Chained heart
@Rudy Gutiérrez & Lena Edwards

En prison. Jamais elle ne s'était imaginée passer ces portes et entrer dans une telle bâtisse, mais elle y était pourtant, Lena. Elle savait qu'autour d'elle tout n'était pas rose, que certaines de ses connaissances avaient un passé ou une seconde vie criminelle, et pourtant, jamais elle n'aurait pensé devoir passer cette épreuve. Mais elle était bien là, et pas pour n'importe qui. Rudy. Elle l'a cru mort et enterré, parti au Mexique ou ailleurs. Elle l'a cru entouré de merveilleuses femmes, loin d'elle. Elle avait malgré tout entendu des rumeurs, Lena, disant qu'il était emprisonné, mais elle savait que si ça avait été le cas, il l'aurait prévenu Rudy. Qu'il comprenait qu'il n'avait aucune honte à avoir envers elle, que pour lui elle aurait supporté tous les secrets du monde, même les pires. Elle en était persuadée de tout cela et pourtant, les rumeurs étaient vraies. Elle était passée par de nombreuses émotions dès l'instant où Rudy ne donnait plus signe de vie. A l'image d'un deuil elle était longtemps restée dans le déni, persuadée qu'il reviendrait, qu'il ne pouvait pas lui faire ça. Que malgré tous ses défauts, il ne pouvait pas la faire souffrir, pas elle. Mais depuis qu'elle avait compris qu'il ne reviendrait pas, elle était restée coincée dans une phase de colère intense. Colère qui avait très vite resurgit au moment où elle ouvrit ce courrier, où elle comprit que celui qu'elle aimait était à moins de cinquante kilomètres d'elle - qu'elle aurait pu être là pour lui, mais qu'il avait préféré ne plus l'avoir dans sa vie. Elle avait décidé, malgré ces ressentiments, de venir à sa rencontre. C'est donc poussée par sa curiosité qu'elle avait passé les portiques de sécurité de la prison fédérale.

Son regard voguait autour d'elle, observant machinalement la pièce et ceux qui la composaient. Les vigiles, attentifs au moindre détail, donnaient un air sinistre à cet endroit déjà peu chaleureux. Les quelques autres détenus, disséminés d'une table à l'autre, faisaient face à des regards attendris, de pitié de la part de ceux qui étaient venus les voir. La blonde, elle, n'avait aucune pitié dans les yeux. C'est un mélange intense de colère qui lui prit aux tripes alors que Rudy fit son entrée, qu'il fut installé juste face à elle par deux vigiles. Elle n'était pas à sa place, Lena. Elle ne s'y sentait pas, et l'on voyait qu'elle n'était pas une habituée des lieux comme les autres femmes qui venaient voir leurs copains, frères, parents. D'ailleurs, elle s'était promis que ce serait sa première comme sa dernière visite en prison. Salut. Alors... c'est là que tu te cachais. La rancoeur et la tension étaient presque palpables. Elle détestait cet homme parce que lui aussi, il avait disparu. Lui aussi, il l'avait abandonné sans rien dire, sans prévenir. Pas un mot. Pas un message. Rien qu'un grand vide inexpliqué, laissant l'écossaise seule, brisée, à bout de souffle. Des larmes lui vinrent presque à perler dans ses yeux mais elle se retenait, Lena. Impossible pour elle de se montrer sensible, il ne le méritait pas. Elle avait beau se demander pourquoi il avait atterris ici, s'imaginer ce qu'il avait bien pu vivre en cet endroit, rien ne pouvait paraître face à cette colère qui la rongeait. Je peux savoir pourquoi me contacter que maintenant ? T'as deux ans de retard, pour info. Ses mots résonnaient, pleins de haine. Pourquoi, après tout ce temps, Rudy avait-il gentiment décidé de donner des nouvelles ? Pourquoi l'avait-il laissée si longtemps sans signe de vie pour revenir un beau jour, pour lui envoyer cette lettre dont elle se serait bien passée ? Parce qu'elle s'en serait bien passé, Lena, de ce courrier. Elle était dans une phase de reconstruction, après tout ce qu'elle avait pu vivre ces dernières années. De multiples abandons venant de personnes toutes différentes, famille et amis l'avaient détruite intérieurement. Tout ce qu'elle demandait était un peu de répit pour pouvoir avancer, cesser de regarder en arrière, cesser de souffrir. Mais il semblait bien que la vie en avait décidé autrement, si tant est qu'elle ne faisait que retomber sur ceux qui l'avaient abandonnés, rouvrant à chaque fois une nouvelle cicatrice, compliquant encore un peu plus son parcours de rédemption.

Il souffle longuement face à la grande porte vitrée, celle qui mène à la salle où les détenus peuvent recevoir des visites. Avant il y avait une vitre entre lui et ceux qui venaient le voir, aujourd’hui il a le droit à un peu plus de liberté. Il va bientôt sortir et il n’est plus violent – du moins c’est ce qu’ils disent. Le gardien l’a réveillé ce matin en lui disant qu’il allait avoir une visite aujourd’hui, il a été étonné – quand sa mère est partie la dernière fois, elle lui a dit qu’elle ne reviendrait plus. Le vigile n’a pas tardé à lui préciser qu’il ne s’agissait pas de sa génitrice mais d’une certaine Lena Edwards. Il a senti son cœur s’emballer dans sa poitrine parce que même s’il a écrit quelques mots sur un papier il y a quelque temps, il ne s’attendait pas à la revoir de sitôt. D’ailleurs, il ne s’attendait pas à la revoir du tout. Il lui disait à l’intérieur de cette lettre qu’il avait été incarcéré, qu’il n’avait pas envie de s’étaler dans ce courrier mais qu’il préférait la prévenir. Il a osé écrire « pour que tu ne t’inquiètes pas », dans une orthographe incorrecte, dans des pensées malsaines. Elle s’est inquiétée, il le sait, elle s’inquiétait toujours, avant. Il ne pensait pas qu’elle allait trouver le courage de venir le rejoindre en ces murs, de lui faire face. Et lui, ce courage, il ne sait pas réellement s’il l’a. Pourtant les gardiens poursuivent leur escorte et le poussent jusqu’à la table où est installée Lena. Le brun s’assoit face à la pression exercée sur ses épaules et tend ses mains pour qu’on lui rende sa liberté de mouvements – au moins le temps de quelques minutes. Ils s’exercent et se reculent d’un pas, d’un seul, il n’y a pas d’intimité ici. Salut. Alors… c’est là que tu te cachais. Elle parle la première, ce n’est pas une habitude qu’ils avaient. Dans leur couple, il était celui qui lançait des idées à tout va, elle était celle qui restait en retrait. Il était le roi du monde, parce qu’il l’avait toujours à ses côtés. Il fronce les sourcils en posant ses yeux sur elle, enfin. Son visage n’a pas changé en deux ans, elle se maquille toujours de la même manière, elle est toujours aussi belle. Je peux savoir pourquoi me contacter que maintenant ? Tu as deux ans de retard, pour info. Il a fait exprès de ne pas répondre tout de suite, à une époque elle restait suspendue à ses lèvres jusqu’à ce qu’il daigne lui répondre. Aujourd’hui, elle ne semble plus avoir cette patience et enchaîne. Elle est la même, pourtant tout a changé entre eux. Bah j’peux t’dire qu’t’es bien nulle à cache-cache. Il préfère tout prendre à la légère, comme à son habitude. Suffisait d’te renseigner un peu mieux pour savoir que j’étais là, ma mère l’savait. Et elle connaît sa mère, du moins, elles ont déjà pu s’apercevoir. Une relation étalée sur autant d’années, ça laisse des traces dans la vie d’un garçon, et une maman est toujours au courant. Il hausse ses épaules. J’pense que t’étais pas tant concernée, finalement… t’étais avec c’type ? Il parle de l’homme qu’il a frappé, celui qui a porté plainte, celui à cause duquel il a passé autant de temps derrière les barreaux. Il peut lire l’incompréhension sur son visage, elle ne sait pas de quoi il parle. Si j’suis là, c’est d’ta faute, c’est pour toi. C’est tout ce que t’as à savoir. Il cherche à la culpabiliser, à se délester d’un poids. S’il a agressé un homme, s’il n’a pas fait les bons choix, c’est parce qu’il était aveuglé par l’amour, aveuglé par la jalousie, aveuglé par la haine, aveuglé par elle. Mais j’te rassure j’sors que dans quelques années, t’as l’temps de t’y faire et d’accepter. Accepter de porter son fardeau, parce qu’il le lui refile avec un grand intérêt. Il ment, il a l’habitude de mentir : il sortira dans quelques semaines seulement. Il est le seul à posséder la vérité, dans cette pièce, avec les gardiens. Eux n’ont pas le droit ni l’envie de s’immiscer dans la discussion, alors il abuse de ce qui est vrai pour additionner ce qui est faux. Il veut qu’elle ait pitié, qu’elle ait honte, qu’elle s’en veuille. Il veut des ressentis, des sentiments, parce qu’au fond, il la veut elle.

@Lena Edwards

Chained heart
@Rudy Gutiérrez & Lena Edwards

Il était là, juste face à elle. Son cœur semblait s'être arrêté sous le poids des mille émotions qui se bousculaient en elle à cet instant. Deux ans sans le voir, et il n'avait presque pas changé. Surprenant, lorsqu'on imagine ce qu'il avait pu vivre confiné dans une cellule, et pourtant il était toujours là, lui faisait toujours l'effet qu'il lui avait toujours fait à Lena. Sauf que deux ans après, elle avait bien trop changée pour se laisser attendrir, pour se laisser avoir comme à l'époque où lui menait la danse. Non, elle ne se laisserait plus faire et Rudy avait dû bien le comprendre en la voyant s'affirmer autant face à lui. Elle était de toute manière beaucoup trop remontée pour se laisser attendrir en quoi que ce soit à cet instant précis. Et malgré tout ce qu'ils auraient pu se dire pendant ces retrouvailles si touchantes, le brun se contentait de sarcasmes. Comme si, en deux ans, il n'avait rien trouvé d'autre que ça à lui répondre. Toujours et encore de l'ironie. Bravo. Je vois que la prison ne t'auras pas rendu plus mature. Elle leva les yeux au ciel, déjà exaspérée de son immaturité, de son comportement en général. Il avait raison en un sens, elle aurait pu faire plus de recherches la blonde, aurait pu faire plus pour le retrouver - elle s'en rendait compte à présent. Mais, lorsque ses nombreux efforts avaient tous finis par échouer, elle avait dû se rendre à l'évidence : il l'avait abandonné pour sûr. Les innombrables situations décevantes qu'elle avait vécue avaient sans doute aider à son sentiment de victimisation constante, mais en réalité elle avait déjà eu tant de mal à accepter leur séparation que d'imaginer autre chose l'aurait fait beaucoup trop souffrir. J'ai appelé ta mère plusieurs fois. Elle ne m'a jamais répondu. J'imagine qu'elle devait être si fière de toi qu'elle ne savait plus où se mettre. Piquante, dure, la vie l'avait rendue ainsi l'écossaise et sa relation avec Rudy était l'une des étapes qui l'avaient tant endurcie. Il faut dire aussi que l'entourage de la blonde n'avait pas aidé aux recherches, lui répétant sans cesse qu'elle était bien mieux sans Rudy dans sa vie ; qu'elle se reconstruirait bien plus facilement sans une telle déchéance auprès d'elle. De nombreux facteurs étaient entrés en jeu dans cette situation, et pourtant c'est à lui qu'elle en voulait le plus. Après tout, c'était Rudy qui avait omis de donner des nouvelles, qui s'était sorti de sa vie sans prévenir. Il fallait qu'elle s'en souvienne, qu'elle se le remette bien dans l'esprit, ou les mots de Rudy risquaient de lui retourner les pensées comme il l'avait déjà fait bien souvent. Quoi ? Quel type ? Mais de quoi tu parles Rudy ? Elle ne comprenait rien à ce qu'il disait Lena mais il continuait à parler, l'accusant de son incarcération. Comment sa présence ici pouvait bien être de sa faute à elle ? Qu'avait-il fait à "ce type" dont il parlait ? Ma faute ? Mais je t'ai rien demandé en fait. Qu'est-ce que t'as fait, hein ? Et combien de temps tu dois encore rester là ? Elle n'en revenait pas de la tournure de la situation - quoi qu'en y réfléchissant elle ne savait pas à quoi s'attendre en mettant les pieds ici. Il fallait bien se douter, pourtant, que les retrouvailles ne risquaient pas d'être faciles. Elle plongea son regard dans les prunelles sombres de celui qu'elle avait tant aimé, celui qu'elle avait eu tant de mal à oublier - et qui était encore bien trop présent dans son esprit, elle s'en rendait compte maintenant. Elle garda néanmoins son sang froid, même si une pointe d'inquiétude venait se mêler à sa voix. T'as toujours pas répondu à ma question. Pourquoi me contacter maintenant ? Tu aurais très bien pu continuer ta petite vie sans moi, vu qu'à tes yeux j'en ai rien à faire. Ce qui était très faux. Lena avait besoin d'aller droit au but. Elle estimait avoir le droit d'obtenir des réponses concrètes, de connaître la vérité. Et si son ex n'était pas prêt à les dire, elle avait le droit de quitter cet endroit sans se retourner un instant. Parce que très franchement, si la seule raison de ta lettre c'était de me faire culpabiliser, j'ai aucune raison de rester là.

Elle n’est pas ici pour s’assurer de son état physique ou mental. Elle n’est pas ici pour savoir comment se passe la vie carcérale, comment s’appelle son codétenu, qui est son gardien favori. Elle est ici pour obtenir des réponses aux questions qu’elle a dû se poser un millier de fois, là-bas, à l’extérieur. Il détient toutes les réponses, ça lui donne un avantage certain sur elle. Elle veut se montrer détachée, peu intéressée, mais elle est là pour cette raison, uniquement celle-ci : alors elle ne pourra pas se jouer de lui, c’est lui qui a tous les pouvoirs. L’homme derrière les barreaux est finalement plus libre que celle qui a toutes les libertés, parce qu’il est soulagé d’un poids, il a la conscience tranquille, il sait tout. Toujours et encore de l’ironie. Bravo. Je vois que la prison ne t’auras pas rendu plus mature. Il hausse ses épaules, détourne le regard. À une époque ça t’plaisait bien que j’réponde comme ça aux autres. Faut croire que tu sais pas c’que tu veux, Lena. Ça lui fait quelque chose de prononcer son prénom, il l’admet intérieurement. Ça lui fait quelque chose de l’avoir en face de lui, de pouvoir la regarder, l’entendre, ne pas la toucher pour autant. Ça lui fait quelque chose et il ne saurait pas le décrire, il ne saurait pas mettre un nom là-dessus. Mais elle continue de le faire ressentir et ça, c’est plutôt bon à savoir. J’ai appelé ta mère plusieurs fois. Elle ne m’a jamais répondu. J’imagine qu’elle devait être si fière de toi qu’elle ne savait plus où se mettre. Il porte de nouveau son regard sur elle, il se veut plus dur, il ne pardonne plus rien : elle n’a pas le droit de lui parler ainsi, de parler de sa mère comme si elle la connaissait. Elle est piquante, elle tape là où ça fait mal. Parce qu’elle le connaît, Rudy, elle sait à quel point il est attaché à sa génitrice et à quel point il s’en veut de lui avoir fait tout ce mal. Même si elle ne connaît pas les raisons de son incarcération, ce détour en prison est une évidence aux yeux de toutes les personnes qui connaissent Rudy : c’est la pire chose, car sa mère ne lui pardonnera jamais. J’t’interdis de me parler d’elle comme ça, tu t’prends pour qui ? Remets pas tes fautes sur elle, si t’as pas su te démerder pour la contacter, c’est pas son problème, c’est l’tien. Il fait de son mieux pour ne pas trop s’énerver, il sait qu’il est écouté et qu’on l’obligera à s’en aller s’il hausse un peu trop le ton, s’il tape sur la table, s’il a des propos menaçants. Il ne peut pas dépasser la limite alors qu’elle n’a pas hésité une seule seconde avant de la franchir, elle. Quoi ? Quel type ? Mais de quoi tu parles Rudy ? Elle a l’air de ne pas savoir, l’air seulement. Parce qu’elle sait, parce qu’il est là à cause d’elle. C’est ce qu’il se dit depuis le jour où on a refermé les portes de sa cellule sur lui, depuis le jour où il a eu du sang sur les mains. C’est de sa faute, c’est elle qui l’a rendu fou, fou d’énervement, fou d’elle, mais fou dans tous les cas. Ma faute ? Mais je t’ai rien demandé en fait. Qu’est-ce que t’as fait, hein ? Et combien de temps tu dois encore rester là ? Il soupire bruyamment, comme un enfant à qui on aurait refusé une nouvelle console. Tu l’fais exprès de rien capter ? Tu te souviens de notre dernière soirée tous les deux ? C’type que tu frottais là, parce que t’avais accidentellement, il paraît, renversé ton verre sur lui ? Tu t’souviens de la suite ? Il lui avait écrasé son cendrier sur le crâne et l’avait frappé jusqu’à ce qu’on le sépare de lui. Il était reparti après lui avoir dit qu’il était sûr que ça lui faisait plaisir, au fond, et l’homme était resté inerte au sol. Une agression qui lui a valu quelques années ici, mais pas autant qu’il le suggère. Pourquoi devrait-il lui dire toute la vérité ? J’ai encore un peu d’temps à tirer, c’est tout. T’es tranquille pendant c’temps. Sous-entendu que, dès sa sortie, il retournera vers elle. Comme un aimant bien trop attiré, comme si elle était son centre gravitationnel et qu’il était obligé de foncer droit vers elle. T’as toujours pas répondu à ma question. Pourquoi me contacter maintenant ? Tu aurais très bien pu continuer ta petite vie sans moi, vu qu’à tes yeux j’en ai rien à faire. Il fronce les sourcils, pas certain de vouloir répondre à cela. Parce que très franchement, si la seule raison de ta lettre c’était de me faire culpabiliser, j’ai aucune raison de rester là. Il ferme les yeux durant quelques – longues – secondes, sa jambe tremble. Signe de nervosité, d’énervement, de tentative de garder son calme. Ici, il a dû apprendre à gérer son impulsivité pour ne pas s’en prendre à la première personne venue, pour ne pas subir un rallongement de peine. Parce que tu ressens aucune culpabilité, ça t’fait rien de vivre ta vie tranquille dehors quand j’suis enfermé ici depuis deux putains d’années ? S’il en avait le droit, il se serait penché sur la table pour qu’elle ne puisse pas fuir son regard. Car il ne peut pas bouger, il se contente de fixer ses yeux bleus dans ceux de Lena. J’voulais te tenir au courant mais si vraiment t’as rien dans l’cœur qui t’force à te sentir un minimum désolée, tires-toi, j’ai mieux à faire que de te retenir. Il avait également mieux à faire que de lui écrire, il ne le dira pas. Il a fait un pas en avant et même s’il se met des bâtons dans les roues lui-même en lui parlant de la sorte, c’est un appel à l’aide, c’est qu’il a toujours besoin d’elle. Mais Rudy Gutiérrez n’est pas un homme qui sait formuler ces sentiments-là, n’est pas un homme qui souhaite les ressentir. Alors il tente de tout saccager, comme toujours, en parlant, en crachant des mots qu’il ne pense pas réellement.

@Lena Edwards

Chained heart
@Rudy Gutiérrez & Lena Edwards

La tension montait rapidement entre Lena et Rudy. Elle voyait à son visage qu'il perdait patience alors qu'elle parlait de sa mère, point qu'elle savait particulièrement sensible pour le jeune homme. Mais elle s'était volontairement voulue piquante et cruelle, la blonde. La vapeur s'inversa rapidement alors qu'il trouva le moyen de l'accuser elle de tous leurs maux. Elle avait fini abandonnée par sa seule faute selon lui, les actes l'ayant mené en prison n'étant que le résultat de ses actes à elle, des actes de cet inconnu qui s'était montré au mauvais endroit au mauvais moment. Rudy qui en parlait, ça ravivait des souvenirs qu'elle avait enfoui bien loin dans son esprit. Elle se rappelait des cris de ceux qui voyaient la scène, du bruit sourd du cendrier sur le crâne de cet homme, et du sang. Du sang qui coulait de ses plaies. Elle se rappelait aussi du regard impitoyable que le brun avait jeté, de sa violence telle que même Lena s'était sentie effrayée et impuissante. Elle était là, s'étouffant en lui criant de s'arrêter, mais sans résultat. Euh, oui je m'en souviens. Dit-elle timidement, le regard baissé. Il était difficile pour elle de repenser à ce moment, et encore plus dur de se dire qu'elle était coupable de ce qui était arrivé - que Rudy avait pu vriller par sa faute, par jalousie. Ça lui faisait bizarre de se dire que ses sentiments avaient été si forts qu'il était prêt à en agresser un parfait inconnu, et en pensant à ça la blonde aurait presque été capable de tout lui pardonner. Mais elle ne pouvait pas, parce que juste à temps, à chaque fois, une voix dans sa tête lui rappelait que rien de tout cela n'était sain ou normal. Il n'avoua pas combien de temps sa peine durait encore, suggérant qu'à sa sortie Lena n'allait plus être tranquille. Des menaces, encore des menaces. Leur relation n'était faite que de ce genre d’interactions brûlantes, et ça, elle refusait d'y replonger. Il ne répondit pas non plus clairement à ses questions, alors même que leurs réponses étaient essentielles pour l'écossaise. Tout ce qu'il trouvait à répondre se trouvait être des reproches. Alors elle replongea ses yeux dans ceux de Rudy, déterminée à ne pas se laisser toucher ou rabaissée. Plus maintenant. Arrêtes ça tout de suite. Joues pas la victime. Me joues surtout pas la carte de la culpabilité parce que si quelqu'un est coupable dans le lot c'est toi. Ce mec, là, il avait rien demandé. Tu l'as agressé comme si je t'avais trompé avec alors que je lui avais renversé un putain de verre dessus et que je voulais juste m'excuser. Lui comme moi on y peut rien si t'as vrillé. Elle réussissait de manière impressionnante à rester claire et à garder la tête froide, la blonde, mais elle sentait son coeur palpitant à une vitesse anormale, ses jambes trembler. Son corps lui criait de crier, de l'insulter, de lui envoyer une gifle qu'il aurait bien mérité. Mais elle ne pouvait pas, pas ici. Elle leva les yeux au ciel, exaspérée, car elle savait très bien que l'affrontement ne mènerait à rien - à pars à la soulager un peu, peut-être. Mais merde Rudy tu sais très bien que j'aurais été là pour toi dès le début, peu importe ce que t'as fait. Alors me sors pas que tu voulais "me tenir au courant" parce que si c'était le cas tu l'aurais fait bien avant. Moi j'attendais que ça de tes nouvelles. Mais j'avais aucun indice pour savoir où te contacter. Le commissariat où on t'avait embarqué m'a dit qu'ils te sortiraient de là rapidement. C'était sans doute une erreur, ou simplement avant qu'ils n'ouvrent le dossier de Rudy pour voir qui il était vraiment. J'ai appelé les hôpitaux en pensant que tu t'étais mis dans la merde, ta mère me répondait pas, et les quelques potes qu'on avait en commun me racontaient n'importe quoi. Ces personnes, d'ailleurs, Lena ne les fréquentait plus pour la grande majorité d'entre eux. Ils étaient trop dangereux pour elle qui tentait d'éviter de sombrer encore dans ce monde là. J'ai cru que tu t'étais barré au Mexique, que tu m'avais juste zappé. Tu sais pas ce que j'ai vécu quand t'es parti, comme j'ai pleuré pour toi. J'ai failli y rester, même. Elle avait bien fini mourir de cette overdose, mais ça, il n'était pas au courant. Peu de gens l'étaient d'ailleurs. Peut être en disait-elle trop. En tout cas elle n'avait pas prévu de se livrer a ce point là, mais tout le monde sait que face a Rudy la blonde ne savait se retenir indéfiniment. Elle avait beau être plus forte aujourd'hui, il avait toujours une emprise sur elle, un pouvoir qui ne s'en irait sans doute jamais tant ses sentiments pour lui étaient intenses. Alors oses me ressortir que j'ai rien dans le coeur, mais s'il est foutu c'est entièrement de ta faute. Autant dire que le ton neutre et froid qu'elle s'efforçait de garder avait disparu. Ses yeux se remplissaient de larmes mais elles se retenait de les laisser couler. Il était hors de question pour elle, malgré tout, de se laisser aller a ce point face a lui. Elle devait lui montrer qu'elle ne craquerait plus, et se prouver a elle même aussi qu'elle était capable de se détacher de tout ça. Du moins c'est ce dont elle essayait a tout prix de se persuader. Depuis le début j'aurais dû savoir que ça finirait mal. Lança-t-elle, pleine de regrets.

Après les faits, il s’est longuement demandé quel a été le détail qui l’a fait vriller totalement. Le sourire de Lena quand elle s’excusait auprès de lui, ses mains qui l’aidaient à nettoyer le liquide éparpillé partout sur ses vêtements ou le fait qu’il semblait un peu trop en profiter ? Le tout, sûrement. Il a toujours été jaloux, Rudy, toujours été possessif. Dès le départ, il voulait faire d’elle sa propriété, et même s’il a mis longtemps avant de se défaire des autres femmes, le jour où il lui a accordé son exclusivité, il n’y avait plus qu’elle au monde. Sauf qu’il était méfiant, bien trop, qu’il n’avait aucune confiance en elle et que ça se ressentait à chaque fois qu’ils sortaient, à chaque fois qu’il y avait d’autres hommes dans les parages. Il en est venu à se dire que si ça n’avait pas été ce gars-là, ce soir-là, ça aurait été un autre, un autre soir. Il s’est dit que c’était inévitable ; la jalousie, la possessivité, l’agression, la prison. C’était le destin, et rien d’autre. Euh, oui je m’en souviens. Sa voix est plus légère, plus tendue aussi. Elle ne veut pas se remémorer ce qu’il a été capable de faire à cause d’elle – ou pour elle, selon le point de vue. Elle ne veut pas admettre qu’il l’a aimé à ce point-là, que peut-être il l’aime toujours de cette manière, que c’était très certainement trop dangereux de le côtoyer, aujourd’hui encore. Les menottes, les gardiens, les barreaux, tout cet univers ne durera pas indéfiniment. Mieux vaut que tu ne l’oublies pas. Il souffle ces quelques mots, c’est un avertissement : elle ne doit pas oublier ce dont il était capable, ce dont il l’est toujours aujourd’hui. À sa sortie, il aura toujours la même rage, toujours la même haine, toujours porté par le même amour. Est-ce réellement nécessaire de le lui dire, ça ? Certainement pas. Elle n’est pas ici pour s’assurer de son état, il n’est pas venu la rencontrer pour la supplier de le reprendre une fois dehors. Ils sont tous les deux ici car ils s’en veulent, mutuellement, sans réellement savoir pourquoi, ce qui a causé cette déchirure entre eux. Arrêtes ça tout de suite. Joues pas la victime. Me joues surtout pas la carte de la culpabilité parce que si quelqu'un est coupable dans le lot c'est toi. Ce mec, là, il avait rien demandé. Tu l'as agressé comme si je t'avais trompé avec alors que je lui avais renversé un putain de verre dessus et que je voulais juste m'excuser. Lui comme moi on y peut rien si t'as vrillé. Il n’aime pas l’entendre se mentionner aux côtés de cet homme, comme s’ils avaient cherché à comprendre le pourquoi du comment par la suite. Est-ce qu’elle l’a revu ? Est-ce qu’elle le voit encore ? Tout laisse à supposer que ce n’est pas le cas, mais Rudy n’est pas tout le monde, et Rudy aime voir le mal partout. Lui comme toi gnagna… t’écoutes son avis plus que le tien, tu sais très bien pourquoi j’ai vrillé. Elle lui a manqué de respect à flirter publiquement avec lui, comme s’il n’existait pas, pourtant à deux pas seulement. Il voulait lui rappeler qui était son homme, à cette époque, avec qui elle était venue et avec qui elle allait repartir – ça n’a finalement pas été le cas, il a tout fait foirer, comme d’habitude. Mais merde Rudy tu sais très bien que j'aurais été là pour toi dès le début, peu importe ce que t'as fait. Alors me sors pas que tu voulais "me tenir au courant" parce que si c'était le cas tu l'aurais fait bien avant. Moi j'attendais que ça de tes nouvelles. Mais j'avais aucun indice pour savoir où te contacter. Le commissariat où on t'avait embarqué m'a dit qu'ils te sortiraient de là rapidement. Parce que au départ, il avait espéré pouvoir repartir tranquillement, les mains dans les poches. Les vigiles du bar n’ont pas essayé de le retenir mais les policiers qui patrouillaient un peu plus loin, eux, sont rapidement intervenus pour lui passer les menottes. Il ne s’y attendait pas, il pensait pouvoir agresser un homme et repartir impunément – bien que ça paraisse illogique, avouons-le. Et surtout, il ne s’imaginait pas écoper d’une peine carcérale, il ne s’imaginait pas perdre deux longues années de sa vie. S’il avait su, il l’aurait chopé dans une ruelle et l’aurait fait en douce, car ce sont les  témoignages qui ont joués en sa défaveur, il l’a su après son procès. J'ai appelé les hôpitaux en pensant que tu t'étais mis dans la merde, ta mère me répondait pas, et les quelques potes qu'on avait en commun me racontaient n'importe quoi.  Il la laisse poursuivre, parce qu’elle a l’air de vouloir lui raconter toute sa vie depuis son départ. La fin de soirée, ses recherches, le fait qu’elle n’avait jamais de réponses. Comment personne n’a pu lui dire qu’il était ici depuis tout ce temps ? Ses frères, ses sœurs ? Pourquoi personne n’a voulu la prévenir, elle, la seule qu’il a réellement su aimer dans toute sa vie ? Il soupire bruyamment mais l’invite à poursuivre d’un signe de la tête, de toute manière, elle est bien trop lancée dans son monologue pour se rendre compte de quoi que ce soit. J'ai cru que tu t'étais barré au Mexique, que tu m'avais juste zappé. Tu sais pas ce que j'ai vécu quand t'es parti, comme j'ai pleuré pour toi. J'ai failli y rester, même. Il fronce ses sourcils face à cette dernière phrase, essaie de la comprendre sans avoir plus de justifications. Mais c’est plus fort que lui, il faut qu’il lui demande. Comment ça, y rester ? Qu’est-ce que t’as foutu ? Il se penche légèrement sur sa chaise, se replace pour pouvoir mieux la regarder, lui montrer tout son intérêt. S’il semblait détaché de la situation et de la conversation il y a encore deux secondes, là, il est totalement plongé à l’intérieur. Son regard et ses gestes le trahissent, mais une fois de plus, ça ne dépassera pas la barrière de ses cordes vocales, c’est bloqué en lui-même, comme s’il n’avait pas le droit d’avoir un mot agréable envers elle. Alors oses me ressortir que j'ai rien dans le coeur, mais s'il est foutu c'est entièrement de ta faute. Il secoue doucement son visage de gauche à droite. Tu oublies que j’t’ai tout appris. Il est très sérieux, actuellement. Quand on s’est rencontré, t’étais qui, tu faisais quoi, tu valais quoi ? J’t’ai appris ce que c’était d’être vivant, pas d’ma faute si t’as pas su le gérer, si ça s’est cassé la gueule. Ils ont eu de très bons moments, tous les deux, elle ne peut le nier. Depuis le début j'aurais dû savoir que ça finirait mal. Il hausse ses épaules à ses derniers mots. Ouais si quelqu’un était venu du futur pour t’dire fais pas ça avec lui, ça va mal s’finir, t’aurais tout annulé ? Tout ? Il repense à tous ces moments où il n’y avait qu’eux au monde, où il était le roi, où elle était sa reine, où plus rien n’avait d’importance. Malheureusement, ils sont revenus bien trop vite à la réalité, elle s’est acharnée à les rattraper. Mais t’sais c’qu’on dit hein, que ça peut pas s’passer trop bien, que c’est toujours trop beau pour être vrai. Il croise ses bras sur son torse, s’il donnait l’impression d’être plus attendri face à son évocation de la mort, il est repassé dans son mécanisme d’autodéfense, plus aucune émotion n’étire son visage. J’pense que t’as eu deux ans pour t’convaincre que toi et moi c’était nul, mais t’as eu le même nombre d’années et encore plus derrière pour très bien savoir que nous deux, ça valait tout. Il la regarde, mais il a le regard vide. Mais apparemment on est bons qu’à parler au passé, maintenant. Il se fait cette réflexion à lui-même, à voix haute, parce qu’elle doit l’avoir remarqué elle aussi. Ils étaient quelque chose, avant. Avant seulement.

@Lena Edwards

Chained heart
@Rudy Gutiérrez & Lena Edwards

Rudy ne pouvait s'empêcher de rappeler à Lena à quel point il avait du pouvoir sur elle, à quel point il était dangereux. Le problème apparaîtrait sans doute au moment où il se rendrait compte qu'elle n'avait plus peur de lui. Qu'elle faisait tout pour se détacher de son emprise, et bien qu'elle n'y était pas encore parvenue, elle y arriverait un jour. Alors quand il sembla s'inquiéter au moment où la blonde parlait de sa presque déchéance, elle se referma d'un coup, regrettant déjà d'avoir exprimé des mots de trop. Rien. J'ai rien fait, oublies ça. Il ne l'oublierait pas et elle le savait bien Lena, mais ce n'était ni le lieu ni le moment de parler des détails sordides de cette soirée où elle avait failli y laisser la vie. Loin d'être une tentative de suicide, son overdose avait été sans aucuns doutes un cri de son inconscient, un appel à se sentir enfin mieux. Sa consommation de drogues avait dépassé la limite de l'utilisation festive bien des mois auparavant, ses problèmes s'entassaient toujours plus, et il lui avait été nécessaire de s'approcher si près des limites de la mort pour se rendre compte de tout ce qu'elle ratait dans la vie. Tout ça pour se rendre compte qu'elle n'était pas dans le bon, Lena. Elle n'a jamais réussi à trouver un juste milieu dans sa vie. Enfant elle était trop parfaite, ado elle était trop pieuse, puis tout à basculé et elle est devenue trop accro, trop délurée. La démesure était ce qui caractérisait la blonde, dans tout ce qu'elle faisait et depuis toujours. Parce qu'on lui en demandait toujours plus, parce que pour faire face à sa peur de l'abandon elle se devait de coller à ce qu'on attendait d'elle. C'est sans doute pour ça aussi qu'elle était si attirée par Rudy. Au fond ils étaient pareils, des êtres entiers mais incompris. J'oublie rien Rudy. Elle savait que sans lui elle n'aurait jamais été la même aujourd'hui. Elle en était consciente, et bien qu'elle ne pouvait pas dire si c'était pour le meilleur ou pour le pire, elle lui devait tout. Même sa force de caractère, c'est Rudy qui lui avait enseignée parce qu'à ses côtés elle ne pouvait se permettre d'être faible. Tu peux pas nier que si j'ai dépassé trop de limites c'était pour toi. Je voulais vivre comme toi, avec toi. Tout pour lui, son obsession. A l'instar des drogues qu'elle avait découvertes avec lui, c'est Rudy lui même qui était devenu son addiction. Une sensation violente lui prenait les tripes lorsqu'elle devait s'éloigner de lui, brûlant son corps entier de désespoir. A l'époque, elle aurait tout fait pour rester à ses côtés. Peu importe la jalousie, la colère, les vices. Elle le prenait tout entier, et plutôt deux fois qu'une. Inutile de dire que de le perdre avait été la pire des souffrances pour Lena. Si j'avais su tout ce qui allait se passer, je crois que... non, j'annulerais rien du tout. Si on me proposait de tout revivre, je replongerais mille fois pour toi. Elle revivrait même mille fois la pire nuit de sa vie, celle où elle avait failli perdre pied, rien que pour avoir la chance de revivre quelques moments à ses côtés. Ces moments où, blottie entre ses bras, rien ne comptait plus qu'eux. Ces moments ou leurs peaux brûlantes se frôlaient, où leurs baisers pleins de désir semblaient faire s'arrêter le temps. Oui, elle aurait tout donné Lena pour revivre tout ça avec lui. T'as raison, ça valait tout. C'était même au dessus de tout. Mais t'as raison aussi quand tu dis que c'était trop beau pour être vrai. Elle savait aussi que tout ça était voué à l'échec, que les excès n'étaient jamais bons sur le long terme et que, fatalement, ils étaient destinés à se déchirer des plus horribles façons. Alors elle réunit tout son courage pour rester calme, le plus calme possible, alors même que son corps criait du trop plein d'émotions qui lui était infligée en cet instant. On est obligés de laisser tout ça au passé. On peut pas faire autrement. On s'est trop détruits, regardes ce qu'on s'est fait. Toi t'es en taule, pour je ne sais combien de temps, et moi je suis foutue pour un bon moment encore. Ce qui était plutôt fou c'est la manière dont, malgré tous les ressentiments, elle ne pouvait s'empêcher d'être franche avec lui. Franche au point de lui en dire trop, peut-être, mais au moins elle savait qu'en sortant de cette salle son coeur serait plus léger - elle l'espérait tout du moins. Pourquoi tu m'as rien dit Rudy ? Putain pourquoi tu m'as pas contactée plus tôt ? Lena espérait vraiment réussir à obtenir les réponses à ses questions, celles qui la libéreraient enfin de milliers de pensées qui la hantaient depuis deux ans. Mais elle croisa le regard de Rudy, et lorsqu'il recula sur sa chaise en croisant ses bras, elle comprit qu'il ne répondrait rien d'autre qu'une ineptie ou une menace. Après tout elle ne savait pas pourquoi elle avait espérer autre chose : il n'était capable de rien d'autre. Elle pris une longue inspiration avant de reprendre la parole. Tu me diras, ça n'aurait rien changé. C'est peut être tant mieux en fait. On était destinés à se pourrir la vie. Au moins comme ça on arrivera à passer à autre chose une bonne fois pour toute. Lui semblait déjà avoir franchi cette étape ; elle pensait l'avoir fait mais avait visiblement encore du chemin à parcourir. Qu'importe, ce moment devait marquer la fin de leur histoire. Finalement, sa visite en prison leur aura au moins permis de se dire plus ou moins au revoir. Tu me détestes parce que c'est à cause de moi que t'es là, je te détestes parce que tu m'as laissée seule face au monde. Je crois que c'est tout ce qu'on a à retenir finalement. Sauf si bien sûr tu as d'autres choses à me dire. Une dernière porte ouverte, une dernière chance de comprendre.

Il n’arrive pas à réfléchir avant de parler, quand il pense à quelque chose, il faut qu’il le dise dans l’immédiat. S’il pense que c’est une sale conne, il le lui dira, s’il pense qu’il l’aime à la folie, il le lui dira aussi. Ça a toujours été comme ça avec lui, ça a toujours été comme ça entre eux, ça ne changera jamais. Et il pensait qu’elle s’était faite à cette idée, depuis le temps, qu’elle ne chercherait plus à le changer pour qu’il devienne meilleur. S’il lui a tout appris, les pires vices, elle a essayé de le traîner dans un monde plus doux, plus sain, là où elle disait qu’il avait sa place bien qu’il n’y croyait pas un mot. Il arrivait pourtant à faire abstraction de ses préjugés et à oublier ses envies démoniaques quand elle le regardait de ses grands yeux, quand elle lui offrait ses bras, ses lèvres, son corps et son cœur. Aujourd’hui, il se dit que ce n’était que des foutaises et qu’il a perdu un temps précieux à essayer de devenir quelqu’un de bien – bien, qu’est-ce que c’est ? On dit que n’importe quel geste peut changer un homme, que la balance peut pencher d’un côté comme de l’autre, d’une seconde à l’autre. Il n’a jamais voulu basculer dans l’autre monde, là où il faut savoir parler correctement, là où il faut être propre sur soi, là où tabac, alcool et drogue sont proscrits. Il n’a jamais voulu de sa lumière quand il l’emmenait avec lui dans les ténèbres, mais elle le lui a apporté, indirectement, trop franchement pour qu’il finisse par se retrouver ici. S’il a déraillé, c’est parce qu’il n’y avait plus de bon ou de méchant, parce qu’il ne savait plus s’il défendait son honneur ou s’il agressait quelqu’un, parce qu’il est devenu le héros et le truand en même temps. Ce type, c’était de sa faute à elle, c’est elle qui l’a rendu dingue, rien d’autre. Rien. J’ai rien fait, oublies ça. Sauf qu’il ne peut pas, Rudy, il ne peut pas oublier et l’imaginer dans un piteux état par sa faute. Il n’a que faire des larmes et des cris, ça a été leur quotidien durant bien trop de temps. Mais y rester, elle ? De quelle manière ? Pourquoi ? Quand ? Avec qui ? Il a tellement de questions, et pourtant il peut lire dans ses yeux qu’il n’aura pas de réponses, tout comme lui refuse de lui donner les siennes. Et t’es assez stupide pour rev’nir voir le type pour lequel t’as failli y rester ? J’me savais assez con sur les bords mais j’te pensais plus intelligente. Intelligente, elle l’était, elle était celle qui le ramenait à la raison quand ça allait un peu trop loin – à chaque fois. Mais elle semble oublier qu’elle n’était pas que ça, à ses côtés, qu’elle a connu ses pires états, ses meilleurs aussi, que s’il aimait vivre, il a su lui transmettre. J’oublie rien, Rudy. Tu peux pas nier que si j’ai dépassé trop de limites c’était pour toi. Je voulais vivre comme toi, avec toi. Il voulait vivre avec elle, lui aussi. Il voulait qu’ils fondent une famille, presque, il voulait l’épouser, il voulait vieillir et devenir laid à ses côtés. Il voulait tout, ils n’ont plus rien. Si j’avais su tout ce qui allait se passer, je crois que… non, j’annulerais rien du tout. Si on me proposait de tout revivre, je replongerais mille fois pour toi. Cette réponse le rassure : s’il sort et qu’il lui propose de se lancer une nouvelle fois dans cette aventure, la leur, est-ce qu’elle replongera réellement ? En sachant toute la vérité, en le connaissant sous toutes ses facettes ? T’as raison, ça valait tout. C’était même au dessus de tout. Mais t’as raison aussi quand tu dis que c’était trop beau pour être vrai. Il la regarde se contracter sur sa chaise, ses mains se refermer, ses jambes trembler sous la table. Elle est nerveuse parce que ce qu’elle s’apprête à dire n’est pas simple. Parce que ce qu’il lit au fond de ses yeux n’est pas que du dégoût, de la haine ou de l’incompréhension, il y a le manque, l’amour, l’incertitude les concernant. Il y a tout ce qu’ils étaient, tout ce qu’ils pourraient redevenir s’ils osaient seulement. On est obligés de laisser ça au passé. On peut pas faire autrement. On s’est trop détruits, regardes ce qu’on s’est fait. Toi t’es en taule, pour je ne sais combien de temps, et moi je suis foutue pour un bon moment encore. Ses yeux croisent les siens, encore. On en a pas à perpétuité, il m’semble. Il fait un simple constat mais ne la prive pas de sa liberté d’expression, il l’écoute, il semble ne savoir faire que ça depuis qu’elle a recommencé à parler. Pourquoi tu m’as rien dit Rudy ? Putain pourquoi tu m’as pas contactée plus tôt ? Tu me diras, ça n’aurait rien changé. C’est peut être tant mieux en fait. On était destinés à se pourrir la vie. Au moins comme ça on arrivera à passer à autre chose une bonne fois pour toute. Il ferme les yeux, écœuré par cette image : passer à autre chose. Comment, et avec qui ? Elle est déjà prête à le remplacer alors que ça ne fait que deux ans qu’ils sont séparés. Que, parce que ça ne semble être rien comparé à l’amour qu’ils se portaient. Elle est prête à le remplacer alors qu’elle a fait le chemin jusqu’ici, qu’elle a pris sur elle pour accepter de le voir dans cet état, qu’elle vient de justifier tout l’amour qu’elle lui portait et qu’elle lui portera toujours. Elle veut passer à autre chose, elle est passée à autre chose. C’est une certitude dans le crâne de Rudy. Tu me détestes parce que c’est à cause de moi que t’es là, je te détestes parce que tu m’as laissée seule face au monde. Je crois que c’est tout ce qu’on a à retenir finalement. Sauf si bien sûr tu as d’autres choses à me dire. Il n’a plus ce pouvoir-là depuis bien trop longtemps, ses capacités se sont envolées. Au fond de lui-même, il lui avoue ce qu’il ne dira finalement pas : c’est vrai que je te déteste, mais j’crois que j’t’aime encore plus. Il la fixe de son regard noir, de ses yeux glacés, et ouvre finalement la bouche. Gardien, j’veux retourner en cellule s’vous plaît ! Il prononce ces quelques mots sans détacher son regard d’elle, se lève et se fait menotter de la même manière. Pas un mot de plus avant qu’il ne se retourne, et plus un seul regard jusqu’à être totalement parti, retourné en cellule. Il n’est pas à sa disposition, et ça fait bien longtemps que son cœur a arrêté de crier et de battre. Elle est passé à autre chose, après tout.

@Lena Edwards

Chained heart
@Rudy Gutiérrez & Lena Edwards

Il l’avait écouté patiemment Rudy, n’avait pas lâché du regard la blonde pendant qu’elle lui sortait le fond de ses pensées – ou une partie au moins. Le temps où c’était elle qui ne faisait que l’écouter semblait maintenant bien loin. Elle lui lança une perche, une dernière tentative de lui laisser sa chance de s’exprimer aussi. Mais alors qu’il la regardait, qu’il ouvrit la bouche, ce n’est pas à elle qu’il s’adressa, les réponses ce n’était pas pour aujourd’hui. Il ne lâcha pas son regard de celui de la blonde. Lena pour comprendre, mit plusieurs secondes. Elle n’en revenait pas mais en même temps elle n’était pas si surprise de sa réaction. Elle venait de lui dire qu’il fallait passer à autre chose et Rudy n’était pas le genre d’homme à déblatérer dix ans avant de prendre une décision. Elle aurait eu envie de lui crier de rester, frustrée qu’elle était de n’avoir eu aucune des réelles réponses qu’elle cherchait. Mais il n’avait rien laissé paraître, il n’était désormais plus fait que d’amertume et elle finirait par devoir payer la fausse culpabilité qu’il lui attribuait. Des années à se ronger en pensant que sa situation était entièrement la faute de la blonde, Lena savait qu’elle devrait se méfier de lui. Peut-être que cette visite avait été nécessaire rien que pour qu’elle se rende compte de ça, pour qu’elle réagisse enfin et qu’elle arrête d’avoir de l’espoir pour Rudy. Pourtant elle ne pouvait s’en empêcher, malgré ses babillages. Lorsqu’elle le voyait changer de regard en apprenant qu’elle s’était fait du mal, lorsqu’elle le voyait défendre dur comme fer qu’il avait réagit comme il l’avait fait uniquement pour elle, l’écossaise était forcée de croire encore que les sentiments qu’il avait à son égard étaient encore là, quelque part, sous sa carapace froide et dure, rendant encore plus difficile le fait de complètement tourner la page. Elle pensait l’avoir fait Lena, mais se rendait bien compte que ce n’était pas encore ça. Ça aurait été plus simple s’il s’était comporté comme un con, s’il lui avait crié dessus, si leur rencontre avait été terriblement catastrophique, mais même ça ce n’était pas le cas. Ou alors elle était trop habituée à lui et avait développer une plus haute tolérance à ses comportements. Son regard était plongé sur la chaise désormais vide face à elle, Rudy retourné à son enfermement. Lena ne savait que faire en cet instant précis, elle refusait de se rendre à l’évidence. Ils se détestaient, elle l’avait dit elle-même presque avec véhémence. Ils se détestaient chacun pour des raisons différentes, et étaient chacun persuadés intimement d’avoir raison, d’être celui qui était dans le vrai. Mais le pire dans tout ça, c’est bien qu’aucun d’eux ne l’était. La rancœur était bien là mais elle était faussée par le temps, par les gens. Alors qu’un vigile vint la sortir de ses pensées, lui disant qu’elle ne pouvait pas rester là plus longtemps. Elle se leva, mitigée de cette entrevue passée. Elle retenterait sa chance, elle reviendrait le voir s’il le fallait, mais elle n’allait pas abandonner. Lena voulait des réponses et même si elle ne sortait pas de la prison avec elles, elle trouverait un moyen de les obtenir. Non, Rudy ne pourrait pas éternellement la fuir.