“C’est bon, tout le monde va bien ?” Grace qui inspecte l’état de l’équipage après ce petit vole plané (j’exagère un peu ok). C’est bien qu’elle prenne cette initiative, c’est dans l’interêt de tous. Elle a une meilleure visibilité aussi car elle n’a pas à s’occuper de la trajectoire ou quoi. Elle doit juste s’accrocher fort et prier en fait. “Je peux vous encourager en vous chantant une petite chanson, si ça vous tente.” Je ne réponds pas mais un sourire se forme sur mes lèvres de l’entendre proposer ça. Je suis sûr que ça ne serait pas plaisant pour tout le monde, alors je m’abstiens. Faut pas que certains sautent par dessus bord volontairement non plus. Insinuation que Grace chante mal. Peut être. “Oh oui ! Muddy Waters ?” S’il est si enthousiaste y’a quelque chose là dessous. Je comprends pas tout mais s’il rechigne pas qu’elle chante, c’est une bonne chose. Ca secoue encore un peu et puis le calme pendant un moment. Ca fait du bien.

“Dites, vous étiez restés ici depuis votre élimination ou ils vous ont fait revenir ?”
“Ils vont ont pas fait revenir de Brisbane, quand même ?”
« Eh si. On a été éliminé y’a un moment quand même. Vous vous rendez pas compte du temps qui passe, vous vous amusez trop. »

Ca me fait marrer quand même. « On a été éliminé tous en même temps d’ailleurs. » Je marque une pause. « C’est vous qui avez composé votre équipe? » Est-ce que j’ai été le first cette fois là aussi ? Je sais que ça change rien à la suite et au fond, je m’en fou un peu. Mais vraiment je suis tellement traumatisé d’être toujours le second choix pour tout le monde, je me pose la question quand même. J’y pense. Espérant au fond voir que ma malédiction est en train de tourner peut être, j’espère. J’ai mis tout mon espoir en un renouveau depuis mon retour en Australie. Avoir passé six mois dans l’hémisphère Nord, ça a peut être bouger mes chacras et maintenant je n’aurai plus autant de déception. Je prie. Je rêve aussi. Je continue de pagayer pour avancer dans ce moment toujours aussi calme. Je sais que ça va pas durer longtemps.

Et Kieran fusille Elias d'un regard noir comme jamais (c'est-à-dire qu'il a toujours l'allure d'un chaton malgré ses efforts pour se montrer convaincant), son binôme ayant vraisemblablement implanté dans l'esprit des autres la fabuleuse idée qui consiste à pousser par-dessus bord Kieran, sans que ce dernier ne comprenne réelle l'explication sous-jacente derrière une telle proposition. Encore, il s'agirait de déterminer celui qui sera sacrifié si le bateau se veut trop lourd ou qu'il faut descendre en éclaireur pour s'assurer que celui-ci puisse poursuivre son chemin sans risquer une crevaison, là, Kieran aurait pu comprendre l'idée. Or, il ne semble pas qu'il soit question de cela à cet instant précis, puisqu'il est difficile de déterminer que le bateau est trop lourd... sans être parti. Quoi qu'il en soit, ils auront bientôt la réponse à cette énigme puisqu'ils se mettent en place et si Kieran n'est déjà pas rassuré à l'origine, le départ est très loin de l'aider à se détendre. C'est même pire et de plus en plus il se dit que cirer les pompes de May aurait (vraiment) été la plus belle proposition de retour qu'on aurait pu lui faire. Mais non, il est assis dans un bateau qui ne semble pas très réceptif à leur présence, tanguant de droite à gauche, priant Marie, Jésus, Joseph et toute autre figure pouvant lui apporter le degré de chance nécessaire pour survivre. Et son semblant de foi est vite oublié lorsqu'il se retrouve accroché à Isaac ; mais bien-sûr il ne perçoit pas l'évidence, sans quoi cela simplifierait cette aventure qui se doit d'être compliquée pour le bon maintien des audiences à ce stade du jeu. Au lieu de ça, il n'entend pas Isaac et s'interroge sur la manière dont ses mouvements sont moins fluides qu'ils ne l'étaient il y a quelques minutes. « Euh, oui, d'accord. » Qu'il acquiesce lorsque la voix d'Isaac s'élève à nouveau et qu'il parvient à y décrypter le message malgré le bruit environnant. « À peine. » Qu'il commente aux propos de Grace, modérant le tout avec un sourire en coin, l'air de s'excuser d'un tel constat qui peut sonner comme une critique à sa réflexion. Son sourire disparaît bien vite quand la poigne d'Isaac se crispe autour de sa cuisse et c'est une grimace à mi-chemin entre croquer dans un oignon et se manger le petit orteil contre un meuble qui s'affiche sur le visage de Kieran qui tente de sceller ses lèvres pour ne pas se faire remarquer plus que ça n'est déjà le cas. À défaut, il se contente d'un : « Issssââââc. » haut perché témoignant de son malaise. Il s'autorise à respirer lorsqu'il est libre - dans tous les sens du terme, de l'arme (pardon la main) d'Isaac au gilet de celui-ci qui n'est plus la continuité du sien. « Mon t-shirt... » Qu'il commente, impuissant, en apercevant le bout de tissu dans la main de l'infirmier. Note à lui-même : on évite désormais les vêtements trop longs, s'il ça n'avait pas été le cas, Isaac ne se serait pas agrippé au tissu. Note à lui-même : on privilégie les vêtements trop longs, car sans lui, c'est bien son pantalon qui se sacrifiait. « Tout ce que tu veux. » Il implore Grace ; une chanson, un numéro de claquettes (ce qui ne serait pas très pratique, certes), le récit de la fois où elle a pris la mauvaise ligne de bus, peu lui importe, du moment qu'elle aide à faire redescendre la pression. Il se contente de secouer la tête par l'affirmation aux précisions apportées par Kane quant à leur retour, affichant ensuite un bref sourire au constat que le blond pointe. « D'ailleurs, Liam n'est pas revenu ? » Qu'il interroge ; car c'est le dernier de la bande des quatre éliminés qui est absent. Kieran se replonge dans le silence, toujours dans son habituelle réserve alors qu'il se laisse guider par les coups de rames des autres, attendant de se rendre utile et peut-être que sa plus grande utilité réside dans le fait de ne plus bouger, ne plus parler, ne plus respirer. Toutefois, c'est bien un : « c'est normal qu'on ralentisse ? » qui s'échappe d'entre ses lèvres pour mettre en avant une nouvelle difficulté, mais promis, cette fois-ci il n'en est pas à l'origine. Non, il s'avère seulement qu'ils n'en sont qu'au départ et que sans l'impulsion nécessaire, il est encore difficile pour leur bateau d'avancer. Celui-ci semble avoir besoin d'un coup de pouce plus conséquent pour se lancer pleinement dans la course.

Les premières vagues passent à coup de Muddy Waters interprétée par Isaac Jensen et Grace Coughlin, yours truly, et l’aise vient bientôt se poser sur le bateau alors que l’équipage commence à maîtriser le courant et les rames. Est-ce grâce à la chanson ? La jeune femme ne le saura jamais, mais elle préfère rester dans l’ignorance et imaginer que oui. Le petit groupe trouve donc son rythme sur les premières centaines de mètres, maniant plus habilement la rame maintenant, tandis que Grace fait ce qu’elle fait de mieux : micromanager ses partenaires tout en sachant très bien qu’elle n’aurait aucune influence sur les événements à venir et s’énerver ou se stresser quand même quand ça n’allait pas dans son sens.

Elle décide, finalement, de détendre les troupes en abordant un tout autre sujet : où la production avait-elle rangé tous ces candidats pour les ressortir d’un coup d’un seul, comme un magicien de son chapeau ? Leurs comparses de la journée expliquent qu’ils reviennent directement de Brisbane, et Kane fait remarquer que le temps n’a pas manqué pour faire l’aller-retour (Grace fronce les sourcils : vraiment, ça fait plus de trois heures depuis leur élimination ?). “On n’a rien choisi, en fait”, décide-t-elle d’avouer à la question du blond, légèrement penaude. “On n’avait aucune idée qu’on vous retrouverait. J’imagine qu’ils ont dû choisir par affinités, ou quelque chose comme ça.” Peut-être en mesurant les atouts de chacun afin de créer des équipes équilibrées. Elle l’ignore, mais quoi qu’il en soit au fond, ça lui plaît comme ça. “Aucune idée. Vous avez croisé aucun autre candidat dans l’avion ou à l’hôtel ou ailleurs ?” Ca l’étonnerait fort que leurs adversaires ne bénéficient pas du même appui.

On n’a pas le temps de lui répondre, cependant, que Kieran relève un fait intéressant : le bateau a ralenti, considérablement, et a dévié de sa trajectoire toute droite pour aller se nicher et finalement s’arrêter entre deux rochers. “Ben merde”, marmonne Grace, bien incapable d’engueuler qui que ce soit pour ce fait du destin. “Essayez… Genre… De pousser avec vos pagaies sur les rochers”, suggère-t-elle, à cours de bons conseils. Le micromanagement, c’est difficile, quand on ne sait absolument pas ce qu’on doit faire.

win : les idées connes, des fois, ça marche
so close : ça décoince un peu le bateau, mais l’équipe perd une rame
fail : trois rames finissent cassées ou dans la flotte, il n’en reste qu’une de secours, ce qui ramène le total à deux.

« Issssââââc. » se plaint Kieran tandis que j'agrippe sans vergogne la première parcelle de son corps qui me parvient, par ultime volonté de garder le contrôle sur notre dessein et éventuellement, peut-être épargner - en sublime échec - des maux au dessinateur. Ce n'est qu'une fois détachés, un bout de t-shirt de Kieran en vestiges entre mes doigts, que je me détends enfin, répétant des « Wow » comme l'on s'érige mentalement des points de repère. « Mon t-shirt... » « Désolé, Kieran... » Je m'excuse sincèrement. « J't'en paierai un autre, » je promets entre deux nouvelles secousses du bateau.

Une performance musicale est menée et semble nous aider à parcourir des kilomètres sans trop de difficultés. Kane nous révèle durant ce temps que la production les a expédiés à Brisbane pour mieux les faire revenir. « Eh si. On a été éliminé y’a un moment quand même. Vous vous rendez pas compte du temps qui passe, vous vous amusez trop. » Je lui souris doucement puis fronce les sourcils entre deux coups de pagaie visant à orienter le bateau vers la voie qui me semble la plus sécuritaire et moins houleuse. « Est-ce que vous avez tous pris le même vol pour venir nous rejoindre ? » J'interroge, curieux de connaître si l'ensemble des candidats de l'émission sont de retour pour la finale ou qu'une sélection a été réalisée. « D'ailleurs, Liam n'est pas revenu ? » formule avec bonne analyse le Halstead. « Peut-être qu'il est avec Kelly et Loan ? » Je soumets. Par la présence de Kane, Kieran et Elias, je pouvais présager que les derniers binômes avaient pu être appelés en renfort, et ainsi, Liam, Jack et Colleen pouvaient être associés à Kelly et Loan pour leur épreuve.

« C’est vous qui avez composé votre équipe? » Je hoche la tête en signe de dénégation. “On n’a rien choisi, en fait” avoue Grace. « On ne savait pas du tout que vous serez là ! » je ne peux m'empêcher de relater de nouveau ma surprise. “On n’avait aucune idée qu’on vous retrouverait. J’imagine qu’ils ont dû choisir par affinités, ou quelque chose comme ça.” Ça me semblait plausible. Nous nous étions naturellement entendus avec Kieran et Elias et ne nous étions pas privés lors de la course de montrer que nous les soutenions et apprécions. Quant à Kane, je le considérais déjà comme un ami avant le début de cette compétition.

« C'est normal qu'on ralentisse ? » Un éclair d'alerte fuse de mes pupilles, je remarque le banc de rochers qui menace de nous bloquer et loi de Murphy oblige, nous voilà immobilisés. “Ben merde” Je grimace tout en étudiant le positionnement du bateau et songeant à la meilleure manière de nous remettre - en pieux masochisme - au gré des courants rapides. “Essayez… Genre… De pousser avec vos pagaies sur les rochers” suggère la seule femme du groupuscule. “Peut-être contre celui-là... Pour essayer de passer entre ces deux-là... ?” Je propose, démontrant les rochers et les zones de ma pagaie.

“Et c'est reparti...,” j'annonce avec un entrain bien moins assuré que précédemment, ma bonne humeur, volonté et motivation néanmoins tenaces. “Vous voyez des zones dangereuses à éviter droit devant ?” J'invite à l'anticipation et au guidage. Kane, Elias et moi semblions assez bons pour manier la pagaie et diriger le bateau - ou en tout cas, je me plaisais à le croire -, avec la vision de Grace et Kieran, peut-être pourrions nous former l'union parfaite de forces pour terminer cette descente périlleuse.

. « Est-ce que vous avez tous pris le même vol pour venir nous rejoindre ? »
« Je pense pas non. En tout cas y’avait personne d’autre que moi dans le mien. »

Je suis sûr qu’ils m’ont mis dans le moins cher de tous parce que le mien partait à 6h15 du matin. “On n’a rien choisi, en fait” Oh. Je ne sais pas qui a fait les équipes mais elles ont l’air parfaite pour moi. “On n’avait aucune idée qu’on vous retrouverait. J’imagine qu’ils ont dû choisir par affinités, ou quelque chose comme ça.” J’hoche la tête. Ils nous font peut être signer des trucs chelou, mais ils savent faire des équipes qui ont du sens. L’audience. Ouais. Même si l’inverse doit être bonne aussi. Des gens qui se tapent dessus en finale, ça doit faire des vues. Des memes.

« D'ailleurs, Liam n'est pas revenu ? »
« Si Liam est dans le coin. »
« Peut-être qu'il est avec Kelly et Loan ? »
« Peut être. »
« c'est normal qu'on ralentisse ? »

C’était pas anormale jusqu’à ce qu’on se retrouve réellement bloqué entre deux rochers, sans avancer d’un iota. “Ben merde” Ouais ça c’est bien le mot. Et puis Grace qui propose aussitôt des idées, qu’on suit tous, Isaac le premier et ces idées qui fonctionnent. « Bien joué! » A l’adresse de tout le monde car on a tous mis la main à la patte pour débloquer le bateau.

“Et c'est reparti...,” Le sourire sur mes lèvres, content d’être en mouvement. 30 kilomètres c’est super long en voiture. J’imagine même pas dans quel état vont être nos bras à la fin à force de ramer et diriger le bateau. Nous décoincer, nous sortir de l’eau aussi. Oui parce que c’est sûr ça va arriver. J’ai fait du rafting une seule fois dans ma vie et y’a bien deux ou trois fois où on s’est retrouvé tous à l’eau. Je préfère leur passer ce détail. J’espère que Elias ne va pas le mentionner aussi. J’ai pas envie de leur annoncer à l’avance la douche froide éventuelle parce que oui, l’eau est fraîche. Et certains ne savent pas nager. Je n’ai pas oublié ce détail qui m’inquiète mais on a les gilets de sauvetage. Ca va bien se passer. Sauf s’il est détaché, déchiré, défait. On vient justement de voir de quoi Isaac et Kieran sont capables. Tout est possible.   “Vous voyez des zones dangereuses à éviter droit devant ?” « J’aurai bien aimé pouvoir voir le parcours avant d’être lancé sur l’eau. Mais bon ça doit faire parti de la difficulté de l’épreuve. » J’hausse une épaule avant de reprendre. « J’espère juste qu’on aura pas genre le choix entre deux directions à un moment… Faudra choisir au pif. A moins qu’on ait des indications en route mais… Ca m’étonnerait. » C’est la finale. Y’a beaucoup de chance qui entrent en jeu en plus d’une bonne cohésion de groupe.

Le premier obstacle est dépassé avec succès et c’est non sans fierté que Grace peut en prendre le crédit avec son idée brillante – ou plutôt sacrément conne, parce qu'elle avait bien vu le rictus inquiet de toute l'équipe de tournage depuis le bord : ils n'étaient pas trop confiants vis-à-vis de son plan. N'empêche qu'elle les avait dépêtrés de la situation, peut-être avec des trous dans le revêtement du bateau de rafting, mais ils étaient tous sains et saufs. Grâce aux biceps de tous les participants sur le bateau, aussi, et la photographe est d'autant plus heureuse de se retrouver avec eux – oui, même Kieran – qu'elle est saine et sauve, toujours au centre de leur petite équipe, et tout le monde semble gérer l’embarcation comme des chefs. “Bravo !!!” s’exclame-t-elle en retour, soucieuse de féliciter tout le monde pour ce coup de maître.

“Et c'est reparti…” Elle le sent, le ton de son coéquipier a perdu de sa superbe alors que la route s'annonce bien plus ardue que prévu. En même temps, qui fait 30km dans de l'eau aussi imprévisible ? 30km, ça faisait combien de temps, d'ailleurs ? Étaient-ils aussi censés s'arrêter ce soir à 19h et dormir dans le bateau jusqu'au lendemain matin ? “Vous voyez des zones dangereuses à éviter droit devant ?”

Grace, prenant son rôle de plante verte très à cœur, se redresse maladroitement sur ses pieds en s'appuyant sur l'épaule de son voisin de gauche : les garçons continuent de discuter pendant qu'elle surveille, le cou tendu en avant comme un hibou en pleine chasse, et voit arriver rapidement devant eux deux chemins possibles. Le troisième, celui en face, n'est même pas considéré comme une possibilité tant la descente qui le suit semble abrupte. “T’as jinxé le truc, Kane.” fait-elle d'un ton faussement réprobateur, les sourcils pas moins froncés. Ce n'est pas tout de dire des conneries, encore faut-il savoir agir : “On part à gauche toute !!! Ou à droite, au choix ! Mais pas devant.” Elle répète pas devant plusieurs fois, comme une mantra, comme si elle pouvait invoquer la nature pour qu'elle se charge de leur cas.

win : gauche toute, où les rochers sont nombreux et le niveau de l'eau très bas
so close : on part à droite, où il va falloir pencher la tête tout le long à cause des feuilles et des racines
fail : trop tard pour décider, c’est parti pour la petite falaise

Grace se lève pour examiner ce qui va nous arriver en pleine face sur la suite du chemin. Y’a tellement de dénivelé, c’est pas évident de voir sans pouvoir non plus bouger son cul de son spot parce qu’on rame. Alors elle a beau ne pas pouvoir pagayer, je pense qu’on a une bien meilleure stratégie que les autres qui seraient tous focalisé à faire avancer le truc et peut être pas dans la bonne direction. J’aime me donner de l’espoir sur un tout petit élément insignifiant. Comment tourner ce qui a l’air d’être un poids supplémentaire à transporter en une arme stratégique décisive. Oui.

“T’as jinxé le truc, Kane.”
« Oh non tu déconnes? »

Je suis grave triste d’avoir vu juste. C’est pas l’idéale du tout ça. Est-ce que j’ai des pouvoirs? Je vois l’avenir? Va falloir faire un choix au pif car tout est absolument possible. Le début peut être tranquille et la suite le pire de tout. Ca veut pas dire parce qu’on voit un côté tranquille qu’il va l’air jusqu’au bout.

“On part à gauche toute !!! Ou à droite, au choix ! Mais pas devant.”
« Peut être que ça veut dire qu’il faut aller devant si c’est celui qu’on voudrait pas. »

Une logique totalement absurde mais je pense que j’ai pas tort non plus. La vérité c’est qu’on saura rien pour rien.  « Mais oui oui à gauche, on va pas jouer avec le feu. Enfin. Le courant. L’eau. Bref. » Je me tais je dis n’importe quoi mais le feu c’est plus mon créneau que l’eau. Moi autant que les autres mettons toutes nos forces et volontés pour aller à gauche et on fait ça beaucoup trop bien pour que ce soit normal. On gère et je n’ai pas envie de crier victoire trop rapidement parce que le cours d’eau peu changer du tout au tout. Je sais. Tout le monde sait. Comment va se dérouler la suite de ce côté là ? Je prie fort que ça aille. Je suis encore sec, comme tout le monde, je trouve que c’est ça qui montre que pour l’instant on gère. Pas de chavirage. Pas de débarquement. On avance. Dans la bonne direction ?

Win : Toujours un chemin qui a l’air tranquille
So close : Ca se corse mais ça se gère plus ou moins bien
Fail : Hello y’a de nouveau une falaise juste ici oups

Oui. Ca a l'air calme pour l'instant, mais je m'attendrais au pire pour tout le long de l'épreuve. « La gauche avait l'air d'être le bon call. » Je ferme ma bouche aussitôt après l'avoir dit. « J'ai pas envie de rejinxer le truc. Rechante nous une chanson Grace! » Pour changer de sujet précipitamment, comme si ça allait rendre l'univers confus sur ce qu'il s'est dit et qu'il ne va pas prendre en compte ce que j'ai dit.

Kane a-t-il des pouvoirs ? C'est une hypothèse qui se laisse tenter, mais qui est bien maigre sur la pratique et d'autant plus difficile à vérifier que le troupeau n'a pas grande prise sur la situation, actuellement ; et si le seul de la bande avec des pouvoirs est effectivement Kane, alors il est désormais trop occupé à flipper et à conjecturer sur leur futur incertain pour influencer le cours des choses. Ainsi voilà donc nos joyeux lurons pagayer énergiquement pour éviter la falaise qui se présente devant eux, mettant toute leur force et leur maigre savoir-faire au profit d'un changement directionnel in extremis, sous peine de renverser leur bateau pour de bon. Au final, la manœuvre s'achève sur un succès notoire : l'embarcation vire sur la gauche sur un cri de joie général, les meubles sont sauvés, les vies sont sauves.

“On a fait combien de kilomètres, vous pensez ?” ose-t-elle d'une voix fluette, presque timide.

Elle préférerait amplement que la réponse se situe autour de douze kilomètres, mais à son humble avis, cinq-cent mètres, ça semble déjà honnête.  « La gauche avait l'air d'être le bon call. » Les lèvres de Grace se pincent entre elles : avec les pouvoirs magiques du grand blond, à tous les coups, un Kraken allait sortir des quelques soixante centimètres de profondeur pour briser l'embarcation en deux et emporter les marins d'eau douce dans les (petites) profondeurs où se trouvaient de vicieuses succubes. “Hé, j'ai connu un mec qui est mort en rafting”, lance-t-elle à titre informatif, sans se douter qu'elle aussi, est en train de jinxer la chose. “Mais il était toxico et mineur, ça a pas dû aider.” Rien qui ne risquait de leur arriver, donc, n'est-ce pas ?  « J'ai pas envie de rejinxer le truc. Rechante nous une chanson Grace! » Kane sollicite une autre chanson et Grace obtempère, trop heureuse d'atténuer le froid qu'elle a jeté sur le bateau.

“D'accord, d'accord. Jolene, ça vous va ?”

Elle n'attend pas de réponse avant de s'y mettre, fière de pouvoir potentiellement être vue et appréciée par Dolly Parton (comme quoi l'idée de la célébrité ne faisait pas rougir que les inconnus qu'ils avaient abordé tout au long des 6 semaines). “Mais sérieusement, vous avez pas des histoires d'horreur de naufrag-” Elle n'a pas le temps de finir qu'un raclement se fait entendre sous leur modeste navire.

 « la finale, roa »    kane, kieran, grace, isaac & elias

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Avec naturel, les hommes se hissent en premier sur le bateau, récupérant les rames, comme si ils avaient fait ça toute leur vie, et c’est avec satisfaction, que Elias jette un rapide coup d’œil à ses autres camarades. Il connaissait plus ou moins cette activité, mais on ne pouvait pas dire qu’il en faisait très régulièrement, cela dit il avait sans aucun doute les compétences physiques, à part si le bateau décide de se faire la malle. Est-ce qu’il était possible d’ailleurs qu’ils n’y parviennent pas ? Il ne souhaitait même pas en parler, ni le penser. Elias était du genre plutôt très optimiste dans la vie, et pas grand-chose ne pourrait ébranler sa confiance en lui, qu’il avait à plusieurs reprises tenté de filer à son ancien camarade, sans succès néanmoins. C’est d’ailleurs après sa vanne qui fait rire tout le monde, sauf le dit concerné, qui le fusille – bien gentiment du regard, plutôt surpris qu’énervé visiblement. Il n’y avait pas de fond méchant, en soit, et Kieran en avait fait les frais durant trois longues semaines – peut-être avait-il prié pour que ça cesse, et que là-haut, on l’a écouté en les supprimant des candidats restants pour l’aventure. Toujours à quais, le bateau tangue déjà sous l’effet des vagues, et du poids – peut-être devraient-ils mieux répartir le poids sur le bateau pour éviter de se retrouver à la renverse. Elias ne comptait pas vraiment devoir à nager dans cet eau, mais visiblement la production adore jouer avec les nerfs de ses convives. Rappelez-lui déjà pourquoi il a accepté de revenir ? N’était-il pas bien dans son commissariat de quartier à taper des pv ou autres choses ? Et quand Isaac répond qu’ils n’ont pas choisi leur nouvelle équipe, Elias le regarde un instant, « on en serait presque déçu… » Sourire amusé, air taquin, le bateau commence à partir et tous, semblent un peu plus détendu, malgré les vagues qui viennent parfois se nicher sur la coque instable du bateau. Quelle idée ! Avant même que celui-là ne ralentisse pour finalement foncer droit, contre les rochers sur le côté. Une seconde d’inattention, et les voilà, à aller dans un rocher. Heureusement, Isaac et Grace suggèrent l’idée de pousser avec la rame, et ça semble enfin fonctionner, quand le bateau se remet en selle. « On se débrouille pas trop mal je crois… On est devant les autres non ? » C’était tout ce qui compter finalement. Elias n’en sait rien, bien trop du genre à être concentrer à ramer de son côté et à ne pas faire sombrer le bateau, parce qu’avec Kieran dans les parages, il était légèrement inquiet. Surtout qu’à la moindre vague un peu haute ou que le bateau est secoué, ce dernier pousse des cris. « Non non ! Ne commence pas ! Tout va bien se passer… » Qu’il avoue en direction de Grace, elle va leur porter la poisse c’est certain !

« C'est pas grave. » Il assure à Isaac, plus concentré sur sa douleur que sur le t-shirt réduit en lambeaux. Heureusement pour lui, ce n'est pas son préféré, sans quoi cela aurait été assurément plus grave (faux, Isaac aurait très bien pu brûler volontairement l'ensemble de sa garde-robe pour le faire réagir qu'il n'aurait quand même eu le droit qu'à un ''c'est pas grave'' pour seule réaction). Ses vêtements sont toutefois le dernier de ses soucis, Kieran n'étant pas encore à l'aise avec cette activité - qui, rappelons-le, il n'a jamais pratiquée et dont il ignorait tout simplement l'existence il y a encore dix minutes. La tension des uns et des autres semble apaisée par la chorale formée par le binôme encore en lice, jusqu'à ce que le dessinateur porte son regard sur le paysage et se fasse la réflexion que celui-ci défile de plus en plus lentement... jusqu'à ce qu'ils s'immobilisent un instant dans les rochers. Sur ordre de Grace, n'ayant pas de rame, il se contente d'utiliser l'outil que lui a refilé Isaac plus tôt pour pousser le bateau ; et c'est plutôt un succès (même s'il n'est pas tout seul). Serait-ce donc l'utilité du truc ? Raison de plus pour le garder bien en main et ne pas s'en séparer (parce qu'il peut les aider et non parce qu'il veut faire semblant d'en être capable). Kieran décroche un peu de ce qu'il se passe autour de lui sur le bateau, concentré à l'idée de ne pas remettre ça maintenant qu'ils sont repartis ; observant les alentours comme un guet, envieux de s'éviter un parcours tumultueux comme ils peuvent en apercevoir au loin - ce qui les aide à déterminer la direction à éviter et, par extension, celle à prendre. Il a perdu le fil avec ces histoires de Jinx, se contente de hausser les épaules à la question de Grace sur le nombre de kilomètres parcourus : « Pas assez, je pense. » Il a l'impression qu'il peut toujours apercevoir le point de départ, ce qui n'est pas vraiment bon signe. Il écarquille les yeux, interrompt Grace d'un « QUOI ? » Paniqué quand elle entreprend de conter une histoire d'horreur avec deux mots qui ne doivent pas être associés aujourd'hui : mort et rafting. Et même la chanson de la jeune femme ne l'aide pas à lui enlever cette idée de la tête, encore moins quand elle persiste et signe. Pas d'histoire à raconter de son côté, seulement un grand besoin de précisions. « Mais il est vraiment mort ? Pourquoi ? Comment ? Personne l'a aidé ? Il était seul ? Ils étaient plusieurs et il a pas eu de chance ? Il était où ? » Qu'il questionne afin de s'assurer que les situations sont bien différentes, échangeant un regard avec Elias qui désapprouve la stratégie de Grace. Accroché au bateau, il ferme les yeux un bref instant lorsqu'un raclement se fait entendre sous le bateau, comme une tentative silencieuse de prier le Seigneur de ne pas continuer à jouer avec leurs nerfs (ou est-ce seulement les siens ?). « Je suis à peu près sûr que pour réussir une descente en rafting, il faut un minimum d'eau, alors je présume que la production essaie de nous faire passer un message... genre, sautez à l'eau et c'est à vous de descendre à la nage jusqu'en bas, surprise. » Plus pour lui-même qu'autre chose alors qu'il se penche légèrement pour observer ce qui coince sous le bateau.

win : fausse alerte, ça repart.
so close : des cailloux, des cailloux, toujours des cailloux qui ralentissent le bateau.
fail : ils ne gagneront peut-être pas, mais ils passeront dans le journal local pour avoir fait la découverte d'un objet insolite dans cette eau, qui s'accroche et ne veut pas lâcher leur bateau.