Tu ne te le serais jamais permis de jouer les mamans poules avec Ellie. C'est pas ton rôle et tu n'en a pas droit surtout. Elle est grande Ellie. C'est plus une enfant et si son père l'abandonne c'est qu'il la sait capable de s'occuper d'elle même toute seule. Non ? Non sérieusement, tu as du mal à comprendre comment il ne peut pas s'inquiéter pour elle. Tu ne le comprendra jamais là dessus, et sur bien d'autres choses d'ailleurs. Bref, c'est Ellie qui est venu vers toi la première. C'est elle qui t'a laissé t'imposer un petit peu. Juste un petit peu et c'est déjà bien suffisant. Tu n'en demande pas plus. Pas encore. Peut-être jamais. C'est la raison du pourquoi que tu es ici, à Bayside. Pour vérifier qu'elle n'a pas besoin de rien. Certainement pas pour retrouver un peu de réconfort dans le bordel de la maison Epstein. Certainement pas.
« Oui ? » Tu figes pendant une fraction de seconde. C'est qui elle ? Tu la détailles sans trop te rendre compte que tu le fais sans gêne. Pourquoi personne ne t'a dit qu'elle avait déjà quelqu'un pour veiller sur elle, Ellie ? « Je peux vous aider ? » Ses paroles te font réaliser que tu es resté silencieuse à la juger un peu trop longtemps. De quoi est-ce que tu te mêles de toute façon ? De pas de tes affaires, comme d'habitude. « Je venais pour Ellie. » Ton sourire qui sonne faux se glisse pourtant si naturellement sur tes lèvres. Ton regard quitte finalement le sien pour s'aventurer dans la maison où Ellie se trouve justement là un peu plus loin. « Bonjour Ellie. Je t'ai ramené des pâtes. » La recette spécial de Mama Williams qui fait fureur avec tout le monde. Le plat que tu lui tend en faisant un pas de l'avant dans cette maison sans y avoir été invité. « Désolé. J'étais pas au courant que je devais en ramener pour deux personnes. » Ton regard qui se retourne de nouveau vers elle que tu détestes déjà sans savoir pourquoi. Ah oui, probablement parce que tu détestes tout le monde.
« C’est rien, vraiment, je mangerais les restes du brunch. » Elle est gentille, malgré l'accueil peu cordiale que tu lui accordes. Et ça l'a simplement l'effet de t'énerver encore plus. Ellie a profité de l'occasion pour s'enfuir et c'est à peine si tu t'en ai rendu compte tellement ton regard est fixé sur la brune. Elle est belle. Il en a combien des femmes comme ça dans son entourage, Jack ? Pourquoi elle est là ? Tu étais la première à t'inquiéter que Ellie soit ici toute seule. Et maintenant tu te dis qu'elle est parfaitement capable de s'occuper d'elle-même. « Moi c’est River. » River. Le prénom t'est familier. Il ne l'est pas de la bouche de Jack, mais plutôt de celle d'Ellie. Si, c'est avec elle qu'elle est allé voir son père juste après toi. Tu n'en avais pas fait un cas, avait pratiquement ignoré l'information, mais maintenant qu'elle est là devant toi, tu regrettes de ne pas avoir posé d'avantage de questions à son sujet. « Elise. » Et elle n'aura jamais entendue parler de toi. Ça aussi, c'est très frustrant. Tu pourrais sans doute ajouter "la femme de Saül" et elle saura immédiatement qui tu es. Parce que Saül est un gros morceau dans la vie de Jack, et l'inverse est aussi vrai. Elle l'était plutôt. Maintenant ? C'est probablement la fin de leur amitié. Qui sait, peut-être que le temps finira par arranger les choses.
« Vous voulez du thé ? Ou plutôt un café ? » « Un thé. » Tu la suis, jusque dans la cuisine. Son naturel est agaçant, comme tout ce qu'elle fait d'autre. C'est que tu as presque l'impression de te trouver chez elle, alors qu'elle est plutôt une intrus dans une maison qui ne lui appartient pas. Ce serait peut-être important de le lui rappeler. Juste ferme-là, Elise. Tu n'as aucun droit ici. Pas maintenant et possiblement jamais. « C'est avec vous que Ellie est allé voir son père ? » que tu demandes en sachant déjà la réponse. Des River, il ne doit pas en avoir des tonnes. « Vous avez des nouvelles de lui ? » Tu tentes d'avoir le ton le plus neutre possible. Celui qui veut passer simplement pour la fille qui essaie de faire la conversation avec une inconnue, alors qu'au fond, tout ce que tu voudrais entendre c'est qu'elle te confirme qu'il va bien. Il appelle probablement plus souvent ici. Vu comment s'est terminé votre dernier appel, il ne te rappellera pas de sitôt. Pas avant d'être revenue du moins. C'est ce que tu veux. Ça t'empêche quand même pas d'aller chercher tes informations ailleurs.
« Pas vraiment non. Il sait que je suis là et que même sans ça Ellie sait se débrouiller, j’imagine qu’il ne doit pas avoir trop de temps non plus » « J'imagine. » Alors il t'appelle - t'appellait - toi, mais pas elle ? Okay, un point pour Jack. « Vous vous inquiétez ? Il devait vous appeler ? » Tu as l'air inquiète ? Merde. Tu dois pas. Même si tu l'es désespérément inquiète pour lui. Et ce n'est pas de elle que tu sauras comment il va. Ellie, peut-être ? Il doit bien appeler sa fille, non ? La pauvre qui jouerait le pont entre deux adultes trop stupide pour se dire les choses tout simplement. En même temps, c'est pas comme si toi, tu pouvais l'appeler. Il n'y a que lui qui le peut. Et il ne le fera pas. Tout comme se serait encore plus louche de questionner Ellie. Tu devras alors simplement attendre, comme tout le monde. « Non. Je demande. C'est tout. » Tu n'es pas du tout crédible et tu ne t'en rends absolument pas compte. Tu es trop à fleur de peau c'est temps-ci. Ça gâche ton super talent de menteuse professionnelle.
« C’est Ellie qui vous a dit qu’on était parties à Charleville ? » Qui d'autre ? Tu hoches la tête, fouilles dans la boîte de thé sans réel intérêt. Tu finis par piger au hasard avant de mettre le sachet dans ta tasse d'eau chaude. « Elle est passé chez moi la semaine dernière et elle m'a dit, oui. » Et tu ne pensais certainement pas à devoir rencontrer River la supposée amie de Jack aussi rapidement. L'époque où tu ignorais son existence t'allait très bien. « Vous vous connaissez depuis quand ? » Probablement depuis longtemps s'il ose lui confier la "garde" de sa fille. Elle est dans les parages depuis plus longtemps que toi ? Pourquoi il n'a jamais parlé d'elle ? Elle doit se demander la même chose que toi. Elle est un secret comme toi tu en es un ? Ça se pourrait. Elle aussi, elle a l'annulaire gauche qui brille. « Vous êtes marié ? » Et tu les remarquera tous les petits détails sur elle. Tous, sans exception.
« Elle passe souvent chez vous ? » « En quoi c'est un problème ? » Le sourire qui s'affiche sur ton visage est tout sauf honnête. Et c'est pas un secret pour personne. Il tombe tranquillement le masque de la politesse. Autant pour toi que pour elle. La vérité est que Ellie ne passe plus aussi souvent qu'avant à la maison. Plus depuis que Cosimo n'y vit plus. Parce qu'il était la seule raison de son passage chez toi. Vous n'aviez jamais été particulièrement proche. Vous vous entendiez quand même pas si mal et c'est tout. Votre relation n'allait pas plus loin. Tu n'avais jamais non plus chercher à ce qu'elle le soit.
« Une dizaines d'années. On s'est rencontrés à mon mariage » Une dizaine d'années donc. Elle le connaissait depuis aussi longtemps que toi, mais elle le connaissait assurément beaucoup mieux que toi qui n'avait été qu'un ombre durant les dix dernières années. Toi qui n'avait été que la femme de Saül. Elle qui avait été... qui avait été quoi exactement durant toutes ses années. Juste une amie ? Ou si c'était plus compliqué que ça ? Sans savoir pourquoi, ou peut-être est-ce simplement de la paranoïa non justifiée, tu as l'impression que c'est la deuxième option. Parce que rien n'est jamais simple. Tu as envie de lui reprocher à quel point c'est curieux qu'il n'est jamais parlé d'elle durant ses fameuses dix années, mais elle te renverrait rapidement la balle. Mieux vaut que tu te la fermes. « Et vous ? Ça fait combien d'années... de mariage ? » qu'elle demande, qu'elle ose, qu'elle pique. « 21 ans » Et si la tendance se maintient, la 22ième n'aura pas lieu d'être. Qui l'aurait cru ? Que le mot divorce oserait se faufiler entre Saül et toi. Qui aurait cru que les failles surpasseraient le reste ? Pas toi. Probablement que même lui ne l'aurait jamais cru. Jusqu'à ce que la mort vous sépare, une promesse que vous teniez dur comme fer, l'un comme l'autre, malgré les nombreuses tentatives de meurtres. Malgré tout, malgré le malheur, malgré les coups bas, divorcer n'avait jamais été une option avant aujourd'hui. Elle reste encore à ce jour la sienne et non la tienne.
« Je vais juste aller voir Ellie. Je vous ait assez dérangé comme ça » La tasse encore pleine que tu laisses sur le comptoir, trop occupé à la dévisagé pour en avaler le contenu. Et c'est quand même chiant de te dire que les chances que tu la recroises sont assez nombreuses.