Fool me once Shame on you Fool me twice Shame on me
Clyde avait une aversion pour les files d’attente qui avaient le don de s’étirer en longueur pour aucune raison valable. Alors, à chaque fois qu’il devait sortir s’acheter quelque chose à manger - il paraît que ce n’est pas très sain de se nourrir uniquement des pancakes du room service - il croisait les doigts pour ne pas tomber sur le demeuré du coin qui prendrait beaucoup trop de temps pour scanner ses deux malheureux articles. Clyde était un homme occupé, et surtout un homme impatient, qui avait horreur de perdre son temps pour des broutilles. En revanche, pour prendre le temps de faire le yeux doux à une jolie femme, c’était une autre histoire. Loin d’être un charognard de première, il savait se montrer d’une politesse et d’un raffinement sans pareils, plaçant tous ses pions sur sa gueule d’ange et son phrasé parfaitement maîtrisé qui suffisait la plupart du temps à faire tomber ses interlocuteurs de son côté. Il paraissait intéressant et intéressé lorsqu’il le voulait bien - à défaut de l’être réellement, mais il devait bien se pencher sur la vie des autres pour espérer en retirer potentiellement des informations utiles à ses affaires.
Pourtant, il se souvenait bien que la première fois où il avait abordé la brune qui lui faisait désormais face à la sortie du magasin, il l’avait approchée sans réellement attendre quoi que ce soit de sa part. Il avait simplement vu un homme un peu trop lourd la déranger, sans avoir l’air de comprendre que son comportement était déplacé, et il n’avait pu s’empêcher d’intervenir. Sans faire de grands gestes ou balancer la moindre insulte, mais il s’était finement intercalé entre la demoiselle et l’inconnu pour faire croire qu’il la rejoignait. Cela avait suffit à éloigner l’autre imbécile, et il s’était bon gré mal gré retrouvé à discuter avec la demoiselle qui n’avait pas l’air d’avoir besoin d’un sauveur mais avait accepté sans trop rechigner son aide et l’en avait poliment remercié. Après tout, il n’avait réellement pas fait cela pour tenter une approche, mais plus parce que ce genre de comportements déplacés le faisait vriller sans qu’il puisse vraiment l’expliquer - il avait beau vivre d’activités singulières essentiellement basées sur le mensonge et la manipulation, il tenait néanmoins la politesse en haute estime et n’avait jamais forcé la conversation avec quelqu’un qui ne voulait pas de lui. Si tant est que cela puisse exister, car il avait bien conscience de dégager un certain aura qui jouait en sa faveur et rendait son entourage attentif.
En revanche, il devait bien avouer qu’il n’aurait jamais pensé recroiser la demoiselle qu’il avait rencontré six mois plus tôt dans une soirée mondaine à Perth. Et si son souvenir d’elle était intact, car il était particulièrement physionomiste, il n’arrivait pas à remettre le doigt sur son prénom, et encore moins sur la ramassée de mensonges qu’il avait sûrement dû lui sortir pour ne pas trop se dévoiler et garder la conversation superficielle. Il avait tant l’habitude d’interchanger les identités et les histoires, de les entrecroiser pour mieux les brouiller, qu’il se trouvait désormais dans un cas où ses mensonges lui revenaient en pleine figure. Alors, lorsqu’elle lui avait souri pour lui montrer l’avoir également reconnu, il avait fait bonne figure et lui avait rendu son rictus surpris avant de s’approcher d’elle. Prendre les devants, c’était encore le meilleur moyen de cacher sa gêne et le fait qu’il ne savait pas encore trop comment il allait pouvoir s’en sortir sans passer pour le dernier des menteurs ou des idiots. “Ça alors ! Je ne pensais pas te recroiser ici.” Clairement pas, en effet. Et pourtant, c’était si logique - la demoiselle était mannequin, ça il s’en rappelait, et nul doute qu’elle devait pas mal voyager pour son boulot. Et au fait, rappelle moi ton nom ? “Je ne sais pas si tu te rappelles de moi ? On s’est croisés dans une soirée à Perth, il y a quelques mois.” Et si tu pouvais aussi me rappeler le prénom que je t’avais donné, ça ne serait pas de refus. A bien y réfléchir, leur rencontre fortuite était peut-être l’occasion d’élargir encore plus son réseau d’informateurs potentiels - à leur insu, évidemment.
Les courses n’étaient toujours pas quelque chose que tu aimais faire. C’était agréable quand tu vivais chez tes parents, ta mère s’occupait de toutes ces tâches inintéressantes qui étaient à tes yeux une perte de temps. En général, tu commandais tes courses sur internet et tu passais les chercher par la suite dans le Drive du magasin. C’était ce que tu avais fait aujourd’hui mais pour une raison qui t’échappait, quand tu t’étais présentée au Drive, on t’avait annoncé que tes courses n’étaient pas prêtes. Tu avais eu envie d’arracher la tête de la personne en face de toi mais tu t’étais contentée de lever les yeux au ciel et de laisser ton numéro pour qu’ils te disent quand elles seront prêtes. Tu avais ensuite garé ta voiture devant le magasin et tu t’étais plongée dans ton téléphone en profitant des quelques rayons de soleil hivernaux de Brisbane. Une dizaine de mails attendaient une réponse et quoi de mieux que de le faire maintenant ? Morgane venait de commencer son cours d’équitation, tu n’étais pas pressée par le temps de toute manière. Appuyée contre la portière de ta voiture, tu ne faisais pas attention aux personnes qui entraient et sortaient du magasin, voilà pourquoi tu sursautais quand tu entendis quelqu’un s’adresser à toi : « Ça alors ! Je ne pensais pas te recroiser ici. » Du moins tu en déduisis que c’était à toi quand tu relevais la tête et tu vis un homme te fixer avec un sourire. Il te fallut quelques secondes pour reconnaître l’homme qui s’approchait de toi. En même temps, est-ce que l’on pouvait vraiment te blâmer de ne pas avoir pensé à l’homme avec qui tu avais discuté plusieurs minutes lors d’une soirée à Perth après qu’il t’ait débarrassé d’un gros lourd. Tu étais habituée aux gros lourds, tu en rencontrais souvent grâce à ton métier. Pour certains, être mannequin signifiaient être une prostituée haut de gamme et ce n’était pas surprenant qu’ils se croient tout permis. Tu n’avais pas pour habitude de te laisser faire et tu aurais remis l’homme à sa place mais ton interlocuteur s’était interposé et même si tu n’avais pas besoin que l’on te sauve, cela ne voulait pas dire que tu n’avais pas apprécié son geste héroïque pour autant. Tu avais découvert en ton sauveur un homme charmant dont tu ne te souvenais que le prénom. Logan si ta mémoire ne te jouait pas des tours. Et puis vos chemins s’étaient séparés et tu ne l’avais plus croisé pendant la soirée. Tu te souviens d’avoir regretté ne pas l’avoir revu, tu aurais aimé jouer de tes charmes pour ne pas finir la soirée toute seule. Parce que Logan t’avait peut-être sauvée du gros lourd mais cela ne voulait pas dire qu’il était pur et chaste. Mais tu étais rentrée seule à ton hôtel et tu avais retrouvé ta vie à Brisbane le lendemain, rangeant cette rencontre dans un coin de ton esprit. Maintenant que Logan se tenait de nouveau devant toi, tu devais avouer qu’il était aussi charmant que dans tes souvenirs et qu’il n’avait pas changé ces six derniers mois. « Je ne sais pas si tu te rappelles de moi ? On s’est croisés dans une soirée à Perth, il y a quelques mois. » Un petit sourire se dessina sur tes lèvres à ces paroles. Tu rencontrais beaucoup de gens avec ton boulot mais certains laissaient une trace un peu plus marquée que d’autres. Et le sauvetage de Logan était assez mémorable pour que tu t’en souviennes très bien. Rangeant ton portable dans la poche de son jean, tu lui souris en passant une mèche derrière ton oreille. « Comment pourrais-je oublier mon sauveur de Perth ? » Lui demandas-tu un sourire en coin sur le visage. « Je ne te l’avais peut-être pas dit mais j’habite à Brisbane, c’est là que j’ai grandi donc tu avais plus de chance de me croiser ici qu’à Perth. » Et pourtant, c’était là que vous vous étiez rencontrés et c’était là que Logan habitait aux dernières nouvelles. Vu les courses qu’il tenait dans les mains, soit il était en vacances, soit il avait déménagé. « Logan c’est bien ça ? » Lui demandas-tu pour vérifier. « C’est une nouvelle affaire qui t’amène à Brisbane ? Que penses-tu de notre tribunal ? » Tu n’y avais été qu’une fois pour t’occuper de la garde de Morgane avec Abel mais si tu te souvenais bien, le jeune homme t’avait dit qu’il était avocat et qu’il avait de grandes ambitions pour son avenir. C’était le genre de profil que tu croisais bien souvent dans ce genre de soirées mondaines. Les parfaits donateurs pour les oeuvres caritatives, il était facile de flatter leur égo pour en tirer profit.
Visiblement, la jeune femme semblait avoir elle aussi fait le lien rapidement, et gardé en mémoire leur échange lors de la fameuse soirée mondaine qui s’était déroulée à Perth. “Comment pourrais-je oublier mon sauveur de Perth ?” Flatté, il rit franchement face à son sourire charmeur qu’il avait déjà noté lors de leur dernière rencontre. Après tout, elle n’était pas mannequin pour rien, et savait sans aucun doute jouer de ses charmes. En revanche, si elle pouvait avoir oublié absolument tout le reste, ce qui permettrait à Clyde de repartir à zéro dans ses explications - ou ses mensonges - cela l’arrangerait bien. “Je ne te l’avais peut-être pas dit mais j’habite à Brisbane, c’est là que j’ai grandi donc tu avais plus de chance de me croiser ici qu’à Perth.” En effet, leur discussion qui aurait durée quelques minutes à peine n’était pas allée jusque là. “En effet, je ne savais pas que tu étais d’ici” lâcha-t-il tout sourire. Et à bien y réfléchir, il s’agissait désormais à la fois d’un problème et d’une opportunité - selon la couverture qu’il lui avait donnée, et si cette dernière était encore tenable aujourd’hui. Fort heureusement pour lui, la jeune femme était suffisamment loquace pour lâcher dès maintenant des bribes d’informations sur la présentation qu’il lui avait faite. “Logan c’est bien ça ?” Au fond, c’était son prénom - donc était-ce réellement un mensonge ? Il se pourrait même que finalement, il lui ait dit qu’il était journaliste, ce qui lui faciliterait amplement la tâche et l’empêcherait de mettre les pieds là où il ne fallait pas. “C’est ça, Logan Wakefield.” Il semblerait bien que la brune n’ait retenu que son prénom, et il pouvait donc au minimum lui faire part de son - presque - réel patronyme. Une idée fugace lui traversa alors l’esprit, et il se rappela que la jeune femme répondait au doux prénom de Jess… quelque chose. A défaut d’en avoir un souvenir intact, il pouvait toujours tenter de lancer cette perche-là, espérant que le diminutif fonctionnerait. “Je ne me rappelle pas avoir saisi ton nom, Jess…” D’une pierre deux coups, il pouvait peut-être espérer grapiller davantage d’informations sur la demoiselle, ce qui lui permettrait toujours de mener une recherche rapide sur sa vie et estimer si elle pouvait lui servir de contact intéressant. Quoi qu’il en soit, elle n’était pas désagréable à regarder - au contraire - et plutôt sympathique dans ses souvenirs, ce qui ne gâchait rien à cette nouvelle rencontre, fut-elle synonyme de mensonges oubliés. “C’est une nouvelle affaire qui t’amène à Brisbane ? Que penses-tu de notre tribunal ?” S’il avait pu écarquiller les yeux devant cette question, il l’aurait fait, mais il avait appris depuis bien longtemps à contenir sa surprise et toutes les autres émotions pouvant trahir le fait qu’il était déstabilisé. Et pourtant, il l’était, bien en mal de remettre sur le doigt sur ce qu’il lui avait dit exactement, même en essayant de chercher dans les recoins de sa mémoire. A partir de là, il n’avait plus tant d’options - il lui restait soit à surfer sur la vague et tenter de maintenir les apparences en espérant qu’elle ne creuse pas plus loin, soit bluffer en lui révélant la vérité et espérer lui faire croire qu’elle devait le confondre avec quelqu’un d’autre. Contre toute attente, il préféra continuer à maintenir l’illusion - qui n’était finalement pas si totale, car en tant que journaliste d’investigation, cela lui arrivait souvent de se rendre dans les tribunaux pour assister à certaines audiences ou espérer croiser certaines personnalités. “Une nouvelle affaire qui risque de mener à plusieurs affaires, même. Rien n’est encore sûr mais je pense m’installer ici.” Rester flou tout en répondant partiellement à la question initiale était la clé pour éviter de trop s’avancer et foirer. En fin de compte, il était tout à fait honnête, en théorie - il était ici pour Raelyn, mais espérait flairer la piste d’autres coups intéressants, ce qui était en train de l’inciter à se poser la question d’une installation définitive dans le coin. “Peut-être même acheter, si jamais tu as des quartiers à me conseiller. Je connais peu la ville.” La question était bien réelle cette fois, car il n’avait pas encore eu le temps de faire le tour des tous les quartiers de la ville, et encore moins de se renseigner sur l’immobilier. Il n’allait pas lui demander directement où elle habitait - ce qui risquait de paraître quelque peu intrusif, même si le sourire en coin de la demoiselle lui disait qu’elle ne le trouvait pas sa présence si dérangeante que ça. “Tu m'avait dit que tu étais mannequin, il me semble ? Tu bouges beaucoup pour le boulot ?” Il lui sourit, saisissant l’occasion de s’attarder sur des faits dont il était certain, pour espérer détourner l’attention de tous ses potentiels mensonges sur lesquels il avait de sérieux doutes. “J’imagine que les types du genre de la dernière fois ne sont malheureusement pas rares dans le milieu.” Histoire de lui préciser - je ne suis pas comme ça, je te rassure. S’il espérait pouvoir la revoir, il lui fallait mettre toutes les chances de son côté pour qu’elle l’apprécie à la hauteur de son intérêt à lui.
Le métier de mannequin ne consistait pas seulement à se faire prendre en photo. Certes, c’était le coeur du métier mais il y avait un aspect tout aussi important de ce métier qui était la construction d’un réseau et la communication. Tu avais rapidement compris que ta présence régulière à des évènements était nécessaire et pas seulement encouragée. Quand tu as commencé ta carrière, cela était excitant et tu t’y rendais avec enthousiasme. Aujourd’hui, tu commençais à trouver que ces soirées se ressemblaient et l’excitation des débuts avait disparue. Ces soirées favorisaient les nouvelles rencontres et c’était dans l’une d’elle que tu avais rencontré Logan. Tu lui avais donné comme surnom ‘Le sauveur de Perth’ car il t’était venu en aide ce soir-là et c’étai sans doute ce qui te permettait de te souvenir de cet homme avec qui tu n’avais discuté que quelques minutes. Ça, son physique plus qu’avantageux et son air charmeur. « En effet, je ne savais pas que tu étais d’ici » Cela ne t’étonnait pas vraiment que tu n’aies pas mentionné venir de Brisbane lors de votre rencontre. Tu ne racontais pas ta vie à un inconnu, il n’avait pas besoin de savoir d’où tu venais à l’époque. Comme tu n’avais pas dû lui mentionner ton rôle de maman. Tu évitais de parler de ta fille dans ces soirées et avec les personnes présentes, c’était une manière de te protéger comme de la protéger elle. Son prénom te revint à l’esprit et tu lui en demandais une confirmation. Il semblait que ta mémoire ne te joue pas de tours : « C’est ça, Logan Wakefield. Je ne me rappelle pas avoir saisi ton nom, Jess… » Un petit sourire amusé se dessine sur ton visage. Ce n’est pas la première fois que l’on essaie de te faire dire ce qu’on a oublié. Logan se souvient de ton surnom qui est presque devenu ton nom avec les années, c’est déjà pas mal à tes yeux. « Jessian Reed mais tout le monde m’appelle Jess. » Vraiment tout le monde pour le coup. A part tes parents qui considéraient qu’ils ne t’avaient pas donné ce prénom pour que personne ne l’utilise. Toi tu préférais Jess alors tu invitais les gens à utiliser ce diminutif. Tu étais surprise de croiser Logan à Brisbane et tu ne le cachais pas. Encore plus en le croisant en train de faire des courses ce qui signifiait qu’il était au moins en ville pour plusieurs jours. Tu ne connaissais pas bien la manière dont fonctionnait la vie d’un avocat mais s’il était ici c’était qu’il devait avoir une affaire en cours, ce qu’il te confirma : « Une nouvelle affaire qui risque de mener à plusieurs affaires, même. Rien n’est encore sûr mais je pense m’installer ici. Peut-être même acheter, si jamais tu as des quartiers à me conseiller. Je connais peu la ville. » Tu levais un sourcil intriguée. Tu ne manquais pas de notre qu’il n’avait fait que répondre partiellement à tes questions mais tu décidais de ne pas relever. Il voulait s’installer à Brisbane ? C’était une ville magnifique c’est sûr mais cela allait être un sacré changement ! Perth étant à l’autre bout du pays, ce n’était pas surprenant qu’il ne connaisse pas bien Brisbane à moins qu’il voyage régulièrement. Tu aurais aimé le questionner un peu plus sur les affaires qu’il avait en ville mais il ne pouvait certainement pas t’en parler. « Ton cabinet a une filiale à Brisbane ? Ça doit être de sacrés affaires pour venir s’installer à l’autre bout du pays. » Fis-tu remarquer. Tu doutais que si son cabinet d’avocats était uniquement à Perth, il ait des affaires à Brisbane pour une longue durée. « J’habite à Bayside, c’est un quartier magnifique et je ne me vois pas habiter ailleurs. Mais ce n’est peut-être pas l’ambiance de quartier que tu cherches. » Parce que Bayside était un quartier très familial même si certains endroits étaient plus animés. Si Logan voulait une vie plus animée, il fallait se diriger vers le centre ville. « Je suppose que tout dépend de ton budget aussi. » Vu son métier, il ne devait pas avoir de problème d’argent mais c’était quelque chose à prendre en compte également. Tu n’étais pas agent immobilière mais il y en avait de très performantes à Brisbane et tu n’hésiterais pas à y diriger Logan. Ce dernier changea d’ailleurs un peu de sujet en te posant des questions sur ton métier à toi : « Tu m'avait dit que tu étais mannequin, il me semble ? Tu bouges beaucoup pour le boulot ? » C’était une question que l’on te posait régulièrement. Brisbane était une grande ville mais ce n’était pas non plus la ville la plus prolifique quand on est mannequin. Haussant les épaules, tu répondis à Logan : « Ça dépend. En ce moment je décroche des contrats locaux mais je voyage au moins une fois par mois ailleurs en Australie et j’essaie d’avoir un contrat à l’étranger tous les deux-trois mois. Tu voyages beaucoup pour tes affaires ? » Tu aurais pu en avoir beaucoup plus et ne passer à Brisbane qu’en coup de vent mais ta fille devait être ta priorité et du moment que l’on te prenait en photo, tu avais accepté que ce n’était pas grave que cela se passe à Brisbane ou à Londres. « J’imagine que les types du genre de la dernière fois ne sont malheureusement pas rares dans le milieu. » Un sourire amusé se dessine sur tes lèvres. Cela fait plus de dix ans désormais que tu exerces ce métier et tu as appris qu’être le fantasme de certains hommes n’est pas toujours une bonne chose. Certains se permettent des choses déplacées parce que dans leur esprit, tu es une poupée sans cervelle et rien d’autre. « Je pose pour des publicités de maillots de bain et de sous-vêtements. Certains hommes pensent que cela leur donne le droit de se comporter comme des porcs. C’est triste mais j’y suis habituée. Cela ne me dérange pas que l’on regarde mais toucher c’est une autre histoire. » Dis-tu un petit sourire en coin sur les lèvres. Les regards appuyés des hommes sur ton corps ne te dérangeaient plus depuis longtemps. Ton corps était sur des panneaux publicitaires, sur internet et dans des magazines en petite tenue, tu n’avais plus grand chose à cacher. Mais tu savais te défendre quand il le fallait, tu n’avais pas eu d‘autres choix que d’apprendre. « Grâce à toi j’ai eu droit à une soirée tranquille à Perth, merci encore. » Te retrouvas-tu à lui dire. Oh tu aurais remis l’homme à sa place toute seule mais tu ne disais jamais non à un peu d’aide.
Difficile de dire si le sourire de la demoiselle faisait écho à celui de Clyde, ou si cette dernière avait bien compris qu’il n’était plus tout à fait certain de son identité. Cependant, cela ne semblait pas la déranger, puisqu’elle ne se fit pas prier pour lui rafraîchir la mémoire. “Jessian Reed mais tout le monde m’appelle Jess.” Le brun hocha la tête tout en lui décochant un sourire en coin destiné à lui faire savoir qu’il était ravi d’en apprendre un peu plus sur elle, et qu’il ne serait pas contre la connaître davantage. Pourtant, l’heure n’était pas aux messages subliminaux et aux tentatives de séduction, puisqu’il devait déjà tenter de se sortir des mensonges dans lesquels il s’était plongé lui-même. Il n’aurait jamais imaginé recroiser la jeune femme et ne savait même pas si elle lui mentionné Brisbane ou s’il l’avait oublié, mais toujours était-il qu’il n’avait désormais d’autre choix que de maintenir l’illusion sans creuser davantage le fossé entre mensonges et réalité. “Ton cabinet a une filiale à Brisbane ? Ça doit être de sacrés affaires pour venir s’installer à l’autre bout du pays.” Clyde aurait préféré qu’elle ne soit pas aussi curieuse, mais il pouvait difficilement lui en avoir car il ne s’agissait que de questions classiques, et il voyait bien dans son regard qu’elle ne cherchait pas à l’embarrasser. Au contraire, elle s’intéressait à lui, et cela, il pouvait s’en accommoder. “En réalité j’ai tout quitté pour repartir de zéro ici. J’avais besoin de changement.” Cette justification qui paraissait personnelle devrait suffire à éviter davantage de questionnements sur son boulot, du moins il l’espérait. S’il avait l’occasion de recroiser la jeune femme, il devrait sans doute penser à étoffer davantage son histoire ou à trouver un moyen de la ramener vers la vérité, mais ces mensonges flous convenaient pour l’instant.
Il en profita alors pour changer de sujet, réellement intéressé par ce qu’une personne ayant un minimum de moyens pouvait penser de l’immobilier à Bayside, et des meilleurs quartiers où se loger. “J’habite à Bayside, c’est un quartier magnifique et je ne me vois pas habiter ailleurs. Mais ce n’est peut-être pas l’ambiance de quartier que tu cherches.” Il connaissait peu Brisbane, mais de ce qu’il en savait, Bayside était éloigné du centre-ville et plutôt tourné vers la côte - comme son nom l’indiquait sans trop de surprise. Il commençait à se mettre au surf et aurait rêvé d’une maison donnant sur l’océan, mais il savait bien que pour la facilité de réalisation de toutes ses activités - légales et moins légales - il serait mieux placé dans un quartier adjacent au centre-ville. Le choix était difficile car il voulait à la fois être proche du centre-ville, mais ne pas se retrouver dans un quartier trop bruyant et trop fréquenté pour autant - si tant est qu’un tel quartier puisse réellement exister dans une ville comme Brisbane. Et tout cela sans mentionner le fait qu’il devrait ensuite présenter son idée à Halsey, ce qui risquait d’être la partie la plus complexe de cette entreprise. “Je suppose que tout dépend de ton budget aussi.” Evidemment, et la jeune femme n’était sans doute pas sans savoir qu’un avocat était supposé avoir un certain budget, ce qu’il omis donc de confirmer, lui offrant un sourire et signe de tête destiné à lui faire comprendre qu’il avait bien pris en compte toutes ces informations. Clyde avait de l’argent, qu’il n’avait en revanche pas obtenu par les circuits classiques, mais il n’avait pas besoin de le préciser. “Je crois qu'il va bien falloir que je prenne le temps de faire un tour des agences immobilières” qu’il lâcha en prenant un air pincé par avance. Et cela, c’était la triste vérité, car il portait en horreur les processus administratifs qui traînaient toujours bien trop en longueur lorsqu’il s’agissait d’immobilier - à moins qu’il ne soit tombé que sur des incapables jusque là.
Le prix de l’immobilier n’était cependant pas ce vers quoi Clyde voulait pousser la jeune femme, préférant largement en apprendre davantage son métier à elle, cette fois. “Ça dépend. En ce moment je décroche des contrats locaux mais je voyage au moins une fois par mois ailleurs en Australie et j’essaie d’avoir un contrat à l’étranger tous les deux-trois mois. Tu voyages beaucoup pour tes affaires ?” Donc, nul doute qu’elle devait connaître pas mal de monde si elle arrivait à décrocher une multitude de contrats - sans parler des personnes qu’elle devait connaître sur place, pour autant que les voyages qu’elle effectue ailleurs en Australie soient réguliers. “Et avec tout ça, tu n’es allée qu’une fois à Perth ? A moins que je n’ai pas eu la chance de te recroiser.” Sur ces paroles, un sourire mutin prit place sur son visage, sans qu’il ne se permette pour autant de pousser plus loin sa tentative de charme. Il n’aimait pas particulièrement se faire jeter sans plus de cérémonie par les femmes, même celles qu’il connaissait peu, et essayait donc toujours de sonder le terrain avant de réellement se lancer. “Je voyage de temps à autre, mais moins que toi. J’ai toujours travaillé dans des villes dans lesquelles les affaires ne manquent pas.” Les affaires, les arnaques, les articles à écrire pour le boulot, tout cela se regroupait sous ces mots, non ? Néanmoins, au-delà du rythme de voyages de la jeune femme, Clyde imaginait volontiers qu’elle se faisait souvent approcher de manière peu cérémonieuse, indépendamment du lieu où elle se trouvait. “Je pose pour des publicités de maillots de bain et de sous-vêtements. Certains hommes pensent que cela leur donne le droit de se comporter comme des porcs. C’est triste mais j’y suis habituée. Cela ne me dérange pas que l’on regarde mais toucher c’est une autre histoire.” Au moins, la jeune femme ne lui faisait pas le discours de l’indignée qui n’appréciait en plus pas qu’on la regarde - alors que son métier s’y prêtait pourtant beaucoup. Il dodelina de la tête d’un air désolé, voulant bien croire que ses activités professionnelles n’étaient pour autant pas une invitation à tous types de comportements déplacés - si lui aimait les jolies femmes, il n’allait en aucun cas jusqu’à forcer la conversation, ou pire, avec quelqu’un qui le repoussait clairement. “C’est triste, en effet.” Il aurait bien voulu ajouter qu’il n’était pas comme ça, lui, mais ces mots étaient trop vus et revus pour paraître réellement honnêtes, même s’ils l’aurait été pour lui. “Grâce à toi j’ai eu droit à une soirée tranquille à Perth, merci encore.” Il lui rendit son sourire avec une moue dubitative, comme s’il ne voulait prendre tout le crédit du sauvetage. “C’était avec plaisir, même si quelque chose me dit que tu n’avais pas vraiment besoin de moi.” Il regarda au loin puis vint reposer son regard sur Jess. “Et puis les soirées tranquilles peuvent finir par être ennuyantes.” En d’autres circonstances, il lui aurait offert un clin d’œil, mais il ne la connaissait pas assez pour ça - alors il laissait toute liberté à la jeune femme de bien s’imaginer la signification qu’elle voulait à ces mots.
La vérité était que tu avais croisé Logan à une soirée à Perth plusieurs mois plus tôt pendant une dizaine de minutes tout au plus. C’était un miracle que tu te souviennes de son prénom et de sa profession tout comme cela devait être un miracle qu’il se souvienne de ton nom. Logan te paraissait être le genre d’homme qui aimait venir en aide aux demoiselles en détresse et il devait en croiser un certain nombre qui devaient être charmées par sa gueule d’ange et ses manières de gentleman. Tu l’avais été toi aussi sur le moment, c’était toujours agréable d’être le centre de l’attention de ce genre de personne. Tu lui rappelais ton nom en entier même si tu doutais qu’il le retiendrait, il n’avait aucune raison de le faire après tout. Et tu lui fis remarquer que les dossiers dont il s’occupait devaient être sacrément importants pour qu’il se déplace de l’autre côté du pays. Cela devait arriver de temps en temps mais Logan t’avait dit qu’il s’installait à Brisbane, pas qu’il était de passage. Les paroles qu’il prononça ensuite te parurent logiques, presque comme si elles étaient attendues : « En réalité j’ai tout quitté pour repartir de zéro ici. J’avais besoin de changement. » Des paroles qui voulaient tout et rien dire mais surtout pas dire grand chose. Toutefois, tu avais compris le message, Logan ne souhaitait pas continuer à discuter plus que nécessaire son changement de vie et ce qu’il allait faire à Brisbane. S’il avait voulu t’en parler, ta question aurait suffit pour le lancer sur le sujet or, il t’avait répondu vaguement sans te donner aucun détail. Et c’était son droit, après tout tu ne le connaissais pas, il ne te devait aucune explication. Ta curiosité restait réelle cependant mais tu avais appris à respecter la vie privée des autres du moment qu’ils respectaient la tienne. En temps que nouvel habitant de Brisbane, Logan cherchait à s’installait et cherchait le bon quartier pour le faire. Tu lui confiais habiter à Bayside mais ce n’était pas le quartier que tu lui recommanderais. Peut-être aimait-il la nature mais tu doutais que ce soit le lieu idéal pour habiter quand on est un avocat à peine débarqué en ville et célibataire ou en couple vu que tu ne voyais aucune alliance à sa main. Tu aimais Bayside pour des raisons personnelles et parce que désormais tu avais Morgane mais dans n’importe quelle autre ville, tu aurais refusé d’habiter dans un quartier équivalent s’il n’y avait eu que toi à prendre en compte. C’est ce que tu laissais entendre à l’homme en face de toi tout en lui disant que le choix de son quartier allait aussi dépendre de son porte-monnaie mais il ne devait pas manquer d’argent avec son travail. « Je crois qu'il va bien falloir que je prenne le temps de faire un tour des agences immobilières » Cela serait en effet beaucoup plus sage pour avoir de bonnes informations et trouver un bien qui correspond aux attentes du blondinet car il devait avoir une idée de ce qu’il cherchait même s’il ne semblait pas vraiment fixé pour l’instant. « Bon courage à toi ! Je suis certaine que la perle rare se cache quelque part à Brisbane. » Lui dis-tu avec un clin d’oeil. On pourrait croire que tu parlais d’un tout autre sujet mais tu parlais bien de logement et de celui que Logan finirait par acheter.
Logan se montra ensuite curieux d’en apprendre plus sur ton travail. Ce n’était pas vraiment un sujet sur lequel tu cherchais à cacher quoi que ce soit. Tu étais fière du parcours que tu avais eu, surtout de la remontée que tu avais pu avoir après ta grossesse et la naissance de ta fille. Une fille dont Logan ne connaissait pas l’existence d’ailleurs vu que tu ne lui en avais pas parlé. C’était sans doute mieux que les choses restent ainsi pour l’instant. C’était revigorant que de converser avec des personnes qui ne savent pas que tu es maman. Tu lui confies voyager assez régulièrement de ton côté. « Et avec tout ça, tu n’es allée qu’une fois à Perth ? A moins que je n’ai pas eu la chance de te recroiser. Je voyage de temps à autre, mais moins que toi. J’ai toujours travaillé dans des villes dans lesquelles les affaires ne manquent pas. » Tu avais été plusieurs dizaines de fois à Perth. Ville côtière où shooter des pubs de maillots de bain était facile, il ne fallait pas s’en priver. Tu y étais allée plusieurs fois au fil des années mis tu n’allais pas toujours aux soirées caritatives et peut-être que Logan n’était pas un employé assez haut placé pour y participer à l’époque. « Tu n’as pas eu la chance de m’y croiser. » Lui dis-tu avec un clin d’oeil. « Pour ta défense, je ne m’attarde pas non plus très longtemps une fois que le shooting photo est terminé. En général je rentre dès que je peux sur Brisbane. » Tu ne précisais pas pourquoi mais même si ta fille était venue modifier le cours de ta vie et que des fois, cela te pesait, tu l’avais toujours faite passer en premier. Alors même si ce serait sympa de profiter d’une soirée avec tes collègues, d’un verre après les photos sur la plage, tu ne te l’autorisais que rarement. « Je te souhaite de trouver de bonnes affaires à Brisbane alors ! » Lui dis-tu sincèrement. Tu commençais à te demander si Logan parlait réellement d’affaires liées à un cabinet d’avocat ou à autre chose. Et s’il avait décidé de changer totalement de vie ? Dans les deux cas, cela ne te regardait pas. La conversation se réorienta vers cette soirée où vous vous étiez rencontrés et sur l’évènement qui avait rendu cette rencontre nécessaire. Logan te demanda si c’était le genre de situation que tu vivais régulièrement et la réponse était oui. Tu ne tardais pas à lui expliquer pourquoi ce qui sembla le désoler. « C’est triste, en effet. » Vous ne pouviez pas y faire grand chose malheureusement, tu avais appris à vivre avec. « C’était avec plaisir, même si quelque chose me dit que tu n’avais pas vraiment besoin de moi. Et puis les soirées tranquilles peuvent finir par être ennuyantes. » Il avait raison. Tu n’avais pas besoin d’aide pour remettre à leur place les hommes trop entreprenants mais cela ne voulait pas dire que tu n’appréciais pas d’en avoir de temps en temps. Tu n’es pas non plus du genre à aimer les soirées trop tranquilles mais ton expérience t’a appris à les apprécier également car des fois, la non tranquillité est bien pire que le reste. « J’espère que tu ne t’es pas ennuyé ce soir-là de ton côté. » Lui dis-tu avec un sourire sur le visage. « Pour lutter contre l’ennui c’est toujours mieux de s’y rendre accompagné, c’est bien plus agréable. » Il t’arrivait quand tu étais à Brisbane d’amener des amis, cela faisait passer le temps plus vite mais à Perth il n’y avait personne pour t’accompagner. « Tu es venu t’installer à Brisbane avec quelqu’un ? » Ne pus-tu t’empêcher de lui demander.
S’il y avait bien une personne que Clyde ne s’attendait pas à recroiser à Brisbane, il s’agissait bien de Jessian, et pourtant la tournure de la conversation le rendait plutôt satisfait de l’opportunité qui s’affichait désormais devant lui. La jeune femme, sans être trop expansive, était plutôt loquace et ne semblait en tout cas pas dérangée par son irruption soudaine dans sa vie quotidienne, ce qui était plutôt bon signe. Pris au dépourvu, Clyde ne savait pas exactement comment se comporter face à la jeune femme, et tentait donc de rester poli et agréable au possible, sans pour autant s’avancer sur ses intentions - qui étaient encore floues, mais mériteraient d’être éclaircies si la brune se montrait plutôt ouverte. “Bon courage à toi ! Je suis certaine que la perle rare se cache quelque part à Brisbane.” Le clin d’oeil qu’elle lui adressa aurait pu être interprété de différentes manières, et Clyde se contenta d’y répondre par un remerciement chaleureux sans pour autant sauter sur l’occasion d’enchaîner sur quelque chose de plus osé. Sans doute Jessian n’était-elle que polie et sympathique, comme son job l’avait obligée à l’être en public depuis de nombreuses années, et Clyde savait bien se garder de se faire trop vite des opinions sur ce que pouvaient réellement penser ses interlocuteurs. Surtout les femmes, particulièrement les femmes. Cependant, le brun aimait mettre des certitudes sur ses doutes, et il se saisit de la question des voyages pour glisser le fait qu’il ne l’avait étonnamment - et malheureusement - croisée qu’une fois à Perth. “Tu n’as pas eu la chance de m’y croiser. Pour ta défense, je ne m’attarde pas non plus très longtemps une fois que le shooting photo est terminé. En général je rentre dès que je peux sur Brisbane.” Si le doute concernant les intentions de la jeune femme restait persistent, les signes qu’elle n’était pas insensible au charme du brun se faisaient de plus en plus perceptible, ce qui ne pouvait que le satisfaire intérieurement. A tout avouer, il avait connu des femmes moins jolies, et surtout bien moins intéressantes, et la perspective d’avoir cette fois la chance de recroiser Jessian à Brisbane ne pouvait que l’enchanter. Encore plus en imaginant qu’elle devait côtoyer du beau monde et avoir de sacrées histoires à raconter, ce qui ne serait que du bonus pour les oreilles avisées de Clyde. “J’aurai plus de chances de te recroiser par ici, alors” lâcha-t-il à son tour avec un clin d’oeil qui voulait tout et rien dire, mais surtout laisser flotter l’idée qu’il ne forçait en rien la discussion à aller plus loin, même s’il laissait clairement la porte entrouverte.
Même si la discussion finit inévitablement par dévier sur le soir de leur rencontre, et le sauvetage quelque peu inutile - mais finalement fructueux - de Clyde, le brun ne se fit pas prier pour distiller à nouveau l’idée que sa soirée n’avait été rendue que meilleure après avoir croisé la jeune femme. Quand bien même ils n’avaient échangé que quelques phrases, peut-être que ces dernières seraient le départ d’une nouvelle rencontre, choisie et voulue cette fois, car il faisait meilleur d’être accompagné - du point de vue du brun, du moins. “J’espère que tu ne t’es pas ennuyé ce soir-là de ton côté.” Avait-il besoin de lui préciser qu’aussi loin qu’il s’en souvienne, il n’était pas rentré seul chez lui ? A bien y réfléchir, l’information serait peut-être contreproductive. “Pas du tout” répondit-il avec un sourire poli à la question que ne lui laissait pas vraiment d’autre solution que l’amabilité. “Pour lutter contre l’ennui c’est toujours mieux de s’y rendre accompagné, c’est bien plus agréable.” Voilà qu’ils s’entendaient sur un point, et le sourire de Clyde s’étira à ces mots, même s’il n’était toujours pas certain que la jeune femme ait les mêmes idées en tête que celles qui traversaient son esprit à cet instant-là. “Tu es venu t’installer à Brisbane avec quelqu’un ?” Cette question, aussi directe qu’imprévue, eut le mérite de surprendre Clyde qui se redressa et passa la main dans ses cheveux pour détourner l’attention de ses sourcils légèrement arqués par la surprise. L’interrogation était bien trop claire pour vouloir signifier quelque chose, mais quand bien même, il ne pouvait qu’y voir là un nouveau signe que son charme n’était peut-être pas sans effet sur la brune. Ce n’était donc pas non plus le moment de lui préciser qu’il s’était installé à Brisbane pour suivre celle qui était tout à la fois son associée, son amante et son amie - histoire bien trop compliquée et surtout trop illégale pour être partagée. Aux dernières nouvelles, Halsey et lui ne se devaient rien, et ce n’était donc qu’un léger mensonge d’omettre sa présence dans sa vie. “Non, j'ai vraiment déménagé pour le boulot. Mais j’ai de la famille éloignée dans le coin.” De la famille, il en avait - du moins, si son père était encore en vie, et éloignée, elle l’était très certainement puisqu’il ne l’avait jamais vu. Une fois de plus, il ne s’agissait que d’un mensonge greffé à une vérité, ce qui permettait souvent à Clyde de mentir avec un aplomb extraordinaire. Il fut ainsi presque déçu lorsque son téléphone sonna et que le nom de son boss apparut sur l’écran - malheureusement pas le genre d’appel qu’il pouvait se permettre d’ignorer, surtout à des horaires où était supposé être joignable. Il offrit donc une moue désolée à Jessian après avoir jeté un coup d’œil à l’écran, avant de faire un pas en arrière. “Je suis vraiment navré, c’est un de mes associés, je dois prendre l’appel.” A nouveau, il n’agissait que d’un demi-mensonge, ou presque. Il prit néanmoins quelques secondes pour sortir son ticket de caisse du sac qu’il tenait à la main, et griffona son numéro à la va-vite avec le stylo qu’il portait toujours sur lui, au cas-où. “Si ton emploi du temps le permet un jour et que tu veux lutter contre l’ennui autour d’un verre, n’hésite pas à m’appeler.” Clyde lui jeta un dernier sourire charmeur avant de se détourner et de porter le téléphone à son oreille.