| Do I chase the night or does the night chase me? (willer #11) |
| | (#)Ven 17 Juil - 16:52 | |
| C’est qu’il fait un vacarme insupportable quand il entre en essayant de pas faire de bruit Saül, justement. J’ignorais qu’il y avait autant d’obstacles dans l’entrée, et tout autant dans le couloir menant de la cuisine à ce qui sert de lit. J’ignorais aussi qu’il était autant à chier avec son équilibre qu’il l’est avec son impatience, lui qui se presse dans tout et apparement dans ça aussi.
Il est parti pour cinq minutes, est revenu cinq minutes et mille heures après. J’ai eu le temps de finir un chapitre et d’en écrire un autre, j’ai eu le temps d’entamer une bouteille de rouge qui reste en vestige vide au pied du bain à pattes qu’on voulait retaper mais qui en attendant a l’émail encore craquelé. J’ai eu le temps de maudire quinze personnes et quinze autres à la télé, Masterchef Australia et ses rediffusions qui m’ont gardée éveillée jusqu’à pas d’heures. C’est lui qui a la montre aujourd’hui, hier du moins, aujourd’hui encore si je me fie à l’heure qu’affiche le cadran - seule lumière qui illumine la chambre plongée dans la presque pénombre laissant place à la matinée.
« Tu pues la clope. » en guise de salutations, quand mes pieds tracent leur sillage sur le parquet de bois au vernis quasi disparu. Les rainures grattent sous mes orteils, et mes prunelles elles, elles grattent sa silhouette désarticulée. Il est calé sur un mur pas porteur, un mur à défoncer à la massue. Il a l’air d’être celui qui s’est fait défoncer à la massue ce soir, d’ailleurs, et c’est bel et bien ce que mon air lui confirme quand mes prunelles s’accrochent aux siennes, vitreuses.
Je sais pas où il a traîné mais apparemment il a soit passé une excellente soirée au point où il s’en rappelle déjà plus, ou la pire de toute sa vie qui restera ancrée dans sa tête pour des dizaines d’années encore. Il dit rien ou alors il a envie de ne rien dire, et ça tombe bien, parce que j’en ai rien à foutre de ses comptes à rendre et des justifications vraies ou fausses qui viendraient avec. Il voulait pas être ici il voulait être ailleurs, il l’a été, il est revenu. Point barre. Je lui ai déjà dit que je posais pas les questions auxquelles je voulais pas les réponses, je le lui redirai s’il s’attend à ce que je lui reproche, larmoyante, son état lamentable, soit dit en passant.
Un de ses t-shirts volés dans ses affaires sans qu’il ne le réalise parce qu’il les porte même pas, ses t-shirts, vole vers lui. C’est celui que je portais pour dormir cette nuit, celui qui sert plus à rien maintenant que je le retire pour le lui envoyer ; je dors plus de toute façon. L’odeur de clope le répugne, il l’empeste, qu’il se change ça aidera à la gueule verdâtre qu’il tire de toute façon. « Y’a du café si tu veux arrêter ta nuit et du scotch si tu veux la poursuivre. » qu’il reste immobile ou qu’il bouge du moindre centimètre m’importe peu, quand c’est vers la salle de bain et ultimement vers la douche que je file l’instant d’après. |
| | | | (#)Ven 17 Juil - 23:35 | |
| « Merde. »
Il n’y a rien pour qu’il se repère dans l’entrée, l’italien, rien pour se glisser aisément dans la serre, pas de marques dans la nuit. Juste un tapis dans lequel Saül s’emmêle les pieds, un pot à clefs qui roule au sol et s’y brise en morceaux. C’est immobile qu’il tente de se repérer, de trouver le passage le plus proche. Ses yeux hagards se perdent ici et là. Ses pas l’ont mené jusqu’à cette demeure. Il aura fallu à Saül environ une minute pour trouver ses clefs dans les poches de son costume débraillé et une autre minute - au milieu d’injures mal articulées - pour trouver le trou de la serrure de ce petit paradis endormi.
Pas si endormi que ça, en réalité, quand c’est Ariane qu’il entend bouger dans la pièce adjacente. Les sens de Saül sont émoussés, mais pas au point de ne pas reconnaître le pas de celle qui, tout comme lui, a ses quartiers dans la serre. Ses pas à lui le mènent jusque dans une pièce qu’il reconnaît mal - la faute au manque de lumière, pour sûr - et Saül prend un instant de répit contre le mur dont il s’est disputé la démolition avec Ariane il y a de ça quelques temps. Combien ? « Tu pues la clope. » Quand ses sourcils se froncent, Saül part à la recherche du regard de Ariane. Les mains croisées sur les reins et les épaules basses, l’italien tente de maintenir ce fin lien qui les retient l’un à l’autre, les yeux dans les yeux. Lentement, sa tête décoiffée bascule et l’arrière de sa tête trouve sans douceur le plâtre du mur défraîchi. Il faut regarder à deux fois pour ne pas le confondre avec le mur, lui qui s’y fond habillement avec son costume élimé sur le devant, marque d’une chute dans la rue - ou ailleurs, il ne saurait s’en rappeler lui-même. Les deux chevalières qu’il portait la veille s’en sont allées. Elle roulent probablement entre les doigts de celui qui les lui a enlevées à la loyale, sur une table au tapis vert. L’odeur de cigarette collera à ses cheveux longtemps après la douche et il lui faudra jeter ce costume fichu. C’est une odeur qu’il déteste plus que tout, mais qui ne surpasse pas encore celle qui émane, pire encore. L’alcool s’accroche encore mieux à sa peau et marque son teint et son regard vitreux.
Ariane est, elle, comme à son habitude, irréelle. Baignée d’ombre, seule lumière de la pièce, seul point capté du regard égaré de Saül. Quand le tee-shirt vole entre les mains de ce dernier, il le réceptionne tant bien que mal - c’est à dire plus mal que bien - et suit l’auteure du regard. « Y’a du café si tu veux arrêter ta nuit et du scotch si tu veux la poursuivre. » Les yeux au ciel - manoeuvre dangereuse, tant le monde tangue autour de lui - Saül met de côté le tee-shirt en boule, suit les pas d’Ariane en glissant sa main contre les murs abîmés. « Ariane. » Par deux fois, ses doigts tentent d’arracher cette cravate qui lui serre la gorge. Le noeud est trop serré, ses doigts trop gourds. Sa main parvient tout de même, avant que la trentenaire ne parvienne à la salle de bain, à trouver la peau du bras de cette dernière. « Ariane. », qu’il répète encore dans la pénombre, quand sa main gauche grimpe comme du lierre sur l’épaule de la jeune femme. « Je voulais te prévenir mais j’ai paumé mon téléphone. » Il le retrouvera dans la poche de son pantalon, une fois un peu plus sobre. La montre est toujours à son poignet, tout le reste - or comme argent en liquide - s’est complètement évaporé. Ce détail relève plus ou moins du miracle. L’un de ses comptes fait grandement la grimace, aussi. « J’ai juste du retard, t’es pas fâchée ? » Ses baisers maladroits qu’il distribue dans la nuque froide d’Ariane font un drôle de contraste. Pour une fois, c’est lui qui brûle. |
| | | | (#)Sam 18 Juil - 0:07 | |
| « Ariane. » quoi? « Ariane. » lâche-moi.
Et il a ses mains partout, ses soupirs avec. Il prend toute la place et c’est pas que la clope qu’il pue maintenant, c’est l’alcool et la sueur, c’est le bitume et la pluie, ce sont les remords et les regrets aussi. Il est une loque et ses fringues avec, je sais pas du tout où il était ce soir et cette nuit et tout le monde s’étonnerait probablement que je ne le lui demande pas d’emblée. Pourtant, là, de suite, c’est pas ma priorité.
Ma silhouette se dégage de ses contacts poisseux, il le voit comme un encouragement à continuer apparemment, quand ce sont désormais ses lèvres qui s’égarent. Les territoriales, celles qui ont tous les droits, celles qui le prennent un peu trop pour acquis à mon goût dans l’instant.
« Je voulais te prévenir mais j’ai paumé mon téléphone. » me prévenir pour me dire quoi? Que t’allais troquer le champagne pour les shots de tequila? Que ta veste serait bien plus cool avec des manches déchirées et des taches qui sont certainement pas du vin? C’est du sang ça dude. Le tien ou celui d’un autre? « J’ai juste du retard, t’es pas fâchée ? » tu t’attendais à quoi, que je veille à la porte, que je tape du pied, que j’envoie les flics à ta recherche? Que je creuse des sillons de panique en tournant comme un lion en cage dans ce qui sera un jour un solarium si tu passes pas toutes tes nuits à écumer les ruelles glauques et que tu penses à récupérer un peu en vue des travaux du lendemain? Oui? Non.
Il se justifie et ça m’énerve qu’il pense avoir à le faire. Il se trouve des excuses et ça m’agresse qu’il éparpille sa chaleur sur ma peau glacée. Depuis quand je suis gelée? Ma paume elle, froide ou pas, elle se charge de le décaler sans le moindre effort tellement il tient sur un pied, à peine sur l’autre. C’est qu’une fraction de seconde dont j’ai besoin pour passer sous son bras, pour me faufiler vers la salle de bain, pour enclencher la douche la plus bouillante qui soit, pour refaire le trajet à l’inverse. L’eau qui coule et le jet qui se veut presque agressif serviront de trame sonore, et si la facture d’eau à la fin du mois frôle une somme astronomique ça lui rappellera à quel point ce sont les petites choses dans la vie qui comptent, sur lesquelles on devrait apprendre à mieux investir.
« J’endure pas ça si je suis pas à ton niveau ou proche, au moins. » je sais même pas s’il m’a suivie à la cuisine ou s’il crève dans sa gerbe dans le couloir. J’anticipe par contre qu’il est pas encore sous la douche. La porte de la salle de bain est encore entrouverte, on voit un nuage de brouillard s’immiscer hors de la pièce. Sur la pointe des pieds, j’attrape la bouteille de scotch qui serait jugée comme problématique vu l’heure, et qui le serait à mes yeux si j’avais pas trouvé un verre pour l’en remplir efficacement de liquide ambré. « T’as pas paumé que ton téléphone, gars. » mon menton pointe l’ensemble des dégâts, mon ton juge pas, constate seulement. La première gorgée brûle mais c’est pas dramatique, la seconde caresse presque mes lèvres quand mes prunelles elles, scrutent l’état lamentable dans lequel les débuts d’aube le dévoilent. « Tu fais ce que tu veux, t’es en retard quand tu veux. » catégorique, j’insiste sur des promesses qui datent, les mêmes que je m’épuise à lui répéter quand il doit s’imaginer que je suis comme elle, qu’il faut me parler comme il lui parle, à elle.
Elle, je n’y pense plus même, quand c’est au jour que je pense, quand les rideaux se tirent d’un geste brusque et quand les éclats de soleil levant emplissent la pièce. De base, ça devrait pas être si agressant, mais avec la pénombre dans laquelle on évoluait depuis un bon moment ça lui paraîtra sûrement comme une torture de plus. Oups. « J’avais juste besoin de lumière, t’es pas fâché? » et ses mots, ils chantent sur mes lèvres. Mes lèvres qui se plongent dans le scotch à nouveau, dédiées. |
| | | | (#)Sam 18 Juil - 1:32 | |
| C’est que d’habitude, en plus, il n’abuse jamais de ces choses là. Pas d’alcool, quand il joue. Seulement pour fêter une victoire. Jamais pour noyer les défaites. De toute façon, le jeu se fait mal, sans Ariane. C’est une leçon qu’il devrait avoir en mémoire depuis un moment déjà. Ce soir, elle lui fait défaut. Saül ne fume pas non plus. Son seul vice est celui qui le pousse à abuser du jeu, quitte à y perdre - ou à s’y perdre, comme c’est le cas pour ce soir. Il aura fallu que tous les adversaires cessent le feu pour que Saül s’arrache aux tables tapissées de vert et de rouge. Que ses adversaires cessent le feu et qu’il perde certaines de ses chevalières.
C’est que d’habitude, il n’y a pas d’abus de la sorte et que le reste de la nuit se fait paisible, quand il rejoint son bureau pour guetter le jour, sans déranger Elise. C’est Ariane qu’il dérange, ce soir, là où rien ne les dérange d’ordinaire. Pas ici, jamais. C’est Saül l’ennemi de l’intérieur, surtout quand ses contacts repoussés par Ariane ne lui inspirent pas de brillantes excuses. L’instant d’après, l’italien se retrouve collé au mur, l’épaule pour seul point d’appui. Le monde tangue un peu, surtout après son soupir à lui. La cravate cède enfin sous ses mains empressées. Il a de l’eau dans les cheveux, ne sait pas comment, relève la tête en même temps qu’il inspire en grand, la cage thoracique secouée de spasmes. L’eau glacée qu’il s’asperge sur le front le dégrise un peu. Son reflet lui fait peur, pour autant. Ariane a déserté l’endroit, peut-être même leur chez-eux. Saül l’aura mérité.
La montre a quitté son poignet, quand il retrouve Ariane, le col de chemise trempé d’eau mais sans la veste, jetée au sol quelque part. Le temps s’écoule d’une drôle de manière, il y a longtemps que Saül n’a pas été aussi ivre. L’eau froide aura au moins eu pour effet de lui rendre sa capacité à discerner les formes qui se distinguent à peine dans l’ombre. C’est la cuisine, Saül en est certain parce que c’est son territoire, celui qu’il a pris au jour un. Le bel endroit “un peu petit” et qui “manque de lumière” mais qu’il aime appeler “la maison” en son for intérieur, même s’il ne l’a habitée que pour une poignée d’heures depuis leur emménagement. « J’endure pas ça si je suis pas à ton niveau ou proche, au moins. » « Fais pas l’enfant. On va se coucher. » Saül n’ose pas prendre l’initiative de réclamer sa place sur le canapé. C’est une habitude qu’il avait prise avec Elise, pas ici. Le voilà qui se passe une main sur le visage, dégage les cheveux humides qui lui tombent un peu au dessus des yeux. « T’as pas paumé que ton téléphone, gars. » Si. Non. Trois secondes de délais qui sont dignes d’un vieil ordinateur mal connecté à internet et un regard figé plus tard et Saül se retrouve à tâter les poches de son pantalon - qui a connu de meilleurs jours - pour y retrouver le téléphone. Éteint. Le bruit mat que fait le téléphone quand l’italien le lance sur l’îlot central lui donne mal à la tête. En avoir brisé l’écran est la dernière de ses préoccupations.
Dix secondes encore, avant qu’il ne vienne attraper un verre sur le séchoir. « Tu fais ce que tu veux, t’es en retard quand tu veux. » Le seul rire qu’il laisse échapper dans l’air sonne mal, quand il s’approche, bras tendu pour attraper la bouteille jalousement gardée par Ariane. « Je ne fais pas ce que je veux, Ariane, c’est pas comme ça que ça fonctionne. » C’est ce qu’ils sont qui définit la manière dont ils doivent se comporter l’un envers l’autre, non ? Trop vite - ou est-ce lui qui est trop lent à s’en cacher - la lumière pénètre de force dans la pièce, immobilisant la main gauche de Saül au dessus du verre et sa main droite en visière. Une injure de plus - blasphème, celle-ci - pèse dans l’air, s’écrase contre les murs. « J’avais juste besoin de lumière, t’es pas fâché? » « Je t’emmerde, Ariane. » Ariane, Ariane, deux fois, quand l’impatience de Saül prend la fuite, le prénom d’Ariane devient presque une amère ponctuation. Ses paupières battent un instant la mesure, juste pour lui le temps de venir se planter à la hauteur de l’auteure afin de mettre la main sur la bouteille. Le fond de verre qu’il s’était accordé en pensée devient rapidement un beau verre réglementaire, avec toutes les futures complications que cela implique. Bouteille à la main, verre dans l’autre, le quarantenaire fait face à celle qui, par déjà dix fois, aurait pu lui décocher la rouste de sa vie.
« C’est pas une putain de coloc, bon sang. Tu crois que je m’amuse à tout mettre en l’air pour faire ce que je veux au final ? On n’est pas des ados.. » Pourquoi tu demandes pas des comptes ? Ce n’est pas ce que font les couples, les époux, quand ils sont engagés l’un envers l’autre ? Lui, et ses années gouvernées par les obligations, les demandes, se retrouve pieds et poings liés par l’enfer qu’il tente vaille que vaille de mettre derrière lui. Ironiquement, le peu de liberté acquise lui semble soudain brouillon, effrayante. Ses lèvres trouvent le verre. La boisson goûte déjà “le verre de trop” qu’il regrettera dans moins de dix minutes. « On a cet endroit, on a eu Vegas. On peut pas faire ce qu’on veut après ça. » C’est contre lui-même qu’il est en colère, maintenant - depuis le début, en fait. « J’ai un gamin et deux décennies de mariage de l’autre côté de la porte. Je ne fais pas ce que je veux, jamais.. » Elle brûle, celle-là, en même temps qu’il pointe la fenêtre au lieu de la porte de sa main occupée par la bouteille. Cette soirée, ce n’est pas ce qu’il veut non plus. Tout pouvait être si simple. S’il n’avait pas fait de détour par la chambre qu’il partageait avec Elise, s’il s’en était tenu à la carte postale qu’il a laissé dans la poche intérieure de la veste, lâchée au milieu du couloir. C’aurait été une soirée de paix, à effectivement faire ce qu’il veut, c’est à dire se plaindre de la cuisine d'Ariane quand elle est parfaite, lui prendre la place dans son fauteuil à elle et surtout, surtout se disputer la garde de la montre pour le lendemain. Aucune autre dispute n’est admise sous ce toit, habituellement. |
| | | | (#)Sam 18 Juil - 1:55 | |
| « Fais pas l’enfant. On va se coucher. » si mon sourcil avait pu toucher le plafond il l’aurait fait en quatre exemplaires, quatre versions. « Le lit attend que toi. » il est défait, côté gauche. Y’a les coussins placés, y’a les draps dégagés, y’a la nuit complète que j’y ai passée et qui sonne amère quand jamais ni ma voix ni mon visage ne vendraient la mèche. Le scotch complète le tableau et désormais rien ne signale que je l’ai attendu, rien ne confirme que je l’attendrai à nouveau. C’est lui qui a l’air d’avoir passé les dernières heures à se faire encadrer par le monde entier, c’est lui qui devrait aller se coucher.
Alors elle se poursuit, sa nuit. « Je ne fais pas ce que je veux, Ariane, c’est pas comme ça que ça fonctionne. » il prend un verre, lorgne sur la bouteille et je grogne même pas, me décale juste. Au raz sa mâchoire il a un début d’ecchymose pour laquelle je dis rien, sa peau dégoulinante d’eau fraîche qui n’a clairement pas aidé son regard perdu et ses expirations essoufflées. Il ferait presque pitié si j’avais la moindre seconde à gaspiller à continuer de le détailler. « Ça fonctionne comment alors? Parce que pour le moment ça fonctionne à la mauvaise haleine de vieux whisky et à la gueule défoncée par j’sais pas qui. » « Je t’emmerde, Ariane. » ouais, bien sûr, fais pas l’enfant, me fais pas pleurer. « Pareillement, Saül. » qui grincera sur mes lèvres quand il me vole l’alcool pour s’en servir une rasade bien trop généreuse pour que je ne roule pas des yeux à m’en fouler le nerf optique. Demain, les cachets pour le mal de tête qu’il cherchera en vain seront tous passés par la cuvette, chasse tirée.
Bois, allez, tu sais parfaitement comment faire t’as pas besoin d’une classe en accéléré. « C’est pas une putain de coloc, bon sang. Tu crois que je m’amuse à tout mettre en l’air pour faire ce que je veux au final ? On n’est pas des ados.. » alors on en est là. On est au moment où il s’insurge de mon air fermé en me reprochant le monde entier quand c’est lui qui a merdé. « On a cet endroit, on a eu Vegas. On peut pas faire ce qu’on veut après ça. » il pue les règles et les conventions maintenant, il pue les attentes qu’on lui a tatouées à la gueule pendant des années lui qui pense que quand on t’aime on te bombarde de questions de merde et d’interrogations intrusives à chaque fois où tu passes la porte. « J’ai un gamin et deux décennies de mariage de l’autre côté de la porte. Je ne fais pas ce que je veux, jamais.. » la porte donc, pas la fenêtre. Il est pathétique et il perd son souffle, il a l’oeil rougi et la voix hargneuse, il cracherait presque de rage que je m’en étonnerais pas, m’en lasserais seulement. « T’as fini? » ça vaut pour son discours de bâtard et pour la bouteille que je lui reprends des mains, remplissant mon verre au même niveau que le sien.
« Tu l’as fait ce soir, et t’es pas mort, encore. Presque étonnant. » faire ce qu’il veut, en somme. Il voulait finir bourré et cassé, il voulait se tirer pendant des heures sans rendre de comptes à personne et il voulait que je sois la potiche qui le lui souligne. Il veut rejeter la faute sur qui que ce soit veuille la porter, mais il a oublié à quel point j’en ai rien à chier. « La porte est là. Hésite pas. » ma main, la condescendante, réaligne son bras désespéré qui visait la fenêtre aussi pathétique puisse-t-il être vers le couloir qui mène à l’entrée. Ce n’est que là que je remarque la tête que tire son portable, me disant qu’il n’a eu que ce qu’il mérite. « Je t’ai jamais rien demandé, assume que t’as décidé ça tout seul. » lui manque le rappel, celui qui pique, celui qui confirme que peu importe comment il le tourne, il fait ce qu’il veut depuis qu’il l’a décidé. Je suis qu’un dommage collatéral de plus et apparemment, je suis pas suffisante. À le voir qui ressasse son gamin et ses deux décennies de mariage de l’autre côté. C’était fun, de jouer, hen Saül? C’était cool un temps, et là, quand ça devient sérieux, ça l’est plus? Pauvre, pauvre chat. Lui qui rentre dans tous ses états et lui qui s’attend à ce que je hurle, lui qui espère tout gâcher et lui qui recherche sûrement une ultime forme de finalité. « À moins que t’en ai marre de ta crise de la quarantaine et que finalement ce que tu veux, c’est d’avoir un exit plan pour y retourner avant qu’il soit trop tard. » il est déjà trop tard, il l’est tellement. L’ironie veut qu’il n’ait plus la montre à son poignet pour le lui confirmer, il devra donc se fier à mes mots qui piquent, à ma langue qui claque sur mon palais. « Tu l’as, maintenant. Je te le donne. Après que t’aies eu Vegas et que t’aies eu ici. C’est tout ce que tu voulais n’est-ce pas? » à force de brandir son épée de Damoclès l’attendant de l’autre côté de la porte, il fait que confirmer qu’il y a une date d’échéance, qu’il y a une conclusion actée. Qu’il y a un risque. |
| | | | (#)Sam 18 Juil - 2:20 | |
| « Je t’emmerde, Ariane. » « Pareillement, Saül. »
C’est un rire amer qui achève l’échange de politesses, les prénoms pour toute ponctuation. C’est le moment des disputes, pourtant, pas des rires. Même la tête mouillée, Saül a trop d’alcool dans le sang - ou de sang dans l’alcool - pour se chamailler avec l’auteure. Ses yeux piquent, ses poings lui font mal et le réveil sera probablement des plus terribles. Un enfer, si on est omniscient. Les mots qui suivent sont pleins de sa vie d’avant, celle qu’il veut avoir quitté en lançant I do à l’autre bout du monde et en prenant la Serre pour logis. Celle d’après Paris, d’après Vegas aussi. Chassez le naturel, il revient au galop - et dans les pires moments, s’il vous plaît. « T’as fini? » C’est que, l’avant, on ne l’abandonne pas comme ça. Saül a des boulets aux pieds. De très, très confortables boulets aux pieds.
Alors, Paris n’a jamais été une simple escale; le petit voyage en voiture pas vraiment une envolée sauvage. C’est ici qu’il retrouve ce goût d’ailleurs, Saül, même si ça signifie renier le reste. Elle n’a pas l’air de s’en inquiéter, Ariane, c’est peut-être ça qui énerve l’égoïste italien, celui à qui on a toujours demandé des milliers de comptes. Ce n’est pourtant pas à Ariane qu’il devrait en demander, des comptes. Plutôt à lui-même. Comme il se trompe de cible, encore, l’homme d’affaires éméché qui ne sait plus discriminer la porte de la fenêtre et qui se contredit dans tous ses mots - et dans ses maux aussi. Demain, ça sera pire. Elise est avec Jack. Il faudra affronter ça aussi, quand il se souviendra d’où lui est venue l’idée de se soûler et de parier ses chevalières.
« Tu l’as fait ce soir, et t’es pas mort, encore. Presque étonnant. » L’alcool, perdre aux jeux, ce n’est pas ce qu’il veut. Ou du moins, ce n’est pas ce qu’il voudrait vouloir, quand le reste devient un peu trop complexe. « La porte est là. Hésite pas. » Sa main qu’elle aligne, lui qui bout d’autant plus. « Je t’ai jamais rien demandé, assume que t’as décidé ça tout seul. » Bien sûr, qu’il a tout décidé tout seul, comme un grand. Un grand imbécile d’idiot de merde, borné et têtu, en quête d’attention d’un bord qui n’existe pas. Pire qu’un gosse, Saül, quand il s’approche du trou dans lequel il tombera bientôt. « À moins que t’en ai marre de ta crise de la quarantaine et que finalement ce que tu veux, c’est d’avoir un exit plan pour y retourner avant qu’il soit trop tard. » « Oh on est là. », qu’il lance, le ton trop haut, les paumes qui écrasent ses orbites après avoir laissé le verre sur l’îlot. « Tu l’as, maintenant. Je te le donne. Après que t’aies eu Vegas et que t’aies eu ici. C’est tout ce que tu voulais n’est-ce pas? » « Tais-toi, bon sang, la ferme. T’en sais rien, de ce que je veux. Tu sais que tu racontes des conneries. » Ses mains délaissent ses yeux vitreux quand son index droit se braque sur Ariane - cette fois, il sait viser - et que son ton se charge encore de hargne. « M’embrouille pas avec ta putain de crise de la quarantaine. Je fais mes putains de choix, dans la vie. J’ai passé l’âge de faire le dillettante, moi. » Tout ce qu’il fait hurle contraire, pourtant. Roi des indécis, maître de rien du tout.
Dis-moi qu’il y a un risque. Un jour j'en aurai assez du poker. Chacun retournera tout juste où est sa place.
Elle est où, la juste place ? « Vas te faire voir, si tu penses que tout ce que je fais là c’est trouver un exit plan. » Quand bien même elle le retient, la vie qu’il vivait jusque là, Saül, il ne saurait plus la vivre. Pas après avoir goûté à cette vie avec Ariane qui lui sied bien, aussi différente soit-elle. Incertaine, aussi. « J’y retournerai pas. » Malgré les conventions, les deux décennies de mariage et le gamin. « C’est pas le mien. Le gamin. » Alors ce soir, il va sur ce terrain là aussi. Autant cumuler et ne jamais y revenir. Si elle veut le mettre dehors, Ariane, qu’elle s’y attelle. Lui décide le temps est venu de battre en retraite. Son verre, vide après une dernière descente, retrouve l’îlot de la cuisine. Saül se passe une main sur le visage, se détourne déjà pour trouver la sortie de la pièce. « C’est celui de Auden. » |
| | | | (#)Sam 18 Juil - 3:31 | |
| « Oh on est là. » ouais, et c’est la dernière fois. C’est la dernière fois qu’il brandit cette carte-là en pensant que c’est son joker, que c’est son golden ticket, que c’est son excuse pour être dans le mal et pour justifier ses conneries. Pas ma faute s’il était marié avant moi et pas ma faute s’il est père déjà. Pas ma faute s’il a pas su choisir ce qu’il voulait parmi ce qu’il pouvait. Et certainement pas ma faute si dans quelques heures il tirera pire gueule que celle actuelle si c’est encore possible. Ah non, ça, ça sera ma faute parce que clairement je ferai rien pour l’aider dans sa besogne lui qui se cale un verre de plus comme il se cale un trou de trop. « Tais-toi, bon sang, la ferme. T’en sais rien, de ce que je veux. Tu sais que tu racontes des conneries. » mon expression reste immuable, figée.
S’il avait été n’importe qui d’autre, ma paume se serait lovée là, direct, doucement et finement derrière sa nuque. Mes doigts se seraient emmêlés entre ses mèches, les auraient à peine tirées, ironiquement délicats. Avant que l’élan de ma paume n’ait entraîné son visage de connard, de bâtard, d’ivrogne doublé de raté direct sur l’angle du comptoir ciré. Y’auraient eu des dents partout et du sang avec, y’aurait eu du silence aussi, lui qui l’a demandé si poliment, il l’aurait reçu assurément. « M’embrouille pas avec ta putain de crise de la quarantaine. Je fais mes putains de choix, dans la vie. J’ai passé l’âge de faire le dillettante, moi. » mais apparemment Saül il a un passe-droit qui garde sa mâchoire intacte une seconde de plus. Voyons pour la suivante. « Vas te faire voir, si tu penses que tout ce que je fais là c’est trouver un exit plan. » ouais, non, là, il s’aide absolument pas. Quand ma main, celle investie d’une mission destruction pose la bouteille sur le plan de travail sans le moindre écho, qu’elle s’affaire à ramener mes cheveux vers l’arrière tout en entreprenant de remonter vers son cou maintenant, prête à le contrôler, à le défoncer aussi, surtout. « J’y retournerai pas. » et commencer par ça, non, ça lui tentait pas? Commencer par dire les choses dans l’ordre, par ne pas me remettre sur les épaules la faute du monde entier et surtout de toutes les merdes qu’en quelques heures il a pu cumuler, non? C’était une option.
Il soupire et je soupire avec, plus fort et plus exagérément, question de gagner un combat qui n’en a plus l’air maintenant. C’est pas la première dispute qu’on a et ça sera certainement pas la dernière. Il se targue d’être de glace mais il brûle bien plus avidement que moi, l’italien. Il fait ça depuis toujours ou il fait ça depuis que je suis là, je sais pas j’en ai rien à faire entre vous et moi. Mais c’est la première dispute à la Serre, c’est la première fois où le monde extérieur vient tacher les murs et la pénombre, où y’a pas juste son téléphone éternellement fermé et son alliance apparemment envolée qui menacent de tout gâcher. Je peux en prendre beaucoup, j’ai fait mes preuves des dizaines de milliards de fois ; mais des scènes comme ça, je tolérerai pas.
Il n’y retournera pas. Reste. Pour une fois, on est au même rythme au même moment.
« C’est pas le mien. Le gamin. » jusqu’à ce qu’on ne le soit plus. Il se dégage et il va se tirer Saül, douce ironie, lui qui changerait presque de pièce si mes doigts ne s'enroulaient pas autour de son poignet à la place de la montre qu’il m’a cédée pour le ramener à l’arrière, à moi. « C’est celui de Auden. » il mélange tous les noeuds et il mélange toutes les histoires, il me sort des trucs incompréhensibles en bafouillant entre ses paroles. Et il pue encore plus la clope et le vieux tonneau de whisky quand il est à proximité, bien trop proche pour pas m’empester, bien trop proche pour que je pense le lâcher.
« Premièrement, me dis plus jamais de la fermer. » il est dos à moi quand je me hisse à la hauteur de son oreille pour le menacer, mes paroles qui piquent et mes ongles qui entrent dans la chair de son bras rien que pour le marquer autant là qu’avec l’avertissement du jour. « Deuxièmement : fuck. » ça fait aucun sens et il fait aucun sens, mais il m’a jamais menti Saül. Il ment à l’univers en entier et il le fait mieux que moi et il m’enrage tant sa poker face est impeccable. Mais à moi, il me dit toujours la vérité. Ça lui apporterait quoi de mentir sur ça, de toute façon? Quel bordel. « Qui le sait? » elle, sûrement. Auden? Le gamin? Qui est dans notre camp? Qui est allié? C’est une bonne ou une mauvaise chose? C’est l’horreur si vous me demandez.
Mais il dira rien Saül, il arrive à peine à marcher correctement le con, quand je traîne sa carcasse de merdeux avec moi dans la chambre, quand je le laisse sans délicatesse aucune s’affaler sans grâce sans facilité sans la moindre salve de respect sur le lit, lourdement. La base craque avec violence, c’est sûr qu’il a pété un truc le gars, il achètera un nouveau lit et puis voilà. C’est pas comme ça qu’on règle ses problèmes dans mon monde à moi, mais ça semble être comme ça qu’on les règle dans son monde à lui.
« Demain on brûle les draps. » parce qu’il est suintant et parce qu’il aurait dû prendre mille douches déjà, quand y’a aucune tendresse et toute la tendresse du monde dans mon bras qui s’enroule autour de ses épaules bien trop voûtées bien trop courbaturées. Il est cassé et bien plus qu’il le montre, là c’était qu’une fissure parmi toutes les autres. |
| | | | (#)Dim 19 Juil - 18:55 | |
| « Premièrement, me dis plus jamais de la fermer. » Plus jamais il n’osera, de toute façon. Première et dernière fois. Sous ce toit, encore plus. Ce moment de flottement était exclusif, unique de biens des manières - et pas dans le bon sens du terme. Pour une fois, Saül ne lance par leur gimmick, celui qui sonne comme ne me dis pas ce que je dois faire. Il se contente de se détourner, Saül. De fuir, encore, le regard ailleurs. Demain, l’italien aura probablement oublié une bonne partie de la conversation. C’est pour le mieux. Les doigts de Ariane piquent comme des épines et Saül ne s’en dégage pas, arrête simplement son pas pour lâcher un grand soupir. Celui qui abandonne. « Deuxièmement : fuck. » « Ouais. » Comme elle dit. Il pense tout pareil, l’homme d’affaires qui n’en a même plus les épaules. Elles se sont affaissées. Elles aussi, elles abandonnent de porter le poids du monde, les pauvres.
« Qui le sait? » Il lui faut quelques secondes pour se souvenir de la liste mortelle, de ceux qui savent mais n’auraient pas dû l’apprendre et des autres. Ceux qui sont dans le secret depuis des décennies. Elise. Ceux qui savent sont autant de menaces. Comment se fait-il que le tout ne soit pas parvenu aux oreilles de Cosimo, déjà ? Il y avait tant de manières de lui apprendre, au jeune homme. Il lui suffirait d’être curieux, de presser un peu Elise. Il a trop de respect pour elle, pour ne serait-ce que lui poser la question qui lui brûle les lèvres depuis Noël par deux fois. Il vivote dans son coin, Cosimo. Ou peut-être qu’il sait, ne voudrait vraiment pas se l’avouer. C’est une option, aussi. La pire, pour sûr.
Il faudra d’abord que Saül aille s’échouer sur le lit avant de remettre de l’ordre dans ses pensées - mais dans pas sa tenue de déboire. Quand sa tête est calée à côté de celle d’Ariane, Saül se remet à penser aussi vite que son cerveau embrumé le lui permet. « Elise. » Elle l’a su dès le jour un, quand Saül l’a faite grimper en voiture tôt dans la matinée, cachée des yeux du monde. Plus personne ne l’a vu, ensuite, pendant de longues heures. Lui, le pécheur sur sa scène de théâtre, marmonnait déjà au téléphone qu’Elise avait fait un déni de grossesse total, mené à terme, que l’enfant était bien portant. Et Cosimo est né. « Auden. » Lui ne devrait pas savoir. Enfin, Saül en avait assez qu’il ne sache pas. Elise, en revanche, ne manquera peut-être pas la prochaine occasion de renverser de la ciguë dans le café du cadet Williams. « Savannah. Ma petite sœur. », que Saül précise en soupirant un autre coup. Elle sait à cause de Auden. Elle aussi, elle devait être préservée du secret. Tant pis. « Toi. » Ce mot-ci est dit avec le sourire. « C’est un petit cercle très fermé, t’es honorée j’espère. » En rire, c’est mieux qu’en pleurer.
« Demain on brûle les draps. » Les yeux de Saül se ferment en même temps qu’il lâche un petit rire, soufflé sans beaucoup de force. Sa main tendue joue distraitement avec les cheveux d’Ariane - les emmêlent, en fait, de mouvements gourds. « Si tu le voyais. Cosimo. Il n’a rien à voir avec moi. » Sinon le flegme, quoi que Saül a manqué de prouver qu’il en était doté il y a quelques minutes. « Il fait de belles études, mais c’est un artiste. J’ai jamais vraiment été son père, même en faisant semblant très fort. » Il n’y a rien qui le rapproche de ce gamin qu’il n’a vu grandir que les premières années. Il est resté trop longtemps éloigné de cet enfant qu’il devait éduquer, Saül. C’était sa raison, pourtant. Son excuse. Auden ne pouvait pas s’en occuper. A-t-il fait mieux, l’aîné ? Elise aura fait une mère exemplaire, au moins. C’est à ça qu’il peut se raccrocher. Cosimo ne doit même pas avoir de souvenirs tangibles du temps passé avec son père d’adoption, tant ce dernier a toujours été au four et au moulin. Aujourd’hui, la réalité pique et fait grincer des dents.
« Elle peut pas avoir d’enfants, Elise. Auden pouvait pas s’en occuper en ce temps là. » Saül se gardera bien de dire que c’est lui qui l’a décidé, ce dernier détail, à l’époque. Lui, quand il a su pour la mort de la mère. Lui, quand il n’a pas réfléchi dix secondes avant de se déplacer à l’hôpital. Lui encore, quand il a appelé Elise, quand il a couvert les épaules de sa femme de ses grandes mains, en regardant le nourrisson endormi. Lui, quand il a posé un nom sur ce visage de bambin et en a fait son fils à lui, à eux. Les yeux de Saül se sont rouverts sur le plafond de la chambre. « Je veux pas qu’on se dispute pour des trucs débiles. » Ou un truc débile que lui amène, alors que sous ce toit c’est la paix qui règne. Il se le répète assez, toutes les fois où il rentre sobre, toutes les fois où ses lèvres se posent contre celles d’Ariane aussi. « Si tu ronfles, je te pousse du lit. » Il tombera le premier du lit, Saül, quand elle le dégagera à coups de pieds. Elle se mettra à regretter Vegas tant il est pénible, quand il dort vraiment. |
| | | | (#)Dim 19 Juil - 23:31 | |
| « Elise. » « Auden. » « Savannah. Ma petite soeur. » « Toi. »
Le décompte fait autant de sens pour moi qu’il lui fait mal à lui. Il les avance au compte-goutte les noms, pendant que je rage de sentir ses coups de coude dans mes côtes lesquels sont pas faits exprès mais heurtent tout comme. Il avait une vie en chaos avant même que j’y mette les pieds, mais pour ça par contre, je sais pas qui a gagné. La mienne était pas mieux, à dire vrai. Avec Jet ambiant prêt à tout faire exploser depuis que j’avais à peine 15 ans, avec ma mère diffuse et diffusée qui sait jamais rien de rien et qui agit à titre d’hippe blasée. Levi et la relation en dents de scie, le divorce qui a fait presqu’aussi mal que l’histoire en général. On a chacun nos démons et les siens valent les miens, n’en reste que je m’y attendais pas à celle-là. C’est pratique, qu’il dénote rien derrière ses prunelles tantôt voilées, tantôt fixées sur un point qui doit l’empêcher de voir le monde entier en train de tourner.
« C’est un petit cercle très fermé, t’es honorée j’espère. » « Rien à faire du cercle. Ils sauront pas, que je sais. »
Ses cheveux sont glacés, on est de retour à Saül le gelé. Cette histoire c’est la sienne, c’est lui qui m’en a parlé et ça restera ici. Je doute pas une seule seconde qu’il regrettera demain matin de me l’avoir dit, mais ça sera pas une raison de plus de le faire chier rien que pour bien entamer la journée. On en parlera plus jamais s’il veut pas en parler, on laissera ça dans la boîte de Pandore avec tous les autres sujets qu’on commence juste à aborder. Je suis ingrate pour tout et tout le temps, il le sait bien plus que tout le reste de la planète, mais pour ça, je la connais ma place. Et elle est pas à bavasser, ni même à juger. Ses merdes, les siennes, les miennes par extension maintenant. Elle pèse la montre, elle pèserait du moins. Si j’avais pas la carrure de porter ses secrets à lui en plus des miens. Pourtant, ça coule et ça passe et ça s’enregistre, ça s'apprivoise et ça se tolère. « Si tu le voyais. Cosimo. Il n’a rien à voir avec moi. » lui, il tolère rien. Il tolère pas la position dans laquelle je l’ai forcé, se replace quinze autres fois. Tolère pas le jour qui commence à se pointer par les rideaux, ferme les yeux pour mieux les rouvrir. « Il fait de belles études, mais c’est un artiste. J’ai jamais vraiment été son père, même en faisant semblant très fort. » il tolère pas l’histoire aussi, ça se voit ça se sent faut pas être bien intelligent. « Elle va piquer celle-là. » j’avance, je préviens, encore un traitement de faveur dont il pourra se vanter dans une poignée d’heures que je nierai lui avoir donné. Ça a du bon de plaider les pertes de mémoire à cause de l’alcool, je vais l’utiliser à la corde celle-là. « Est-ce que tu voulais vraiment être père? » ou est-ce qu’il voulait l’être parce qu’il devait l’être. Elle va piquer, et il a tous les droits de l’esquiver.
« Elle peut pas avoir d’enfants, Elise. Auden pouvait pas s’en occuper en ce temps là. » « Te justifie pas. Garde ton énergie pour cuver ta cuite. » je sais bien, qu’il se justifie pas du tout à moi, qu’il se justifie à la Terre entière bien avant, et à lui-même éternellement. Ce qui est fait est fait pourtant, et c’est pour ça qu’il a pas besoin de les aligner les raisons pour une histoire qui date de bien trop longtemps. Ça le change pas à mes yeux si ce n’est que ça le rend vulnérable. Une seule seconde avant que sa ride du lion bien ancrée ne me rappelle qu’une fois reposé il a tout du roi qui pétienne qui que ce soit se met en travers de son chemin.
Il a juste besoin de souffler. Il a juste besoin de respirer. Il a juste besoin de laisser aller. « Je veux pas qu’on se dispute pour des trucs débiles. » des trucs débiles comme les trucs qui t’angoissent assez pour que t’aies besoin de rentrer dans cet état pour en parler? « Si tu ronfles, je te pousse du lit. » c’est lui qui ronfle, c’est lui que je pousserai du lit c’est lui qui pue assez pour qu’on brûle les draps et c’est lui que j’aime aussi et surtout. Connerie. « C’est toi qui est débile. » que je grogne, quand il se pose enfin contre les oreillers, quand son corps bouillant, brûlant, a des airs d’abandonnés. « Tu viens à gauche ou tu fais semblant? » c’est pas vrai que ce sera moi d’ailleurs, qui vais jouer les abandonnées. Quand ma main attrape la sienne et le tire à la volée. |
| | | | | | | | Do I chase the night or does the night chase me? (willer #11) |
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