Une pagaie en moins dans la rivière et qui risque de se retrouver dans l'océan. Un animal en plus de sauver. Une baleine peut-être qui aurait confondu l'emboue plastique de l'outil avec un poisson coloré et qui aurait souffert d'une mort lente et agonisante. Je soupire doucement à l'idée qu'il nous manque toujours une pagaie et je prie pour que celle-ci se soit retrouvée coincé entre les rochets et qu'elle y reste pour toujours. Ou alors qu'elle s'échoue sur un rivage un peu plus loin. Ou peut-être qu'elle nous rejoindra un peu plus tard, emportée par le courant et que nous la rattraperont ?

Tenant fermement la mienne entre mes mains, je n'écoute les échanges musicaux de Loan et Jack que d'une oreille distraite et lève les yeux au ciel. Celui-ci est bleu et parsemé de doux nuages. Je m'amuse à leur imaginer des formes improbable. Un éléphant par là, un crocodile là et là, c'est une souris, non ? C'est un sourire emprunt d'une douce nostalgie qui vient se dessiner sur mes lèvres alors que je me rappelle de la dernière semaine de course dans laquelle nous étions ensemble, Ivy et moi.

Notre entente était parfaite, nous avions passé plusieurs heures sur les routes à discuter, à s'amuser et à réellement apprécier la présence de l'un et l'autre. Si bien qu'il n'en fallut pas trop pour qu'Ivy accepte que nous passions par la case Camping cette nuit là. Je me suis occupé tout, j'ai monté notre tente, gonflé nos matelas et nous avons manger des fruits enveloppé dans notre duvet respectif en observant les nuages qui prenaient une teinte rosée et orangée. Comme deux gamins nous avons passé plusieurs minutes à nous extasier sur les formes singulières de ces amas blanc et doux dans le ciel.

C'est Jack qui me fait revenir à la réalité lorsqu'il commence à jouer sur son ukulele. Et mon regard se pose sur Ivy, alors qu'un léger soupire s'échappe mes lèvres. Devrais-je lui parler ? Lui dire à quel point je suis désolé ? Et que je m'en veux sincèrement ? Que mon idée n'était pas la meilleure non plus ? Je secoue la tête et décide de me taire, voyant bien que les deux femmes ont commencées une discussion entre elles et que je ne suis sans doute pas le bienvenue la dedans.

Je reste dans mon coin et Kelly a l’air de s’intéresser à ce que je dis ou ce que je fais. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que instinctivement elle me comprend un peu mieux que le reste des gens qui sont sur le raft. Je me méfie quand même, je ne la connais pas, et je viens tout juste d’apprendre comment elle s’appelait. Je fronce les sourcils, elle ne finit pas sa phrase. Peut-être qu’elle non plus elle ne connait pas la chanson. Je ris un peu quand elle me parle de pensée positive. “Il vaut mieux faire dans la pensée positive et se prendre tous les malheurs du monde à la figure ou imaginer le pire qui ne se passe finalement pas ?” Moi j’ai déjà fait mon choix depuis un moment. J’imagine le pire, et je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour que ça n’arrive pas. C’est comme ça qu’on devient Satan, on contrôle tout, et c’est exactement mon but dans la vie.

Martin se penche par dessus le bateau, et ça me démange de le pousser, de le faire plonger tête la première dans les rapides. Il n’y a pas une cascade pas loin ? Qu’il se fasse emporter par le courant. Il ramène la pagaie à Kelly, et je lève les yeux au ciel. Il n’en a pas marre de parler pollution toutes les 5 minutes. “Peut-être qu’un poisson aurait pu s’en servir pour atteindre l’océan.” Oui je lui ai adressé la parole, c’est déjà un pas vers lui non ? Mais j’aurais quand même préféré qu’il se casse la figure. “T’avais déjà fait ça avant ?” Mes mains tournent autour de moi, je ne parle pas très fort mais le trio des garçons a apparemment décidé de nous refaire la playlist complète de leurs chansons préférés. “T’as qu’à rapper !” Que je lance à la volé à Jack, je me souviens de son rap dans le van, et c’était pas fameux.

J’éclate de rire alors que Jack semble reconnaître l’air en moins de temps qu’il m’en faut pour démarrer la première phrase. Je crois que l’on a tous été bercer par ce genre de comptines lorsque l’on était gamin et celle-là reste particulièrement en tête. Les paroles sont ennuyeuses à souhait, on répète milles fois la même chose, mais au moins cela a le mérite de nous faire rire. Alors que les filles doivent bien se demander ce qui est en train de se passer, voilà que je reprends en chœur le refrain avec Jack. Je me demande bien qui est le gamin entre nous deux. Probablement both à ce rythme-là. Il joue parfaitement bien Jack, il emporte la foule (si l’on puisse dire) et tout le monde tourne le regard vers lui au moins un instant. « And the wheels on the bus goes round and round. Round and round. » C’est entêtant, c’est chiant, mais mon regard croise celui de Kelly alors que je lui souris bêtement. Ca rappelle le bus empli de gamin. Ça rappelle qu’elle a pris ma défense. C’est un souvenir qui vaut son pesant d’or, c’est important, malgré tout.

Le rythme change complètement lorsque Jack se met à jouer la proposition de chanson de l’autre Jack. Tout le monde arrive à suivre ? On passe à Jack Johnson. Comme ça, sans transition, juste pour le plaisir. J’aime cette chanson. Elle quelque peu approprié au moment. Et en une fraction de seconde, je retrouve le plaisir de faire travailler ma voix. Ma passion première, celle qui ne me quittera jamais.

« And all of these lines
Will all be erased soon
They go out with the tide
And come back with the waves soon
It's only the ocean and you »

Pour le plaisir, tout simplement. On profite du calme de la rivière. Kelly et Ivy semble faire connaissance. Martin rêvasse. Et nous on chante. L’animation tout ça. Ne dites pas qu’on est pas les meilleurs après cela. La chanson se termine, un léger silence se fait, mais j’ai déjà envie de la suite. « Aller vous chanter avec nous cette fois ? »

Win : Wannabe – Spice Girls
So close : Back for Good – Take that
Fail : I want it that way – Backstreet Boys

“Il vaut mieux faire dans la pensée positive et se prendre tous les malheurs du monde à la figure ou imaginer le pire qui ne se passe finalement pas ?” La question était classique, celle de la peur de la déception qui retenait en arrière, vous faisait traîner un boulet au pied, vous tirait par le cou comme une laisse trop courte. “Je dirais la première option. Et quand tous les malheurs du monde (rien que ça) tombent… les prendre du bon côté.” Kelly haussa les épaules avec une certaine naïveté, convaincue par chacun de ses mots. Sa magie à elle était de ne pas se laisser mettre des bâtons dans les roues. Elle savait se mettre des œillères pour arriver à la destination choisie. Cela lui avait même empêché de voir l’évidence ; que son mari était gay.

Avec un simple regard complice, Kelly approuvait le choix de chanson de Loan. C’était un peu leur revanche sur ce bus rempli de scouts qui les avait abandonnés sur le bord de la route pour cause de différend théologique. Ils n’étaient plus du tout dans un bus, soit dit en passant, mais cela n’empêcha pas Jack de prendre la suite et d’entonner le vers suivant avec entrain, puis d’enchaîner avec une chanson du choix du pseudo-capitaine.

“T’avais déjà fait ça avant ?” demanda Ivy. Un instant, Kelly se demanda si A. elle était réellement intéressée par la réponse, B. elle ne cherchait qu’à faire passer le temps, C. elle lui parlait afin d’éviter de faire la conversation avec Martin. Dans tous les cas, Lee se prêtait au jeu. Après tout, elle et Ivy n’avaient pas eu l’occasion de faire plus ample connaissance. “Jamais, ça ne me serait jamais venu à l’idée. Ni de faire du saut à l’élastique, ni de manger de la cervelle de mouton… Mais eh, c’est pour la télé, hein ?” Dans le fond, ils savaient tous pour qui ils avaient signé.

« Aller vous chanter avec nous cette fois ? » Il insistait Loan, chanter était sa passion, et si lui savait parfaitement le faire et l'avait déjà prouvé, Kelly, elle, campait sur sa position. Encore plus lorsqu'ils débutèrent un morceau des Backstreet Boys. Non, vraiment, elle n'avait pas eu la jeunesse adéquate pour ce genre de musique.

Il fait chaud. Maintenant que le stress est passé et que nos habilles commencent à sécher, je me rend compte à quel point il fait chaud aujourd'hui. Bizarre pourtant. Ne sommes-nous pas en hiver ? L'hiver Australien est, certes, plutôt clément en général par rapport aux autres endroits que j'ai pu visiter, mais tout de même ! Il fait au moins 26°c là, non ? C'est bien trop pour la saison. Et tout c'est grâce à quoi ? Au réchauffement climatique. Il est là, bien présent. Et encore une fois on le remarque. Je soupire, je souffle et je secoue la tête en essayant de pas y penser.

Mais j'y reviens, encore et toujours. Nous voguons, certes, sur une rivière qui traverse des endroits sauvages et paradisiaque. La terre est rouge comme partout dans l'outback, les arbres qui entoure l'eau sont majestueux et d'un vert bien profond, les pierres creusé par l’érosion de l'eau et du temps sont somptueuse. Et pourtant, je mettrais ma main au feu que le fond de l'eau est jonché de détritus en tout genre. Du plastique, des conserves, de la féraille, sans doute aussi des liquides  chimique et peut-être même du nucléaire. Les australiens ont beau vouloir faire croire que leur pays est super écologique et qu'ils vivent en communion avec la nature, fait est que c'est un des pays les plus pollué et le plus pollueur du monde.

Je cligne plusieurs fois des yeux et ressors de mes pensées lorsque Loan entône du Backstreet boys. Dans un grimace de dégout, je dévie le regard et tente de les ignorer, avant de prendre les devants avant que mon meilleur ami ne choisisse une autre chanson de merde  «T'as pas du 80s dans ton répertoire ? » lançais-je à Jack, sourire  

WIN : Bonnie Tyler – holding on for a hero
SO CLOSE : Wham- Wake me up before you gogo
FAIL : ABBA - Mammamia

Le capitaine a des goûts qui sont relativement à propos, et c’est bel et bien le sourire radieux et solaire de Loan qui motive Jack à poursuivre, un autre Jack qui se joint momentanément à eux avec le Johnson ajouté en nom de famille.

Le ukulele suit comme un charme, les vagues pareil, et c’est le plus zen du monde que le musicien entame la chanson suivante d’une playlist qu’ils se montent un peu pas mal au gré des envies de tous et chacun. Le karaoke est guidé par les notes qu’il multiplie, retrouve et recherche, sa voix s’accordant à celle du capitaine-ish pour sa chanson, mais désormais à Loan pour la sienne.

You are my fire
The one desire
Believe when I say
I want it that way
But we are two worlds apart
Can't reach to your heart
When you say
That I want it that way

C’est sans la moindre gêne que les chœurs sont sa partie préférée, lui qui ne pousserait jamais la blague jusqu’à faire la chorégraphie (mais qui la connait forcément par cœur et mentalement parlant il la réussit parfaitement).

“T’as qu’à rapper !” que Ivy mentionne et direct il remonte le gars, il remonte au van et à leurs potes hippies, il s’en rappelle comme si c’était hier et sa mémoire est nettement rassurée de voir qu’il n’est pas du genre à oublier ce genre de moments aussi simplistes qu’heureux. « Si je rappe il faudrait que tu joues. » qu’il chuchote à l’oreille d’une Kelly doucement attentive, elle qui a le rose aux joues fort probablement parce que la course continue et que la ligne d’arrivée se rapproche de plus en plus. « Pas ma faute, je dois me concentrer et tout. Je te montre? Tes doigts sont gelés. » anticipant (espérant) un oui, il s’avance même, espiègle, glissant avec toute la délicatesse dont il est capable son ukulele sur ses genoux, attrapant docilement sa main au passage.

«T'as pas du 80s dans ton répertoire ? » tentative de leçon musicale avortée, il éclate de rire, Wham se proposant à lui sans qu'il n'ait même besoin d'y réfléchir.  « Wake me up before you gogo ça te va? »

Jack se pencha à son oreille, le souffle chaud près de sa nuque se mêlant avec le frisson froid qui raidit l’échine de la brune sous le coup de la surprise. En une seconde, elle ne se souvenait plus de ce dont elle parlait avec Ivy. « Si je rappe il faudrait que tu joues. - Que je, quoi ? Hein ?” Elle bafouille, les joues roses, comme une ado qui vit son premier amour de colonie de vacances. Il n’y avait pas vraiment, de ça, chez les scouts. Les garçons étaient plus occupés par la construction de cabanes, la pêche, ah, et les lectures de la Bible. « Pas ma faute, je dois me concentrer et tout. Je te montre? Tes doigts sont gelés. - Euh, d’accord, okay.” Sans hésiter, il lui confie son instrument, et elle pose ses mains dessus comme si on lui confiait le Saint Graal en personne. Elle n’était pas du genre maladroite, pas du genre à laisser tomber le ukulélé, mais avec ses mains soudainement moites et les rapides, plus rien n’était certain. Kelly espérait un moment privilégié, et cela fut ruiné par Martin et sa commande de chanson. “Mais…” elle souffla, la voix étranglée, forcée de rendre l’instrument. Tant pis. Son regard resta posé sur Jack qui entreprit une chanson de Wham. Puis elle sentit quelque chose glisser sur ses cuisses. “LA RAM-...” Trop tard. Encore une fois, la pagaie avait rejoint le courant -sous le regard jugeant de Martin. “... Oups.” Plus rouge encore que la seconde précédente, Lee se retrouvait bredouille à nouveau. Tandis que tous chantaient et qu’elle n’osait toujours pas, elle regarda Loan qui semblait passer le meilleur des moments -et qui connaissait toutes les chansons par coeur tel un véritable jukebox ambulant. Elle, on ne l’avait jamais mise au courant que Georges Michael était gay.

Les Backstreet Boys. Tout ma vie cette chanson. J’avais neuf ans quand la chanson est sortie, autant dire qu’à l’époque je trouvais ça juste cool. Puis j’ai redécouvert bien plus tard, lorsque j’étais adolescent. Et le clip m’a clairement donné des coups de chaud. Mon premier crush de gamin sur Brian, que je trouvais si beau et si talentueux. Cette chanson que je hurlais à plein poumons dans ma chambre, en voiture, sous la douche. Oh je l’ai soûlé avec ça Martin et c’est bien pour ça que je le vois lever les yeux au ciel à l’instant précis. « Oh aller ça rappelle de bons souvenirs. » Et je serais prêt à jeter mes bras en l’air, à me dandiner dans tous les sens si l’ont était pas complètement coincé dans ce bateau. « Tell me whyyyyyy. » J’y met tout mon cœur, mon âme et mes tripes. Je me fiche que l’on passe à la télévision, que Kelly me prenne définitivement pour un extraterrestre ou Ivy pour un taré. J’ai décidé que j’allais pleinement profiter de ma dernière semaine et si cela doit passer par un bœuf entre Jack et moi, ainsi soit-il. Il est bonne patte, le musicien, enchaîne les tubes sans se poser de questions, tente même d’intéresser Kelly à la chanson. Elle a les joues un peu rougies ma coéquipière et de loin je les observe tous les deux. Serait-elle un brin moins coincé que ce que je pensais ? « Wake me up before you gogo ça te va ? » Oh je pourrais l’épouser rien que pour le choix de la chanson. Je me contente de lui faire un hochement de tête, ne voulant pas non plus trop m’afficher. Je le laisse faire avec Kelly et me tourne vers Martin en faisant danser mes sourcils. « Wake me up, before you go go. » Je le taquine un peu. « Tu te souviens ? » On avait 15 ans, je faisais du théâtre plus que jamais et parfois je le forçais de danser avec moi. Je chante encore un peu à tue tête et mon regard croise celui de Kelly. Un sourire et je m’adresse à elle. « Eh partenaire. Un petit coup de chanson de scout ? » Pour faire table rase, pour plaisanter de nouveau.

Ivy m'a adressé la parole. Pour dire une connerie, clairement, mais le fait qu'elle se tourne vers moi et qu'elle me parle d'elle-même, n'est-ce pas une invitation pour enterrer la hache de guerre ? J'allais répondre, mais au final elle se tourne à nouveau vers Kelly pour lui parler et je soupire, déçu et embêté d'avoir raté le train en cours de route.

Loan lui, il chante du backstreet boys et je roule des yeux alors qu'il me taquine en me disant que ça rappelle de bon souvenirs  « Je me souvient de la fois où je t'ai surpris devant le poster de Brian Littrel entrain de...» Te branler allais-je ajouter mais je me retiens à temps ne voulant pas non plus exposer toute la vie privée de mon meilleur ami devant les gens que ça n'intéresse pas.

Je lance un coup d'oeil à Kelly qui, fort heureusement, n'a pas entendu un seul mot de ce que j'ai dit -ou alors elle cache bien son jeu!- bien trop occupé à rougir comme un adolescente face à Jack. J'ai comme l'impression que les deux sont entrain de crusher l'un du l'autre. Mais mon regard, lui, est bien rapidement porter par la rame qui glisse des genoux de Kelly  « ATT - !» m'exclamais-je, effaré, avant de soupirer lorsque la pagaie tombe à l'eau dans un plouf sonore.  « Mieux vaut ça que toi ou le ukulele» dis-je en haussant les épaules avant de me remettre à ma place  « Et peut-être que du coup le poisson trouvera son embarcation pour rejoindre la mer» ajoutais-je en posant mon regard sur Ivy. Dos à moi, je me doute toutefois qu'elle a bien compris que ma phrase lui était adressé. Et lorsqu'elle se retourne pour regarder au dessus de son épaule, je lui offre un doux sourire, espérant que ça compte comme début de demie excuse.

Je ne sais pas pourquoi je parle avec Kelly, c’est sûrement parce qu’elle est la seule fille, et que j’ai envie de tout faire sauf chanter ou discuter avec Martin. Il m’ignore, je ne sais pas ce qu’il pense de tout ça. J’ai pas envie de le savoir pour le moment, je ne tournerai pas la tête vers lui, même si je me demande ce qu’il peut bien être en train de faire. Il a voulu jouer sur l’humour, son humour que j’ai pas trouvé drôle sur le moment. Mais c’est toujours comme ça avec Martin, on doit passer à peu près 90% de notre temps à nous engueuler. Je fronce les sourcils, comment c’est possible d’être aussi positif, ou de penser de cette manière ? Je ne comprends pas ce genre de personne.

On continue de discuter un peu, en essayant d’ignorer le reste de l’équipe. Il n’y a vraiment qu’eux pour faire un truc pareil. J’écoute Kelly, il s’est vraiment passé tout ça la semaine dernière ? Quelle horreur. “Ok je suis presque contente d’avoir été éliminé.” Je croise les bras sur la poitrine et je soupire, cette épreuve n’est vraiment pas ma préférée. Il fait quoi là Jack ? A quoi il joue ? Pourquoi c’est le professionnel du changement de comportement ? il m’épuise. Il est con, qu’est ce qu’il peut être con. C’est dommage, je m’étais calmée un peu. Jusqu’à ce qu’il commence à chuchoter à l’oreille de la brune que j’apprécie de moins en moins. Oh un cours de guitare ? Il veut peut-être qu’on les laisse là histoire qu’il puisse se la taper avant la fin du parcours. Martin les coupe, et je ne peux pas m’empêcher de sourire. Mais Jack se prend un regard noir, encore un. Il commence à être habitué non ? Un jour c’est le seul regard qu’il aura venant de moi à vie. “Oh te gêne pas pour nous.” Ma tête qui se penche légèrement, il propose une nouvelle chanson le con. J’ai envie de lui faire manger son ukulélé. Kelly a l’air d’une adolescente bouffée par les hormones, seigneur c’est pathétique.

Martin s’adresse à moi et c’est déjà mieux, je peux détourner mon attention des deux cons de devant. Oui je préfère encore juger les choix de chanson des garçons plutôt que de voir Jack roucouler avec le monde entier. Décidément dès que ça porte une paire de sein ça a l’air de l’intéresser. Je me retourne pour faire face à mon binôme. Il sourit, je fronce le nez. Il pourra faire bien mieux comme excuse.

- Que je, quoi ? Hein ?”
« C'est que trois cordes, c'est rien, ça ira super bien. »
- Euh, d’accord, okay.”
« T'es une naturelle. »

Il ne les sent pas du tout, les regards braqués sur eux, son regard à lui braqué sur elle depuis la seconde où elle a cédé une part, même minime, de terrain sur ses cuisses et contre ses paumes. Il prend ce qu'on lui donne, jamais plus.

Ses doigts se placent parfaitement sur les cordes, il est à même de lui demander si elle joue de la guitare reconnaissant quelques bribes qui le lui suggèrent. Trop occupée à désormais lui montrer le plus simplement du monde les dites trois notes promises, il s'amuse comme un gamin à la voir froncer légèrement des sourcils le temps de mémoriser ce qu'il ne doute pas une seule seconde elle serait en mesure de gérer.

“Mais…” la chanson de l'un coupe l'élan des deux autres, ce n'est que parti remise quand il s'assure de lui offrir le plus rassurant des sourires, cherchant déjà à la prochaine chanson qu'il lui enseignera rien que pour qu'elle puisse penser à autre chose qu'aux rapides qu'on voit nettement de plus en plus se rapprocher d'eux et de leur embarcation. “LA RAM-...” mais c'était avant que la RAM- se retrouve par-dessus bord, un “... Oups.” compilant le décompte bientôt de la négative des dites rames du dit radeau. Son idée de ramer avec les bras sera peut-être leur dernière option, qui sait.

“Oh te gêne pas pour nous.” le regard noir qu'elle additionne à ses paroles n'augure rien de bon. Lui, il tente juste d'être chill, il ne force rien, demandant d'un coup d'oeil bref et complice à Kelly s'il peut donner l'une de ses précieuses bouteilles de vin restantes à la Waterhouse le temps qu'elle souffle et relaxe un peu elle aussi. « Ivy, t'as pas choisi de chanson encore. » on a les terrains d'entente qu'on peut, dans ce bas monde.

« Je me souviens de la fois où je t'ai surpris devant le poster de Brian Littrel entrain de... » Je rougis comme jamais alors que Martin semble oublier, le temps d’un instant, que la caméra est clairement braquée sur nous. « Mais ta gueule Martin ! » Je ne veux pas être méchant, mais je fais exprès de parler plus fort que lui. D’une pour que Kelly ne nous entende pas, elle semble ne pas trop m’en vouloir depuis l’épisode du bus et je voudrais que ça reste comme ça. Le plus longtemps possible en tout cas. Heureusement, Martin ne lâche pas mon secret et je peux respirer un peu plus tranquillement alors que j’observe Jack donne un cours privé à une Kelly qui ne cesse de rougir. Par acquis de conscience, je laisse mon regard passer au-dessus d’eux pour m’assurer que les rapides ne nous ont pas rattraper. L’eau semble encore claire et calme, nous avons quelques minutes de répit devant nous. Je donne quelques coups de rame pour la beauté du geste alors que ma coéquipière perd de nouveau la sienne. Je ris un peu et mon regard tombe sur Ivy qui semble prête à dévorer le monde entier, mais surtout Epstein. Est-ce que ce serait de la jalousie que je décèle ?

“Oh te gêne pas pour nous.” « Ivy, t'as pas choisi de chanson encore. » J’attends que la jeune femme propose quelque chose, mais elle ne semble pas très encline à pousser la chansonnette notre petite blonde. Ne voulant pas la laisser seule dans un coin et alors que Martin semble encore rêver à je ne sais quoi… « Tu pense a ton bonhomme ? » que je demande en souriant, pensant à mon filleul qui sera si fier de son papa. Puis, je me tourne vers Ivy. « J’aime vraiment beaucoup ta tenue. » Il y a de la couleur, du graphisme, un peu de brillant aussi. « Tu aimes la mode ? » Dis-moi que oui, dis moi que l’on va se trouver un mini terrain d’entente, a parler make up et fringues. Même si cela risque de choquée Kelly pour le reste de sa vie à m’imaginer maquillé (volontairement et pas pour un rôle) et avec du vernis sur les ongles.