« Attends! » si j'étais à sa place j'aurais jamais attendu. J'aurais pas attendu dès la seconde où j'aurais repéré la porte de mon appartement entrouverte à mon retour. Dès l'instant où j'aurais entendu au-delà des bruits étranges - mais inoffensifs, constitués de ruban à coller, de papier à déchirer et de rires de gamin survolté. J'aurais pas attendu et pourtant c'est ce dont je l'implore Ezra, le sourire aux lèvres et la paume que je plaque sur ses yeux à la seconde o1 il passe le hall de son propre chez lui. Dans mon empressement je calme un brin le geste, y allant toutefois le plus délicatement dont je suis capable pour au moins lui éviter un oeil au beurre noir dans le processus. « Ferme les yeux! » Noah se joint à moi à sa façon bien archaïque, tournant autour du blond sans jamais fermer ses yeux d'enfant lui. Il profite à fond du statut d'allié dans l'opération "Rebienvenue chez toi, Ezra!".

On a su un peu plus tôt cette semaine que son équipe était sorti de Race of Australia, et depuis, ça avait été séance de brainstorm par-dessus séance de brainstorm avec la boule d'énergie qu'est notre fils pour trouver LA meilleure façon de l'accueillir bien comme il le faut (et surtout, aussi, pour se gratter un maximum d'anecdotes de ses aventures sur la route). Le plan est passé par tous les scénarios possibles, tout est remonté et tout a été sélectionné pour la seconde d'après être refusé. « Tu triches, c'est nul. » que je pouffe à son oreille, quand je sens ses cils battre la mesure sur l'intérieur de ma paume. Noah lui est derrière à le pousser de ses petites mains pleines de peinture de toutes les couleurs, les mêmes qu'Ez reconnaîtra sur la banderole quand je déciderai que même s'il triche, il se gagne le droit de voir l'étendue de notre labeur. « NUL! » « Noah crie pas. » j'éclate de rire de nouveau, le trio avançant vers le salon sans le moindre équilibre on s'entend. « nul. » il murmure et c'est pire, ses confidences et nos sourires.

« Okay, ouvre les yeux. »
« Taaaaaaa-da. »

L'autorisation officielle vient avec ma silhouette qui se dégage en vitesse de celle du Beauregard, qui se décale sur le côté au même moment où j'attrape Noah au vol pour le soulever. Il grimpe contre ma jambe comme s'il était un singe plus acrobate qu'un acrobate lui-même, son bonheur est si rayonnant qu'il dessine d'immenses fossettes au creux de mes joues.

La pièce est un bordel organisé, donc. La grande banderole servira de point d'ancrage à donner le ton, où y'a écrit un "J'espère que t'as pas trop eu peur des araignées papa!" aussi moqueur que l'est le regard espiègle de Noah quand il guette la réaction de son père comme s'il attendait la veille de Noël. Le reste du salon se veut le théâtre de ce qui semble être une véritable déclaration d'amour à l'Australie où on a fait gaffe à accumuler tous les snacks et autres aliments divers et officiels de notre île. Y'a même l'hymne australienne qui joue sur la stéréo en sourdine, et à la télé on a trouvé un documentaire sur les kangourous et sur les koalas de quatre heures - on devrait être bons pour l'animation.

« On dirait que t'es plus grand. » je rigole de nouveau, attendant presqu'un discours de sa part, ou au moins une mention d'honneur pour l'effort.


@ezra beauregard

« Attends! » « Ferme les yeux! » « Tu triches, c’est nul. » Le rire fut sa première réaction, même s’il se contenait pour ne pas non plus partir en fou rire. La main de Ginny venait lui barrer les yeux et il ne pouvait avancer sans suivre sa voix et sa main désormais. Une surprise de taille, voilà ce que la jeune femme et leur fils lui avait préparé, de ce qu’il avait compris. Trois semaines il était parti, au total. Ezra avait décidé de relever le défi et de participer à Race of Australia, première édition du nom, une émission télévisée qui consistait à traverser le pays avec un binôme inconnu. Cependant, malgré ses efforts et sa bonne volonté, Ezra n’avait pu accéder à la deuxième semaine de l’aventure et avait été rapatrié à Brisbane plus tôt que prévu. Il était déçu - oh, oui, qu’il l’était. Il pensait pouvoir parcourir plus de distance, aller plus loin, prouver qu’il pouvait faire davantage. Pas forcément aux téléspectateurs qui le regardaient sur leur écran, pas forcément à ses proches mais à lui-même également. C’était là l’échec le plus grand pour lui. Il pensait pouvoir donner plus que ce qu’il avait fourni pendant la semaine d’aventure à laquelle il avait participé. Le seul point positif d’être parti de l’émission tôt, c’était qu’il avait pu rentrer auprès de ses proches. Ezra n’avait participé réellement qu’à une semaine d’aventure mais deux autres semaines s’étaient écoulées avant et après ce qui avait diffusé. Si bien qu’il n’avait, une fois de nouveau cette année, pas vu Noah pendant trois semaines consécutives et sentir sa main dans la sienne et entendre sa voix résonner sur les murs de l’appartement l’emplissait de joie. « NUL! » « Noah crie pas. » Elle se mit à rire, Ginny, mais le sourire d’Ezra était un sourire fier de la mère qu’elle était devenue auprès de leur fils plutôt que n’importe quoi d’autre. Quelques mètres plus loin et la petite famille vint se stopper dans sa course, vint se placer pour le reste de la surprise. La seule chose que Ezra savait, c’était qu’il était chez lui étant donné qu’on lui avait sauté dessus alors qu’il approchait de l’appartement. C’était le seul et unique indice qu’il avait et s’il avait le nez plus fin que ce n’était le cas, il aurait peut-être pu remarquer l’odeur de sucre qui émanait de la pièce. « Okay, ouvre les yeux. » Que les mot de Ginny vinrent lui annoncer alors que sa main quittait son visage. « Taaaaaaa-da. » Que Noah vint fièrement dire alors qu’il se retrouve la seconde d’après dans les bras de sa mère - bientôt, il serait trop grand pour en profiter, qu’il ne peut s’empêcher de remarquer. Après un instant à s’ajuster correctement à la lumière, les yeux d’Ezra vinrent parcourir la pièce. Une banderole avait été maladroitement accrochée dans le salon et lorsqu’il vint lire les quelques mots écrits dessus, Ezra vint planter ses poings sur ses hanches, faussant les gros yeux, se tournant vers un Noah hilare. « Je vais en entendre parler pendant des années, c’est ça ? » Seules quelques personnes étaient au courant de la phobie en question, et désormais toute l’Australie pouvait en rire le soir grâce au replay des émissions. Finalement, il vint observer rapidement le reste des éléments disposés dans son salon - les kangourous à la télévision annonçait une soirée Netflix and chill et le programme lui plaisait déjà. « On dirait que t’es plus grand. » Et enfin, il se laissa aller à un véritable rire, de ceux qui résonnaient facilement sur les murs de l’appartement. Parce-qu’il l’avouerait l’instant d’après, mais revoir ces deux visages là lui faisait le plus grand bien, lui remontait le moral alors que ce dernier n’était pas nécessairement au beau fixe ces derniers jours. Alors, il vint parcourir la distance distante entre lui et Ginny portant Noah, pour venir les prendre dans ses bras. Les serrer fort, les faire manquer d’air, les couvrir de baisers sur le front. Parce-que ça lui avait manqué, tout ça, là. « J’avoue j’ai gagné quelques centimètres pendant l’aventure, ils en distribuaient gratuitement à l’entrée. » La blague était nulle mais il n’en avait rien à faire, l’essentiel se tenait dans ses bras, là. « Mais ils distribuaient pas des câlins alors c’était pas aussi marrant. » « Bon papa, j’étouffe moi là. » Ezra vint laisser échapper un petit rire et après avoir abusé de ce câlin improvisé encore une seconde et une autre en plus, il vint se reculer. « Ca y est, tu vas nous faire ta crise d’ado à dix ans toi. » Et le voilà qu’il était déjà parti se servir dans les dizaines de bols disposés sur la table basse du salon, qu’il remplissait déjà les verres de soda. Ezra vint alors se tourner vers Ginny, dont le regard s’était égaré du côté de Noah. « Merci. » Il vint tirer un petit sourire. « Ca fait du bien de vous revoir. » Il se demandait dans quel état de pseudo-manque il serait rentré s’il était resté plus longtemps dans le désert - l’élimination pouvait donc avoir du bon.

Spoiler:

« Je vais en entendre parler pendant des années, c’est ça ? »
« Nonnouiiiiiiiii. » on a appris à Noah à dire la vérité et rien que la vérité, le voilà qui change sa réponse pour du vrai quand un tout petit mensonge de rien est si facilement remarqué par ses deux parents au point où il a l'air d'allonger, son nez. C'était juste une information isolée, c'était simplement un détail qu'il a bien sûr entendu plus fort que les autres. Son père restera probablement l'un des humains qu'il estime le plus, sans même avoir besoin de scander à tous vents que oui, le plus fort, c'est Ezra.

À la place, il se hisse contre moi mais surtout il tend les bras vers lui, le câlin approximatif qui en devient un intrusif. Tout le monde arrête de respirer et des cheveux se perdent de tous bords tous côtés. J'ignore ce sont les mèches de qui contre mes dents et encore moins c'est la mâchoire de qui, que je chatouille de mes battements de paupières aux cils bien fourbes. « J’avoue j’ai gagné quelques centimètres pendant l’aventure, ils en distribuaient gratuitement à l’entrée. » mais mes rires s'additionnent contre les soupirs d'un Ezra heureux d'être rentré, d'un gamin qui le lui fait savoir en gesticulant de mes bras aux siens. « T'es sur la pointe des pieds tu triches. » que je chuchote à l'oreille d'Ezra, quand il est occupé à resserrer ses paumes autour de Noah et de moi,. De l'extérieur, la scène a tout de parfait, d'impeccable. « Mais ils distribuaient pas des câlins alors c’était pas aussi marrant. » « Bon papa, j’étouffe moi là. » parfaitement imparfaite, oui. Un baiser se perd sur la joue du Beauregard de retour parmi nous une demie-seconde avant qu'il ne relâche l'étreinte, sorte de proximité qu'on retrouve à deux encore à demi-mot, à demi-pas. De l'extérieur on a l'air d'une famille comme d'une autre, d'un papa et d'une maman qui aiment éperdument leur gamin comme ils se sont aimés, avant. Et de plus en plus, je réalise que le portrait n'a rien d'erroné, que malgré le fait qu'il fait sa vie d'un côté et moi de la mienne, on ne se perd jamais, on ne se perdra jamais non plus. « Ca y est, tu vas nous faire ta crise d’ado à dix ans toi. »

Noah roule des yeux et soupire encore et toujours, trouve le sol pour errer vers le buffet et vers la télé, vers les diverses stations disposées dans tout l'appartement qui rendent le retour d'Ezra un peu plus doux, ironiquement un peu moins suffoquant. « Merci. » son sourire est beau, il est tellement beau Ezra, quand il est heureux, quand il est posé. « Ca fait du bien de vous revoir. » doucement, docilement, mes doigts trouvent les siens pour s'y faufiler avec toute la candeur qu'il me reste, les fossettes tracées au creux de mes joues en prime. « Attends qu'il ait mangé tout ce qui a du chocolat dedans pour dire ça. » en clair, qu'il attende que Noah ait retrouvé ses habitudes de gamin surexcité qui risque de jogger d'un sens et de l'autre de la pièce avant de finir par s'effondrer sur le canapé, épuisé de lui-même, le rush de sucre depuis longtemps envolé. J'étais pareille à son âge, le retour d'ascenseur n'en est que plus logique.

« T'as envie d'en parler ou tu veux qu'on garde ça pour une prochaine fois? » ma tête s'est nichée contre son épaule, une petite seconde de répit à faire le debrief de ROA ou à ne pas le fair du tout. Avant que Noah réalise qu'on n'a pas encore lancé son jeu préféré de la soirée, à savoir "papa réponds à toutes mes questions TOUTES MES QUESTIONS sur la production et sur l'émission sinon je fais une crise d'adolescence à 10 ans comme t'as dit". Le temps d'accalmie est compté. « Il va vouloir que vous partiez en roadtrip à travers le pays un jour, je te dis de suite. » que je lâche, comme une petite bombe de plus, comme un clin d'oeil à notre globe-trotter de fils qui revient à peine de l'Afrique et qui déjà rêve de plus, de partir encore. Pour ça aussi, il me ressemble. « J'ai envie qu'on parte en roadtrip à travers le pays un jour. » il reprend mes mots le fourbe, les joues tartinées de confiture, les dents de caramel. Ses mains sont ancrées sur ses hanches et son sourire est plus grand encore que son visage le lui permet. « Qu'est-ce que je disais. » je fais l'offusquée, je fais la moqueuse, je lui tire la langue et il fait pareil.



@ezra beauregard

« Nonnouiiiiiiiii. » Il arrivait à mentir et venir dire la vérité en même temps, Noah. Ce gamin était devenu malin avec le temps, et Ezra ne pourrait renier qu’il avait quelque peu le même comportement lorsqu’il était enfant. Mais c’était ainsi décidé: il allait entendre pendant des années parler du fait qu’il ne pouvait supporter les araignées. S’il avait réussi à garder cette information secrète jusque maintenant, dans peu de temps toute l’Australie serait au courant - et Noah ne repartirait que de plus belle à ce moquer de lui à ce moment là. Mais il n’y pensait pas en ce moment même, Ezra. Il n’y prêtait pas plus attention que ça car tout ceci n’était pas encore prêt d’arriver et il voulait simplement désormais pouvoir profiter de son fils et de Ginny alors qu’il était de retour à Brisbane. L’aventure fut courte, en réalité, mais elle avait réussi à remuer quelque-chose au plus profond de lui, et il savait d’ores et déjà qu’il apprécierait les moments passés à leurs côtés différemment. Finalement, alors que Noah venait se plaindre qu’il étouffait à être pressé dans les bras de ses deux parents à la fois, rien que ça, Ezra vint faire un pas en arrière. Le gamin se mit à courir partout sauf entre les deux adultes, filant à la fois le tournis et le sourire à son père, et ce dernier en profita pour venir reporter son attention sur Ginny. Il savait que l’idée venait d’elle et de personne d’autre, que de lui faire une petite fête surprise de retour. Noah avait surement participé à l’envie d’élaborer cette idée, mais il pouvait reconnaître la patte de la jeune femme dans toutes les choses mises en place aujourd’hui - que ce soit la couleur et la disposition des biscuits sur la table, ou alors les mots dessinés sur la banderole qui prenait désormais la moitié du mur du salon. Il reconnaissait Ginny dans le moindre détail et ça lui tirait un sourire toujours plus grand sur le visage. « Attends qu'il ait mangé tout ce qui a du chocolat dedans pour dire ça. » Et le rire vint naturellement s’ajouter en couche épaisse par dessus tout ça. Même avec dix kilos de chocolat sur chaque doigt, Ezra serait heureux de revoir son fils. Même s'il en venait à ruiner les couvertures du salon, il ne lui en voudrait pas. La bonne humeur et la candeur de Noah étaient contagieuses, assez pour qu’Ezra ait l’impression de réellement sortir la tête de l’eau. « Il dort pas chez moi ce soir, alors tu sais, c’est pas à moi que ça va poser le plus problème. » La taquinerie, le retour, toujours, alors qu’il vint serrer quelque peu les doigts de Ginny qui s’étaient perdus à travers les siens. Il avait beau parler, Ezra, il savait que Noah serait un ange une fois la nuit tombée et qu’il irait sans broncher se glisser sous ses couvertures. Il avait de l’énergie à revendre mais perdait toute cette dernière une fois la journée parée de son manteau noir et étoilé. « T'as envie d'en parler ou tu veux qu'on garde ça pour une prochaine fois? » Qu’elle vint presque murmurer à son oreille, Ginny, alors que sa tête était désormais posée contre son épaule, leurs quatre yeux se perdant dans la contemplation du gamin hyperactif qu’il avait conçu une décennie plus tôt. « Il va vouloir que vous partiez en roadtrip à travers le pays un jour, je te dis de suite. » Un sourire attendri s’afficha sur les lèvres du Beauregard. Oh, que l’idée lui était douce à entendre. « J'ai envie qu'on parte en roadtrip à travers le pays un jour. » C’était sans compter le petit qui ne savait faire autrement que de laisser ses oreilles qui trainaient partout - l’instant de tranquillité entre Ginny et lui était donc déjà terminé. « Qu'est-ce que je disais. » Alors Ezra finit par se dégager de la silhouette de Ginny, finit par faire quelques pas en direction de Noah pour finalement l’attraper comme un sac à patates - il pouvait dire adieu à la propreté de son propre tee-shirt désormais, les mains de Noah avait étalé tout le chocolat dans son dos. « On ira nulle part si tu manges tous les gâteaux sans m’en donner, déjà. » Mais ils iraient quand même partout à la fois, parce-que si Noah le demandait, Ezra irait décrocher la lune pour lui. Il vint finalement jeter - littéralement - Noah sur le canapé, alors que ce dernier partait dans un rire à n’en plus finir. « Mais pas de suite. Faut d’abord que vous puissiez voir mes super capacités en tant qu’aventurier… » Il finit par se tourner de nouveau vers Ginny, fronçant le bout du nez quelque peu. « Et vous verrez pas ça avant septembre, je crois. »

Spoiler:

Noah a déjà les joues tachées de chocolat et de confiture et son rire est probablement la plus belle mélodie que j'entendrai de toute ma vie. Je ne doute pas une seule seconde que la réciproque est également aussi vraie pour Ezra. « Il dort pas chez moi ce soir, alors tu sais, c’est pas à moi que ça va poser le plus problème. » c'est là le moment où je perds toute crédibilité comme parent autoritaire quand je lui tire la langue. Au père qui m'impressionne à chaque jour, au père qu'il devient autant dans les bons que dans les moins bons moments. Il est incroyable Ezra, et il l'est encore plus dans des instants lambdas comme ceux-là. Noah est tellement chanceux de l'avoir comme papa.

« On ira nulle part si tu manges tous les gâteaux sans m’en donner, déjà. » c'est là où le lien de famille entre la terreur de dix ans et moi-même ne fait aucun doute, quand tous les deux en une seconde top chrono laissons apparaître sur nos lèvres un immense O parfait qui semble suggérer à quel point on est (faussement) outrés.  « Mais pas de suite. Faut d’abord que vous puissiez voir mes super capacités en tant qu’aventurier… » le O prend en ampleur et en grandeur à l'instant où Ez précise dans le plus grand des calmes : « Et vous verrez pas ça avant septembre, je crois. »

« Oh non mais l'attente sera insoutenable! »
« J'aime pas attendre je suis impatient. »
« Ah ouais t'es impatient toi? J'avais JA-MAIS remarqué. »

Les mots défilent et déferlent, du ton sérieux je passe à celui défaitiste. Noah râle et grogne, je l'accuse pour qu'il ne fasse que revenir à la charge, me chatouillant au passage, chatouillant Ezra à ma suite. Il sait aussi bien que moi, le bambin aux yeux brillants et au sourire qui l'est tout autant, que peu importe la tentative de négociation jamais Ezra ne cédera la moindre information s'il n'a pas l'envie - ni le droit - de le faire. Assez pour moi, je reporte mon attention sur les cookies aux baies qui goûtent les champs de fraises à chaque bouchée. Lui, il boude du haut de sa décennie célébrée il y a des mois déjà mais qui me donne l'impression de n'être arrivée qu'hier. Le temps passe si vite, à ses côtés.

« Vous iriez où? » ici, c'est qu'une simple question en douceur, le temps de ramener un sourire sur les lèvres pincées d'un Noah qui tente de gagner des confessions tout en tentant d'aussi gagner un staring contest avec son père. Ma silhouette s'est depuis longtemps installée sur le canapé, jambes croisées en tailleur et tête qui vole d'un côté comme de l'autre, ping pong effréné en tentant de savoir lequel des deux parlera le premier. « On peut aller où t'es allé même si c'est secret papa? » c'est Noah qui lance le bal, lui qui colore son visage du sourire le plus espiègle qu'il a en banque. Oh qu'il prépare un mauvais coup, le garnement que je n'échangerais pas contre rien au monde. « Comme ça tu peux nous dire c'est où pour qu'on le mette sur la carte des arrêts déjà. » on le mette? « Me mêle pas à ton plan p'tit fourbe, je suis juste arbitre là. » un arbitre qui lance un bout de biscuits vers le joueur le plus jeune au compteur, ça passe ou pas?

Ça passe pas, apparemment, quand il grimpe à mes côtés sur le canapé, braque ses grandes pupilles dédiées vers moi. « Tu viendras pas? » j'inspire, rigole un brin, lâche ses yeux pour passer mon bras autour de ses épaules et le ramener vers moi. Mon menton, enfin, il se relève vers Ezra. « Pas si j'ai pas une invitation en bonne et dûe forme. » et ça, ça le dédouane. S'il veut passer un moment en tête à tête avec son fils, jamais je ne lui en tiendrai rigueur. Ni aujourd'hui, ni demain, ni dans une vie, ni dans une autre. Ils le méritent tous les deux, quand bien même ce n'est pas compliqué de déceler à quel point je rêve de me joindre à eux même seulement pour quelques miettes de leur périple.


@ezra beauregard

« Oh non mais l'attente sera insoutenable! » « J'aime pas attendre je suis impatient. » « Ah ouais t'es impatient toi? J'avais JA-MAIS remarqué. » Et les voir se chamailler avec un sourire si grand sur le visage vint en tirer un, façon miroir, à Ezra. La seconde d’après, ils se retrouvèrent tous les trois sur le canapé avec des cookies plein les mains et du chocolat plein les dents. Noah en était à son deuxième verre de soda et le jeune homme ne put s’empêcher tout de même de hausser un sourcil, réprimant presque le comportement de son fils. La seconde d’après, il lui posait mille questions concernant la compétition de laquelle il venait d’être éliminé, tentant de récolter la moindre information. Ce n’était pas la tentation qui manquait chez Ezra, mais ce dernier était lié par un contrat qui l’empêchait de révéler la moindre information pouvant indiquer la nature des épreuves ou des étapes du jeu. «  Vous iriez où? » La voix de Ginny les sortit de leur petite bulle, l’instant d’après qu’elle eut parlé. Le regard des deux Beauregard qui se tournèrent vers la jeune femme, Noah prenant en premier la parole - parce-que de toutes façons, il aurait le dernier mot sur tout. « On peut aller où t'es allé même si c'est secret papa? » « Si c’est secret, Noah. » « Vraiment vraiment ? » Il eut un petit rire. « J’ai gagné contre plus teigneux que toi, arrête de chercher. » « Comme ça tu peux nous dire c'est où pour qu'on le mette sur la carte des arrêts déjà. » Et d’une idée où ils partaient tous les deux, Ezra comprenait parfaitement entre les lignes que Noah venait d’inclure sa mère dans le plan. Ce fut donc avec un petit sourire amusé que les prunelles du jeune homme se posèrent sur la brune à ses côtés. « Me mêle pas à ton plan p'tit fourbe, je suis juste arbitre là. » Comme si quiconque allait croire un seul instant à ces paroles là. Tout le monde autour avait compris dès la première idée que les trois joyeux lurons partiraient ensemble à l’aventure. « Tu viendras pas? » Noah s’était calmé de voir que son plan ne fonctionnait plus tant à merveille et qu’il pourrait ne pas réussir à réunir toutes les pièces du puzzle avant la fin de la discussion. Cette fois ci, ce fut les yeux de Ginny qui vinrent se braquer sur Ezra, qui ne l’avait pas lâché d’une semelle des dernières minutes écoulées. « Pas si j'ai pas une invitation en bonne et dûe forme. » S’accoudant au dossier du canapé, tête posée sur son poing et secouée un brin de gauche à droite, le sourire d’Ezra était désabusé et amusé. Il aurait pu voir à mille lieux d’ici et même dans le noir qu’elle mourrait d’envie de faire partie du plan qui était en train de s’élaborer, la gamine. Il la connaissait par coeur et même après tant d’années, les traits de son visage s’étiraient toujours de la même façon lorsqu’un désir inavoué voulait s’exprimer. « Parce-que tu veux qu’elle vienne, maman ? Mais, pourquoi ? » Il parlait à Noah mais ses yeux ne lâchaient plus Ginny, parce-que la blague était plus drôle de ce côté là pour une fois - bien que le garçonnet était réellement sidéré des paroles de son père. « Maman peut pas venir ? » Il décala son regard vers Noah, un sourcil inquisiteur haussé. « Elle va te faire manger des légumes tout le voyage et tu veux qu’elle vienne ? Vraiment ? » Il aurait pu rayer l’humour de sa voix mais pas dans cette vie. Dans celle là, le sérieux n’était jamais bien longtemps de mise.

Spoiler:

« Parce-que tu veux qu’elle vienne, maman ? Mais, pourquoi ? »
« Maman peut pas venir ? »
« Elle va te faire manger des légumes tout le voyage et tu veux qu’elle vienne ? Vraiment ? »
« Okay elle vient pas finalement. »
« Et elle entend tout, aussi. »

Noah d'un côté du canapé, Ezra de l'autre. C'est un air de déjà vu alors que tout est nouveau, que tout fait du bien aussi. Ils restent marqués comme tous nos autres stigmates, les derniers mois où les choses ont été difficiles, complexes entre nous. Mais ils s'allègent à coup de piques qui ne font absolument pas mal et de sourires qui font tellement de bien. « Non mais attends si tu viens pas qui va prendre les photos? » Ez s'est décalé, plein angle sur la blague et sur la joute qui s'organise, lui qui ne cède rien d'autre qu'un coup d'oeil espiègle de plus. « C'est vrai que le pouce dans le coin gauche est pas toujours bien vu sur les panoramas... » à moi de relancer, de lui tirer la langue. Il est doué, à la photo. Il l'était jadis et s'il pratiquait encore un peu il le serait de nouveau. Ses iris dans lesquels les miens se plongent, restent, alors que Noah s'improvise maintenant batteur d'un groupe de musique imaginaire avec les pailles de couleurs qu'il a prises en poignée pour son soda déjà terminé.

« Pour chaque légume que tu vas manger, t'auras le droit à un carré de chocolat. » mes jambes se replacent, je les allonge de façon à ce qu'elles s'affalent sur son petit corps agité rien que pour bien l'embêter. « Deux carrés ET une cuillère de glace. » il ne me regarde même pas le petit goujat, occupé maintenant à essuyer ses joues de chocolat pour mieux les tacher de caramel l'instant d'après. « Où est-ce qu'il a appris à négocier comme ça? » pas de moi, certainement pas. Alors que je lui cède déjà tout sans qu'il n'en doute une seule fois.

Puis, le roadtrip est réglé dans sa tête à défaut de l'être dans la nôtre. Assez pour qu'il se lève d'un bond, se dégage de moi et de nous, et file se poster devant le téléviseur en pointant ce qui ressemble à une clairière secrète derrière d'immenses chutes au sud du pays. « Je veux voir ça! » il nous oublie, il chantonne, il est enthousiaste et dans dix minutes il s'écroulera d'avoir dépensé tant d'énergie. « T'es okay pour le deal des légumes et du chocolat/pizza? » que je tente, finalement, la voix que pour Ezra, les compromis aussi. « Parce que si on part, faut que je te dise quelque chose avant. » j'ai préparé le discours quel qu'il soit des dizaines de fois dans ma tête. Mais comme pour l'annonce du mariage, l'honnêteté vient bien avant la moindre allocution apprise par coeur. « Noah va avoir un petit frère ou une petite soeur en décembre. »

« Et elle entend tout, aussi. » Et c’était justement ça la partie la plus drôle, celle qui venait étirer un sourire davantage, si possible, malicieux à Ezra. « Non mais attends si tu viens pas qui va prendre les photos? » « C'est vrai que le pouce dans le coin gauche est pas toujours bien vu sur les panoramas... » Et la discussion continuait sur la lancée, la blague préférée à tout le reste, et Noah qui était déjà en train de peser réellement le pour et le contre de la présence de sa mère dans cette aventure. « Tu me trahirais pour de belles photos ? » Ezra vint présenter un visage faussement offusqué à son fils, alors que le rire n’était vraiment pas loin derrière cette mascarade. « Pour chaque légume que tu vas manger, t'auras le droit à un carré de chocolat. » Le regard qu’il vint lancer en direction de Ginny possédait les deux sourcils haussés au dessus de lui. Elle tirait ses meilleures cartes, la gamine, et elle savait exactement là où il fallait tirer pour que ça fonctionne à merveilles et à tous les coups. Elle avait des années de pratique d’avance sur Ezra, il fallait dire. « Deux carrés ET une cuillère de glace. » Et là, Ezra ne réussit plus à retenir son rire, qui vint résonner aux quatre coins de l’appartement et même peut-être chez ses voisins, aussi. « Où est-ce qu'il a appris à négocier comme ça? » Oh, Gin. La jeune femme oubliait que dans le sang, Noah était un Beauregard tout autant qu’un McGrath et que de ce côté là de son arbre généalogique, on avait appris à négocier à la perfection depuis le plus jeune âge. Les grandes familles, ça sert à ça. Il faut savoir se faire sa place et trouver les meilleurs arguments pour la garder. Et Ezra se revoyait parfaitement à travers Noah au même âge, alors qu’il négociait des parts de gâteaux en plus et du temps supplémentaire sur le terrain de jeu lorsque son père voulait rentrer à la maison dix siècles plus tôt déjà. « Il a appris des meilleurs, c’est tout. » Parce-qu’à son âge, Ezra n’arrivait pas à négocier la cuiller de glace en plus du chocolat. Il aurait eu le chocolat et il s’en serait contenté - Noah était meilleur à son propre jeu. Et le pire, c’était qu’il le savait car l’instant d’après, toute son attention était reportée ailleurs, à déjà imaginer l’itinéraire et les activités de ce dit-roadtrip qu’aucun des deux parents n’avait réellement confirmé. Mais il était comme ça, Noah. Si ça lui semblait juste, alors ça devait l’être pour tout le monde. « T'es okay pour le deal des légumes et du chocolat/pizza? » Le rire d’Ezra avait cessé mais son sourire amusé ne l’avait pas pour autant quitté. Son regard vint se reporter de Noah à Ginny, alors qu’ils entraient désormais dans une discussion entre adultes - ils ne prenaient pas les mêmes intonations ni les mêmes voix lorsqu’ils ne parlaient qu’entre eux. « Il n’aurait pas touché à un seul légume si c’était que moi. Il se croit gagnant, mais en réalité c’est nous qui gagnons pour de vrai ici. » Le nous employé avec douceur et malice, confirmant ainsi à Ginny que l’idée lui était tout autant plaisante à imagine qu’elle viendrait avec eux dans cette aventure. « Parce que si on part, faut que je te dise quelque chose avant. » « Dis moi tout. » Parce-que son esprit à lui était toujours dans la blague et l’amusement là où, il ne l’avait pas encore compris, celui de Ginny était bien plus terre à terre. Attrapant son verre de soda, il vint en prendre une bonne gorgée alors que la jeune femme reprit la parole - grossière erreur. « Noah va avoir un petit frère ou une petite soeur en décembre. » Parce-qu’il fut à deux doigts de s’étouffer présentement. Avalant de travers sa boisson, se permettant une ou deux tapes plus fortes sur le torse pour faire passer tout ça dans la bonne direction, il tourna son regard vers Ginny, surprise. Oh, qu’une partie de son esprit avait bien sûr remarqué les similitudes avec une scène qui s’était déroulée au même endroit, des années plus tôt, dans une vie qui lui semblait tant différente. Le canapé n’était plus le même et l’ambiance avait changé, mais l’annonce restait fidèle. Ginny était enceinte - mais pas de lui cette fois-ci, promis. « Tu… » Sois pas idiot Ezra, elle n’avait pas besoin de faire un dessin pour faire comprendre la situation. Et pourtant, la réaction surprise ne décollait pas de son visage. C’était idiot, car ce genre de nouvelle n’aurait pas mis des années avant d’apparaitre dans le tableau. Mais il serait menteur que de dire qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui dise ça de si tôt. « Vraiment ? » Again, sois pas idiot Ezra.

Spoiler:

« Dis moi tout. »
« Noah va avoir un petit frère ou une petite soeur en décembre. »

J'aurais dû m'imposer entre lui et son soda. J'aurais dû le lui prendre des mains, le déposer sur la table avec toute la douceur dont je suis capable. Simplement m'assurer qu'il ne perde pas le souffle et ne s'étouffe pas à travers. J'aurais dû faire des calculs, amener plus de préparation. J'aurais dû penser avant de parler, choisir des mots qui allaient dans un sens plus posé. Pourtant, je déteste la tension qui précède les annonces, qui comble les silences avant les secrets. J'ai pas envie qu'Ezra sente que je prends le sujet avec des pincettes, j'ai pas envie qu'il croit que c'est ainsi que nos conversations doivent se passer parce que non, du tout, ce n'est pas le cas. J'ai confiance en lui et j'ai confiance en ses réactions, j'ai confiance en sa franchise et je ne voudrais jamais changer la moindre seconde de l'annonce. Même si elle est messy, même s'il tousse encore sa boisson gazeuse, même si elle est décousue et sortie de nulle part. Il l'a gagné depuis longtemps, le droit d'être mis au courant.  

« Tu… » j'attends, patiente, ne presse en rien la réalisation ni les paroles. « Vraiment ? » « Vraiment. » j'hoche doucement de la positive, mes doigts saisissant une poignée de secondes de répit pour dégager son verre d'entre les siens de doigts. Le mettre hors de portée de nuire, replacer aussi mes jambes sur le canapé, inspirer à travers. « Ça a fait trois mois ce matin. » la fameuse marque des trois mois, le fameux cap que je m'étais juré d'atteindre avec Auden, avant d'en parler à qui que ce soit. Jill l'a su d'avance parce qu'apparemment, les femmes enceintes se repèrent entre elles - mais autrement, il est le premier du cercle restreint à savoir. Il était le premier pour le mariage, aussi. J'ignore pourquoi j'ai encore et toujours le besoin de lui en parler, j'ignore pourquoi il récolte éternellement le rôle d'oreille à qui je vais inexorablement me confier. L'ingratitude pointerait presque le bout de son nez et c'est à croire qu'il aurait tous les droits de me montrer la porte quand ces sujets-là avaient tout pour être discutés avec lui une décennie plus tôt. La vie, apparemment, aime bien mélanger les cartes et les aligner à son goût.

Noah a le nez à deux centimètres et demi de la télévision, et Ezra semble commencer à retrouver un rythme de respiration normal. Tout rentre dans l'ordre ou du moins, aurait le temps et les minutes nécessaires pour se faire. « Et j'ai vraiment besoin que tu me couvres, il est pas de Auden et je sais absolument pas comment le lui cacher et- » alors évidemment que je suis idiote, évidemment que j'essaie de dédramatiser, d'adoucir les coins, de calmer les troupes. Mes mots qui sont chuchotés dans le plus grand des sérieux finissent par être balayés d'un sourire, d'un rire avec. « J'essaie de faire dans l'humour, ça marche pas hen? » j'essaie, j'essaie vraiment fort Ezra. Je voudrais tellement que t'essaies avec moi.

L’information que Ginny vient tout juste de lui donner, il avait du mal à la réceptionner. Pas qu’elle lui semblait si improbable que ça, mais simplement qu’elle n’avait utilisé d’aucun artifice, aucun stratagème, pour venir la lui apporter. Et c’était toujours mieux quand c’était au plus simple entre eux deux - le compliqué ne leur allait pas tant au teint. « Vraiment. » Elle vint confirmer ses propres paroles, Ginny. Sans rien presser, sans rien juger. Elle laissait toute la place dont il avait besoin à Ezra. Et comme lorsqu’on lui annonçait une nouvelle de la sorte, il en avait besoin le temps d’un instant d’espace, le jeune homme. « Ça a fait trois mois ce matin. » Là où la dernière fois ça faisait trois semaines. Les similitudes, même les plus infimes, lui sautaient aux yeux alors qu’il ne le désirait pas forcément. Les deux situations étaient différentes et pourtant son cerveau ne cessait de les comparer. Il s’en voulait, même s’il ne s’en apercevait pas de suite, Ezra. Dans le pire des cas il s’en voudrait de comparer cette annonce à celle de leur vie passée. « Wahou… » Ce long silence pour, donc, cette simple réaction. S’il avait été spectateur de cette situation, il se serait applaudi en grandes pompes tellement il aurait trouvé ridicule de réagir de la sorte. Ginny lui annonçait qu’elle était enceinte, elle venait lui ouvrir son coeur et se livrer à lui et il se contentait d’une réaction qui se devait être décevante - pour sur. Et elle devait le sentir, elle devait le voir, que le Beauregard était loin d’être les plus à l’aise car elle vint reprendre la parole de suite, sans attendre, laissant le silence se dissiper à travers ses mots. « Et j'ai vraiment besoin que tu me couvres, il est pas de Auden et je sais absolument pas comment le lui cacher et- » Et pendant un instant et rien qu’un seul, il y crut. Il vint plonger dans le panneau les deux pieds en avant et si Ginny était restée sérieuse plus longtemps, il aurait pu reprendre la parole pour lui demander si elle l’était, justement, sérieuse. Mais un sourire vint trancher son visage presque la seconde suivante, et celle d’après un rire franc se fit entendre. « J'essaie de faire dans l'humour, ça marche pas hen? » Soupirant de soulagement, Ezra vint lever les yeux au ciel. « T’es la pire de tous, Ginny. La pire. » Le ton de ses paroles était bien plus doux que ses mots auraient pu le laisser deviner. « Surtout que tu sais que je l’aurais fait, en plus. Si t’aurais voulu lui cacher. » Parce-qu’entre elle et lui, dans une situation où il devait choisir, Ezra tendrait la main vers Ginny malgré tout - malgré tout. Même si elle était venue aujourd’hui lui demander d’enterrer un corps, il aurait été chercher la pelle et la terre supplémentaire pour recouvrir le tout. Finalement, laissant un instant de plus de répit au semblant de malaise suite à cette annonce - qui avait clairement fait tourner l’ambiance de la soirée, et même s’il ne le voyait pas encore, tourner pour du bien et du meilleur -, Ezra finit par venir plonger ses yeux dans ceux de la jeune femme, les plissant un brin, tentant de remettre ses idées dans l’ordre et ses émotions hors d’état de nuit, ou peut-être l’inverse. « Félicitations, du coup ? » Ce n’était qu’une bienveillance exacerbée qui s’interposait entre ses dires et ses gestes. Car il connaissait tout aussi bien qu’elle la suite de l’histoire la dernière fois que cette annonce était tombée entre eux deux.

Spoiler:

« T’es la pire de tous, Ginny. La pire. » je voulais juste qu'il souffle. Je voulais juste que sa mâchoire ne soit plus contractée, que sa respiration soit régulière. Je rêvais simplement que tout se place en douceur, qu'il sache que peu importe ce qu'il répondra, la réponse me conviendra. « Et avec l'âge ça ira pas en s'améliorant. » mon sourire en coin reste bien en place, ma tête retrouve son épaule quand pendant une fraction de seconde ce sont les dommages collatéraux d'avant qui viennent flirter avec le maintenant. Mes prunelles se vrillent sur la nuque de Noah, remontent jusqu'à sa petite tête de linottes pour y compter les noeuds par dizaines qui se perdent à travers ses mèches hirsutes. Y'a un peu plus de dix ans, la conversation était bien plus difficile, bien plus alarmiste qu'aujourd'hui. On a tellement changé, on a tellement grandi, et pourtant quand mes doigts se faufilent entre les siens pour une seconde et une seule, peu importe les années de plus au compteur on reste encore Ezra et Ginny.

« Surtout que tu sais que je l’aurais fait, en plus. Si t’aurais voulu lui cacher. »
« Mon pauvre, on aurait passé la soirée en entier à devoir élaborer les pires stratagèmes, tu le sais ça. »

Je souris doucement, et il l'entendra à travers mes moqueries. L'enfant est bel et bien de Auden. Il était voulu, il était attendu, on a pris la décision à deux, et les éléments se sont enfin placés pour nous donner de quoi faire quelque chose de bien avec les miettes de temps qu'on a enfin pu troquer pour quelque chose de plus stable, de plus vrai. « Félicitations, du coup ? » « Félicitations, c'est bien oui. » ma tête hoche de la positive, le bruit que fait ma joue en frottant contre le tissu de son t-shirt résonne fort dans mes oreilles. Je suis presque certaine que mes cheveux chatouillent son visage maintenant bien plus détendu.

« Je sais pas comment il sera, comme grand frère. » « Je vais être IN-CROY-ABLE comme grand frère. » Noah reste vissé devant la télé, sans même se détourner vers nous. Il fait que crier sa réponse, la statuer avec un surplus de confiance qui me fait lui tirer la langue sans qu'il ne le voit, sans qu'il ne s'en étonne non plus. « Il sera l'enfer. Il sera horrible et il sera terrible et - il sera incroyable, il a raison.» autant je sais qu'il peut être une véritable tornade, autant je sais également qu'il est l'enfant le plus intelligent, le plus doux, le plus juste que je serai toujours si emplie de gratitude d'avoir mis au monde. Une inspiration supplémentaire et je sais qu'Ezra est tout aussi fier de lui que je le suis moi aussi.

« Mon pauvre, on aurait passé la soirée en entier à devoir élaborer les pires stratagèmes, tu le sais ça. » « On aurait pioché des idées dans les bons films et on s’en serait sortis comme des chefs. Pas les mauvais où les gens se font prendre à la fin là, là. Les bons où ils s’en sortent toujours bien. » A eux deux, ils en avaient vu autant comme autant des films et ils seraient les meilleures critiques pour mettre en place ce type de plan diabolique. Heureusement, ce n’étaient pas les plans qu’ils devaient mettre en place, et la conversation reprit un ton sérieux bien que plus léger qu’à son début. Ezra vint s’assurer tout de même que les félicitations étaient de mise, qu’il ne ferait pas d’erreur en venant présenter les siennes à la jeune femme. « Félicitations, c'est bien oui. » Alors que le choc était dissipé désormais - mieux vaut tard que jamais -, le Beauregard vint étirer un petit sourire attendri. Les émotions n’étaient plus les mêmes, bien sûr, mais le ressenti s’y apparentait fortement. Qu’importe de qui cet enfant était, désormais, Ezra était heureux pour Ginny de savoir qu’elle allait pouvoir être mère de nouveau - dans des conditions bien plus idéales désormais; les expériences n’étant pas des plus agréables la dernière fois. « Félicitations alors, Virginia. » Parce-qu’il n’utilisait son prénom entier que lorsque tout était vrai, tout était ancré dans la réalité, que tout était sérieux. Parce-que tous ces adjectifs les désignaient en ce moment même, à travers les verres de soda écartés pour la survie de l’un et la position en tailleur enfantine pour l’autre. Pour couronner le tout, il vint déposer un baiser sur le haut de son crâne, alors que la tête de la jeune femme avait trouvé sa place naturelle au creux de son épaule à lui. Puis, son bras passa autour de ses épaules. Peut-être que c’était comme ça que ça aurait du se passer, la dernière fois. Peut-être que ce n’était qu’un film dont la sortie avait été reportée pour être davantage appréciée. « Je sais pas comment il sera, comme grand frère. » « Je vais être IN-CROY-ABLE comme grand frère. » Le gamin qui avait les oreilles qui trainaient partout et nulle part à la fois, mais qui ne se faisait remarquer que lorsqu’il entendait qu’on parlait de lui. Un petit rire s’échappa d’entre les lèvres d’Ezra. « Ca va être horrible, prépare toi. » « Il sera l'enfer. Il sera horrible et il sera terrible et - il sera incroyable, il a raison. » « Shhhh, parle pas trop fort, il va s’en vanter toute la soirée après. » Le sourire malicieux aux bords des lèvres, autant du grand que du petit Beauregard qui avait bien compris qu’on continuait de parler de lui, qui vint tirer la langue à ses deux parents tout en se servant le dixième ou le vingtième verre de soda. « Il sera le meilleur, en vrai. » La tornade avait fini son cirque et s’était concentrée de nouveau sur la télévision. « Comme tu vas de nouveau être une mère incroyable aussi. »

Spoiler:

Avoir regardé des dizaines de films de meurtres et mystères et avoir passé des soirées à tenter de ficeler les indices derrière des séries où on annonce un crime encore irrésolu ont servi à quelque chose quand Ezra confirme qu'advenant le cas de figure, il sera là pour inventer avec moi. Mes rires s'accordent à mes doigts qui chassent les siens, j'espère qu'il sait qu'en situation inverse il trouvera toujours en moi une alliée. On a été forcés de jouer l'un contre l'autre durant de trop cruelles années, ce n'est pas aujourd'hui certainement qu'on a envie de recommencer.

« Félicitations alors, Virginia. » son souffle chatouille ma joue, ses lèvres réchauffent mon front. « Mes remerciements les plus sincères, Scott. » on joue les adultes sérieux, on joue les grandes personnes qui sont allées loin dans la vie, on joue mais au final, on ne joue plus vraiment. Ses félicitations sont véritablement chères à mon coeur, qu'il prenne le temps de demander si c'est ce que j'ai besoin d'entendre aussi. Il y a un monde qui a continué à tourner entre Ezra et moi depuis la première fois où on a bien pu être aux côtés l'un de l'autre. Et pourtant encore aujourd'hui, on arrive à se retrouver au centre de tout, là où se trouve sa place comme la mienne.

Ma silhouette se replace contre la sienne rien que pour sembler vouloir chuchoter mes piques à son oreille quand au final elles volent directement vers un Noah bien trop imbu de lui-même pour ne pas en être adorable. « Ca va être horrible, prépare toi. » « Personne peut se préparer à cette horreur. » « Shhhh, parle pas trop fort, il va s’en vanter toute la soirée après. » « Sur un score de 1 à 10 à quel point on est fichus? » « Il sera le meilleur, en vrai. » 12, clairement. À voir l'immense sourire malicieux que le gamin d'une petite décennie nous renvoie, il n'y a aucun doute qu'il a entendu et qu'il dégainera les compliments en temps voulu. « Comme tu vas de nouveau être une mère incroyable aussi. » mon sourire fait écho au sien. Il sait à quel point j'ai eu du mal en début d'année, il sait à quel point la vie avait semblé arrêter de tourner. Qu'il prenne le temps de préciser le tout avec toute la douceur qui le caractérise vaut tout l'or du monde à mes yeux. « Qui sait, peut-être que celui-là va avoir une bonne coordination pour vrai et que tu pourras lui apprendre à jouer au rugby convenablement. » la vanne qui conclut un chapitre quand le livre en entier lui, et bien loin d'être terminé.

« Pizza et glace : c'est ma nouvelle invention à l'instant. Goûte et après tu critiqueras ; c'est pas drôle sinon. » il a bien fallu que mon attention retrouve le buffet, que mes doigts laissent les siens simplement pour lui préparer la concoction la plus particulièrement et dégueulassement intrigante. Noah s'approche le sourcil haussé quand je tends vers Ezra la bouchée qu'il sera obligé d'avaler. Qu'il le voit comme un rite de passage, qu'il le voit comme ma façon à moi de célébrer qu'il est de retour. Qu'on l'est un peu tous avec lui.