Je le laisse seul cinq minutes et il fait pleurer quelqu'un : il est épatant Yele, il aurait pu être mon frère, il aurait pu avoir le même sang que moi que j'en aurais été franchement fière. Lui il reste là, pantois, à se moquer comme un con quand je me suis fait chier un bon nombre de minutes à commander mon verre à moi toute seule parce que c'était clairement pas fait qu'il allait gagner cette partie-là avec sa grande silhouette désarticulée qui sait se faire remarquer au bar.

Elle se tire en passant à mes côtés, je la dévisage avec toute la condescendance dont je suis capable, c'est à dire des kilos et des litres. Elle est petite la gamine, elle est blonde peroxydée et elle pleure, j'suis sûre que j'ai vu des larmes c'en est presque attendrissant non pas du tout, rien, zéro. Évidemment qu'il ne la suit pas, évidemment qu'il la laisse se couvrir de ridicule dans un bar qui l'aura oubliée la seconde d'après, la musique bien trop forte et les éclairages bien trop agressants pour qu'elle y laisse une trace autre que celle de ses pas qui se précipitent vers la piste de danse ou la sortie, j'ai pas remarqué sans que ça étonne personne.

« C'est qui? » c'est pas mes affaires, et c'est probablement pour ça que je demande, le sourire immense, les yeux brillants, toute mon attention rivée sur Yele et sa chemise détrempée. Pauvre bébé. « Ta copine à qui tu viens de briser le coeur? » les scénarios les plus improbables remontent les uns après les autres, ma voix chante la suite. « Ta voisine à qui tu viens de dire que tu prêteras pas de sucre? » je pouffe de rire, fronce du nez, je sais même pas ce qu'il fait dans la vie ou même où il habite, c'est pas comme si j'avais demandé ou si j'avais la moindre envie de m'y intéresser. « Une conne qui pensait être plus intéressante que moi et que t'as remise vite fait à sa place? » mes paupières battent la mesure et mon sourire fait pareil, quand il sait bien qu'il trouvera pas meilleure compagnie que la mienne pour célébrer la victoire du soir. Ni maintenant ni jamais.

Elle est partie presque en courant la gamine. Et il a sourit Yele, de toutes ses dents. Il lui aura fallu moins de 5 minutes pour la faire pleurer, qu’est ce qu’il est bon à ce jeu là le Blythe. Et il ne regrette même pas, n’éprouve aucune peine, aucune compassion pour cette fille. Pourquoi il en éprouverait ? Il ne la connait pas, et il ne l’aime vraiment pas. 2 rencontres, et il a gagné à chaque fois. Elle ferait peut-être un bon punching ball quand il a besoin de s’exercer à envoyer des piques plus cinglantes les unes que les autres. Mais elle est trop bon public, elle se brise bien trop facilement, une brindille qui n’intéresse personne. Qui pourrait s’intéresser à un truc pareil ? Oh s’il savait Yele.

Et la rousse revient, avec un seul verre. Il ne fait même pas de remarque, c’était tellement prévisible. Il va devoir aller se chercher un verre, plein, et il espère que cette fois il croisera quelqu’un capable d’utiliser ses mains correctement. “Une conne.” Il ne connait pas son prénom, il n’a même pas envie de le connaitre. Par contre, elle, elle a tenté de prononcer son prénom. Elle l’a mal fait, comme la majorité des gens de cette planète, mais comment elle a bien pu le savoir ? Ginny peut-être ? Bref, il s’en fiche. Il ne retournera pas vers elle, plutôt crever. Il le montre le haut le coeur qu’il a quand elle parle de copine. “Tu me prends pour qui ?” Il fronce les sourcils, il ne toucherait jamais à ça. Il se tait quand elle parle de voisine, il n’a pas de voisin, il n’a pas d’appartement. “Plus intéressante que toi c’est pas difficile à trouver.” Il hausse un sourcil, elle est aussi du genre à piquer la rousse. Une fille à sa hauteur, une avec qui il peut avoir une vraie discussion. Et ça se fait de plus en plus rare de nos jours. Toutes les femmes qu’il rencontre deviennent des écervelées qui pensent plus à leurs soirées qu’à leurs cerveaux. Affligeant. “Elle t’arrivait pas à la cheville.” Qu’il avoue parce qu’il ne ment jamais Yele, il n’en voit pas l’utilité. “Je suis déçu que tu sois pas arrivée quelques minutes plus tôt on aurait fait un malheur.” Elle serait sûrement morte d’une crise cardiaque. Ou Ariane l’aurait tué en la brisant en deux morceaux à cause d’une pichenette.

“Une conne.”
« Elle pleurait ou c'est juste moi qui rêvait éveillée? »

Il y va pas doucement Yele, et ça a le don de me faire rire. C'est juste une miette dans son monde, un grain de sable dans son sillage. Il l'a déjà oubliée et probablement même qu'on est les deux seuls au monde à parler d'elle aussi longtemps tant elle ne laisse pas de marque tangible et entre vous et moi c'est pas plus mal. Une autre pauvre petite poupée fragile et tout sauf mémorable. “Tu me prends pour qui ?” mes suggestions sortent et s'alignent, s'amusent. Lui il est curieux, et moi, je fronce du nez un peu plus. « Tu veux pas savoir. » en soit rien de bien mauvais, rien de bien méchant. Il a le stamp of approval de Saül, il passe donc les qualifications pour le moment. “Plus intéressante que toi c’est pas difficile à trouver.” okay finalement il peut crever avec sa conne dans la prochaine minute que j'en aurai rien à chier. “Elle t’arrivait pas à la cheville.” « J'aime mieux ça. » tu l'as échappé belle, mon gars.

“Je suis déçu que tu sois pas arrivée quelques minutes plus tôt on aurait fait un malheur.” ça, ça m'amuse. Ça, ça me donne envie de voir si on est une aussi bonne équipe à terroriser les gens qu'à terroriser sa Barbie pouliche. « Elle est pas très loin encore, j'suis sûre qu'elle rêve que tu essaies de la rattraper. » et qu'accessoirement je reste dans les parages pour bien l'effrayer. Mais pour ça, faudrait que j'en ai envie et autant Yele que moi, je pense qu'on a déjà abandonné le plan tant elle nous ennuie.

« Ta chemise est trempée. » je constate, le pique un peu, en rigole pas mal. « Et t'es à sec. » 1 + 1 rend la chose facile à capter, n'en reste que mon nouveau jeu de la soirée sera de lui trouver un truc à boire. Et surtout, surtout, de voir si la brunette au bar qui lui fait les yeux doux vaut la peine ou si elle aussi, on l'ajoute dans la case de celles qu'on déteste.

Oh que oui elle pleurait la blonde, et ça le fait sourire. Un grand vrai sourire. Il lance un regard à Ariane, elle comprendra qu’elle pleurait vraiment, qu’il a fait ça en moins de 5 minutes et que lui aussi est très fier de sa prestation. Il n’a pas besoin de répondre, son sourire et son regard parle pour lui. Elle peut bien garder pour elle son explication, moi je sais ce que je vaux et j’ai pas besoin de l’avis de la rousse quoi qu’elle pense. Bien sûr que la blonde n’arrive pas à la cheville d’Ariane, mais en même temps cette fille ne sert absolument à rien. Elle ne fait que pleurer, tomber et se plaindre, tout le contraire d’Ari. Et c’est certainement pour ça qu’il est bien plus content de passer sa soirée avec Ariane qu’avec l’autre folle. “Comme si mon avis importait.” Elle non plus elle n’a besoin de l’avis ou de l’accord de personne, ils sont semblables les deux.

“J’ai autre chose à foutre.” Que rattraper la pleurnicharde qui a dû tomber parce qu’elle est sûrement pas capable de pleurer, penser à où est la sortie et marcher en même temps. Ca fait beaucoup d’informations pour un si petit cerveau. “Je perds pas du temps pour ça.” Le temps de Yele est précieux, et elle ne mérite pas une seule seconde d’attention de plus. “On peut toujours aller chercher une autre gamine naïve à terroriser.” Oh que cette idée est alléchante, mais à deux, personne ne tiendrait plus de 10 secondes devant eux. C’était mission impossible. Même Satan s’inclinerait devant le duo qu’ils forment. La vraie grande soeur qu’il n’a jamais eu.

Sa chemise est trempée, “Heureusement que t’es là j’avais pas remarqué.” Et apparemment y’a toute une histoire de machine à laver et tout pour que cette putain de tâche parte. Il a déjà su faire fuir la première alors il devrait se débrouiller avec celle sur sa chemise. Et s’il ne veut pas le faire il aura qu’à la jeter à la poubelle. “Tu proposes quoi ?” Il est à sec, et elle a toujours été de très bon conseil quand il s’agit d’alcool. Alors il la laisse donner une réponse, et si ça ne lui plaît pas il boira autre chose. Il ne finira pas un verre qu’elle lui donne s’il n’aime pas l’alcool qu’elle a mis dedans.

Elle est loin, la blonde, elle est envolée et évidemment qu'elle est déjà oubliée. “Comme si mon avis importait.” « Blablabla c'est elle que tu fais pleurer pas moi mon gars. » c'est ça qu'il y a de bien avec Yele, c'est qu'il sait à quel point j'en ai rien à battre du reste du monde quand on est tous les deux.

La musique est agressante, elle ne me laisse pas lui dire à quel point il a l'air d'une loque avec sa chemise détrempée que je recouvre la minute d'après en lui prêtant ma veste de jeans. Il est pris entre deux styles le brun, et ça en d'autres choses ça me fait bien rire. Il me fait bien rire. “J’ai autre chose à foutre. Je perds pas du temps pour ça.” encore heureux, son temps est important, bien plus que le mien, j'y veille au grain. “On peut toujours aller chercher une autre gamine naïve à terroriser.” « Trop facile, on mérite un peu de défi. » après la victoire au poker et après sa première victime de la soirée, il est temps d'évoluer. Mes yeux se perdent sur la foule, les corps se multiplient et ils sont nombreux, ceux qu'on pourrait effrayer. Pourtant, y'en a encore aucun qui a gagné la marque de mon intérêt.

“Heureusement que t’es là j’avais pas remarqué.”
« Fuck you. »

Mes paupières qui battent la mesure, c'est juste pour lui rappeler qui est l'aînée d'une année et demi à peine, qui tient les rennes.“Tu proposes quoi ?” son nez s'insurge déjà avant même que j'ai choisi quand je le connais par coeur le gamin, quand c'est aussi facile de sélectionner quelque chose sur le menu que de dire tous les défauts de l'autre nunuche qui tout à l'heure le faisait rager. « Fais pas ta fine gueule d'anglais sinon je te commande un martini et tu fais dans le parfait cliché. » la menace n'en est rien quand tous les deux on apprécie toujours un bon shaken not stirred, mais n'en reste que c'est sur un scotch, neat, sans glace et double que je fais ma sélection. « On t'a pas appris à être poli et à dire merci? » le verre est entre ses paumes, je l'attends la dédicace d'amour et d'adoration.

Puis, boire un verre rien que pour boire un verre m'emmerde. « Tu veux rentrer seul ou accompagné ce soir? »

Il est toujours aussi calme Yele, bien dans ses bottes, et il ne ressent pas la moindre culpabilité. Elle a qu’à partir la blonde si Yelahiah ne lui va pas même s’il aurait aimé lui gueuler dessus un peu plus longtemps pour passer ses nerfs. “J’aurais essayé.” Mais elle ne pleure pas Ariane, ils ne sont pas du genre sensible et pleurnichard dans la famille. La tâche sur sa chemise est énorme, et absolument affreuse. Il aurait tenté de la cacher si Ariane ne lui avait pas passé sa veste en jean. Il grimace, la veste d’Ariane est trop courte et ne va pas du tout avec le pantalon de costume qu’il porte. Oh qu’il la déteste de rire comme ça. Il la bouscule légèrement par l’épaule en sachant qu’il ne fera qu’accentuer les rire de la rousse.

Pas de nouvelle gamine à terroriser, ils méritent apparemment plus de défi. Les Parker jouent dans la cours des grands, ils ne perdent pas de temps avec le reste de la population, ils n’en valent pas la peine, et leur temps et bien plus précieux que le reste du monde. Blablabla elle se répète Ariane, toujours la même chose et les même mots. Et Yele répond toujours par les même gestes. Une routine, des habitudes, ils en ont des tas tous les deux depuis le jour où ils ont pu se retrouver tous les deux à Brisbane. Il y a aussi Wyatt, mais lui, il préfère ne pas y penser tout de suite. Il n’est pas là, et c’est mieux comme ça. Il serait sûrement en train de gueuler parce que Yelahiah n’est pas capable de garder une chemise propre. “Critique pas les anglais.” Parce qu’il est anglais dans son coeur et dans sa tête depuis toujours il a l’impression. Son accent parle pour lui. “Pourquoi toi on te l’a appris ?” Il hausse un sourcil le gamin prétentieux. Il n’est jamais poli, et certainement pas avec sa soeur. Et le verre est déjà à moitié englouti. “Tu sais que je rentre rarement accompagné.” Les coups d’un soir, ça n’a jamais été son truc. “C’est toi qui vas me raccompagner !” Et il passe sa main dans les cheveux roux d’Ariane pour ébouriffer ses cheveux. Oh qu’elle n’aime pas ça la gamine.

“Critique pas les anglais.”
« Sinon quoi? »
“Pourquoi toi on te l’a appris ?”
« J'étais occupée à surveiller tes arrières à la place d'écouter les enseignements de ma chère mère. »

Les piques volent et fusent, mes yeux le lâchent pas une seule seconde pourtant. C'est toujours comme ça quand Yele est dans les parages, y'a que lui qui existe. Y'a que lui et sa gueule de merde et ses idées toutes aussi merdiques en soi. N'en reste que les années à avoir été séparés l'un de l'autre remettent les choses en perspective, et que maintenant, autant on peut se détester une seconde, autant ma vie n'aurait pas de sens s'il en sortait la seconde d'après.

“Tu sais que je rentre rarement accompagné.”
« Personne t'intéresse vraiment, personne est à ta hauteur blablabla je sais. »

Je joue les filles faussement blasées, roulant des yeux, faisant office de grande soeur ennuyée par ses élans de responsabilisation qui n'en ont que le nom. Mais la vérité c'est qu'égoïstement je suis plus qu'heureuse que sa soirée entière me soit dédiée à moi et rien qu'à moi. Le reste du monde on l'oublie, c'est ce que j'ai déjà dit. “C’est toi qui vas me raccompagner !” « J'allais dire que tu savais clairement comment me parler - mais là t'es mort. » le grognement devrait pas lui sembler sortir de nulle part quand sa main se dégage de mes cheveux. La morsure qui s'attaque à sa paume par contre, s'il en sursaute pas, je hurle à l'abus.

La musique reprend en vigueur, on se dégage du bar pour aller se poser là où il fait bon juger le peuple comme les deux grands cons qu'on peut être. Si certains détestent le silence nous on l'aime, surtout quand ils nous permet de prendre le temps de jauger l'autre. En l'état, c'est Yele que je jauge. Lui qui a si bien performé au poker ce soir. Lui dans ses fringues de riche, lui et sa chemise tachée, lui et les milliers d'épaisseurs d'apparences qu'il a mises de l'avant. Et c'est là que tout s'additionne, c'est là aussi que je me bénis de le connaître par coeur, qu'il me détestera pour les mêmes raisons. « Tu vas me dire ce qui va pas ou je dois te menacer encore un peu? » y'a un truc qui cloche, dans son personnage. Y'a un truc qu'il me dit pas, y'a un truc qu'il me cache, et il me cache rien d'habitude, l'inverse étant toute aussi vraie.

Ça fait partie du deal d'être mon frère, que je sache tout, sur tout. C'est ce dont je m'attends de sa part et ce dont il s'attend de la mienne, sans surprise. « J'ai tout mon temps. » et un verre encore plein, étonnamment.

”Sinon je me casse critiquer les australiens à Londres.” C’est sa ville, son pays de coeur. Il aimerait y vivre seulement avec Ariane. Ils feraient un duo d’enfer dans cette grande ville. Il lui proposera de l’accompagner un jour, sans être sûr de pouvoir faire le chemin inverse un jour. Il la regarde avant de rouler des yeux et de soupirer bruyamment. “On se demande qui a toujours dû assurer les arrières de qui.” Il grognerait presque. mais il sait qu’il a dû la sauver à peu près autant de fois qu’elle a dû le faire pour lui. C’est donnant donnant, ils n’ont pas besoin de compter le nombre de fois où c’est arrivé, et ils ne compteront pas le nombre de fois où ça arrivera encore. “C’est bien t’apprends vite !” Il hausse un sourcil quand elle dit tous les mots qu’il aurait pu dire si elle ne l’avait pas devancer de quelques secondes. C’est la personne qui le connait le mieux, et il ne le regrette pas une seule seconde. “Vas y je t’attends t’en es pas à ta première menace.” Elle ne lui fait pas peur, elle n’est pas dangereuse avec lui. C’est bien la seule personne avec Wyatt qui peut ne pas avoir peur de la rousse.

Elle le voit que ça ne va pas, ça fait des semaines qu’il l’évite. Elle ne sait pas qu’il n’a plus d’appartement et qu’il se noie dans l’alcool et les jeux d’argent. Mais elle a décidé que c’était aujourd’hui qu’elle posait les questions et elle est tenace la Parker. “Tu devrais tenter la menace.” Il joue avec son verre en le faisant tournoyer entre ses doigts sur le bar. Il est possible qu’il soit en train de chercher une issus pour s’enfuir de ce bar sans qu’elle ne puisse le rattraper. “Y’a rien à dire.” Ca va l’énerver qu’il essaie de mentir alors qu’il n’en a jamais été réellement capable en général, et qu’il n’en a jamais été capable avec elle.

“Tu devrais tenter la menace.” et lui il devrait tenter d'arrêter de jouer au petit con en croyant que je vais continuer de le laisser s'en sauver. Les autres fois où on a bien pu se croiser il a toujours fini par laisser l'info passer, par me distraire d'un sachet de cachets ou d'un joint de plus. “Y’a rien à dire.” si à ses yeux y'a rien à dire c'est qu'à mes oreilles y'a tout à entendre. Le fait que je le fixe avec mes prunelles acérées devrait lui donner au moins une petite et claire idée de l'angle que vient de prendre la soirée.

Il est comme moi Yele, on est pareils même si on a été élevés l'un l'autre aux extrémités ou presque de la planète. Si je me fie à ce schéma, pour le faire avouer et cracher le morceau donc, faut agir bien plus que parler. Procédons, donc. « Okay oublie les menaces. » un coup de poing vient se heurter sur son bras le temps que ses doigts qui se refermaient sur son verre lâchent leur poigne sous l'élan de la surprise. Ma main rattrape le réceptacle pour en vider son contenu vite et bien cibler sur sa pauvre chemise déjà sale déjà noyée anyways. « Ça, c'est plus efficace. » et il sait que ça, c'est aussi le nombre de claques derrière la tête qu'il aurait besoin de ma part. Et probablement même aussi de celle de Wyatt. Qu'il fasse gaffe le junior, à ce que je décide pas de ramener notre aîné ici pour qu'on fasse une intervention à Yele en bonne et dûe forme advenant le cas où il se mure encore dans son silence.

« Parle, Yele. » le soucis, avec le fait de partager ma chair et mon sang, c'est que je te lâcherai jamais peu importe à quel point tu me repousses. La Terre entière pourrait crever à mes pieds que je ne le remarquerais même pas. Mais que Yele tire la mine et qu'il évite le sujet ne font qu'empirer mes inquiétudes. Et il le sait le gamin, je gère très, très mal l'angoisse de m'en faire pour lui.

Il n’a pas envie de parler. Il ne veut pas parler de tout ce qui va mal dans sa vie, même pas à Ariane. Mais elle sait la rousse que quelque chose ne va pas, elle le sent parce qu’ils se connaissent par coeur. Et, ce soir, il déteste cette idée. Elle le regarde avec insistance, mais il va tenir Yelahiah. Il va essayer du moins. Parce qu’elle est tenace la grande soeur, elle a des moyens de pression qu’il déteste. Et celui là il le trouve affreux. Elle oublie les menaces, elle donne des coups désormais. Elle lui donne des tapes derrière la tête et Dieu sait qu’il déteste ça. Et il déteste aussi qu’elle lui verse un verre entier sur sa chemise. Il grogne et lui lance le regard le plus noir qu’il ait en banque. Il la déteste, pourtant cette soirée commençait si bien. “Stop.” Il attrape sa main pour qu’elle arrête de lui frapper l’arrière du crâne. Wyatt a toujours été meilleur qu’elle à ce jeu là de toute manière.

Il la lâche et s’éloigne. Il fait deux mètres de plus qu’elle il devrait réussir à la semer pas vrai ? Elle ne le retrouverait pas dans les ruelles de Brisbane s’il arrive à la perdre (Bien sûr que si elle arriverait à le retrouver c’est ça le pire.) “La ferme.” Et il se faufile entre les corps pour sortir du bar. Mais elle le suit, elle le rattrape et il se sent coincé le con. Il regarde partout autour de lui, à la recherche de la première échappatoire mais ses yeux finissent par plonger dans ceux de sa grande soeur. “Y’a rien à dire arrête c’est bon.” Il ne veut pas qu’elle comprenne à quel point il est tombé bas, a quel point il a tout perdu et il ne retrouve plus rien. “Tu veux pas savoir.” Bien sûr que si c’est ce qu’elle veut, parce qu’elle n’imagine même pas ce qu’il a pu faire le con.

Il fait chier Yele. Il fait chier et c'est entièrement ma faute, c'est ça le pire. Parce que c'est moi et moi seule qui l'a élevé comme ça. C'est moi qui lui a montré que c'était pas juste important d'avoir une carapace, mais que c'était absolument essentiel. C'est moi qui lui a dit que dans la vie, à la seconde où tu dévoiles la moindre fissure, la moindre cassure, c'est là où le monde en entier se prend de manigance et de malveillance, là où tu dois te méfier de qui que ce soit parce que d'en avoir dévoilé des miettes de bribes te foutra dans la merde et te rendra vulnérable en un claquement de doigt.

Il va pas, il dira rien, il se tire même, je roule des yeux assez fort pour craindre pour mon pauvre nerf optique qui en a vu par milliers, des moments où je l'ai tordu. Mais bien sûr que je le suis dans le bar, bien sûr que je nous commande deux verres de plus, bien sûr aussi que j'en ai rien à chier de Wyatt et de sa règle tacite de me dire quand je ramène Yele à l'appart. Leur guerre de frères que je déteste presque autant que je déteste Yelahiah en l'instant, lui qui est plus fermé qu'une huître. Lui que je laisserai pas seul même s'il fait tout pour que ça arrive. « Très bien, garde ta merde pour toi. » qu'il joue à ce jeu-là, je jouerai au mien. « Mais tu dors chez moi ce soir. Fin de la conversation. » voyez comment j'ai retiré notre aîné de l'équation, voyez comment je suis fourbe sur les négociations.

On nous sert nos verres, et même si je partage un dernier et plus soutenu encore coup d'oeil vers mon frère, je sais qu'il va finir par cracher le morceau. Un jour. C'est lui le pire au final : s'il me dit rien ce soir, j'aurai tout le temps du monde pour mariner les pires scénarios du monde et ainsi lui revenir du revers encore plus alarmiste et encore plus suffocante la prochaine fois. Il est pas prêt pour ça.