There's no hide and seek I see you, see me What's the mystery? Give it up, let go
Jean laissait le brûlage s’écouler le long de son menton, trop occupé à observer les courtisanes qui jouaient aux cartes en prenant des poses lascives qui lui donnaient bien plus d’une idée. Le vin vint tâcher son bel habit fourni par le prince lui-même, mais il n’en avait que faire - s’il y avait bien là un avantage de servir d’espion à un prince hollandais, c’était encore que ce dernier l’avait couvert de suffisamment d’or et de beaux-vêtements pour qu’il se fonde à merveille à la cour de Versailles, moyennant un acte de naissance falsifié justifiant de ses supposées nobles origines. Jean, qui avait accepté d’abandonner son prénom hollandais pour ce patronyme français qui lui déplaisait clairement, n’était pas né dans les milieux qu’il fréquentait désormais en France. Au contraire, jeune roturier sans grand avenir, il avait grâce - ou plutôt à cause - de ses divers larcins et mensonges rencontré un jour un membre de la cour hollandaise qui s’était pris d’intérêt pour lui. De longues années plus tard, il avait finit par se voir confier une mission des plus prestigieuses : garder un oeil sur la cour de France, en pleine période de conflits et complots en tous genres, alors que la Guerre de Ligue d’Augsbourg faisait rage.
Si sa motivation était entière à son arrivée quelques mois plus tôt, il s’était peu à peu laissé emporté par les fastes de la vie de cour. Désormais bien plus intéressé par les jeux de cartes et les jupons des courtisanes, il était retombé dans ses travers de jeunesse, en arrivant presque à oublier ses objectifs premiers : se rapprocher du roi, ou à défaut, de ses plus proches conseillers, pour espérer glaner des informations sur les futures manoeuvres françaises sur les champs de bataille. Bien évidemment, il assurait sa position en envoyant en Hollande des rapports réguliers, mais les informations contenues dans ces derniers se faisaient de plus en plus rares, et ses recherches de plus en plus éparses. Etait-ce à cause de cela qu’il avait avisé quelques jours plus tôt, à l’autre bout de la salle de jeu, le visage d’un homme qu’il connaissait de la cour de Guillaume d’Orange - et qui n’était donc sûrement personne d’autre qu’un pion appartenant au même camp que lui ? Il n’avait pas cherché à en savoir davantage, avant de réaliser que ce visage venait de lui apparaître à nouveau ce soir, à quelques pas de lui, manquant de lui faire recracher son vin. Qu’il ne vienne pas lui gâcher la soirée, elle était bien trop agréable jusque là.
Le palais est un dédale. Un dédale brillant, mais un dédale malgré tout. Toute la cour s'y presse et Alexandre a bien compris pourquoi l'on qualifie bien volontiers cette dernière de "rayonnante". Le Roi est, assurément, le plus splendide de tous les astres, celui autour duquel gravitent les sujets, tous installés sur des sièges éjectables. Les places à la cour sont chères, surtout depuis que le Roi a décidé d'y faire son capricieux, déplaçant cette dernière à Versailles. Pour nos acolytes, la tâche devrait se révéler plus simple. Ici, le Roi est plus exposé, plus vulnérable, si bien que ses ministres le pressent depuis bien longtemps de rejoindre Paris. Fort heureusement, le souverain n'en fait qu'à sa tête et cela arrange bien Alexandre et son maître.
Le palais est un dédale, donc, surtout pour un Alexandre qui ne s'est rendu à la cour que quelques fois, invité pour ses titres et son rang plus que pour ses affinités avec les gens qui s'y amusent. Depuis quelques minutes, il observe sagement un damoiseau, lequel semble assez ivre et pas vraiment au poste qui lui est attribué. Désormais, Alexandre comprend très bien pourquoi l'homme auquel ils sont communément assujettis ne reçoit pas les informations escomptées. Pendant que la guerre faire rage, alors, certains trouvent encore le moyen de se la couler douce. Quand on ressert du vin à Alexandre, ce dernier se lève pour quitter la demoiselle à côté de laquelle il siège. Ses yeux se promènent sur l'assistance et il ne lui faudra que quelques minutes pour se rapprocher encore de celui qui, il en est certain, l'a repéré au milieu des courtisanes qui peuplent l'assemblée. A l'approche d'Alexandre, une jeune femme s'écarte. C'est qu'elles papotent entre elles, ces filles là, et qu'il ne faudrait pas qu'une entrevue privée parvienne aux oreilles du Roi auquel on attribue toute une flopée d'amantes et une troupe plus importante encore de soupirantes désespérées.
« La vie à la cour vous plaît-elle, mon cousin ? J'ai eu du mal à vous trouver. » L'autre doit savoir que ces mots là lui sont destinés. Les oreilles curieuses, quant à elles, ne penseront qu'il n'y a rien ici à entendre sinon de brèves retrouvailles comme on en connaît tous les jours, à Versailles. Le regard d'Alexandre, pourtant, ne tromperait pas le plus ivre des courtisans : il est ici pour vérifier que tout est en ordre. Et le spectacle déplorable qu'il a pu constater par sa présence ne lui renvoie pas une bonne image du jugement de Guillaume d'Orange.
Jean aurait dû se douter, qu’un jour ou l’autre, quelqu’un viendrait lui rappeler ses missions s’il n’était capable de s’en souvenir de lui-même. Ce jour semblait venu, maintenant que l’identité de l’homme qui s’approchait de lui d’un pas décidé ne faisait plus aucun doute - il l’avait par plusieurs fois croisé en Hollande, mais n’avait jamais eu à le supporter dans son entourage immédiat. D’aussi loin qu’il se souvienne, cet homme était bien trop rigide, bien trop consciencieux - l’ennemi du faste et de la décadence qui régnait toutes les nuits à Versailles, en somme. Certains auraient plutôt maintenu qu’il avait une conscience professionnelle, lui, fut cette expression déjà usitée alors.
Le visage revêtu de son plus beau sourire factice, il avait regardé avec regret la courtisane accrochée à son bras se détacher de lui en voyant l’individu s’approchait de trop près. Elle aurait pu rester - ce n’était pas comme s’il était pris d’une envie dévorante d’échanger avec cet homme-là, dont il redoutait déjà les mots. Peut-être était-il là pour le féliciter ? Pour une raison sur laquelle il n’arrivait pas à mettre le doigt, il doutait qu’un tel individu ait fait tout ce chemin pour de simples accolades. “La vie à la cour vous plaît-elle, mon cousin ? J'ai eu du mal à vous trouver.” Ce langage quelque peu codé l’avait fait rire des années plus tôt - désormais, il trouvait juste cela plus embêtant qu’autre chose, mais c’était encore ce qui assurait sa survie dans un lieu où ce qui constituait sa personne n’était que mensonges et apparences. “Je ne pensais vous revoir à Versailles de sitôt, mon cher cousin.” Sa langue avait fourché, mais son sourire était resté intact. Faux, mais presque convaincant. “Je suis un homme occupé, les intérêts ne manquent pas dans l’entourage de notre grand roi.” Malheureusement pour lui, et il le réalisait quelque peu maintenant, il avait tôt fait de s’intéresser aux mauvais intérêts, et non plus réellement à ceux du roi. “Avez-vous délaissé votre épouse pour venir goûter aux joies de la cour durant quelques jours ?” S’il pouvait ne rester que quelques jours, ce serait un délice.
Décidément, cet endroit ne plaît guère à Alexandre. Il n'y a rien à apprendre ici, sauf si l'on veut exploiter les secrets que pourraient divulguer les courtisanes au sujet de l'entourage du Roi. Rien qui semble inquiéter le cousin d'Alexandre, en tout cas. « Je ne pensais vous revoir à Versailles de sitôt, mon cher cousin. » « J'y ai été invité. » Invité, ou plutôt poussé par leur maître commun. De toute façon, ce genre d'affaire est un travail qui ne se refuse pas sous peine d'y laisser la santé - au sens le plus extrême du terme.
La courtisane s'est éloignée et pourtant, Alexandre ne cesse de promener son regard sur celles qui peuplent la salle, mesurant distraitement la distance qui le sépare de ces femmes légères. L'acolyte qu'il vient de retrouver semble être un homme prisé de ces dernières et Alexandre est certain que cette visite n'est pas la première. Le nouveau venu est là pour s'assurer que ça sera la dernière, assurément. « Je suis un homme occupé, les intérêts ne manquent pas dans l’entourage de notre grand roi. » Les yeux d'Alexandre filent tout droit dans ceux de l'homme qui lui fait face. Un homme occupé, avachi au milieu de courtisanes. « Avez-vous délaissé votre épouse pour venir goûter aux joies de la cour durant quelques jours ? » « Mon épouse a fait le voyage, elle aussi. Elle apprécie particulièrement la cour française. Plus que moi, si vous voulez tout savoir. Nous sommes ici pour une durée qui ne dépendra que du bon vouloir du roi. » Plus vite Alexandre sera rentré, mieux il se portera. « Il y a une affaire dont je dois vous entretenir, mon cousin. Pourrions-nous rejoindre les jardins ? » Le plein air est toujours meilleur, moins suspect. A cette salle, il voudrait s'y soustraire - et y soustraire Jean, s'il porte bien le prénom qu'on a murmuré à Alexandre avant qu'il ne prenne la route pour Versailles. Les murs semblent y avoir des oreilles et les regards jetés par les courtisanes oppressent Alexandre, qui ne trouvera de toute façon pas la sortie sans ce cousin avec lequel il doit composer. Tout cela l'agace déjà au plus haut point.
Elle avait des yeux partout mais on n'avait d'yeux que pour elle. Et elle se faufile, elle est partout et nulle part à la fois Béatrice. Celle à qui le nom va comme un gant quand on sait où elle évolue dans la cour, où elle donne d'elle-même. On dit d'elle qu'elle apporte le bonheur, qu'elle rend son hôte comblé, on dit d'elle bien des choses et elles sont toutes fausses, dans l'entièreté. Peu sont ceux qui passent ses quartiers, elle préfère et de loin les choisir et les charmer, ultimement les guider vers les siennes, vers celles qu'elle mène au doigt et à l'oeil alors qu'elle n'est qu'entremetteuse, qu'elle veille et protège, que son sourire mutin se charge de céder la transaction sans même qu'elle ne batte une fois de trop des cils.
Ils évoluent aux alentours sans cacher leurs regards courroucés, l'un grondant l'autre à peine arrivé. Elle, elle sert du vin à ses invités et s'en prend une généreuse et délectable lampée, elle admire et elle éclate de rire, toujours. Son regard est perçant pour le duo qui parle à voix basse mais pétillant pour l'épris qui lui susurre à l'oreille. Elle ne l'écoute pas et lui accorde à peine une seconde d'attention, pourtant ses hochements de tête et ses rires cristallins camouflent son indifférence à la perfection. Ce n'est pas la première fois qu'elle enfile le masque de l'une quand sa vraie intention est d'en jouer une autre.
Elle n'est que camouflage Béatrice, elle n'est que ruse et secrets, elle ne vit que pour cela et eux deux semblent bien trop tenir à leur conversation pour qu'elle ne meure pas d'envie d'entendre chaque détail, de gratter chaque bribe. Ils visent le jardin apparemment, elle y a des demoiselles de postées, pourtant elle ne leur fait pas assez confiance pour daigner leur dédier la mission d'espionner les deux visages inconnus venus sur son territoire à elle. Le territoire ne lui appartient pas mais elle se plaît à l'imaginer sien. Ils sont une menace quand bien même elle n'est dans le camp de personne, lorsqu'elle se persuade savoir les attraper au vol, désireuse et avide d'entendre la totalité de leurs intentions, aujourd'hui ou demain, dans une heure ou à l'instant.
Le jardin donc. D'un nouveau rire, elle quitte la pièce, calcule déjà le reste.
Le regard perçant de son cousin ne laisse transparaître que froideur et mépris, quand bien même ce dernier fait bonne figure en restant à une distance raisonnable et sans oser prononcer un mot plus haut que l’autre. En somme, si Jean arrive à le distraire ou à se faire distraire par les nombreux mérites de la cour actuellement rassemblés dans la pièce, il peut espérer s’en tirer tranquille pour ce soir - à défaut de pouvoir espérer l’être définitivement. Il n’est pas d’humeur à parler politique, stratégie, loyauté, mission, et tout ce tas de mots qu’il a bien vite fait d’oublier lorsqu’on place un verre de vin et des cartes dans ses mains, et le bras d’un femme autour du sien. Alors il tente de faire traîner la conversation, d’afficher son plus beau sourire poli en continuant de balader son regard sur les courtisanes qui perdent peu à peu leur raison au fil de la soirée. “Mon épouse a fait le voyage, elle aussi. Elle apprécie particulièrement la cour française. Plus que moi, si vous voulez tout savoir. Nous sommes ici pour une durée qui ne dépendra que du bon vouloir du roi.” “Vous me voyez ravi de l’apprendre.” Ou non. S’il ne s’agissait que du bon vouloir du roi de France, nul doute que Jean pourrait espérer voir cet homme faire le chemin inverse d’ici peu - mais il n’était pas assez naïf pour penser que l’Hollandais n’avait pas prévu de justifications suffisantes pour faire durer sa présence à la cour. A bien y réfléchir, de quel roi parle-t-il ? La conversation commence à prendre un tour qu’il apprécie peu. “Il y a une affaire dont je dois vous entretenir, mon cousin. Pourrions-nous rejoindre les jardins ?” Les jardins sont loin, mon cher cousin, ne pourrions-nous pas nous contenter des confortables assises qu’offrent le palais, qu’il aimerait répondre, mais il voit bien dans le regard de l’autre que cette idée ne lui conviendrait que peu et qu’il serait même capable d’insister. “Bien entendu, j’ai grand besoin de prendre l’air quelques instants.” Jean ne veut pas faire d’esclandre, et il est bien assez habitué à la cour désormais pour ne pas penser que personne ne les écoute - s’il refuse, cela serait suspicieux, et il doit à contrecœur suivre son cousin alors qu’ils quittent le dédale des grandes baies vitrées pour se retrouver à l’air libre. Le parc offre un tel espace qu’ils seront plus tranquilles, assurément - mais tranquille, Jean ne l’est pas, et il veille à ne pas s’aventurer dans des recoins où personne ne pourrait les voir. D’instinct - n’est pas espion n’importe qui, tout de même - il jette un oeil autour de lui, et remarque bien la courtisane à la chevelure de feu qui profite de leur aparté pour venir prendre l’air à son tour. Sans doute n’est-ce rien, mais Jean sait mieux que quiconque la facilité qu’ont les femmes à tendre l’entendre un peu trop facilement par ici. Alors, il tâche de ne pas parler trop fort, sans pour autant donner l’impression à ceux qui l’entourent qu’il cherche à camoufler ses paroles. “Je n’avais pas souvenir de votre visite. Quelles affaires vous pressent à la cour, mon cousin ?” Et cette fois, il prononce le dernier mot de manière bien trop appuyée pour être réellement plaisante, et son regard ne fait que prolonger ses pensées. Il est loin d’être le plus appliqué des hommes, et le meilleur des espions, mais il n’est pour autant pas le dernier des imbéciles, et ne compte en aucun cas se faire secouer sans répliquer.
Ici, il est purement et simplement impossible d'échanger un mot sans que les murs n'entendent, ne transforment, ne transmettent. Les murs ou les membres de la Cour, c'est au choix. Alexandre les a repéré, les paires d'yeux qui fixent et détaillent, par dessus les verres. Il y en a un plus glacé que les autres, de regard. Une femme. Alexandre a de toute façon décidé qu'il était temps de filer. Jean devra suivre. « Bien entendu, j’ai grand besoin de prendre l’air quelques instants. » Les jardins cela sera, alors.
Les portes passées, Alexandre se sent déjà un peu plus à l'aise. Le palais offre de magnifiques jeux de lumière mais c'est le jardin qu'il préfère, si bien organisé et pas tant peuplé. Les nobliaux manquent cruellement de goût, pour ne pas se laisser tenter du côté de la roseraie. L'on y croise toujours quelques amoureux, mais jamais trop de comploteurs. Alexandre connaît bien l'amour que le Roi porte à ses jardins, bien que ce dernier ne se presse plus souvent sur les terres qui environnent afin de se prêter à une partie de chasse. Le jardin offre de jolies cachettes dans lesquelles Alexandre n'amènera pas son cousin. Malgré la distance parcourue en silence, les mains liées sur les reins, les deux hommes sont suivis. Alexandre n'a pas besoin de jeter de regards en arrière pour comprendre que ce n'est pas un hasard, si la jeune femme de tout à l'heure tourne au même endroit qu'eux et emprunte les mêmes allées. Le temps est beau, après tout. Tout le monde a le droit de se promener. « Je n’avais pas souvenir de votre visite. Quelles affaires vous pressent à la cour, mon cousin ? » « Je suis venue vous donner des nouvelles de mon frère. Il est pressé d'avoir des vôtres. » Frère qui n'en est pas un, mais divulguer ne serait-ce que son second prénom serait de trop. Au regard d'Alexandre, son acolyte doit comprendre que ses exploits - ou plutôt, l'absence de ces derniers - sont remontés aux oreilles de leur connaissance commune. « Vos dernières lettres l'inquiètent. » Vos dernières lettres le courroucent. « Après tout ce qu'il a fait pour vous, il serait dommage de l'oublier. Il n'aime pas beaucoup l'irrévérence. »
Alexandre ralentit son pas au détour d'un buisson, quand personne n'est en vue. « Il songe à vous demander de rentrer au profit d'un duc dont j'ai oublié le nom. » Rentrer, c'est mourir. Et ils le savent aussi bien l'un que l'autre.
Jean se laisse aller à quelques pas dans les allées, prétendant plonger son regard dans les bassins dans lesquels luit le reflet de la lune, mais son air détaché n’est fait que d’apparences. Auprès de la plupart des courtisans, c’est pourtant ce qui lui as permis de se créer une place tout à fait confortable à la cour, où tout n’est justement qu’apparences et belles paroles - avec le bon titre, la prétention de quelques terres à redevance confortable, et des sourires charmeurs en prime, il est facile de devenir intéressant et d’attirer les attentions. Rien de tout ce qu’il prétend n’est vrai, bien évidemment, mais sa couverture est suffisamment bien ficelée pour que cela ne lui ait jamais posé aucune mésaventure, et il se complaît donc parfaitement dans son sourire de façade qu’il s’est presque mis à apprécier au fil des mois. Car ce sourire, c’est celui de la décadence, du jeu, du plaisir, c’est celui qui lui a ouvert les portes d’une existence qui n’était pas la sienne encore quelques années auparavant - et c’est sans doute à quel cause de cela, ou du moins en partie, qu’il a vite fait d’oublier les réelles raisons qui l’ont menée là où la vie est si douce. “Je suis venu vous donner des nouvelles de mon frère. Il est pressé d'avoir des vôtres.” Il ne fait aucun doute que ce prétendu frère n’est qu’un écran de fumée, d’autant plus que Jean ne connait même pas le vrai nom de son cousin, et donc encore moins la famille qu’il est censé partager. “Vos dernières lettres l'inquiètent.” Et aussi simplement que ça, Jean fixe enfin cet homme qui a désormais son attention pleine et entière, car ses paroles ne présagent rien de bon. “Après tout ce qu'il a fait pour vous, il serait dommage de l'oublier. Il n'aime pas beaucoup l'irrévérence.” Jean n’apprécie pas l’idée de devoir se justifier auprès de cet homme qu’il n’a aperçut que quelques fois au détour d’un couloir, cependant l’heure ne semble plus être aux échanges cordiaux, mais au besoin de sauver sa peau. “Soyez assuré que ce n’est aucunement mon intention.” Il lui offre un sourire aussi faux que ses titres de noblesse, tandis que l’autre ralentit alors qu’ils approchent d’un coin plus tranquille - ce qui ne signifie pas pour autant que Jean peut se permettre d’empoigner cet inconnu et de lui passer l’envie de venir le chercher, même si l’idée lui a traversé l’esprit durant une seconde. “Il songe à vous demander de rentrer au profit d'un duc dont j'ai oublié le nom.” Jean jette un regard aux alentours pour s’assurer qu’ils ne sont pas écoutés, puis tombe enfin une partie du masque. “Au profit de vous-même, peut-être ?” Son sourire jusque là poli devient plus mauvais, plus sournois. “Mes prochaines lettres sauront le satisfaire.” Du moins, si Jean récolte enfin les informations qu’il a traîné à rassembler. “Je ne peux cependant vous donner plus de détails, au vu de l’importance de nos échanges. Il ne faudrait pas qu’ils tombent entre des mains mal avisées.” Parce qu’après tout, a-t-il ne serait-ce qu’une preuve que cet homme vaut mieux que lui ?