| kelloan #6 + the old hag and the shed |
| | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 3:12 | |
| “Qu’est-ce que…” C’était un étrange véhicule, que cette femme conduisait. Du genre que Kelly n’avait aperçu que dans les lieux les plus touristiques de Brisbane pour ceux qui avaient de l’argent à jeter par la fenêtre. Elle cligna des yeux plusieurs fois, croyant que le paysage doré de la nuit qui commençait à tomber en cette fin de première journée de voyage lui jouait des tours, mais il n’en était rien. La femme en question sifflait, et elle était certes douée pour cela, cependant dans le bush déserté de toute voiture et forme de vie, au milieu de nulle part, sa mélodie sonnait comme le refrain inquiétant d’un film d’épouvante. L’écho dans ce très grand rien dressait les poils de Lee sur ses bras. Loan, expert en stop, tentait le tout pour le tout en levant le pouce dans l’espoir que l’étrange chauffeuse s’arrête à leur niveau. Ils avaient besoin d’un endroit où passer la nuit s’ils ne voulaient pas avoir à monter la tente. La dame, âgée, se stoppa. Prise de compassion pour les aventuriers, elle accepta de les emmener chez elle. Kelly 1 - 0 Camping.
La maison était plutôt une cabane. Voire un cabanon. Quelque chose que l’on construit au fond de son jardin afin de stocker des outils et du terreau ; pas un lieu où vivre. La sommelière, stupéfaite, observait les lieux avec la bouche entrouverte. “Vous allez gober les mouches.” lui fit remarquer la vieille femme -Nana, voulait-elle être appelée. Il suffisait un tour sur soi pour faire le tour du propriétaire et comprendre que le strict minimum du confort moderne était absent à l’appel ; eau courante, électricité ? Que nenni. Qui pouvait vivre ainsi ? “Vous pourrez dormir dans le salon. Pour la douche, il y a un seau d’eau recyclé dehors. Pour les WC, c’est dehors aussi. Tenez.” Elle leur tendit une petite pelle. Le regard surpris de Kelly en disait long. “Pour enterrer la grosse commission. Faites ça près des tomates, si vous le pouvez, pour fertiliser.” Lee prit la pelle avec dégoût, entre deux doigts. “Faites comme chez vous. Juste, n’entrez pas dans cette pièce, là-bas.” Le regard de l’équipe se leva vers une porte fermée, à l’autre bout de la cabane. “C’est un désordre sans nom.” justifiait Nana. Mais quelque chose au fond de Kelly n’en croyait pas un mot.
@Loan Severide @May Glitters |
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 3:26 | |
| Nana était comme un personnage sorti tout droit d’un film. Vous savez celui que l’on n'attend pas, mais auquel on finit par s’attacher tant il est original et complètement décalé. Elle nous avait clairement surpris avec son Tuk Tuk au milieu du bush Australien. Comme un mirage après avoir passé près d’une heure à marcher au milieu de nulle part sous une chaleur qui commençait à devenir légèrement écrasante. Tout au loin du chemin, je me suis demandé où cette femme pouvait bien vivre. La réponse est probablement tout aussi mythique qu’elle. Le cabanon en bois semble tenir debout par la force du Saint Esprit, tout ici est vieux, sans le renfermer et surtout semble appartenir à une époque révolue depuis cent ans. Pas d’électricité, pas d’eau courante. « Je sens que la soirée va être folklo. » que je lance à Kelly en plaisantant quelque peu avant que Nana nous indique une pièce tout au fond, la porte y est fermée, nous avons interdiction d’y entrer. Je hoche la tête simplement. « Je vais dehors, jardiner un peu. Installer vous. »
Et voilà que l’on commence à déposer nos sacs dans ce qui semble lui servir de salon. Pas de canapé, mais plutôt une sorte de matelas très fin posé sur une palette en bois. « Installe-toi là, si tu préfères. » Je commence à étaler mon sac au sol, mais un frisson me parcourt alors que j’ai la sensation de sentir un air froid dans mon cou. Lorsque je relève la tête, je remarque tous les portraits au mur. Tous les mêmes. Ou tout du moins, des mêmes personnes. Un couple qui semble âgé, au sourire figé par le temps et à l’air… Clairement angoissant. Il y a quelque chose dans cet endroit qui ne m’inspire pas confiance. « On dirait une maison de film d’horreur. » Je tente de plaisanter même si tout au fond, je commence légèrement à flipper. « Ça me rappelle cette fois où j’ai cru me faire pipi dessus quand j’étais gamin… » Oh mon dieu cette histoire, je crois que toute personne qui me connaît depuis assez longtemps la déjà entendu. « J’devais avoir 10/11 ans. On était en vacances et mon père avait loué un chalet en bois comme celui-là. Il m’a laisser seul le temps d’aller faire quelques courses. » Je laisse le suspense s’installer. Non en réalité, je cherche à attraper un tee-shirt au fin fond de mon sac. « Je lisais un livre et je te JURE la chaise dans le salon à bouger toute seule. Devant moi, comme ça. J’ai commencé à avoir trop peur et après j’ai entendu des pas au deuxième alors que j’étais tout seul. Ça marchait au-dessus de ma tête et je tremblais de peur. J’osais même plus bouger, c’était horrible. Pire que dans un film. Puis y a eu un bruit de vaisselle qui casse, j’ai hurlé à la mort et je suis parti en courant, j’étais en pyjama, pied nu et j’ai hurlé sur au moins 200 mètres avant de tomber sur mon père. Je n’ai jamais voulu y retourner. » Je ne sais pas vraiment pourquoi je lui raconte ça mais cette maison, me rappelle bien trop étrangement ce que j’avais pu ressentir là-bas. « Cette maison me file la frousse. » Et la seconde d’après Nana entre dans le salon, alors que je me suis rapproché d’un tableau pour l’observer de plus près. « Oh ça c’est mon grand-père et ma granny. Faut pas leur manquer de respect. » Qu’elle annonce avant de prendre un seau et disparaître de nouveau à l’extérieur. Mon regard se tourne vers Kelly. J’aurais mieux fait de me taire avec mon histoire moi. |
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 3:38 | |
| Peut-être que la cabane était plus grande qu’elle n’y paraissait de l’extérieur. Il y avait au moins trois pièces ; le salon, la chambre de Nana et la fameuse pièce interdite. Et elle ne savait si c’était justement l’avertissement qui avait éveillé sa curiosité ou un réel sixième sens, mais Kelly avait la sensation que quoi que cachait cet endroit, ce n’était pas un simplement entassement. La vieille femme vivait sans le minimum du confort et ne paraissait pas portée sur les possessions ; pourquoi aurait-elle toute une salle remplie de désordre ? Cela n’avait pas de sens. Pendant que l'australienne dépliait son sac de couchage, elle ne pouvait s’empêcher de jeter des coups d’oeils à cette porte. Son coeur se serrait. Qu’est-ce que cette pie pouvait bien cacher ? « On dirait une maison de film d’horreur. » commentait Loan, et Kelly ne pouvait que l’approuver, bien qu’elle évitait ce genre comme la peste. “Ca ne peut pas être pire que Glenmorgan. Au moins Nana n’a pas menacé de te transformer en kebab.”
Entre le sol et le matelas sur les palettes, elle prit volontiers le plus confortable, puisque son équipier le proposait. « Ça me rappelle cette fois où j’ai cru me faire pipi dessus quand j’étais gamin… » débutait-il, mais la brune ne l’écoutait que d’une oreille. Cette fichue porte tournait à l’obsession. Kelly était connue pour aimer les ragots, les gossips. Elle aimait connaître les secrets des autres, enquêter sur leur vie. Elle était curieuse, et elle pensait que c’était une bonne chose. Mais son expérience avec Casey avait également démontré que ses fixettes tournaient parfois au vinaigre. “... j’ai hurlé sur au moins 200 mètres avant de tomber sur mon père. Je n’ai jamais voulu y retourner. » Zut, elle n’avait rien écouté. “C’est depuis ce jour que tu te caches derrière les filles quand tu as peur ?” répondit-elle malgré tout. Un peu de déduction, et elle comprit qu’il venait de narrer elle ne savait quelle histoire à dormir debout. Lee ne croyait ni aux fantômes, ni aux esprits. Mais elle croyait au diable, et de ça, elle avait réellement peur.
Tous les yeux de ces dizaines de portraits lui donnaient l’impression d’être fixée. Comme s’ils surveillaient la fameuse porte. « Oh ça c’est mon grand-père et ma granny. Faut pas leur manquer de respect. » expliquait Nana, faisant sursauter Kelly, absorbée dans ses pensées comme elle pouvait l’être parfois. Elle repartit aussitôt. Il semblait à la sommelière que l’air s’était rafraîchi durant son apparition. Sûrement la porte entrouverte.
“Tu te demandes pas ce qu’il y a là-bas ?” finit-elle par demander à Loan. C’était un type droit, elle l’avait déjà vu à l’oeuvre. Ils n’avaient pas volé le billet de vingt dollars de leur tout premier chauffeur alors que cela aurait été un avantage considérable. L’aiderait-il à vaincre une fois encore la tentation de braver l’interdit ? “Je suis sûre que c’est autre chose que simplement du bazar. Ca ne colle pas.” Et puis, toute la cabane était noyée dans une forte odeur de sauge.
|
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 3:49 | |
| Je ne sais pas ce qui m’a pris de raconter cette histoire, voilà que je ne cesse de repenser à cela désormais. Je ne pourrais jamais oublier. Que l’on me croit ou non je n’en démoderais pas, cette chaise à bouger tout seule, je l’ai vu de mes propres yeux et si j’ai peut-être halluciné les bruits de pas, le bruit de vaisselle qui casse je ne l’ai pas inventé. Depuis, je ne veux voir aucun film d’horreur et j’ai parfois comme un mauvais feeling dans certains endroits. Cette maison commence à clairement en faire partie. « C’est depuis ce jour que tu te caches derrière les filles quand tu as peur ? » « C’est ça moque toi, j’ai vraiment eu la peur de ma vie. » Puis elle a dit quoi déjà, Kelly, ça ne peut pas être pire que Glenmorgan, hein… Pourtant, elle ne cesse de fixer la porte condamnée tandis que j’observe tous les portraits qui nous entourent. Ils font peur. Assez sombre, peint avec des traits parfois trop nets, parfois grossiers et surtout le regard… On dirait qu’ils sont prêts à sauter du tableau pour venir nous égorger dans notre sommeil. IL A PAS BOUGER LUI LÀ-BAS ? Oh non, c'est juste mon ombre. Je soupire de soulagement. Puis sérieusement, ce n'est que dans Harry Potter que les tableaux bougent, non ?
Je manque de laisser s’échapper un cri alors que Nana revient sans prévenir dans la maison. Elle parle des tableaux et sa phrase me glace le sang. Pourquoi on leur manquerait de respect ? Puis surtout, ils vont nous faire quoi si on leur manque de respect. Doucement, pas à pas, je me rapproche de Kelly. Je n’ai pas trop envie de rester seul dans cet endroit. Parker semble blêmir lui aussi, alors je lui lance un sourire. « Tu te demandes pas ce qu’il y a là-bas ? » Pas vraiment non… « Je suis sûre que c’est autre chose que simplement du bazar. Ça ne colle pas. » « Kelly. » Mais déjà elle avance la jeune femme et moi, je commence à trembler. « Tu devrais pas faire ça. » Non clairement, on ferait mieux de respecter les ordres de Nana. « Elle a pas l’air net, puis ses tableaux me font flipper. » Et voilà que j’ai la nouvelle sensation d’avoir un air froid qui glisse sur ma nuque alors que dehors, la chaleur est écrasante. « Kelly LÂCHE cette poignée ! » que je crie dans un murmure. |
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 4:03 | |
| La curiosité n’était pas partagée. « Tu devrais pas faire ça. » tentait Loan afin de dissuader sa coéquipière, mais elle n’en démordait pas. Quelque chose clochait. « Elle a pas l’air net, puis ses tableaux me font flipper. - Raison de plus pour savoir ce qu’elle cache !” Mais avait-elle les nerfs de trahir la confiance d’une femme aussi étrange ? De quoi était capable une personne vivant au milieu de nulle part avec moins que le minimum ? Non, Nana ne leur ferait pas de mal, parce que Parker était là. La caméra ne tournait plus, mais ils étaient trois contre cette brindille aux os fatigués. Rien ne pouvait leur arriver.
L’ange sur son épaule droite, auréole sur la tête et petite harpe à la main, lui répétait que si Nana l’avait interdit, c’était pour de bonnes raisons, et qu’il était important de respecter l’intimité des gens, les limites qu’ils imposaient -et tout un tas d’autres morales qui feraient de belles quotes sur instagram. Le petit diable, lui, sur l’autre épaule, se frottait les mains de la sentir si proche craquer, à deux doigts de céder, murmurant que ce n’était pas grave si elle ne se faisait pas prendre, que Nana s’en saurait rien ; ce n’était qu’un coup d’oeil après tout, rien de plus. Ouvrir la porte, regarder deux secondes, refermer aussitôt. Le plan était aussi simple et basique que cela. “Je vais l’ouvrir. Couvre-moi.” lâcha-t-elle finalement, déterminée à découvrir le secret de la cabane. Si Loan ne voulait pas voir l’intérieur de la pièce, elle ne l’y obligeait pas. Son unique rôle était de l’avertir si la propriétaire des lieux revenait histoire de leur éviter des ennuis. La main sur la poignée, Kelly souffla, une fois, deux fois, trois fois. Ses doigts étaient moites, et à peine eut-elle ouvert le loquet que la culpabilité assiégea sa conscience. Il était trop tard pour reculer. « Kelly LACHE cette poignée !” Hors de question. Vite, elle ouvrit grand la porte d’un coup sec. La pièce était plongée dans l’obscurité, faute de fenêtre. Elle saisit la bougie sur le guéridon à côté d’elle afin d’éclairer l'intérieur.
Un cri lui échappa tandis qu’elle tombait nez à nez avec non pas une, non pas deux, mais des dizaines et des dizaines de poupées en porcelaine au regard fixe et vide, jonchant d'innombrables étagères jusqu’au plafond. Et toutes semblaient regarder en direction de la porte, de l’intruse, de Kelly qui plaquait une main sur sa bouche avec terreur. Malgré cette peur qui lui nouait l’estomac, elle fit un pas supplémentaire. Est-ce que les poupées la suivaient du regard ? Seigneur, songeait-elle. Cela ressemblait au portes dantesques du Vatican comme elle les avait vues en photo. Par automatisme, elle se signa. Elle n’était pourtant pas au bout de ses peines. Au fond de la pièce se tenait un établi. L’espace de travail était utilisé fréquemment, vu l’absence de poussière sur la surface. Et dessus, couvertes d’aiguilles, tordues dans les positions les moins humaines, une douzaine de poupées vaudou gisaient, agonisaient. “L-Loan…” murmurait Kelly, la voix tremblante, étouffée dans cette même peur qui l’empêchait de bouger -de sortir, et vite. “Loan, tu dois voir ça.”
|
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 4:14 | |
| « Je vais l’ouvrir. Couvre-moi. » Bien sûr. Qu’elle brillante idée. Je tente, tant bien que mal, de dissuader ma coéquipière de faire le moindre mouvement supplémentaire, mais il semblerait que Kelly est décidé de n’en fais qu’à sa tête. Sans que je n’aie le temps de dire quoique ce soit de plus, elle ouvre la porte.
Mal à l’aise, légèrement terrorisé, je me tourne pour avoir une vue plongeante sur toute la pièce et surtout pour ne pas lâcher du regard la porte par laquelle Nana avait disparue. Elle va revenir. Elle va revenir, elle va trouver Kelly dans la pièce interdite, elle va nous assommer, nous ligoter et nous découper en petit morceau avant de nous cuisiner. Voilà comment elle réussie à survivre au milieu de nulle part. Elle appâte les voyageurs perdus avec son Tuk Tuk avant de les amener chez elle pour les massacrer. Je divague. Je reprends mon souffle, croise le regard de Parker qui ne semble absolument pas serein lui aussi. « Dis-moi que t’as un truc pour qu’on se défende. » N’importe quoi, tout ce qu’il trouvera. Nos deux regards glissent vers la minuscule cuisine où l’on peut voir un établi avec quelques couteaux. Cela pourrait être utile.
Alors que je me brûle la rétine à ne pas lâcher la porte du regard, j’entends la voix tremblante de Kelly qui m’appelle. « Loan, tu dois voir ça. » Elle plaisante là ? Mais elle insiste la brunette et c’est plus fort que moi, je dois aller voir. Elle est entrée, on est déjà condamné, autant la rejoindre pour savoir de quoi il en retourne. Je serais peut-être soulagé au final.
ABSOLUMENT PAS. Je me retrouve entouré par une dizaine de milliers (non je n’exagère pas) de poupées. Elles nous fixent toutes sans aucune exception et leurs sourires figés dans la cire me provoque un frisson qui m’en donnerait mal au bide. Je n’aime pas cet endroit, mais Kelly est un peu plus loin dans la pièce et elle tremble comme une brindille. « Kelly. » Elle semble figée sur place et je commence à avoir réellement peur. Lorsque je m’approche, je comprends ce qui l’effraye autant. Le plan de travail, recouvert d’aiguilles, présente quelques poupées vaudou, tordue dans tous les sens et piquer d’aiguilles dans différentes zones. « J’aime pas ça. » La terreur s'immisce peu à peu dans mon esprit, tous les scénarios les plus impossible défile, mon coeur s'accélère. Nana avait l'air pourtant si gentille, je peux pas croire que l'on va pas sortir vivant de cet endroit. Et soudainement, l'envie de partir me démange les jambes, mais à côté de moi, Kelly semble comme prise au piège dans son propre corps. Elle lui a jeté un sort ? « Kelly ? » que je m’inquiète alors que soudainement, je jurerais entendre un rire d’enfant, courir juste derrière nous. |
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 4:24 | |
| Oh, comme elle regrettait. Comme elle s’en mordait les doigts. Définitivement, la curiosité était un bien mauvais défaut, et Kelly en faisait les frais. « J’aime pas ça. » Sans. Blague. Avait-elle l’air de vivre sa meilleure vie ? Etait-elle folle de joie à l’idée de faire une partie dînette géante ? Pas du tout. Sa bouche était sèche, ses doigts manquaient de faire tomber la bougie. “Oh mon dieu, Loan, et si elle comptait faire des poupées de nous ? Et si elle volait une mèches de nos cheveux dans notre sommeil pour faire une poupée et plus tard elle…” Le regard de Lee était fixé sur l’atelier du parfait petit chaman, juste sous ses yeux. Il y avait des membres arrachés, des cous tordus, des têtes brûlées, trempées, des abdomens percés.
Ses jambes flageolantes finirent par céder. Kelly tomba à genoux au milieu de cette pièce où elle n’aurait jamais dû pénétrer, sous le regard accusateur de ces dizaines de poupées bien trop vivantes. Sûrement toutes possédées. “Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, nous invoquons Votre Saint Nom, et nous lançons un appel suppliant à Votre Bonté afin que, par l'intercession de Marie Immaculée, Mère de Dieu et toujours Vierge, de Saint-Michel Archange, de Saint-Joseph, Époux de la même Vierge Sainte, des Saints Apôtres Pierre et Paul et de tous les Saints, Vous daigniez nous accorder Votre secours contre satan et tous les autres esprits impurs qui rôdent dans le monde pour nuire au genre humain et perdre les âmes.” Plus rapidement qu’un Eminem au meilleur de sa forme, Lee murmurait les paroles saintes qu’elle connaissait par coeur, celles qu’elle avait apprises petite et qui n’avaient jamais quitté sa mémoire. Elle et Loan étaient au milieu de nulle part, dans l’antre d’une véritable sorcière. Ils étaient perdus.
L’australienne se sentit tirée hors de cette pièce, cette antichambre de l’enfer. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle se trouvait dans les bras de Loan. “Il faut qu’on parte. On doit partir, tout de suite.” qu’elle bredouillait, toute recroquevillée. Toute sa tête buguait autant qu’un ordinateur du début des années 90, freeze et popups à l’infini, puis écran bleu. Erreur, Kelly ne répondait plus. Houston, on a un problème. Ce qui était sans compter sur le réflexe de son coéquipier dont la voix se mit à résonner, non pas pour la blâmer d’avoir ouvert cette fichue porte, mais pour chanter, la calmant presque aussitôt.
|
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 4:37 | |
| Tout semblait s’éternisé face cet autel des enfers. Tout semblait prendre une autre dimension et les pires choses venaient à s’afficher dans mon esprit. « Oh mon dieu, Loan, et si elle comptait faire des poupées de nous ? Et si elle volait une mèches de nos cheveux dans notre sommeil pour faire une poupée et plus tard elle… » Et Kelly vient tout juste d’en nommer une. Incapable de répondre quoique ce soit, je ne cesse de fixer une poupée d’un homme brun, qui soudainement me ressemble étrangement, il a le cou trancher, une jambe dans un angle qui ferait pâlir tout bon contorsionniste et surtout… Il ne reste plus rien de son entre jambe. Okay… Nana aurait semble-t-il un problème avec les hommes. Mon regard ne se détourne pas de cette poupée comme si j’étais happer par cette dernière. Jusqu’à qu’un bruit sourd retentisse à mes côtés et que par réflexe je porte ma main à ma bouche, mordant jusqu’au sang la peau entre mon pouce et mon index, pour y étouffer un crie de terreur. A mes côtés, Kelly vient de tomber à genou sur le sol. Elle se balance d’avant en arrière en récitant des paroles que j’ai du mal à comprendre. « Kelly. » Prononcer son prénom pour la centième fois, ne semble en rien réanimer la jeune femme. Ses yeux sont comme révulsé par la peur et je finis par comprendre qu’elle prie. Sans cesse, a toute vitesse, en se signant une dizaine de fois à la suite. Error 404. Je viens de perdre Kelly.
Si l’idée de m’échapper de cette cabane, m’effleure l’esprit le temps de quelques secondes, je finis par me laisser tomber à ses côtés. Je ne peux pas la laisser ici, livrer à notre défunt sort. « Ma belle faut que tu respires. » Faut que tu reviennes auprès de moi surtout. Je tente de l’aider à se relever, mais rien, la peur la cloue sur place et elle ne s’arrête plus de prier, de demander pardon au Seigneur. On va finir foudroyer avec ces conneries. Le Seigneur ne pardonnera jamais à un homosexuel. Non il me verrait plutôt bien en poupée lui aussi. Paniqué, au bord de la crise d’angoisse à mon tour, je fais la première chose qui me viens en tête. Chanter. « Twinkle, twinkle, little star. How I wonder what you are. Up above the world so high. Like a diamond in the sky. Twinkle, twinkle little star. How I wonder what you are. » C’est enfantin. Complètement hors contexte. Mais cela semble fonctionner. Kelly me supplie de l’aider à partir, mais son corps indique tout le contraire en se repliant telle une boule compacte. Lentement, je passe mes bras autour de la silhouette fine de Kelly pour la serrer contre moi et tenter d’apaiser ses tremblements et son hystérie. « When the blazing sun is gone. When he nothing shines upon. Then you show your little light. Twinkle, twinkle, all the night. Twinkle, twinkle, little star. How I wonder what you are. » Petit à petit les tremblements semblent cesser dans son corps, alors qu’il double dans le mien. Dehors le bruit d’une pelle qui creuse la terre nous ramène violement à la réalité des choses. « Il faut qu’on parte. » Maintenant, avant de finir en kebab.
|
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 4:48 | |
| La voix de Loan avait un effet drôlement apaisant. Kelly se sentait couvée, lovée contre lui comme une enfant. Si elle ne s’en empêchait pas, elle aurait volontiers sucé son pouce, comme à l’époque où elle croyait au monstre sous son lit ou caché dans son armoire. En grandissant, ces sornettes avaient quitté son esprit. Désormais, l’image des poupées en porcelaine, leurs yeux de verre, leurs sourires figés… Tout ceci était gravé dans cette mémoire infaillible que tous lui connaissaient. Comment pouvait-elle espérer dormir cette nuit ? Et surtout, allaient-ils risquer de rester ici ? A Glenmorgan, Loan et elle s’étaient fait une promesse : dans un cas comme celui-ci, s’ils ne le sentaient pas, si tout hurlait “danger”, alors ils opteraient pour le camping. Etait-il trop tard pour s’en aller ? La production les laisserait-ils faire ? Tout se bousculait dans sa tête, petit à petit rebooté. La comptine de Loan l’aidait à retrouver son sang froid. Elle avait entendu sa voix mais pas ses mots ; elle découvrait les paroles tout à coup, et lâcha un petit rire nerveux. “Tu aurais au moins pu me chanter du West Side Story.” fit-elle en rabattant ses cheveux derrières ses oreilles. Son geste fétiche qui signifiait toujours que quelque chose était réprimé, balayé, caché sous le tapis ; sa peur, dans le cas présent. Elle devait se ressaisir. « Il faut qu’on parte. » Lee secoua vivement la tête. Oui, partir. Vite. Loin. Bon plan. Ses jambes étaient encore en coton, mais la brune parvint à se relever avec l’aide d’un Loan se révélant être un véritable chevalier servant. Le plus rapidement possible, elle replia son sac de couchage et récupéra ses affaires. Carte : check. Boussole : check. Hors de question d’oublier quoi que ce soit. “Comment on va se carapater d’ici ?” demanda-t-elle, soucieuse. A pied, ils risquaient d’être vus par Nana. Ils risquaient aussi de se perdre dans le désert et d’être la proie d’animaux sauvages. Cependant, même cette perspective avait plus de charme qu’une nuit ici, et Lee préférait encore se battre contre un Dingo plutôt que de passer une minute supplémentaire dans l’antre de Satan. |
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 5:00 | |
| Enfin elle se calme.
Elle retrouve petit à petit ses esprits Kelly. « Tu aurais au moins pu me chanter du West Side Story. » Et me voilà complètement rassuré. Elle a eu un bug dans la matrice, mais tout semble fonctionner de nouveau. Geste impeccable pour remettre ses cheveux en place. Mon regard se plante dans le sien. « Je te chanterai tout ce que tu veux si on sort d’ici vivant. » C’est mon seul objectif désormais. Ce sentiment d’être coincé dans le scénario d’un film d’horreur me colle à la peau et les bruits que l’on entend au dehors sont loin d’être complètement apaisant. Sans un bruit, on se relève, abandonnant derrière nous le vaudou et les poupées qui nous suivent du regard. Je frissonne avant de refermer la porte derrière nous. Parker est dans un coin de la pièce et on ne le remarque même pas. On se jette sur nos sacs sans demander notre reste. Les affaires sont éjectées en boule, on s’entremêle les jambes, on se précipite. « Comment on va se carapater d’ici ? » Nous sommes au milieu de nulle part, rien, ni personne ne pourra venir nous sauver. Je ne pense même plus à la production, je ne pense qu’à notre survie. Et me viens un éclair de génie. « J’ai une idée. » Déjà mes doigts s’enroulent autour du poignet de Kelly alors que je l’attire dans mon passage. A l’entrée, je vole les clés du Tuk Tuk et sans faire de bruit on se glisse à l’extérieur. Mon cœur bat à cent à l’heure, j’ai la sensation de voir flou. Nana n’es pas là et je n’ai pas le temps de me demander où est-ce qu’elle pourrait bien se trouver. Sans demander mon reste, je cours, suivi de ma partenaire, vers le Tuk Tu. En quelques secondes, je pousse Kelly à l’intérieur et saute sur le siège conducteur. Mes mains tremblent tellement que je manque plusieurs fois le trou pour la clé de contact. Je fais tomber ces dernières et panique encore plus. « Aller, aller putain. » Et voilà que le contact se déclenche, j’appuie sur la pédale d’accélération comme un dingue. Sans demander notre reste voilà que l’on s’éloigne aussi vite que le petit véhicule nous le permet. Concentrer sur la route, je m’efforce à mettre le plus de distance possible entre nous et cette vieille folle.
Alors que je nous pensais sorti d’affaire, une voiture nous coupe la route me forçant à freiner. Kelly vole dans tous les sens et le moteur cale. Notre deuxième caméraman sort du véhicule en hurlant. « Vous ne pouvez pas lui voler son véhicule puis merde vous avez pas oublié quelqu’un, un peu ? » Mon regard croise celui de Kelly et on s’écrie en cœur. « PARKER. » Le pauvre nous l’avions condamné à rester sur place.
Sans demander notre reste, nous abandonnons le véhicule, clé toujours sur le contact et c’est en courant que l’on s’éloigne dans le bush australien. Que la production se démerde, on ne retournera pas là-bas, puis je crois bien que Nana nous suivait déjà.
|
| | | | | | | | kelloan #6 + the old hag and the shed |
|
| |