Abonné aux cauchemars, Jackson s'était une nouvelle fois réveillé à des heures pas possibles de la nuit. Si les premiers réveils en sursaut s'étaient avérés compliqués et éprouvants, Mills avait fini par développer une routine stricte en réponse à cette fatalité : se lever, inspirer profondément, se rincer le visage à l'eau froide et enfiler ses écouteurs. A pleine puissance, la musique l'abrutissait suffisamment pour faire taire les échos des tires d'arme à feu revenus d'entre les morts depuis ce cimetière mental nébuleux où reposaient ses souvenirs tombés au combat. Il avait également développé de nouvelles capacités. Celle d'être capable de lire de la poésie tout en écoutant du Rap US particulièrement violent, par exemple. Son appartement était jonché de ce qui aurait pu s'apparenter à des jeux pour enfants aux yeux d'un adulte lambda mais qui s'avérait en réalité être des casse-tête et autres exercices pratiques sensés stimuler sa mémoire. Il y avait également des cartons de pizza vides empilés sur un meuble à côté de l'évier et un panier à linge dégueulant de t-shirt sales, tous imprégnés de sueur perdue à la boxe où lors de ses nombreuses sessions de course à pied. Depuis son retour à Brisbane, Jax avait l'impression que sa vie ne se résumait plus qu'à cela : courir après sa mémoire, se battre contre ses démons, subir les insomnies.
Il est 7h30 lorsqu'il pousse les portes du Starbucks, la capuche rabattue sur la tête et le dos marqué d'une immense trace de transpiration. A ses pieds, des baskets de running confirment qu'il vient tout juste de terminer sa course. Dehors, le temps est beau et le soleil est déjà suffisamment haut dans le ciel pour éclairer la foule de travailleurs se pressant sur les trottoirs de spring hill, tous pressés d'arriver à l'heure au bureau. Amer, Jackson préfère ne pas penser au fait qu'aucun travail ne l'attend aujourd'hui si ce n'est de devoir répéter inlassablement à la psy qu'il va bien et qu'il se sent prêt à reprendre du service. Et, comme à chaque fois, elle lui dira qu'elle n'en est pas si sûre, lui donnera probablement une piste de réflexion sur laquelle il s'arrachera les cheveux avant de partir en claquant la porte, excédé, prouvant par la même occasion que l'heure de le réintégrer n'est visiblement pas pour tout de suite.
Lorsque vient son tour de commander, Jackson opte pour une boisson fouettée, lattée, sucrée et caramélisée. Le genre de bombe glycémique à vous faire canner un diabétique. L'avantage de toute cette activité physique dans laquelle il noie sa frustration c'est qu'il peut laisser libre cours à ses envies de foodporn sans prêter attention aux taux de sucre colossaux que contient son alimentation dépravée. Comme les autres clients avant lui, Mills fait un pas de côté et attend dans un coin que quelqu'un l'appel pour récupérer son poison caféiné. Il est curieux de savoir comment la serveuse l’appellera cette fois-ci. Lors de sa dernière visite, il avait eu le droit à un " Dawson " gribouillé à la hâte sur son gobelet.
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Dernière édition par Jackson Mills le Mer 24 Mar 2021 - 4:05, édité 2 fois
7H30, Elizabeth rentrait dans le Starbucks. Elle s’était levée aux aurores, comme à son habitude. Elle avait fait sa routine matinale, comme à son habitude. La seule chose qui changeait, c’était ce lieu. Maintenant que le soleil retrouvait sa place au sein de son intérieur, il fallait qu’elle apprenne à s’ouvrir de nouveau au monde extérieur. Et de son interprétation de ce constat ressortait le fait de tester de nouveaux endroits. Ce n’était peut-être pas l’aventure du siècle mais le Starbucks du coin était déjà une belle première étape quand on connaissait la rigueur légendaire d’Elizabeth Warren. Elle aimait les choses carrées, elle chérissait sa zone de confort. Oui…mais sa zone de confort n’avait pas été suffisante pour la protéger des souffrances émotionnelles qu’elle avait rencontrées ces derniers mois. Elle voulait désormais mettre du changement dans sa vie, même si c’était infime, afin d’éloigner davantage encore l’état de souffrance qu’elle avait rencontré.
Elle se mit en ligne et prit sa commande avec le sourire. Oui, le sourire, elle l’avait retrouvé. Tout allait bien dans sa vie en ce moment. Aussi incroyable que cela paraissait, elle avait enfin laissé son noir passé de 2020 dans son dos et elle ne se retournerait plus…Maintenant, il s’agissait de ne pas détourner son attention du chemin. Aller de l’avant…Et ça, elle comptait bien le faire dans les bras de son ex d’université, Caelan Leckie. Il ne lui mettait peut-être pas les papillons dans le ventre mais il déposait suffisamment de paillettes dans ses yeux pour l’aider à réparer son cœur endolori. Elle avait également retrouvé son meilleur ami Channing, après plusieurs mois de silence du à sa terrible erreur d’avoir fait confiance en Connor plus qu'en lui. Connor…Elle n’y pensait presque plus. Elle savait désormais que ce n’était qu’une minuscule tâche sur le tableau de sa vie. Elle avait joué, elle avait perdu. Il fallait l’accepter.
Elle s’installa du côté où déjà quelques personnes attendaient de récupérer leurs précieux. Lorsqu’elle se dirigea vers un petit coin pour se poser tranquillement, son regard s’arrêta sur un homme occupé à regarder son téléphone. Il avait la capuche rabattue mais elle était parfaitement capable de le distinguer tout de même. Elle le reconnaitrait entre mille lui…Sa respiration se coupa de façon nette. Il s’agissait de Connor.
Elle était sous le choc. Les émotions l’envahirent tel un tsunami en furie. Les images se mélangeaient dans sa tête : son corps, son sourire, ses yeux, ses mains…Cela faisait pourtant presque un an et elle fut surprise de découvrir qu’en l’espace de quelques secondes, tout lui revenait comme si cela s’était produit hier.
La barista prononça un nom de boisson pour un dénommé Jackson. Elizabeth n’y accorda pas d’importance, elle avait bien compris qu’il ne s’agissait pas de sa commande et sa concentration était fixée sur cet homme qui l'avait tant malmenée émotionnellement. Son regard n’avait pas quitté Connor. Elle attendait de voir ses mouvements et lorsqu’il s’avança pour récupérer la commande, elle associa les bribes de souvenirs de la voix de la serveuse, pourtant très récents puisque cela venait de se produire…mais dans son état, il lui fallait un peu de temps avant d’assembler les pièces du puzzle. Jackson ? Elle avait bien dit Jackson, n’est-ce pas ? Elizabeth ne comprenait rien. Était-ce vraiment Connor ? Après tout, elle venait de penser à lui, elle avait peut-être eu une sorte d’hallucination post-sport matinal….Non, c’était bien lui. Elle le sentait dans chaque fibre de son corps. Peut-être y avait-il eu une erreur au moment de la prise en note du prénom ? Ou peut-être simplement que Connor ne voulait pas que les gens du quartier connaisse sa vraie identité. Peu importe la raison, il était bel et bien là. Que devait-elle faire maintenant ? Fuir ? Se cacher ? Passer innocemment devant lui et voir sa réaction ? Elizabeth tenta de peser le pour et le contre de chacune des propositions qui l’effleuraient. De toute façon, même si elle prenait ses jambes à son cou, si Connor était bien de retour à Brisbane, elle ferait mieux de le savoir de suite car elle le recroiserait sûrement. Oui, avoir tout de suite accès à l’information. Comme un pansement que l’on arracherait d’une traite. Elle avait toujours été comme ça Elizabeth, elle prenait le chemin le plus direct.
Elle s’approcha doucement de lui, alors qu’il était au coin touillettes et serviettes.
« Bonjour Connor »
Elle planta son regard noisette dans le sien. Son cœur battait la chamade. Etre si proche de lui à nouveau était si déroutant. Elle n'arrivait pas du tout à voir clair dans tout ce qui se bousculait en elle. Jamais elle n’avait imaginé une scène de retrouvailles, pensant qu’il ne remettrait plus jamais les pieds sur le territoire australien. Elle n’était donc absolument pas préparée psychologiquement mais l’était-on vraiment lorsque l’on recroisait un ex ?
- Ici ! Répond-il en levant la main avant de s'avancer jusqu'au comptoir. Un clin d’œil et un remerciement plus tard, il contourne les clients à la recherche d'une serviette ou deux à mettre dans sa poche, histoire de pouvoir essuyer la moustache que lui promettent les 5 centimètres de crème fouettée flottant à la surface de son café.
« Bonjour Connor »
Jackson se fige. A lui seul, ce prénom polarise tous les tourments que Mills se traîne depuis sa sortie du coma : son amnésie, évidemment, mais aussi ses cauchemars, son introspection forcée ainsi que les interrogations et les doutes qui l'habitent concernant les raisons de son accident. D'instinct, l'agent reste sur ses gardes. Toutes les personnes l'ayant connu sous cette identité sont des suspects potentiels tant qu'il ne sera pas qui a pressé la détente ayant bien failli lui coûter la vie. Lorsqu'il tourne la tête, son regard rencontre celui d'une femme aux yeux de biche, les cheveux châtains et dont le style vestimentaire élégant cache des courbes appréciables ; bref, totalement son genre de nana. Le premier réflexe de Jax aurait été de lui décocher un sourire charmeur mais les circonstances ne laissent pas beaucoup de place au flirt. Au lieu de quoi, Mills reporte son attention sur son café qu'il saupoudre d'à peu près toutes les épices mises à sa disposition. Sa gloutonnerie est sans limites.
- On se connait ? Questionne-t-il, l'air détaché.
Derrière sa façade désinvolte, Jackson est conscient de ne pas avoir la meilleure main à ce jeu de poker menteur. Ses derniers souvenirs en tant que Connor remontent aux premières semaines de son infiltration et chaque jour qu'il passe à essayer de se remémorer du reste le fait se maudire de ne pas avoir tenu de journal détaillé durant cette expérience au sein de la police de Brisbane. Sûrement que cela aurait représenté un élément potentiellement compromettant pour l'agent sous couverture qu'il était, mais ce lui aurait aujourd'hui permis de recoller les morceaux du puzzle éclaté par son séjour à l’hôpital. Bien qu'il sache pertinemment qu'il joue à pile où face en n'adoptant pas la stratégie du " vous faites erreur, je ne suis pas celui que vous pensez ", le besoin de réponses est plus grand que celui de rester à couvert. Cela justifie de prêcher le faux pour savoir le vrai. D'un geste discret, Jackson tourne donc le gobelet sur lui-même de manière à avoir le prénom au creux de sa main et non plus visible de tous.
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Dernière édition par Jackson Mills le Mar 2 Fév 2021 - 6:44, édité 2 fois
Connor l’observa de haut en bas, probablement pour se faire une idée de ce qu’elle devenait, de la jauger. Elizabeth contracta chacun des muscles de son corps pour ne pas bouger alors qu’ils ne demandaient qu’à trembler. Mais jamais elle ne cèderait à la tentation de se relâcher, jamais elle ne lui montrerait l’effet qu’il a encore sur elle et dont elle n’avait elle-même pas connaissance avant cet instant. Elle resta impassible du visage, heureusement, ça, elle savait parfaitement le faire. Si Elizabeth était surnommée la reine de glace dans son travail, ce n’était pas par hasard…Et dans cette situation, elle n’hésita pas une seule seconde à utiliser ce talent de ne rien laisser transparaître. Puis Connor se tourna de façon nonchalante et s’occupa de saupoudrer son café en priorité, comme si cette tâche était la plus importante. Très sympathique comme retrouvailles…
- On se connait ?
Bon, là, il était difficile de ne pas réagir…Elle ouvrit grand les yeux, complètement surprise par sa phrase. Un coup de couteau lancé qui n’avait pas manqué de lacérer en surface le cœur de la belle.
« Pardon ? »
Ce fut la seule réponse qui pouvait sortir pour l’instant. Se moquait-il d’elle ? Faisait-il comme si il ne la connaissait pas ? Mon Dieu que ce serait lâche…Vouloir éviter la confrontation à ce point-là, c’était grave. Et en même temps, il s’agissait bien de celui qui s’était enfui à l’étranger en laissant une pauvre lettre d’adieu. Donc est-ce que cela serait vraiment si étonnant que cela ?
« C’est une blague ? Parce que si c’en est une, laisse moi te dire qu’elle n’est pas marrante du tout »
Elle espérait de tout cœur que non. A l’époque, elle pensait que cette histoire ne pourrait jamais s’empirer étant donné qu’il était parti. Comme quoi, il ne fallait jamais dire jamais…Car avec ce choix de comportement, il allait clairement empirer le ressentiment qu’elle avait à son égard. Et la blesser encore plus qu’il ne l’avait fait dans le passé, ce qu’elle pensait impossible.
Elle resta plantée face à lui, déterminée à en savoir plus sur ce comportement. Elle fixa son regard dans le sien. La confrontation visuelle dura quelques secondes, comme si Connor se demandait ce qu’il allait faire de son côté aussi. Cependant, être plongée dans ses pupilles n’était clairement pas une bonne idée...cela la déstabilisait encore plus. L’image de la première fois où elle les avait découvertes vint se projeter sur son écran interne, comme le début d’un film. Mais plutôt un drame, pensa-t-elle ironiquement. Elle essayait tant bien que mal de s’ancrer dans la réalité, de ne pas se perdre dans ses souvenirs enivrants à ses côtés. Cet homme-là, elle l’avait eu dans la peau. La preuve en avait été avec son manque de jugement total en faisant le grand saut avec lui...
Connor ne disait toujours rien et Elizabeth n’en pouvait plus de la torture de se noyer dans son magnifique regard noisette. Elle n’arriverait plus à tenir longtemps sans montrer une émotion. Quoique de laquelle il s’agirait, c’était impossible à savoir: frustration, tristesse, colère, désolation, amertume, souffrance, malaise, surprise voire choc…un vrai menu de restaurant dans lequel on ne savait quoi prendre. Mais soit, même si Connor scannait ses yeux, il ne saurait quoi y trouver dans cet amas.
« Tu veux vraiment faire celui qui fait comme si rien ne s’était passé ? »
Et là, par contre, elle montra un léger signe : elle avala sa salive, manifestant qu’elle redoutait sa réponse. Elle avait peur que Connor balaye ce qu’ils avaient vécu ensemble comme si ça n’avait jamais compté. Parce que même s’il était parti lâchement et qu’il l’avait abandonnée à son propre sort, elle savait qu’il avait été sincère. Ou du moins elle s’était toujours accrochée à cette idée, s’était-elle trompée ?
Jackson n'a pas besoin de se tourner vers elle pour deviner son exaspération ; le ton sur lequel l'inconnue lui balance ce " Pardon ? " incrédule suffit à planter le décor : il vient de la vexer. La lueur bienveillante du soleil matinal semble se faner derrière les grandes baies vitrées du Starbucks. Commencer la journée sur une confrontation ne représente aucune difficulté en soi, il en a vu d'autres, mais le sentiment de culpabilité qui lui saute à la gorge à l'idée de ne pas se souvenir est plus désagréable que n'importe quel conflit. A choisir, Jackson préférerait se prendre des coups sur la gueule plutôt que d'être dans cette position consistant à se flageller mentalement d'avoir le cerveau en gruyère. Touillette à la main, il s'obstine à charger son café de tout et n'importe quoi pourvu que cela lui laisse le temps de réfléchir à un plan d'action.
« C’est une blague ? Parce que si c’en est une, laisse moi te dire qu’elle n’est pas marrante du tout »
Pour réagir de la sorte, il faut qu'elle se sente légitime. Et qui dit légitime dit proche, d'une manière ou d'une autre. Reportant son attention sur la brune, Mills garde le silence. Son regard plonge dans celui de la belle avec la vigueur d'un semi remorque lancé à pleine vitesse. Il sent venir le crash mais se trouve dans l'incapacité de décélérer. Sa mémoire, maudite soit-elle, a saboté les freins. Il ne saurait dire combien d'heures où d'années s'écoulent tandis que s'étire entre eux un silence bien trop épais pour être anodin.
Ce n'est que maintenant qu'il lui fait face que Jackson comprend que quelque chose cloche. La chaleur animant son corps n'a rien à voir avec son footing fraîchement terminé où la température brûlante du liquide qu'il tient au creux de sa main. Elle provient de sous ses côtes, quelques part à l'intérieur de sa cage thoracique devenue soudainement trop petite pour ses poumons d'athlète. Que lui arrive-t-il ? Il ne comprend pas.
« Tu veux vraiment faire celui qui fait comme si rien ne s’était passé ? »
La question l'agresse plus qu'il ne le laisse paraître, véritable coup de griffe à son âme fatiguée de ramer contre le courant depuis sa sortie du coma. Mills paierait cher pour avoir le luxe de jouer l'oubli comme un rôle plutôt que comme une fatalité. Il se souvient d'ailleurs très bien avoir déjà utilisé cette tactique lorsqu'il était plus jeune, comme beaucoup d'adolescents de son âge que la pratique du sexe intéressait bien plus que celle des sentiments et des lendemains requérant d'assumer les conséquences de ses actes. Malheureusement pour lui, l'époque de ses dix-huit ans et des préoccupations futiles est depuis longtemps révolue. Ne reste à l'instant T que l'urgence de trouver quoi répondre à la question de l'inconnue.
Quoi répondre, c'est là tout le noeud du problème. Mills avance en plein brouillard. Sans savoir à qui il a à faire ni ce qu'il a fait, son champ d'action se limite à rester planté là, tel un poisson rouge, incapable de comprendre qu'il a déjà fait le tour de son bocal. A l'affût du moindre indice, il se perd dans l'analyse des expressions faciales de la brune, cherche le début d'une explication à la chaleur étrange qui continue d'en vouloir à sa respiration. Soudain, la providence lui vient en aide : la serveuse appelle " Elizabeth ". La micro expression que la principale intéressée affiche à l'entente de son prénom confirme les soupçons de Jakson qui se retourne et tend le bras pour récupérer la boisson. Il a l'avantage d'être plus proche du comptoir et d'avoir le bras plus long. Le voilà donc avec les deux cafés, un dans chaque main, mais toujours sans réplique pertinente à articuler pour se sortir du cul de sac dans lequel il se trouve. A moins que ...
- Tu as raison, c'est ridicule. Lâche-t-il en tendant à la jeune femme sa boisson encore fumante. Que penses-tu d'être celui qui reprend tout depuis le début ? Quitte ou double, Jackson le sait, raison pour laquelle il porte son café à ses lèvres afin d'en boire une gorgée. Il se dit qu'elle n'osera pas lui coller une claque si cela implique de s'ébouillanter la main au passage. Tactique de sioux.
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Dernière édition par Jackson Mills le Dim 7 Fév 2021 - 22:22, édité 1 fois
La barista appela Elizabeth pour sa commande. Elle était clairement sur une autre planète et mit du temps à réaliser. Connor dut apercevoir la paralysie de la belle, bien qu’elle fut discrète car elle réagit du regard, et il attrapa sa boisson chaude.
- Tu as raison, c'est ridicule
C’était peu de le dire mais c’était lui qui les avaient poussés dans cette situation gênante. Pourquoi n’avait-il pas fait comme tous les exs, la saluer, lui demander comment ça va et prendre son chemin de son côté en suivant ? Point barre.
Il lui tendit son latte, elle l’attrapa sans réfléchir, par réflexe et son inattention amena sa main à effleurer celle de Connor. Un frisson la parcourut jusqu’à la pointe de son pied à ce contact pourtant si simple et anodin. Mais elle savait au fond d’elle que rien n’était jamais simple avec lui depuis qu’ils s’étaient rencontrés...Et il était hors de question qu’elle retombe dans cette spirale infernale. Elle chassa donc les signaux de son corps, ces maudits messages inconscients qui l’attiraient à lui malgré elle.
- Que penses-tu d'être celui qui reprend tout depuis le début ?
Il porta son café à ses lèvres. Elle l’observa en se perdant à nouveau dans ses pensées. Que faire ? Et meilleure question, parlait-il de cette rencontre impromptue ou bien de leur histoire ? Ce n’était pas inoffensif d’avoir fait comme s’il ne la connaissait pas…essayait-il de se prouver quelque chose alors qu'au fond il ne l'avait pas oublier et la voyant, il réalisait qu'il voulait reprendre de zéro ? Ses pupilles reflétaient un homme perdu mais en cet instant, Elizabeth n’était pas vraiment sûre de pouvoir se fier à son analyse. Et puis dès qu’elle était proche de lui, tous ses récepteurs partaient en vrille.
« Ca dépend de quel début tu parles… »
Elle ne put s’empêcher de faire la réflexion, les mots avaient malheureusement dépassé sa pensée. Au moins, même au milieu d’un labyrinthe, elle restait fidèle à elle-même : directe et franche. La pointe d’ironie était évidemment perceptibles et les éclairs dans son regard noisette bien visibles. S’il voulait commencer un jeu malsain, elle ne serait pas son pantin. Elle aurait aimé avoir la force de le foudroyer mais elle savait très bien au fond d’elle qu’elle n’en serait pas capable. Elle se détestait de ne pas tourner les talons, ne plus se retourner et avancer mais…il fallait qu’elle sache. Etait-il rentré définitivement ou seulement de visite ? Si c’était la première, il valait mieux qu’elle en ait connaissance de suite afin de pouvoir se préparer psychologiquement à la recroiser ou…à établir des plans machiavéliques pour ne plus jamais retomber dessus, à commencer par rayer ce Starbucks des lieux qu’elle fréquentait.
« Qu’est-ce que tu fais là Connor ? Est-ce que tu reviens définitivement ou est-ce que tu es de visite ? »
Un nœud se créa dans son ventre. Elle avait en réalité terriblement peur d’entendre la réponse à cette question. S’il n’était présent sur le sol australien que pour quelques jours, allait-elle résister au fait de vouloir le revoir ? Elle avait tellement de questions qui n’avaient pas trouvé de réponses à l’intérieur d’elle et au fond d’elle, elle voulait comprendre. Ne dit-on pas que c’est la clé pour pouvoir écrire une nouvelle page de sa vie ? Et s’il réaménageait réellement à Brisbane, qu’allait-il se passer ? Allait-elle être capable de pouvoir tenir ses distances et résister au charme naturel de Connor ? Elle se savait forte mais elle avait aussi parfaitement conscience d'avoir ses failles, comme tout être humain. Elle aurait tellement aimé avoir des dons de voyance à ce moment-là…
Ces mots, couplés au contact de leurs mains se touchant lors du transfert de gobelet, font sursauter Jackson. Il se brûle avec son café et fronce les sourcils avant de se lécher les lèvres. Quel con de ne pas avoir pensé à souffler sur le liquide pour le refroidir ! Quelque chose l'agace, mais Mills ne parvient pas à mettre le doigt dessus. L’ironie dans la voix de cette femme trouve écho quelque part en son for intérieur et provoque, sous la surface, l’apparition de courants invisibles. Le genre de remous sous-marins capables d’influencer sa raison parce qu’ils vibrent contre les parois de son intuition perpétuellement en alerte depuis son réveil. Avec l’amnésie, Jackson est devenu particulièrement réceptif à ses ressentis. Il faut dire qu’il ne peut se fier qu’à eux. Naviguer en dessous des lignes de flottaison fait partie des maigres stratégies qu’il lui reste pour faire face à ce genre de situations où le simple fait de se souvenir est une problématique en soi.
Aussi choisit-t-il de se fier à son instinct au moment de répondre aux questions qu’ajoute la brune. Sans qu’il sache l’expliquer, quelque chose lui dit qu’il se doit de jouer cartes sur table ; que cette Elizabeth n’est peut-être pas une amie, mais certainement pas une ennemie. Les silences sont trop profonds ; le poids dans sa poitrine trop pesant. Rien de tout cela ne peut être anodin. Quels que soient les enjeux cachés derrière le flou de ces retrouvailles, des conséquences directes pèsent dans la balance, il le sent. Mills ne peut jouer les couleuvres plus longtemps :
- En fait ... Commence-t-il, hésitant, réalisant tout à coup que cette interlocutrice est la première avec laquelle il s’essaye à formuler de vive voix la complexité de la situation. Difficile de trouver les mots justes. Connor est mort. Simple. Basique. Brutal.
D’un geste rendu incertain par la profondeur que ces mots ont pour lui, Jackson tend une poignée de main en direction de la jeune femme. Jackson Mills.
C’est ce qu’il entendait par « depuis le début ».
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Dernière édition par Jackson Mills le Ven 12 Fév 2021 - 4:21, édité 1 fois
Le contact inattendu entre Elizabeth et Connor ne le laissa à l’évidence pas indifférent puisqu’il laissa apparaître du désarroi et de la surprise dans ses yeux. Il semblait se brûler avec son café et l’agacement était lisible sur son visage. La belle brune le scruta le plus patiemment possible. Elle attendait qu’il balance son information. Il semblait hésitant, cherchant probablement la bonne façon de formuler la réponse à la question d’Elizabeth. Mais c’était vain car il n’y avait pas de bonne façon d’annoncer une telle nouvelle…Elle était pendu à ses lèvres et se retint de toutes ses forces de penser à quand elle avait pu les goûter il y a de cela presque un an. L’inspecteur se lança timidement, préparent le terrain puis il largua une bombe. Mais pas celle qu’elle attendait.
« Connor est mort »
Elle ouvrit grands ses yeux, l’étonnement clairement apparent. Mais qu’est-ce qu’il racontait ? Se moquait-il d’elle ? Elizabeth Warren n’était pas une femme que l’on pouvait utiliser pour farcir le dindon…Et s’il ne s’expliquait pas, elle était prête à le laisser là, face à son incohérence. Il lui tendit sa main.
« Jackson Mills. »
Elizabeth ne comprenait absolument rien. Connor avait-il un jumeau dont il ne lui avait jamais parlé ? C’était tout à fait une possibilité car après tout, elle ne connaissait presque rien de son passé. Et il n’avait pas été surpris qu’elle l’appelle ainsi. C’était la seule explication possible. Mais quand il disait que Connor était mort…Mon Dieu, avait-il été tué ? Elle avait connaissance des risques qu’impliquait le fait de travailler au sein de la police. C’était donc tout à fait possible qu’une mission ait mal tournée…
« Comment ça Connor est mort ? »
Elle fronça ses sourcils de peine et amena sa main à ses lèvres, prise par le choc. Elle avait peut-être de la rancœur et de la colère envers cet homme mais jamais elle ne lui avait souhaité de décéder. Elle observa la main tendue de son interlocuteur. Elle ne savait pas si elle devait s’en saisir, toujours baignée dans son incompréhension. Et comme dans un élan de protection, elle refusa de repartir à la rencontre de cette peau électrisante. Il fallait qu’elle reste concentrée et le léger contact un peu plus tôt l’avait déjà assez dérangée, elle n’allait pas en rajouter volontairement…D’ailleurs, comment expliquer le frisson qu’elle avait ressenti ? Est-ce que c’était un effet psychologique du fait qu’elle pensait qu’il s’agissait de Connor ou bien était-ce la résultante de la connexion que…Jackson partageait avec son frère ?
« Je ne suis pas sûre de bien comprendre…Je pense que cela mériterait davantage d’explications. Connor n’a jamais mentionné avoir un frère »
Elle garda son calme, l’impassible et pragmatique Elizabeth Warren reprenait le dessus. Il y avait forcément une explication logique et elle la voulait. Maintenant. Qu’était-il donc arrivé au pauvre Connor ? Et soudain, elle réalisa qu’elle ne le verrait plus jamais. On aurait pu penser que le soulagement prendrait place en elle mais en réalité, elle en était loin. Elle était affligée, voire même chagrinée. C’était ridicule, elle n’avait jamais envisagé le revoir alors pourquoi est-ce que le fait de retirer cette possibilité la touchait autant ? Elle se dit qu’il s’agissait simplement du fait qu’une personne avec qui elle avait partagé un lien était décédée. C’était plus simple de se dire cela que de chercher une autre explication émotionnelle. Le déni avait parfois du bon.
« Comment ça Connor est mort ? » Face à la surprise peinée de son interlocutrice, Jackson retient un soupire contrarié. Une partie de lui veut se montrer compréhensive et bienveillante - après tout, apprendre le décès de quelqu'un a de quoi surprendre, impossible de blâmer ce genre de réaction - mais une autre se laisse gagner par l'exaspération d'avoir à parler de lui-même à la troisième personne. Frustré, il reprend sa main qu'il fourre dans la poche de son short, l'autre toujours occupée par son café qu'il refuse de boire tant qu'il n'aura pas refroidi.
Si la mémoire de Jax se souvient de Connor comme d'un personnage de fiction créé de bout en bout par les membres de son équipe et lui-même afin d'infiltrer la police de Brisbane, il peine a retrouver les fragments de ce que fut la mise en pratique de ce rôle de composition. Quelles saveur avait la vie de ce faux lieutenant ? Mills avait-il gardé les traits de sa personnalité pour incarner son double où s'était-il amusé à changer de caractère, comme il avait déjà été amené à le faire lors de précédentes missions d'infiltration pour le compte du PSI ? En silence, Jackson se concentre et passe les rapports de sa boîte de vitesse mentale à la recherche d'une connexion quelconque. Il n'en récolte qu'un mal de crâne assez soudain. Les contours sont flous, à peine s'il revoit Anwar Zehri lui faire visiter les locaux de la brigade durant l'hiver 2020 où bien les visages des suspects potentiels dans sa chasse à la taupe.
« Je ne suis pas sûre de bien comprendre … Je pense que cela mériterait davantage d’explications. Connor n’a jamais mentionné avoir un frère »
Se retrouver confronté aux réactions de cette femme affectée par le sort de Connor, c'est comme se faire distancer d'une saison ou deux dans le déroulement d'une série dont Jax n'aurait vu que le teaser. Quand t'es là, tranquille, tombé endormi quelques minutes à peine après avoir appuyé sur play, et qu'un nouveau personnage te réveille en sortant de nul part pour te rappeler que tu as raté plus d'un épisode durant la sieste.
- Un frère ? L'un air interdit, Mills se risque à boire une nouvelle gorgée. Il a besoin de caféine pour combattre la migraine et lutter contre la prise de tête qu'il sent venir comme s'il était équipé d'un détecteur à emmerdes. Ce même détecteur imaginaire qui lui intime de ne pas s'exposer à un scandale en direct livre, alors que tout le monde ici semble de bonne humeur, prêt à attaquer une nouvelle journée estivale sous le ciel azuréen de Brisbane. OK. Reprend-il en dégainant son portable. Son regard cherche le haut de l'écran : bientôt 8h. Trente minutes pour rentrer, se doucher et se rendre au rendez-vous avec la psy. Se tournant à nouveau vers le comptoir, Jackson attrape une serviette et emprunte le marqueur que les baristas utilisent pour inscrire les prénoms. Capuchon coincé entre les dents, il gribouille à la hâte puis revient face à Elizabeth. Ca me prendra plus de deux minutes au détour d'un Starbucks pour te donner tous les détails. Explique-t-il en désignant le morceau de papier laissé sur le comptoir. Rejoins-moi à cette adresse, j'y suis tous les soirs à partir de 20 heures. Jax ne lui tend pas la serviette, il a bien compris que le contact physique la dérangeait.
Un signe de tête plus tard, le voilà qui disparaît, traversant le café sans se retourner, rabattant sa capuche une fois dehors comme pour cacher à la face du monde le visage du menteur professionnel qu'il est. Quelles que soient les bonnes excuses que lui fournissent ses responsabilités d'agent fédéral, l'heure de la vérité est sur le point de sonner ...