucherie avait du commencer ici. Des traces de lutte et de défaite surtout se trouvaient être partout, du sol au plafond, en passant sur tous les corps gisants sur le sol. Il tentait de ne pas se concentrer sur les autres détails, l’italien, mais de simplement trouver le corps de son père afin de venir récupérer le trousseau de clefs. Il y aurait un temps plus tard pour venir paniquer. Il ne mit qu’une seule minute pour venir retrouver Rae de l’autre côté de la porte. « On peut sortir, viens. » Les larmes coulaient à flots sur ses joues mais ce n’était pas le moment de venir perdre du temps sur ça: il aurait le reste de sa vie pour pleurer la mort de son père.