Ils pensaient probablement avoir fait une affaire, ce vendredi matin, en trouvant un chauffeur prêt à les conduire directement jusqu’à Bédourie à peine la balise avait-elle retenti pour leur permettre de reprendre la route pour la seconde journée de cette demi-étape. Le conducteur de la voiture, un dénommé Ebenezer –  « Comme dans A Christmas Carol ? » – à l’air d'abord exagérément heureux de pouvoir leur rendre service (ou de rendre service tout court, d’ailleurs), s’était pourtant vite révélé ne pas être un grand bavard, mais les candidats pouvaient tout à fait s’en accommoder, installés à l’arrière tandis que Jimmy le caméraman était quant à lui monté à l’avant. Rapidement pourtant, le côté taiseux d’Ebenezer s’était avéré n’être qu’un symptôme de la fatigue qui semblait lui faire peiner à garder les yeux ouverts, et donc sur la route. Tommy voyait ses paupières papillonner dans le rétroviseur, Love sans doute elle aussi, et échangeant un regard un peu circonspect les deux jeunes gens semblaient hésiter sur la conduite à adopter, ne souhaitant pas vexer leur ticket vers Bédourie en lui reprochant sa conduite dangereuse, mais ne souhaitant pas non plus terminer dans le décor, voiture sur le toit … L’occasion pour le brun de prendre de plein fouet l’une des autres craintes que lui avait inspirée son intégration à la course : la vie avait fait que la voiture avait pour lui des airs d’engin de mort, et faire confiance en la conduite de personnes que l’on ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam n’était pas aussi facile qu’on le croyait.

Et quelles étaient les chances, au juste, pour que leur chauffeur n’ait pas assez dormi cette nuit ? Uh. « Vous connaissez Bédourie … ? » avait alors tenté le brun, espérant qu’un brin de conversation forcée le maintiendrait au moins suffisamment éveillé. « Hm, hm. » Oh, s’il pouvait au moins faire un effort. « Vous y êtes déjà allé alors ? C’est joli ? On nous a dit qu’il y avait un spa naturel. » - « Oh, je n’y suis jamais allé. » A Bédourie ou au spa ? Là non plus ils n’en sauraient visiblement rien, et voilà que le chauffeur s’était mis à bâiller, la voiture mordant une première fois la ligne blanche lorsqu’il s’était frotté les yeux, et les ongles de Tommy s’enfonçant momentanément dans la banquette du véhicule. « C’est vraiment joli, ce paysage … » Il n’avait pas beaucoup de conversation Tommy, c’était beaucoup lui en demander d’en alimenter une aussi artificiellement, et il avait presque cru deviner le sourcil arqué de Love lorsqu’il avait ajouté « … je n’avais jamais vu autant de … sable. » Et Jimmy de tourner la tête pour lui lancer un regard en coin, luttant visiblement pour que son ricanement ne paraisse pas … Mais il rirait moins, le bonhomme, si la voiture terminait dans le fossé, ou enroulée autour d’un poteau électrique comme une crêpe retombée sur le manche de la poêle. Love, file-moi un coup de main veux-tu, que disait maintenant le regard de Tommy tandis qu’il revenait à elle.

@LOVE BRYCE & @MAY GLITTERS

Cette aventure réservait bien des surprises et celle de trouver une voiture très rapidement en était une. J'avais encore du mal à croire que cet homme avait accepté de nous prendre pile au moment où nous avions levés le pouce en l'air. J'avais pris place à l'arrière et bien vite un blanc s'était installé entre nous. Je me demandais bien si, s'était parce que l'homme ne savait pas quoi nous dire ou si, s'était autre chose. J'étais loin de me douter que j'allais rapidement comprendre qu'il manquait tout simplement de sommeil. J'avais parfois l'impression que le destin jouait encore avec nous et surtout avec nos nerfs. Il avait combien de chance qu'on tombe sur cet homme qui avait cruellement besoin de sommeil ? J'en étais même arrivé à me demander si, il serait convenable de lui proposer de conduire à sa place et je me demandais même-ci nous avions le droit en tant que candidat. Je gardais néanmoins ma question pour moi-même, de toute façon ce n'était clairement pas Bob qui allait m'éclairer sur la question. Le pauvre était à nouveau mué jusqu'à la fin de la journée.

Je posais mon regard sur Tommy qui semblait avoir rapidement compris que notre chauffeur allait bientôt piqué du nez. Il semblait vouloir entretenir une certaine conversation, mais de toute évidence il fit un flop total. Notre chauffeur ne décocha pas un seul réel mot, plutôt occupé à vouloir s'endormir en paix. Sauf que pour le coup, nous ne l'étions pas du tout. Mon co-équipier aborda alors le sujet du paysage et j'avais beau regardé autour de nous, il n'y avait que du sable à perte de vu. Je me mettais alors à sourire discrètement bien qu'il s'envola rapidement en remarquant que la roue avait mordu sur le bas côté. Cette fois, il fallait faire quelque chose et vite. Je regardais alors l'auto-radio et je me penchais doucement "ça vous ennuies pas ?!" Je pressais le bouton power et une musique retentit. "Oh ! J'adore cette chanson !" Je commençais à danser doucement sur mon siège avant de taper dans les mains et de chanter le refrain

"Hope
Hope
Hope
That wasn't love, that wasn't love, that was just hope
Always another bender, I lose control
I thought I'd get it back when
You came back home to me, darling"

Je continuais de taper dans les mains essayant d'offrir du rythme pour que l'homme reste éveillé, mais bien vite il coupa l'auto-radio et je me retrouvais un peu désarçonnée. Je regardais alors Tommy haussant doucement les épaules, ne sachant pas trop ce qu'on pouvait faire d'autre.

Rien à faire, non seulement leur chauffeur ne semblait pas se rendre compte que sa conduite était problématique, mais toutes les maigres tentatives de Tommy pour essayer d’engager la conversation et de le tenir éveillé restaient sans effet sur ses paupières qui papillonnaient. Au regard qu’il lui avait lancé la seconde suivante pour obtenir son aide, Love avait à son tour tenté de trouver un moyen d’occuper l’esprit de leur chauffeur, et s’était finalement penché vers le tableau de bord en questionnant « Ça ne vous ennuie pas ? » sans toutefois lui laisser véritablement le temps de répondre à la question. « Oh ! J’adore cette chanson ! » Tommy, dont la culture musicale n’était pas beaucoup plus brillante que sa culture sur un tas d’autres sujets, n’aurait pas été pas été capable de dire s’il avait déjà entendu celle-ci ou même d’en citer l’artiste, mais le morceau lui semblait suffisamment entraînant pour ne pas se transformer en berceuse, et sans se risquer à marmonner des paroles qu’il ne connaissait pas il avait tout de même commencé à balancer sa tête en rythme pour suivre Love et l’empêcher de se sentir trop seule dans son entreprise.Mais Ebenezer ne semblait pas non plus du genre à aimer rouler en musique, et plus les secondes passaient plus sa bonhommie donnait à Tommy l’impression de le transformer en ce vieux grincheux de conte de Noël dont il partageait le prénom.

Mais allez savoir, c’était peut-être sa propre fatigue qui parlait, qui donnait l’impression au brun que la situation était potentiellement dangereuse … Qui n’avait bâillé au volant ? Qui n’avait jamais mordu une ligne blanche de sa vie ? Il dramatisait sans doute, Love et lui dramatisaient tous les deux, et s’accrochant à la poignée au-dessus de sa portière le brun avait tenté de penser à autre chose dans l’espoir que cela suffise à le faire redescendre en pression. Comme … Les tartines de Vegemite. Il aimait tellement ça, la Vegemite. « Love, tu aimes la Vegemite ? » Malgré le regard circonspect qu’elle lui avait lancé, il avait poursuivi « C’est un des trucs qui m’a le plus manqué quand j’étais au Canada, cette bonne vieille pâte à tartinée bien de chez nous … C’est quand même autre chose que ce Nutella ou ce beurre de cacahuète qu’on essaye de nous vendre comme si c’était révolutionnaire. Enfin je dis que c’est ce qui m’a le plus manqué … Après ma sœur, hein. D’ailleurs elle m’en ramenait toujours un ou deux pots quand elle venait passer des vacances chez nous. C’est marrant, parce que quand on était petits, nos parents nous soutenaient que la Vegemite contenait un ingrédient secret qui rendait les enfants turbulents, et que c’était pour cette raison qu’on ne devait pas trop en manger … Enfin ça, ça a fonctionné jusqu’à ce qu’on apprenne à lire et qu’on puisse lire les ingrédients nous-même, ahah. Mais c’est tout mes parents ça, une explication moralisatrice et ennuyeuse là où les parents des autres préfèrent te dire d’en prendre un bocal quand tu pars camper – tu sais, pour mettre derrière les oreilles et repousser les ours. Enfin, heureusement ma fille aime ça presque autant que moi et préfère la Vegemite à n’importe quel autre petit déjeuner. Je profite tant que ça n’a pas encore rejoint l’immense liste de choses qu’elle ne mange plus pour préserver la planète, en bon petit soldat écolo-énervé qu’elle a l’air de vouloir devenir. Mais en même temps je ne vois pas trop ce qu’il y aurait à combattre dans la Vegemite, c’est juste de la levure et du sel, y’a rien de chimique là-dedans, pas vrai ? Sauf s’ils ont changé la composition depuis mon enfance … Oh mon dieu, tu penses que je devrais vérifier que je ne nous empoisonne pas en continuant d’en acheter ? » Et là, enfin, Tommy avait recommencé à respirer.

Dans la voiture le silence était revenu, les regards de Jimmy et Love tournés vers lui et le fixant d’un drôle d’air, tandis que Scrooge numéro deux mordait une nouvelle fois la ligne blanche. Seigneur.

@LOVE BRYCE

Le visage du conducteur que je pouvais voir dans le rétroviseur indiquait clairement qu'il était fatigué et qu'il avait besoin de faire une pause. Sauf que cette fameuse pause allait nous valoir du retard, ceci étant, je préférais aisément être en retard que morte. Bien que dans mes heures les plus sombre, je puisse choisir l'option numéro deux. Tommy avait tenté d'entretenir la conversation, mais sans succès, il fallait dire que si l'homme était comme moi, il ne valait mieux pas lui adresser la parole en période de sommeil. J'avais sentie la voiture partir sur le bas côté et j'avais sentie le pneu mordre la ligne blanche. Mon coeur avait manqué un battement et nous devions faire en sorte de le maintenir éveiller. Je tentais donc de prendre le relais, me faufilant entre les sièges et allumant la radio. J'avais aussi pris le temps de chanter essayant d'entretenir le rythme dans le véhicule, mais bien vite la radio fut coupé et le silence revint s'installer doucement entre nous. Je jetais un nouveau coup d'oeil à Tommy ne sachant pas quoi faire. Peut-être qu'on pouvait demander à l'homme de se stopper et de nous laisser descendre ? Mais est-ce que nous aurions la chance de retrouver un véhicule ?

Tommy reprit alors la parole me demandant soudainement si j'aimais la végémite. Je n'avais pas eu le temps de répondre qu'il entamait déjà un monologue sur le souvenir que lui prodiguais cette pâte à tartiner si spéciale. Je l'écoutais raconter des souvenirs d'enfance et je me demandais si, tout ceci était réel ou si c'était simplement pour entretenir un bruit ambiant afin que l'homme ne s'endort pas. Finalement, il termina par demander si, il devait vérifier que les ingrédients n'avaient pas changer pour ne pas empoisonner sa fille. Je haussais les épaules, ne sachant pas quoi répondre à tout ceci. J'avais même du mal à croire qu'il avait réussi à parler autant de temps d'un sujet aussi banal. "...Euh...Je suppose que tu devrais effectivement vérifier les ingré..." Je ne terminais pas ma phrase tandis que la voiture mordait une nouvelle fois la ligne blanche. "Je veux pas mourir !" Lançais-je alors tout en agrippant la poignet au dessus de la portière.

Et voilà qu’il avait soif, maintenant. Pas étonnant avec le monologue ridicule qu’il venait de dispenser comme si cela avait eu le moindre sens … Et il n’avait pas seulement soif. Non, maintenant il avait envie de Vegemite, et se sentait presque prêt à vendre un organe à l’arrivée de l’étape si cela lui permettait d’en dégoter un pot quelque part … Avec des crackers. Et peut-être même qu'il penserait d'abord à en vérifier les ingrédients, histoire de résoudre enfin ce mystère qu'il venait de soulever auprès de Love et auquel elle n'avait pu que répondre par un « ... Euh ... Je suppose que tu devrais effectivement vérifier les ingré ... » qu'il aurait pu qualifier de suspicieux si elle n'avait pas été coupée en plein élan par la nouvelle embardée du véhicule, cette fois-ci suffisamment appuyée pour que Tommy empoigne le repose-tête du siège devant lui par réflexe tandis que la brune se fendait d'un « Je veux pas mourir ! » plus aigu que la normale. « Mais enfin, qu'est-ce qui vous prend ! » s'était alors offusqué le conducteur, ayant visiblement retrouvé sa langue à défaut d'avoir retrouvé ses capacités de conducteur ... Dire que la semaine précédente ils s'inquiétaient d'avoir été conduits par un gamin à peine majeur - l'estomac de Tommy s'en souvenait encore. Mais mieux valait un estomac flagada qu'un accident. « Il nous prend que c'est mieux de garder les yeux ouverts quand on conduit ! » Pilant d'un seul coup, l'homme s'était tourné pour les regarder tous les deux « Vous préférez que je vous laisse ici ? Bonne chance pour trouver un autre gars comme moi ensuite ! » Comme lui, ils s'en seraient passés. Mais le conducteur n'avait pas tort, ils ne trouveraient peut-être jamais d'autre voiture pour les conduire. « Excusez-nous ... C'est juste que vous zigzaguez un peu, mon amie et moi avons eu peur. Est-ce que ... Enfin, je peux peut-être conduire, si vous êtes fatigué ? » Avait-il seulement de droit de faire cela en tant que candidat, n'était-ce pas contraire au règlement ? Un coup d'oeil à Jimmy lui avait fait dire que si, c'était totalement contraire, et Ebenezer avait finalement rappuyé sur l'accélérateur en pestant « Mais enfin laissez moi VOUS AIDER ! » comme si conduire cette voiture et les amener à Bédourie était maintenant une question de vie ou de mort pour lui. Quelque chose ne tournait pas rond chez cet homme, et du coin de l'oeil Tommy s'était même surpris à vérifier si les portières étaient verrouillées ou non. Elles l'étaient. « D'accord, je ... vous nous aidez, oui. C'est très bien. Merci beaucoup. » Déglutissant, le brun s'était appuyé contre le dossier de la banquette arrière comme pour faire preuve que lui et Love comptaient se tenir tranquille. Et maintenant, fallait-il simplement attendre que l'homme pique du nez à nouveau ?

@LOVE BRYCE

Sur cette deuxième embardé, j'avais vraiment eu peur et j'avais crié sans réfléchir. Je ne comptais pas mourir aujourd'hui, je voulais être maître du moment où cette tragédie allait arriver. Il était en plus, hors de question que je meurs perdu au milieu de tout ce sable. L'homme semblait avoir mal prit mon crie, au moins l'avantage était qu'il était à présent entièrement réveillé, mais pour combien de temps ? J'entendais alors Tommy lui expliquer qu'il valait mieux garder les yeux ouvert lorsqu'on conduisait. Je n'étais pas sur que cette réplique soit très bien accepté par notre bon samaritain, qui ne semblait pas se rendre compte du danger. J'avais juste eu le temps de poser ma main sur l'appuie tête alors que le conducteur avait donné un violent coup de frein. Je redressais la tête jetant un rapide coup d'oeil à Jimmy qui ne semblait pas rassuré non plus. « Vous préférez que je vous laisse ici ? Bonne chance pour trouver un autre gars comme moi ensuite ! » Je déglutissais difficilement ayant peur qu'il nous mettes dehors et nous laisse sur le carreau. Si il le faisait, on pouvait dire au revoir à nos chances d'arriver à temps. Tommy était conscient de ça et je l'entendais s'excuser. « Excusez-nous ... C'est juste que vous zigzaguez un peu, mon amie et moi avons eu peur. Est-ce que ... Enfin, je peux peut-être conduire, si vous êtes fatigué ? » Je n'étais pas sur que ce soit pleinement autorisé par la prod' et de toute façon, il n'y avait même pas question de ça. L'homme était repartie de plus belle. Il voulait vraiment nous venir en aide en nous conduisant, ou en nous emmenant à une mort certaine.

Je soupirais légèrement essayant par la même occasion de me calmer un peu. Je pouvais sentir mes mains trembler et j'avais bien envie de prendre un anti-dépresseur, bien que ce ne soit pas tellement indiqué dans la situation actuelle. Il semblait à nouveau en état de conduire, du moins c'était l'impression que j'avais avant qu'une nouvelle fois la voiture se déplace dangereusement vers le bas côté. Cette fois, je détachais ma ceinture et je me jetais rapidement à l'avant pour pouvoir attraper le volant et le remettre sur la route. Le conducteur fut surpris et il fronça les sourcils. "...Désolé...j'ai toujours rêvé de faire ça ...tellement que cette nuit d'ailleurs, j'avais imaginé une situation similaire..." Je souriais légèrement tout en revenant à ma place. "Bon ce n'était pas tout à fait pareil parce que s'était une voiture vraiment étrange...Vous savez avec des fauteuils en nuage et le volant en friandises...D'ailleurs en y pensant, je crois que je devais être affamé pour rêver de ça...En tout les cas, y a eu un furieux coup de vent et comme la voiture était en nuage et bien on s'est mis à dérivé. Il fallait manœuvrer pour qu'elle retourne sur le droit chemin...Et heureusement qu'une horde d'oies sauvage est apparût à l'horizon, elles ont acceptées de nous aider à voler jusqu'à ce que le vent se calme." Je souriais de plus belle alors que je croisais le regard de Tommy et Jimmy qui ne semblait pas comprendre de quoi j'étais entrain de parler. L'homme quant à lui semblait déjà repartir dans les bras de Morphée.

Les motivations de l'homme à les avoir fait monter dans sa voiture devenaient de plus en plus floues, et Tommy se demandait à quel point il serait difficile de se débarrasser de lui une fois arrivés à destination. Il ne semblait pas méchant au demeurant, seulement un peu ... spécial, mais dans l'immédiat Love et lui auraient préféré qu'il soit un peu moins spécial et un peu plus concentré sur sa conduite. Du coin de l'oeil, il avait vu les mains de Love trembler et cette dernière les serrer l'une contre l'autre pour tenter de les faire cesser. Lui-même se sentait de plus en plus stressé, l'habitacle de la voiture lui donnant la sensation de les prendre au piège et de les empêcher de respirer ... Et le paysage qui ne changeait pas, du sable, des arbustes rabougris, c'était insupportable. Pas étonnant que personne ne veuille venir vivre ici, on n'avait rien de plus intéressant à y faire que d'attendre la mort.

Et en parlant de mort, voilà que la voiture virait à nouveau dangereusement de trajectoire pour cette fois-ci mordre la bande d'arrêt d'urgence. N'y tenant plus, Love s'était alors détachée sans crier gare et avant bondit vers la banquette avant pour se saisir du volant et remettre elle-même la voiture sur sa trajectoire, obtenant un couinement outré de leur conducteur qui n'avait pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait « Désolé ... j'ai toujours rêvé de faire ça ... tellement que cette nuit d'ailleurs, j'avais imaginé une situation similaire ... » Et dans son rêve, est-ce qu'ils finissaient dans le décor ou avaient-ils encore un mince espoir de ne pas rentrer chez eux dans un sac en plastique ? Mais non, il n'était question que de nuages et d'oies sauvages, un rêve que Tommy aurait presque pu trouver attendrissant s'ils n'avaient pas été en si mauvaise posture. « Attention ! » Trop tard.

N'ayant cette fois-ci pas eu le temps de réagir, Love et Tommy n'avaient pu que constater l'inévitabilité de l'accident. Superman aurait survolé l'horizon à ce moment-là qu'il aurait assisté depuis les nuages précédemment évoqués par Love à la sortie de route la plus ridicule - mais jolie - qu'il lu aurait été donnée de voir. Dérapant dans la poussière une fois, puis deux, le véhicule s'était entouré d'un épais nuage dans lequel les rayons du soleil se reflétaient joliment. Joliment comme l'arrondi des traînées de pneus laissé par la voiture tandis qu'elle effectuait un demi-tour involontaire, l'action semblant s'être déroulée au ralenti quand pourtant elle n'avait duré qu'un quart de seconde. Quelques instants plus tard, une, puis deux, puis trois silhouettes s'étaient extirpées du véhicule en tremblant, l'un deux s'appuyant à la portière comme si es jambes peinaient à le porter. « Love ? Tu vas bien ? Jimmy ? » Seul Ebenezer n'était pas sorti du véhicule, et si par acquis de conscience le brun était allé jusqu'à sa portière pour s’enquérir de son état il avait bien vite relevé la tête pour lancer aux deux autres « Non mais je rêve ! Il dort, ce con ! » et avant lancé un coup de pied rageur dans la portière, ne provoquant chez le conducteur qu'un vague ronflement.

@LOVE BRYCE

Ni tenant plus, j'avais attrapé le volant pour nous éviter une fois encore de finir dans le décor. Certes, j'avais frustré notre conducteur, mais au moins nous étions encore en vie. C'était à mon sens le plus important. Pour m'excuser je lui expliqué rapidement que j'avais toujours rêvé de faire ça et j'avais pris le temps de lui raconter mon rêve, stratégie mise en place pour avoir la chance de le tenir éveillé une fois encore. Seulement, il semblait que mes histoires de nuage, de friandises n'est pour effet que de le faire rejoindre les bras de Morphée. « Attention ! » Mon corps se contracta à la simple évocation d'un potentiel danger. Si un kangourou avait prit la décision de traversé à cet instant, je ne donnais pas cher de sa peau à moins que le bon dieu soit avec lui car, en effet la voiture exécuté une jolie vrille sur elle-même. J'avais encore du mal à croire qu'elle avait simplement dérapé sur le sable pour venir se stopper net dans sa folle danse. Nous aurions pu connaître un sort plus tragique comme s'envoyer en l'air dans plusieurs tonneau, mais la vie semblait ne pas vouloir être aussi garce avec nous aujourd'hui.

Cependant, je sortais de la voiture tremblante. Cette simple danse mécanique avait eu pour effet de me renvoyer au tragique accident qui avait coûté la vie à mon frère. « Love ? Tu vas bien ? Jimmy ? » Je faisais un léger signe de main alors que je m'éloignais doucement du véhicule, les larmes roulaient sur mes joues sans que je ne puisse les contenir. Je m'en fichais à cet instant de notre conducteur, qu'il soit mort ou vivant tout ceci n'avait pas d'importance. Je voulais simplement oublier et repartir dans ma bulle. « Non mais je rêve ! Il dort, ce con ! » Je me laissais tomber au sol venant caler ma tête entre mes jambes. Je n'avais pas la force de me relever pour retourner chercher mon sac à dos et prendre un anti-dépresseur. Tout mon être était entrain de trembler et cette fois je pleurais réellement. J'avais eu la peur de ma vie et il était hors de question que je remonte avec ce type ou n'importe qui d'autre pour le moment.

Si Tommy s'était souvent demandé si l'on voyait vraiment sa vie défiler devant ses yeux lorsque l'on passait à deux doigts d'y rester, il avait maintenant sa réponse : il n'avait rien vu d'autre que la traînée de poussière à travers la fenêtre, rien entendu d'autre que le cri de peur de Love et Jimmy - et le sien, sans doute - et rien senti d'autre que son estomac dangereusement remonté jusqu'à sa gorge. Lorsque la voiture s'était finalement immobilisée, après un tête à queue qui leur faisait maintenant faire face à la route par laquelle il étaient arrivés jusque-là, tous étaient restés silencieux et immobiles quelques secondes, peut-être plusieurs minutes, occupés à reprendre leur esprit après ce qui n'était au demeurant qu'un accident sans gravité. Enfin, Jimmy avait été le premier à s'extirper du véhicule et à persuader les deux candidats d'en faire de même, Tommy sentant ses jambes flageoler tandis qu'il claquait sa porte et respirait une bouffée d'air frais - bien que chargé d'une poussière qui lui avait instantanément piqué la gorge. Et cet abruti qui dormait comme un loir, à se demander à quoi il avait carburé au petit déjeuner pour être ainsi assommé.

Plutôt que de s'embêter à le savoir, et ayant maintenant l'assurance que le bonhomme ne méritait pas que l'on s'inquiète de son sort, Tommy était allé rejoindre Love tombée à genoux sur le sol à quelques mètres de là. « Hey. » Elle pleurait, et toujours un peu pris au dépourvu dans ce genre de situation le brun avait posé une main sur l'une de ses épaules et utilisait l'autre pour caresser son dos dans l'espoir de la calmer. « Shht ça va aller, calme-toi. Shht ... » Près de la voiture, Jimmy était au téléphone et semblait s'entretenir avec Dieu savait qui. Le production peut-être, à moins qu'il n'ait décidé d'avoir pitié de leur chauffeur et de lui appeler au choix une dépanneuse ou une ambulance. Il n'avait probablement besoin de ni l'un ni l'autre cela dit, il n'aurait qu'à reprendre la route quand il se réveillerait, mais pour les deux candidats et le caméraman il était hors de question de remonter dans cette voiture, ou même d'attendre Ebenezer. « Viens, on va terminer à pieds ... ça va aller pour marcher ? On n'est plus très loin de Bédourie, tu pourras te poser et reprendre tes esprits là-bas, d'accord ? » Jimmy les avait rejoint, et alors que Tommy tendait une main pour aider Love à se remettre debout le caméraman en avait fait de même, en offrant à la jeune femme un sourire rassurant.

@LOVE BRYCE

Maintenant, je pouvais pleinement imaginer ce que mon frère avait du ressentir lorsque le bus avait eu son accident. Isy aurait parfaitement pu m'en parler, mais je n'avais jamais remis le souvenir sur le tapis, comme une conversation tabou qu'on s'interdit d'avoir. Sauf que l'issu de cet accident de bus avait été bien plus tragique que le notre. Je restais néanmoins bouleversé parce qu'on venait de vivre et je m'estimais chanceuse de voir que personne n'avait rien eu, sauf peut-être la voiture. Néanmoins, je n'avais pu contrôler mes larmes ni mon désarroi lorsque je m'étais laissé tombé au sol pour laisser toute ma peau s'exprimer. Je n'en avais plus rien à faire de la caméra et Jimmy pouvait bien filmer si bon lui semblait. J'avais juste envie de sortir tout ça de moi et d'arrêter de vivre dans les souvenirs douloureux. A croire que cet accident venait d'agir comme un électrochoc sur ma personne et qu'il allait me permettre d'avancer. « Hey. » Enfin pour l'heure, je pleurais comme une madeleine et j'allais surement mettre un temps fou à me calmer. « Shht ça va aller, calme-toi. Shht ... »

Je tentais de reprendre mon souffle et je me sentais tellement idiote à présent de pleurer pour si peu. « Viens, on va terminer à pieds ... ça va aller pour marcher ? On n'est plus très loin de Bédourie, tu pourras te poser et reprendre tes esprits là-bas, d'accord ? » Je m'aidais des deux garçons pour me relever et je séchais un peu mes larmes avant de récupérer mon sac à dos dans la voiture. Le conducteur était toujours endormis et j'avais la furieuse envie de lui foutre mon poing dans le nez, même-ci ça n'aurait servie à rien à part me soulager. J'enfilais mon sac à dos avant de me mettre à marcher. "Je suis désolé...Je...Ça m'a rappelé des mauvais souvenirs..." Je regardais Tommy essayant de sourire un peu pour le rassurer, mais une fois de plus je me remettais à pleurer de plus belle. "...Mon frère est mort dans un accident..." Je me stoppais avant de venir enfuir mon visage contre le torse de Tommy essayant de me calmer rapidement pour qu'on puisse reprendre la route sereinement.