Vendredi soir, 17H15. Helena avait quitté le travail un peu plus tôt que d’habitude pour honorer un rendez-vous chez le kiné, estimant de toute façon qu’elle avait effectué suffisamment d’heures supplémentaires ces derniers jours. Cela faisait prêt d’une semaine que la jeune femme était tombée lors d’une séance de running, et les douleurs étaient toujours intenses. La brunette, qui avait l’habitude de se rendre au boulot à pieds, ne jurait plus que par le bus. Helena n’avait jamais été trop portée sur les talons, mais en cette période hivernale, elle aimait opter pour des bottines ou des bottes. Néanmoins, elle rencontrait de grosses difficultés à les fermer et était rapidement oppressée pendant la journée, sa cheville droite gonflant de plus en plus au fur et à mesure que les heures défilaient. Elle s’était rabattue sur des baskets de ville plates, à son plus grand désespoir. Après plusieurs jours à espérer que sa chute n’avait causé qu’une petite foulure, Helena s’était décidée à prendre rendez-vous auprès d’un kiné afin de faire soigner sa cheville. Des massages, des stimulations et des exercices de musculation l’aideraient sans doute à se remettre. Après tout, si la jeune femme n’était pas très sportive, elle tenait à ses deux séances hebdomadaires de course. Elle en profitait pour réfléchir à sa vie sentimentale, à son travail, et se dépensait pour évacuer tout le stress accumulé. Elle ne s’en était pas rendu compte avant sa blessure, mais le sport était devenu une addiction, un exutoire dont elle ne pouvait plus se passer. Ne connaissant pas de kiné, Helena avait fait quelques recherches sur internet. Elle avait été séduite par un kinésithérapeute qui était également ostéopathe, se disant qu’une large de palettes de compétences était forcément un avantage. Elle avait alors pris rendez-vous en ligne, et poussait à présent la porte du cabinet. La brunette s’annonça à l’accueil. On lui demanda de patienter, lui indiquant que le kiné allait bientôt s’occuper d’elle. Helena s’installa en salle d’attente en repensant à la chute mémorable qui l’avait amené ici. Elle ne put s’empêcher de sourire en se rappelant les événements du week-end dernier. En pleine course dans un parc, perdue dans ses pensées, elle avait trébuché sur une racine. Elle était finalement tombée dans un buisson parfaitement taillé, avalant au passage quelques minuscules feuilles d’arbuste. Alors qu’elle avait sorti discrètement les feuilles restantes de sa bouche, d’une manière loin d’être très classe ou sexy, un homme s’était approché et l’avait aidé à rentrer chez elle, ne manquant pas une occasion pour se moquer d’elle. Helena en était persuadée : elle avait dû être rouge comme une tomate au moment où il avait proposé son aide avec un grand sourire. La jeune femme jeta un coup d’œil à sa montre : 17H20. Elle devait encore patienter une dizaine de minutes avant que ce ne soit son tour. Elle sortit alors de son sac un roman policier et se plongea dans la lecture, avide d’avancer dans l’enquête sur la disparition de l’héroïne. Absorbée par son roman, elle ne prêta pas attention au va et vient autour d’elle.
Ça fait une semaine que je suis revenue de Perth et j'avoue que j'ai beaucoup de mal à me remettre de cette dernière épreuve que nous avons dû faire. J'ai énormément dormi depuis que je suis revenu mais je n'arrivais à avoir l'énergie nécessaire pour passer une journée de boulot entière. Depuis mardi je prends beaucoup sur moi, je tente de rester fort physiquement et moralement auprès de mes patients, mais ce vendredi là est vraiment pire que tout. Toute la fatigue qui s'est accumulée revient à la charge cet après midi, à tel point que j'aurais envie d'annulé tous mes rendez-vous depuis 15h. Mais je ne peux pas le faire. Ni Swann ni moi pouvons nous le permettre.
Assit à mon bureau, tête reposant dans mes mains, je me rends compte que ma respiration est bien plus laborieuse qu'une heure auparavant. Pour me donner du courage, je me dis que Mme Helena Horowitz est ma dernière patiente et qu'après elle je n'aurais plus que 10 minutes de marche avant de retrouver mon lit. Peu importe qu'il ne soit que 18h30, je crois que j'ai sincèrement besoin de repos. Alors prenant plus profondes inspirations, je me lève et me dirige vers le lavabo. Je me passe les mains et le visage sous l'eau froide, me masse les paupières puis les tempes, lance un dernier coup d'oeil dans le miroir puis souffle doucement et me redresse. Une demi heure. Seulement trente minutes de plus et ensuite la délivrance.
Je me passe une main dans mes cheveux qui sont bien trop longs puis me détourne du coin et me dirige vers la porte que j'ouvre. «Mme Horowitz ? » demandais-je en affichant un sourire sincère alors que mon regard sur pose sur la brune qui semble plongée dans un roman. Après quelques secondes elle relève son regard et je l'invite à entrer dans le bureau «Moi c'est Martin » me présentais-je en lui tendant la main «je vous en prit, installez vous » je désigne une chaise puis m'installe en face devant mon ordi « J'aurais juste besoin de l'ordonnance» expliquais-je «Et racontez moi un peu ce qui se passe, pourquoi vous venez ici etc »
A 17H30, heure de son rendez-vous, un jeune homme qui devait avoir à peu près son âge appela Helena, qui lâcha difficilement son roman. Elle mit sans aucun doute quelques secondes de trop à lever la tête et à insérer son marque-page dans le livre avant de le glisser dans son sac.
« Mme Horowitz ? »
La brunette se le suivit et serra la main qu’il lui tendait.
« Moi c’est Martin. »
Tiens, original, de se présenter par son prénom. Son médecin habituel n’était pas du tout comme ça, plutôt à vouloir qu’on lui serve du « docteur » à toutes les sauces. Elle sourit, agréablement satisfaite de ce premier contact, aimable et convivial.
« Helena. Je suis désolée pour avant, mais le suspense est à son comble. A chaque chapitre, l’auteur m’emmène où bon lui semble, et au bout de quelques pages, toutes mes certitudes issues des parties précédentes s’envolent. »
Sa façon à elle de s’excuser d’avoir eu le nez dans le bouquin. Et comme toujours, elle parle trop, enthousiaste pour un rien. Le kiné lui désigne une chaise et poursuit.
« Je vous en prie, installez-vous. J’aurais juste besoin de l’ordonnance. Et racontez-moi un peu ce qui se passe, pourquoi vous venez ici, etc … »
Helena s’installa et se mit à fouiller dans son sac à la recherche de l’ordonnance, qu’elle finit par dégainer, victorieuse.
« La voilà ! Mon médecin traitant m’a recommandé de voir un kiné parce que je suis tombée en faisant mon jogging il y a de ça une semaine. Une bête chute. Une chute monumentale en fait. Au passage, les feuilles des buissons dans les parcs ne sont pas comestibles, tâchez de vous en souvenir. »
Elle rougit un instant à l’évocation de ce souvenir.
« C’est ma cheville droite qui a souffert. J’ai trébuché dans une racine, quelque chose comme ça. Mon pied est parti dans une direction … non désirée. Bref, c’était le week-end dernier, et j’ai toujours très mal. Et je suis condamnée à porter ces horribles chaussures de sport. »
Elle toussota un peu, hésitant à poursuivre, mais dévorée comme toujours par la curiosité.
« C’est la première fois de ma vie que je viens chez un kiné. Ca va consister en quoi ? Ca va faire mal ? Ca va prendre longtemps avant que je puisse recommencer la course à pieds ? »
Helena se mordit la langue, et une fois de plus, sa spontanéité l’emporta.
« Je suis désolée, je vous saoule avec mes remarques et mes questions, alors qu’on est vendredi soir, et que vous avez sans doute mieux à faire que de m’écouter … »
Je souris doucement à Mme Horowitz lorsqu'elle m'explique pourquoi elle a mit quelques secondes de trop avant de réagir à mon appel. A quel moment je lui dit que j'en ai rien à foutre de ces explications ? Si Swann pouvait entendre mes pensées il me mettrait une claque derrière la tête et, évidemment, jamais je n'oserais dire ça à une patiente. « Ce sont les meilleurs livres ça» assurais-je en hochant la tête, sans perdre mon aimable sourire «C'est quoi, d'ailleurs, ce que vous lisez ? » toujours s'intéresser à son patient et ainsi apprendre à le connaître pour instaurer une relation de confiance. Voilà le plus important.
La jeune femme fini par me suivre à l'intérieur de ma salle et je m'installe à mon bureau. Je cligne un peu des yeux puis attrape les lunettes qui sont posées à côté de mon mug à l'effigie des Sea Shepherd qui contient la moitié de mon 10e café de la journée. J'osais espéré que ces lunettes de repos auraient l'effet escompté sur mes yeux, mais rien n'y fait. Je relève toutefois le regard sur Helena lorsque celle-ci me tend l'ordonnance tout en expliquant les résultats de sa venue.
Tout en l'écoutant, je tape rapidement les choses qu'il faut savoir, enregistrant les informations intéressantes à mon bilan. Chute monumentale lors d'un footing, cheville droite qui a tout prit, douleur depuis le week-end dernier. Pas de fracture d'après l'ordonnance donc entorse. A quel point cette entorse est-elle grosse ? Les ligaments sont-ils atteint ? Déchiré peut-être ? Ou juste élongé ? Je fini par reporter mon attention sur la jeune femme lorsque celle-ci enchaînes les questions concernant la suite de ma prise en charge avant de s'excuse, assumant que j'ai sans doute mieux à faire que de l'écouter.
Oui, je pourrais être en train de dormir là. « Ne vous inquiétez surtout pas pour ça. Je fini à 18h donc vous êtes encore dans les temps» que j'ose un trait d'humour « En ce qui concerne la prise en charge … elle est différente d'une personne à l'autre. En général je ne suis pas connu pour faire mal» assurais-je en retirant mes lunettes, me frottant la paupière gauche « Après la cheville en fonction de ce qui cloche ça fait plus ou moins mal. Mais je pense que les douleurs que vous ressentirez seront surtout d'ordre musculaire parce qu'il va falloir travailler les muscles ou tout ce qui stabilise la cheville » j'incline légèrement la tête sur le côté puis désigne la table de massage d'un coup de tête «Allez-y, retirer vos chaussures et allongez-vous »
Je me lève à mon tour et contourne la table avant de tirer le tabouret et m'y installer avec précaution, essayant d'ignorer le vertige duquel je suis pris brusquement. Prenant une profonde inspiration, je me frictionne les mains avec du gel hydroalcoolique puis pousse sur mes pieds pour rouler vers le bas de la table et pose mes mains chaudes sur la cheville blessée la jeune femme « Vous me dites s'il y a quoique ce soit qui ne va pas, ok ?» je lui lance un rapide coup d'oeil «Et s'il y a des douleurs » reprenais-je en commençant à lui mobiliser le pieds dans tous les sens, palpant les os, les muscles et les différentes insertions des tendons.
Le kiné questionne Helena sur son bouquin. Sans doute par politesse, mais la jeune femme ne remarque rien. Il commet une erreur monumentale en la lançant sur la lecture, un sujet qui la passionne.
« Les Apparences, de Gillian Flynn ! C’est vraiment excellent. L’héroïne disparait au début du livre. Un chapitre correspond au présent vu par le mari, et vous avez envie de le plaindre d’avoir perdu la femme de sa vie. Et l’autre chapitre est un extrait du journal de la femme, au passé, évidemment, qui vous incite à vous demander si ce n’est pas le mari qui aurait fait le coup. Après chaque chapitre, je suis encore plus perdue ! Bref, si vous aimez les romans à suspense, je vous le conseille ! »
Helena s’arrête, se rendant soudain compte qu’elle est partie dans un monologue. Elle se mordille la lèvre, gênée, suivant Martin dans son cabinet.
« Mince, j’ai recommencé c’est ça ? Je suis vraiment désolée. Je peux être très … soulante quand je parle de quelque chose qui me passionne. »
Le kiné fait asseoir Helena en face de lui, lui demande son ordonnance et d’expliquer son problème. Il prend des notes pendant que la jeune femme lui explique la situation. Il consent ensuite à répondre à ses questions sur la prise en charge d’une entorse. Le beau brun lui indique finalement la table, sur laquelle Helena s’installe après avoir retiré ses chaussures et ses chaussettes. Elle frissonne presque lorsque le kiné pose ses mains sur elle, s’attendant malgré elle à ce qu’elles soient froides. Elle se rallonge correctement, un peu gênée, se concentrant sur les mouvements que Martin fait effectuer à sa cheville, la tordant dans tous les sens. Helena se crispe rapidement.
« Haaaa ! Oui ben là oui. C’est douloureux. Oui quand vous tournez dans le sens-là, vers l’extérieur, oui surtout comme ça. »
Elle tente de préciser les choses pendant qu’il continue à la manipuler. Elle essaie finalement de se détendre et ferme un instant les yeux.
« Je vous ai livré une de mes passions, bien facilement, j’avoue. Et vous, qu’est-ce qui vous fait vibrer ? En dehors du fait que vous aimez visiblement torturer les gens, cela va de soi ! »
Helena rit, taquine. Les douleurs sont clairement supportables, mais certaines manipulations lui arrachent tout de même une grimace.
C'est un sourire poli qui s'affiche sur mes lèvres lorsque la jeune femme commence à me parler de son livre. Pendant un instant j'ai cru que jamais elle ne s'arrêterait et que j'allais devoir couper court à ses explications, mais au final elle se stoppe par elle-même, se rendant soudainement compte qu'elle a 'recommencé', arguant que ça lui arrive souvent de se perdre lorsqu'elle parle de ce qui la passionne. « Y a pas de mal» assurais-je en souriant doucement alors que je lui indique d'aller s'asseoir sur la table de massage.
Je m'installe sur le tabouret, souffle un instant pour reprendre contenance avant de rouler vers les pieds de la jeune femme et attraper sa cheville entre mes doigts. Lui indiquant de me dire quand les douleurs sont présentent, je commence à manipuler l'articulation la bougeant dans tous les sens possibles et imaginables, lui arrachant quelques grimace et quelques cris de douleurs. Avec une certaine précision, elle parvient à me dire où elle a mal et j'hoche doucement la tête « ça doit être une entorse. Rien de bien grave. Je pense pas que le tendon soit trop touché, sinon j'aurais bien plus de liberté de mouvements en tirant le pied vers l'extérieur. Donc ça devrait aller je pense» hochais-je la tête avant de relever mon regard sur Helena lorsqu'elle me demande de parler de mes passions. Je cligne une fois des yeux avant qu'un sourire plus sincère ne vienne prendre place sur mon visage.
« J'ai beaucoup de passions» avouais-je «J'ai toujours rêvé de devenir psychopathe, mais c'est du bénévolat. Alors quand je me suis rendu compte qu'en fait je pourrais être payer et que les victimes viendraient d'elles même chez moi, j'ai pas hésiter avant de saisir l'opportunité » je laisse échapper un rire amusé « Non, je rigole, c'est pas vrai. C'est pas de gaieté de cœur que je vous fait mal hein» assurais-je avant d'hausser les épaules «Ma vraie passion ce sont les voyages. Je suis né en Allemagne, j'ai grandit entre la France et l'Allemagne, j'ai débarqué en Nouvelle Zélande à 18 ans pour rejoindre mon frère et on est parti en tour du monde pendant 5 ans. En 2012 j'ai débarqué à Brisbane, j'ai fait ma formation de kiné ici. En 2017 après quelques coup du sort j'ai décidé de tout plaquer ici et je suis parti m'installer en Irlande près de Galway. » je me concentre un instant sur la mobilisation de la cheville ainsi que mes quelques massages avant de reprendre « En mars 2019 j'ai quitté mon village côtier en Irlande pour me lancer corps et âme dans le défis de revenir à Brisbane sans avion parce qu'une autre de mes passions c'est l'écologie » je conclus dans un hochement de tête « Donc voilà, je peux moi aussi parler beaucoup et facilement d'un sujet qui me passionne» je pouffe de rire et secoue doucement la tête.
Helena s’enflamme en parlant de son bouquin, passionnant. Elle se perd dans ses explications, elle qui raffole de la lecture et aime partager avec les autres. Mais elle se rend finalement compte qu’elle doit être ennuyeuse à mourir, et empêcher le kiné de faire son travail, alors elle s’excuse puis se tait. Le jeune homme lui demande de s’installer sur la table de consultation, puis commence à tordre la cheville d’Helena dans tous les sens. Oui, tordre, pour la brunette, à ce moment précis, il n’y a pas d’autres mots. Elle grimace par moment, crispée, et finit par bien situer là où la douleur est la plus intense. Heureusement, le kiné la rassure : une entorse, rien de grave, ça devrait bien se passer. Helena laisse échapper un soupire de soulagement.
« Super, merci ! Est-ce que vous savez pour combien de séance on en a ? Pas que je n’aime pas me faire torturer, mais … pas trop en fait. »
Elle rit, une lueur amusée dans le regard. Elle se détend pourtant rapidement quand il la masse plus profondément et cesse de tourner sa cheville dans tous les sens. Curieuse, la brunette interroge le kiné sur ses passions. Il blague d’abord sur la torture. Helena ne peut s’empêcher de rigoler.
« Mouais mouais, ne faites pas semblant de blaguer ! Je vous ai vu prendre votre pied quand … hé bien, quand vous avez pris le mien, en fait. »
Elle rit à nouveau, puis l’écoute attentivement. Contre toute attente, le kiné s’enflamme à son tour, se livrant beaucoup plus qu’elle ne l’aurait imaginé : naissance en Allemagne, enfance en Allemagne et en France, puis Nouvelle-Zélande, tour du monde, Irlande … Helena le dévisage, impressionnée. Dès qu’il mentionne les voyages, la jeune femme a les yeux qui pétillent.
« Ouaw, c’est impressionnant. J’adore les voyages. Ou plutôt, j’adorerais voyager. Je n’ai jamais eu l’occasion de quitter l’Australie, ni même Brisbane en fait. Mais j’ai lu beaucoup de bouquins … Oui, encore les livres, à défaut de mieux. Je suis passionnée par la découverte de nouvelles cultures. Tu dois être une véritable encyclopédie, un recueil d’aventures ! Tous ces pays … »
Helena en oublierait presque les manipulations de la cheville, ne se crispant que rarement.
« Tu parles combien de langues ? Combien de pays as-tu visité ? Est-ce que tu as eu … des coups de cœur pour certains endroits ? »
La brunette dévisage son interlocuteur, les yeux emplis d’espoir alors qu’elle attend qu’il se livre davantage.
Lorsque la jeune patiente me demande pour combien de séance elle en autre, je lui adresse un haussement d'épaules. «Je ne saurais vous le dire exactement » dis-je avant de poser mon regard sur son pied, massant un peu les malléoles « Je dirais une dizaine ? Voire un quinzaine si vraiment ça va pas, mais on partirait au moins sur 10 et on avisera en temps et en heure» je laisse ensuite échapper un rire lorsqu'elle me contredit, admettant que mes paroles sont fausses et qu'elle a bien vu mon sourire sardonique lorsque j'ai attrapé son pied. «Touché » soufflais-je, faussement honteux, alors que je mobilise son articulation en inversion et éversion.
Au final, elle me pose ses questions sur mes origines ce qui se fini en récit de voyage. C'est donc un doux sourire que j'offre à Héléna lorsqu'elle s'extasie devant mon récit de voyage et ne l'écoute à nouveau que d'une oreille alors qu'elle m'explique qu'elle adore les voyages mais surtout les livres et les récits. Au final elle n'a jamais vraiment voyagé et donc elle n'en sait rien si elle aimerait réellement ça ou non. Mais peu importe. J'hoche doucement la tête puis lui faire comprendre que je l'écoute puis relève furtivement mon regard sur ma patiente lorsqu'elle me demande combien je parle de langue, combien de pays j'ai visité et si j'ai eu des coups de cœurs.
« Je parle Allemand, Français et Anglais de manière totalement fluide et régulière, je me débrouille pas mal en espagnol et je sais dire 'bonjour' dans au moins 15 langues différentes » expliquais-je comme si c'était la chose la plus naturelle du monde « J'dois avoir mis le pied dans une trentaines de pays, mais j'en visité réellement seulement 10 d'entre eux. Et j'ai eu un énorme coup de cœur pour Tromso dans le nord de la Norvège. On y est resté un an avec mon frère et on vu autant le soleil de minuit que les aurores boréales. » je souris doucement «Et on a aussi vu des aurore Australe un jour, c'était aussi un spectacle incroyable » assurais-je avant de lâcher le pied de la jeune femme « Bon, va falloir travailler un peu maintenant» reprenais-je sans transition «Vous allez pouvoir vous lever de la table et me suivre et »
Je ne peux en dire d'avantage car, me relève de mon tabouret, sans doute un peu trop vivement, je suis brusquement pris d'un vertige plus violent que les autres. Tanguant un peu, je tente de l'ignorer et faire comme si de rien n'était mais je me rend à l'évidence que ça ne va pas et m’assoit à nouveau. M'obligeant à garder les yeux ouvert malgré le fait que la pièce semble tourner à une vitesse hallucinante, je prends de profondes inspirations, espérant pouvoir contrer les nausées.
Helena grimaçait occasionnellement selon les mouvements que le kiné faisait faire à sa cheville. Il parlait de dix séances, peut-être quinze, alors que la jeune femme se décomposait. Autant ? Mais ça durerait des semaines … Elle avait un emploi du temps particulier chargé. Elle aimait faire du sport, aller se promener sur la plage … Elle adressa un sourire triste à Martin, et ne répondit pas, muette pour une fois. A la demande d’Helena, le jeune homme évoqua ensuite ses voyages. La brunette était impressionnée et le dévisageait, des étoiles dans les yeux.
« J’adorerais en savoir autant, connaître plusieurs langues, avoir pu découvrir plusieurs cultures … »
Elle ne prêtait plus attention aux massages de Martin, trop obnubilée par la conversation qu’ils avaient. Alors qu’il lui décrivait Tromso, elle avait l’impression d’y être, et d’observer le ciel.
« Le soleil de minuit ? Qu’est-ce que c’est ? »
Elle avait entendu parler des autres phénomènes, avait lu des choses là-dessus, observé des photos dans des bouquins. Mais ne savait pas ce qu’était le soleil de minuit. Martin lui répondit puis reposa son pied sur la table, lui demandant de se lever pour aller faire des exercices. Il chancela cependant en se levant, devant se rasseoir. Helena écarquilla les yeux et se leva brusquement pour se placer face au kiné.
« Martin ? Martin, ça va ? »
L’entendant tenter de respirer calmement, voyant sa pâleur, elle le saisit par le bras pour éviter qu’il ne tombe, et appela au secours.
« Est-ce qu’il y a quelqu’un ? J’ai besoin d’aide ! S’il-vous-plaît ? »
Quelques instants plus tard, un homme entra dans la pièce, qu’Helena identifia comme le collègue de Martin. Il s’occupa du jeune kiné et remercia la brunette.
« Ca va aller, merci. On vous rappellera pour un rendez-vous. Toutes nos excuses. »
Helena écarquilla les yeux.
« Et pour me donner des nouvelles de Martin ! S’il-vous-plait. »
Rassurée de voir que le kiné n’était pas seul, elle récupéra ses chaussures et sortit de la pièce pieds nus, avant de se rechausser et de quitter le cabinet.
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