On avait dit une nuit au début. Juste une, comme toutes les autres. Et puis il y a eu la deuxième après le bar. Mais encore là, on aurait pu dire que c’était qu’une légère erreur, la bière était trop forte et on a pas su résister. Mais j’ai quelques problèmes pour justifier toutes les autres fois qui ont eu lieu et que j’ai arrêté de compter. Je crois qu’elle a fini par comprendre que j’étais d’ici, et j’ai compris aussi que l’appartement n’était en rien celui de sa soeur. Puisqu’on est encore là, tous les deux, dans son lit alors que le soleil se lève. Il ne fait plus sombre, et pourtant je reste. C’est une nouvelle évolution ça aussi, ça et le tee-shirt qu’elle porte qui a fini par commencer à trainer dans son placard à elle. “Tu crois que y’a des appartements libres par ici ? J’aime bien le résidence je crois.” Je pouffe de rire alors que mon bras passe par dessus sa hanche et que mes lèvres se perdent dans son cou.

J’ouvre à peine les yeux, je sais qu’elle est réveillée. On a pas beaucoup dormi et je ne sais pas vraiment quelle heure il est. C’est simple jusque là, c’est simple et absolument pas lassant. Alors je profite tant que j’en ai pas marre, on fonctionne un peu pareil j’ai l’impression. “Café ?” Je sais aussi où est la cafetière, mais ça, c’est un détail. Parce que je n’ai jamais proposé d’aller le faire. Je laisse juste trainer l’idée dans son esprit qu’elle aimerait bien un café, et que je serais le premier à voler une tasse pour me servir. C’est bien comme ça, c’est simple. Elle ne fait pas partie des filles qui prennent la tête Chloe, elle ne pose pas de questions quand j’en ai pas envie, elle ne demande pas à ce que tout soit officiel, elle dit juste oui ou non quand je lui propose de la voir. Je fais pareil. Et, on se dit toujours oui.


@Chloe Cohen

“Tu crois que y’a des appartements libres par ici ? J’aime bien le résidence je crois.”
« Ouvre le journal, ils mettent les annonces par là des fois. »

Elle pouffe Chloe, les paupières encore closes, la tête posée sur son oreiller. Il a passé son bras autour d'elle et il dérobe des baisers contre sa nuque et ils donneraient presque l'impression de cumuler les matins à l'infini s'il n'y avait absolument aucune trace de lui chez elle. Son t-shirt oui, seule exception à la règle, qui traîne sagement dans son placard. Qui sent le savon à lessive qu'elle a choisi à la va vite à la pharmacie y'a une poignée de jours, Jet qui errait dans les allées pour acheter elle sait plus quoi, elle s'en fout de toute façon. “Café ?”

Il parle et il grogne, il est un poids lourd et elle un poids plume, quand elle dégage les couvertures et qu'elle se dégage de son emprise, passe par-dessus sa taille pour poser ses cuisses de part et d'autre de sa silhouette allongée sur le dos. Ses yeux, ce sont ses yeux qu'elle admire. Pas son sourire qui n'augure rien de bon, pas sa mâchoire définie, pas son torse dénudé. Ce sont ses yeux qu'elle a vus pour la première fois et qu'elle revoit encore, quand elle laisse un rire se casser sur ses lèvres, qu'elle hausse dramatiquement de l'épaule la seconde d'après. « J'essaie d'arrêter. »

Elle est drôle, l'ironie, quand ses baisers n'arrêtent pas pour une bonne heure, leurs silhouettes qui se confondent l'une l'autre sous les draps. Quand ils n'arrêtent pas non plus dans la douche qu'ils partagent par qu'ils se découvrent une pulsion de défenseurs écologiques, ni dans le couloir de son immeuble, ni sur la rue, ni même dans la boulangerie où elle va acheter des croissants, où elle leur commande des cafés. « C'est quoi ton nom de famille? » qu'elle se moque Cohen, tournant la tête vers le brun presqu'anonyme si ce n'est un surnom qu'il a fini par lui dévoiler. Son bras à lui est passé autour de ses épaules à elle, la caissière doute d'eux autant que Chloe elle, n'en a rien à faire. Elle est hilare de poser la question, s'en brûlerait presque les lèvres sur son gobelet si elle ne lui dédiait pas son entière attention.

”Tu pourrais jouer à l’agent immobilier. Ou m’aider à éliminer un de tes voisins.” En voilà une idée non ? C’est pas mal. Éliminer le voisin d’en face ou celui à côté si les appartements sont pris. Je mens pas là, j’aime vraiment bien ces appartements, et Chloe c’est juste le bonus qui compte pas dans le prix. Je me suis enroulé autour d’elle, je sais qu’elle mettra quelques minutes avant de se défaire de mon emprise. Et, bien évidemment, je ne l’aide pas une seule seconde à se débarrasser de moi. Mais elle s’éloigne pour mieux revenir. Et j’oublie le café quand ses lèvres retrouvent les miennes, quand nos corps fonctionnent à l’unisson. Sous les draps, dans la douche, à peu près partout dans cet appartement avant qu’on décide de sortir. Elle n’arrête rien du tout, et pourtant c’est pas lassant, c’est pas dans les habitudes, c’est jamais pareil quand on est là. “Quel dommage.” Mes bras s’enroulent autour de ses hanches, et je ne sais pas vraiment s’ils se décrochent pendant les minutes, les heures qui suivent.

Mon bras est passé d’autour de ses hanches à autour de ses épaules. On a toujours gardé le contact. “Mon tee-shirt t’allait mieux.” Je boude presque, je boude depuis qu’elle a décidé de porter autre chose que mon tee-short ou rien du tout en fait. Sa question me fait froncer les sourcils, pourquoi mon nom de famille ? Pourquoi je me méfie pas ? “Etish” Je réponds presque immédiatement. “Jeremiah Etish” Oh Jet. Ca c’est rare, ça c’est sincère et je me pose la question de pourquoi je ne l’ai pas juste embrassé pour la faire taire. “Et toi ? Tu t’appelles pas Chloe c’est ça ?” Ma main vient chatouiller sa hanche alors qu’on attend le petit-déjeuner. J’ignore les regards du reste du monde parce qu’on est deux là, et que les autres m’importent peu. Et le journée avance, il ne fait plus nuit, et pourtant elle a le même sourire Chloe, et peut-être que moi aussi. Je sais que là, la tension sur mes épaules s’envole un peu. J’attrape le sachet, hors de question qu’on mange assis ici à une table. “On bouge.” Ouais il arrive que je parle avec des on aussi, de temps en temps. Et je pars vers le parc le plus proche, Il y a encore du soleil à Brisbane, alors autant en profiter.

Il râle presque, le gamin qui n'en est pas un. “Mon tee-shirt t’allait mieux.” « Je sais. » alors elle fronce du nez, alors elle laisse ses fossettes creuser ses joues, alors elle adapte son pas au sien sans jamais baisser le regard, la voix qui chante d'insolence. Il est le premier à rager qu'elle le lui vole, il est le premier à grogner qu'elle ne le porte pas. Ridicule.

“Etish” il cède, elle ne sait pas à quel point. “Jeremiah Etish” les commandes commencent à sortir, la leur met un peu plus de temps que les autres, c'est qu'elle y est allée fort sur le choix des pâtisseries Cohen, elle est affamée. Elle a noté chacun des détails qu'il lui a apportés mais n'en montre absolument rien, autre qu'un hochement de la tête, elle acquiesce sans qu'il ne lui ait demandé quoi que ce soit.  “Et toi ? Tu t’appelles pas Chloe c’est ça ?” ah non, finalement, il lui renvoie la question. « Chuck. » on annonce leur numéro, pas la moindre chance qu'elle se détache de son étreinte quand ils avancent à deux vers le sac de papier kraft et les gobelets bouillants. « Mes parents et mes amis m'appellent Chuck. » il prend à manger elle s'assure d'attraper le plateau de café. « Les autres disent Chloe. » il est pas un ami et il est pas un autre, et il n'est définitivement pas de la famille. Il est quoi, alors? “On bouge.”

Ouais, elle avait déjà remarqué. Quand ils retrouvent les rayons de soleil australien bien haut dans le ciel, quand ils s'égarent vers un parc à proximité. Les arbres craquent et leurs branches avec, elle se pose au sol sans douter une seule seconde qu'il suivra. Ils mangent là, ils font que ça. « Le tien est meilleur. » son t-shirt, son croissant, son café aussi, qu'elle dérobe à la place du sien à elle. « T'es là depuis deux jours. » que ses lèvres articulent, la seconde d'après. Elle garde son café à lui en otage, et elle ne critique pas sa présence qui s'allonge ; elle ne fait que la remarquer.

Elle nargue Chloe, elle sait que mon tee-shirt reste dans son placard et qu’il sent sa lessive maintenant. Son nez qui se fronce en même temps que le mien alors que je resserre l’étreinte autour de son cou juste pour l’emmerder. Elle est plus petite que moi, et a bien moins de force. Elle ne réagit pas à l’aveu la brune, et c’est tant mieux. Je préfère qu’elle ne blague pas encore sur le prénom, qu’elle me laisse me demander pourquoi j’ai fait ça avant de lui retourner la question. Je le tourne en dérision, c’est mieux quand on parle avec humour, quand on ne prend rien au sérieux. Chuck, c’est étrange mais ça me fait sourire. Je ne suis pas son ami, ni un membre de sa famille. Est ce que je suis juste un autre ? J’ai pas le temps de poser la question que j’attrape le sachet et que je l’emmène ailleurs. On marche, pas trop longtemps, et on se retrouve posé dans l’herbe parce que bien évidemment je m’assois à côté d’elle.

Elle échange les café, les croissants, et ça ne me gêne même pas quand moi je dérobe le sien à la volée. “Je sais.” Un clin d’oeil et je reprends le meilleur café de ses mains pour en boire une gorgée à mon tour. C’est con, moi je trouve que c’est le sien le meilleur. “Ca fera trois demain quand tu me laisseras plus partir ce soir.” J’avais pas compté, j’avais juste vu qu’on avait vu plusieurs fois le soleil et la lune même quand on était enroulé dans les draps. Je compte pas, je pense pas, parce qu’il ne vaut mieux pas je pense. On est passé d’une seule et unique nuit à deux jours. D’une seule et unique nuit à un petit déjeuner dans un parc. Comment on en est arrivé là aussi vite ? Le pire dans tout ça, c’est que ça ne me déplaît même pas. Alors j’attrape son café à elle et en boit une partie avant de froncer les sourcils de nouveau. “Comment je dois t’appeler ? Chuck ? Chloe ? Ou je dois trouver un surnom moi-même ?” J’ai toujours été nul pour les surnoms. Mais si chaque surnom correspond à une case personne, j’aimerais bien avoir la mienne. Elle elle a la sienne depuis quelques minutes, depuis que je lui ai dévoilé mon prénom.

Il prend autant ses aises avec son café à elle qu'elle le fait avec son café à lui, et faut dire que question karma c'est probablement même pas la peine de questionner si elle le mérite ou non. Elle mérite des tas de choses Chloe et pas toutes les meilleures, si on prend pour acquis tout ce qui vient après ce sourire mutin qu'elle arbore maintenant, quand Jeremiah s'avance, quand il flirte de trop près et de trop proche, se brûlera bien vite les ailes. “Ca fera trois demain quand tu me laisseras plus partir ce soir.” elle l'a toujours et elle le maintient bien solidement, ce sourire, celui qui attendrirait des foules entières. “Comment je dois t’appeler ? Chuck ? Chloe ? Ou je dois trouver un surnom moi-même ?” ce même sourire qui effraierait seulement ceux qui la connaissent vraiment.

« Tu peux rentrer chez toi, maintenant. » sa voix est douce, ses mots sont durs. Elle ne l'a pas lâché des yeux, continue de manger probablement le meilleur croissant qu'elle a goûté de tout sa vie, celui-là même qu'il a choisi. Elle ne le lui dira pas, bien évidemment. « Je reçois des amis et de la famille ce soir. » elle invente, elle ment, elle improvise, elle s'en fout qu'il la croit ou non. La seule chose maintenant qui compte, c'est qu'il sente la possibilité de rester lui glisser entre les doigts. S'il pousse et qu'il questionne, elle téléphonera à sous ses yeux à sa soeur, pour vrai, à ses copines aussi, à qui que ce soit s'aligne dans son répertoire d'appels manqués. Celles qu'elle a snobbées depuis qu'il a un peu trop tatoué ses draps à elle de son odeur à lui.

S'il reste, ce dont elle doute, elle lui imposera la plus horrible des soirées à lui présenter ses amies, à le forcer à se confondre, à lui donner un surnom rien qu'à elle, à jouer un rôle. Elle anticipe qu'il fuit, elle ne rêve que de ça, le chez lui qui reste ambiant, en suspens. Il a mentionné le truc à propos des appartements de son immeuble, truc qu'elle a volontairement laisser aller. Mais elle y repense désormais, et ça grince, ça pique, ça la fait rager. Intérieurement bien sûr, parce que de l'extérieur, elle reste droite et lisse, le café au bord des lèvres et les fossettes d'amusement bien creusées.

J’ai bu son café parce qu’elle a pris le mien, et j’ai mangé le croissant qu’elle a choisi elle parce qu’il avait l’air bien meilleur que celui que j’avais choisi moi. Et j’avais raison, comme toujours. Je ne sais pas quelle heure il est, peut-être qu’on prend le petit déjeuner à 15 heures mais j’ai perdu la notion du temps. Ca fait 2 jours que je ne sais plus quel jour on est ou quelle heure il peut bien être. Et son sourire change quand mes questions sont posées. Elle les cherche les questions, parce qu’elle adore éviter les réponses. Je fais la même chose, alors je ne devrais pas lui en tenir rigueur. Mais pourtant j’ai envie de grogner quand elle me dit que je peux rentrer ce soir. Elle a dit que je pouvais, pas que je devais. Si elle avait dit que je le devais ça m’aurait sûrement encore plus donné envie de rester. Je ralentis pour manger le croissant que j’ai en main, je peux faire durer le moment le temps qu’il faut pour qu’elle finisse par répondre à mes questions quand j’éviterai les siennes.

“Je peux seulement…” Mon sourcil se hausse, et si mon chez moi se rapprochait un peu de chez elle ? Je pourrais lui voler absolument tout ce qu’il y a dans ses placards, mes vêtements pourraient s’éparpiller encore plus dans le salon de sa soeur. “Et comme j’ai pas reçu de carton d’invitation je présume que je suis ni un ami ni de la famille ?” Elle cherche là Chloe, elle doit sûrement penser que je vais m’enfuir en courant alors que la seule chose que je compte faire c’est vérifier si elle ment. Et si oui, je vais lui rendre la tâche compliquée parce qu’elle va vraiment devoir organiser cette super soirée avec ses amis et sa famille. “Ca tombe bien je comptais rentrer vers chez toi ce soir.” Oh que oui Chloe tu vas devoir te démerder parce que je compte pas partir. Je hoche la tête en finissant son café à elle. “En plus si t’invite ta famille ça me permettra de rencontrer ma future voisine ! Ta soeur.” Oui je me souviens de tout ce qu’elle m’a dit le premier soir. Elle a enchainé les mensonges exactement comme je l’ai fait. Comme on le fait depuis qu’on passe les nuits et quelques jours ensemble. Mon petit déjeuner est fini et je me lève. Je l’attrape par la main pour qu’elle fasse de même. “Allez, t’as une soirée à préparer !” Un clin d’oeil, et j’ai hâte de voir ce qu’elle va bien pouvoir organiser en si peu de temps. Je ne pense peut-être pas encore que si je continue vraiment comme ça je vais rencontrer sa famille, et quelques amis. Mais l’idée m’amuse, ça m’amuse vraiment.

“Et comme j’ai pas reçu de carton d’invitation je présume que je suis ni un ami ni de la famille ?” elle inspire doucement, l’air lui brûle les narines sans qu’elle ne montre le moindre signe d’agacement. L’expiration aussi la chatouille, cache le roulement d’yeux qu’elle lui subtilise pour qu’il ne pense pas qu’il a réussi à gratter un point particulièrement sensible ; lui qui est tombé agilement en plein dedans.

“Ca tombe bien je comptais rentrer vers chez toi ce soir.” elle se pince les lèvres, le gobelet du café de Jet arrive à masquer le rictus, à peine entre vous et moi, Etish le verra parfaitement et c’est probablement ce qui la motivera à lui piquer, rageuse, la bouchée qu’il a lui-même dans les mains. Respire Chloe, calcule.

“En plus si t’invite ta famille ça me permettra de rencontrer ma future voisine ! Ta soeur.” ne pas soupirer à nouveau, ne pas rouler des yeux. Apparemment, elle est vraiment plus calme lorsqu’elle ravale ses piques et autres pistes la dévoilant un peu trop à son goût lorsque le goût amer des vannes changent pour celui sucré, caféinée des lèvres de Jet qu’elle pique à la volée. Si elle se tait, il se tait lui aussi.

“Allez, t’as une soirée à préparer !” elle ne parle toujours pas, mais elle le mord. C’est déjà ça.

***

« Le vin est délicieux! »
« C’est australien? »
« Non, français. »
« Il a du goût »

Elle soupire Chloe, le vin qui est délicieux, le vin qu’il a choisi. Les coupes qu’il vient de remplir, le sourire qu’il échange avec toutes ses copines, celles appelées à la rescousse en inventant la pire excuse d’une soirée inopinée qu’elle ne se souvient même plus comment avoir justifiée.

« C’est bon, tu peux y aller. » qu’elle souffle à son oreille, Jet accoudé au plan de travail de la cuisine, occupé à cuisiner elle ignore quoi, elle ne demande pas. « T’as prouvé ton point, elles te tolèrent, je te rappelle plus tard. » elle ne l’appelle jamais, le texte à peine. Elle préfère qu’il le fasse et il le sait, quand elle passe ses bras de chaque côté de sa nuque et qu’elle fronce au passage du nez. Il a prouvé son point et elles l’adorent oui.

J’ai choisi le vin, un français. Aucun amateur de vin digne de ce nom ne devrait un jour goûter au vin australien. J’ai senti qu’elle était presque en panique Chloe. Presque. Parce qu’elle gère le mensonge et l’organisation des fêtes de dernière minute presque aussi bien que moi. Alors je n’ai pas fait de remarque, je l’ai juste empêcher de faire ce qu’elle voulait au moment où elle voulait le faire. Détournant son attention de son téléphone dès que j’en avais l’occasion et qu’elle avait l’air occupé. Et je l’ai observé faire, elle est forte, et cette soirée s’annonce tellement barbante qu’on aura envie de se jeter par la fenêtre de l’appartement de sa soeur.

Et j’ai enfilé mon plus beau masque, celui du mec absolument parfait. Je sais le faire ça, je l’ai déjà fait des centaines de fois. Et je sens le regard de Chloe qui brûle à chaque fois que je fais un sourire à une de ses amies. Elles sont chiantes, elles parlent trop, elles sont trop présentes et se mêlent de tout, surtout de ce qui ne les regarde pas. Mais je dois être sage, cette soirée va être aussi parfaite que moi.

Bien sûr que le vin est délicieux. ”Je l’ai choisi rapidement.” Et ça c’est vrai, c’est un talent comme un autre d’être capable de reconnaitre une bonne bouteille de vin français quand j’en vois une. Si je me mettais à parler français je me demande bien combien de temps Chloe mettrait à rager après que ses amies aient dit que mon accent était à tomber. Je garde ça pour plus tard, un autre de mes talent qui restera secret pour le moment.

Je suis à la cuisine, et il lui faut peu de temps pour me rejoindre alors que je finis la préparation des lasagnes. Je serais vraiment le mec parfait, si tout ça n’était pas qu’un jeu. “Toi vas y ! Moi je m’amuse comme un fou à cette soirée.” Elle sait qu’elle ne se débarrassera pas de moi aussi facilement, mais elle tente Chloe, et ça m’amuse. Toute cette mascarade m’amuse. “Elles m’adorent tu veux dire !” J’attrape un morceau de fromage pour le glisser dans ma bouche. Ses copines m’adorent, et toutes les personnes à qui j’ai pu parlé m’adorent aussi. Même si elle le voulait personne ne me laisserait partir d’ici. Ses bras viennent s’enrouler autour de mon cou et mes mains viennent se poser sur ses hanches. Mais on ne peut pas être tranquille 5 minutes, et déjà une autre tête brune passe la porte de la cuisine. Je la maudis intérieurement, mais je lui lance mon plus beau sourire. “Comme quoi les hommes parfaits existent encore.” Et elle regarde le plat avec envie la copine de Chloe, oui, seulement le plat. Si elle savait à quel point elle se trompe, si elle était capable de voir autre chose que les apparences, elle le saurait, que je suis tout sauf parfait.

“Toi vas y ! Moi je m’amuse comme un fou à cette soirée.” et elle, elle comprend rien. Elle a tout fait, elle a cumulé les pires plans, elle les a alignés savamment. C'était avec une minutie chirurgicale qu'elle a invité toutes ses copines les plus bavardes, celles qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas, celles qui ont toujours leur mot à dire sur tout, en permanence. Celles qui l'exaspèrent parce qu'elles ont tendance à jouer les victimes, entre leurs mariages parfaits et leurs grossesses parfaites et leurs gamins parfaits, quand elles se grattent une heure top chrono de liberté à boire du vin sous le toit aseptisé sans relations sérieuses sans responsabilités sans attaches de Chloe. “Elles m’adorent tu veux dire !” « Je sais pas à quoi tu joues mais c'est pas drôle. » elle sait pas pourquoi il reste comme elle ne sait pas pourquoi elle ne le jette pas dehors maintenant que son expérience anthropologique n'a pas fonctionné. Pourquoi elle le rapproche d'elle quand de l'autre côté du mur les simples conversations auraient eu de quoi énerver qui que ce soit même l'hôte de la soirée. Pourquoi il est venu, pourquoi il est resté?

“Comme quoi les hommes parfaits existent encore.” c'est sa soeur, la vraie et l'unique, qui passe le pas de la porte et qui tombe sur eux deux, enlacés. Chloe qui se dégage aussi vite, feignant d'être occupée à attraper une coupe vide et propre à remplir, la sienne pleine laissée lasse sur le plan de travail à proximité. Deux coupes de vin annulent le problème, non? Non. « C'est une surprise même pour moi. » elle souffle, elle sourit, elle joue la fausse à la perfection. Une fois que son aînée n'y voit que du feu, les couve d'un coup d'oeil attendri avant de disparaître sous un énième soupir de Chloe, entre le soulagement et l'agacement.

« Ça, je fais pas ça. » elle est dos à lui, s'occupant les mains avec de la vaisselle à ranger, des assiettes à remplir, des aliments à couper. Et pour être certaine qu'il comprenne, elle se détourne maintenant, les montre lui et elle, du doigt, du menton, de ses paroles aussi, tranchantes. « Te fais pas d'idées. C'est juste un jeu. » un jeu auquel elle ajoute un nouveau baiser, quand elle mélange tout Cohen. Entre les signaux qu'elle lance et les avertissements qu'elle avance. Entre le sourire qu'elle niche contre ses lèvres à lui, sa main l'attirant à nouveau à elle sans que personne n'en soit surpris.

Je reste dans la cuisine, je tourne comme si c’était la mienne parce que je connais déjà les placards. Je connais bien cette cuisine, pour l’avoir visité plusieurs fois de nuit comme de jour depuis quelques temps. Elle a voulu jouer Chloe, ce qu’elle n’a peut-être pas vu c’est qu’elle avait trouvé plus joueur qu’elle. Je n’ai pas de limites, vraiment aucune. Et je suis prêt à absolument tout pour gagner ce que je veux quand je le veux. Et là, Chloe m’offre une soirée sur un plateau d’argent. Des tonnes de mensonges à créer. Et son regard à chaque fois que je m’approche d’une de ses copines, oh que j’aime ce regard. Ma main passe sur mon coeur et ma mine est faussement outrée. “Je suis toujours drôle.” Et là je continue de m’amuser. Mes mains se posent instinctivement autour de sa taille alors que la brune a enroulé ses bras autour de mon cou. C’est pas une bonne idée ça, quand on sait qu’une partie de sa famille et de ses amis est juste à côté. A quoi tu joues Chloe ?

Et je joue le mec parfait à la perfection puisque sa soeur le dit, elle a forcément raison. Je l’aime bien sa soeur, seulement parce qu’elle dit que je suis parfait. Elle ne voit pas qui je suis vraiment, et j’en suis ravi. Ca veut dire que je suis toujours un bon menteur, le meilleur. Elle parle avec sa soeur alors que je me contente de lui envoyer un clin d’oeil charmeur. On se refait pas. Je regarde Chloe qui semble perdue dans sa propre cuisine. Je lève les yeux au ciel avant de l’observer faire des trucs inutiles et sécher la vaisselle déjà sèche. Elle est perturbée Cohen, elle a sûrement été habitué à toujours tout dominer, jusqu’à ce qu’elle tombe sur moi. Est ce qu’elle sait vraiment jouer Chloe ? Je n’en suis plus si sûr.

Elle parle et je fronce les sourcils, qu’est ce qu’elle raconte. Et elle se tourne vers moi pour préciser ses pensées, je pouffe de rire. Elle a cru quoi ? Qu’en quelques jours elle m’a fait tomber amoureux ? Qu’elle m’a donné envie d’être en couple ? Lol, nope. “Toi te fais pas d’idées. J’ai toujours été le meilleur à ce genre de jeu.” Et elle devrait me croire sur parole, et fuir tout de suite si elle n’est pas à la hauteur. Elle m’embrasse de nouveau et sourit contre mes lèvres quand mes mains viennent glisser jusqu’au creux de ses reins. “Tu sais pas jouer.” Mon sourcil se hausse, mon ton est défiant. C’est la seule chose qui m’intéresse le jeu, même si ses lèvres sont très attrayantes. Ma tête se penche pour glisser dans son cou, et je me fiche qu’on me surprenne. Pourquoi je reste ? Même moi je le sais pas vraiment. Mais la vraie question, c’est pourquoi elle ne m’a pas viré. Et pourquoi elle m’embrasse dans sa cuisine alors que n’importe qui pourrait entrer ? Pire encore, pourquoi j’ai pas envie qu’elle s’arrête une seule seconde ?

“Toi te fais pas d’idées. J’ai toujours été le meilleur à ce genre de jeu.” tout dans son comportement à elle suggère l'inverse mais ses mots sont probablement la plus pure vérité qu'elle a bien pu statuer depuis longtemps. Elle ne cherche pas de copain et elle cherche encore moins quelque chose de sérieux, Chloe. Les voix qu'elle entend jacasser dans la pièce d'à-côté ont bien beau leur prévoir ouvertement un mariage, un bébé, une maison et un chien, la vérité reste la même : elle lui glissera entre les doigts le jour où elle le voudra, et seulement s'il lui laisse l'impression de vouloir faire de même, c'est là où ils pourront véritablement jouer avec les mêmes règles.

Contre ses lèvres elle pouffe, quand lui renchérit d'un sourire provocateur au creux de sa nuque. “Tu sais pas jouer.” « Et toi tu sais pas perdre. » à son tour de chasser autant le dernier mot que ses baisers, se faisant de plus en plus entreprenants. Chloe s'en fout d'être dérangée, elle n'en a rien à faire qu'on vienne à nouveau leur demander ce qu'ils peuvent bien manigancer. Au final, ils ne font rien d'autre que profiter d'un présent qu'ils jugent sans avenir - pour le moment.

« Pars. » alors elle y ajoute un niveau de difficulté supplémentaire. Ses prunelles s'ancrent à celles du musicien à l'instar de ses paumes à lui qui ont investi son dos à elle sous son t-shirt. Cohen noie ses doigts contre les mèches de Jet, en tire une pour en reprendre une autre la seconde d'après. « Je te rejoins en bas dans quinze minutes. » et le pire là-dedans, c'est qu'elle est honnête et qu'elle le fera. Elle chassera tout le monde pour n'être qu'avec lui, prétextera qu'elle a été appelée au boulot. L'excuse parfaite qui fera soupirer de ravissement toute la petite troupe au salon qui s'inquiète d'elle et de l'assiduité qu'elle met à son emploi depuis les derniers mois.  Elle dévalera les escaliers de secours et retournera le retrouver peu importe là où il l'attendra. C'est ça le plan, celui de fuir, encore. De gratter quelques minutes à deux avant que le compte à rebours ne s'enclenche autant pour lui que pour elle. Avant.

Elle est belle Chloe, mais c’est qu’une passade. Une jeune femme qui a eu la chance d’attirer mon attention pour plus d’une nuit mais dont je finirai par me lasser. Et j’aime le jeu ce soir, j’aime ses lèvres qui se perdent sur mon cou alors que l’étreinte de mes mains se fait plus forte autour de ses hanches. Je n’écoute plus les gens d’à côté, et je me fiche de si elle veut ou non qu’ils nous voient aussi proche. J’aurai disparu dans quelques jours, et sa famille ne me reverra jamais. Elle pourra leur dire que je suis le plus gros connard de l’univers et elle n’aurait pas tort. Elle ne doit pas s’attacher, et je ne le ferai pas non plus. Je ne suis qu’une apparition dans une vie, et elle a l’air d’être un peu pareil Chloe.

Je ne sais pas perdre, elle a raison. “C’est pour ça que je fais toujours tout pour gagner.” Et elle ne sait pas de quoi je peux être capable pour gagner un jeu ou un défi qu’on me lance. Elle aime jouer la brune, mais je ne suis pas sûr qu’elle soit capable de me suivre. Elle risque de se brûler les ailes trop vite et trop fort en restant dans les parages. Mais elle a cette étincelle dans les yeux, ce petit truc qui me dit qu’elle est prête à essayer de suivre le jeu, qui me montre qu’elle a besoin de ce genre de jeu dans sa vie, et que c’est bien loin d’être une jeune femme sage. Et ça me plaît bien plus que ce que je ne veux me l’avouer.

Je fronce les sourcils, est ce qu’elle va me rejoindre ? Je n’attendrai pas plus de 20 minutes, et si elle ne revient pas je n’irai pas la chercher. On est pas de ce genre là tous les deux, et je ne changerai pas ma nature pour une brune que je connais à peine. Mais je me surprends à espérer qu’elle me rejoigne vraiment. Je ne sais pas où partir ni quoi faire, mais je sais qu’on trouvera de quoi s’occuper n’importe où et n’importe quand. Je ne sais pas quelle heure il est, ni depuis combien de temps je suis avec elle en réalité. Quelques jours selon le temps, quelques heures seulement selon moi. “15 minutes, et c’est toi qui fais le programme cette fois.” En moins d’une minutes j’ai posé un long baiser sur ses lèvres et je suis sorti de la cuisine en prétextant une urgence familiale. Elle a 15 minutes pour se libérer, pour inventer un énième mensonge et pour qu’on passe une nuit, seulement une, en compagnie l’un de l’autre.

C'est qu'elle lui offre presque une issue de secours, à Jet. En lui pointant la sortie le sourire aux lèvres, ces mêmes lèvres qu'elle perd contre les siennes, puis contre sa nuque strictement pour faire le chemin inverse. Elle n'a pas envie qu'il s'attarde comme elle n'a pas envie qu'il connaisse ce pendant-là d'elle, pendant qu'elle ne se reconnaît plus de toute façon. Fût un temps, elle aurait étalé toutes ses victoires à lui sous les yeux de sa soeur, de ses amies. Elle en aurait fait un portrait complet et édulcoré, aurait évité de toucher les sujets qui fâchent rien que pour lisser le tableau au point où on l'envie autant qu'elle envie qui que ce soit hors des histoires trop parfaites comme celle-là, comme la sienne, la leur.

Aujourd'hui par contre, elle s'échappe, et de chez elle et de sa prise. “15 minutes, et c’est toi qui fais le programme cette fois.” alors elle en mettra vingt, des minutes, des miettes à saluer son entourage et à leur souhaiter une belle journée sans elle. Elle mettra un point d'honneur à être en retard Chloe, non sans s'assurer d'un coup d'oeil par la fenêtre de la cuisine qu'il est toujours là lorsqu'elle finira par descendre par la sortie de sécurité - oh, l'ironie - et le retrouver dans la ruelle qu'elle lui a pointée.

Sans un mot, elle désigne la suite de leur journée, de leur nuit, du moment qu'ils se sont proscrit. Elle n'a pas envie de parler de sa famille et elle n'a pas envie de parler de ses copines, elle se doute que de toute façon il n'en a absolument rien à faire des visages qu'il a rencontrés aujourd'hui, des prénoms qu'il a fort probablement déjà oubliés. Il aime jouer et il aime encore plus gagner, le brun, alors Chloe lui en donne l'impression. Quand dans un rire elle l'entraîne déjà ailleurs, quand dans un sourire elle lui promet monts et merveilles pour aujourd'hui, du moins. Demain est encore incertain.