Je suis éliminée. Ca m’énerve et je n’ai pas vraiment envie d’aller m’amuser avec le monde entier. Parce que je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire pour remplir de nouveau mon compte en banque. Il faut que je trouve une solution, et je refuse d’aller pleurer chez mon père. Je vais m’en sortir, et je vais trouver une solution. Je suis assise dans un coin, une clope à la main et je pensais rester seule pendant un moment. Je m’en veux, et j’en veux à ce putain de chameau qui nous aura pourri la vie pendant une longue, très longue semaine. Greg a fait des siennes et au moins j’ai pu me défouler en lui mettant ma main en plein visage. C’est tout ce qu’il mérite ce con.

Je ne sais pas quelle heure il est, je devrais sûrement être dans ma chambre à cette heure là. J’aurais dû rejoindre Martin depuis un moment déjà mais je n’ai pas la force d’aller le voir maintenant. Il se sent toujours obligé de me dire que ce n’est rien, et qu’il ne m’en veut pas. Très bien. Je m’en voudrai bien assez pour deux, pour mille même. Je déteste perdre, et je réfléchis déjà à toutes les manières possibles de détruire cette émission et chacun de ses producteurs un par un. Mauvaise perdante ? A peine. Je rage parce que je n’ai pas pu contrôler, je n’ai rien pu faire pour faire avancer cet animal. Ils voulaient sûrement m’éliminer, et ils ont réussi.

C’est toujours dans ces moments là, ceux où j’ai envie d’être seule et où je suis au maximum de ma colère, que Jack débarque à côté de moi. “La plage me manque.” J’aurais voulu passer ma soirée sur le sable et écouter le son de l’océan pour tenter de me calmer. Je n’ai rien à lui dire à lui ce soir, au contraire. C’est peut-être la seule personne que je peux supporter plus de 5 minutes. “Je vais devoir partir demain.” Est ce que je vais lui manquer ? “T’as plutôt intérêt de gagner !” Je tourne pour la première fois mes yeux vers lui. C’est la fin d’une aventure, la fin de notre alliance qui a connu beaucoup de hauts et de bas, peut-être même la fin de ce lien qu’on a créé parce qu’on était loin de tout et qu’on avait le droit.


@Jack Epstein

“La plage me manque.” il déteste la voix qu'elle arbore Ivy, quand il s'approche d'elle au ralenti. Elle est seule, clope glissée entre les lèvres, et il aurait pu parier qu'elle souhaitait le rester. Mais ç'aurait été tout sauf lui de la laisser broyer du noir et ses démons avec, surtout pas ce soir et surtout pas qu'envers et que contre elle-même. “Je vais devoir partir demain.” alors il se pose à côté d'elle, faisant bien attention à lui laisser un peu d'air, à lui donner le temps bref mais conséquent s'accommoder à sa présence. La proximité entre eux s'est jouée en dents de scie depuis le début de l'aventure, il gâchera pas tout encore une fois. “T’as plutôt intérêt de gagner !” son rire est sec, las. Il était pas là pour gagner au départ. Par contre, entre elle et Colleen, il a envie de leur prouver sa valeur, il a envie de stupidement les rendre fières. Quel gamin.

« La plage me manque aussi. » qu'il souffle, espérant qu'elle a apprivoisé le fait qu'il soit posté à côté d'elle quand il finit par passer son bras autour de ses épaules, la ramener vers lui en lui laissant un gage de marge de manoeuvre si elle souhaite pour une raison ou une autre qui lui appartient à elle seule de se décaler d'emblée. « T'as fait tes valises, déjà? » il anticipe qu'elle doive partir, lui donne même une raison sur un plateau d'argent si elle a envie de se tirer et de le laisser derrière avec ses tentatives ratées de la rassurer. La seule chose qu'il déteste plus que la voix qu'elle a pris pour lui parler, c'est le coup d'oeil dépité qu'elle lui a lancé. « Tu sais, je nous voyais en finale ensemble. » qu'il souffle, les cheveux de la blonde lui chatouillant sa joue sans qu'il ne bouge d'un centimètre pour autant.

« J'ai trouvé un paquet, râle pas. » la seconde d'après il lui pique le plus délicatement dont il est capable de ses doigts gercés la clope du bec, l'inspirant longuement. Il la remplacera par une nouvelle dès qu'elle en demandera une, une promesse de plus entre eux deux.

Je regarde longtemps devant moi avant d’entendre ses pas qui se rapprochent. Je n’ai même pas besoin de me retourner pour savoir que c’est lui. C’est toujours Jack qui finit par apparaître dans ce genre de moments. Et cette fois, je ne l’éloigne pas, je ne pense pas vraiment en avoir la force. Je fume, et j’attends qu’on me dise que je dois rentrer à Brisbane. Je ne sais pas quoi faire, gagner c’était la seule solution que j’avais prévu pour l’argent. Qu’est ce que je vais devoir faire maintenant ? Je ne montre rien, je me maudis moi-même d’avoir perdu cette manche, et d’avoir éliminé Martin au passage. Lui qui ne m’en veut pas, moi qui m’en veux pour deux, pour 1000 même.

Je commence à parler, la plage, je la retrouverai à Brisbane, demain, sans Jack. “Non” Non parce que malgré toutes les horreurs qu’on a vécu ici je n’ai pas envie de partir. Son bras passe autour de mon cou et ma tête se pose instinctivement sur son épaule. J’ai toujours pas tourné la tête vers lui, et je n’ai plus envie de bouger de cet endroit. “Ca aurait été un combat de titans.” Il me fait sourire parce que je sais que ça aurait été la plus belle combinaison. On aurait fait de la bonne télé, et ça aurait été parfait pour tout le monde. Mes doigts s’enlacent aux siens et je soupire. Ca n’arrivera plus, parce que la vraie vie nous attend à Brisbane. Celle où on a jamais été amené à se voir aussi souvent que pendant ces dernières semaines.

Il attrape la cigarette que j’ai entre les lèvres, “J’ai pas râlé.” Je m’apprêtais à le faire, alors je serre un peu les dents. “J’ai le droit de râler là ! J’ai été éliminé je te rappelle. Et je passe à côté de 100 000$ et de deux semaines à passer à la télé.” Je lève les yeux au ciel, je ne sais pas ce qui m’embête le plus. Il ne sait pas Jack, personne ne sait à part moi, ça a toujours été comme ça.

Elle se blottit un peu plus contre lui et c'est nettement la seule chose qui le rassure là de suite, Jack. Il se doute pas une seule seconde qu'elle rage, qu'elle aurait arraché la tête au monde entier en un claquement de doigt si elle avait pu - il l'aurait même laissé arracher la sienne si ça l'avait calmée un peu.

“Ca aurait été un combat de titans.”
« Tu m'aurais tué comment pour gagner? » qu'il nargue, sachant très bien que jamais il n'aurait été en mesure de choisir entre mener Colleen à la victoire ou céder la place à Ivy sans qu'elle ne réalise une seule seconde qu'il aurait fait exprès de perdre le plus volontairement du monde pour elle. Au moins, ce scénario-là de choix aussi horrible que cornélien n'arrivera pas et c'est déjà ça, de gagné. Ses doigts se sont enlacés à ceux d'Ivy ou alors c'est l'inverse, i la pas fait gaffe, pas eu envie de le remarquer.

La clope passe de ses lèvres à elle aux siennes à lui. Il inspire doucement, le paquet dans son jeans déchiré prêt à être partagé, entièrement consommé même s'il le faut. “J’ai pas râlé.” mais elle allait râler, il est presque sûr. Pourtant, il ne le pointe pas, calcule ses moqueries en douceur. “J’ai le droit de râler là ! J’ai été éliminé je te rappelle. Et je passe à côté de 100 000$ et de deux semaines à passer à la télé.” ses sourcils se froncent à Jack, quand sa main libre vient distraitement dégager une mèche brouillant la vue d'Ivy sans que ça ne soit d'une importance vitale. Il mâche des mots, les siens à elle surtout, incertain de leur signification. « C'est la télé ou l'argent qui va te manquer le plus? » depuis quand elle avait besoin de l'un, ou de l'autre?

Jusque là c’est léger, l’ambiance est légère malgré tout ce qui tourne autour de nous et tout ce qu’il se passe. J’ai encore du mal à réaliser que je n’ai aucune chance de le croiser pendant la semaine prochaine, pas de stop en commun, pas d’épreuves, rien. Je vais juste rentrer, et certainement faire comme si rien n’avait jamais existé. C’est ce qu’il va faire lui non ? Je suis persuadée que oui. C’était amusant, le temps d’une aventure, le temps de quelques semaines.

Je n’ai pas bougé ma tête de son épaule, je n’ai pas enlevé mes doigts d’entre les siens. “J’aurais pas osé.” J’aurais pu y réfléchir si ça avait été quelqu’un d’autre. Mais on était allié avec Jack, s’il gagne, je gagne non ? C’est pas comme ça que ça marche ? Le temps s’étire, le silence aussi. La cigarette qui fait des allers-retour entre mes lèvres et les siennes. Et j’imagine déjà toutes les prochaines qui vont suivre exactement le même chemin. Je n’ai pas envie de partir d’ici, et j’ai envie qu’il reste avec moi.

J’aurais pu râler, mais à quoi ça aurait servi ? Il l’aurait gardé la cigarette. Ou alors il en aurait sorti une nouvelle que j’aurais piqué à mon tour. J’aurais dû me taire je crois, parce que ce sujet je l’aime pas. Je le déteste même. Je n’ai pas envie de réaliser, j’ai juste envie de profiter de ce moment, mais c’est trop tard. Je pince mes lèvres et ma tête se relève rapidement. Trouve la l’excuse que tu as préparé depuis des semaines, pourquoi je sèche ? Pourquoi y’a rien qui sort et juste mes yeux qui paniquent et qui cherchent à regarder partout sauf vers lui ? Est ce que si je réponds que c’est ces moments-là qui vont me manquer le plus il me croirait ? Il le devrait, parce que ce serait la vérité. “Si je dis les deux ça marche ?” C’est pas la vérité, mais je préfère encore garder la vraie réponse pour moi. “J’avais juste besoin de tout.” Il ne voudra pas que je m’arrête là dans les explications, et ça me terrifie.

“Si je dis les deux ça marche ?” « Tant que ça marche pour toi ça marche pour moi. » il relativise, il tente de trouver un terrain d'entente, il ferait tout pour la dédouaner quand il se surprend à constater à quel point elle resserre fermement ses doigts contre les siens à chaque nouvelle expiration.

Ils l'imaginaient probablement tous mauvaise perdante Ivy, pourtant de la retrouver dans cet état lui serre le coeur à Epstein. Elle aurait eu toutes les chances du monde de continuer l'aventure, il lui aurait cédé sa place aux côtés de Colleen quinze fois et quinze autres s'il avait pu. “J’avais juste besoin de tout.” c'est au compte-goutte qu'elle dévoile ce qui la tracasse, bien au-delà d'une simple mention d'honneur, d'un podium, d'un trophée. Okay il a vraiment pas écouté ce que May disait au sujet de comment les gagnants seraient couronnés en fin de parcours.

« Pourquoi? » alors il tâte et il essaie, chuchotant à son oreille bien plus pour qu'elle se pose la question à elle-même que pour qu'elle lui fasse assez confiance pour la lui dire. Il se tâte à désormais prendre sagement sa place en retrait aux côtés de la blonde. Même si son bras à lui autour de ses épaules à elle suggère le contraire. « Qu'est-ce qui t'attends à Brisbane, Ivy? » et est-ce qu'il doit avoir peur de la voir y retourner? Est-ce qu'il doit flipper à se dire que là-bas elle en a des tas, des secrets à cacher? Il sait jamais où se mettre avec elle tant elle est un grand livre fermé. Alors à défaut de trouver la réponse, il ne fait que replacer leur étreinte, expirant une dernière bouffée de clope avant de la lui remettre doucement entre les lèvres. Si elle veut parler elle le fera. Sinon, ils resteront comme ça aussi longtemps qu'elle en aura besoin. Il est pas pressé Jack, il a tout son temps.

Il est toujours celui qui calme tout Jack, qui fait que les choses sont plus faciles à gérer. Il est prêt à prendre tout le blâme, tous les cris, et tous les coups possibles et imaginables juste pour que je finisse par aller. C’est le seul à faire ça. C’est aussi rassurant que terrifiant. Je n’ai jamais eu l’habitude de pouvoir compter sur quelqu’un. Est ce que c’est ce qu’il se passe en ce moment avec lui ? Est ce qu’il devient une personne sur qui je peux compter ? Je ne sais pas, je me méfie, encore et toujours. Il n’aura sûrement jamais toute ma confiance. “Tu penses à toi des fois ?” Moi je ne fais que ça penser à moi. Je suis toujours au centre de tout, et j’aime l’attention qu’il me porte. Mais ce n’est pas bon pour lui, je ne lui en dirais rien. Bien trop heureuse d’être le centre de son attention dès qu’on se retrouve ensemble.

J’ai besoin de tout. De l’argent, de la médiatisation. C’est bien plus vitale que tout ce que le monde peut penser. C’est le seul moyen de retomber sur mes pattes, et de ne pas avoir à aller supplier mon père. Je refuse de faire ça. “Je réponds à tes questions si tu réponds aux miennes.” Je ne dirai rien de personnel à ce point, je ne dévoilerai pas mes secrets juste après un simple pourquoi. J’ai besoin que lui aussi se livre, qu’il se sente aussi vulnérable. Je déteste cette sensation. Alors autant tout faire pour que je la partage. “Dis moi deux choses que personne ne sait sur toi.” S’il le fait je le fais aussi. S’il répond à ça je lui donne moi aussi mes réponses. Et je me surprends à espérer qu’il ne le fera pas, j’ai encore une échappatoire pas vrai ? J’ai encore une chance qu’il ne veuille pas parler de lui.

Ils se sont grattés un moment qu'ils n'auraient probablement pas dû avoir entre une élimination et la suite des événements. Un instant volé un peu entre tout le reste, glissé à travers les mailles du système que personne ne leur a refusé pour le moment. C'est fort probable qu'ils se feront déranger, qu'on leur demandera de retourner avec l'équipe, que les miettes seront balayées aussi vite. Il n'y pense pas pour l'instant Jack. Il attend, patient. Il ne veut être nulle part ailleurs de toute façon.

À quoi il pense, à l'instant? “Tu penses à toi des fois ?” « Pas le temps quand on pense tout le temps aux autres. » ses doigts fatigués, cornés des épreuves passées bien plus que de jouer de son ukulele repassent sur une de ses mèches blondes puis sur une autre, il les balaie aussi distraitement que ses mots volent naturellement. Il pense toujours au monde entier qui l'entoure avant lui, cause de tous ses soucis. Et il pense à elle plus qu'au reste aujourd'hui.

“Je réponds à tes questions si tu réponds aux miennes.”
« Deal. »

De toute manière, il n'a pas envie de lui cacher quoi que ce soit Jack. À quoi bon? “Dis moi deux choses que personne ne sait sur toi.” « Si personne le sait, qu'est-ce qui te dit que ce sera vrai? » on l'entend, le sourire malcommode dans sa voix. Celui qui reste même lorsqu'il pense à ses mots, même lorsqu'il cherche la véritable et juste réponse, la bonne. « Je suis tombé amoureux qu'une seule fois. Je me suis juré que ça arriverait jamais. » à ce moment même, pour lui, la bonne réponse reste la plus vraie.

« Ton tour. » sa part du contrat remplie, il attend sagement qu'elle en fasse la pareille. À nouveau, il souffle, bien plus par confort que par empressement. La clope commune n'est plus, c'est donc d'un naturel désarmant qu'il exhibe son paquet prêt à, comme il l'a promis, tout partager.

”Tu devrais penser à toi de temps en temps.” Je devrais être un peu plus comme lui, et il devrait être un peu plus comme moi. Ses doigts passent plusieurs fois dans mes cheveux sans que je ne fasse rien pour l’en empêcher. Ce contact ne me gêne pas, être proche de lui ne me gêne pas. J’ai laissé ma tête sur son épaule et mes doigts enlacés aux siens. On pourrait rester là en silence, mais on décide de parler. Il pose de vraies questions, et je donne de vraies réponses. C’est étonnant de voir à quel point c’est facile de parler avec Jack. Comme si je savais qu’au fond je pouvais lui faire confiance malgré tout ce qu’il se passe.

Il accepte, et je souffle un peu. J’avais osé espérer qu’il ne voudrait pas répondre aux questions, mais il accepte, et je suis. Il a l’air gêné, on est deux. Je ne comptais pas parler de mes problèmes à qui que ce soit, mais il est là Jack, toujours pour m’écouter quelque soit mon humeur du jour. “Parce que si je mens pas tu mens pas.” Je compte lui parler sincèrement, et je suis persuadée qu’il va faire la même chose. Il me parle d’amour et je hoche la tête. Je pince les lèvres pour éviter de poser des tonnes de questions. “Si tu l’as juré faut que tu tiennes tes promesses.” L’amour n’apporte que des problèmes, et moi aussi, je me fais la promesse que ça n’arrivera jamais.

Mon tour. Vraiment ? Je suis obligée ? Je me détache un peu, et je ne sais même pas par quoi commencer. Il y aurait des tas de choses que je pourrais dire là tout de suite. “Mon père m’a coupé les vivres. J’ai acheté un appartement, et j’ai presque plus d’argent.” Il reste sur mes compte assez d’argent pour que quelqu’un de normal vive des années sans soucis mais moi j’ai besoin de bien plus. “C’est pour ça l’émission.” Et je me sens terriblement gênée d’avoir parler de ça à voix haute. “A toi.”  

“Si tu l’as juré faut que tu tiennes tes promesses.” « C'est le plan. » il aurait pu pouffer devant leur sérieux qui ne fait pas du tout tache avec le reste. Pourtant il souffle, chuchote presque. Ils en sont aux secrets sans jamais l'avoir vu venir, ils se confient quand autant elle n'y est pas habituée que lui lutte à tout garder au beau fixe depuis des années.

Il a parlé et maintenant dans l'entente, c'est à elle de le faire. Il ignore d'ailleurs d'où elle vient la fameuse entente, quand au final ils n'ont jamais joué selon les règles ni pendant ROA ni depuis le tout début. Ils ont joué ouais, mais jamais avec autant de contenance. “Mon père m’a coupé les vivres. J’ai acheté un appartement, et j’ai presque plus d’argent.” qu'elle s'ouvre ainsi ralentit chaque mouvement qu'il perdait contre ses doigts, chaque expiration qui désormais est plus soutenue que la suivante. “C’est pour ça l’émission.” il hoche de la tête bien plus pour marquer l'avoir entendue que pour juger quoi que ce soit. La princesse qu'ils dépeignaient tous, la gamine née avec une cuillère d'argent entre les lèvres ; elle pouvait bien avoir envie de tuer l'univers en entier à chaque nouvelle remarque au final. C'était entièrement justifié.  

“A toi.”  « Mon studio croule sous les dettes depuis des années. » il ne laisse absolument aucune seconde passer entre les mots d'Ivy et les siens. Ils sont égaux désormais, avec leurs soucis causés par de l'argent qu'il hait, qu'il déteste, qui lui brûle les doigts et qui l'enrage pour une vie. « Si je change rien, mes artistes perdront tout et moi avec. » ses artistes d'abord et avant tout. Lui, il a rien depuis tellement longtemps qu'une éternité de plus ne lui fera pas un pli. Ses musiciens par contre, ça le casse en deux de le savoir, de le voir venir sans rien pouvoir faire pour l'éviter. « C’est pour ça l’émission. » la vraie raison, celle derrière le oui qu'il a laissé aller à Ellie quand elle lui a annoncé que sa candidature avait été retenue.

Ce moment est à part. Comme si le temps s’était arrêté, comme si je ne savais plus où aller pour que les choses évoluent. Ma tête est posée contre son épaule et nos doigts jouent les uns avec les autres. Et je parle, je me confie comme je ne l’ai jamais fait avec personne. Je ne sais pas si je vais le regretter, mais j’ai déjà l’impression d’être dans une impasse. Peut-être qu’en discutant avec Jack on trouvera une solution. Je ne suis pas la seule à parler, lui aussi me dit quelque chose que je ne savais pas sur lui. Mes yeux s’arrondissent mais je ne bouge pas, on faisait donc tous les deux cette émission pour une raison bien particulière.

Je ne dis rien, et le silence se fait pendant de longues minutes. Je réfléchis, pourquoi j’ai autant envie de le sauver que de me sauver moi. Je réfléchis, mon cerveau bouillonne et je cherche sans bouger de son épaule. Et j’ai l’idée, je me relève un peu trop rapidement pour croiser son regard. “Je sais…” Les idées fusent et je souris un peu. Il faut qu’il dise oui, qu’il soit d’accord avec tout ce stratagème qui est en train de naître dans mon esprit. “Ca va être long, ça risque de prendre beaucoup de temps et il va falloir qu’on s’engage tous les deux pour se sauver.” Je suis prête à tout pour récupérer mon argent. “Tu me suivrais ?” S’il n’est pas d’accord tout est perdu. Mes yeux sont presque suppliants, il faut qu’il dise oui, et qu’il accepte tout ce que je vais proposer. “Ce sera qu’un énorme mensonge, mais je peux t’aider à sauver ton label si tu m’aides aussi.” Une alliance, une nouvelle. Celle là doit être encore plus forte et sûre que ce qu’on a fait pour ROA.

“Je sais…” comme la planète en entier. Comme la totalité de ses artistes surtout, qu'il a abandonné lâchement en croyant que venir ici règlerait tous ses problèmes mais surtout les leurs. Il est un grand livre ouvert Jack, du moment qu'on gratte à peine sa surface faite à base de fringues déchirées et de barbe vieille de quelques jours on arrive clairement à voir de suite de quel type de bois il est fait.

“Ca va être long, ça risque de prendre beaucoup de temps et il va falloir qu’on s’engage tous les deux pour se sauver.” il se replace sur le banc, entendant au gré des paroles d'Ivy une force de caractère et une détermination qu'elle cachait jusqu'alors, qu'elle n'assumait plus, bien trop noyée dans sa misère. La colère avait pris le pouls sur le reste, la rage d'avoir été injustement évincée n'avait pas laissé que du bon dans son sillage. C'est qu'elle a un regain la gamine, et que cette motivation sortie de nulle part à le don de le motiver lui aussi, à des niveaux qu'il découvre maintenant.

“Tu me suivrais ?” il n'a pas vraiment le choix. Il ne connaît rien de rien Epstein en matière de relations publiques et de marketing, en matière de finances non plus. Ses poches vides et son portefeuille asséché le lui confirment que trop. Il ne sait pas comment ni quand prendre les rennes, il le lui a dit et le répèterait encore même si c'était à contre-coeur : bientôt, il va perdre son royaume. Bientôt, on lui arrachera par sa faute la seule preuve que fût un temps il était doué à ce qu'il faisait, pour vrai. Quel gâchis.

“Ce sera qu’un énorme mensonge, mais je peux t’aider à sauver ton label si tu m’aides aussi.” pour seule et unique réponse, il lui tend sa paume, pour qu'elle la serre. Presque officiellement, Epstein enlace ses doigts bien trop rugueux à lui des siens encore si doux à elle. Il va devoir y penser, il va devoir mariner la chose, mais c'est avec un étrange sentiment de confiance et de zenitude qu'il plonge une ultime fois ses prunelles dans celles de la blonde. Un pas à la fois, mais enfin, il sent qu'il a arrêté de stagner ou même de reculer. Il avance. Ils avancent.