Things we lost to the flame. Things we'll never see again. All that we've amassed. Sits before us, shattered into ash. These are the things, the things we lost. The things we lost in the fire, fire, fire. These are the things, the things we lost. The things we lost in the fire, fire, fire. We sat and made a list. Of all the things that we have. Down the backs of table tops. Ticket stubs and your diaries I read them all one day. When loneliness came and you were away. Oh they told me nothing new, (Bastille, Things we lost in the fire )
☆ Kieran & Eve ☆
J’étais carrément en train de tuer le game. Le casque sur les oreilles, une bouteille d’eau à mes côtés, je ne cessai de hurler des obscénités dans l’oreille de Kieran pour qu’il se bouge les fesses. Les parties de jeu avec lui me prodiguaient toujours un bien fou. Et naturellement nous échangions à propos de tout. « Bah si tu sais pas quoi faire pour ton anniversaire, je peux le passer avec toi. On aura qu’à aller à l’aquarium. » Je ne savais pas nager mais j’aimais regarder les poissons le faire. Lisa qui avait la phobie de l’eau ne m’accompagnait jamais alors que Jacob lui passait son temps à réclamer pour y aller. « Bon y’aura le petit par contre donc ça ne sera pas un rencard. » J’avais dit ceci en riant car après tout, nous ne nous étions jamais rencontrés. Chose que je désirai faire sans oser lui proposer. Mais si j’avais su, si j’avais su que notre première rencontre se solderait par un échec. Je crois que je me serai abstenue.
Assise devant la fresque au musée, je tenais le cadeau de Kieran sur mes genoux. Je n’avais même pas pris soin de l’emballer. C’était son anniversaire aujourd’hui et je ne savais pas s’il viendrait ou non. Après tout, je me rappelai très clairement de notre dernière soirée tous les deux. Du malaise fait parce que je ne m’étais pas assez nourrie ou que je n’avais pas assez dormi. On pourrait croire qu’avoir quelqu’un dans ma vie m’aiderait à retrouver un semblant d’hygiène de vie. Mais les cernes sous mes yeux attestaient clairement que je manquai de sommeil. Et pour cause que je devais finir ma fresque, que je devais emmener Jacob chez le pédiatre et faire un million de choses. Je baissais le regard vers le comics, celui où j’avais transformé Kieran en super-héro, sur lequel je planchai depuis des mois. je devrais le mettre à la poubelle, oublier tout ça et l’oublier lui. Je lui avais fait du mal et je ne méritais clairement pas qu’il me pardonne ou même qu’il vienne. Mais une partie aussi infime soit-elle avait envie de l’avoir à mes côtés aujourd’hui. La partie égoïste car la rationnelle me disait que c’était mal. Que cela pourrait nous coûter cher à tous les deux. Après tout, je lui avais ouvert mon cœur, je lui avais dit que j’aurai pu tomber amoureuse de lui. J’aurai pu t’aimer Kieran. Mais je n’aurai pas pu vivre avec lui ce que je vivais avec Zeke. C’était puissant, c’était fort. Je portais la main à les plaques militaires qui ne quittaient pourtant pas mon cou. Je décidai de me lever. Mes jambes me rappelant les trois jours sans sommeil que je venais de traverser. Puis, je pris le petit livre avant de quitter le musée dans lequel je me réfugiai.
J’avais besoin de réfléchir. J’avais besoin de ses conseils. Alors, je passais les portes du cimetière de Brisbane. Le temps n’était pas ombrageux contrairement à mon humeur. Mon téléphone éteint dans ma poche, seule ma montre m’indiquait que la matinée était avancée. Je devais « retrouver » Kieran en fin d’après-midi, juste après le rendez-vous de mon fils. Je pris place devant la tombe de mon défunt mari pour commencer à parler. Je lui racontais la rencontre désastreuse avec Kieran, la phase de dépression que j’ai traversé après, des questions que je me suis posée, du fait que je l’ai maintenu exprès hors de ma vie, de Zeke, du ROA, de tout. Je parlais, parlais en sachant très bien que je n’aurai aucune réponse à mes questions, la cigarette se consumant entre mes doigts abimés. « Je dois faire quoi selon toi ? Me faire pardonner auprès de Kieran ? » Je posai cette question alors que mon esprit savait qu’il n’aurait aucune réponse. Naturellement, j’en vins à fixer le comics qui n’avait pas quitté mes mains. Il n’avait pas fin. J’avais fait exprès de laisser une page blanche pour qu’il puisse la dessiner lui seul. Alors, je fouillai dans le vieux sac miteux que je trimballai partout. Puis, j’en sortis une feuille blanche, immaculée ainsi que mes crayons. L’esquisse se fit d’elle-même alors qu’absorber par ma tâche, je ne vis pas les minutes passer, les heures défiler. Je traçai les contours de sa silhouette, j’y mettais de la couleur en arrière-plan, symbolisant son éloignement. Le fait que j’allais le perdre à tout jamais. Puis, comme saisie d’une hésitation, je suspendis mon geste avant de venir changer de crayons. Pour sortir un crayon noir. Le noir me symbolisant à la perfection dans cette dualité que nous symbolisions. Je griffonnai mes contours, appuyant à fond sur mon support alors qu’une larme coula de ma joue pour venir rouler sur ma joue et s’écraser sur le papier. Comme d’habitude, je n’étais pas satisfaite. Je ne le serai jamais. Je levai le regard vers le ciel avant de me rendre compte de l’heure qui passait. Merde, merde.
Le restant de l’après-midi se passa naturellement. Je pris trop de temps sous la douche. M’endormant presque, rêvant secrètement que j’étais dans la ferme auprès de Zeke et pas dans ce petit appartement où mes fantômes me hantaient. Celui de Jacob était omniprésent alors que la date anniversaire de notre mariage arrivait à grands pas. Je ne devais plus y penser. Il appartenait à mon passé et je l’avais dit à Kieran, j’avais envie de refaire ma vie. Alors, la mort dans l’âme, je vins ôter mon collier, les plaques militaires et mon alliance. Symbole de mon attachement profond envers ce mari parti trop tôt. Puis, je les posais devant la photo de notre mariage avant de venir me regarder dans le miroir. J’étais trop pâle, mes cheveux trop ternes. Mes doigts trouvèrent les craies, me décidant à colorer mes cheveux de toutes les couleurs. Un véritable arc-en-ciel. Je ne savais pas trop pourquoi je faisais ça. Mais je pris soin de coiffer Jacob, de l’habiller avant de le regarder se faire ausculter. C’était toujours une épreuve pour moi de le voir souffrir. De le voir pleurer, lui si sensible. Je pris une minute pour sortir de la pièce et m’allumer une cigarette avant de dépêcher un coursier pour envoyer le dessin fait un peu plus tôt dans la journée. Celui où je demandai pardon à Kieran pour ce que je lui avais fait. Puis, je retournai à l’intérieur récupérer mon tout petit. Mon tout petit qui hurlait face à sa maladie, face à la peine qu’il ressentait. Peinant à le calmer et le faire pour moi à la première occasion. Je fus tentée d’appeler Ezechiel car lui seul savait le faire. Mais peut-être que les poissons le feraient ? Ils avaient ce pouvoir sur J.J.
Nous entrâmes donc tous les deux dans l’aquarium. Lui en larmes, peinant à reprendre sa respiration. J’avais aussi peur que lui. Sauf que je devais serrer les dents, sauf que je devais rester forte sous mes artifices. J’avais conscience que Kieran ne viendrait pas. Je ne le méritais pas. et dans le fond, cela ne serait pas plus mal. Alors, je pris place devant le bassin des méduses alors que Jacob avait posé sa petite tête blonde sur mon épaule, ses peluches dans la main. Il avait tenu lui-même à prendre un cadeau pour Zeke et un pour Kieran. Alors que je lui avais dit que j’attendais un de mes amis pour son anniversaire. Son pouce dans sa joue, il tenait la pieuvre porte-clés dans ses petites mains avant de lever son regard sombre vers moi. « EvE, chanson. » Incapable de faire des phrases correctes, lui qui était encore si petit, en retard par rapport aux enfants de son âge. Je me mis donc à fredonner sans prendre conscience que les gens nous entouraient. L’air de la vie en rose qui avait tendance à nous calmer, nous les Zimmer en période de crise. Je le serrai un peu plus contre moi avant de me perdre dans les vers de cette chanson, dans l’immensité du bassin des méduses et de leur lueur rosée. Ce n’était pas grave si Kieran ne venait pas. Seuls mes enfants comptaient. Et à cet instant précis, c’était Jacob qui avait besoin de moi.
ÂGE : trente-cinq (14.07). aïe. SURNOM : « kiki » (couché, grrrrhhhh). STATUT : c’est bien aussi la solitude, on s’y habitue (non, pas du tout #help). MÉTIER : illustrateur (fauché) en freelance et prof (dépité) d’arts visuels. LOGEMENT : #18 james street, fortitude valley, avec cesar (le coloc) et waterproof (le corgi). POSTS : 4054 POINTS : 200
TW IN RP : dépression, pensées suicidaires, tentative de suicide, relation toxique, maltraitance, abus physiques et psychologiques, harcèlement scolaire, dépréciation, troubles anxieux, distorsion corporelle, mention d'agression physique (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : J'aime les jolies filles. PETIT PLUS : placé en foyer, très proche de la dernière famille qui s’est occupée de lui ≈ souffre néanmoins de cette absence d’identité propre ≈ réservé, maladroit, optimiste, vit dans un monde imaginaire ≈ a quitté sa fiancée il y a deux ans, soulagé malgré sa phobie de la solitude ≈ essaie de reprendre confiance en lui, de renouer avec ses proches, de retrouver sa place ≈ préfère la compagnie des pop et des jeux vidéo aux humains ≈ du talent au bout des doigts, aucune motivation d’en faire quelque chose ≈ trop mou, trop paresseux, trop paumé ≈ a fait une tentative de suicide fin novembre 2022. CODE COULEUR : kieran bafouille en rosybrown. RPs EN COURS : halstay #12, #13 & ua #3 (parents) ⊹ i hope your ghost will haunt me, i hope i hear you calling my name at 3am. 'cause honey, i love you dearly and i cannot bear you leaving again, not again. oh, i hope your ghost will haunt me 'til the end.
spencer #5 ⊹ i've been begging, hope you're listening. i've done my wrongs but i'm someone different.
ally ⊹ oh, if i can take something to make me feel better than i'm feeling now and everything else will work itself out.
(13/06 - vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bon ou de mauvais compte. moi, si je devais résumer le rp aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres) › ginny (fb) › cecilia › shiloh › wild › alfly #17 (ua) › danaë › olive #2 › greta #2 RPs EN ATTENTE : flora #3 RPs TERMINÉS :
kieyer ⊹ close your eyes and think of me and soon i will be there to brighten up even your darkest night. you just call out my name and you know wherever i am i'll come running, to see you again.
EVE & KIERAN ⊹⊹⊹ the things we lost in the fire, fire, fire. We sat and made a list. Of all the things that we have. Down the backs of table tops. Ticket stubs and your diaries I read them all one day. When loneliness came and you were away. Oh they told me nothing new.
(TOOWONG, MOUNT COO-THA). Il n’a jamais remporté le moindre prix au cours de son existence. Sa scolarité mouvementée et irrégulière ne lui a pas permis de prétendre à la fameuse gommette promise à tous les élèves de moins d’un mètre trente. Il n’a pas beaucoup plus brillé au lycée, en refusant de s’investir dans des activités extra-scolaires. Il n’a jamais cherché à poursuivre d’études au-delà de son Bachelor en Beaux-Arts et même si le domaine le passionnait (et le passionne toujours autant), il s’est toujours contenté de figurer au milieu du tableau ; autrement dit en s’assurant une place dans la moyenne, une position qui appelle à l’indifférence et l’a toujours particulièrement rassuré. Il a participé à quelques concours d’illustration pour tenter (vainement) de se faire connaître ; n’a jamais pu se hisser sur le podium. N’a jamais cherché à le faire, surtout – même s’il ne l’admettra pas. Au-delà de ses résultats, il n’a pas eu le droit à un titre visant à récompenser son esprit de camaraderie ou sa générosité auprès des autres. Pas même quelques félicitations du jury. Pas même quelques commentaires d’encouragements. Son C.V. est vierge de toute récompense et Kieran l’accepte – qu’il prétend, du moins.
Pourtant, aujourd’hui, pour la première fois de sa vie ; je tiens à lui décerner un titre. Kieran Halstead, élu abruti de l’année 2020. Bien sûr, l’année n’est pas finie ; mais ses décisions font que ce titre lui revient de droit et qu’il n’aura aucune concurrence, ni demain, ni en décembre. Alors, heureux ? Un discours, peut-être ?
Je vous prie, ne me croyez pas plus virulent que je ne le suis déjà. Je l’ai assez répété, tout ce que je fais, tout ce que je pense, tout ce que je lui impose à l’esprit, ne vise pas à malmener son esprit tourmenté plus que cela n’est déjà le cas ; je vise son bien et uniquement son bien. Comprenez donc que, parfois, cela doit aussi passer par le fait de lui faire du mal. Atrocement, si possible. Mais peut-on réellement me considérer comme le bourreau de l’homme qui me permet d’exister ? Oh, non, chers lecteurs. Je réfute l’accusation et je me permets de vous orienter sur celle que je désire placer sur le banc des accusés ; celle qui mérite les menottes et la prison bien plus que moi, celle qui – à mon opposé – peut se vanter d’avoir une existence physique ; ce qui rend heureusement concrète la haine que j’éprouve pour elle et la colère que j’essaie d’impulser à Kieran.
Eve Zimmer.
Son cœur s’emballe à l’entente de cette identité, mes dents, elles, grincent. Oh, je sais qu’il est tentant de me rire au nez en pointant du doigt le manque de canines ; soit, permettez-moi d’imager la chose. Si je devais illustrer, physiquement, mon ressenti face à l’allemande, il serait le suivant : yeux plissés, regard noir, sourire forcé, mâchoire serrée, dents qui grincent, soupir d’exaspération ; point bonus pour le roulement d’yeux au ciel. Suis-je assez clair ? Visualisez-vous ma colère et souhaitez-vous toujours remettre celle-ci en cause pour un détail de trois fois rien – ma présence physique inexistante ? Bien. Il me semblait aussi.
Si nous étions dans un film, cet instant serait amené par un joli effet de montage ; où les dernières scènes de la vie quotidienne seraient rembobinées en accéléré jusqu’à en revenir à l’événement qui a mené notre protagoniste dans la situation actuelle. Notre protagoniste : Kieran Patricia Halstead, individu d’une trentaine d’années connu pour ses mauvaises décisions. La situation actuelle : un talent certain dans l’imitation des statues, don qu’il met à profit devant l’entrée de Sea World, qui traduit de son hésitation à franchir la porte.
En réalité, l’action du film aurait pu se poursuivre sans nécessairement caser un flash-back au milieu de celui-ci ; Kieran était prêt à franchir le seuil du bâtiment pour retrouver Eve, son dessin envoyé plus tôt dans la journée plié avec soin pour y être glissé dans son portefeuille (qu’il ne quittera probablement pas de sitôt). Sourire aux lèvres, enthousiasme sur le visage, rapidité dans les jambes ; tout était réuni pour qu’il retrouve la jeune femme au plus vite. Il a simplement omis un léger détail. Moi. Je suis le narrateur de son histoire ; je suis le monteur du film de sa vie : j’interviens à tout moment et mes remarques ne peuvent être qu’écoutées. Kieran a un sale caractère quand il s’y met, tente souvent de s’opposer à moi, pourtant dans cette situation précisément, je suis bien celui qui a le dernier mot. Je suis celui qui décide du flash-back, celui qui l’oblige à réfléchir avant d’agir, celui qui lui remémore que la personne qui a récemment piétiné son cœur est celle qu’il s’apprête à retrouver.
Veux-tu réellement te faire du mal, Kieran ? Est-ce que tu croyais que je ne réagirais pas face à ta volonté de t’autodétruire ?
Dois-je réellement te rappeler votre dernière conversation ? Dois-je réellement faire résonner la voix de la jeune femme et tous les mots employés contre toi ? Dois-je réellement en faire appel à ton corps pour qu’il se lie à moi et t’oblige à ressentir les mêmes sensations physiques que ce jour-là ? Veux-tu à nouveau sentir ton cœur se serrer au point de manquer d’exploser, tes poumons refuser de se remplir d’air et la faiblesse dans chacun de tes muscles ? Veux-tu réellement que son discours te remémore appuient toutes tes incapacités, accentuent toutes tes peurs ? De cet abandon qu’elle t’a offert, à cette réalité qu’elle t’a renvoyé en plein visage ? C’est ce que tu veux ?
Alors franchis cette porte, Kieran, je ne te retiendrai pas. Achèves de briser ce qui ne l’a pas encore été, si tu le souhaites. Mais je prendrai mon temps pour te guérir, afin de m’assurer que la leçon soit apprise.
Je prendrai mon temps. C’est la décision qu’il m’impose lorsqu’il entre dans le bâtiment et se met aussitôt à la recherche de la frêle silhouette de la Zimmer, de son regard dans lequel il a hâte de se perdre, dans son sourire qui réchauffe son cœur, de sa voix qui apaise ses pensées. Oh, Kieran. Si seulement tu te rendais compte que c’est tout l’inverse qu’elle te procure.
« Hey... » Il s’annonce derrière elle dans un murmure du haut de son mètre huitante-six, baissant la tête sur ses cheveux blonds, lorsque la mélodie qu’elle fredonnait s’interrompt. Mais il fuit le regard de la jeune femme lorsqu’elle se retourne, portant celui-ci sur l’enfant à ses côtés, auprès duquel il s’agenouille. « Salut champion, tu dois être J.J. ? » Un sourire aux lèvres, un check délicat entre son poing et celui, miniature de l’enfant, il se relève pour faire face à la mère de celui-ci, son regard bleu qui peine à soutenir celui d’Eve et sa gêne visible malgré tous ses efforts. « Hm. Comment... ça va ? » Il interroge, un sourire pincé sur les lèvres, ne sachant que dire.
Ah, Kieran. Il y a tant de choses à dire, pourtant. Seulement, tu en es empêché ; conscient que la dernière fois, certaines de tes confessions se sont retournées contre toi. Et tu voudrais me faire porter le blâme de cette réserve, pourtant je ne suis que simple spectateur de votre échange. Peut-être n’as-tu pas besoin de moi pour ouvrir les yeux, en fin de compte.
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Dernière édition par Kieran Halstead le Mar 17 Oct - 14:25, édité 1 fois
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☆ Kieran & Eve ☆
J’étais assise dans la salle d’attente du médecin, alors que la personne qui m’accompagnait me regardait avec un œil sévère. Le mien était au beurre noir alors qu’une large plaie était visible sur le sommet de mon front. Je n’osai affronter le regard inquisiteur avant de venir jouer avec mes mains comme d’habitude. « Tu n’es pas sérieuse ? Qu’est-ce qui t’as pris d’aller dans ce genre d’aventures ? Tu veux crever ou quoi ? » Je ne saurai que lui répondre. Je n’ai jamais eu de pulsions suicidaires. Juste une maladresse légendaire dans mes gestes, mes mots, dans ma façon d’être. Je n’étais pas un cadeau, je le savais. Mettant tout le monde en garde durant ma pénible existence qu’une malédiction planait au-dessus de mon crâne. Le teint sans doute trop blanc, mon amie vint s’agenouiller pour tenter de calmer les soubresauts de mes deux mains, les prenant en coupe avant d’essayer de me rassurer quant aux grosses larmes de crocodile qui roulaient sur mes genoux. « Si… si… si… » Bégaiement typique, Zimmer en panique. Une Zimmer que seule une personne serait à même de calmer mais qui brillait par son absence, ayant préféré le laisser dans l’ignorance. « Tu… tu… tu aurais dû voir ses yeux. Il… il… il me dé… dé… déteste. » Ma voix n’était qu’un murmure alors que je ne songeai pas au regard sombre de mon compagnon mais à un plus clair qui m’avait hanté des mois durant. « Evie. Tu t’en fous. Il t’a dit que tu ressemblais à son ex. Ce mec ne mérite pas tes larmes. Il ne te voit pas, toi. Il ne voit qu’elle. » Paroles répétées par plusieurs personnes qui tournaient dans mon cerveau comme une ritournelle. Sans doute était-ce pour ça que je m’infligeai un traitement pareil dans le fond ? Parce que j’étais invisible. Elle m’aida à me redresser pour m’emmener en salle de consultation alors que mes yeux étaient trop cernés, que mon corps était pris de tremblements imperceptibles à l’œil nu. J’en faisais trop. Le constat était là. Je devais lever le pied. Hyperactive qui ne prenait pas ses médicaments, atteinte d’un TDA qui ne prenait toujours pas les cachets prescrits. Une brindille sur une balance, dénudée alors que mon amie était derrière moi, sur son téléphone. « Je suis sûre qu’il t’a déjà remplacé alors arrête de te faire du mal. Tu ne signifies rien pour lui et t’as Zeke. Va le voir et dis-lui ce que tu ressens. » Le praticien ajusta la mesure avant de venir me soulever le menton. Je fais un mètre cinquante-deux. Je devrais peser quarante-six kilos minimum. Je n’en faisais que trente-trois.
Des jours s’étaient écoulés depuis mon rendez-vous chez le médecin et rien n’avait changé. Je me terrais dans mes antres sans me soucier du regard extérieur. Mais aujourd’hui était l’anniversaire de Kieran. Et je ne savais pas pourquoi, appuyée sur cette pierre tombale et à bout de force, j’en suis venue à esquisser ses traits, son dos. Cette personne qui me tournait le dos pour essayer de demander pardon. Je le pensais. Bien que tout le monde ne cessait de me répéter que je n’avais rien fait de mal. je me souvenais des larmes du brun. Bien que tout le monde ne cessait de me dire qu’il avait dû me remplacer au pied levé. Qu’il n’était qu’un connard parmi tant l’autre. L’évidence était tout autre. Je l’avais remplacé. Et c’était moi la connasse. Etait-ce pour ça que je ne me préoccupais pas de ma santé déclinante ? Que les jours s’étaient succédés sans que je ne trouve le sommeil ? Sans que je ne me nourrisse ? Tout le monde avait perdu du poids pendant le ROA mais pour une raison mystérieuse, je continuais de voir les kilos s’envoler au loin. Bien me dirait le monstre. Je ne méritais que souffrance. Le peu de bonheur trouvé dans les bras d’un homme que je ne méritais pas. en suppliant un autre de me pardonner. Mais la relation avec l’un comme l’autre est différente. L’amour que je leur vouais n’était pas le même. Pour le premier, il était pur, je n’avais pas hésité à lui confier le peu de moi qu’il restait alors que pour l’autre, c’était compliqué. Mon cerveau farfelu ne cessait de se demander un « et si » permanent. Mais j’étais partie. Je l’avais laissé. Je l’avais laissé avec une autre. ou d’autres. Je n’en savais rien. et à vrai dire, je ne comptais plus m’intéresser à la course depuis que je savais qu’il était dedans. J’avais prié silencieusement ce soir-là de me faire éjecter. Et force en est que nous fûmes les premiers sortis, Kieran et Elias étant immunisés. Contente pour eux, j’étais partie sans un regret pour l’un ou pour l’autre. Après tout, que pouvais-je dire ? Désolée d’être moi ? Je peinais sérieusement à remettre de l’ordre dans ma tête. les pleurs s’enchainant, ma sensibilité accrue à cause du manque de sommeil. A cause de l’inquiétude. Celle ressentie envers la santé dégradante de mon fils. Lui qui faisait sans doute aussi pâle figure que sa génitrice. Et encore une fois, c’était ma faute. Je n’avais pas su prendre soin de moi alors que j’étais enceinte et je l’avais conduit à vivre cette vie avec un fardeau dont nous ne connaissions pas l’ampleur. Et s’il faisait comme son père ? Et s’il mourrait ? Et si ma malédiction s’étendait aussi à mon tout petit ? L’être que j’aimais le plus au monde avec ma fille. Mon poing fermé martela le carrelage alors que ma tête était appuyée tout contre. Fatiguée, lasse, d’une existence si morne. Zeke y amenait de la joie, une percée lumineuse dans cet océan sombre. Mais il ignorait tout de mes tourments. De mes vices. De mon incapacité à rester assise deux secondes. De mon incapacité à me nourrir. Je ne ressens pas la faim. je n’en ai pas envie. S’il n’avait pas été là, je pense que j’aurai plié bagage après ma rencontre avec Kieran. Je pense que je serai partie sans me retourner.
« Tu ressembles à mon ex. »
Passe à autre chose me disait ma tête. Mais je n’y arrivais pas. Je ne pouvais pas m’apitoyer. Me laisser choir sur le sol comme à cet instant, les mains sur les oreilles, suppliant mon esprit de cesser de voir le mal partout. Je devais me relever. Cacher mes cernes sous une épaisse couche de maquillage, sous des cheveux colorés. Ma silhouette décharnée sous des vêtements trop amples. Combien de tailles au-dessus ? Une ? Deux ? Peut-être trois ? Pincer mes joues pour y donner de la couleur. Souris Evie. Souris pour ton tout petit. Reste focalisée là-dessus. Regarde droit devant toi alors qu’à l’intérieur tu hurles. Que le hurlement se veut dévastateur et pourrait tout balayer sur son passage. La seule chose qui me rassure est un morceau de bois subtilisé à Zeke lors de ma première visite à la ferme. Je regardai J.J subir, sans rien faire, impuissante, sentant la morsure du bois dans ma main. Serrer les dents. sourire. Mettre un sourire sur mon visage. Ne pas m’en départir alors que je suis assise sur ce banc face au ballet que nous offrait les méduses. Ma voix lui murmurant les paroles d’une chanson adorée. Mes yeux perdus dans le vague. Retenant mes larmes tandis que les siennes ne coulaient plus. elles s’étaient taries. L’espoir de voir Kieran venir s’étant estomper. Demeurant seule avec mon tout petit, rien que nous deux.
« Hey... » Mon palpitant fait une embardée alors que le murmure me parvint jusqu’aux oreilles, me faisant baisser la tête pour regarder mes pieds. Mon fils est plus réactif et je le sens bouger sur moi pour se tourner, délaissant mon épaule avant de darder son regard sombre sur l’inconnu. « Kielan. » Les R. Il ne parvenait pas encore à les dire. Je le laissais s’échapper de mes bras, venir s’asseoir contre moi avant d’hésiter. Devait-il faire confiance à cet inconnu ? Je ne relevai toujours pas la tête, plongée dans mon mutisme. La soirée, la dernière me revenait en mémoire. T’es juste paumé Kieran. Quelle connasse, j’ai été. Lui reprochant ma couardise. « Salut champion, tu dois être J.J. ? » Jacob me fixait, je sentais son regard sur lui. Je hochai la tête alors qu’il rendit son salut à Kieran. J’eus un sourire avant de me demander si je devais relever la tête ou non ? S’en rendrait-il compte ? De la vaste imposture que j’incarnais aux yeux de tous ? Zeke n’avait mis que quelques secondes à se rendre compte. Mais Kieran. Je n’en avais aucune idée. Je glissai le petit porte-clés dans la main de Jacob, celui qu’il avait choisi pour le grand brun qui nous faisait face. Pour son anniversaire alors qu’il ne le connaissait même pas. le mien était dans mon sac. Au fond. Sans doute abimée par les derniers ajouts, pas très soigné. Un peu comme moi en quelque sorte. Je me balançai d’avant en arrière alors que le ton de mon ancien ami me parvint aux oreilles. « Hm. Comment... ça va ? »
Cette question entraina un véritable combat intérieur qui me sembla durer une éternité alors qu’il ne s’écoulait que quelques secondes. D’une part, il y avait mon âme revancharde, meurtri qui lui crachait au visage, ne voulant pas répondre alors que mon cœur lui était enclin à laisser d’autres choses. Le but de cette journée n’est pas de se faire pardonner ? Et qu’importe qu’il m’ait oublié, gommé, qu’il ne m’ait pas vu. C’était mon ami et c’était son anniversaire. Cet argument l’emporta alors que je bloquai ma respiration dans ma trachée avant de venir lever mon regard azuré vers le sien, similaire et pourtant si différent. Le mien était plein d’eau. tout le temps alors que le sien était sec, sans doute trop sec. « J… J… J… »
« Je… je… je… bégaies quand je suis stressée, lui avais-je confié quelques mois plus tôt, je… je…. Pas très à l’aise avec les gens. »
Je pris une profonde inspiration. Il fallait visualiser la phrase. Sujet, verbe, complément, ponctuation. « NOYEUX ANNIVERSAIRE, tonna mon fils. » Inconscient il me sortit de cette impasse avant de venir sauter de mes genoux pour venir faire face au géant et lui tendre le porte-clés de sa toute petite main potelée. « Est une pieuvle. Choisi tout seul. Donné sousou aussi. » Non, il était venu me réclamer l’argent aussi pour pouvoir payer. J’eus un sourire attendri alors qu’il commençait à s’exciter, ses pupilles ébènes levées si haut pour regarder notre nouvel ami. « Tu po’te Yacoub ? » Il tendit les mains. « EvE aussi cadeau. EvE aime bien Kielan. » Et là, je rentrai la tête dans mes épaules avant de venir fouiller dans mon sac, immergeant mon crâne pour cacher ma gêne. Puis, je sortis le comics. Celui dont j’avais laissé la fin vide afin qu’il puisse l’écrire lui-même. « J… J… J… » Visualise la phrase, Evelyn. J’inspirai profondément. « Joyeux anniversaire. C’est pas… enfin c’est… c’est… c’est… » Cœur qui battait trop vite, tension qui devait grimper pour atteindre des sommets alors que ma jambe se mit à bouger toute seule. Syndrome de la jambe folle. Signe d’hypertension artérielle. « Il est pas… tu peux le… le… le… je… je… jeter si tu v… v… veux. » Mes serres se plantèrent dans mes jambes alors que ces dernières vinrent se redresser pour porter le peu de poids qu’il me restait. J’osai enfin darder mon regard vers le sien, devant lever la tête trop haute, lèvre inférieure tremblotante. Jacob inconscient de ce que j’essayai de faire passer à l’Australien par mon silence. Me comprendrait-il ? Comme Zeke l’avait fait ? Je suis si désolée. Si tu savais à quel point je suis désolée. Si tu savais à quel point, je me déteste. A quel point, j’aimerai effacer ce que tu m’as dit de ma mémoire ainsi que cette foutue soirée. Je ne dis pas un mot cependant. Je me contentai de rester vrillée à son regard, lèvres entrouvertes, visage sans doute blanchi par l’émotion alors qu’un enfant se tenait entre nous. Mon enfant. Me rendant compte que je ne lui avais pas tendu son cadeau. Je levai donc lentement le bras, me demandant un effort que je n’avais pas. Pour venir lui tendre les feuillets que j’avais pris soin de colorer, de dessiner, d’écrire, d’imaginer dans un esprit farfelu. L’imaginant en une sorte de savant, de super-héros hackeur. Cet héro qui parlait à son lecteur, inspiration Deadpool. Cet héro qui se cachait sous une capuche. Inspiration : Mr Robot. Dans les quelques 200 pages que j’avais imaginé. Et dans lesquelles je n’apparaissais pas. Car j’étais invisible. Avec mes cheveux colorés. Mes yeux peints. Mes vêtements larges. Je me rendis compte plus que jamais que j’étais en train de m’effacer. Comme si j’étais tombée dans la zone de l’oubli. Et que comme Bing Bong. ‘avais chuté dans l’inconscient. « Je… je suis désolée. Il… on sort du… enfin du… tu sais. Et y’a que les poissons pour le calmer, murmurai-je, mais j’ai préparé un chouette programme si t’as le temps. » J’eus un petit sourire, intimidée, d’une voix trop faible. « J’ai même fait un gâteau, soupirai-je dans une parole quasi inaudible. » Car c’était son anniversaire.
ÂGE : trente-cinq (14.07). aïe. SURNOM : « kiki » (couché, grrrrhhhh). STATUT : c’est bien aussi la solitude, on s’y habitue (non, pas du tout #help). MÉTIER : illustrateur (fauché) en freelance et prof (dépité) d’arts visuels. LOGEMENT : #18 james street, fortitude valley, avec cesar (le coloc) et waterproof (le corgi). POSTS : 4054 POINTS : 200
TW IN RP : dépression, pensées suicidaires, tentative de suicide, relation toxique, maltraitance, abus physiques et psychologiques, harcèlement scolaire, dépréciation, troubles anxieux, distorsion corporelle, mention d'agression physique (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : J'aime les jolies filles. PETIT PLUS : placé en foyer, très proche de la dernière famille qui s’est occupée de lui ≈ souffre néanmoins de cette absence d’identité propre ≈ réservé, maladroit, optimiste, vit dans un monde imaginaire ≈ a quitté sa fiancée il y a deux ans, soulagé malgré sa phobie de la solitude ≈ essaie de reprendre confiance en lui, de renouer avec ses proches, de retrouver sa place ≈ préfère la compagnie des pop et des jeux vidéo aux humains ≈ du talent au bout des doigts, aucune motivation d’en faire quelque chose ≈ trop mou, trop paresseux, trop paumé ≈ a fait une tentative de suicide fin novembre 2022. CODE COULEUR : kieran bafouille en rosybrown. RPs EN COURS : halstay #12, #13 & ua #3 (parents) ⊹ i hope your ghost will haunt me, i hope i hear you calling my name at 3am. 'cause honey, i love you dearly and i cannot bear you leaving again, not again. oh, i hope your ghost will haunt me 'til the end.
spencer #5 ⊹ i've been begging, hope you're listening. i've done my wrongs but i'm someone different.
ally ⊹ oh, if i can take something to make me feel better than i'm feeling now and everything else will work itself out.
(13/06 - vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bon ou de mauvais compte. moi, si je devais résumer le rp aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres) › ginny (fb) › cecilia › shiloh › wild › alfly #17 (ua) › danaë › olive #2 › greta #2 RPs EN ATTENTE : flora #3 RPs TERMINÉS :
kieyer ⊹ close your eyes and think of me and soon i will be there to brighten up even your darkest night. you just call out my name and you know wherever i am i'll come running, to see you again.
Je sais ce que vous pensez. Qu’il s’agit de Kieran et que par définition, je ne suis pas doté de la moindre objectivité le concernant. Je ne peux pas vous blâmer de le penser ; mon existence est la preuve de mon attachement à Kieran, car sans lui, je ne peux exister. Mais la réciproque est vraie et particulièrement depuis quelques semaines, où je sens mon créateur perdre pied avec la réalité à laquelle j’essaie de le maintenir. Il me l’a prouvé à maintes reprises et la relation qu’il a construite avec Eve qu’il ne parvient pas à sacrifier pour son bien n’est qu’une énième preuve de son incapacité à affronter les choses. En l’occurrence, un nouvel abandon, qui s’ajouterait à la longue liste de ceux qui ont rythmé le cours de son existence et qui l’ont façonné. Ce n’est pas parce qu’ils ont été réguliers qu’ils sont devenus plus faciles, au contraire – et Kieran ne les supporte plus, au point où il préfère souffrir que d’être délaissé. Ce n’est pas sain, probablement que vous vous en rendez compte et je le conçois, mais là encore il est facile de mettre en évidence les défauts de Kieran sans chercher à en comprendre l’origine. Pourtant, je vous assure que cela explique en grande partie qui il est et la manière dont il a décidé de se comporter – quand bien même j’exècre son besoin d’être invisible, sa nécessité à paraître stupide aux yeux des autres et l’envie d’approbation constante. Et il le sait, Halstead, puisque ce sont des défauts que je pointe très régulièrement du doigt. Mais je peux me le permettre ; car je prends en compte l’importance du contexte dans lequel sont émises de telles critiques. Je ne le fais pas par surprise, ni par envie de malmener un peu plus son cœur déjà bien brisé. Je ne suis pas comme Eve, en d’autres termes. Mon but n’est pas de retourner dans le couteau dans la plaie par plaisir sadique – même s’il n’est pas assumé.
Je sais ce que vous pensez. Qu’il s’agit d’Eve et que par définition, je ne suis pas doté de la moindre objectivité la concernant. Je ne peux pas vous blâmer de le penser ; je me pense avec Kieran et non avec la jeune femme. Elle ne représente rien à mes yeux, quand bien même je l’ai énormément appréciée lorsque notre protagoniste a appris à faire sa connaissance et j’ai participé à développer cet attachement qu’il ressent pour elle, le même qui est à l’origine de nouveaux tourments pour le dessinateur. Je suis désolé, Kieran. Si j’avais su, je n’aurais pas permis tout cela, je t’assure. Mais je lui faisais confiance, moi aussi. Moi aussi je me suis laissé bercer par sa voix mélodieuse, par sa douceur, par sa gentillesse, par son oreille attentive. Elle t’était si précieuse, à l’époque, Kieran. Et je suis désolé que ce soit toujours le cas. J’aimerais tellement pouvoir t’aider à effacer ces sentiments qui sont nés et dont tu n’arrives pas à te débarrasser, même si Eve fait tout pour t’en donner l’envie. Ce n’est pas aussi facile et son comportement autant que ses paroles ne parviennent pas à effacer ce que tu ressens, seulement à rendre le tout plus complexe et encore plus perturbant. Et je sais autant que lui qu’elle ne pense pas à mal. Qu’elle est probablement pleine de bonnes intentions ; il s’agit d’Eve après tout. Nous l’avons toujours connue bienveillante et rien ne laisse présager qu’elle ait pu changer à ce point. Pourtant, c’est ce que j’essaie de faire comprendre à Kieran.
C’est ce que j’essaie de faire en lui rappelant cette confrontation quelques semaines plus tôt. Et il souhaite l’excuser en justifiant ses mots sous l'excuse de la consommation d’alcool ; mais je ne suis pas aussi conciliant. Si Kieran apprécie qu’on lui marche dessus et qu’on l’use comme paillasson, il n’en va pas de même pour moi et j’espère qu’il retrouvera sa dignité, perdue quelque part entre ses sentiments et ses confessions pour la jeune femme. Parce qu’elle est la seule auprès de laquelle il a osé confier ses problèmes d’identité, cette drôle d’impression de ne pas savoir qui il est ni où est sa place, en pensant naïvement qu’avec un vécu similaire, elle serait en mesure de le comprendre. Et elle l’a compris, du moins elle l’a prétendu. Avant qu’elle ne lui balance ces quelques mots si difficiles à entendre, toujours utilisé comme une insulte à son encontre sans jamais qu’il n’imagine que la personne qui commençait à réparer son cœur soit celle qui achèverait de le détruire.
T’es juste paumé.
Ce n’est pas grand-chose et je le conçois, ce n’est pas pire qu’un terrible « tu ressembles à mon ex ». Mais dans les deux cas, Eve savait à quoi se rapportaient de tels propos. À un sentiment de n’avoir sa place nulle part et à une relation destructrice qui lui a fait énormément de mal. Il n’a pas été très adroit, Kieran, il le sait et je le sais autant que lui. Mais elle n’a pas été plus douée de son côté ; en lui donnant l’impression d’utiliser ses confessions contre lui. Car jamais il n’avait osé parler des doutes qui avaient entachés sa relation avec Autumn les derniers mois et si Eve n’a pas été mise au courant de l’ensemble des travers de son couple, elle avait eu suffisamment d’éléments en mains pour comprendre à quel point il peinait à s’en remettre et les raisons derrière autant de difficultés. Elle les avait en mains et elle les avait retournés contre lui. Exactement comme elle l’aurait fait et comme elle l’avait déjà fait. Alors la ressemblance n’était pas si aberrante, dans le fond.
Et c’est une mauvaise idée. Je le répète depuis l’instant où il a envisagé de se rendre ici et je n’ai cessé de le faire jusqu’à ce qu’il s’annonce derrière sa frêle silhouette, encore plus fragile que dans ses souvenirs. Et ils sont fiables, pour la façon dont il a pris l’habitude de la coucher sur papier à défaut de l’avoir à ses côtés. « J… J… J… » Et il fronce les sourcils, se demandant un instant si tout va bien, s’apprêtant à le verbaliser avant d’être interrompu par l’enfant à leur côté. « Merci, mon grand. » Qu’il s’exclame, sourire aux lèvres, le gamin à sa hauteur, assez pour qu’il s’empare du cadeau qu’il lui tend. « Et tu as très bien choisi, merci. » Il ajoute en ébouriffant les cheveux de Jacob, avant d’être pris au dépourvu par sa demande. « Euh, oui, oui d’accord... » Il esquisse un geste, lance un regard vers Eve visant à lui demander son autorisation avant que le petit ne se retrouve dans ses bras. Mal à l’aise, il l’est encore plus lorsque l’enfant continue sur son élan de naïveté, comme si sa volonté était de rendre l’ambiance encore plus pesante qu’elle ne l’est déjà.
Non, Jacob. Plus tard, tu comprendras qu’Eve n’aime pas Kieran.
Sans quoi elle n’aurait pas eu tous ces mots à son égard. Sans quoi elle n’aurait pas imaginé qu’il puisse se mettre en colère contre elle, ou qu’il puisse lui crier dessus pour des futilités. Sans quoi elle n’aurait pas insisté sur la manière dont elle aurait pu l’aimer après lui avoir annoncé que ça ne pourrait jamais être le cas. Sans quoi elle ne l’aurait pas sorti de sa vie pour mieux revenir au moment le moins opportun. Sans quoi elle n’aurait pas piétiné son cœur à de multiples reprises pour se venger de sa maladresse. Sans quoi elle n’aurait pas prétendu que tout va bien afin qu’ils fêtent son anniversaire ensemble, sans quoi elle ne se serait pas mise à bégayer face à lui comme face à un inconnu.
Mais c’est ce que vous êtes, désormais, pas vrai ?
Et si cela brise le cœur de notre protagoniste, de mon côté je suis agacé par la manière de faire de la blonde ; agacé que chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, ne concrétisent l’idée de Kieran qu’il est toujours le fautif des situations qui lui échappent. Il s’est permis d’en douter lorsque son couple avec Autumn s’est brisé, pourtant aujourd’hui lui prouve que le problème émane bien de lui et qu’il a toujours émané de lui. Sinon, les gens ne l’abandonneraient pas les uns après les autres, sinon Eve serait en mesure de lui parler normalement et pas comme s’il n’était personne, pas comme si elle avait peur de lui. Alors il prend la faute, encore une fois et il baisse la tête tandis qu’il tient toujours Jacob dans ses bras.
Tu vois, Kieran. Peut-être que la prochaine fois, tu m’écouteras. Ça t’évitera de sentir cette plaie béante dans ton cœur. Ça t’évitera de laisser à Eve le soin d’y parsemer du sel. Ça t’évitera d’avoir l’impression d’être un bon à rien et de te mordre la lèvre pour contenir ces larmes qui ne demandent qu’à s’échapper de tes yeux. Mais je ne vais pas être trop dur avec lui, conscient qu’il fait énormément d’effort pour garder une contenance, conscient aussi qu’il est suffisamment détruit par la présence d’Eve et ses sentiments qu’il doit refouler pour ne pas en rajouter une couche.
« Merci. » Qu’il prononce péniblement suite à ses vœux. « J’y compte pas. » Le jeter. Bien au contraire, il n’a pas encore l’occasion d’avoir le cadeau en mains que celui-ci a déjà une importance toute particulière. Mais elle aurait pu lui offrir une feuille séchée qu’il l’aurait chérit de la même façon.
Qu’il est stupide. Et qu’il l’est encore plus de se préoccuper d’elle, comme il s’inquiète désormais en la voyant trembler et bégayer. Est-ce qu’elle, elle s’est préoccupée de toi ? Quand est-ce que tu vas ouvrir les yeux, Kieran ? « Hé, Eve, ferme les yeux et respire, d’accord ? » Il demande, toujours Jacob dans ses bras, qui s’inquiète évidemment pour sa mère. « Il faut faire quoi quand maman n’est pas bien ? » Il demande à l’enfant avec un léger sourire. « Chanson. » Ah. On ne peut pas dire qu’il soit très à l’aise avec cela, mais heureusement pour lui Jacob marmonne la mélodie qu’Eve lui chantait quelques minutes plus tôt, bientôt suivi par Kieran même s’il se contente de faire du yaourt et de sourire de manière gênée, autant qu’amusée, à Eve, son regard qui l’observe comme pour s’excuser de massacrer cette chanson qu’elle doit apprécier. « J.J., t’es d’accord avec moi que maman n’a pas à se faire du souci ? » Et peut-être que l’enfant ne comprend pas grand-chose, mais la façon dont Kieran secoue vigoureusement la tête convainc le petit de l’imiter. « Tu vois. » Qu’il glisse ensuite à Eve en captant son regard. Elle n’a pas de souci à se faire, c’est une certitude.
Mais moi, je m’en fais énormément pour lui. Car je le connais, à force et je sais que cette manière de faire n’est que le calme avant la tempête. Qu’il n’osera jamais s’opposer à Eve ni lui partager sa colère, encore moins verbaliser la manière dont elle a marché sur son cœur pour se venger de la manière dont il l’a fait avec le sien. Il ne dira rien, contrairement à elle. Leur dernière conversation l’a démontré – les reproches sont venus de sa part, tandis qu’il acquiesçait silencieusement car il ne sait faire que ça. Aucune opposition, aucune affirmation et aujourd’hui ne fait pas exception à la règle. Mais ce calme qu’il laisse transparaître n’est pas sincère ; et au fond de lui, il est détruit à chaque seconde passée à côté d’elle. Il ne lui en veut pas quant à ses sentiments qu’elle ne partage pas, il ne peut pas forcer l’amour et il le sait bien. Mais il lui en veut quant à sa manière de se comporter et de persister à rester proche de lui, ce qui ne permet pas d’éteindre le feu qu’elle provoque à chaque fois que son regard se pose sur elle.
« Merci beaucoup. » Qu’il souffle en se saisissant d’une main du cadeau de la jeune femme. Et s’il n’avait pas Jacob dans les bras, probablement qu’il se serait penché pour la prendre dans ses bras malgré sa peur du contact, malgré le malaise que pouvait lui provoquer la tactilité de la jeune femme. Mais il se rend compte d’à quel point cela lui manque, d’à quel point il en a besoin. Il feuillette quelques pages de sa main libre, réalise que les traits sont grossiers et par conséquent qu’il s’agit d’une œuvre originale, mieux, unique. « C’est toi qui l’a fait ? » Il demande, la bouche entrouverte, le regard brillant.
Non, Kieran. Cesse de te faire piéger par un joli sourire et de belles actions, je t’en prie.
« Ne t’inquiète pas. » Qu’il dit en secouant la tête, son regard qui passe d’Eve à son fils, adressant un sourire à celui-ci. « Moi aussi j’adore les poissons, c’est lequel que tu préfères ? » Il demande pour oublier un court instant la présence de sa mère, laissant échapper un rire lorsque le petit tend son bras vers le premier poisson qui passe et s’écrie « lui ! » qui laisse penser qu’il s’agit surtout d’un choix fait simplement parce qu’il s’agit du premier dans son champ de vision. « Oh, c’est le mien aussi ! » Que Kieran s’exclame sur le même ton avant de laisser échapper un rire, qui se perd lorsqu’il reporte son regard sur Eve.
Non, Kieran. Tu n’as pas le temps. Tu n’as pas de temps pour elle, pas aujourd’hui, ni demain, ni d’autres jours. Ce n’est pas compliqué de refuser poliment une invitation, encore plus lorsqu’elle ne peut pas être sincère et qu’elle cache tant de choses. Parce qu’elle t’utilise, Kieran. Je m’en fiche que tu ne sois pas d’accord et que je sois le seul à le penser, mais je refuse que tu tombes à nouveau sous son charme. Tu ne peux pas te le permettre et je ne peux pas le laisser faire.
« J’ai tout le temps qu’il faut. » Et j’ai cru, un instant, que j’avais réussi à t’ouvrir les yeux. Mais tu sautes à pieds joints dans le piège et je ne peux pas te rattraper, cette fois-ci. Je ne peux qu’assister à ta chute et me désoler de ne pas avoir vu les indices plus tôt, ceux qui m’auraient permis de te retenir avant que tu ne succombes à la jeune femme. Ceux qui t’auraient évité de te retrouver dans pareille situation, à lui laisser l’honneur de panser ton cœur alors même qu’elle est celle qui l’a brisé. « Mais je ne veux pas t’embêter, Evie. » Qu’il ajoute et j’aime croire qu’il est poussé par le débat interne que je lui impose. Mais il n’en est rien, et seul l’état d’Eve le pousse à s’inquiéter de tout ceci. Et non le sien, alors qu’il devrait en faire une priorité. « Est-ce que tu veux t’asseoir ? » Il demande, à voix basse, pour ne pas attirer l’attention de Jacob. Et si l’enfant n’était pas entre eux, probablement qu’il ne lui aurait laissé le choix et peut-être même qu’il l’aurait prise dans ses bras pour s’assurer qu’elle ne perde pas l’équilibre. Et peut-être que ça n’aurait été qu’une excuse pour la serrer tout contre lui, encore une fois, juste une dernière fois, pour se souvenir de l’effet que cela lui procure.
Things we lost to the flame. Things we'll never see again. All that we've amassed. Sits before us, shattered into ash. These are the things, the things we lost. The things we lost in the fire, fire, fire. These are the things, the things we lost. The things we lost in the fire, fire, fire. We sat and made a list. Of all the things that we have. Down the backs of table tops. Ticket stubs and your diaries I read them all one day. When loneliness came and you were away. Oh they told me nothing new, (Bastille, Things we lost in the fire )
☆ Kieran & Eve ☆
Le poing s’était abattu avec violence sur la table. M’arrachant par la même occasion à mon dur labeur. J’avais relevé la tête en sachant pertinemment qui se trouverait en face de moi. Après tout, je ne cessai de me prendre des avertissements. Des brimades pour tenter de me remettre dans le droit chemin. « Evelyn, pourrais-je savoir ce que tu fais là ? » Je me contente de lever le bout de mon nez sans répondre. Il était évident que j’étais venue travailler. Tout comme je l’avais fait des jours durant, oubliant même jusqu’à rentrer chez moi, jusqu’à me nourrir. Trouvant une échappatoire dans ce travail qui m’était salvateur. Certains se refugiaient dans l’alcool, la drogue, les jeux-vidéos. Pour ma part, il s’agissait seulement de mon boulot. « Depuis combien de temps n’es-tu pas rentrée chez toi ? » Je me contentai de hausser les épaules en époussetant ma peinture et de me remettre à l’ouvrage. Je n’arrivais pas à dormir. Et ce depuis que j’étais mère célibataire. Mes névroses ont toujours été là, elles ne m’ont jamais quitté. Elles sont restées les mêmes et ont grandi comme les monstres que l’on trouve tapi dans les coins sombres. « Je dirai trois jours. » Ma voix était plate, dénuée d’émotions. Les enfants absents, je me laissais complètement allée à la dérive. Ivana les avait encore pris comme elle le faisait toujours quand elle me sentait à deux doigts de craquer. Mais la petite main de mon fils dans la mienne me rappelait qu’il était toujours présent et qu’il n’était pas parti comme son père. Jacob m’ancrait dans cette réalité qui n’était plus la mienne depuis des années. « Tu vas être mise à pied, tu le sais ça ? » Oui, je le savais. Les rendez-vous avec la médecine du travail n’étaient pas concluants. Mais aucun médecin ne pourrais en venir à éloigner mes cauchemars, à faire en sorte que j’aille mieux. Et que j’oublie toutes mes peurs. Elles étaient si nombreuses. Je ne sais pas si je serai capable de toutes les cacher. « Ecoute, tu vas quitter le musée. Pour deux-trois jours, histoire de lui montrer que tu prends un peu soin de toi. » Je m’appuyai sur ma chaise pour le dévisager. Depuis le ROA, il était évident que je n’étais plus moi-même. Je me contentai de le regarder en silence, mon compagnon ayant déteint sur moi. « Je te le dis comme un ami. » Certes, nous avions tous peur de lui. Il était notre chef à tous dans ce large musée. Mais nous ne pouvions pas sans arrêt être esclave de son bon vouloir. Même si pour l’instant, je n’avais pas trop le choix. Je rejetai donc la chaise en arrière avant de partir. Et d’attendre la mise à pied.
Je l’attendais encore quand je me tenais debout face au panorama de Brisbane quelques jours plus tard. La date était toujours entourée d’un coup de crayon rouge avec écrit son nom en lettres capitales. Parfois, nous sommes hantés par nos fantômes. Mais que faire quand notre spectre est fait de chair et d’os ? j’avais fait la bonne chose. dans le fond. J’avais éconduit Kieran pour m’assurer qu’il puisse recommencer sa vie. J’étais également un souvenir de son passé. Je n’aurai pas pu me douter que je lui ressemblerais autant. Que ses traits étaient également les miens. Je savais en tant qu’artiste que nous avions un double quelque part. mais comment me douter qu’elle était si proche de moi ? Dans le même pays, dans cette même relation. Je ne regrettais rien. Mon cœur appartenait désormais à un autre et je suis fidèle à mes sentiments. Mais je m’en voulais terriblement des mots que j’avais eu à son égard ainsi que des maux causés. Je pourrais m’en excuser de vive voix mais toutes les personnes qui me connaissaient savaient que parler en temps de stress étaient pénibles. Je risquai à coups sûrs de le blesser davantage. Mais je ne voulais pas. je ne voulais pas créer un trou entre nous. Je me détestais d’avoir été si méchante car cela ne me ressemblait pas. je n’ose même pas élever la voix face à mes enfants donc pour Kieran, je ne saurai expliquer. Je devais donc réfléchir proprement à ce que je pourrais lui dire. Inscrire les grands mots sur ma main comme l’aurait fait Ian dans Onward. Sauf que je n’avais pas de Barley pour me rattraper.
Alors face à lui, je fus démunie. Face à ses grands yeux bleus qui m’évitaient. Et je pouvais le comprendre. Mon fils me sauva pour venir réclamer de l’attention face à l’inconnu qu’il ne connaissait pas. « Merci, mon grand. » J.J commence à gesticuler, encore un signe de mon héritage. Puisqu’il était sans aucun doute aussi hyperactif que Lisa et moi. Nous nous ressemblions trop sans réellement le vouloir. Il avait mes cheveux dorés et ma bouille bien ronde alors que Lisa avait le visage de son père. Je caressai ses cheveux, replaçant certaines mèches comme l’aurait fait une mère. Mais je suis nulle dans ce rôle. Mes enfants partaient tous les deux à la dérive. Mon fils avait un grand besoin d’amour et d’affection. Un peu comme moi sauf que je n’osai pas faire un seul geste. « Et tu as très bien choisi, merci. » J.J tendit les mains vers le haut en demandant à Kieran de le porter. « Euh, oui, oui d’accord... » J’eus la chance de croiser le regard de Kieran avant d’avoir un petit sourire à son intention. « C… c… c… » Merde, foutu bégaiement à l’appui. Je tapais du pied, frustrée. « I… I… Il a… Il t… t… t’aime b… b… bien. » Car après tout, il ne faisait pas confiance à tout le monde. Lisa était plus méfiante mais Jacob et moi avions ce tempérament candide en nous. Je baissais les yeux, jouant avec mes mains. « Comme moi, murmurai-je sans que cela soit audible et par gêne. » mes joues s’empourprèrent d’elles-mêmes. Je parlais dans un sens purement platonique mais j’étais certaine qu’entre le bruit ambiant et les babillements de mon fils, Kieran n’avait rien entendu et c’était tant mieux.
Je me mis debout péniblement, fatiguée, sans aucun doute en manque d’énergie. Me maudissant de ne pas avoir pris mon café habituel. Le sommeil était à exclure quand j’étais seule. Zeke n’étant pas là et devant s’occuper du bon fonctionnement de sa ferme, ne voulant pas coller mon compagnon plus que de nécessité. J’avais cette peur d’étouffer les proches avec mon affection, ou plutôt ce manque de tendresse que j’ai connu. Et du coup, j’en avais à revendre. Kieran pourrait aisément l’attester vu comment je fus tactile avec lui dès notre première rencontre. J’ai toujours eu ce besoin de toucher les gens. Mais maintenant entre nous, plus rien ne serait comme avant. Comme avant que l’on se rencontre et qu’il me sorte cette maudite phrase que je ne parvenais pas à effacer de ma mémoire. Et à vrai dire, je ne voulais pas oublier. Cette phrase, tout comme les miennes font parties de notre relation. Restait à savoir si Constantinople pourrait devenir Istanbul ou s’ils ne restaient vraiment que des cendres entre nous.
J’osai venir lui parler de son cadeau. Ce petit livre qui trônait au fond de mon sac. Qui m’avait demandé des heures, des jours, des semaines de travail. Avoir une idée, la dessiner et finalement la jeter. Recommencer. Recommencer. Encore. Encore. Et encore. « Merci. » Je déglutis avant de me sentir devenir toute pâle. L’angoisse. Cette angoisse de l’abandon. De voir mon ami me tourner le dos était si forte que j’étais perdue dans ma psyché déglinguée. Je ne sais pas si je supporterais que quelqu’un me tourne de nouveau les talons. Raison pour laquelle je laissais respirer Ezechiel ou je n’étais pas allée taper chez Kieran dès que j’avais appris son élimination. Ça et la bienséance. « J’y compte pas. » Je passais une main dans mes cheveux avant de planter mes ongles dans ma nuque comme un rappel. « C’est pas… pas… pas t… t… terrible. J… j… je s… s… suis désolée. » Toujours cette dévalorisation qui ne quittait pas mon cœur, qui l’étreignait comme s’il cherchait à le détruire.
« Hé, Eve, ferme les yeux et respire, d’accord ? » Docile, je l’écoutai. Je fermis les yeux, perdant ainsi tous mes repères mais ma tête commença à me lancer, plus vicieuse que jamais. Ma main se referma sur celui de mon fils qui posa sa main sur la mienne comme pour m’ancrer dans la réalité. « Il faut faire quoi quand maman n’est pas bien ? » J’entendis la voix de Jacob. Kieran, je ne vais pas mal. Je n’arrive plus pas à me pardonner en ta présence. C’est plus compliqué que ça. La culpabilité est une vieille amie. Je ne pus cependant te dire ça, mon ami, n’est-ce pas ? Cela aurait envenimé les choses entre nous ? Je déglutis de nouveau alors que J.J se mit à chanter. Lorsque la voix de mon ami se juxtaposa à celle de mon fils, j’eus un éclat de rire. « Ton français est nul, chaton. » Chacun son surnom n’est-ce pas ? Comme si je tentais de remettre les roues dans le bon chemin. « J.J., t’es d’accord avec moi que maman n’a pas à se faire du souci ? » Je les regarde faire, capturant ce moment dans ma rétine. J.J imita le grand brun avant de venir poser sa petite main sur la joue du géant. Conscient qu’il essaiyait de l’apprivoiser. « Tu vois. »
Il avait raison. Kieran était toujours le même. Je ne devais pas avoir peur de lui. Pas plus que d’avoir peur de moi. Ou de dire ce que je ressentais. Je lui avais dit que je ne lui mentirai pas. Que je serai toujours honnête envers lui. J’avais choisi l’alcool par voix de lâcheté. Je lui tendis son cadeau. Consciente que les feuilles étaient un peu cornées d’avoir séjournées dans mon sac. Mais la couleur était toujours aussi vivante, les bulles intactes. Kieran me remercia tout naturellement. Je me mordis l’intérieur de la joue, gênée. « C’est toi qui l’a fait ? » Je fais la moue avant de venir me râcler la gorge. « Oui. » Je fixai le sol avant de me souvenir que je n’avais rien à craindre. Kieran était toujours le même. « Je… je n’achète jamais de… j’aime pas acheter des cadeaux. Je les fabrique. J’avais commencé à te… » Je fouillai dans mon sac pour en sortir la petite statuette que je n’avais pas terminé de façonner. « Un totem. Je voulais te faire un totem. Mais j’ai pas eu le temps, je suis désolée. Donc t’auras que le comics. Et la fin est vierge. » Et je ne suis pas dedans aussi. J’avais volontairement omis de me mettre dedans pour ne pas le mettre mal à l’aise.
Je ne pus m’empêcher de m’excuser pour le lieu choisi, cependant. Car c’était l’anniversaire de Kieran. Et je voulais faire ce qui pourrait lui faire plaisir. Pas lui imposer une sortie à l’aquarium avec mon fils. Moi aussi j’adore les poissons, c’est lequel que tu préfères ? » vu son aisance avec les enfants, Kieran ferait un bon père. Avec une femme qui le mériterait amplement. Je me perdis à les admirer avant de sentir le crayon qui me démangeait au fond de mon sac élimé. Je serai capable de les immortaliser tous les deux pendant leur conversation complice. « J’ai tout le temps qu’il faut. » Je levai le visage vers lui avant de me fendre d’un sourire. pas aussi grand que ceux que je lui servais d’habitude. Non pas parce que je n’étais pas contente de le voir mais parce que j’étais épuisée mentalement. « Mais je ne veux pas t’embêter, Evie. » Je secouai la tête à la négative. « Tu m’embêtes jamais, Kieran, dis-je d’une voix douce. » Et c’était la vérité. il fut mon ancre pendant les longs mois où nous nous sommes parlés via le net. « Est-ce que tu veux t’asseoir ? » Non. Jamais. Mais à la place, je me retrouvais à opiner pour aller me poser sur un banc. « Je pense que je te dois des excuses. » Un train complet, un TGV. Ou même un paquebot. Quoique non. « Pas seulement pour les mots que j’ai eu l’autre soir mais pour tout. Pour t’avoir maintenue loin de moi pendant ces longs mois. Mais j’ai eu peur que tu ne me vois pas. Ou alors que tu essaies d’avoir une fin à l’histoire que tu n’as pas eu avec l’ancienne madame. Je m’en suis même voulue d’avoir le même visage qu’elle. » Car je savais qu’elle lui avait du mal. « La vérité est que ce n’est pas toi qui es paumé mais moi. Ma vie m’échappe totalement. Entre les travaux de la maison, la maladie de Jacob, la… » La mienne. Oui, je pourrais le dire. L’anorexie mentale est une maladie après tout ? « Je sais, ce n’est pas une excuse. Je n’aurai jamais dû m’en prendre à toi et c’est… » Une larme roula le long de ma joue. Bon sang. Pourquoi est-ce qu’il faut toujours que je sois si sensible. « Je ne suis pas quelqu’un de méchant. Je te jure. Et je tiens vraiment à toi. A ce que nous avons construits avant. » Avant de se rencontre, avant que je n’en vienne à tout saboter et que tout ne soit qu’un tas de cendres. « Voilà. Si je t’ai blessé, je suis désolée. Même maintenant. Parce que j’ai pas dormi depuis… un moment. Et je ne sais pas si c’est dû à la… c’est quoi le mot quand on mange pas assez ? Mais j’ai les mots en allemand et ça se traduit pas bien. » C’était moins compliqué avec les autres. Car je n’avais pas merdé. Et aussi parce que face à Kieran, je perdais tous mes moyens. « on peut aller chercher un café ? » Jacob me coula un regard. « Pas droit café, EvE. » Ne plus jamais emmener ce gamin avec moi en consultation. « Si aujourd’hui j’ai le droit crapule. N’est-ce pas Chaton ? » J’interrogeai Kieran du regard, me perdant le bleu de ses yeux avant de sourire. Tout simplement et sincèrement.
ÂGE : trente-cinq (14.07). aïe. SURNOM : « kiki » (couché, grrrrhhhh). STATUT : c’est bien aussi la solitude, on s’y habitue (non, pas du tout #help). MÉTIER : illustrateur (fauché) en freelance et prof (dépité) d’arts visuels. LOGEMENT : #18 james street, fortitude valley, avec cesar (le coloc) et waterproof (le corgi). POSTS : 4054 POINTS : 200
TW IN RP : dépression, pensées suicidaires, tentative de suicide, relation toxique, maltraitance, abus physiques et psychologiques, harcèlement scolaire, dépréciation, troubles anxieux, distorsion corporelle, mention d'agression physique (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : J'aime les jolies filles. PETIT PLUS : placé en foyer, très proche de la dernière famille qui s’est occupée de lui ≈ souffre néanmoins de cette absence d’identité propre ≈ réservé, maladroit, optimiste, vit dans un monde imaginaire ≈ a quitté sa fiancée il y a deux ans, soulagé malgré sa phobie de la solitude ≈ essaie de reprendre confiance en lui, de renouer avec ses proches, de retrouver sa place ≈ préfère la compagnie des pop et des jeux vidéo aux humains ≈ du talent au bout des doigts, aucune motivation d’en faire quelque chose ≈ trop mou, trop paresseux, trop paumé ≈ a fait une tentative de suicide fin novembre 2022. CODE COULEUR : kieran bafouille en rosybrown. RPs EN COURS : halstay #12, #13 & ua #3 (parents) ⊹ i hope your ghost will haunt me, i hope i hear you calling my name at 3am. 'cause honey, i love you dearly and i cannot bear you leaving again, not again. oh, i hope your ghost will haunt me 'til the end.
spencer #5 ⊹ i've been begging, hope you're listening. i've done my wrongs but i'm someone different.
ally ⊹ oh, if i can take something to make me feel better than i'm feeling now and everything else will work itself out.
(13/06 - vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bon ou de mauvais compte. moi, si je devais résumer le rp aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres) › ginny (fb) › cecilia › shiloh › wild › alfly #17 (ua) › danaë › olive #2 › greta #2 RPs EN ATTENTE : flora #3 RPs TERMINÉS :
kieyer ⊹ close your eyes and think of me and soon i will be there to brighten up even your darkest night. you just call out my name and you know wherever i am i'll come running, to see you again.
Dire qu’il me désespère est un euphémisme. Pour Kieran qui aime penser à sa vie comme si celle-ci était un film (de manière à en être le héros dans son imaginaire, à défaut de l’être dans la réalité – tout banal qu’il est), je le trouve bien peu créatif à cet instant, alors que l’image semble évidente. Si nous étions dans un film d’horreur, il serait la victime qui persiste à courir en direction du tueur lorsque la voix de celui-ci résonne pour menacer les protagonistes. Dans un documentaire animalier, il incarnerait sans difficultés la gazelle qui ne perçoit pas le danger en s’approchant du point d’eau où se désaltère un lion. Dans un animé, il serait ce gamin perdu et orphelin qui pense être parvenu à trouver un mentor et un guide en la personne d’un vieux sage, qui en réalité ferait de lui son véritable esclave personnel. Dans un comics, il serait le héros qui n’en serait plus un au moment même où la kryptonite l’atteint. Sa kryptonite, c’est Eve. Ou Autumn. On ne sait plus vraiment, à force.
C’est ce dont Evie est persuadée, ce dont il essaie de la dissuader. De mon côté, j’ignore réellement où Kieran se situe entre les deux jeunes femmes ; pour cela il faudrait déjà savoir où il se situe par rapport à lui-même. Or, c’est une interrogation dont il n’a pas trouvé la réponse et qu’il ne trouvera probablement jamais. Eve l’a si bien verbalisé ; il est paumé. Il le sait, il l’a toujours été, mais cela ne rend pas l’affirmation plus facile à entendre, encore moins lorsqu’elle provient d’une personne qui lui est aussi chère. Et j’aurais voulu parler d’elle au passé, mentionner qu’elle lui était chère, parce que je refuse que Kieran lui accorde la même importance qu’auparavant – pourtant il ne m’écoute pas et son attachement pour la jeune femme est encore présent, si ce n’est pas grandissant. Mais est-ce vraiment un attachement pour la jeune femme ou pour tout ce qu’elle représente ? Ou tout ce qu’elle ne représente pas, en l’occurrence. Elle n’est pas Méduse, elle ne le sera jamais – et c’est une vérité dont j’ai essayé de le persuader pour qu’il parvienne à dissocier le vrai du faux, la réalité de son imaginaire, qui se pensaient conjointement après leur rencontre. Mais le temps est passé, le silence d’Eve a persisté et il est parvenu à faire la différence – qu’il tente de me persuader. De mon côté, je n’en suis pas si sûr. Je ne suis pas aussi catégorique qu’Evie, parce que je sais qu’il n’est pas stupide ou malade au point de ne pas parvenir à différencier les deux femmes, mais je crois que son envie de connaître un happy end n’est jamais bien loin et interfère dans ses sentiments pour la blonde. Je ne souhaite pas déculpabiliser Kieran, il sait ce que je pense de son comportement et de sa manière de penser terriblement problématique ; pour autant je ne pense pas qu’il mérite d’être condamné comme la jeune femme le fait. Et c’est dans ces certitudes qu’elle m’a confirmé, qu’elle nous a confirmé, que finalement elles n’étaient pas si différentes ; et que tous les efforts de Kieran pour intégrer cette idée sont réduits à néant par le comportement d’Eve – tout aussi ambigu que celui de Méduse.
L’intimité et la proximité ne sont pas les mêmes ; pour le reste, les similitudes sont évidentes. Ils étaient proches, presque fusionnels (même si dans un cas ce fut à travers un écran), puis le silence radio s’est installé. Le même mécanisme utilisé par la première version de la jeune femme ; de beaux moments passés ensemble, une alchimie évidente, une affection qui l’est encore plus – puis, finalement, la sentence du silence et des reproches sans qu’il n’y ait eu de jugements au préalable, pour mieux revenir la bouche en cœur à la première occasion, lorsqu’il fait preuve de vulnérabilité, lorsque son pardon est accordé sans même que des excuses ne soient formulées. Et lorsqu’elles le sont, la sincérité se lie à l’opportuniste et à la nécessité de penser à soi avant lui. Un besoin égoïste de continuer à l’avoir dans sa vie alors qu’il serait préférable que Kieran n’en fasse plus partie. Préférable pour lui, évidemment, mais le jour où il parviendra à comprendre qu’il est parfois nécessaire de servir ses propres intérêts avant ceux des autres n’est pas encore arrivé. Preuve en est ; le nombre incalculables de fois où la personne à l’origine de ses souffrances reprend la place importante qui lui est réservé dans son cœur. J’aurais voulu qu’Eve cède la sienne à quelqu’un de plus méritant, de plus bienveillant, qui ne persistera pas remettre en question la moindre de ses paroles, la moindre de ses pensées et qui ne décidera pas pour lui, mais Kieran n’est pas de cette avis. Et si j’aime prétendre que je possède le contrôle sur lui, ce n’est pas le cas – et lorsqu’il s’agit de ses sentiments, Kieran parvient sans difficultés à me réduire au silence pour écouter ce cœur qui s’oppose à moi, sa raison.
Elles ne sont pas si opposées ; parce qu’elles font l’usage d’outils pour le faire céder plus facilement. Et qu’il est probablement déplorable de parler d’un enfant de cette façon, toujours est-il qu’aujourd’hui, J.J. est un outil, un moyen de s’assurer que Kieran ne hausse pas la voix, ne partage pas ses doutes et ses pensées, ne puisse pas fuir non plus. Et que la sensation d’être pris au piège est réelle même s’il refuse de l’admettre – ce serait avoir une opinion défavorable à l’encontre d’autrui et ça, ce serait bien plus problématique que tous ce que les autres lui font subir au quotidien. Parce qu’on peut jouer avec lui, il reviendra toujours ; mais il refusera d’être celui qui s’amuse de lui-même, qui réalise à quel point il s’est leurré. C’est peut-être la raison pour laquelle il pardonne à Eve avec autant de facilité, pour ne pas admettre qu’il s’est bercé d’illusions, qu’il s’est emballé comme trop souvent et que ses sentiments n’étaient pas destinés à la bonne personne. Que celle qu’il voyait comme un remède est en réalité le mal contre lequel il doit lutter. Ce mal qui s’infiltre partout en lui, dans son esprit, dans son cœur, dans ses émotions, alors qu’elle bégaie. Elle bégaie lorsqu’elle est mal à l’aise. Elle bégaie parce qu’elle est mal à l’aise à cause de toi, Kieran. Comme si tu étais susceptible de lui causer du mal – et elle ne se rend pas compte de tout ce que cela déclenche à l’intérieur, n’est-ce pas ? Mais moi, je le perçois, ce combat silencieux qui te renvoie entre les accusations de Méduse et celle d’Eve, tiraillé par tous ces défauts qui te sont reprochés alors qu’ils te paraissent si irréalistes. Mais ils doivent être vrais, puisqu’ils sont verbalisés par ceux qui te connaissent le mieux, n’est-ce pas ? C’est ce dont il se persuade et je tuerais pour qu’il comprenne que ce n’est pas le cas, que personne ne peut dicter ses actes et ses pensées. Et pourtant, elles l’ont fait. Et Eve continue, involontairement. « Cool. » Qu’il se contente de répondre lorsqu’elle précise que J.J. l’aime bien, alors que je l’entends penser qu’il voudrait que sa mère partage cet avis. Mais ce n’est pas le cas, Kieran, il faut que tu l’acceptes.
L’enfant dans les bras, le malaise perceptible, le regard océan de Kieran se perdu sur l’aquarium face à lui. Oh qu’il aimerait fuir, je le perçois ce malaise qui couvre une crise d’angoisse qu’il s’autorisera uniquement lorsqu’il sera seul, lorsqu’il n’aura plus ce masque à porter, parce que l’attitude d’Eve lui confirme qu’il n’a de place que pour ses vulnérabilités à elle et non les siennes. Il doit les masquer, les oublier, comme il a toujours dû le faire jusqu’ici. Ses remerciements se heurtent à la pâleur d’Eve, à son malaise et Kieran se sent toujours plus coupable. C’est lui qui la met dans un tel état. C’est lui qui la rend si fragile et le parallèle se fait encore une fois dans sa tête alors qu’il baisse le regard et qu’il ne prend pas la peine de répondre aux excuses de la jeune femme – qui n’ont pas besoin d’être formulées. Alors, ils avaient raisons. Méduse, Keith, Hannah, Reese, Eve, Raphael : il est toujours responsable du mal-être d’autrui. Il est toujours le point d’origine, celui à partir duquel tout se complique, celui qui est déglingué autant qu’il déglingue les autres et le constat, à cet instant, est insupportable. Et j’aimerais tellement lui dire qu’il se trompe, à quel point il ne comprend pas, Kieran, mais ce ne serait qu’accentué ce mal-être, le sien, qui le poursuit depuis tant d’années. Et face à cette dévalorisation, je n’ai plus d’armes ; conscient que les faits lui donnent raison et que malgré toute ma bonne volonté, je ne parviendrai pas à lui faire changer d’avis sur la situation. Et j’ai mal autant qu’il a mal, autant que son cœur se réduit en miettes alors qu’il comprend qu’est un problème, qu’il l’est toujours et qu’il le sera toujours. Que tout serait tellement plus facile s’il cessait de demander de l’affection aux autres et qu’il acceptait le fait qu’il n’est pas supposé en recevoir. C’est comme ça, certains naissent avec des qualités, d’autres avec des défauts, certains seront portés au sommet, d’autres ne pourront que chuter. Il appartient aux secondes catégories et après trente ans à comprendre que les soucis émergent constamment de lui, de sa simple existence, peut-être serait-il temps de remettre celle-ci en question et plus particulièrement sa poursuite.
J.J. l’oblige à reprendre contact avec la réalité et Kieran reporte son regard sur Eve, une fraction de secondes qui suffit à lui déchirer à nouveau le cœur. Il est censé être celui en mesure de réparer les choses – c’est bien lui qui les a provoquées, après tout. Il ne sait pas exactement comment, mais ce n’est pas tant important : le résultat est là, Eve est au bord de la crise de nerfs et c’est à lui qu’incombe la tâche de réparer ses propres dégâts. Et pourtant, il utilise l’enfant à son tour, comme si ce n’était qu’un objet transitionnel entre Eve et lui. Même pas capable de te débrouiller seul, Kieran. « Désolé. » Qu’il s’excuse, le rire d’Eve qui résonne dans ses oreilles et ce surnom qui résonne dans son cœur. Il est sérieux, désolé d’être aussi nul, même pour des choses d’apparence anodines. Mais elle n’a pas bégayé. Serait-ce à voir comme une victoire ? Il ne le perçoit pas ainsi, se contente de reporter son attention sur l’enfant, de déglutir quand l’enfant pose sa main sur sa joue. Il cherche toujours sa place, Kieran, mais il sait que celle-ci n’est pas la sienne ; ça ne devrait pas être lui qui joue au parfait père de famille, mais l’homme qui a su se faire une place dans la vie d’Eve. Cette dernière choisit le moment opportun pour lui fournir son cadeau, lui permettant de se concentrer sur autre chose. « C’est pas grave, tu sais. » Qu’il dit alors que son regard se porte sur la statuette entre les doigts d’Eve. « Je termine jamais rien, alors... » Ce n’est pas lui qui va s’en offusquer. Il n’osera pas le verbaliser, mais il l’aimerait beaucoup, cette statuette. Pas nécessairement parce qu’il aime l’objet, mais surtout pour ce qu’elle pourrait représenter. Il affiche un léger sourire, tandis qu’il se sent gâté, mais néanmoins mal à l’aise. Il ne mérite pas tout ça, c’est une certitude. « Merci beaucoup. » Il réitère ses remerciements, le cadeau précieusement en main, impatient de le découvrir. Il est touché qu’elle ait pris le temps de lui créer quelque chose d’unique – il ne l’aurait pas fait, lui. Pas parce qu’il n’aime pas offrir de cadeaux personnalisés ou parce qu’il n’a pas le temps, mais parce qu’il n’a pas suffisamment confiance en ses capacités pour que cela relève d’une évidence. Le sourire aux lèvres, son regard ne quitte pas cette bande-dessinée et je m’énerve intérieurement, qu’elle parvienne avec un simple geste, à tout effacer.
À tout effacer, au point où il accepte cette invitation à passer la journée avec elle. À part avec Mira, il n’avait rien de prévu pour cette journée soi-disant particulière. Mais j’aurais voulu qu’il ait bien d’autres projets ; et je sais qu’en réalité ce n’est pas ainsi qu’il avait imaginé cette journée. « Tu m’embêtes jamais, Kieran. » Et je ris, à m’en faire mal à la mâchoire si j’avais une présence physique. Tu vas réellement la croire, Kieran ? Alors qu’elle t’a bien fait comprendre, en demeurant silencieuse et hors de ta vie, que tu l’embêtais plus que personne ? J’aimerais le secouer, j’aimerais lui mettre une claque, même, mais il n’écoute rien, il ne réagit pas face à cette plaisanterie – parce qu’elle n’en est pas une pour lui. Elle se moque et il se soucie d’elle, je ne le comprends plus. Il la suit jusqu’au banc sur lequel elle s’assoit, alors que ses mots me donnent envie de hurler, de vomir, de rire, tout – sauf la neutralité dont fait preuve Kieran, qui se veut presque bienveillant. Il perd son regard dans le sol alors qu’il la laisse parler- Je voudrais l’interrompre, je voudrais qu’elle comprenne qu’il est trop tard – je voudrais surtout que Kieran s’en rende compte et le souligne de lui-même. Mais il reste pendu à ses lèvres, alors qu’à défaut de pouvoir le faire réagir, il devra vivre avec mes commentaires.
L’autre soir, c’était il y a plus d’un mois, Eve. Un mois de silence après de telles paroles et une telle annonce. Ce n’est pas anodin, d’avoir disparu à nouveau, juste après l’avoir laissé face à cette confrontation à laquelle il n’a guère pu participer. Pour la seconde fois, comme un rituel qui s’installe, un rituel nocif, qu’il ne perçoit pas, y étant trop habitué. Ce n’est pas correct, Eve, de revenir sur les événements qui vont à amener ici, comme si les excuses et les explications de Kieran persistaient à ne pas avoir de sens, ni de valeur. Comme s’il était essentiel de revenir dessus à chaque instant ; alors qu’il se morfond assez d’avoir prononcé ces quelques mots. C’est un peu facile de considérer de leur importance sans prendre en compte leur contexte ; et sa volonté de te rassurer quant à ta personnalité ou à cette rencontre – ce n’était pas ça qui l’avait déstabilisé. C’était maladroit, mais il l’a fait pour toi, pour que tu comprennes que le problème ne venait pas de toi. C’est un peu tordu de considérer que le problème vient juste de toi ; alors qu’il vient bien de lui. Je ne cherche pas à le déculpabiliser ou à la déresponsabiliser, mais le fait est que tout ceci provient de sa maladresse, de ses difficultés. Et que les rares fois où il a essayé de les verbaliser, ce sont tes difficultés à toi qui ont accaparé la conversation – et que ses tentatives de s’ouvrir sont retombées comme un soufflé, les reproches fusant sur sa manière d’être. C’est un peu paradoxal de considérer que tu es celle qui est paumée, un mois après l’avoir mis devant le fait accompli, un mois après qu’il ait autant ressassé ces quelques mots. Le timing n’est pas adéquat et s’il n’y en a pas d’approprié, il y a des silences et des prises de conscience qui ne devraient pas tarder autant. Tu as raison sur un point, Eve. Tu n’aurais jamais dû t’en prendre à lui. Et je parle en étant biaisé, c’est un fait, parce que je le défendrai quoi qu’il advienne ; mais il n’a pas à être le tapis personnel de tout le monde, celui sur lequel tout le monde s’essuie, sans jamais s’occuper de le remettre en état. Tu es celle qui aurait pu le faire et tu es celle qui a tout fait basculer. Et la larme coule sur ta joue, perceptible pour un Kieran qui ne peut s’empêcher de se sentir mal – encore une fois parce qu’il persiste à croire qu’il est le responsable de tout ça. Un Kieran qui n’a eu de cesse de mettre ses émotions de côté pour mieux accueillir les tiennes. Il n’aime pas qu’on le touche ; il ne t’a jamais repoussée malgré ta tactilité démesurée. Il panique lorsqu’on lui fait des reproches ; il n’a jamais fui malgré ses envies pour ne pas te rendre encore plus mal que tu ne l’es déjà. Il n’a jamais osé hausser la voix, hurler, pleurer, parce qu’il sait qu’il ne serait pas légitime face à toi et que cela ne ferait que te braquer en plus d’accentuer ta propre dévalorisation.
Je ne t’aime pas, Eve. Et je vais tout faire pour que Kieran cesse de le faire.
Mais je te concède cette victoire ; quand bien même cela m’horripile. Malgré toutes mes réflexions, malgré mes commentaires, malgré mes tentatives de lui ouvrir les yeux ; Kieran ne partage pas ce discours. Le regard dans le sien, dans ces yeux dans lesquels il se perd à nouveau, ce sourire qui provoque le sien, encore et toujours – et il retombe sous le charme comme un débutant. « C’est un temps à chocolat chaud. » Qu’il se contente de répondre, pris à parti entre l’enfant et sa mère – et je le répète, Kieran, à quoi joue-t-elle pour t’utiliser de la sorte face à son propre enfant ? Et je le sens qui hésite un instant, le regard perdu entre J.J. et la jeune femme, à se demander une fraction de secondes ce qu’il fiche ici, dans le tableau d’une vie qui n’est pas la sienne.
Allez, Kieran. Je suis sûr que tu peux réagir, que tu peux faire entendre ta voix et pas seulement pour demander de te faire flageller, encore et toujours. Pourtant, c’est ce que tu fais.
« Tu n’as pas à t’excuser, Eve. » Bien sûr que si. « C’est à moi de le faire. » Bien sûr que non. « Est-ce qu’on peut voyager dans le temps, là-dedans ? » Il questionne en relevant le comics toujours dans sa main. « Parce que c’est la seule chose dont je rêve depuis des mois. » Il admet, évitant son regard alors qu’il s’ose à s’ouvrir à nouveau, voulant oublier que la dernière fois qu’il l’a fait face à elle, ça ne lui a pas réussi. N’y arrivant pas, néanmoins. « Je n’arriverai jamais à me faire pardonner, mais je continuerai d’essayer. » Oh, Kieran. On en revient à ça ? « Et j’aimerais tellement que tu puisses me croire quand je te dis que tu n’as rien à voir avec elle et que je te vois. » Il insiste sur ces dernières paroles, relevant la tête pour plonger son regard bleu dans le sien. C’est ce qui se rapproche le plus d’une opinion, d’une certitude qu’il affirme ; et le fait que malgré ses multiples tentatives, elle ne cesse de penser qu’il n’est pas en mesure de faire la différence, qu’elle sait mieux que lui ce qu’il se passe dans sa tête. Surprise, Eve, même moi qui en suis prisonnier, je ne comprends pas tout ce qui se passe là-haut. « Tu es... tu es tellement plus qu’elle. » Tellement plus gentille, tellement plus bienveillante, tellement plus attachante, tellement plus jolie. Mais il n’a pas là pour étaler ses sentiments ; au contraire, il se doit de les réfréner. « Je tiens à toi, moi aussi. » Tellement plus que tu ne pourras jamais tenir à moi. « Et je suis désolé. Pour ce que j’ai dit ce jour-là, pour m’être fait des idées sur ce qu’on aurait pu devenir, pour... enfin, pour ces sentiments que je n’ai pas réussi à contrôler. » Il confesse, se sentant plus vulnérable que jamais. « Ne t’en fais pas, c’est le cas maintenant. » Menteur, menteur. Il assure, captant son regard alors qu’il affiche un léger sourire. « Ce que je veux dire, c’est que... je ne veux pas être un nuage noir sur ta relation. » Il admet, en se pinçant les lèvres. « Et que je veux vraiment que ça marche pour toi, tu le mérites. » Tu mérites un garçon qui sera sain d’esprit, un garçon qui ne sera pas aussi dur envers lui-même, un garçon qui te porte vers le haut au lieu de te faire sombrer avec lui. « J’espère qu’il te rend heureuse. » Et peut-être qu’il lui l’avait déjà dit, peut-être qu’il se répète, peut-être est-ce trop téléphoné pour être sincère ; mais ça l’est. Et en ce sens, il ne peut que mettre son cœur brisé de côté et se réjouir pour elle. Comment aurait-il pu la rendre heureuse alors qui ne l’est pas lui-même ? Comment aurait-elle pu s’épanouir aux côtés d’un homme qui est immature, irréfléchi, stupide, incapable de bien des choses ?
« Faim. » Qu’il reprend, avant de préciser. « Le mot que tu cherches. » Il déglutit un bref instant, avant de se reprendre. « Ça tombe bien, le principe d’un anniversaire est de manger du gâteau, pas vrai ? » Qu’il demande en lui tendant la main, celle dans laquelle se trouve encore le comics dessiné par ses soins. Elle ne pourra peut-être pas s’en saisir et c’est tant mieux ; mais c’est sa tentative maladroite de formuler son invitation. Et lorsque la jeune femme est à sa hauteur, il se penche en avant, pour être à hauteur de son oreille, auprès de laquelle il murmure : « Et peut-être que quand Jacob sera occupé, tu pourras arrêter d’esquiver la question ou de me mentir. » Parce qu’elle ne va pas bien, c’est une évidence. C’est d’ailleurs dans leur mal-être qu’ils se sont rapprochés, après tout. « Un ami repère ce genre de choses. » Qu’il certifie en se reculant, un sourire bienveillant sur les lèvres. Car c’est ce qu’ils sont, après tout ; des amis et qu’il faut qu’il s’habitue à cette idée, tandis qu’il plonge dans le mutisme, s’entraînant à taire ses sentiments pour ne pas heurter les siens.
C’est toujours étrange cette impression de décevoir les autres. Dans le fond, par mesure de protection, mon esprit avait volontairement occulté cette soirée de mon esprit. Je me souvenais des mots, des maux créés mais je me refusai à les intégrer. Et pour cause qu’il y avait une raison à ceci. une odieuse raison que j’ai mis du temps à comprendre, à intégrer. Kieran ne me faisait pas du bien. Lorsque nous nous sommes vus, je ne mentirai pas en disant que je l’aimais. Certes, je ne l’avouerai jamais à voix haute et vous voulez savoir pourquoi ? Car cela nous ferait souffrir tous les deux. De lui dire que je l’ai aimé mais qu’il a étouffé le sentiment dans l’œuf. Je ne suis pas quelqu’un de bien. Je ne le serai jamais et vous voulez savoir pourquoi ? Parce que je suis trop égocentrique. J’ai trop souvent regardé les hommes qui ont partagé ma vie ne pas m’aimer assez. Je me suis contentée de peu et je désirai que cette fois-ci soit différente. Alors cette peur irrationnelle qu’il ne m’aime pas pour moi, pour la personnalité que je lui avais montré au gré de nos échanges virtuels mais parce que j’avais une ressemblance avec son ex étaient inconcevables. Je devais me protéger. La dernière fois que je suis tombée amoureuse m’a coûté trop cher. J’ai failli y laisser ma raison, ma santé, ma vie. Et je ne voulais pas reproduire la même chose. Le schéma que nous aurions emprunté lui et moi n’aurait pas été sain. Jamais. De part ma ressemblance avec Autumn. Non. Il fallait couper l’herbe sous le pied.
Sauf s’il ne ressentait rien pour moi. S’il n’avait aucun sentiment ambigu alors je pourrais rester son amie. Mais je devais être honnête envers lui, envers moi et pour Zeke. L’amour que je portais à Zeke était pur, était simple, ne me faisait pas de mal. Il ne me prenait pas pour quelqu’un d’autre et je savais que cela serait pour le mieux. En vérité, je savais qu’il s’agissait de LUI. Le Lui avec un grand L. donc il ne fallait pas que Kieran espère quoique ce soit si ce n’était mon amitié. Mon cœur saignait. Mais je devais le libérer. Pour nous deux.
Je mentirai si je disais que je l’écoutais encore. Mon esprit dérive et j’essaie de déceler la moindre trace. Pitié Kieran, ne sois pas amoureux de moi car je ne t’aimerai jamais. Je n’en avais pas le droit. Et que j’en aimais un autre. Je le fixai avec mon enfant. Si le contexte était différent, je pense que j’aurai fondu, que je l’aurai aimé davantage à la vision de mon fils. Mais non. Il s’agissait de mon ami alors pourquoi les choses étaient-elles si compliquées entre nous ? Et j’étais si fatiguée. J’étais fatiguée que les choses soient compliquées entre nous.
« C’est pas grave, tu sais. » Mon cerveau me hurle qu’il me ment. Bien sûr que c’est grave. Je choisis de rester mutique. Je me contentai de balancer ma frêle silhouette d’avant en arrière, les mains croisées dans le dos. Ce cadeau représentait quelque chose. « Je ne suis pas dedans. » Je l’avais fait exprès. « Parce que je me juge indigne de l’être. » Ma voix n’était pas enjouée, sans frioriture. Je ne te mentirai jamais, Kieran. Je lui avais faite cette promesse pendant une game. Et je demeurai honnête. Après tout, il n’y a que comme ça que nous pourrions avancer. Ou reculer. Ou couper les ponts. Ou est-ce que cette relation nous mènerait-elle ? Saurait-il comprendre pourquoi je voulais disparaitre ? Que je ne m’aimais pas ? Que je me haïssais ? Et dans le fond, le monstre reprit sa place et eut un rire jaune. Parce que je savais que Kieran devait me haïr dans son for intérieur. Comme beaucoup de monde. Mais ça très chère Eve, personne ne t’aime dans ce bas monde. Pas même Ezechiel.
Sa voix était perfide. Je ne voulais pas y penser maintenant. C’est l’anniversaire de Kieran, dégage sale serpent. Je l’ai toujours imaginé ainsi. Comme un serpent qui était aux prises de ma propre noirceur. « Tu n’as pas à t’excuser, Eve. » Cette fois-ci, le monstre prend place, toujours aussi chimérique et ombrageux pour me contrôler. Mon regard se voile magré moi alors que je l’écoute d’une oreille distraite plus tendue que jamais. Il te ment. Bien sûr qu’il me ment. Mais ce que je ne comprenais pas, c’est pourquoi tu te réveilles toujours en sa présence ? Les regrets ? La culpabilité. « Bien sûr que si, dis-je d’une voix absente. » J’aurai pu tempêter, m’énerver comme la dernière fois mais je n’en avais plus l’énergie. Les nuits blanches, la faim. Cette faim qui me tiraillait mais que je ne voulais pas assouvir. Parce que tu veux mourir, Eve. Tu es faible. Non, je ne veux pas mourir. Je veux souffrir. Je voulais sentir les affres de la souffrance me vriller les sens pour compenser. Compenser ce bonheur que je touchais du bout des doigts et que je m’en voulais. Je ne le méritais pas. Bien sûr que tu ne le mérites pas. Je fermais les yeux, serrant la mâchoire, trouble imperceptible. Personne ne pouvait le voir à l’œil nu car j’ai réussi à le cacher. Il n’y a que Mira qui sache. Qui soit au courant de cette bête tapie au fond de moi qui grandissait et prenait un peu plus vie au fur et à mesure de ma frêle existence.
« C’est à moi de le faire. » A faire quoi ? S’excuser ? « Arrête. T’as pas à t’excuser. Je suis celle qui suis tombée. Pas toi. » Tombée amoureuse de toi. Tombée dans cette déchéance à cause des mots qu’il m’a dits. Que tout le monde m’a conseillé de le fuir. Et tu les as écouté pour une fois. Oui, je les ai écoutés. J’ai fui le plus loin possible sans me douter une seule seconde qu’il serait de la partie. Dans cette foutue aventure de merde. « Est-ce qu’on peut voyager dans le temps, là-dedans ? » Je le regarde lever le comics. « Et pourquoi veux-tu voyager dans le temps ? Notre ligne temporelle resterait inversée. Comme celle du docteur et de River Song. » Oui, elle était là la logique. J’ai commencé à l’aimer le jour où lui cessait d’en aimer une autre. Et j’ai cessé de le faire, le jour où il a commencé. « Ce n’est pas plus ta faute que la sienne. C’est la mienne. » Et tu en portes le blâme physiquement n’est-ce pas Eve ? Sauras-tu confier à ton mec que celui-là te brise un peu plus à chaque contact ?
« Je n’arriverai jamais à me faire pardonner, mais je continuerai d’essayer. » Je pense que si j’en avais l’énergie, je m’arracherai les cheveux. « Mais te faire pardonner quoi ? C’est moi qui lui ressemble trait pour trait. Même au niveau du caractère, je suis aussi… je suis certaine que je le suis même plus. » Et il le pense dans le fond, murmure mon ombre. C’était ce qui me donnait la nausée. Toute couleur quitta mon visage alors que je vacillai un peu plus. Je voudrais fuir. Oui, je voudrais courir jusqu’à avoir les pieds en sang et fuir. Mais il y a mon fils qui m’ancre un peu dans cette réalité. dans ce cauchemar vivant. « Tu es... tu es tellement plus qu’elle. » Je baisse la tête, en secouant la tête à la négative. Non. Parce qu’elle, tu te serais battue pour elle n’est-ce pas Kieran ? Si elle t’avait fui comme je l’avais fait, tu lui aurais couru après. Et tu ne t’es pas battu pour moi. Car je n’en vaux pas la peine.
« Et je suis désolé. Pour ce que j’ai dit ce jour-là, pour m’être fait des idées sur ce qu’on aurait pu devenir, pour... enfin, pour ces sentiments que je n’ai pas réussi à contrôler. » Je redresse la tête. Je fais un pas en arrière, comme s’il m’avait giflé. Non, Eve, il ment il n’était pas amoureux de toi. Il ne l’était pas. Non, non, non. J’écarquillai les yeux, incapable de dire quoique ce soit. « Ne t’en fais pas, c’est le cas maintenant. » Je plissai le regard. Il ment. Bien sûr, qu’il ment. Nous avons joué ensembles et je sais reconnaître ses intonations de voix quand il me ment, de même qu’il sait le faire avec moi. « Je voulais te faire du mal, confiai-je, parce que… » Il serait peut-être temps de lui parler de moi non ? Non, pas devant Jacob qui nous écoutait. « J’étais célibataire. » L’odieuse vérité. celle qui doit sans doute nous faire mal à tous les deux. Mais autant être honnête. L’emploi du passé était volontaire. « Il faut que tu comprennes que j’ai trop souffert. Premier copain qui m’abandonne alors que j’étais enceinte. Qui m’a humilié au point où j’ai dû changer de faculté. » Mes mains se mirent à trembler alors que j’évoquai ce douloureux passé que seul Caleb connaissait. Il a été jusqu’à décrire notre intimité devant tous ses amis alors que j’étais à côté. J’ai perdu ma meilleure amie qui est décédée dans un accident de la route. Je sais que cela n’excuse rien. Je le sais. Mais en… en trois ans, j’ai enterré trois personnes. J’ai enterré celle qui fut comme une mère pour moi. J’ai vu ma meilleure amie finir entre quatre planches et… son père n’est jamais revenu. Les hommes ne me choisissent jamais. Tu comprends ça ? Je sais que tu vas penser de moi que je suis égoïste ou une… l’insulte que tu veux. Mais j’ai vu que tu ne me choisirais pas à cause de notre ressemblance. Et c’est normal. Si tu avais ressemblé à Jacob, je ne sais pas si je t’aurai aimé pour toi mais plus par souvenir pour lui. Je sais que tu me hais. Que tu me haïras à vie. Il me l’a dit. Le monstre. Oui, je te l’ai dit. Et je te le redirai encore. Kieran Halstead ne t’aime pas. Il te méprise de tout son être uniquement parce que tu ressembles vaguement à son ex. Et tu le payeras toute ta vie. Je perds un peu le fil, vacillant légèrement en tentant de m’ancrer de nouveau dans la réalité. Je peux voir la silhouette de mon fils s’agiter dans les bras de Kieran. C’était une très mauvaise idée. Qu’est-ce que je fous encore dans ce putain de pays ? Ezechiel.
« Ce que je veux dire, c’est que... je ne veux pas être un nuage noir sur ta relation. » Je lève le regard vers lui. Je me rends compte alors que je n’ai rien dit du tout. Que tout mon discours sur la perte de Victoria, de Jacob ou de la mère supérieure s’est joué dans ma tête. Je reste un moment à essayer d’intégrer l’idée. Jacob s’agite de nouveau dans les bras de mon ami. Celui que je crois être mon ami. Respire. Respire. « Et que je veux vraiment que ça marche pour toi, tu le mérites. » Bien sûr que non, tu ne le mérites pas Eve. Regarde ce que tu fais subir à ce pauvre garçon. Tu devrais le libérer Eve. « J’espère qu’il te rend heureuse. » Le monstre se fait plus petit alors que l’image d’Ezechiel s’insinue dans mon esprit. Alors que les mots réconfortants s’insinuent dans mon crâne. « Oui. » Ma réponse était honnête et sortait du fond de mon cœur. « C’est la première fois que j’aime quelqu’un sans souffrir. Il ne me ment pas. Il ne cesse de me dire de le dompter. De ne pas l’écouter. Je crois que c'est la première fois qu'aimer me fait aussi peur, car je risque de le perdre. » Et je sais qu’il faudrait que je rende des comptes. Que tu lui parles de moi. Je vins donc fouiller dans ma besace pour en sortir le seul dessin de moi que je possédai. Celui d’une fille aux prises avec un serpent fait d’ombre, comme un comics machiavélique. Je le tendis donc à Kieran sans un mot, consciente que mon fils écoutait tout. « Il. » Je lui montrai le serpent du bout du doigt. Je lui montrai la manière dont il m’enserrait, comment il me faisait suffoquer. « Je t’ai dit que j’avais tendance à imaginer des choses. Il est né. Je matérialise mes… mes angoisses dans ma tête. La dernière fois, je suis tombée parce qu’à l’intérieur, je me noyais. » Mon regard rencontra le sien un instant. Empli de sincérité. Si je voulais que cette amitié fonctionne, il fallait être honnête. Mais dans ce cas, exige qu’il le soit aussi avec toi. « Tu m’as dit qu’elle n’allait pas bien. Et je ne vais pas bien aussi. Je ne voulais pas te le faire subir. Et pourtant, tu as eu affaire à lui. » Encore une fois, mon index appuya dessus. Je ne saurai dire pourquoi j’en suis venue à matérialiser mon mal être le plus profond. Mais je voulais qu’il comprenne. Que ma conscience n’était sans doute pas aussi bienveillante que la sienne. Certainement pas.
« C’est pour ça que je t’ai rejeté. » Je ne sus comment je me suis retrouvée assise sur ce banc. « Tu venais de côtoyer cette demoiselle. Je ne voulais pas de l’imposer. Et comme un chevalier, Ezechiel sait le tuer. Il ne parle pas pourtant. Je pense que c’est l’homme le plus silencieux que je connais. Je ne dis pas que tu es moins bien que lui. Ou autre. je dis juste que c’est moi. Tu comprends. Je ne suis pas assez bien pour toi. Intègre ça dans ta jolie petite tête. Je ne suis pas assez bien pour toi à cause de lui. Peut-être que si je t’avais connu avant, il y a des années… à sa place… » Cellle d’Autumn bien entendu. Mais son ombre restera plâner sur nous à tout jamais. Comme la mienne. Mais c’est trop tard, n’est-ce pas ?
« Faim. » Je lève la tête vers lui pour le voir avec mon fils toujours perché dans ses bras. Je reste un moment, silencieuse, le laissant poursuivre ses explications. Est-ce que je me suis jouée encore ça dans ma tête ? Ou est-ce que cela a bel et bien eu lieu ? « Le mot que tu cherches. » Oh Kieran, cher Kieran, ne vois-tu pas que cette demoiselle ne mange pas convenablement ? Je baisse les yeux, voutant mes épaules au possible alors que mes mains tremblent l’une contre l’autre. « Ça tombe bien, le principe d’un anniversaire est de manger du gâteau, pas vrai ? » Ouais, pour toi mon pote. Mais pas pour elle. Elle ne le mangera pas. Je déglutis alors pour incliner la tête. Je décide donc de venir glisser ma petite main glacée dans la sienne. Doucement, je me retrouve bien à sa hauteur, ne lâchant pas ses doigts. Me contentant de rester silencieuse. Je le laisse me pencher à hauteur de mon oreille, sentant son souffle venir chatouiller mon cou. « Et peut-être que quand Jacob sera occupé, tu pourras arrêter d’esquiver la question ou de me mentir. » Je fermai les yeux un instant, essayant de ne pas me sentir déstabilisé par son odeur qui venait chatouiller mes narines. Je vais bien. Bien sûr que non, bécasse.
« Un ami repère ce genre de choses. » Un ami. Oui, mon ami. Il était mon ami. Jacob se pencha vers moi. « Poisson. » Je le pris dans mes bras alors qu’il vint s’y loger pour retrouver la terre ferme. Il se dirigea bien vite vers le bassin où il pouvait marcher avec les petits poissons pour y glisser ses pieds. « Je vais te dire ce qui ne va pas et après, on fera ce dont tu as envie pour ton anniversaire. Ce que tu désires vraiment. Si tu veux me tourner le dos, je comprendrai. Si tu veux rester. Apparemment, toute aide sera la bienvenue. » Je me rendis compte que je ne lui avais pas rendu sa main. Alors, je détachai ma poigne sans cesser le contact de ses doigts sur les miens. « Je suis malade. C’est pas très grave. Selon mon thérapeute, je souffre d’anorexie mentale. J’ai passé une visite au travail parce que je reste des jours là-bas sans dormir et sans manger. » Je lui montrai de ma main vacante, le nombre de jours auquel j’étais. Trois, quatre. Je ne saurai dire. « T’es la seconde personne au courant après Caleb. En fait, je veux tellement cesser d’exister que je me gomme. » Tout simplement. Comme le fait de me faire disparaitre de son histoire par exemple. « Je suis mise à pied. Parce que je fais trente-trois kilos. » Je pris une profonde inspiration avant de fermer les yeux. Je ne mangerai pas, Kieran. Parce que je ne le mérite pas. mais je tairais cette information. Il s’en rendra compte de lui-même. Mon regard ne quittait pas Jacob qui batifolait dans la pataugeoire pleine de petits poissons non loin de nous. « Tu devrais fuir. Le plus loin possible, le plus vite que tu peux. Tu ne me croiras pas. Mais je refuse que tu souffres. » J’avais dit ceci avec le peu de vigueur qu’il me restait. « Tout le monde souffre à mon contact. Je suis maudite. C’est pour ça aussi que j’ai pas voulu, que je suis partie. Je suis maudite. La femme qui m’a elevé, morte. Ma meilleure amie, morte. Mon mari, même sort. » Et je tiens trop à toi pour qu’il t’arrive quoique ce soit. « Je vais te donner le même conseil qu’à Zeke. Ne m’aime jamais. » Car tout simplement, je ne le méritais pas. Mes doigts quittèrent finalement les siens, rompant le contact. Je ne reprendrai pas ses kilos. A quoi bon ? Puisque je ne semai que la désolation partout où je passais. Et je te le répète Eve, Kieran te déteste. Il ne le sait juste pas encore.
Kieran Halstead
les cicatrices de la mémoire
ÂGE : trente-cinq (14.07). aïe. SURNOM : « kiki » (couché, grrrrhhhh). STATUT : c’est bien aussi la solitude, on s’y habitue (non, pas du tout #help). MÉTIER : illustrateur (fauché) en freelance et prof (dépité) d’arts visuels. LOGEMENT : #18 james street, fortitude valley, avec cesar (le coloc) et waterproof (le corgi). POSTS : 4054 POINTS : 200
TW IN RP : dépression, pensées suicidaires, tentative de suicide, relation toxique, maltraitance, abus physiques et psychologiques, harcèlement scolaire, dépréciation, troubles anxieux, distorsion corporelle, mention d'agression physique (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : J'aime les jolies filles. PETIT PLUS : placé en foyer, très proche de la dernière famille qui s’est occupée de lui ≈ souffre néanmoins de cette absence d’identité propre ≈ réservé, maladroit, optimiste, vit dans un monde imaginaire ≈ a quitté sa fiancée il y a deux ans, soulagé malgré sa phobie de la solitude ≈ essaie de reprendre confiance en lui, de renouer avec ses proches, de retrouver sa place ≈ préfère la compagnie des pop et des jeux vidéo aux humains ≈ du talent au bout des doigts, aucune motivation d’en faire quelque chose ≈ trop mou, trop paresseux, trop paumé ≈ a fait une tentative de suicide fin novembre 2022. CODE COULEUR : kieran bafouille en rosybrown. RPs EN COURS : halstay #12, #13 & ua #3 (parents) ⊹ i hope your ghost will haunt me, i hope i hear you calling my name at 3am. 'cause honey, i love you dearly and i cannot bear you leaving again, not again. oh, i hope your ghost will haunt me 'til the end.
spencer #5 ⊹ i've been begging, hope you're listening. i've done my wrongs but i'm someone different.
ally ⊹ oh, if i can take something to make me feel better than i'm feeling now and everything else will work itself out.
(13/06 - vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bon ou de mauvais compte. moi, si je devais résumer le rp aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres) › ginny (fb) › cecilia › shiloh › wild › alfly #17 (ua) › danaë › olive #2 › greta #2 RPs EN ATTENTE : flora #3 RPs TERMINÉS :
kieyer ⊹ close your eyes and think of me and soon i will be there to brighten up even your darkest night. you just call out my name and you know wherever i am i'll come running, to see you again.
J’aurais voulu que ce soit une belle journée. J’aurais voulu qu’au-delà des scénarios qu’il imagine perpétuellement dans sa tête, il puisse réellement être le héros du jour ; que la lumière soit faite sur lui et qu’il soit le personnage principal le temps de vingt-quatre heures, avant de se confondre à nouveau avec le décor aussitôt minuit passé. Je crois que tu l’aurais mérité, pour un jour, Kieran. Je crois qu’à force de t’effacer derrière les autres, à force d’être spectateur de ta propre vie, tu aurais mérité d’être sur le devant de la scène, juste une journée, juste quelques heures s’il faut revoir les ambitions à la baisse. Au-delà de cela, je crois que tu aurais mérité d’être heureux le temps de quelques heures, de sentir ton cœur s’alléger en ce jour qui te rappelle toujours plus que la vie que tu mènes n’a rien à voir avec celle que tu imaginais être la tienne. Je suis peut-être dur avec toi, Kieran et je le sais bien ; mais je t’assure que tout ceci ne vise que ton bien. Et que malgré mon agacement quant à te voir accourir suite à l’invitation d’Eve, malgré mon inimité pour la jeune femme, malgré tous tes défauts (et les siens) que je pointe du doigt, je ne vise que ton bonheur et que je me veux aussi critique parce que j’ai conscience – contrairement à toi – que toutes les décisions que tu prends entachent celui-ci.
Tu ne peux pas être heureux lorsque tu es aux côtés d’Eve, alors pourquoi faire d’elle ta priorité en ce jour si particulier ? Oh, bien sûr, il ne possède pas la réponse à cette question que je lui pose ; il prétend même ne pas l’avoir entendue alors que ma voix martèle sa boîte crânienne. Pourtant, la réponse, je la connais. Car pour une fois dans sa vie, il se sent exister, Kieran. Après tout, c’est tout ce qu’il a toujours recherché. Et même je ne suis pas son colocataire depuis longtemps, pour autant j’ai accès à tous les souvenirs qu’il prétend avoir oubliés. À tous ces moments durant lesquels il s’est senti insignifiant, à toutes ces fois où pas plus d’un regard ne lui a été accordé. Alors, dès que quelqu’un pose les yeux sur lui, il s’accroche, Kieran, de manière déraisonnable, comme si l’entièreté de sa vie dépendait d’autrui. Et quand on le jette sur le bas-côté, lorsqu’il n’a plus d’intérêt, il supplie une dernière bribe d’affection – même si cela implique d’être malmené pour l’obtenir. C’est ce qu’il a fait avec ses parents, c’est ce qu’il a fait avec Ichabod, c’est ce qu’il a fait avec Méduse. Il a supplié, il s’est brisé toujours un peu plus pour correspondre à leurs attentes, pour espérer continuer à être digne d’eux, avant de réaliser que ce ne sera pas le cas et de chercher une autre attache. C’est ce qu’il fait avec Eve.
Elle l’a jeté sur le bas-côté il y a des semaines de cela ; mais aujourd’hui elle lui accorde un regard, un intérêt qu’il veut s’empresser de récupérer. J’aimerais dire que je ne comprends pas sa façon de faire ; mais si elle me dépasse, pour autant je ne peux qu’accepter les schémas qui amènent Kieran à agir ainsi. Il n’a pas appris les codes des relations humaines, il a été dépossédé de l’amour avant même de comprendre ce dont il s’agit et il se rattrape comme il le peut avec les informations qu’il a appris tout seul. Jamais personne ne lui a montré la voie – même s’il a cru dur comme faire que c’était le cas avec Méduse. Mais avec le recul, il se rend compte que ça ne pouvait pas être de l’amour, que ça ne pouvait pas être de l’intérêt, parce que ce n’est pas supposé ressembler à ça, ce n’est pas censé faire aussi mal. Les personnes qui vous aiment ne vous font pas toutes ces choses qu’il ne verbalise pas encore. Oh, Kieran. Je les vois ces images qui s’emmêlent dans ton esprit. Je le vois, ces moments que tu voudrais oublier, mais qui prennent de plus en plus de sens à mesure que le recul te permet de les interpréter. Et je le vois, le parallèle qui est fait, encore et toujours, avec Eve.
Et il essaie de s’en convaincre, Kieran, qu’elle aurait pu lui apporter que du bien – alors que je sais qu’elle lui aurait surtout apporté beaucoup de mal. Il ne s’en rend pas compte, trop ancré dans les règles implicites qui lui imposent de se remettre de sa rupture comme un homme, de passer à autre chose en si peu de temps, de ne pas laisser échapper la moindre larme pour quelqu’un qui n’est pas supposé en valoir la peine. Il veut forcer les choses parce qu’il imagine que c’est la solution à son cœur meurtri ; sans savoir qu’il est nécessaire de panser celui-ci avant toute chose. Non, en réalité je crois qu’il le sait. Parce que je le lui dis constamment. Je crois seulement qu’il a conscience du travail que cela représente et qu’il n’en a pas l’énergie, ni la force. Qu’il n’a pas non plus envie de voir cette réalité en face, celle dont il s’échappe depuis son enfance, celle de laquelle il est définitivement privé depuis le début de mon existence. Pourtant, mon rôle consiste à l’aider à conserver un pied dans celle-ci ; mais il s’évade, Kieran, il s’échappe souvent sous mon contrôle, concrétisant toujours plus mon importance, mais aussi mon impuissance. Comment suis-je supposé régler les choses s’il m’interdit d’agir ? S’il me laissait faire, le discours serait tout autre et les excuses formulées ne proviendraient pas de lui. Et je sais que je te fais peur, Kieran. Que tu es tétanisé à l’idée que je prenne le contrôle, à l’idée de lâcher prise pour me faire exister dans la réalité et pas uniquement dans ta tête. Mais j’existe dans celle-ci justement parce que je suis toi, il s’agit seulement de l’admettre. Que cette voix a un but, qu’elle provient de nul autre que toi, mais le déni reste ton meilleur ami, n’est-ce pas ?
Oh, si seulement il me laissait prendre le contrôle. Je sais qu’il a peur de mes réactions et de mes paroles – mais celles-ci seraient pourtant les siennes. Il n’agit pas sous ma contrainte, jamais, mais j’agis sous la sienne, quoi qu’il puisse en dire. Alors il peut prétendre autant qu’il le veut qu’elle n’a pas à s’excuser, je connais la vérité, même si elle est loin d’être facile à assumer pour lui.
« Tombée ? » Il répète ses mots alors que ses sourcils se froncent. Et je lui murmure à l’oreille qu’il est encore plus stupide qu’il ne le pensait.
Je sais, ce n’est pas correct de ma part ; mais je n’ai d’autres choix que d’agir de cette façon. Il ne veut pas déprécier Eve, ce sera donc ma mission. Décortiquer chacune de ses paroles, y voir un sens caché, nuisible si possible, pour mieux aider Kieran à couper ce lien qu’il persiste à tisser entre eux. « Quand tu modifies le cours de l’histoire, tu peux modifier la ligne temporelle. » Qu’il justifie, tandis que son regard se perd sur le paquet de feuilles dans sa main. Si seulement. « Arrête de dire ça, Eve, je t’en supplie. » Il implore d’une voix posée. Mais au fond, je sens qu’il hurle. Je sens qu’il n’en peut plus d’être perpétuellement renvoyé à cette misérable erreur, à quelques mots qui l’ont défini auprès de la jeune femme, comme il a toujours été défini par les autres sur la base d’une seule impression. Kieran a l’air stupide, alors il l’est forcément. Kieran n’a pas obéit une fois, alors la méthode forte sera désormais employée. Kieran a pleuré ce jour-là, alors il est foutrement faible.
Elle persiste à porter le blâme alors qu’il a toujours tout fait depuis ce jour-là pour accepter le rôle de véritable accusé. Il n’a cessé d’essayer de se faire pardonner, même si cela lui coûtait énormément. Elle ne s’en rend pas compte, Eve, elle ne côtoie pas quotidiennement le fil de ses pensées, mais je sais ce qu’il se passe à l’intérieur, j’y assiste aux premières loges. Je sais à quel point il est fatigué de parler dans le vide, dans ce discours à sens unique, de cette impression d’envenimer les choses alors qu’il n’essaie que de les réparer. Chaque mot qu’il prononce, chaque excuse qu’il formule, elle les balaye d’un revers de main, pour conserver le beau rôle et lui donner toujours plus l’impression que son opinion n’a pas de valeur, qu’elle sait mieux que lui. Comme tous les autres, n’est-ce pas, Kieran ?
Et elle persiste ; supposant que son caractère est similaire à celui de Méduse, alors même qu’il n’a jamais cessé de lui affirmer le contraire. Mais elle ne le croit pas et, pire que tout, elle ne l’écoute pas. Tu vois, Kieran. Jamais personne ne t’écoute, jamais ta voix n’aura la moindre importance. Alors pourquoi te fatiguer à essayer de l’utiliser ? Et je suis fatigué de cette affirmation qui ne cesse de se faire une place en lui, qui lui impose de rester toujours figurant de sa propre vie, silencieux tandis que le micro est tendu aux autres, même lorsqu’il s’agit de parler de lui. Les autres auront toujours le dessus ; quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise et je m’exaspère de la manière dont il laisse tout ceci se faire. Jamais il ne remettra en question le système établi, Kieran. La volonté est là, je la perçois, mais chaque fois qu’il essaie de renverser les choses, qu’un grain de poussière est susceptible d’enrayer la machine, ceux qui gravitent autour de lui s’assurent de l’aspirer pour que le tout reste dysfonctionnel. Sans jamais lui demander son avis, sans jamais écouter sa voix. « S’il te plaît, arrête d’imaginer toutes ces choses, c’est complètement faux. » Il rectifie, par nécessité.
Mais je sais que ce n’est pas faux, Kieran, seulement tu refuses de l’admettre. À croire que le rôle de souris te sied à merveille et que tu laisses les chats graviter autour de toi. Et je te sens, en train de lutter contre ces pensées, contre ma voix et les mensonges que tu lui associes, alors même que tu en fais l’usage de ton coté. N’est-ce pas paradoxal de me reprocher mon manque de franchise quand tu en fais de même ? Parce que ces sentiments, ils n’ont pas disparu, Kieran. Il faut seulement réussir à les associer à la bonne personne, n’est-ce pas ?
Pourtant, elles s’emmêlent, toujours plus. Parce qu’elle a voulu te faire du mal et qu’elle a pris tant de plaisir à le faire. Parce qu’elle t’assure que les erreurs ne viennent pas de toi, alors qu’elle fait tout pour que tu acceptes les torts. Parce qu’elle prétend ne vouloir que ton bien, mais qu’elle ne cesse de faire bouger les fils qui te retiennent entre ses doigts. Qui est qui, dans le fond ? Elles sont les mêmes, elles sont si différentes, elles se confondent, mais elles se retrouvent autour d’un même objectif commun. Égratigner ton cœur jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que des miettes. Ce cœur que j’essaie tant de panser depuis mon apparition ; et tous mes efforts semblent envolés alors qu’il prend conscience du jeu dont il a été le perdant désigné avant même qu’on lui ait expliqué les règles, avant même qu’on lui ait laissé sa chance.
« Oh. » Seul son qui s’échappe d’entre ses lèvres, qui contraste avec la tempête que j’abats dans son subconscient. Réveille-toi, Kieran. Réveille-toi et reprend cette lame que tu lui as confié entre les mains et qu’elle enfonce toujours plus dans ta chair. Mais il ne le fera pas. Parce qu’il a appris à taire ses émotions, parce qu’il a compris que jamais personne ne s’intéressait à celles-ci, alors pourquoi aujourd’hui ? À quoi bon les afficher, alors qu’Eve n’a cessé de les passer sous silence ? « Je comprends. » Il essaie de s’en persuader du moins, mais je ne comprends pas ; alors il ne peut pas le faire non plus. Pourtant, c’est un sourire qui naît sur ses lèvres. Timide, mais surtout calculé, le fruit de nombreuses années d’apprentissage, le résultat de ce silence sur son ressenti pour s’adapter à celui des autres. À ses yeux, c’est d’être rassurée dont elle a besoin, alors le sourire est essentiel – peu importe si c’est une larme qu’il voudrait laisser échapper, parce que ce qu’il veut n’a pas de poids dans la balance et n’en aura jamais. « Tu t’es protégée, c’est normal. N’importe qui aurait fait pareil. » Il assure et mon agacement diminue, conscient que je serais mal placé pour critiquer cette affirmation. Ne suis-je pas le fruit d’un mécanisme de défense ? Inadapté, c’est une certitude, mais le travail est fait – même si les bénéfices prennent du temps à se voir. « J’aurais fait pareil. » Il affirme et je le contredis. Bien sûr qu’il aurait menti – parce qu’il ment tout le temps, Kieran. Mais jamais il n’aurait envisagé de le faire seulement par envie d’approfondir ses plaies. C’est la différence entre vos pardons, Eve. Celui de Kieran est sincère, le tien est calculé. C’est la ressemblance entre vous, Eve et cette envie de prendre le dessus sur lui par simple facilité. « Et puis, après tout... c’était pas vraiment un mensonge, mais seulement de... l’anticipation. » Il ajoute, le sourire toujours aux lèvres, le regard bienveillant.
On le juge sous ses airs angéliques ; pourtant Kieran est un excellent comédien comme il m’en fait la démonstration. Si calme, si posé, si raisonnable. Alors qu’il bouillonne de l’intérieur, que je bouillonne de l’intérieur. Elle a menti. Elle a voulu lui faire du mal volontairement. Elle s’excuse pour mieux l’anesthésier. Il est renvoyé un an en arrière et si je sais que cela ne le dérange pas, de mon côté je suis hors de moi. Il ne mérite pas ça, Kieran. Il mérite de pouvoir se reconstruire, il mérite d’avoir le droit d’avancer, mais Eve l’enchaîne à toutes ces choses douloureuses qu’il désire fuir plus que tout.
Pourtant, il reste. Il reste alors qu’elle évoque son nouveau bonheur, pendant qu’il entend la confirmation que cet autre a su la rendre bien plus heureuse qu’il ne l’aurait jamais pu. Elle confirme son bonheur ; elle participe à son malheur. Tu vois, Kieran. Elle se réjouit de sa franchise à lui, alors qu’elle t’a menti à toi. N’est-ce pas un indice suffisamment important pour te faire comprendre que jamais tu ne pourras rivaliser ? Je suis surpris qu’il ait pu y croire, car, dans le fond, Kieran, nous savons tous les deux que jamais tu ne pourrais rivaliser avec qui que ce soit et que jamais tu n’atteindras la cheville de tous ceux qui mènent la vie dont tu rêves. Tu es insignifiant et tu le seras toujours, la leçon devrait être pleinement enregistrée depuis le temps. « J’espère que ce ne sera jamais le cas. » Il verbalise, son sourire timide aux lèvres. Se réjouir du bonheur des autres pour cacher son propre malheur ; c’est ce qu’ils veulent, c’est ce qu’il fait. Qu’elle ne le perde pas, qu’elle bénéficie d’un amour aussi pur que celui qu’il a toujours espéré et qu’il croyait avoir saisi avant que la chute ne laisse plus que des morceaux de lui, éparpillés un peu partout et impossible à rassembler. Son regard est attiré par les gestes d’Eve et nous la suivons avec attention tandis qu’elle lui tend un dessin dont il se saisit sans en comprendre le sens avant qu’elle ne l’explicite. Il écoute ; je soupire à mesure que la blonde s’explique. Oh, n’allez pas croire que je suis dénué d’empathie – j’en ai énormément, mais elle demeure dirigée vers Kieran. Si l’empathie de notre protagoniste est décuplée lorsqu’il s’agit de la belle, la mienne est inexistante : comprenez que je dois compenser. Et peut-être qu’il y a une pointe de jalousie, mais une toute petite, vraiment minime, presque inexistante quant au fait qu’elle utilise sa propre arme pour lutter contre celle de Kieran ; c’est-à-dire moi. Non, Eve, tu n’as pas l’exclusivité sur cette question, celui qui est né en toi n’a pas à tenter de rivaliser avec moi, ce n’est pas un argument que tu peux te permettre de dévoiler à cet instant, dont tu peux te servir contre Kieran qui ne peut alors plus utiliser ses propres défenses, qu’il ne peut plus m’utiliser comme il le voudrait. Et je ne sais pas si c’est à cause de moi (dans quel cas, je suis désolé, mon grand) ou s’il s’agit de son propre ressenti, mais il demeure muet, Kieran, son regard d’enfant perdu et son visage dont la seule neutralité est contrebalancée par le pli léger de ses sourcils, de sa bouche qui se retint de se tordre pour ne pas montrer plus d’émotions qu’il ne devrait, pour ne pas se laisser déstabiliser par ses paroles. Mais je vais m’en charger, Kieran. Car je refuse ses affirmations.
Méduse ne va pas bien. Eve ne va bien pas. Mais dans l’histoire, qui se préoccupe de ton propre état, à mon exception ? Personne, Kieran. Personne ne s’est jamais préoccupé de toi, ce n’est pas Eve qui va commencer et tu as été stupide d’y croire. Parce que tu ne vas pas bien, toi non plus, je le perçois au quotidien et si tu ne l’admets pas, les conséquences n’en seront que plus désastreuses.
Il reste interdit, muet, alors qu’il essaie de comprendre. Mais c’est difficile de la suivre, Eve, pas vrai ? De comprendre ce qu’il se passe dans sa tête pour qu’elle ne cesse d’enfoncer le couteau dans la plaie, puis d’y ajouter du sel par pur plaisir sadique. Pour toutes ces choses que tu verbalises et qui passent inaperçues face aux siennes. De toutes ces fois où tu n’as pas eu l’impression d’être écouté quand elle t’assaille d’informations de son côté. Oh, je sais que ce n’est pas ton ressenti, c’est seulement le mien, mais dans le fond n’est-ce pas du pareil au même ?
« Intègre ça dans ta jolie petite tête ». Les mots frappent et je le sens qui ravale sa salive, qui se mord l’intérieur de la joue dans une tentative de ne pas craquer, de ne pas laisser exploser ses faiblesses. Oh, mais Kieran, ne veux-tu vraiment pas voir la réalité ? Tu as été maladroit dans tes mots. Une fois. Tu n’as cessé de t’excuser, depuis. Elle est maladroite dans les siens. Constamment. Elle n’a jamais cessé de s’excuser, depuis. Mais pas de la forme de ses paroles ; seulement de la manière dont cela l’a mise face à ses propres méprises. Alors tu demeures paumé, Kieran. Et il faut que tu intègres ça dans ta petite tête. Tu sais, la même qui ne parvient pas à enregistrer grand-chose, il parait. J’ignore si c’est de l’arrogance, du déni, du dédain, mais elle n’a pas à te parler ainsi, elle n’a pas à décider pour toi et je n’en peux plus que son entourage ne cesse de parler pour lui, sans jamais prendre en compte son ressenti. Et même lorsqu’il essaie de le verbaliser, la situation est retournée pour que la culpabilité soit ressentie de sa part ; pour qu’il sente le blâme que d’autres ont sur leurs épaules comme étant le fruit de son attitude. Eve ne cesse de le faire, retournant la situation constamment par envie de briller, par envie d’être le centre de son attention – comme si elle ne l’était déjà pas assez.
Ça devait être une belle journée. Ça devait être la tienne, Kieran. Et qu’en est-il finalement ? Tu es dans un aquarium pour lequel tu n’as pas d’intérêt, avec un enfant qui n’est pas le tien dans les bras, à écouter les plaintes et justifications d’une femme que tu dois rassurer alors même qu’elle vante les mérites de celui qui l’attend à la maison et qui n’est pas toi, alors même qu’elle vient de se féliciter de t’avoir fait souffrir, alors même qu’elle persiste à estimer que ses sentiments sont plus sincères et profonds que les tiens, à cacher ton mal-être perpétuel en sa présence, à te confronter à tous ses souvenirs que tu préférerais oublier. Joyeux anniversaire.
Ne crois pas un traître mot de ce qui sort de sa bouche. Ce n’est pas pour ça qu’elle t’a rejeté. C’est parce qu’elle a trouvé mieux ailleurs, comme tant d’autres. Son Chevalier. Celui qui a réussi à tuer cette chose, celui qui est si parfait, celui qui ne la compare pas à son ex, lui. Tu ne comprends pas, en réalité.
« Je veux... » Pas le savoir. Ce qu’il aurait pu advenir de vous si le temps avait été de votre côté, si elle avait été à sa place. Mais tu te braques face à ma volonté, t’empêchant de terminer la phrase que je souhaitais, avec le ton que j’espérais. Tes traits se détendent et tu conserves ton ressenti pour toi. Est-ce vraiment une bonne chose ? Selon lui, évidemment. Selon moi, absolument pas. Mais Kieran n’assume pas, se mure dans le silence à défaut de trop en dire. « Pourquoi tu me dis tout ça, Eve ? » Jouer l’idiot est une bonne stratégie. Je m’exaspère souvent de la façon dont il se rend plus stupide qu’il ne l’est réellement, pour autant à cet instant, je l’en félicite. Ce n’est pas trop confrontant, mais il fait part de son désarroi. « Pourquoi maintenant ? » Quel est ton but ? Mais il s’abstient, ce serait bien trop brutal et il se veut déjà suffisamment anxieux face à ces bribes d’affirmation dont il dispose à cet instant.
Et son regard se porte sur cette main qu’elle glisse dans la sienne avec un naturel désarmant. Quel est son but ? Je le sais bien, mais lui refuse de l’admettre ; tandis qu’il demeure statique, ses doigts qui ne s’enroulent pas avec la même facilité autour des siens. Mais ce serait le cas avec n’importe qui d’autre, tandis qu’il expire légèrement pour faire face à ce contact inopportun et non anticipé (ce qui l’aurait aidé). Pourquoi maintenant ?
Elle joue, Kieran, elle joue avec toi et tu refuses toujours de le voir ; ou plutôt, tu accepterais n’importe quoi si cela te permet d’être digne de son intérêt, si cela te permet de te sentir important le temps de quelques heures. Alors tu ne te défends pas, tu te laisses faire alors que c’est très exactement cette attitude qui t’a tout coûté. De ta confiance en toi à ta personnalité toute entière, de ton intégrité physique à ta dignité. Et j’aimerais tellement réparer tout ça, alors que je le sens qui perd pied, qui est terrorisé par ce simple contact même s’il n’en montre rien et que ses doigts finissent par se mêler à ceux d’Eve, parce que c’est ce qu’elle attend, parce que c’est ce qu’il est supposé faire en dépit de la manière dont il se sent. Et il se force, Kieran, à avoir une attitude qui le détruit de l’intérieur, seulement pour ne pas assumer les dégâts déjà causés – alors un peu plus ou un peu moins, ce n’est pas grand-chose, il peut faire avec, qu’il s’en persuade. Tu peux mentir à Eve, mais tu ne peux pas en faire de même avec moi, Kieran. Alors je continuerai d’être le démon sur ton épaule, à rire des propos d’Eve tant que tu ne le feras pas toi-même.
Car je ris, alors que de toute sa bonté elle te propose de faire ce dont tu as envie pour ton anniversaire, non sans avoir d’abord évoqué sa propre situation, ses propres conflits internes, ses propres difficultés. Non sans d’abord tenter de te faire culpabiliser quant à la possibilité que tu veuilles lui tourner le dos, quel monstre affreux que tu serais. Non sans quémander ton aide sans se soucier de savoir si tu en as besoin de ton côté. Non sans s’assurer, encore et toujours, que tu restes à sa disposition au moment où elle en aura le plus besoin. La somme de ses éléments devrait désormais être suffisante pour le convaincre de reprendre sa main et poursuivre son chemin.
« Mais c’est trop tard pour ça, Eve. » Que je l’entends dire à voix haute à la suite de son conseil. Oh, Kieran, je pensais que tu pouvais comprendre, cette fois.
« C’est grave, Eve. » Qu’il rétorque sobrement. Et elle a gagné, il s’oublie alors qu’il n’y a plus qu’elle qui existe. Mais elle veut s’effacer ; et ne t’inquiète pas que je vais m’en charger Eve. Tu disparaitras de la surface de la terre et de la mémoire de Kieran, je compte m’en assurer. « Tu devrais déjà être à l’hôpital. » Oh, Kieran. Tu prends bien plus de pincettes que moi, alors que je te souffle à l’oreille qu’elle te manipule, encore et encore. Il est impossible qu’elle fasse trente-trois kilos et qu’elle ne bénéficie que d’une mise à pied. Elle devrait effectivement être à l’hôpital et tout ceci me met la puce à l’oreille quant au fait qu’elle maximise son état ; mais bien sûr tu es trop aveugle pour t’en rendre compte. Il les avait remarqué ses kilos disparus ; mais il ne se sentait pas légitime pour les commenter. Il ne se sent plus légitime de grand-chose à son égard, elle lui a ôté ce droit il y a des semaines de cela pour le donner à Zeke, alors pourquoi vient-elle le réclamer maintenant, si ce n’est pour faire de toi son sbire ? « Tu tiens à peine debout, tu manges plus, tu dors plus, je sais pas ce qu’il te faut d’autre. » Il s’inquiète, tandis que son regard se veut plus tendre et son attitude plus ouverte que je ne voudrais qu’elle soit. Parce qu’elle continue de jouer avec toi, Kieran. Si elle ne mange plus, si elle ne dort plus, si elle pèse le poids qu’elle prétend, elle ne devrait pas être devant toi. Elle ne devrait même pas être ici, elle ne devrait probablement même pas pouvoir parler et être en vie. Et finalement, c’est cohérent : sa représentation d’elle-même a toujours été biaisée, alors j’ignore pourquoi je m’en étonne. Tout ce que je sais, c’est que je refuse que tu entres dans son jeu. Et pourtant, tu sautes à pieds joints. « Comment tu peux croire que je vais te laisser ? » Il questionne, les sourcils froncés alors que son regard ne quitte pas le sien. Kieran ne voit plus grand-chose, pourtant j’essaie de lui ouvrir les yeux. Elle a bégayé, elle pense qu’il va lui tourner le dos, l’image qu’elle a de lui n’est pas des plus agréables et il persiste à se satisfaire de l’attention qu’elle veut bien lui accorder. Je vais le dire, Kieran, tu es pathétique. « Je sais pas comment t’aider, mais ça ne veut pas dire que je ne vais pas essayer. » Bien sûr qu’il va essayer, bien sûr qu’il se tuera à la tâche pour cela si nécessaire. « Mais pour ça, il faut que tu commences à me croire. » À t’écouter, surtout, mais tu ne le diras pas ça, n’est-ce pas ? « Quand je te dis que tu m’apportes plus de bien que de mal, quand je te dis que tu es importante, quand je te dis que tu es tellement plus qu’elle. » La liste est infinie, il pourrait continuer encore et encore, mais le point est suffisamment clair. « S’il te plait, crois-moi. » Il supplie. Crois-moi, Eve, donne-moi enfin toute l’importance dont j’ai besoin, donne de l’importance à mes paroles, enfin. « T’es pas maudite, Eve, c’est juste la vie. » Réflexion enfantine, mais pourtant bien réelle. « Mes parents, partis, peut-être morts. Ma première famille d’accueil, partie. Ma sœur, partie. » Il hausse les épaules, ne s’épanche pas sur les sujets. Il prétend toujours qu’il n’a pas de souvenir de ses parents, pourtant, il sait très bien qu’ils sont supposés être vivants. Mais il se tait, autant qu’il se tait quant au fait que Mira est revenue, dans la finalité, car ce n’est pas un détail important, cette fois-ci. « C’est le cycle de la vie, pas une malédiction. » Il est optimiste, Kieran, peut-être trop ; mais elle ne peut pas supposer que sa situation fait d’elle un aimant maudit pour tout ceux qui l’entourent. Ça n’a rien à voir, car dans ce cas quiconque pourrait se considérer de la sorte, sur des raisons totalement infondées.
« Oublie l’anniversaire. » C’est déjà fait, après tout. « Oublie le gâteau, oublie le reste. Ça n’a pas d’importance. » Ça n’en a jamais eu, il n’a jamais vraiment fêté ce jour, pourquoi aujourd’hui ferait exception à la règle, après tout ? Il a vécu des années sans s’en soucier, il n’est pas à une année près. « Tu dois te faire hospitaliser. » Il ordonne – aussi bien qu’il y arrive, avec la gêne qui va avec une telle prise de position. « C'est même complètement inconscient que tu ne le sois pas encore, je comprends pas comment c'est possible. » Parce que ça ne l'est pas, Kieran, ne le vois-tu donc pas ? « Je t'accompagne et je peux... m'occuper de lui jusqu'à ce que Zeke revienne ou quelqu'un d'autre. » Il suggère tandis qu’il lance un regard à Jacob. Vraiment, Kieran ? Il a rêvé de fonder sa propre famille, mais jamais il ne s’est vraiment exercé, est-ce réellement une introduction adéquate à la pratique ? À ses yeux, bien évidemment. Et ce sont ceux d’Eve qu’il finit par rencontrer, tandis qu’un sourire bienveillant s’affiche sur ses lèvres.
C’est pas grave, Kieran. Tu ressentiras les choses plus tard, quand on t’en donnera l’autorisation.
Je me suis tenue debout pendant de longues minutes, debout sur cette balance alors que le médecin me tournait autour. Vautour. Je n’avais pas bougé d’un cil alors qu’il avait ajusté la balance. Je n’avais pas bougé d’un cil alors que je m’étais retrouvée assise avec un tensiomètre autour du bras. Qu’il gonflait, qu’il gonflait. Pendant un instant, mon esprit malade a imaginé que j’étais un ballon et que plop, j’aurai disparu comme j’étais arrivée. Je l’ai entendu griffonnée alors que ma tasse de café semblait se refroidir dans mon bureau. Mon antre. Un endroit où personne n’avait le droit de se rendre si ce n’était Caleb. Pour cause qu’il était sans doute le seul pour lequel je comptais à l’instant T. j’avais demandé d’une voix blanche quand aurait lieu l’audience pour décider de mon sort. Tout ça à cause d’un stupide malaise. Tout ça parce que j’avais encore une fois négligée ma santé. Cela m’agaçait profondément que les gens daignent se donner le droit de diriger ma vie, de me dire quoi faire et quoi ressentir. Une belle farce Eve, quand tu le fais toi-même avec d’autres. Mon esprit vola machinalement vers les deux hommes qui occupaient une place prépondérante dans mon cœur. J’avais volontairement repoussé Kieran pour cause que je ne voulais pas qu’il lui arrive la même chose qu’à lui. A Jacob. J’ai attendu donc les résultats, j’ai attendu que la sentence tombe. « Madame Adani… » Ce nom n’était plus utilisé depuis des années, sobriquet que j’avais gommé comme j’aimerai gommer la peine ressentie par le deuil « Vous avez sciemment mis votre vie en danger ainsi que celle d’autrui. Vous êtes suspendue jusqu’à nouvel ordre. » Jusqu’au bilan psychologique. Seconde suspension en trois ans. La première due au chagrin de la perte de l’être aimé, la seconde due à la culpabilité. Mais culpabilité de quoi ? je touchai le bonheur du bout de mes doigts, je dansais avec lui alors pourquoi ne pourrais-je pas éliminer la faucheuse de l’équation ? Pourquoi demeurait-elle toujours présente auprès de nous ? Parce que tu commences à douter de tes choix.
A l’aube d’un rendez-vous galant avec Zeke, je savais qu’en mon for intérieur, cette rencontre avec Kieran n’était pas une bonne idée. Pour cause qu’il avait toujours cette place prépondérante dans mon myocarde. Alors qu’Ezechiel représentait l’air, Kieran était autre chose. Une véritable nécessité. J’avais besoin des deux mais de manière différente pour survivre, pour m’alimenter, pour marcher. Pour vivre. Cela ne pouvait pas se voir à l’extérieur car j’étais en présence de mon fils, mais dans le fond de mon être, il y a une toute petite moi qui hurle, qui hurle à s’en décrocher la voix. Pourquoi n’avais-je pas fait les choses correctement ? Pourquoi me tenais-je donc devant lui ? Dans son grand jour dans une tenue ainsi décharnée. Avec mes cernes camouflés sous mes yeux, avec ce visage creusé par la solitude mentale. Je me sentais seule, si seule, si seule. Mes angoisses revenaient, m’assaillaient, me mordaient, me déchiquetaient de l’intérieur. Je me sentais mourir. Je me sentais mourir psychiquement comme si je n’étais plus qu’un être informe. Y aurait-il quelqu’un pour me dire que je devais cesser cette auto flagellation ? Et pour quoi le faisais-je ? Pour quoi dans le fond me mettais-je dans des états pareils ? Parce que tu te détestes. Tu te détestes depuis le jour où tu l’as vu étendu dans le cercueil.
Tout me rapportait à ce moment. Celui où j’ai vu Victoria étendue dans son lit de satin, alors qu’elle entamait un voyage. Et encore une fois, j’ai longuement pleuré ma meilleure amie. J’ai versé des larmes nouvelles de véritable chagrin d’une perte soudaine. J’aurai dû être à sa place. Elle était si solaire, elle méritait d’avoir un avenir. De fonder une famille, la maison, les chiens. Etait-ce pour cette raison que je n’ai pas pris soin de moi durant ma grossesse ? Etait-ce pour ça que j’avais tenté de survivre depuis toutes ses années ? je n’en avais aucune idée. Pourquoi tout le monde dans mon entourage ne cessait-il de mourir ? Parce que tu es maudite.
Quiconque était en ma présence finissait par mourir un jour. J’étais convaincue que Zeke ne nourrissait aucun sentiment amoureux à mon encontre, sans doute car il ne me l'avait pas dit. Et que nous n'en n'étions qu'à l'aube de notre relation. Que nous étions ainsi dans une relation où j'aimais pour deux. Je ne désirai pas étaler mon bonheur au grand jour même si j’étais amoureuse de lui. J'allais devoir choisir de laisser partir Kieran, qui méritait le bonheur avec une fille saine. Serait-ce égoïste de ma part ? Que d’avoir imposé mon choix à Kieran alors qu’il avait été là en premier ? Et encore une fois, je lui dis tout ceci dans le seul but de le faire fuir. Que de le faire courir au loin de moi. Tu ne le mérites pas. Oui, je ne le méritais pas. Je le savais. Kieran était tout ce que je ne serai jamais. Il était d’une clarté éblouissante, il était la lumière que j’aurai aimé pouvoir accueillir dans ma vie. Tombée sous son charme avant même de l’avoir vu. Mes sentiments pour lui n’étaient pas tangibles et n’étaient pas physiques. Ils demeuraient chimériques. Perdus dans les méandres du monde virtuel que nous avions construit tous les deux.
« Tombée ? » Sa voix me sortit de sa torpeur alors que mon regard ne daignait pas rencontrer le sien. Il restait naturellement baissé vers le sol comme si je cherchais à rentrer dedans. Je pris une profonde inspiration, peinant à déglutir. Ma gorge s’assécha d’elle-même. Pourrais-je lui dire ça ? Non, cela serait trop cruel. Tu dois lui dire, Eve bordel de merde. Le monstre ne cessait de parler avec son corps fait d’ombre. Il m’intimait de confesser les sentiments qui m’écartelaient depuis bien longtemps. Alors pour toute réponse, je baissais la tête, passant une main dans mes cheveux, presque rêches. Un gémissement presque inaudible sorti d’entre mes lèvres. Non, je ne lui dirai pas. Cela serait cruel. Et je suis en couple et très attachée à mon compagnon. Je ne peux pas jouer comme ça avec la volonté et les sentiments des gens. Sauf que Kieran n’en a aucun pour toi. Oui, Kieran n’en a aucun comme la plupart des hommes présents dans ma vie. « je n’ai pas le droit de répondre à ta question, murmurai-je dans un son à peine audible. » Je me balançai d’avant en arrière. Et je me retrouvais projetée de nouveau des mois en arrière alors que je n’osai pas lui parler. Alors que ses mêmes mots sont sortis de ma bouche car je refusais de me confier sur mes sentiments. Cela ne serait pas correct, je ne pourrais pas lui imposer ceci. Jamais. Je préfère encore mourir si ce n’est que ça.
« Quand tu modifies le cours de l’histoire, tu peux modifier la ligne temporelle. » Là-dessus, il n’avait pas totalement tort. « Et il se passerait quoi dans ta ligne temporelle ? » J’avais demandé ceci d’une voix emplie de douceur, comme si je cherchais à l’envelopper dans du coton avant de venir hocher la tête à sa demande. Je ne le dirai donc plus. Que nos visages pourraient se superposer comme nos actes. Je ne connaissais pas cette fille au nom de saison mais je savais qu’elle l’avait brisé. Je ne connaissais pas non plus l’étendue de ses actes mais je la haïssais. Pour lui avoir fait du mal. Tout comme je ne cesserai de me blâmer jusqu’à m’infliger une souffrance telle que je saurai passer à autre chose. J’en avais besoin. J’ai toujours fait ainsi. Me laisser mourir de faim, me faire hospitaliser et réapprendre à vivre petit à petit. Apprendre à respirer de nouveau, apprendre à marcher correctement, apprendre à avoir des mouvements fluides. Trouver des passions, aimer mes enfants. Aimer. Oui, j’aimais sans doute trop avec trop d’intensité. Le monstre se tut à cette affirmation, semblant être en accord avec ma litanie. Tu aimes mal.
Oui, mal. De manière mauvaise, de manière perverse. Je le comprenais au contact de Kieran. Alors que les effluves de son parfum chatouillaient mes narines et que les méandres de mon palpitant se firent plus apocalyptiques. Je devais apprendre à me maitriser. Je devais apprendre à être à son contact. « S’il te plaît, arrête d’imaginer toutes ces choses, c’est complètement faux. » Étrangement, là-dessus, ils sont raccord avec Ezechiel. J’eus un petit rire nerveux. « Tout le monde me dit ça. Cela fait comme des petits films dans ma tête. En noir et blanc assez souvent. La conclusion est toujours la même. » Que je finirai sans aucun doute seule. Mes enfants finiraient par me quitter et je terminerai seule, assise sur mon balcon à regarder les autres vivre leur vie. Les mots me brûlaient les lèvres mais je me réfutais à les dire. Par respect, par convenance. Et par peur de non-réciprocité sans aucun doute.
Je ne veux pas revenir sur la discussion difficile de notre dernière soirée échangée. Non, car cela nous ferait plus de mal à l’un comme à l’autre. « J’espère que ce ne sera jamais le cas. » A la place, je lui parlais de Zeke. Mais fuis donc espèce d’imbécile. Fuis le plus possible de nous tous. Tu ne vois donc pas que je veux que tu sauves ta peau. « Je ne sais pas s'il a des sentiments pour moi, avouai-je, je l'aime mais je ne sais pas si cela est réciproque. Car il ne parle pas. » J’avais dit ceci comme un couperet aussi bas. « Mais ça me va. » A chaque fois, les choses se terminaient le plus mal. Quand j’aimais quelqu’un, je finissais toujours par détruire ce que j’avais à proximité. Pour n’en faire que des cendres. Un petit tas de cendres que le vent balayerait et qui les emporterait loin de moi. Je sentis mes yeux me picoter devant ce douloureux aveu. Le seul homme de ma vie était dans les bras de Kieran. Et nous fixait sans réellement comprendre de ses yeux d’enfant candide.
« Pourquoi tu me dis tout ça, Eve ? » Je ne peux pas répondre à ta question, Kieran. Parce que j’aurai voulu que tout soit différent. J’aurai voulu que l’on se rencontre à un moment différent. J’aimerai être libérée de ma culpabilité. Mais à la place, je me contente de caresser ses doigts avec une infime tendresse, de m’ancrer dans la réalité. De ne pas croire des choses fausses comme il me l’a demandé. « Pourquoi maintenant ? » Encore une fois, mon souffle se fait plus court alors que je tente de formuler correctement les choses dans mon esprit. « Parce que j’ai essayé. » Je n’osai lever le regard vers lui. « Kieran, je ne peux pas t’en parler. J’en ai déjà trop dit et cela ne serait pas correct. Pas pour toi en tout cas. » il ne te croira jamais, Eve. Je sais. « Ton bonheur m’importe plus que ce que je voudrais démontrer. » Même si cela impliquait de l’être loin de moi, de couper les ponts. De ne plus jamais te voir. Alors que des frissons me parcourent tandis que sa main gigantesque glisse dans la mienne. Encore une fois, j’ai un hoquet de stupeur devant la chaleur de sa peau si douce contre la mienne. Devant cette main que l’on voyait être celle d’un artiste car elle avait la même texture que la mienne. Nos doigts rentrant en collision l’un avec l’autre et le sang pulsa de plus belle dans mes veines. Le rouge colora mes joues.
« Mais c’est trop tard pour ça, Eve. » Naturellement, je redresse la tête pour venir rencontrer son regard. Je pouvais y lire toutes les nuances de bleu alors que ma bouche demeura entrouverte. Que je ne savais plus comment réagir. Un instant, mes iris quittèrent les siennes pour venir se poser sur l’aquarium, sur les gens qui nous entouraient. Sur Jacob qui batifolait au loin. Je ne sus pas ce qui m’animait à cet instant. Le feu se propagea dans tout mon corps pour venir me clouer au sol. Je pourrais m’armer de mille et un reproches. Je pourrais très bien le fustiger de questions mais j’étais celle qui avait décidé pour nous deux. A la place, je restai silencieuse. J'allais devoir lui briser le coeur. Il le fallait. Pour son propre bien. « C’était trop tard pour moi avant même que mon regard ne se rencontre le tien en chair et en os. Mais tout cela appartient au passé., dis-je alors. J'aime Ezechiel. Et c'est avec lui que je veux être. » Je voulais qu’il lise toute la sincérité dans mes paroles, que je ne mentais pas. A jamais, je resterai avec le Blythe. Je voulais m'en convaincre. Me convaincre qu'il avait des sentiments pour moi et que cette peur qu'il ne me voit pas n'était pas réel.
« Tu devrais déjà être à l’hôpital. » Je le sais. Je ne le sais que très bien. « Je ne peux pas, avouai-je malgré moi. » Mon regard se posa sur la silhouette de mon fils qui batifolait avec les poissons tout près de nous. « Il a besoin de moi. » Je parlais d’une voix de mère, comme si pendant une seconde, il n’y avait plus que mon fils qui ne comptait à mes yeux. Qu’il était le seul au monde. Tous les examens, tous les tests. Sa maladie non décelée. J’avais juste besoin de partir, oui. Peut-être devrais-je fuir ce continent qui ne m’apportait que douleur et désillusion ? Tout laisser derrière moi ? « Tu tiens à peine debout, tu manges plus, tu dors plus, je sais pas ce qu’il te faut d’autre. » Je peux lire l’inquiétude dans ses yeux si doux. Alors je tente de faire mon sourire de façade. Celui que je faisais dans des circonstances qui l’imposaient. « Kieran, j’ai déjà traversé pire. Tu ne m’as pas connu après… quand il est décédé. Je tiendrai. Pour lui.. » Cela était sans aucun doute une promesse faite en l’air. Mais je pourrais tenir encore un tout petit mois avant de m’effondrer. « Comment tu peux croire que je vais te laisser ? » La question était légitime. Elle était on ne peut plus légitime. « Parce que je viens de te briser le coeur. » Nouvelle vérité avouée. Parce que j'avais une fois de plus réaffirmer mon choix, celle de choisir mon air, car l'air après tout se propageait dans nos veines et contribuait à ce que le sang circule jusqu'au coeur. Ce coeur qui je le comprenais n'appartenait qu'à lui. Qu'à Zeke.
« Je sais pas comment t’aider, mais ça ne veut pas dire que je ne vais pas essayer. » Doucement, je me mets à courber l’échine, rentrant ma tête dans mes épaules pour le laisser s’exprimer. Sa voix se voulait plus forte et plus déterminée. « Mais pour ça, il faut que tu commences à me croire. » Je hochai la tête, telle une enfant docile, me sentant m’empourprer jusqu’aux oreilles. « Quand je te dis que tu m’apportes plus de bien que de mal, quand je te dis que tu es importante, quand je te dis que tu es tellement plus qu’elle. » Je laissais ma main tapoter mon flanc avant de frémir suite à la mention d’Autumn. Reprends-toi. Se pourrait-il qu’il m’ait vu au travers de ce brouillard que j’avais disséminé autour de nous ? « S’il te plait, crois-moi. » Je levai mes yeux vers lui à nouveau. Je pris une profonde inspiration. Je ne devrais pas être ici et mes pieds étaient restés vissés profondément dans le sol mais à la place, je lui fis un petit sourire convainquant, mon corps si proche du sien. « Je te crois. » J’avais murmuré ses mots d’une voix trop aigue. Mes doigts n’osant toujours pas toucher cette joue que je savais si douce. Les australiens n’aimaient pas le contact, je l’avais noté. A la place, je laissais ma main retomber le long de mon flanc. Je la sentis, l’intimité qui se dessinait autour de nous. Cette bulle qui vint nous envelopper. Comme si dans le fond, nous étions seuls comme deux personnes à la dérive. « T’es pas maudite, Eve, c’est juste la vie. » Non, il refusait de comprendre. Il refusait de comprendre que je ne voulais plus revivre ça. Plus jamais. « Mes parents, partis, peut-être morts. Ma première famille d’accueil, partie. Ma sœur, partie. » Mes yeux font l’aller-retour, ne cessant de surveiller la petite tête blonde qui était à portée de discussion. « C’est le cycle de la vie, pas une malédiction. » Je prends donc une profonde inspiration. « Je suis désolée pour ce qu'il t'ait arrivé. Mais même si... je tiens à toi et j'en crèverai s'il t'arrivait quoique ce soit. » Je me répugnais pourtant à utiliser ce genre de langage. Je ne voulais pas le mettre à l’oral, bien plus doué à l’écrit. « Ne comprends-tu pas ? Je tiens à toi, énormément. j’en ai rien à faire que tu m’aies comparée à une quelconque fille qui a appartenu à ton passé. Ce n'est pas pour ça que je t'ai repoussé et que je suis demeurée silencieuse. » Mon souffle se fit plus court, preuve que je faisais trop d’effort physique. « J'ai déjà perdu trois fois des personnes à qui je tenais. Des personnes que j'aimais énormément. Une mère, une soeur, l'amour de ma vie. Et je refuse qu'il vous arrive quelque chose. » A Jacob, Lisa, Caleb, Ezechiel ou même Kieran. Putain mais on aura vu mieux comme anniversaire. Je me laissais retomber sur le banc comme une poupée inanimée. Ce n’était pas ce que j’avais imaginé.
« Oublie l’anniversaire. » Alors là, c’est mort. « Oublie le gâteau, oublie le reste. Ça n’a pas d’importance. » Je me sentis devenir toute blanche d’un coup. Je le savais de bonne foi mais je ne voulais pas de ça. « Certainement pas. » Ma voix était sans appel. « Il est hors de question que l’on oublie ton anniversaire pour un détail aussi insignifiant. » Parce que je le suis non ? Je me redressai, vacillante légèrement avant de prendre une profonde inspiration. « C'est même complètement inconscient que tu ne le sois pas encore, je comprends pas comment c'est possible. » Je me tournai pour lire un sourire bienveillant sur ses lèvres. Il essayait d'être gentil et à la place, je me retrouvais à fondre en larmes. De véritables larmes de crocodile. Suite à la fatigue, à cette culpabilité que je ressentais d'être à ses côtés. J'aurai aimé que tout soit différent, j'aurai aimé ne pas lui avoir fait autant de mal. Même encore maintenant. J'aurai aimé qu'il ne m'avoue pas ce qu'il ressentait car du coup, cela m'imposait un choix que je ne désirai pas faire. On aura décidément vu mieux comme anniversaire. J'étais épuisée. N'importe qui pourrait s'en rendre compte. Le fait de pleurer en public ne me ressemblait en rien. « Je t'accompagne et je peux... m'occuper de lui jusqu'à ce que Zeke revienne ou quelqu'un d'autre. » Je relevai la tête à la mention de mon petit-ami. "Laisse Ezechiel en dehors de ça. Je refuse... je ne veux pas qu'il sache que je suis toquée. Il va se barrer sinon. Et je ne sais pas si je serai à même de le supporter." Quant au fait d'aller à l'hôpital, c'était absolument hors de question également. Je me mis debout péniblement. "Si je te promets de ne pas bouger de chez moi, est-ce qu'on peut passer la case hôpital ? J'en reviens et il est hors de question que j'y mette les pieds. Je vais... je vais faire des efforts. Essayer de me tenir tranquille. Tu pourras vérifier avec des games mais s'il te plaît, viens souffler ton gâteau d'anniversaire." J'avais demandé ceci de ma voix la plus douce qui soit afin de faire passer le message. Ma main se leva lentement alors que je lui tendis pour qu'il la prenne ou je ne sais ce qu'il en ferait. Mais après tout, c'était son anniversaire. Je goberai un cachet. Et on parlera plus.
Kieran Halstead
les cicatrices de la mémoire
ÂGE : trente-cinq (14.07). aïe. SURNOM : « kiki » (couché, grrrrhhhh). STATUT : c’est bien aussi la solitude, on s’y habitue (non, pas du tout #help). MÉTIER : illustrateur (fauché) en freelance et prof (dépité) d’arts visuels. LOGEMENT : #18 james street, fortitude valley, avec cesar (le coloc) et waterproof (le corgi). POSTS : 4054 POINTS : 200
TW IN RP : dépression, pensées suicidaires, tentative de suicide, relation toxique, maltraitance, abus physiques et psychologiques, harcèlement scolaire, dépréciation, troubles anxieux, distorsion corporelle, mention d'agression physique (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : J'aime les jolies filles. PETIT PLUS : placé en foyer, très proche de la dernière famille qui s’est occupée de lui ≈ souffre néanmoins de cette absence d’identité propre ≈ réservé, maladroit, optimiste, vit dans un monde imaginaire ≈ a quitté sa fiancée il y a deux ans, soulagé malgré sa phobie de la solitude ≈ essaie de reprendre confiance en lui, de renouer avec ses proches, de retrouver sa place ≈ préfère la compagnie des pop et des jeux vidéo aux humains ≈ du talent au bout des doigts, aucune motivation d’en faire quelque chose ≈ trop mou, trop paresseux, trop paumé ≈ a fait une tentative de suicide fin novembre 2022. CODE COULEUR : kieran bafouille en rosybrown. RPs EN COURS : halstay #12, #13 & ua #3 (parents) ⊹ i hope your ghost will haunt me, i hope i hear you calling my name at 3am. 'cause honey, i love you dearly and i cannot bear you leaving again, not again. oh, i hope your ghost will haunt me 'til the end.
spencer #5 ⊹ i've been begging, hope you're listening. i've done my wrongs but i'm someone different.
ally ⊹ oh, if i can take something to make me feel better than i'm feeling now and everything else will work itself out.
(13/06 - vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bon ou de mauvais compte. moi, si je devais résumer le rp aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres) › ginny (fb) › cecilia › shiloh › wild › alfly #17 (ua) › danaë › olive #2 › greta #2 RPs EN ATTENTE : flora #3 RPs TERMINÉS :
kieyer ⊹ close your eyes and think of me and soon i will be there to brighten up even your darkest night. you just call out my name and you know wherever i am i'll come running, to see you again.
Il lui a souvent été reproché de vivre dans un monde imaginaire, fantasmé, dans lequel au-delà de trouver la place qu’il n’a pas dans le réel, il parvient à s’ériger en héros de l’histoire ; respecté par ses pairs, imperturbable face aux obstacles – le rôle dont il rêve est celui qu’il adorerait mettre en pratique dans la réalité. Mais il n’est jamais parvenu à le faire, Kieran, son esprit s’échappant à la moindre difficulté, l’empêchant d’intégrer les situations telles qu’elles sont. Lorsqu’elles dépassent le seuil de ce qu’il est capable d’endurer, ses réactions sont inappropriées : j’en suis l’exemple autant que j’en fais encore une fois le constat alors qu’il se raccroche avec optimisme aux paroles d’Eve et refuse de les voir comme ce qu’elles sont, comme une tentative de briser toujours plus son cœur, de l’éloigner et de s’assurer qu’il n’ait plus l’idée saugrenue de ressentir quoi que ce soit pour la jeune femme. Pourtant, au fond, je sens à quel point il a mal face à ce rejet et ce n’est pas tant celui-ci que le fait qu’il prend la même forme que tous les autres qu’il a connu au cours de sa vie. Qu’Eve ne puisse lui accorder son amour n’est pas un problème, Kieran n’a pas la prétention de croire qu’il pourrait lui faire changer d’avis ; il n’en a pas même la volonté et il ne lui en voudra jamais pour cet amour à sens unique – après tout, il est bien conscient de la situation et il ne peut s’en prendre qu’à lui-même de ressentir comme il le fait toujours. Le souci réside dans ce rejet qui n’est qu’une amère piqure de rappel de tous ceux auxquels il a fait face ; de cette volonté de lui faire comprendre que d’autres n’auront jamais les mêmes sentiments que lui peut avoir à leur égard. Et s’il s’agit d’amour, il est le plus souvent platonique, familial, la forme la plus pure, mais également la plus douloureuse. Rejeté par ses propres parents qui n’ont pas su développer les mêmes sentiments que lui, puis par les familles dans lesquelles il est tombé, Kieran a toujours cherché à provoquer ce sentiment chez les autres sous prétexte qu’il le ressentait de son côté et que cela voulait inévitablement dire que la réciproque doit s’appliquer. Mais le brun a pris conscience avec le temps qu’il ne pouvait forcer d’autres à l’aimer – pire encore, que c’est un sentiment qu’il n’est pas supposé recevoir. Et j’aimerais tellement le persuader du contraire, lui faire comprendre qu’il peut être aimé, Kieran, qu’il n’a même pas besoin de mettre tous les moyens qu’il met en œuvre pour parvenir à cet idéal dont il rêve ; je sais qu’il ne me croira pas parce que la vie lui a fait comprendre l’inverse. Qu’il doit toujours se battre pour l’intérêt des autres, que même en s’épuisant, il ne parviendra jamais à le conserver et que tôt ou tard, il finira par être délaissé, désaimé. Eve n’a pas le droit de répondre à la question est loin d’interpréter les choses comme elle le voudrait, je sens le cœur de Kieran qui se serre et sa gorge qui se noue. Elle ne peut pas répondre à la question, car elle n’a pas de réponse convenable à lui donner. Parce qu’il ne peut être l’objet de tels sentiments, ceux qu’elle vit avec Zeke. Et lorsqu’il jure à qui veut l’entendre que ce n’est pas très grave, il y croit, Kieran, parce que c’est la vérité pour lui, ce n’est pas très grave, en fin de compte. Il a toujours mené sa vie de cette façon, en sachant pertinemment qu’il donne plus qu’on ne peut lui donner et si cela était réellement un problème, il aurait arrêté depuis bien longtemps.
C’est le discours officiel. Au fond, je la perçois cette épée qui traverse son cœur suite aux propos d’Eve, qui malmène toujours plus un palpitant déjà fragilisé par les années. Et malgré mon inimité pour la jeune femme, je ne peux pas lui reprocher de rejeter Kieran, elle n’a pas à s’excuser de ne pas avoir de sentiments pour lui. Mais je peux lui reprocher de ne les cacher suffisamment, pas autant que lui, pas autant qu’elle le devrait pour son propre bien. Je peux lui reprocher la manière dont elle joue, encore et toujours, avec le jeune homme. Parce que son rejet n’est pas assez brutal ; et ça aussi, ça le renvoie à ses propres traumatismes d’enfance, à cet éloignement progressif avec ses parents biologiques, à cet espoir auquel il se raccroche durant de longues années – auquel il s’accroche toujours aujourd’hui, à trente ans passé, avec la même naïveté que lorsqu’il avait dix ans. Ils reviendront, un jour, ils reviendront. Il ne sait seulement pas quand, mais il ne perd pas de vue cet objectif, quand bien même il est le seul à le poser et qu’il faudrait être trois pour le réaliser. C’est dans la même optique qu’il s’inscrit avec Eve et il me décourage autant qu’il me déstabilise. Parce que je ne comprends pas comment il est humainement possible de supporter autant de rejets, de se délaisser au profit des autres jusqu’à s’en oublier totalement, jusqu’à cesser d’accorder de l’importance à son ressenti, à son propre bien être. S’il s’écoutait, Kieran saurait que toute cette situation ne fait qu’accentuer le trou dans son cœur, mais il refuse de se donner une voix et préfère imiter celle des autres. Celle d’Eve, en premier lieu, en s’adaptant à la place qu’elle veut bien lui donner – même si elle n’est bénéfique qu’à la jeune femme. Tu restes à sa disposition, Kieran, et je te maudis de vivre ta vie de telle façon. Il n’existe que lorsqu’on concède à lui donner de l’importance et tant qu’Eve lui en donnera pour sa propre satisfaction personnelle, il n’arrivera pas à passer à autre chose, il n’arrivera pas à se donner une chance parce qu’il persiste à s’adapter à celle qu’elle veut lui donner, une chance terriblement biaisée, basée uniquement sur sa volonté de ne pas être seule, de s’assurer qu’il ne reste jamais loin, même si cela implique de l’empêcher d’avancer. Je te déteste, Eve. Je te déteste et je ferai tout pour que Kieran aussi.
Elle souffle le chaud et le froid ; et si Kieran ne perçoit rien, ne veut rien percevoir, je suis sensible à chacun de ses gestes, chacune de ses paroles. Elle ne peut rien dire, mais elle souhaite qu’il s’explique sur sa volonté. Elle ne peut pas le dire, mais elle veut qu’il le verbalise et c’est une demande bien inégale que tu lui fais là, Eve. Inégale et terriblement injuste, le privant d’entendre ton propre ressenti quand tu persistes à vouloir le sien – alors même qu’il doit se l’interdire, parce qu’il n’oublie pas, lui, que tu n’es pas l’auditrice adéquate pour qu’il s’épanche sur ses sentiments, pas alors que quelqu’un qui les partage t’attends à la maison. Mais ça, tu l’oublies, Eve, pas vrai ? Comme tu oublies Zeke, sauf lorsqu’il s’agit de l’évoquer pour faire toujours plus de mal à Kieran. Tu maîtrises la situation bien plus que tu ne veux l’admettre, et tu peux aveugler Kieran, mais n’oublies pas que lui et moi nous nous confondons et que de toi et moi, j’arriverai toujours à prendre le dessus. Cela peut prendre du temps, cela prendra du temps d’ici à ce qu’il daigne ne plus être aveuglé par tes jolis mots et tes promesses mensongères, mais cela arrivera. Et ce jour, Zimmer, je t’assure que je ne te ferai pas de cadeau. Que toute la neutralité dont Kieran fait preuve à mon détriment sera retournée contre toi et que lorsqu’il me laissera donner de la voix, je t’assure que la tienne n’en sera que plus réduite au silence, quand bien même tu tenteras de t’époumoner pour qu’elle parvienne jusqu’à Kieran. Mais elle n’y arrivera pas, oh, je te promets qu’elle n’y arrivera pas.
« Je n’ai pas le droit de répondre à ta question. » Car la réponse est évidente ; il serait à la place d’Ezechiel, et Ezechiel serait à la sienne. Mais je l’empêche de dévoiler sa réponse, conscient que cela ne ferait que conforter Eve dans l’idée qu’elle peut obtenir ce qu’elle souhaite de Kieran sans jamais rien offrir en retour. Tu ne le vois pas, Kieran, n’est-ce pas ? La facilité avec laquelle elle prend le dessus sur toi, la même facilité avec laquelle elle le faisait. Et j’ai souvent été en désaccord avec ce malheureux transfert que tu fais, mais il me paraît de plus en plus évident à mesure que les semaines passent. Elle aussi était parfaite, au début. Puis les choses sont devenues hors de contrôle, comme c’est le cas aujourd’hui avec Eve. Hors de contrôle pour toi, parfaitement maîtrisée pour elle.
Et je te sens, te débattre pour me prouver que j’ai tort. Pourtant, tu ne luttes pas tant que ça, au fond. Peut-être parce que tu partages mon avis, que tu le veuilles ou non. Tu peux te débattre, tu peux me hurler dessus autant que tu le souhaites, Kieran, toi et moi formons un tout, tu vis ce que je pense, et je pense ce que tu vis. Le déni ne parvient pas à changer la véracité des propos – et, pour une fois, j’apprécie Eve alors qu’elle ne fait que confirmer ce que je te répète à longueur de temps lorsque tu es en sa présence. Elle se sert de toi. Tu t’épuises à vouloir la rassurer, Kieran et elle continue t’en demander toujours plus. Elle te parle de choses si personnelles, si intenses, que tu ne sais comment y répondre sans paraître insensible, sans que cela te soit reproché et une fois encore, elle quémande ton affection, elle quémande ton énergie, elle t’épuise, Kieran, mais tu es incapable de l’assumer. Tu la supplies, mais elle n’entend pas, trop occupée à faire de ta journée la sienne, à persister à être le centre de ton monde alors que, pour une fois, tu avais le droit de briller sans remords. La conclusion est toujours la même, s’il te plaît, Kieran, fais-moi me sentir encore un peu plus importante. C’est mon interprétation de ses paroles que je force dans ta boîte crânienne, alors qu’encore et toujours, il n’y en a que pour elle, que pour ses insécurités, que ses doutes, sa volonté d’être la victime d’une histoire dans laquelle elle s’est elle-même piégée. Ce n’est pas à toi de la sauver, Kieran, ce n’est pas à toi de te sacrifier pour elle ; peut-être que tu aurais pu prétendre à ce rôle si elle t’avait donné ta chance, mais elle ne l’a pas fait, alors pourquoi ne tient-elle pas un tel discours face à l’homme qui a su le charmer, celui qui te l’a volée, cet amour qu’elle s’est empressée de te balancer à la figure ce soir-là, durant Race of Australia ? Et je sens que c’est une torture pour toi de ne pas pouvoir faire ce qu’elle souhaite, de ne pas persister à la caresser dans le sens du poil, de lui dire tous ses mots qu’elle veut entendre et qu’elle exige de toi et uniquement toi, parce qu’elle sait qu’elle les obtiendra toujours, peu importe la façon dont elle te traite. Mais je t’en empêche, je refuse que tu lui concèdes cette victoire, je refuse que tu t’agenouilles toujours plus face à elle. Elle obtient de toute évidence toujours ce qu’elle souhaite avec toi, alors tu peux lui rendre la tâche plus difficile, ne serait-ce qu’une fraction de seconde.
Et elle mérite tellement plus qu’un peu de difficulté. Elle mérite une tempête entière qui s’abatte sur elle, elle mérite de se retrouver aussi seule qu’elle le prétend alors qu’elle est bien plus entourée que tu ne le seras jamais, elle mérite que toutes ses fautes soient exposées et non justifiées comme tu le fais perpétuellement, Kieran. Parce qu’au-delà de la rassurer, elle, c’est sur sa relation qu’il met l’accent alors qu’il lui souhaite de ne jamais perdre cet Ezechiel. Son attitude laisse prétendre le contraire, pourtant au fond je perçois sa haine à l’encontre de ce type, injustifiée de par le fait qu’il ne le connaisse pas. C’est probablement un chic type, en réalité et son ressenti n’est dicté que par une jalousie qu’il n’est pas supposé ressentir, parce qu’il n’est pas à la place qui lui permet de l’être. Je me tue à le lui faire comprendre, mais chacune de mes tentatives est anéantie par Eve, par la douce et fragile Eve qui exige d’être sauvée ; qui lui impose de la sauver.
Et j’actionne à nouveau l’alarme dans son esprit alors qu’elle évoque ses sentiments que son compagnon ne partage pas. Je vous assure, si j’étais doté d’une existence physique, mes yeux auraient roulé au ciel au point d’en rester coincés face à la mauvaise foi de la jeune femme. Ou peut-être est-ce simplement du sadisme, que d’exiger d’être réconfortée quant au fait que son compagnon ne partage pas ses sentiments face à celui dont elle-même ne les partage pas. Je m’énerve, si fort que Kieran commence lui-même à percevoir l’ébullition dans ses veines, pour la première fois depuis longtemps. Je crois qu’à force de m’agacer, il perçoit ma colère et qu’il serait même prêt à l’accepter. Fais donc, Kieran. Accepte-la et retourne-la contre son initiatrice. « Je suis persuadé qu’il en a. » Et il ne comprend donc rien. Et elle va probablement s’en satisfaire, de continuer à avoir le droit à ses belles paroles simplement parce qu’elle ne peut les avoir pas autrui, par cet Ezechiel. Alors il est la solution de substitution, celui qui parle, lui. Qui parle trop, comme elle le lui avait fait remarquer lors de cette conversation qui n’a jamais quitté sa mémoire et que même s’il prétend, il n’a jamais excusée par l’état d’ébriété de la jeune femme. Il parle trop et elle ne veut l’écouter que lorsque cela sert ses intérêts, comme à cet instant où, fragilisée, elle s’accroche à Kieran pour se sentir mieux, peu importe si cela oblige notre protagoniste à plonger dans la détresse. « C’est juste que... tout le monde n’est pas aussi démonstratif que toi. » Et un sourire s’affiche sur ses lèvres, bienveillant, réconfortant, alors qu’il ne devrait pas lui adresser plus d’un regard noir. Mais d’ici à ce qu’il m’écoute, il y en aura d’autres, des sourires, qui masqueront son mal-être toujours plus accentué par les soins de la blonde.
C’est furtif, c’est peu affirmé, mais cela me rend néanmoins fier ; Kieran s’oppose, cherche à ce qu’elle justifie ses mots, qui contrastent tant avec ceux de leur dernier échange en face-à-face, percutants, tranchants, pour lesquels elle ne s’est jamais réellement excusée. Parce qu’elle n’est pas sincère, Kieran, même lorsqu’elle mouille ses yeux pour être une meilleure comédienne. Elle fait ses armes sur toi, sur le spectateur le plus clément, sur celui qui accepte d’être utilisé comme le cobaye de son expérience. Son regard se porte sur ses doigts qu’elle caresse et il ne comprend plus grand-chose, Kieran. Il n’a jamais brillé par sa compréhension des choses, c’est certain, mais plus que jamais il est totalement perdu face à la jeune femme, alors que je lui murmure que c’est un comportement dont il est pourtant terriblement habitué pour l’avoir vécu durant de longs mois.
Et je le répète, encore et toujours et je le ferai jusqu’à ce qu’il l’intègre, jusqu’à ce que ça l’imprègne : elles sont pareilles, Kieran. Je t’en ai voulu de le formuler à voix haute au premier rendez-vous, mais pardonne-moi. Pardonne-moi de ne pas t’avoir cru alors que tu voyais tellement plus clair que moi. Pardonne-moi de t’avoir abandonné quand tu avais le plus besoin de moi. J’essaie de me donner le beau rôle, mais je crois que, dans le fond, je ne suis pas beaucoup mieux que tous ceux qui gravitent autour de toi. Et si l’on peut penser que je ne vaux pas beaucoup plus qu’Eve, j’ai la prétention de continuer à croire en ma volonté de vouloir son bien – Eve peut le prétendre autant qu’elle le veut, elle n’est pas sincère. Parce qu’elle le prive de son bonheur à chaque fois qu’elle insiste pour avoir son attention, à chaque fois qu’elle quémande sa main dans la sienne, à chaque fois qu’elle vante sa relation avec Ezechiel. Derrière tout ça se cache le fait de l’utiliser pour vaincre sa solitude, de forcer des contacts devenus anxiogènes pour lui, de briser un peu plus son cœur. Si c’est sa conception du bonheur, laisse-moi rire, Kieran. Laisse-moi hurler dans ta boîte crânienne à m’en fatiguer, face à la plaisanterie de l’année que tu prends pourtant au sérieux. À moins que ? Le fait que tu ne répondes pas me laisser penser que, peut-être, tu as conscience d’être le sujet de la plaisanterie et ne pas apprécier ce rôle qu’elle te donne.
Et si je m’énerve régulièrement de son manque d’opposition ; de son caractère malléable, toujours est-il que je tente de restreindre mes critiques lorsqu’il fait part de ses sentiments. Évidemment que je suis en colère, évidemment que j’aimerais remonter le cours du temps, évidemment que je le frapperai derrière la tête si j’en avais la possibilité. Mais ce n’est pas le cas et tout ce que je peux faire, c’est de féliciter Kieran des quelques bribes d’opposition dont il fait preuve. Et même si les pensées que je lui envoie, les images que je lui impose, sont dirigées par la colère, je tente de prendre du recul sur la situation, je tente de raisonner comme lui, en y apportant ma touche. Je ne dirai pas que, de mon côté, j’aurai laissé Eve mourir dans son coin, que je lui aurais tourné le dos à la première occasion, que je lui aurais hurlé dessus pour tenter de faire de ce jour son jour. Mais je ne prétends pas le contraire, non plus, Kieran et j’aime l’idée de te torturer de la sorte, par des bribes de réflexions plutôt que des oppositions claires. Je crois que c’est plus efficace, je crois que c’est la raison pour laquelle même ces quelques mots qu’elle prononce, qui brisent toujours un peu plus ton cœur, ne font pas autant d’effet qu’elle ne le voudrait probablement. Parce que j’y applique aussitôt un pansement, parce que je répète encore et toujours la même litanie dans ton esprit, mon ressenti, qui est aussi le tien, quoi que tu puisses en dire. « Je sais. » Et je n’aurais pas pensé que ce soit ses propres mots qui résonnent le plus ; qui lui font le plus mal. L’affirmation d’une évidence, enfin admise. Bien sûr qu’elle aime Ezechiel, bien sûr que c’est avec lui qu’elle veut être. Mais dorénavant, il le sait, et c’est ce qui fait toute la différence. Cette prise de conscience qui intervient souvent trop tardivement, quand il s’est trop attaché, quand il s’est plongé à corps perdu dans une relation et qu’il ne peut qu’y laisser des plumes. Comme un goût de déjà-vu, Kieran, n’est-ce pas ?
Et j’aurais tellement voulu avoir des bras, pas uniquement pour repousser Eve, mais surtout pour l’entourer lui, pour lui faire comprendre qu’il n’est pas seul. Que contrairement à ce qu’il pense, contrairement à cette terrible impression d’être perpétuellement rejetté par ceux à qui il accorde une place trop importante, il compte, Kieran. Il compte pour quelques personnes – seulement elles ne sont pas là et il ne peut les voir, trop aveuglé par sa propre affection, toujours dirigée à l’égard des mauvaises personnes. Ses parents, Ichabod, Autumn, Reese et désormais Eve. Tous ceux qui piétinent perpétuellement sa conception de l’amour. Et le pire dans tout ça ? Il en redemande, encore et toujours, parce qu’il suppose que ça ressemble à ça, l’amour. Et il n’a pas le temps de panser sa blessure qu’elle quémande encore son affection, encore ses jolis mots pour être rassurée, alors qu’elle vient d’en utiliser des dévastateurs à son encontre. Ne vois-tu donc pas à quel point elle s’amuse, Kieran, quel plaisir elle prend à te malmener simplement pour se sentir importante, pour se sentir exister ? Et j’aimerais tant que ta lâcheté habituelle te serve aujourd’hui encore, qu’au-delà de simplement te murer dans le silence, tu l’abandonnes à son sort, lui rendant son enfant et sa vie parfaite pour réparer les dégâts qu’elle cause depuis le premier jour. J’aimerais que tu cesses de lui donner ton cœur, ton énergie, ta santé mentale et ta dignité. Mais tu continues à tout lui offrir sur un plateau d’argent, alors qu’elle continue à se servir et à se plaindre que ce n’est jamais assez.
Et tu continues encore de tout lui donner, alors qu’elle est ta priorité. Tu devrais être ta propre priorité, Kieran et j’aimerais tant que tu le comprennes. « Et comment il fera si tu n’es plus là ? » Il demande et je salue sa brutale honnêteté, même si notre volonté face à de telles paroles n’est pas la même. J’aimerais faire réaliser à la jeune femme à quel point elle est égoïste de se cacher derrière des excuses seulement pour que son état ne connaisse pas d’amélioration et que l’on continue à s’intéresser à elle ; Kieran lui ne vise que son bien-être, encore et toujours, alors même que j’ai suffisamment pointé du doigt à quel point son histoire n’était pas suffisamment crédible pour être crue. Mais il y croit, Kieran, simplement parce qu’elle a été contée par la jeune femme. « Mais il est question de ta santé physique, cette fois, Eve. Et tu ne peux pas te montrer plus forte qu’elle. » Oh, Kieran. Pourtant, des forces, elle a encore et toujours, puisqu’elle les puisse chez toi. Elle vide toute ton énergie et même lorsque tu n’en as plus, elle continue d’en prendre. Elle continue, de par la manière dont elle finit inévitablement de parler d’elle, encore et toujours ; de son deuil, de sa situation et qu’elle cherche toujours plus à être réconfortée, sous prétexte qu’elle fait preuve d’honnêteté en admettant d’avoir brisé ton cœur. Elle veut que tu prennes conscience d’à quel point elle se sent mal, simplement pour qu’elle continue de tirer les fils qu’elle a enroulé autour de tes poignets. « Ce n’est pas une raison suffisante. » Qu’il verbalise alors que je hurle que si. Que c’est une raison suffisante pour la délaisser et la manière dont elle te brise le cœur n’a finalement pas grand-chose à voir avec sa préférence avec Ezechiel, mais tout simplement avec la façon dont elle insiste toujours plus pour le frapper alors qu’il et déjà réduit en mille morceaux. C’est du sadisme, à ce niveau et tu n’arriveras jamais à me faire croire du contraire, Eve.
De la même manière que tu n’arriveras pas à nous faire croire que tu accordes du crédit aux propos de Kieran, que soudainement, sous prétexte qu’il te l’a demandé, tu crois à ce qu’il dit alors que tu as passé des semaines à lui assurer du contraire. Oh, je te vois, dans ton petit jeu de manipulation, faire les yeux doux à Kieran, lui dire ce qu’il veut entendre simplement parce que tu l’as senti t’échapper lorsqu’il a formulé ces quelques doutes. Tu es une grande joueuse, Eve, je dois te l’accorder, mais ne te félicite pas trop vite d’avoir remporté la bataille. Tu as passé des semaines à lui en vouloir pour ses propos maladroits, lui les renvoyant en plein visage à la moindre occasion, à la pire des occasions durant ce jeu télévisé, sans jamais t’excuser d’insister autant sur ces quelques mots qui le torturaient autant que toi. Parce que tu n’as d’égard pour personne d’autre que toi-même, n’est-ce pas, Eve Zimmer ? Tu en attestes encore alors que tu ne formules que des excuses de politesse lorsque Kieran ose à verbaliser la perte de ses parents pour la première fois depuis... toujours, une confession qui a un tel sens, mais vite effacée pour en revenir à toi, encore à toi, toujours à toi. Tel son cœur, le cadeau qu’il te fait est piétiné par pur plaisir, par pur égoïsme.
C’est toi qui ne comprends pas, Eve. C’est ce qu’il aimerait affirmer, mais il n’ose pas, toujours aussi réticent lorsqu’il s’agit d’émettre son avis, encore plus quand il est contraire à ce qu’on attend de lui. Il ne le dira pas, et il ne dira pas non plus toutes ces choses que je lui murmure à l’oreille pour le rendre fou ; parce qu’après tout si tu te permets d’avoir un tel effet sur lui, pourquoi m’en priverai-je ?
Elle ne tient pas à toi, Kieran. Si elle tenait à toi, elle ne te manipulerait pas comme elle le fait. Elle ne soufflerait pas le chaud et le froid comme elle s’y est habitué, elle ne te forcerait pas au contact alors que tu ne le supportes pas, elle cesserait d’accentuer cette attitude toujours plus ambiguë à chacune de vos rencontres. Elle cesserait de ne parler que d’elle pour t’offrir un peu de place, elle cesserait de s’intéresser à toi uniquement lorsqu’Ezechiel n’est pas disponible, elle cesserait de voir en toi une roue de secours, une solution de rechange, un simple objet sans valeur dont elle peut se servir dès qu’elle en a besoin.
Elle décrédibilise ton ressenti à la moindre occasion, Kieran. Dès que tes paroles ne vont pas dans son sens, dès qu’elle est mécontente, dès qu’elle n’obtient pas ce qu’elle souhaite de toi ; elle atténue ton ressenti par simple désir de démontrer qu’elle a raison, qu’elle sait mieux que toi. Elle le verbalise, tu ne comprends rien, Kieran. Tu ne comprends pas grand-chose et elle pense la même chose de toi que tous les autres. Elle n’est pas si particulière, bien au contraire, elle ne fait qu’invalider tes sentiments, tes confessions, pour donner plus de places aux siens.
Mais surtout, elle te ment, Kieran. Elle te ment en prétextant qu’elle te croit, elle te ment lorsqu’elle prétend qu’elle n’en a rien à faire que tu l’aies comparé à Méduse, alors que c’est la raison pour laquelle elle s’est éloignée – quoi qu’elle en dise, alors qu’elle n’a cessé de le lui reprocher, qu’elle est constamment revenue sur cet épisode, même lorsque le moment ne s’y prêtait pas. Elle a prétendu que tout allait bien pour mieux lui le reprocher plus tard ; ce n’est pas ce que j’appelle s’en ficher.
« C’est vrai, je ne comprends pas. » Et je lui en veux de faire le dos rond, au lieu d’admettre qu’il ne la comprend pas, c’est lui qui ne comprend pas la chose. « Tu n’as pas de pouvoir sur ce qui peut nous arriver. Tu n’en auras jamais. » Sa volonté n’est pas d’être blessante, seulement de mettre en avant qu’il y a des choses qu’ils ne décident pas dans la vie et cela en fait partie. Il ne le dira pas, mais je sais qu’au fond, il ne croit pas à toutes ces histoires d’être maudit. Que ce n’est que du vent pour mieux se faire plaindre ; pour accentuer un rôle de victime, pour éviter de vraies justifications. Ce n’en est pas une et, pour la première fois, je le sens véritablement perturbé par le fait de ne pas réussir à être convaincu. Alors il se tait et conscient qu’il s’éloigne du chemin qu’elle a prévu pour lui, lui donne ce qu’elle veut depuis le début. Que ce ne soit plus son anniversaire, mais sa journée. Elle prétend s’en offusquer, mais je la perçois, cette réjouissance, dans sa manière de parler, de se considérer comme insignifiante alors que pour quelqu’un qui prétend l’être, son attitude est tout le contraire.
Tu vois, Kieran. Elle prétend être insignifiante et au moment où tu es prêt à te détourner d’elle pour célébrer ton anniversaire, elle fond en larmes. Mais je t’empêche de la prendre dans tes bras et je suis ravi que tu m’obéisses. Si je refuse que tu le fasses parce qu’elle ne le mérite pas, c’est surtout parce que tu ne parviens toujours pas à accorder suffisamment ta confiance pour que les frontières de ton intimité soient brisées. De vrais larmes de crocodiles qui ne cessent alors qu’il est bien emprunté face à elle, incapable de savoir comment réagir, comment se comporter. « Eve, calme-toi, calme-toi, tout va bien, d’accord ? » Non, rien ne va et sur ce point, je suis d’accord avec elle, c’est entièrement sa faute. « D’accord, d’accord, je ne dirai rien à Ezechiel. » Et elle l’oblige à prononcer son prénom, elle l’oblige à devenir gardien de son secret, à écoper d’un mauvais rôle alors qu’il persistait à vouloir garder le bon et respecter le jeune homme. Tu sais, celui dont elle ne supporterait pas qu’il s’en aille, alors qu’elle fait tout pour te convaincre de le faire, de ton côté. C’en dit long sur ses sentiments, sur le rôle qu’elle te donne. « Non. » Trois lettres, un mot et une opposition que j’espérais depuis si longtemps – mais pas pour la bonne cause. « Je ne le ferai pas. » Et je l’espère, cette lâcheté tant voulue, mais Kieran met encore une fois fin à mes espoirs. Je salue malgré tout le fait de ne pas saisir cette main manipulatrice qu’elle lui tend encore une fois, tandis qu’il relève la tête pour soutenir son regard. « Je ne veux pas fêter mon anniversaire dans ces conditions. » Il confesse, conscient que ses mots peuvent prêter à confusion, se reprenant rapidement, alors qu’elle n’a jamais aucune difficulté, de son côté, à le laisser se torturer avec toutes les interprétations qu’il peut faire de ses discours. « Je ne peux pas le fêter alors que je sais que tu vas mal. Je ne peux pas rester sans rien faire quand tu es ainsi. Je ne peux pas tolérer que personne, toi la première, ne se soucie suffisamment sérieusement de ton état. » L’hôpital qui s’en fiche, et ma voix dans sa tête qui lui rappelle que ce n’est pas le cas, c’est seulement le poids de son joli mensonge quant à son état qui donne cette impression. « Ce n’est pas en restant tranquille que ton état pourra s’améliorer. Ce n’est pas en prétendant que tu vas tenir que ce sera le cas. » Non, toutes ses belles promesses ne visent pas à ce qu’elle aille mieux, seulement à ce qui l’aide à le faire pour elle. « Je suis désolé, Eve, mais je ne peux pas faire ça. Je peux pas faire semblant que tout va bien, je ne peux pas te conforter dans l’idée que tu vas bien. » Et tu n’as pas à t’excuser, Kieran, parce que ton discours confirme qu’elle est arrivée à ses fins. « Je soufflerai pas mes bougies, par contre je peux te demander un cadeau. » Non, Kieran. Non, cesse de lui offrir ta journée, je t’en supplie. « Soigne-toi. S’il te plaît, soigne-toi. Prends la chose au sérieux et... arrête. S’il te plaît, arrête de penser que tu es insignifiante, arrête de tout minimiser, arrête de vouloir disparaître, parce que le jour où ce sera le cas... » Et Dieu sait qu’il ne veut pas imaginer cette perspective et que les tremblements dans sa voix autant que ses yeux humides accentuent ce rejet. « ... le jour où ce sera le cas, ce sera d’autres qui voudront disparaître. » Jacob, Lise, Ezechiel.
Lui.
Bravo, Eve. Tu l’as gagnée, finalement, cette guerre. Mais à quel prix ?
Ce que je faisais était mal. J’en avais conscience. Depuis l’aveu de Kieran quelques secondes auparavant, j’ai senti quelque chose. Quelque chose que je ne devrais pas ressentir. Quelque chose dont j’en ai l’interdiction. Parce n’avais-je pas donné mon cœur à Zeke quelques semaines plus tôt ? N’avais-je pas ainsi définitivement tiré un trait sur Kieran et sur ce que nous aurions pu être ? Une partie de moi en voulait à Kieran. La partie qui ne parvenait pas à rationaliser son geste, ni ses dires. Pourquoi en venait-il à me confier ses sentiments alors qu’il me savait avec un autre ? Quelle était son but ? Je savais pour le connaître depuis des mois qu’il n’avait aucunement l’intention de me faire quitter Ezechiel pour ses yeux si beaux. Il n’était pas manipulateur, pas calculateur. Mais les mots brûlaient mes entrailles, les ravageaient jusque dans les tréfonds de mon âme alors que je me retrouvais propulsée des mois en arrière. Alors que je n’étais plus dans cet aquarium. Nous j’étais ailleurs.
Je me retrouvais de nouveau dans ce lieu où nous nous étions rencontrés. Je me retrouvais de nouveau en face de lui alors que j’avais peur des autres. Cette fois-ci, je lui disais clairement ce dont souffrais. Cette fois-ci, je parlais. Je ne me terrais pas derrière la malédiction, je ne me terrais pas derrière cette ressemblance physique avec la femme qui l’avait détruit. J’avançai. Vers lui. Mais dans le fond, le mur resterait toujours en place. Ce mur de glace dressé entre nous pour une seule et même raison : il était détruit. Et je ne voulais plus l’être. J’aurai pu l’inviter chez moi à de multiples reprises, j’aurai pu tenter d’être un baume apaisant. Mais j’avais noté cette peur du contact. J’avais noté son rejet physique. Encore un point de divergence entre Kieran et moi. Car j’avais besoin d’un contact physique, j’avais envie que l’on me courtise. C’est ça. elle était là, la clé. La clé de ma serrure si compliquée. Au contact de mon ami, de mon plus qu’ami, de mon ancien peut-être, je prenais conscience de quelque chose. je prenais conscience que j’ai toujours tout fait dans toutes mes relations. Avec Pierre, notre relation était cachée, je demeurai invisible. Avec Jacob, nous nous sommes mariés car j’étais enceinte. Avec Kieran, je suis restée dans l’ombre d’une autre femme. Et avec Zeke, j’ai couru derrière une chimère. Je lui ai couru après. Mais m’a-t-il seulement fait un geste vers moi ? Kieran l’a-t-il fait également ? Je voulais qu’on me courtise. Je voulais qu’on se batte pour moi au sens figuré. Je voulais compter. Pas en tant que maman. Pas en tant que sosie d’une autre femme. Je voulais compter parce que j’étais moi.
Je relevai la tête vers moi alors que cet aveu n’eut pas l’effet escompté. Que je m’étais retranchée dans mes pensées. Et que je fermais les yeux. Je voulais me retrancher dans mes souvenirs. Je voulais m’effacer. Vivre une autre vie. Je voulais que Lisa ait son père, je voulais que celui de Jacob soit en vie. Je voulais qu’on me susurre des mots d’amour à l’oreille, que l’on me prodigue mille et une tendresses. Tendresses que je n’aurai pas eu au contact du jeune Australien que je n’aurai pas plus au contact de Zeke. Mais étais-je prête à me retrancher dans ce genre de relation ? Et dans le fond, pourrais-je espérer plus ? Parce que j’étais mère de deux enfants et que cela peut être difficile à accepter ? Me tenant aux côtés de Kieran, j’ai conscience de ma cruauté à son égard. Et elle me fait atrocement mal. Elle me brise un peu plus, elle me ravage. J’ai conscience qu’il est près de moi, que je lui parle d’un autre homme et je ne devrais pas. Je ne devrais pas putain. Il s’agit de sa journée. Je reste perdue entre deux flots. Je cherche la meilleure solution car je ne voulais pas partir. Je ne voulais pas le quitter mais je n’en avais pas le choix. Là était le paradoxe. Car si je restai il ne pourrait pas faire notre deuil, celui d’Autumn et le mien. Si je partais, je le briserai et je le ferai à mon encontre par la même occasion. J’aimerai lui dire que mes sentiments ont été réels. Qu’ils ont existé mais je n’en ai pas le droit. Je m’en interdis même. « Je suis persuadé qu’il en a. » Bien sûr que tu t’en persuades Kieran. Je choisis de me terrer dans mon mutisme et de regarder devant moi. Je ne veux pas revenir sur le sujet bien que j’aimerai me confier sur mes sentiments. J’aimerai pouvoir lui parler de Zeke, de notre relation comme je l’aurai fait à un ami mais Kieran n’est pas mon ami. « C’est juste que... tout le monde n’est pas aussi démonstratif que toi. » Je n’ose tourner les yeux vers lui alors que je sais qu’il me regarde, qu’il essaie de se montrer. « Ta phrase est mal prononcée. » Je sais bien que je ne devrais pas. que je ne devrais pas dire ce genre de choses. « La phrase correcte est : personne n’est démonstratif envers toi, Evelyn car tu ne le mérites pas. » Et par mes dires, je mettais des mots sur ma souffrance. Sur celle que jamais personne ne me prenait de lui-même dans ses bras. Que personne ne m’embrassait de son propre chef. « Je t’ai dit que si j’étais revenue vers toi, j’aurai cédé à l’appel de… de ce que je ressentais. Et tu m’as dit : je t’aurai laissé faire. » Je déglutis, songeuse. Je ne voulais en aucun faire plus de mal que je n’en avais déjà causé. « Ce n’est pas ça l’amour. L’amour, ce n’est pas de laisser l’autre faire. C’est d’instiguer le geste car tu en as envie, car tu le désires. De courtiser une femme parce qu’elle te plaît, de lui faire de petites attentions parce que tu en as envie et pas parce qu’elle te le commande. L’amour n’est pas douloureux, il est même simple. » Et c’était une réalité. Une prise de conscience tardive. « Je ne veux pas que quelqu’un me laisse faire. Je ne veux pas qu’on accepte mes étreintes, je veux qu’on les désire. Et ni toi, ni Jacob, ni Zeke, ni Pierre ne les ont désirés. J’ai toujours fait le premier pas. et je voulais qu’on me courtise. Je voulais qu’on me coure après. Qu’on me voit. » Et on ne le fait toujours pas.
Ma voix se tut. Je ne sais pas si j’ai dit tout ceci à haute voix ou si j’ai encore joué la scène dans ma tête. Comme j’en avais l’habitude. Mais au vue de la réaction de mon partenaire, c’est comme le baiser de fin de rencontre il y a quelques mois, j’avais encore joué cette scenette. Je l’avais joué sans la dire. Et mon cœur se mit à saigner. Car je ne pourrais jamais le dire.
J’en viens cependant à verbaliser mon mal être. A dire que je désirai disparaitre. Et la réaction de Kieran me surprend. N’était-ce pas ce qu’il désirait lui aussi dans le fond ? Cette femme qui lui piétinait le cœur, encore et encore ? Qui le faisait certes sans faire exprès mais qui ne cessait de le faire souffrir. « Et comment il fera si tu n’es plus là ? » Je me tends alors que son ton se veut plus vindicatif. « Il avancera comme on l’a fait, dis-je sans aucune émotion dans la voix. » Tu veux la vérité Kieran ? Tu la veux vraiment ? Je suis fatiguée. Je suis fatiguée de devoir tout porter à bout de bras. Je suis fatiguée de n’être qu’une mère ou le visage d’une autre. Je ferme un instant les yeux, occultant tout signe extérieur comme j’en avais l’habitude. Seule la voix de mon ancien ami me parvient aux oreilles. « Mais il est question de ta santé physique, cette fois, Eve. Et tu ne peux pas te montrer plus forte qu’elle. » j’ouvre les yeux pour venir rencontrer son regard. Je sais bien que le mien doit sans aucun doute sembler vide. C’est mon problème ai-je envie de dire ? Mais à la place, mes lippes restent closes et je complais dans ce regard si bleu, qui me supplie presque. Qui va me détester j’en suis certaine. « Ce n’est pas une raison suffisante. » Je déglutis, me sentant blanchir un peu plus. « Bien sûr que si, rétorquai-je, je te fais du mal, bon sang. Et tu crois que je vais aller mieux alors que tu n’oses pas croiser mon regard ? Alors que dès que je te touche, tu fuis mon contact ? Que… que je te dégoute au point que chaque geste que je fais à ton encontre est une torture. Je ne veux pas rester dans un monde où je rajoute un peu plus de… de… de… » Je sens mon cerveau prêt à vriller alors je prends une profonde inspiration. « Tu crois franchement que je vais aller mieux alors que l’une des personnes que j’apprécie le plus au monde souffre en ma présence ? » Tu te leurres Kieran. « Ton bien-être m’importe plus que le mien. Je sais que tu me croiras pas. Mais c’est la vérité. Et si je dois partir, m’effacer pour que tu sois heureux, je le ferai. » Car c’est le véritable amour, Kieran. Sous toutes ses formes. Qu’il soit romantique ou non. Le sacrifice.
« C’est vrai, je ne comprends pas. » Je me balance d’avant en arrière. « Tu n’as pas de pouvoir sur ce qui peut nous arriver. Tu n’en auras jamais. » Et là-dessus, il a raison. Je n’en aurai jamais. « J’en ai une. Je peux vous préserver de moi. » Cette fois-ci, toute douceur a effacé mes traits. La réalité me frappe, me lacère en plein visage, s’insinue dans mes veines telle un vrai poison. Elle était là, l’évidence. Je lui avais demandé de me pardonner pour ma conduite. Mais je n’ai pas pu le faire. Je n’ai pas su me pardonner. Et je ne pourrais pas. Personne ne t’aime, Eve. Tes enfants, tout le monde s’en remettra si tu en venais à partir. Et le monstre a raison. Il a raison dans le fond. Je ne compte pas mettre fin à mes jours mais manger se méritait. Et je ne le méritais pas Je ne méritais rien si ce n’était cette peine intense que je ressentais au contact de Kieran. Car je lisais dans chacun de ses gestes, dans chacune de ses fuites la souffrance que j’engendrai. Ma respiration se fait plus sifflante à mesure que j’en viens à paniquer. Il n’y avait là qu’une seule issue. Oui, elle était plausible. Cette issue. Il n’y avait aucun espoir pour cette relation que je me bornais à vouloir entretenir. « Eve, calme-toi, calme-toi, tout va bien, d’accord ? » Bien sûr que non. Ne sois pas aussi aveugle, Kieran. Mes yeux se perdent dans le vague. Ce qui est mauvais signe quand on me connait. Mon corps cesse de bouger pour se muer en statue. « D’accord, d’accord, je ne dirai rien à Ezechiel. » Bien sûr que non, tu ne le feras pas. Mais je devrais lui en parler tôt ou tard. Et il fera comme les autres. Il me quittera. Il me laissera seul. A danser ce tango funeste avec ma maladie. Celle qui rongeait les entrailles. Qui empoisonnait jusqu’à mes sens, mon cerveau.
« Non. »
Me voilà à sursauter devant la virulence de son refus. Je l’ai bien cherché dans le fond. « Je ne veux pas fêter mon anniversaire dans ces conditions. » Je ne dis rien, à vrai dire, je ne cille même pas. Si ma poitrine ne se soulevait pas de manière aussi irrégulière, on pourrait penser que je suis définitivement entrée dans le décor. Que je suis devenue un meuble. « Je ne peux pas le fêter alors que je sais que tu vas mal. Je ne peux pas rester sans rien faire quand tu es ainsi. Je ne peux pas tolérer que personne, toi la première, ne se soucie suffisamment sérieusement de ton état. » Mais tout le monde se contrefiche de mon état. Cela fait plus de deux ans, Kieran. Et tout le monde s’en contrefiche. « Ce n’est pas en restant tranquille que ton état pourra s’améliorer. Ce n’est pas en prétendant que tu vas tenir que ce sera le cas. » J’entends ses paroles, je les comprends. mais je ne peux pas y adhérer. Mon esprit et le monstre refusent tous les deux. « Je suis désolé, Eve, mais je ne peux pas faire ça. Je peux pas faire semblant que tout va bien, je ne peux pas te conforter dans l’idée que tu vas bien. » Je n’ose rencontrer son regard, sentant qu’il se confesse. N’esquissant pas jusqu’au plus infime des gestes. « Je soufflerai pas mes bougies, par contre je peux te demander un cadeau. » Un froncement de sourcils. Ne lui avais-je pas donné un ? Qui était certes incomplet. « Soigne-toi. S’il te plaît, soigne-toi. Prends la chose au sérieux et... arrête. S’il te plaît, arrête de penser que tu es insignifiante, arrête de tout minimiser, arrête de vouloir disparaître, parce que le jour où ce sera le cas... » Je lève la tête, sentant le trouble dans sa voix pour venir rencontrer ses yeux si bleus, si remplis d’eau. « ... le jour où ce sera le cas, ce sera d’autres qui voudront disparaître. » Doucement, j’en viens à me lever, à lever mon tout petit corps si frêle pour venir me rapprocher de celui massif de mon ami pour l’enlacer doucement. Essayant de lui aborder comme un baume. « Je t’en prie, ne pleure pas. » Pas pour moi, Kieran. Ma voix n’est qu’un murmure que nous seuls étions capables d’entendre. Comme une sorte de bulle qui n’appartenait qu’à nous. « Je me soigne déjà, chuchotai-je, je vois quelqu’un depuis deux ans. Je lutte contre tout ça en permanence mais… » Soudain, je l’entendis. Le son que seule une mère pouvait entendre. Jacob. Je m’écartai de Kieran sans doute de manière trop abrupte avant de me sentir pâlir. Sa respiration. Les pieds dans l’eau. Un vent de panique souffla sur mon visage alors que mon ami ne devait pas comprendre le revirement de situation. « Je… Jacob. » Je courus jusqu’à mon enfant qui avait le visage de plus en plus blanc, étant pris d’une toux qu’il n’arrivait pas à réprimer. Le sortant de l’eau, je le pris dans mes bras avant de me tourner vers Kieran. Mon regard si bleu essayant de lui faire comprendre les émotions. Que si j’étais si fatiguée, incapable de me nourrir. « Je suis désolée. Je… » Les toussements de Jacob se transformèrent en respiration sifflante. « On doit y aller. Mais… Mais on se recontacte d’accord ? Je suis vraiment désolée. Bon anniversaire quand même. » Je m’approchai de lui, ne cessant de caresser le dos de mon fils secoué de spasmes. Me muant sur la pointe des pieds, j’embrassai la seule zone que ma petite taille pouvait atteindre avant de lui adresser un dernier regard.