Mal d'amour. On n'en guérit pas si facilement. Et il n'existe pas de médicaments. Ni de remèdes. On ne sait pas quand ça passe. On ne sait pas non plus combien ça fait mal. Seul le temps fait du bien. Beaucoup de temps. Parce que, plus un amour a été beau, plus la souffrance de la fin sera longue. Comme en mathématiques ; valeurs directement proportionnelles. Mathématiques sentimentales. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Elwyn & Nea ☆
Revenir à Brisbane. Etais-je prête ? Je me tenais debout sous un arbre de la ferme Blythe avec mon téléphone entre les mains. je tournai machinalement ce dernier avant de réfléchir à savoir si j’étais prête ou pas à faire mon retour en Australie. La boutique n’était pas encore ouverte officiellement, il restait quelques travaux à faire mais je ne savais pas si j’étais prête à franchir la limite de la ville. La dernière fois m’a fait si mal. De le voir se marier, de le voir s’éloigner de moi. devoir hurler pour ne pas qu’on m’arrache Theo et cette horrible vérité. Celle que j’étais faite pour être mère, je l’ai toujours su et au final, je ne pourrais sans doute jamais. Utérus hostile, une pathologie plus répandue qu’on n’oserait le croire. bien sûr que je ne me sentais pas prête maintenant à avoir des enfants mais j’en voulais un jour. Et savoir qu’on venait de m’ôter cette possibilité a juste faire déborder le verre. J’ai tout saccagé, le peu que j’avais mis en place pour me barrer. La Grèce, l’Autriche, la Finlande, j’ai fait l’Europe avec mon sac à dos pour revenir, emménager dans cette ferme et essayer de laisser tout le monde derrière moi. Alors pourquoi étais-je si nerveuse à l’idée d’enfourcher ma moto et de retourner en ville ?
Déterminée, je vins passer mes jambes de part et d’autre de la Yamaha avant de coller mon casque sur la tête. Puis, cheveux au vent, je mis les gaz afin de me rendre sur le chantier. La boutique était presque terminée. Comme toujours, pour me rassurer, je faisais une check-list dans ma tête. Passer prendre un déjeuner, aller à la boutique finir les peintures, manger pendant cinq minutes, mettre la musique à fond, réceptionner les fleurs, envoyer les invitations pour l’inauguration, passer chercher une robe pour l’inauguration et rentrer aider Ezechiel à la ferme avec les animaux. Restons focalisée sur ce programme. Il n’y avait pas de places dans ma journée pour l’imprévu. Après la mort de Nell, j’avais cette fâcheuse tendance à tout contrôler. Et vivre avec Elwyn, dans un sens, me faisait retrouver ma jeunesse perdue. Je suis tombée amoureuse de son tempérament loufoque -et de ses fesses aussi- qui me faisait oublier les tracas du quotidien. Mais, il avait avancé. A force de vouloir remettre cette discussion à plus tard, je l’avais perdue. Lâche, je n’étais qu’une lâche. Je vins donc inspirer. Ne pas penser à ce que j’avais perdu. J’irai sans doute nager un peu pour évacuer cette contrariété. Être dans l’eau m’aidait à évacuer mes problèmes. Comme s’ils sortaient naturellement de moi pour aller se plonger dans la clarté limpide de l’eau. Je soupirai avant de venir me garer devant le café.
C’était une habitude que j’avais prise alors que je vivais encore avec lui. Je passai tous les matins prendre un café et tous les soirs nous prendre un truc. N’importe quoi. Je retirai mon casque avant de venir balancer mes cheveux en arrière pour les aérer. Puis, je le posai avant de mettre l’antivol et descendre. Perchée sur mes bottes de motarde, j’étais un peu plus haute. Je mis mon casque sous le bras avant de pénétrer à l’intérieur du coffee shop. Rien n’avait changé. Tout était exactement comme il y a quelques mois. Je m’approchai du comptoir pour venir commander mon café frappé avec supplément de caramel comme je le faisais toujours. Avec un sourire, je remerciai le barista, lui donnant un petit pourboire avant de me retourner. Et j’avais raison concernant le mauvais pressentiment.
Elwyn se tenait tout juste devant moi. Aussi beau qu’il y a quatre mois. De loin, je n’arrivai pas à voir s’il avait son alliance. J’avais regardé l’émission et sa femme était ravissante. Absolument ravissante. Je devais me reprendre. Il s’était écoulé combien de temps depuis que mon regard ébène avait croisé le sien ? Je redressai donc le menton. « Bonjour Elwyn, dis-je d’une voix sans une once de chaleur. » Je plissais un peu les yeux avant de venir serrer un peu plus mon café frappé. La fraicheur de ce dernier ne daignait pas me ramener sur la terre ferme. Mon cœur s’étant furieusement emballée dans ma poitrine, se décidant à danser seul un tango endiablé. Sans doute entrainerait-il mes nerfs avec lui ? Quoiqu’il en soit, le destin se voulait rieur, se jouant de nous deux ne pouvant s’empêcher de s’entremêler au gré du temps. Qu’on le veuille ou non.
Quel jour on était déjà? Elwyn n'était plus tellement en moyen de le savoir, lui qui errait de son appartement définitivement bien trop vide à a boutique où l'animation était omniprésente ces derniers temps. Il appréciait cela plus qu'il n'aurait pu l'avouer, le grand bavard, parce qu'il se sentait clairement seul dans son lieu de vie beaucoup trop grand depuis que Nea et son neveu l'avaient quitté. La séparation avait été déchirante, même si Elwyn donnait le change depuis cet instant-là, ayant toujours un sourire à proposer à qui lui adressait la parole. Il n'avait pas spécialement envie de s'étendre sur le sujet par contre, rejetant le sujet Nea dans un coin de son cerveau, avec ce mariage avorté avec Heïana. A croire qu'il était abonné aux relations vouées à l'échec, lui qui était apparemment incapable de s'exprimer correctement avec les femmes... Bon, avec Nea, certes, il avait essayé et c'était elle qui avait été peu coopérative, comme quoi il y avait pire que lui en termes d'engagement. Le résultat était néanmoins le même: il était seul, à attendre que le karma se décide enfin à lui lâcher la grappe, au moins une minute ou deux pour qu'il puisse réfléchir au sens de la vie. Point positif de toute cette histoire, Elwyn s'était mis à la lecture des grands philosophes de l'époque des Lumières alors, il ne parlait plus que par allégorie et par concept extrêmement compliqué pour les novices. Autant dire que Jessalyn avait été pressée de le voir partir prendre son café habituel du midi parce qu'elle en avait ras la casquette de délirer avec lui sur Voltaire ou Montesquieu. Il entra en sifflotant, adressant la parole à tous les convives plus ou moins et en appelant par leur prénom le moindre employé. On le connaissait bien dans la région parce qu'il avait commencé à venir quand Nea habitait encore avec lui et qu'ils avaient mis en route un petit rituel. Est-ce qu'elle lui manquait? Le quarantenaire préférait bloquer le moindre flot de pensées la concernant, autant dire que c'était plus difficile quand il se retrouva nez à nez avec elle au moment de se détourner son café à la main. Au bout du compte, ladite boisson finit en catastrophe sur le vêtement de la brune et Elwyn lui fit un sourire crispé en guise d'excuse du pauvre. "Oupsy? Nea, tu vas bien? Je t'avais pas vu arriver... Un peu comme je t'ai pas vu partir, tu me diras." La dernière phrase lui avait échappé et il en était catastrophé, raison pour laquelle il ne partit pas sur moult digressions, étonnant venant d'un Cadburry en forme. Là, il ne le sentait plus très bien ainsi, pas quand elle était de retour et qu'il ne savait pas franchement où se mettre.
Mal d'amour. On n'en guérit pas si facilement. Et il n'existe pas de médicaments. Ni de remèdes. On ne sait pas quand ça passe. On ne sait pas non plus combien ça fait mal. Seul le temps fait du bien. Beaucoup de temps. Parce que, plus un amour a été beau, plus la souffrance de la fin sera longue. Comme en mathématiques ; valeurs directement proportionnelles. Mathématiques sentimentales. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Elwyn & Nea ☆
Tout perdre. Je ne pensais pas éprouver une douleur aussi forte avec Elwyn. Je ne pensais pas qu’il pourrait me faire aussi mal. Certes, une petite voix me chuchotait que tout était de ma faute, que j’aurai dû mettre des mots sur ce que je ressentais pour lui à l’époque. A l’époque. On dirait presque je parlais en années alors que seulement quelques mois s’étaient écoulées. 4 mois pour être précise. Exactement 122 jours. 122 jours sans sentir son parfum. 2928 heures sans voir son sourire. 4216320 minutes sans avoir une de ses expériences loufoques dans la cuisine. Trop de temps passé sans lui. Lorsque j’ai appris que non seulement je perdais Théo mais qu’Elwyn avait rejoint ce programme, je me suis effondrée sur le sol de ma chambre. Hébétée, mise K.O par le chagrin, je n’ai pas su comment réagir. Comme sous l’emprise d’un rêve. Non d’un cauchemar. Je me suis levée. Les larmes ne sont pas venues de suite. Mon moteur ne cessait de me dire qu’Elwyn pouvait entrer à tout instant dans la pièce et me voir aux prises de mes émotions. Je devais tout contrôler y compris ce que je ressentais. Une petite voix ne cessait de me souffler que j’avais voulu jouer et que j’avais perdu. J’avais tout perdu. Si seulement j’avais bien voulu me concentrer sur l’un d’eux. Y atteler toute mon énergie mais j’ai refusé. Repousser l’évidence. Cette évidence qui m’a frappée alors que je me trouvais dans le bain, les cheveux trempés et que je fixai le carrelage devant moi. J’aimais Elwyn. J’aimais Théo. Mais si en aimer un voulait dire abandonner, aimer le second était synonyme de vouloir le meilleur pour lui. Je ne me sentais pas la force de livrer une bataille judiciaire qui me couterait de l’argent et de l’énergie que je n’avais plus. je me suis contentée d’aller le voir, de serrer mon neveu contre moi et de voir qu’il avait tout ce qui était nécessaire à son bonheur. Je les ai longtemps insultés, je leur ai voulu mais je n’étais qu’un monstre d’égocentrisme. Je n’ai pensé qu’à moi, qu’à mon profit et pas à celui de l’enfant. Qui avait besoin d’une stabilité que je ne pourrais pas lui offrir. Que j’étais incapable de lui procurer. Pour le moment.
Je m’étais faite la promesse d’être à la hauteur du surnom dont on m’avait affublé. Je ne suis aucunement une super-héroïne. J’avais cette tendance à vouloir tirer les fils, à vouloir tout maitriser. Mais est-ce que cela faisait de moi quelqu’un qu’on pouvait admirer ? Aucunement. Mon cerveau a fini par intégrer l’idée que le châtain n’avait eu aucun sentiment pour moi. L’information a fait les gros titres au journal de mon cœur. Et j’ai fait corps avec cette idée. Sans doute que s’il n’avait pas été marié, j’aurai pu me battre. Défigurer la femme charmante qui partageait sa vie mais l’alliance avait brûlé notre idylle, l’avait étouffé dans l’œuf avant même que je ne puisse saisir mon glaive pour en venir aux armes. Alors que je rentre dans quelqu’un, un liquide froid vint se poser sur ma veste de cuir. Un grondement monta dans ma gorge, précurseur de la rage qui allait déferler sur mon assaillant. Sur l’imbécile fini qui avait daigné renverser quelque chose sur mon manteau si cher. Je vins donc lever un regard furibond avant d’en rencontrer un que je ne connaissais que trop bien. Et pour cause que j’avais partagé sa vie pendant de longs mois. Alors que mes doigts en étaient venus à se serrer d’eux-mêmes, ma poigne se relâcha sans que ma mâchoire ne se détente. Mon regard se fit plus menaçant, plus foudroyant. Sans doute étais-je à la hauteur de cette réputation finalement ? Il ne méritait pas ma colère. Il ne méritait pas que la bataille se déclenche en moi. Alors je vins le saluer, cordialement, trop froide. Trop hautaine. Le reléguant au statut de connaissance. C’est que j’aimerai faire croire.
"Oupsy? Nea, tu vas bien? Je t'avais pas vu arriver... Un peu comme je t'ai pas vu partir, tu me diras." Comme si savoir comment j’allais lui importait dans le fond ? Un nouveau feulement, plus vivace que le précédent monta dans ma gorge. Elwyn ne devait que le connaître que trop bien. Ou alors sa magnifique épouse avait-elle tout gommé de mon existence ? « C’était le but. » Chaque mot était haché, tombait comme un couperet. Je vins examiner ma veste avant de pousser un soupir. « Tiens-moi ça. » je lui tendis ma boisson, sans réellement lui laisser le choix avant de venir ôter le vêtement tâché. Dévoilant mes muscles que j’avais pris soin de développer depuis quelques mois. Puis, je vins repousser ma lourde masse capillaire en arrière avant de jeter des regards furtifs autour de nous. « ce n’est ni le lieu, ni le moment pour créé une esclandre. Jette ça et suis-moi. » Clac, clac, firent mes bottines sur le carrelage du coffee shop alors que j’en passais le seuil. Je vins me poser aux côtés de ma bécane. « T’es à pied ? » Je vins croiser les bras sur ma poitrine avant de l’examiner. Il semblait en forme. Là où j’avais pris en muscles, lui n’avait pas changé. Je vins lever le regard après l’avoir laissé courir sur son corps de manière trop insistante, en venant à me pincer les lèvres trop violemment. Le soleil n’était pas si haut dans le ciel et la matinée était encore fraiche. « tu me payeras le pressing. » je vins montrer le blouson du menton sans pour autant me dérider, attendant un signe de sa part. Qu’il voulait qu’on mette cartes sur table, une fois pour toutes. Et que je puisse le laisser retourner librement à son ménage sans que cela étreigne mon cœur. Sans que cela le broie. Pour n’en laisser que des cendres.
Elwyn aurait dû abandonner ses très mauvaises habitudes depuis le temps mais la vérité restait trouble: le pauvre n'avait pas changé d'un iota en quelques mois. Il restait cet homme profondément optimiste, beaucoup trop bavard et bordélique. Nea l'avait toujours connu ainsi et une part de Cadburry s'était conforté dans l'idée qu'elle l'avait aimé ainsi... Du moins, il l'avait pensé un petit temps parce que le brun avait vite perdu toutes ses certitudes lorsqu'elle avait fait ses valises sans laisser le moindre post-it derrière elle. La brune savait pourtant qu'il adorait cet objet coloré qu'on pouvait parsemer de mille savoirs inutiles à partager. Nea ne lui avait pas fait ce cadeau à ce moment-là et elle ne lui en avait fait aucun au moment des adieux, laissant un Elwyn contrit et clairement blessé derrière elle. Il savait pourtant qu'il avait ses torts dans l'affaire parce qu'il s'était laissé entraîner dans cette histoire étrange auprès d'une production de télé réalité et il n'avait gagné qu'un coeur en miettes en échange. Cadburry n'avait su gérer les affaires de coeur de toute manière et la seule fois où une relation stable avait réellement pu naître avec cet accro des chaînes scientifiques, l'affaire avait fini en véritable catastrophe diplomatique. Il fallait avouer qu'Elwyn n'avait pas spécialement cherché à s'amouracher d'une jeune femme mariée alors qu'il entrait à peine au coeur de l'âge adulte mais c'était quelque chose qui lui était arrivé et qui avait laissé des marques tenaces sur son âme. Depuis cet échec cuisant, le brun n'avait jamais réussi à s'engager dans quoique ce soit sur la durée: même son amour des sciences avait failli à la tâche car Elwyn n'allait jamais réellement au bout d'une expérience d'envergure. La peur de l'échec l'étreignait au coeur depuis des années et sa colocation avec Nea était à conjuguer dans cette fameuse catégorie qui ne faisait que s'agrandir dans la vie du quarantenaire. Bien sûr, se retrouver face à elle à l'heure actuelle ne permettait pas de le faire voir à autrui car Elwyn se cachait fort bien derrière des phrases bateau et à rallonge, ce qu'il ne manquerait pas de mettre en oeuvre face à sa Wonder-Woman. Elle avait l'air très franchement de mauvaise humeur et Cadburry n'était même pas capable de comprendre ce qu'elle ressentait après qu'elle eut appris qu'il s'était marié avec une parfaite inconnue. Alors, la conversation allait nécessairement tourner au vinaigre sans qu'Elwyn ne fournisse de véritables efforts pour cela contrairement à d'habitude. Il rattrapa la veste de Dangar au vol, sans rien dire, étrange venant de lui, du moins jusqu'à ce qu'ils sortent du petit café. "Tu savais qu'esclandre venait du grec et du latin ecclésiastique? Tu vois, rien que ça, ça permet de conclure que je serais pas capable d'en faire un." Car il n'était pas grec et qu'il n'était pas spécialement talentueux dans sa maîtrise du latin. Nea devait savoir tout cela vu tout ce qu'Elwyn avait tendance à babiller à l'époque où ils habitaient ensemble, les deux meilleures années d'Elwyn assurément. "Oui. Je suis en pause déjeuner à la boutique et j'utilise pas le pressing. Mais eh, j'ai acheté une machine à laver multi fonctions quand t'es partie, je suis sûre qu'elle fera des miracles sur les tâches de café. A moins que tu préfères nettoyer tout ça à la brosse à dents, il paraît que ça a des vertus incroyables, j'ai lu ça dans un magazine.." Sans l'ombre d'un doute, Elwyn. Nea devait se douter qu'il allait sortir tout et n'importe quoi parce qu'il avait toujours été ainsi, peu importe le contexte et là, l'angoisse générale ne l'aidait pas à se contenir en réalité. "Je savais pas que t'étais en ville. Pourtant, je sais beaucoup de choses normalement mais Nea Dangar reste un mystère pour moi..." Est-ce qu'il lui demandait pourquoi elle était partie? Pourquoi il ne comprenait rien à ce qui leur était arrivé? Peut être, avec Elwyn, on ne savait jamais vraiment parce qu'il souriait malgré tout. Étrangement.
Mal d'amour. On n'en guérit pas si facilement. Et il n'existe pas de médicaments. Ni de remèdes. On ne sait pas quand ça passe. On ne sait pas non plus combien ça fait mal. Seul le temps fait du bien. Beaucoup de temps. Parce que, plus un amour a été beau, plus la souffrance de la fin sera longue. Comme en mathématiques ; valeurs directement proportionnelles. Mathématiques sentimentales. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Elwyn & Nea ☆
J’ai toujours eu cette tendance à bien préparer ma journée. Cela venait sans aucun doute de mon ancienne vie. Comme le dirait ma sœur, j’étais comme un chat, j’avais vécu plusieurs vies Mon mariage avec Macaire pour commencer. Une première vie morne où j’étais une femme que l’on sortait pour les grandes occasions, que l’on exhibait aux yeux de tous. Et puis Nell est morte ainsi que son mari et j’ai hérité de mon neveu. Je ne pouvais plus vivre dans cette prison dorée dans laquelle m’avait enfermé mon mari. Lui qui me trompait avec sa grognasse de secrétaire et qui pensait quand même à me sauter une fois par semaine. Des fois, je me demandai où les hommes trouvaient leur énergie sexuelle pour sauter deux juments à la fois. Mais ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Démission donnée auprès d’un cabinet que je partageai avec lui, divorce pour différents irréconciliables malgré les essais de l’homme et j’ai fui. Première cartouche grillée, première fois sans personne. ma seconde vie, j’ai emménage avec Elwyn qui était mon opposé. Vivant, bordélique, bavard, chiant mais j’ai appris à l’aimer. Même si je ne lui ai jamais dit, par peur de me retrouver dans la situation précédente, je me suis encore une fois laissée bouffer. On m’a pris le petit et Elwyn s’est cassé avec une meuf de télé-réalité. Je l’ai vu son émission -pas très sobre certes et en pleurant en plus- et je dois admettre qu’elle aurait pu trouver plus moche la dame marieuse. J’ai donc grillé ma seconde vie. Et j’ai commencé la troisième.
A vivre auprès d’un homme encore plus silencieux que le silence lui-même. Avec la natation, avec la boutique de fleurs. Me reconstruire, faire ce qu’il fallait pour éviter Elwyn. Ce qui est un échec monumental puisque je me retrouve en face de lui, à peine une botte posée dans cette ville si grande. Si j’en avais la capacité, je pense que je tabasserai le destin tant il se veut rieur. Il se fout clairement de ma gueule à venir exhiber mon… merde, mon quoi ? Mon ex-amant/colocataire comblé sous mon nez. Je ne peux que me retrouver de marbre face à lui. Après tout, j’espérai secrètement que le jeune homme ait tout oublié de mon comportement. Que je ne me montrai sèche que par nécessité. "Tu savais qu'esclandre venait du grec et du latin ecclésiastique? Tu vois, rien que ça, ça permet de conclure que je serais pas capable d'en faire un." Je vins faire volte-face pour venir le regarder. Mon visage se voulait fermé, sans émotions. En même temps, il fallait le mériter mon sourire. et pour l’instant, ce n’était pas le cas. « C’est étrange, j’ai vécu en Grèce pendant un mois et on n’a pas jugé bon de me dire cette information, ironisai-je. » Je devais me reprendre mentalement pour ne pas faire un scandale dans ce café. Mais je connaissais quelques têtes et je ne voulais pas qu’on me catalogue comme l’ex jalouse. « J’en serai capable mais je ne veux pas la faire ici, ajoutai-je les dents serrées. » Un éclat de rage passa dans mon regard alors que je sortais presque l’air.
Et de l’air, il n’y en avait pas ici. Putain, je haïssais cette ville. Je vins reprendre mes esprits près de ma moto avant de le fixer d’un air inquisiteur. Je pense que n’importe quelle personne extérieure verrait que je faisais énormément d’efforts pour ne pas venir le frapper en plein visage. Un comportement de femme normale après tout. "Oui. Je suis en pause déjeuner à la boutique et j'utilise pas le pressing. Mais eh, j'ai acheté une machine à laver multi fonctions quand t'es partie, je suis sûre qu'elle fera des miracles sur les tâches de café. A moins que tu préfères nettoyer tout ça à la brosse à dents, il paraît que ça a des vertus incroyables, j'ai lu ça dans un magazine.." Je vins rouler des yeux avant de soupirer. Sa femme ne lui avait pas appris que le cuir ne passait pas en machine ? Je vins arracher ma veste de ses mains. « Hors de question que tu colles la veste de Nell dans la machine. C’est du cuir et ça mérite le pressing. Laisse tomber, je le ferai moi-même. » Il fallait encore que je raque pour ses conneries. j’avais morflé pourtant. Bien plus que je ne voulais le montrer. Je vins serrer le poing avant de taper sur ma bécane. Je ne voulais pas m’épancher devant lui, ainsi. Toujours garder le contrôle de ses émotions. Faire attention, ne pas s’épancher. "Je savais pas que t'étais en ville. Pourtant, je sais beaucoup de choses normalement mais Nea Dangar reste un mystère pour moi..."
Je tournai la tête vivement vers lui alors que mon regard sombre rencontra le mien. « C’est parce que je n’ai pas voulu que tu le saches. A vrai dire, vu comment t’as brisé mon cœur en miettes, je ne voulais même pas te recroiser. » Il se foutait sérieusement de ma tronche avec ses reproches ? « Oh parce que tu vas m’en vouloir de m’être barrée alors que j’avais des sentiments pour toi et que t’as été m’humilier à la télé ? Tu te fous de ma gueule ? Tu veux me comprendre, achète le manuel sauf si t’es trop occupé à lire celui de ta femme. » j’avais dit ceci sans respirer alors que les larmes menaçaient de pointer leur nez. « On m’a retiré le gamin et t’as été te marier. Tu crois vraiment que j’avais envie de rester près de votre ménage alors qu’on venait de m’arracher ce qui comptait le plus pour moi. » Toi, le petit. Oui, Elwyn. « Sois pas si débile. » J’avais feulé ceci comme un chat à qui on venait d’écraser la queue. Et je m’en voulais d’être si mauvaise avec lui car il n’avait pas mérité ça mais au bout d’un moment… Boum.
Il n'allait encore strictement rien comprendre, rien de nouveau pour un Cadburry beaucoup trop énergique en règle générale. Il était censé être un scientifique hors pair, un investigateur de renom qui mettait tout son zèle dans des recherches infinies mais pourtant, les relations humaines restaient un mystère entier pour Elwyn. Il avait bien essayé de s'intégrer de ci de là, dans des groupes voire simplement dans des conversations lors des soirées idiotes qu'il avait organisées pour passer le temps, rien n'y faisait réellement. Elwyn se retrouvait toujours à la marge de la société, éternel incompris qui passait pour un sombre idiot alors que c'était tout l'inverse, dans les faits. Jusqu'à sa rencontre avec Nea, justement. Cette femme avait su l'accepter avec ses failles, ses défauts incommensurables et sa propension gigantesque à mettre un bordel impossible partout où il passait. A croire qu'il avait des capacités hors norme en la matière car une maison ne pouvait pas rester propre très longtemps quand un Cadburry survolté passait dans le coin. Au moins, depuis qu'il habitait de nouveau tout seul, personne n'avait à s'énerver face à la tornade qu'il était... Et pourtant, les crises de nerfs de Nea lui manquaient atrocement. Il n'irait pas dire beaucoup plus que cela car, instantanément, le bip d'alerte de son cerveau rentrait en collision avec celui de son coeur et le quarantenaire essayait toujours de faire gagner sa raison plutôt que ses sentiments. Jusque là, l'affaire avait été franchement réussie mais c'était aussi un désastre monumental quand on voyait ce qu'Elwyn était en train de devenir. Un vieux con. Rien de plus que cela, car il était amené à se perdre dans cette douce solitude, l'homme n'ayant plus qu'à parler à son reflet dans le miroir pour ne pas devenir plus fou qu'il ne l'était déjà. Oui, la vision de son existence était franchement triste à mourir depuis le départ de Nea et il était toujours aussi nul dans tout ce qui était gestion des tâches ménagères, ce qui avait toujours eu le don d'irriter la brune. "Ah, parce que tu comptais vraiment sur moi pour gérer un lavage de fringues? Je croyais que tu plaisantais vu l'état de tes plus beaux vêtements qui ont tous tourné au rose bonbon et à la taille 14 ans..." Il en avait ri, elle beaucoup moins à l'époque et ils avaient dû réaliser un contrat tacite qu'Elwyn n'avait plus à s'approcher d'une machine à laver tant qu'ils habitaient ensemble. Non pas qu'il y ait énormément touché depuis que ce n'était plus le cas. C'était un capharnaüm de l'espace dans son appartement et Cadburry savait qu'il se laissait franchement aller, sans avoir la moindre envie de réagir. Est-ce que là, maintenant, il était en mesure de changer ses travers? Pas tout de suite, parce qu'il avait parlé et que Nea réagissait au quart de tour, habituel entre eux. Ils étaient en pleine rue certes mais Elwyn n'était même pas franchement surpris que la brune se mette à lui hurler dessus, c'était plus le contenu de ses paroles qui le rendaient pantois. Il avait la bouche à moitié ouverte, essayant de se secouer la cervelle une fois qu'elle eut fini, une vive émotion se lisait dans ses expressions corporelles. "Excuse moi Nea Bea mais il va falloir rembobiner une petite minute, qu'est-ce que..." Il n'arrivait même pas à formuler le moindre mot, un comble pour un volubile dans son genre. En plus, il avait utilisé le surnom légendaire dont il l'affublait, pour sûr que rien de tout cela ne jouait en sa faveur. "De quoi tu parles exactement? Non, parce que dans mes souvenirs, j'ai eu affaire à un mur quand on parlait de notre... Arrangement." Non, Elwyn, ce n'était pas un arrangement. "Tu m'as jamais parlé de rien, Nea, alors je suis peut être bête, ouais, mais je suis censé deviner ce qu'il se passe dans ton crâne? J'ai beau savoir que les amérindiens n'ont pas de barbe et plein d'autres trucs dans le genre, je suis pas omniscient!" Bien au contraire, le pauvre Cadburry ne savait jamais rien et là, il ne savait même pas quoi dire. Encore moins quoi faire. Il avait juste le coeur en lambeaux, encore et toujours.
Mal d'amour. On n'en guérit pas si facilement. Et il n'existe pas de médicaments. Ni de remèdes. On ne sait pas quand ça passe. On ne sait pas non plus combien ça fait mal. Seul le temps fait du bien. Beaucoup de temps. Parce que, plus un amour a été beau, plus la souffrance de la fin sera longue. Comme en mathématiques ; valeurs directement proportionnelles. Mathématiques sentimentales. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Elwyn & Nea ☆
Quand quelqu’un compte pour nous et que cette personne disparait… on refait le monde. Avec des si, on refait le monde. Et si je lui avais dit ce que je ressentais ? et si j’avais fait confiance à notre histoire ? Et si j’avais été moins prise par ma boutique ? Et si je lui avais accordé du temps ? On refait le monde, on retrace les contours d’une histoire et on remplit les blancs. Mais ce n’est rien de plus qu’une histoire chimérique. Je sais bien que j’ai mes tords dans cette histoire avec Elwyn. Que j’aurai dû être plus encline à une histoire. Mais ma vie était si compliquée que je ne voulais pas laisser entrer une nouvelle variable. Sauf qu’à trop regretter, on finit par tout perdre. Je me voulais rancunière, je me voulais déterminée. Maintes fois ces derniers mois, je me le suis répétée ce mantra. Tu n’as jamais compté sur un terme romantique pour lui et tu es donc devenue une ombre. Je me suis mise à faire cent choses comme lui le faisait. Sauter du haut d’un pont à l’élastique, en parachute. Et j’ai trouvé mon compte dans la natation. Je m’immergeai complètement dans l’eau pour noyer mes souvenirs. Pour les retrancher dans un coin de ma tête et ne plus y toucher. Mais comment faire quand on se trouve en face d’une variable de l’équation. On fuit ? On reste ? On prend les armes et on affronte ? Je ne savais pas.
Je me contentai de regarder Elwyn, en colère. Je bouillais carrément sous cette surface. Sous ma haute stature de femme athlétique. L’eau qui constituait mon corps était entrée en ébullition et je devais faire un effort surhumain pour ne pas le gifler. Lui remettre les idées en place. Reste dans la réalité. Toi, Elwyn qui tergiverse assez comme ça. Certes, je le trouvais fascinant par le passé mais je ne suis plus amourachée de lui. Si ? Non ? Je ne sais pas. Je me contente de grogner en reprenant mon vêtement. Vestige d’une vie passée en compagnie de ma sœur ainée. Cette sœur dont je ne parlais jamais car la douleur était encore vivace. Car je ne parvenais pas à mettre des mots sur ce que je ressentais. Handicapée sentimentale. Insensible. "Ah, parce que tu comptais vraiment sur moi pour gérer un lavage de fringues? Je croyais que tu plaisantais vu l'état de tes plus beaux vêtements qui ont tous tourné au rose bonbon et à la taille 14 ans..." Mes yeux se plissent alors que les souvenirs s’imposent à mon esprit. Un éclat de voix suivi d’un fou rire entre nous. Que cherchait-il à ramener ceci à la surface ? « Raison pour laquelle je parlais de pressing. » Ezechiel avait définitivement une influence sur moi puisque je faisais des phrases concises. J’aimais pourtant le son de ma propre voix. Rauque, suave. Je serrai les dents, fermant les yeux pendant une nanoseconde pour me recentrer. De nouveau le programme de ma journée défilait dans mon esprit et je rayai mentalement ce que je ne pourrais pas faire.
"Excuse moi Nea Bea mais il va falloir rembobiner une petite minute, qu'est-ce que..." Je pourrais faire un bond tant ce surnom que j’affectionnai me hérisse le poil. « Je t’interdis de m’appeler comme ça. Je ne suis plus ta Nea Bea, tu as tout fait pour ça, n’est-ce pas ? » J’avais dit ceci grâce à mon don du sarcasme légendaire. L’étincelle de colère grandit, s’empara de tout mon être. Je ne perdais jamais le contrôle. Jamais. Un nouveau grondement sortit de ma gorge à mesure qu’un voile rouge se jetait sur mes yeux. "De quoi tu parles exactement? Non, parce que dans mes souvenirs, j'ai eu affaire à un mur quand on parlait de notre... Arrangement." Je vins pouffer à cette remarque. Ce terme. Notre arrangement, tu parles. "Tu m'as jamais parlé de rien, Nea, alors je suis peut être bête, ouais, mais je suis censé deviner ce qu'il se passe dans ton crâne? J'ai beau savoir que les amérindiens n'ont pas de barbe et plein d'autres trucs dans le genre, je suis pas omniscient!" Ma langue claqua de manière sonore contre mon paroi supérieure de ma bouche. « Notre arrangement ? Tu veux dire le fait qu’on couchait ensembles tous les 36 du mois ? Autant appeler un chat, un chat, chéri. » J’avais jeté ce mot à son visage alors que je vins balancer mon vêtement sur ma bécane avant de lui faire face. Véritable méduse, gorgone des temps modernes. « tu me brises le cœur en m’humiliant à la télé et tu oses dire que c’était de ma faute ? Alors que je n’arrivais pas à gérer le bordel dans ma vie ? Tu te fous de ma gueule ?! » je vins passer une main dans mes cheveux, tentative de les lisser bien moindre à mesure que je tapai du pied contre le sol, frustrée. « T’as déjà de la chance que je ne te foute pas mon poing en pleine tronche. J’avais besoin de temps, merde. Du temps tu sais ce que c’est non ? J’en avais besoin et tu ne m’en as pas laissé. Tu n’as même pas daigné m’attendre. Non t’as été épousé cette femme -qui est très belle d’ailleurs- en me laissant sur le bas-côté. Même Juanita tu ne la traiterais pas aussi mal. Et tu oses me reprocher d’avoir foutu deux continents entre nous alors que c’est toi qui m’as brisé le cœur. » J’étais hors d’haleine, hors de moi. et cela faisait des mois que je n’avais pas ressenti une rage pareille. Les larmes dévalaient sur mes joues alors que je peinai à me ressaisir. Je voudrais cracher encore plus ma haine mais à la place, je vins fouiller dans mon manteau. Nouvelle manie. La cigarette. J’en collais une dans mon bec avant de venir l’allumer et de tirer une bonne taffe de nicotine. Le poison s’insinua dans mes poumons à mesure que je laissais le tranquillisant agir. « Et je croyais que ça te plaisait de te croire omniscient ? Enfin un truc que t’ignores tiens. Tu vas pas me faire croire que tu ne le savais pas. J’ouvre pas mes jambes au premier venu, pauvre crétin. » J’avais jeté ses paroles comme une vérité. La vérité qu’il ne me connaissait pas. Et que cela me blessait plus que je ne voudrais le montrer. Mais bon, je pleurai déjà donc où était le mal après tout ?
Il n'allait pas tout comprendre, c'était coutumier avec Elwyn qui ne vivait pas tellement dans le même monde que tous les autres. Le brun était l'idiot qui s'épanouissant dans un univers plein de baleines et de coccinelles, là où personne n'avait rien à lui dire, rien à lui reprocher. Un gamin, voilà ce qu'il était et comme tous les enfants, la naïveté avait une place importante dans sa misérable vie, autant dire que Cadburry ne sortirait pas indemne de cette conversation. Il aurait dû le savoir, Nea avait toujours eu cette tendance à tout compliquer parce que son cerveau n'était pas tout à fait branché comme celui des autres. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait, voilà ce qu'Elwyn aurait eu envie de lui dire mais il n'avait pas franchement le temps d'en placer une (oui, c'était étonnant vu de qui on parlait) et la brune prenait l'ascendant dans son discours. Il ne se sentait pas si fautif de son côté cela dit: certes, il s'était engagé dans une émission de télé réalité mais ce n'était pas comme si cette expérience sociologique lui avait permis d'obtenir une relation avec quelqu'un... Non, il était déjà en instance de divorce mais évidemment, Elwyn n'irait pas le narrer à Nea qui se ferait un malin plaisir à le rabaisser pour avoir osé s'engager dans une telle connerie en premier lieu. Pour lui, il n'avait même pas été question de trouver le grand amour, non, juste de mettre en place des procédés scientifiques pour comprendre le fonctionnement du cerveau humain. Pas la peine de préciser que la tournure des événements avait été plus tragique qu'autre chose puisque Heïana était partie en pleurs après avoir invité Elwyn à se poser les bonnes questions et là encore, on n'avait pas besoin de dire qu'il n'avait pas tout à fait suivi ses conseils avisés. Il dût néanmoins rester là, les bras ballants à entendre les propos durs de Nea, elle qui lui refusait tout désormais, même un surnom affectueux qui était tombé par hasard le soir où ils avaient dérapé pour la première fois. Cadburry tenta d'ouvrir la bouche mais il ne put même pas rétorquer quoi que ce fut tant Nea avait à dire, ou plutôt à hurler. Il dût attendre qu'elle reprenne sa respiration pour oser se servir de ses cordes vocales, à peine apeuré par les menaces de violence dont la grande brune venait de faire preuve. "J'ai rien fait, Nea. Absolument rien. Tu m'as rejeté mille fois quand j'essayais de te dire ce que je pensais et ressentais. T'as toujours fui face à ça et maintenant, tu vas me reprocher de t'avoir brisée le coeur? J'ai participé à une expérience sociologique, et alors? La vérité, c'est que tu savais pas ce que tu veux et tu me fais payer le prix de tes incertitudes." Il n'était franchement pas du genre à laisser échapper de telles vérités, en tout cas, pas sans édulcorer le récit d'une centaine de savoirs inutiles parce que cela le stressait, Elwyn, les conversations sérieuses. Combien de fois avait-il paniqué en osant demander à Nea ce qu'ils étaient? Au bout du compte, ils s'étaient tous les deux noyés, loin l'un de l'autre. "Je t'ai laissé des semaines. Je t'ai attendu un temps fou et même maintenant, je t'attends encore alors, t'as franchement pas besoin de te venger, ça sert à rien." Il savait très bien quelles étaient les conclusions de toute cette affaire, le brun s'apprêtant à lui tourner le dos car il n'avait pas spécialement envie de faire durer cet esclandre quand de l'eau était censé avoir couler sous les ponts depuis le temps. "Je suis beaucoup de choses mais je suis pas un crétin. Je ferais mieux d'y aller." Pas de piques cinglantes, pas de relances acerbes, de jeux idiots à base de poil à gratter ou de mousse à raser, c'était comme si Elwyn rendait les armes. Avant de se faire mal. Non, trop mal, ce qui semblait trop tard désormais.
Mal d'amour. On n'en guérit pas si facilement. Et il n'existe pas de médicaments. Ni de remèdes. On ne sait pas quand ça passe. On ne sait pas non plus combien ça fait mal. Seul le temps fait du bien. Beaucoup de temps. Parce que, plus un amour a été beau, plus la souffrance de la fin sera longue. Comme en mathématiques ; valeurs directement proportionnelles. Mathématiques sentimentales. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Elwyn & Nea ☆
Je ne sais pas qui avait lancé ce proverbe : mieux vaut l’enfer à une femme bafouée. Et je devais dire qu’il m’allait à merveille. Me voilà à contempler les vestiges de cette relation passée, à décider si je voulais tout reconstruire ou si je les écrasai d’un coup de botte. Certains me diront de lui laisser une nouvelle chance, de saisir mes « et si » au vol et de les mettre en application. Mais je n’y arrivais plus. Nous étions brisés de bien des manières tous les deux. Je pouvais lire l’incompréhension dans ses yeux, le vouloir de fuir une discussion d’adulte. Lui l’éternel Peter Pan qui avait su me faire rire par le passé, qui avait su rassurer le peu de logique qu’il y avait au fond de moi. Je l’avais laissé déteindre sur moi, n’osant briser ce qu’il y avait entre nous. Je ne voulais pas me laisser aller à une romance entre nous par peur de mettre une étiquette sur ce que nous étions. Ne confiant que par brides mon passé. Parlant de fiançailles et non de mariage. Ne parlant pas de mon ancienne vie. Celle que j’avais vécu avant. Et étais-je réellement en train de gâcher cette troisième cartouche ? Pour basculer vers la quatrième ? Je me contentai de cracher des mots, femme revancharde, femme hargneuse. Je n’aimais pas le rôle qu’il m’imposait. Je n’aimais pas voir qu’il prenait tout avec autant de désinvolture. Qu’il ne fasse pas attention aux signes.
"J'ai rien fait, Nea. Absolument rien. Tu m'as rejeté mille fois quand j'essayais de te dire ce que je pensais et ressentais. T'as toujours fui face à ça et maintenant, tu vas me reprocher de t'avoir brisée le coeur? J'ai participé à une expérience sociologique, et alors? La vérité, c'est que tu savais pas ce que tu veux et tu me fais payer le prix de tes incertitudes." La gifle verbale, je l’attendais. Et il faut dire qu’elle était plus violente que ce que je m’avais inventé. Je vins reculer, hébétée sous le coup porté. Tout est de ta faute, Nea. L’échec de nous deux ne repose que sur mes frêles épaules et non plus sur les notres. Elle était donc là, la parade Elwynnienne ? Celle de tout rejeter sur la faute d’autrui. « J’ai tout vu, confiai-je d’une voix blanche, et ce n’était pas une étude sociologique. Vous emmenez dans un voyage romantique avec pour but de vous faire tomber amoureux ? Tu veux faire croire ça à qui ? » Ma voix n’était plus aussi assurée que je ne l’aurai voulu alors que je vins prendre une profonde inspiration. « J’ai été mariée. Pendant dix ans. Ou presque. » Confidences pour confidences, mon cher Elwyn. Vas-tu me renvoyer ça en plein visage ? Moi qui t’avais affirmé que je n’avais été que fiancée, que j’avais honte de mon passif. De l’échec. « Un mariage n’est pas un contrat sociologique. Tu le fais par amour. Si je l’ai si mal pris, c’est parce que j’ai été mariée. Si j’ai eu peur de m’engager, c’est à cause de ça. Je ne voulais pas perdre ce que nous avions au profit d’une histoire d’amour qui aurait été un échec. » Car tu n’es qu’un enfant, Elwyn. Et on ne peut rien construire avec un enfant. Je ne veux plus revancharde. Le feu qui m’animait c’est éteint. J’essaie tant bien que mal de me relever du coup porté au préalable.
"Je t'ai laissé des semaines. Je t'ai attendu un temps fou et même maintenant, je t'attends encore alors, t'as franchement pas besoin de te venger, ça sert à rien." Mais quelle est cette argumentation flinguée ? Je le fixe en arquant un sourcil. Il est marié et il m’attend encore. « Et je t’ai pleuré. Comme quoi, elles sont belles nos incertitudes. » L’emploi de la première personne du pluriel. Je ne le laisserai pas tout me mettre sur le dos, cette fois-ci. J’y étais certes pour beaucoup dans cet échec cuisant mais il avait aussi sa part de responsabilité. « Tu ne m’as pas attendu, Elwyn. T’as été te marier. Et si tu ne comprends pas, ce n’est pas de ma faute. Je l’ai fait hein. Je me suis tenue devant quelqu’un pour lui jurer fidélité, amour et tout le bazar jusqu’à la fin de ma vie. Si ce genre de serment ne signifie pas rien pour toi, cela ne veut pas dire qu’il en va de même pour les autres. » La tolérance n’était pas notre fort visiblement. Nous essayons de faire comprendre nos points de vue de manière butée. Je peux le sentir, ce palpitant qui se déchire, le sang qui s’écoule à nouveau de la plaie. Les pleurs ruisselaient sur mes joues, rieurs alors que je perdais le contrôle de mes émotions. La douleur remonta des tréfonds de mon âme. Il avait raison, j’avais tout perdu en quelques secondes. A tout vouloir contrôler, tout m’avait échappé. Et je ne savais plus où regarder, à qui me fier. J’avais échoué de bien des manières. Auprès de Nell, auprès de Théo, auprès d’Elwyn. Serait-ce donc ça ma vie ? Serait-ce donc cette manie de tout laisser s’étioler ? Je relevai la tête avant de voir que perdue dans mes tourments, je ne l’avais pas vu partir. C’était sans doute mieux comme ça après tout. L’eau serait mon unique refuge pour la journée. La ferme, ma tanière. Et j’avais la certitude que remettre les pieds dans cette ville serait désormais mon fardeau. Lui marié, sans aucun doute heureux en ménage avec cette femme. Et moi plus seule que jamais.