L’avion avait traversé le pays en moins de quatre heures et demie, quand elle avait mis six semaines à parcourir en autostop les quatre mille kilomètres qui séparaient Brisbane de Perth. C’était le cœur serré et les souvenirs pleins la tête qu’elle avait fait ses adieux à toute l’équipe de production quelques heures plus tôt, le tournage étant arrivé à son terme. A bien des égards, Race of Australia avait surpassé les objectifs qu’elle s’était fixées un mois et demi plus tôt. Colleen s’était principalement concentrée sur ce que pouvait lui apporter l’aventure en termes d’indépendance et de dépassement de soi, sans songer au reste. Elle avait espéré ne pas flancher face à l’inconnu et ne pas reculer devant le premier obstacle qui se dresserait sur son chemin, sachant pertinemment que contrairement à la majorité des candidats elle partait de zéro. Elle n’avait rien d’une aventurière. Habituée à son petit confort et à son train-train quotidien, la jeune femme n’avait pas eu la moindre idée de la manière dont elle réagirait face aux conditions auxquelles elle serait confrontée dans l’émission. Six semaines plus tard, c’était pourtant bien avec le titre de demi-finaliste qu’elle rentrait au bercail, elle dont l’ambition initiale avait été d’éviter l’élimination dès la première semaine de compétition et qui était finalement parvenue à se hisser dans le dernier trio de binômes. Ce titre lui arrachait une telle fierté qu’elle ne pouvait empêcher un sourire béat d’étirer ses lèvres à chaque fois qu’elle y songeait. Elle avait néanmoins conscience qu’elle n’était pas la seule responsable de cette réussite, et que son partenaire Jack avait largement œuvré dans leur intérêt à tous les deux. Car la satisfaction qu’elle tirait de l’aventure ne s’arrêtait pas uniquement aux limites qu’elle était parvenue à dépasser avec brio. Race of Australia l’avait transformée, et pas seulement physiquement ; elle avait le teint hâlé, des tâches de rousseur sur le nez et des muscles dont elle n’avait jamais soupçonné l’existence qui se dessinaient distinctement sur son corps désormais, mais ce n’était pas le plus important. Race of Australia lui avait permis de murir à bien d’autres points de vue : elle y avait noué des amitiés, tissé des liens extrêmement forts avec les autres candidats. Jack, pour commencer, avait été bien plus qu’un binôme pour elle. Il avait été son partenaire, son ami, son confident, celui sur qui elle avait toujours pu compter, du début à la fin. Prévenant, généreux et doté d’un sens de l’humour qui avait touché l’Anglaise, le Canadien avait rendu son aventure extraordinaire, l’amenant à vivre des péripéties qu’elle n’aurait jamais pu imaginer. Et puis, il y avait eu les autres candidats, et cette bonne entente qui avait toujours régné entre eux lors des week-ends détente. Colleen avait tout particulièrement apprécié la dernière semaine de compétition. Eliminée aux portes de la finale, elle s’était résignée à prendre l’avion à l’issue du verdict pour rentrer chez elle, mais la production ne l’avait pas entendu de cette oreille et avait surpris les trois derniers binômes en annonçant pour cette dernière semaine le retour des anciens, dont Colleen et Jack faisaient inéluctablement partie à présent. Scindés en deux équipes, les candidats avaient joué le jeu jusqu’au bout et défendu bec et ongle le binôme finaliste qui les avait choisis. Colleen s’était sentie galvaniser par l’ambiance qui avait régné cette dernière semaine, et avait mesuré sa chance de trouver sa place au sein de l’équipe dont l’objectif était de porter Kelly et Loan jusqu’à la victoire.

Le regard perdu dans les nuages que révélait le hublot à côté duquel elle était assise, Colleen s’était replongée dans tous ces souvenirs pendant le vol, dans toutes les aventures qu’elle avait vécues. Elle avait aujourd’hui le sentiment qu’elle ne pourrait jamais remercier suffisamment Lou de l’avoir inscrite à cette course, car elle avait été à ses yeux une véritable révélation. Au plus elle s’éloignait de Perth, au plus elle avait la sensation d’avoir vécu un rêve éveillé pendant tout ce temps. Au plus elle se rapprochait de Brisbane, au plus ce songe s’effaçait pour laisser place à la réalité, à ce qui l’attendait sur la côte Est Australienne. Une réalité qu’elle n’appréhendait pas, car elle savait qu’il était temps pour elle de retrouver les siens. Elle avait eu le temps de prévenir Lou avant son départ pour qu’elle puisse venir la chercher à l’aéroport, et elle brûlait d’impatience à l’idée de la revoir. Jamais mère et fille n’avaient été séparées aussi longtemps, et si Colleen s’en voulait toujours de ne pas avoir pu célébrer le dix-huitième anniversaire de Lou, elle avait bien l’intention de se rattraper dès qu’elle rentrerait. Cependant, Lou n’était pas la seule personne qu’elle avait envie de retrouver. Une autre personne avait occupé ses pensées tout au long de ces six semaines passées loin de Brisbane, cette autre personne qui s’était invitée un nombre incalculable de fois dans son esprit. Marius. Leur rencontre à la veille de son départ avait laissé bon nombre de questions en suspens, et Colleen était impatiente de le retrouver pour découvrir ce que l’avenir leur réservait. Elle ne savait pas exactement quand ils pourraient se revoir, mais elle était déterminée à le contacter à la première occasion pour forcer ces retrouvailles qu’elle avait tant de fois imaginées, sur la route.

Ils atterrirent à Brisbane avec quelques minutes d’avance. La tension était à son comble dans l’avion, en particulier pour les six candidats qui n’étaient plus rentrés chez eux depuis six semaines. Après avoir récupéré sur le carrousel à bagages son énorme sac à dos aux couleurs de l’émission, Colleen sentit sa gorge se nouer quand vint le moment de leur dire au revoir. A Brisbane, chacun retournerait vaquer à ses propres occupations et si elle avait la certitude d’en revoir certains, elle se doutait que ce ne serait pas le cas de tous, du moins pas avant la diffusion de l’émission au mois de septembre prochain. Et puis, elle se dirigea vers la sortie. Quand les battants se refermèrent derrière elle, elle chercha des yeux le visage familier de sa fille mais celui qu’elle découvrit à la place fit battre son cœur encore plus fort. Quand leurs regards se croisèrent, elle se figea et haussa les sourcils. Il était là. Il était venu. Pour elle ou pour Tommy ? En réalité, Colleen s’en contrefichait car le voir était la plus belle des récompenses après le périple qu’elle avait vécu. Elle détacha ses yeux des siens pour balayer la foule du regard à la recherche de Lou puis quand elle fut absolument certaine que sa fille n’était pas dans les parages, elle se rua vers Marius, un sourire radieux dessiné aux lèvres. Sans réfléchir, sans songer à la présence de sa nièce à ses côtés ou à celle de Tommy quelques mètres derrière elle, elle se jeta dans ses bras, enroula ses bras autour de son cou et l’étreignit. Son parfum familier lui chatouilla aussitôt les narines et elle ferma les yeux une seconde pour mieux l’apprécier. Puis elle se dégagea de l’étreinte qu’elle avait initiée. « Bonjour Marius » Fit-elle en esquissant un nouveau sourire, car elle n’avait pas oublié leur façon formelle de se saluer à chaque fois, même après six semaines. « Tu dois être Moïra ? » Demanda-t-elle à la jeune fille à ses côtés. « Moi c’est Colleen, je suis enchantée de faire ta connaissance, j’ai beaucoup entendu parler de toi ». Moïra lui rendit son sourire puis s’éloigna vers son père afin de le retrouver, et Colleen reporta aussitôt son attention sur Marius. « Je ne savais pas que tu serais là ! J’aurais dû m’en douter, pourtant » Ajouta-t-elle en désignant Tommy d’un signe de la tête. « Mais ça ne rend la surprise que plus belle ».

@Marius Warren

Aujourd’hui, c’était la journée du grand retour. Tu n’avais pas eu besoin de réveil pour te lever dès les premiers rayons de soleil. Par contre, ils n’étaient pas très nombreux maintenant que l’hiver s’était installé à Brisbane donc tu avais pu dormir plus que prévu. Quand tu avais ouvert les yeux, la première chose à laquelle tu avais pensé c’était que Colleen rentrait aujourd’hui. Le texto de May contenant toutes les informations de son vol était arrivé quelques minutes avant de texto de ton frère sur le portable de sa fille. Quand Tommy t’avait appelé pour te dire qu’il repartait passer une semaine dans l’aventure, la seule chose que tu avais trouvé à lui dire c’était de déposer Moïra chez toi quand ça l’arrangeait. Il était évident que ta nièce pouvait venir passer la semaine chez toi, la chambre qu’elle avait occupée quelques semaines plus tôt n’avait pas bougée. Ce fut un plaisir de retrouver ta nièce encore une fois pour quelques jours supplémentaires. L’idée du retour prochain de Colleen rendit ta semaine que meilleure et il te tardait de pouvoir la prendre dans tes bras. Tu ne te faisais pas d’illusions, il y avait de fortes chances que Lou soit à l’aéroport également après six semaines sans voir sa mère mais tu espérais pouvoir saluer Colleen avant que sa fille ne fasse son apparition. Moïra n’avait pas hésité à te taquiner tout au long de la semaine sur ton air rêveur et ton sourire béat. Tu avais veillé à ce qu’elle fasse correctement ses devoirs maintenant que l’école avait repris après la pause hivernale. Le reste du temps, tu l’avais passé à l’université et à peindre tes aquarelles. C’était tes deux activités favorites quand tu te retrouvais seul de toute manière. Comme tu t’y attendais, la journée était passée bien plus lentement que tu n’aurais aimé et tu acceptais de suivre Moïra au centre ville de Brisbane quand elle t’assura avoir besoin d’une nouvelle tenue pour le collège. Tu n’y croyais pas une seule seconde mais tu ne voyais pas de raison de lui refuser ce cadeau et cela permettait de t’occuper l’esprit. Même si ton frère était trop fier pour l’admettre, tu sais qu’il ne gagnait pas un salaire énorme. Moïra ne manquait de rien, c’était évident mais tu ne manquais pas son regard envieux sur les dernières baskets à la mode et un t-shirt pour aller avec le jean qu’elle portait. Tu n’hésitais pas à les lui faire essayer. Cela faisait des années que tu gagnais très confortablement ta vie tout en dépensant très peu, tu pouvais faire plaisir à ta nièce. Et tu as eu raison de laisser Moïra te traîner dans les magasins car vous enchaîniez par un déjeuner au restaurant qui fit passer la journée bien plus vite. Quand vous retourniez à ton loft, tu laissais Moïra rassembler ses affaires alors que tu te préparais dans la salle de bain. Passant de l’eau sur ton visage, tu regardais ton reflet dans le miroir en prenant une grande inspiration. Tu n’avais eu de Colleen pendant ces six semaines que quelques textos et un mot ramené par ton frère des semaines plus tôt. Et si elle avait changé d’avis ? Et si cette aventure avait tout changé et qu’elle ne voulait plus te voir ? Peu importe la réponse à ces questions, il était temps de te jeter à l’eau. Après être repassé derrière Moïra une dernière fois pour vérifier qu’elle n’avait rien oublié, vous fermier le loft et mettiez ses affaires dans le coffre de la voiture avant de prendre la direction de l’aéroport. Ta nièce avait eu l’occasion d’échanger avec son père cette fois au cours de la semaine et avant qu’il prenne l’avion et tu l’écoutais te raconter ce qu’elle savait un sourire amusé sur les lèvres. Il lui tardait de retrouver son père, c’était une évidence et si cela t’aurait blessé il y a six mois, aujourd’hui, tu ne le prenais plus personnellement.

Il y avait du monde à l’aéroport ce qui ne fut pas une surprise. Une fois la voiture garée sur le parking, vous vous dirigiez vers le hall des arrivées. A peine devant le tableau des vols, Moïra t’attrapait déjà la main pour t’entraîner vers les portes battantes en t’assurant que le vol était bien arrivé à l’heure et qu’ils n’allaient pas tarder à sortir. Tu te laissais entraîner, sentant ton coeur battre un peu plus fort à chaque pas vers cette porte. L’anxiété te gagnait, c’était indéniable alors que tu imaginais des dizaines de scénarios possibles à ces retrouvailles tant attendues. Tu n’avais pas eu assez l’occasion de le dire à Colleen mais elle t’avait beaucoup manqué. Cette réalisation avait été difficile à accepter car cela signifiait qu’elle avait pris une place importante dans ta vie, une place que tu n’étais pas habitué à voir occupée. Regardant autour de toi, tu cherchais un visage en particulier, celui de Lou. Pourtant, tu n’arrivais pas à l’y trouver et malgré toi, tu te fis un peu de souci en espérant qu’elle soit juste en retard ou retenue quelque part. Cette absence de Lou te donnerait peut-être l’occasion de pouvoir accueillir Colleen d’une manière un peu différente que si sa fille avait été là. Moïra ne tenait pas en place à côté de toi et cela te rappela la même scène quelques semaines plus tôt. Et puis finalement, les portes s’ouvrirent et quand tu relevais la tête en pleine phrase de Moïra, tu croisais ce regard bleuté qui t’avait tant manqué … Elle était toujours aussi magnifique mais elle avait changé. Le grand air avait donné une teinte plus matte à sa peau et ses tâches de rousseurs étaient plus marquées. Tu n’arrivais pas à détacher ton regard de la jolie brune, même quand Moïra essaya d’attirer ton attention. Tu vis la surprise colorer les traits de Colleen pourtant, elle devait bien se douter que tu serais dans les parages non ? Un grand sourire se dessina sur ton visage, automatiquement car Colleen était là, elle n’était qu’à quelques mètres et … Tu la vie regarder autour d’elle et tu ne cherchais même pas à comprendre pourquoi, elle ne t’en laissa pas le temps. Quelques secondes plus tard, elle s’élançait vers toi et tu n’hésitais pas une seule seconde à l’accueillir dans tes bras. Machinalement, tu laissais ton nez s’enfoncer dans sa chevelure alors que tes lèvres venaient poser un baiser à la jointure entre son cou et son épaule, un geste invisible aux autres mais dont tu avais besoin pour t’assurer qu’elle était bien là. Encore une fois, vous deviez ressembler à deux adolescents mais tu n’en avais rien à faire, même quand ton frère et ta nièce se tenaient tout près de vous. « Bonjour Marius  » Cette manière formelle de vous saluer après l’étreinte que vous veniez de partager pouvait paraître ridicule mais elle était devenu comme un rituel pour vous. « Bonjour Colleen. » Lui répondis-tu sur le même ton en relâchant un peu ton étreinte. La jeune femme ne tarda pas à se tourner vers Moïra qui vous regardait avec de grands yeux ébahis. Tu pouvais la comprendre, tu n’étais pas la personne la plus ouverte et la plus tactile, tu ne l’avais pas habituée à ce genre de comportement : « Tu dois être Moïra ? Moi c’est Colleen, je suis enchantée de faire ta connaissance, j’ai beaucoup entendu parler de toi » Cela ne sembla pas beaucoup impressionner ta nièce qui dévisageait Colleen comme si elle cherchait d’où elle pourrait la connaître. « Vous avez bien de la chance, moi je n’ai pas entendu parler de vous. » Les bras qu’elle croisa sur sa poitrine et son regard rempli de reproches ne te surprirent pas vraiment et tu levais les yeux au ciel avant qu’elle ne sourit en coin en ajoutant : « Mais ce sera un plaisir d’apprendre à vous connaître. Je comprends mieux pouvoir mon cher oncle était anxieux toute la journée. Si j’avais su, je lui aurais demandé une deuxième paire de baskets. » Voyant son père apparaître à son tour, elle vous quitta brusquement et ce fut mieux ainsi. Tu savais déjà que la prochaine fois que tu seras en tête à tête avec Moïra, les questions allaient fuser. Si elle arrivait à se retenir pour te les poser quand vous ne seriez que tous les deux. Tu préférais ne pas imaginer cette conversation avec ton frère comme témoin. « Je ne savais pas que tu serais là ! J’aurais dû m’en douter, pourtant. Mais ça ne rend la surprise que plus belle » Tu aurais été là dans tous les cas. La présence de Tommy à l’aéroport te donnait une véritable excuse pour être là mais ce n’était pas la raison principale. Oubliant que vous vous trouviez au milieu de l’aéroport et que Lou pouvait apparaître à tout moment, tu laissais es doigts glisser sur sa joue avant de lui dire : « Tu m’as manqué … » Tu espérais que la sincérité de tes mots pouvaient se lire dans tes yeux et s’entendre dans tes paroles. Tu avais besoin de continuer de toucher Colleen de peur qu’elle s’évapore et que tout ceci ne soit qu’un rêve si elle ne s’éloignait de trop. « May m’avait promis de m’envoyer ton vol retour, peu importe le moment où tu aurais atterri, j’aurais été là. » Finis-tu par dire. Mais tu savais que le retour à Brisbane de Colleen ne pouvait pas être accompagné que de bonnes surprises. Est-ce qu’il viendrait l’accueillir à l’aéroport lui aussi ? Est-ce que Lou l’amènerait avec elle ? Tu ne savais rien du lien qui unissait le père et la fille mais le fait qu’August Wells soit venu t’accuser de mal te comporter avec sa fille te laissait penser qu’ils étaient plutôt proches. Toutefois, tu n’avais pas envie d’ouvrir la bouche, pas encore, pas quand tu pouvais profiter encore un peu du beau sourire de Colleen. « Alors c’était comment ? » Finis-tu par lui demander en te doutant déjà un peu de la réponse.

@Colleen Sainsbury

Il était venu l’accueillir à l’aéroport. Dès qu’elle avait aperçu sa silhouette au sein de la foule massée venue accueillir les candidats, son cœur avait rugi et un grand sourire s’était automatiquement dessiné sur ses lèvres. Le voir là, devant elle, c’était une sensation encore plus incroyable que toutes celles qu’elle avait éprouvées en six semaines de tournage. Quelque part, c’était comme si l’aventure n’avait jamais existé, comme si le mois et demi s’était écoulé en un claquement de doigts. Les souvenirs de leur dernière rencontre affluaient dans l’esprit de la jeune femme, se dessinaient avec une précision stupéfiante. La conversation animée sur le trajet en voiture qui les avait conduits jusqu’à Gold Coast, Marius dans sa combinaison de surf, le cours de surf qu’il lui avait offert pour son anniversaire, le goûter qu’ils avaient pris sur la plage… Leur premier baiser, suivi de nombreux autres. Combien de fois avait-elle rejoué cette scène, en six semaines d’aventures ? Combien de fois avait-elle rêvassé et imaginé son retour ? Combien de fois s’était-elle réjouie d’éviter l’élimination au terme d’une semaine bien remplie, juste avant de ressentir une pointe de regret à l’idée de devoir attendre encore sept jours – au bas mot – avant de le retrouver ? Colleen était incapable de répondre à ces questions, mais ce qu’elle savait en revanche était qu’il ne s’était pas passé un seul jour sans qu’elle pense à lui. Elle avait compté sur Race of Australia et la distance que la course imposerait inéluctablement entre Marius et elle pour pouvoir faire le point sur leur relation, et la conclusion qu’elle pouvait en tirer était claire : elle ne voulait pas – ne pouvait pas – laisser passer la chance de construire quelque chose avec lui, car elle avait réalisé la place qu’il avait prise dans sa vie et les sentiments qu’elle éprouvait déjà à son égard. Elle se raccrochait à la croyance que la coupure de dix mois qu’elle avait faite entre son départ de Londres et cette fameuse scène sur la plage de Gold Coast avait été suffisante pour faire le point sur ses priorités, et si elle n’était toujours pas prête à sacrifier sa liberté, cela ne signifiait pas que son désir d’indépendance était incompatible avec une histoire d’amour. Elle avait confiance en Marius pour ne pas essayer de l’enfermer dans la relation qu’ils construisaient, et qu’il lui laisserait une liberté de mouvement suffisante pour qu’elle n’ait pas le sentiment d’étouffer.

Elle frémit quand il déposa un baiser sur sa peau, et se dégagea progressivement de son étreinte pour observer ce visage qui s’était tant de fois invité dans ses pensées ces dernières semaines. Contrairement à elle, lui n’avait pas changé. Il était exactement le même que celui qui l’avait raccompagnée chez elle un mois et demi plus tôt. Son regard n’avait pas perdu de son éclat familier, ses traits semblaient aussi détendus que d’ordinaire et la barbe qu’il arborait était à peine plus fournie que la dernière fois qu’elle l’avait vue. Son parfum était le même, et le sentiment de sécurité que lui procuraient ses bras noués autour de sa taille la réconfortait toujours autant. Elle se délecta de ce constat, et ne résista pas à l’envie de poser sa main contre sa joue quand il la salua à son tour. Ses doigts caressèrent furtivement sa peau avant qu’elle ne consente enfin à détacher son regard de lui pour pouvoir s’intéresser à sa nièce, dont les sourcils dressés en disaient long sur ce qu’elle pensait de ces retrouvailles. Colleen s’adressa directement à elle, ne feignant à aucun moment l’enthousiasme dont elle fit preuve à son égard. Elle savait l’importance que revêtait Moïra aux yeux de Marius, il avait sous-entendu qu’il la considérait même comme sa propre fille. Or s’il lui avait déjà montré sa photo, elle ne l’avait jamais rencontrée en personne et elle mesurait la chance d’en avoir enfin l’occasion. « Vous avez bien de la chance, moi je n’ai pas entendu parler de vous » rétorqua la jeune fille en coulant un regard lourd de reproches à son oncle. Loin d’en être offusquée, Colleen esquissa même un grand sourire, ravie d’assister à cet échange entre Marius et sa nièce. Leur complicité lui sautait aux yeux, et elle comprenait mieux à présent le lien unique qui les unissait. « Mais ce sera un plaisir d’apprendre à vous connaître. Je comprends mieux pouvoir mon cher oncle était anxieux toute la journée. Si j’avais su, je lui aurais demandé une deuxième paire de baskets ». Alors que Moïra rejoignait son père, ce fut au tour de Colleen de dévisager Marius, la moue espiègle. Alors comme ça il avait été anxieux toute la journée ? L’information n’était pas tombée dans l’oreille d’une sourde ! « J’ai l’impression que ta nièce a un sacré caractère, tu n’as pas dû t’ennuyer » Murmura-t-elle, amusée. Quelque part, Moïra la fit penser à Lou au même âge : toutes les deux semblaient savoir exactement ce qu’elles voulaient et avoir de la suite dans les idées. Si jamais ces deux-là se rencontraient un jour, Colleen ne doutait pas qu’elles s’entendraient à merveille – bien sûr, la sage-femme ignorait totalement qu’elles se connaissaient déjà en réalité.

Après le départ de Moïra, la brune eut tout le loisir de dévorer des yeux Marius sans devoir s’inquiéter de ce que pourrait en dire sa nièce. Elle lui fit part de sa surprise de le découvrir à l’aéroport, alors qu’elle s’était plutôt imaginée retrouver Lou. Un rapide coup d’œil aux alentours lui prouva d’ailleurs que cette dernière était résolument aux abonnés absents, mais elle tâcha de ne pas s’en alarmer pour autant et de lui laisser quelques minutes supplémentaires avant de la harceler sur son téléphone portable. Lou n’était pas un modèle de ponctualité, et puisqu’elle prenait les transports en commun, elle n’excluait pas la possibilité d’un retard de bus non plus. La main de Marius sur sa joue ramena Colleen à la réalité, et ce fut avec une sincérité troublante qu’il lui déclara qu’elle lui avait manqué. Elle ferma les yeux un bref instant, savourant la sensation de ses doigts contre sa peau, puis lorsqu’elle les rouvrit, elle se délesta du poids de son sac à dos qu’elle laissa sur le sol, et noua ses bras autour de sa nuque. « Toi aussi tu m’as manqué Marius ». Il n’imaginait sans doute pas à quel point. Malgré le rythme que lui avait imposé le tournage de Race of Australia, et les multiples péripéties qui étaient survenues en six semaines d’aventure, elle n’avait jamais cessé de penser à lui. Et puis, la présence de son frère la première quinzaine ne l’avait certainement pas aidée dans ses tentatives de se concentrer pleinement sur la course et d’oublier l’espace de quelques heures celui qui était resté à Brisbane. A chaque fois que ses yeux s’étaient posés sur Tommy, Colleen avait inévitablement associé son visage à celui de son aîné – mais ça, elle n’était pas certaine de vouloir le confier à Marius, préférant éviter le sujet le plus longtemps possible. Glissant son index sur la lèvre inférieure du bel Australien, elle fronça les sourcils. « Si tu savais à quel point j’ai envie de t’embrasser… Mais Lou devrait arriver d’un moment à l’autre, alors il est sans doute plus sage d’éviter sinon nos retrouvailles risquent de se compliquer… ». Et parce qu’elle aurait aussi beaucoup de difficultés à justifier sa proximité avec le professeur de sa fille si celle-ci débarquait, elle se dégagea à regret de l’étreinte qu’elle avait une nouvelle fois initiée, et s’écarta de Marius d’un petit pas.

Il lui expliqua alors que grâce à l’aide de son amie May, il aurait été capable de venir la chercher à l’aéroport à n’importe quel moment, lui confirmant ainsi que sa présence était davantage motivée par son retour à elle que par celui de son frère. « Je devrais peut-être la remercier dans ce cas » Fit-elle avec un sourire. Elle n’avait pas eu l’occasion de faire plus ample connaissance avec la présentatrice de Race of Australia pendant l’aventure, mais elle en aurait peut-être l’opportunité par la suite. Quand Marius lui demanda comment s’étaient passées ces six dernières semaines, le visage de Colleen s’éclaira aussitôt. « C’était incroyable ! » S’exclama-t-elle, les yeux brillants. « Je partais avec pas mal d’appréhensions, je ne te le cache pas, mais finalement tout s’est bien passé – à l’exception de quelques belles chutes, mais j’imagine que je ne serai pas épargnée lors du montage et que tu les découvriras quand l’émission sera diffusée » Elle grimaça en songeant à la course de chameaux de la quatrième semaine, et de sa chute mémorable de Loupiotte. « Il se pourrait même que je sois allée loin dans l’aventure… » Fit-elle en retrouvant son sourire. « Mais ne compte pas sur moi pour t’en dire plus : j’ai signé une clause de confidentialité ». Elle passa ses doigts devant ses lèvres pour mimer une bouche cousue, puis sourit de plus belle. « Tout ce que je peux dire, c’est que je ne suis pas mécontente de mon parcours, et que j’espère que tu passeras outre ton aversion pour les émissions de ce genre, pour le découvrir en septembre ». Elle pivota légèrement vers le côté pour chercher Jack du regard dans la foule. Quand elle le trouva, elle le désigna d’un signe du menton « C’est Jack, mon binôme, celui dont je t’ai parlé par SMS. A ce propos, je suis désolée de ne pas avoir répondu à ton dernier message, j’ai dû rendre le téléphone avant de pouvoir le faire… ».

@Marius Warren

Retrouver Colleen, cela faisait plusieurs semaines déjà que tu ne pensais qu’à ça. Elle n’était partie que six semaines mais ces six semaines t’avaient parues tellement longues … C’était comme si le temps s’était soudainement mis à s’écouler plus lentement. Tu étais passé par tous les états depuis son départ et le retour à Brisbane de ton frère avait été une bénédiction mais une bénédiction que tu avais chèrement payée. Encore une fois, tu allais te retrouver à devoir faire tes preuves auprès de ton frère et tu détestais ça. Et puis sans le vouloir, tu lui avais donné les clés pour te faire mal s’il le voulait. Tu aurais préféré garder Colleen rien que pour toi, loin de ta famille le plus longtemps possible. Tu aurais commencé par lui faire rencontrer Beth avant d’envisager de lui faire rencontrer le reste de ta fratrie et tes parents. Les repas de famille chez les Warren n’étaient plus des moments chaleureux depuis longtemps … Quoique, peut-être que te voir accompagné d’une femme calmerait ta mère quelques heures. Enfin, c’était beau de rêver car ta mère allait encore trouver un moyen de te faire des reproches car Colleen ne serait jamais aussi bien que Béatrice à ses yeux. Voilà de longues années que tu avais arrêté de te fier aux avis tranchés de ta mère donc peu importe ce qu’elle pensait de Colleen, c’était son problème pas le tient. Mais tu t’avançais beaucoup trop, vous n’en étiez pas encore là et Race of Australia avait de toute manière bousculé tous tes plans et avait permis la rencontre de Tommy et Colleen loin de tes yeux. Quand le texto de May était arrivé, tu avais d’abord cru que c’était une blague et tu n’avais ensuite pas dormi de la nuit avant d’accueillir ton frère le lendemain à son retour en ville. Autant dire que l’entrevue n’avait pas été des plus cordiale et que tu risquais d’en entendre parler pendant un moment. Mais ça c’était entre Tommy et toi, un malentendu et une engueulade de plus dans votre relation en dents de scie n’allait pas changer la face du monde. Colleen ayant rencontré Tommy, sa rencontre avec Moïra était inévitable. Ta nièce se trouvant à côté de toi quand la jolie brune s’était jetée dans tes bras, tu ne fus pas surpris du regard que vous lançait la pré-adolescente. Beaucoup moins intéressée par l’arrivée de son père, la présence d’une femme si proche de toi était bien plus intéressante à ses yeux pour l’instant. Et parce que Moïra avait son petit caractère et qu’elle avait envie de te mettre en difficulté, elle ne mâcha pas ses mots pour dire à Colleen que tu ne lui avais pas parlé d’elle. Cela ne sembla pas froisser la jeune femme toutefois ce qui te rassura. Que Moïra regrette ne pas t’avoir fait acheter une autre paire de baskets ne t’étonnait pas vraiment. Tu savais que ton frère faisait de son mieux et Moïra ne manquait de rien à part de ces objets ostentatoires qui pouvaient tout changer dans une cour de récréation. Avec l’argent que tu avais dans tes comptes en banque depuis des années, tu pouvais bien lui faire plaisir de temps en temps. « J’ai l’impression que ta nièce a un sacré caractère, tu n’as pas dû t’ennuyer » Un petit rire s’échappa de tes lèvres alors que tu secouais tête. Non, tu ne t’ennuyais jamais avec Moïra. Mais malgré son côté très extravertie et peu timide aujourd’hui, tu savais que se cachait derrière une petite fille fragile. Te déconcentrant sur la demoiselle dans tes bras, tu lui dis : « Elle n’est pas tout le temps comme ça, heureusement. » Tu ne doutais pas que de belles surprises vous attendaient pour quand elle déciderait de tester vos limites et quelque chose te disait qu’il vaudrait mieux à ce moment-là que Tommy et toi soyez dans la même équipe car elle n’aurait aucun problème pour une fois à jouer sur vos sujets de discorde.

Il n’y avait pas eu un jour, une heure où Colleen n’avait pas traversé ton esprit. Elle avait été là avec toi ces dernières semaines, les souvenirs de votre dernière rencontre te permettant d’anticiper des retrouvailles tant attendues. Tu pouvais encore sentir ses lèvres contre les siennes et ton regard se posa sur ces dernières quelques instants en considérant les faire rencontrer les tiennes mais tu savais que c’était risqué, beaucoup trop risqué. Tu te fichais que Tommy et Moïra assistent à ce spectacle, toutefois, tu savais que Lou ne devrait pas tarder à faire son entrée dans le hall des arrivées. « Toi aussi tu m’as manqué Marius  » Tu profitais de cette proximité, de sentir le corps de Colleen contre le tient pour te prouver qu’elle était bien là, que ce n’était pas un rêve. Tu avais tellement de fois rêvé de son retour que ce pourrait très bien en être un. Mais les doigts de la jolie brune sur ta nuque étaient bien réels et tu laissais tes yeux se perdre dans les tiens quelques instants. « Si tu savais à quel point j’ai envie de t’embrasser… Mais Lou devrait arriver d’un moment à l’autre, alors il est sans doute plus sage d’éviter sinon nos retrouvailles risquent de se compliquer… » Il fallait être raisonnable dans ce cas mais c’était bien la première fois que tu n’avais pas envie de l’être. Tu ne retins pas Colleen quand elle s’éloigna d’un pas toutefois. Désormais, Lou pouvait arriver et se diriger vers vous, rien ne laissait penser que vous veniez de vous retrouver comme deux amants séparés par six semaines d’absence. A part peut-être les regards que vous échangiez. Il ne devait pas être difficile de lire dans le tient l’envie de retrouver Colleen, le manque qu’avait représenté son absence. Tu aimerais la ramener chez toi, lui préparer à manger et l’écouter te parler de cette aventure mais … ce sera pour une autre fois. « L’envie est partagée. » Lui dis-tu un sourire légèrement triste sur les lèvres. « Cependant je me doutais que tu voudrais retrouver ta fille dans un premier temps. Est-ce que … » Soudain, tu te découvres bien timide et bien peu sûr de toi. Finalement, prenant une grande inspiration tu lui demandais : « Si tu arrives à échapper à la surveillance de ta fille un soir, cela te dirait de venir manger chez moi ? Promis, Moïra rentre chez elle dès ce soir. » Dis-tu sur un ton un peu amusé pour essayer de ne pas faire de cette invitation quelque chose de trop important non plus. Tu ne voulais pas faire fuir Colleen mais tu avais envie de la retrouver comme il se devait, quelque part où vous n’aurez pas à vous cacher.

Alors que Colleen note sa surprise de te voir à l’aéroport, tu lui avoues que tu as passé un marché avec May pour qu’elle te tienne au courant de son retour à Brisbane, peu importe quand ce dernier serait intervenu. « Je devrais peut-être la remercier dans ce cas » Peut-être … Mais May n’avait pas joué qu’à la bonne fée ces dernières semaines, en particulier avec le retour de ton frère. Ce sera certainement un sujet que tu devras aborder avec Colleen quoique peut-être que Tommy lui avait déjà raconté votre altercation à son retour. Si elle savait quelque chose, elle n’en laissa rien paraître cependant. Du coup tu préférais ne rien répondre et questionner Colleen sur son aventure. C’est sans surprise que tu la vis s’animer pour te résumer ce qu’elle avait vécu : « C’était incroyable ! Je partais avec pas mal d’appréhensions, je ne te le cache pas, mais finalement tout s’est bien passé – à l’exception de quelques belles chutes, mais j’imagine que je ne serai pas épargnée lors du montage et que tu les découvriras quand l’émission sera diffusée. Il se pourrait même que je sois allée loin dans l’aventure… Mais ne compte pas sur moi pour t’en dire plus : j’ai signé une clause de confidentialité » Tu laissais échapper un petit rire en voyant Colleen fermer sa bouche. Tu étais curieux mais pas au point de l’harceler pour savoir jusqu’où elle avait été. Le fait qu’elle ne soit pas revenue à Brisbane et que tu n’aies pas eu beaucoup de nouvelles depuis son départ était un signe qu’elle avait dû aller loin dans l’aventure en effet. « Tout ce que je peux dire, c’est que je ne suis pas mécontente de mon parcours, et que j’espère que tu passeras outre ton aversion pour les émissions de ce genre, pour le découvrir en septembre » Aversion était un mot un peu fort. Pour que tu aies une aversion pour ces émissions, il faudrait que tu leur prêtes attention ce qui n’était pas le cas. Tu étais indifférent face à toutes ces nouvelles choses que tu trouvais idiotes et auxquelles tu ne t’intéressais pas. Tu savais que cela existait, tes élèves en parlaient bien assez souvent mais tu préférais passer pour un vieux à leurs yeux que de t’y intéresser. Toutefois, cela ne voulait pas dire que tu ne comptais pas regarder Race of Australia. Entre Liam, Gregory, ton frère, Colleen et May, tu ne voyais pas comment tu pourrais ne pas te mettre derrière ton écran et continuer à vivre à Brisbane. « Tu peux compter sur moi pour regarder l’émission. J’ai envie de découvrir votre aventure et en toute honnêteté, je me ferai lyncher si je ne le faisais pas. » Tu savais que May attendrait un texto au minimum après le premier épisode et que Gregory te fera passer un véritable interrogatoire pour vérifier que tu as bien regardé chaque minute de l’émission donc c’était inévitable. « On pourra regarder certains épisodes ensemble si ça te dit ? » Te surpris-tu à proposer à Colleen. Il allait falloir que tu achètes une télévision probablement ou alors que tu squattes chez Allan ou chez tes parents pour regarder car tu n’avais jamais trouvé cela utile que d’installer une télévision dans ton loft. Moïra s’était plaint en débarquant en juin mais l’ordinateur portable que tu avais mis à sa disposition avait fait l’affaire. Colleen te désigna ensuite quelqu’un dans la foule, un homme qui devait avoir ton âge à peu près en te disant : «  C’est Jack, mon binôme, celui dont je t’ai parlé par SMS. A ce propos, je suis désolée de ne pas avoir répondu à ton dernier message, j’ai dû rendre le téléphone avant de pouvoir le faire… » Tu avais entendu parler de Jack en effet et c’était agréable de pouvoir mettre un visage sur le nom. Tu n’en voulais pas à Colleen de ne pas t’avoir répondu, cela avait dû être assez difficile de pouvoir t’envoyer ce premier message de toute manière. « Je devrais le remercier de t’avoir ramenée en un seul morceau. » Lui dis-tu avec un clin d’oeil taquin. Colleen pouvait prendre soin d’elle mais pouvoir se reposer sur quelqu’un pouvait être appréciable aussi. « Ne t’en fait pas pour le SMS, j’étais content d’avoir de tes nouvelles. » C’était sans doute mieux qu’elle n’ait pas eu de moyens de contacter qui que ce soit durant cette aventure parce que le retour de son ex-mari aurait pu la déconcentrer dans le jeu. Tu ne savais pas quelle réaction allait avoir Colleen face à cette nouvelle. Tu avais cru comprendre qu’elle avait envie de laisser son ex-mari dans le passé malheureusement, ce dernier semblait la rattraper. « J’ai fait une nouvelle rencontre moi aussi pendant ton absence. » Dis-tu avec une petite grimace. Elle comprendra certainement que ce n’était pas une bonne rencontre mais tu préférais le lui dire plutôt qu’elle l’apprenne de quelqu’un d’autre. Ta conversation avec August Wells te hantait toujours un peu il fallait l’avouer.

@Colleen Sainsbury

Colleen n’était pas parvenue à garder ses distances avec Marius, comme sa prudence coutumière aurait dû l’inciter à le faire. Avec du recul, elle savait pourtant qu’elle avait joué avec le feu en se jetant ainsi dans ses bras. Certes, dans un éclair de lucidité elle avait songé à vérifier que Lou ne se trouvait pas dans les parages avant de le faire, toutefois elle aurait tout aussi bien pu arriver au moment où elle se trouvait encore dans les bras de Marius. Autant dire que si tel avait été le cas, elle aurait été bien en peine de se justifier. De sa vie, elle avait rarement eu de secrets pour sa fille. Quand cette dernière était plus jeune, il y avait bien eu des choses qu’elle ne lui avait pas confié, plus en raison de son âge que par pudeur ou manque de confiance. De la même manière, elle ne s’était jamais permise de critiquer August devant Lou – pas même au cours des derniers mois qu’elle avait passés à Londres – ou de lui faire ressentir son désarroi face à une situation qui la dépassait. Cependant Lou avait toujours été suffisamment mature, objective et clairvoyante pour comprendre ce qu’il se passait au sein du couple formé par ses parents sans que ni l’un ni l’autre n’ait besoin de lui fournir d’explications. A ces exceptions près, que Colleen justifiait véritablement par son désir de ne jamais impliquer sa fille dans le conflit qui l’opposait à August, elle avait toujours été transparente à son égard. Sa relation avec Lou avait toujours été exceptionnellement fusionnelle, et l’Anglaise en tirait une vraie fierté. Alors que les rapports entre mères et filles étaient traditionnellement complexes, les leurs étaient dépourvus de ces difficultés, et elle avait toujours mis un point d’honneur à ne pas laisser le conflit s’installer entre elles. Pourtant, elle avait désormais conscience que le fait de dissimuler à Lou ses entrevues avec Marius depuis ce fameux rendez-vous dans le bureau universitaire de ce dernier était en mesure de compromettre ces résolutions, et par extension nuire à sa relation avec sa fille. Elle pouvait toujours se justifier en expliquant qu’elle n’avait pas anticipé ce qu’il se passait avec Marius, et qu’elle s’était même longtemps raccrochée à son refus de s’engager dans n’importe quelle relation, mais cela suffirait-il ? Les choses s’étaient faites naturellement avec le professeur de Lou, et si elle avait bien senti sa détermination se délier au fil de leurs rencontres, elle avait vécu dans le déni le plus total en refusant d’admettre l’attirance puis les sentiments qu’elle avait commencé à éprouver pour lui. La journée qu’ils avaient passée ensemble avant le départ de Colleen pour Race of Australia avait inéluctablement entraîné le terme de cette phase de déni, et à présent ce n’était plus qu’une question de temps avant qu’elle ne soit dans l’obligation d’en parler à Lou. Elle se connaissait suffisamment pour savoir que si cette histoire avec Marius se confirmait, elle ne pourrait pas mentir éternellement à sa fille, même par omission, car c’était au-dessus de ses forces. Or elle ne pouvait que craindre la réaction de cette dernière, car si elle ne doutait pas qu’elle serait heureuse pour elle d’être enfin parvenue à tourner la page « August », elle savait aussi qu’en découvrant l’identité du fameux petit-ami potentiel elle déchanterait tout aussi rapidement. Pour l’instant, Colleen apaisait sa culpabilité en se persuadant que beaucoup trop d’incertitudes flottaient autour de cette éventuelle relation avec Marius pour qu’elle prenne le risque d’en parler à Lou, mais combien de temps cela fonctionnerait-il ? Elle n’en avait pas la moindre idée.  

Le beau brun qui lui faisait face semblait s’être montré aussi discret qu’elle à propos de leur histoire, Moïra n’ayant visiblement jamais entendu parler d’elle avant. Toutefois il n’avait pas hésité une seule seconde avant de l’accueillir dans ses bras, ce qui prouvait qu’il agissait dans l’intérêt de protéger sa vie privée avant tout, et qu’il n’avait pas honte d’elle. C’était en partie pour cette raison que Colleen s’était amusée de l’honnêteté de la jeune fille quand elle lui avait avoué ne pas savoir qui elle était. Elle devait néanmoins lui reconnaître un sacré tempérament pour son âge, et quand Marius lui assura qu’elle n’était pas tout le temps comme ça, elle s’empressa de lui répondre. « Ce n’était pas un reproche, au contraire. Lou aurait probablement réagi de la même manière que Moïra au même âge. Elle me fait un peu penser à elle, d'ailleurs » Fit-elle en ponctuant sa phrase d’un sourire. Elle avait effectivement le même modèle que Moïra à la maison, quoiqu’en version un peu plus âgée – ce qui ne signifiait pas qu’elle s’était assagie pour autant, bien au contraire. Le départ de la jeune fille vers Tommy laissa à Colleen tout le loisir de contempler Marius, et ce qu’elle lut dans son regard parvint à gommer l’anxiété qu’elle avait ressentie à la perspective de le retrouver après six semaines de séparation au cours desquelles ils n’avaient quasiment eu aucun contact. Les choses ne semblaient pas avoir évolué, d’un côté comme de l’autre ; c’était presque comme si Marius l’avait raccompagnée chez elle après leur virée à Gold Coast quelques heures plus tôt seulement, comme si ce mois et demi n’avait jamais existé et que Race of Australia n’avait été qu’un songe en réalité. Il était rassurant de constater que cette chaleur qu’elle ressentait dès lors qu’elle se tenait à proximité de lui ne s’était pas effacée. Leur séparation n’avait pas affaibli leur lien, elle n’avait fait que le renforcer davantage tout en permettant à la jeune femme de prendre conscience du manque qu’elle ressentait loin de lui. Pour une fois elle ne réfléchit pas avant de parler, ne mesura pas ses mots et se contenta de laisser parler son cœur quand elle lui avoua que lui aussi lui avait manqué. Ses yeux ne quittant pas les siens, elle le vit caresser du regard ses lèvres et le désir qu’elle décela au fond de ses yeux clairs accentua le trouble qu’elle ressentait près de lui. Son regard à elle glissa à son tour sur sa bouche, et si elle parvint à résister à la tentation de l’embrasser elle ne put toutefois s’empêcher de poser un doigt sur sa lèvres inférieure avant de lui confier à quel point elle avait envie de réduire la distance entre eux. Malheureusement pour l’un comme pour l’autre, la situation ne leur permettait pas de succomber à cette envie-là, l’imminence de l’arrivée de Lou se dressant comme une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. A contre-cœur, Colleen consentit à s’écarter de lui. Elle saisit l’anse de son sac à dos laissé par terre et se raccrocha à celle-ci pour s’occuper les doigts et surtout s’empêcher de se rapprocher une nouvelle fois de Marius. D’une voix moins assurée qu’auparavant, ce dernier lui proposa de venir dîner chez elle un soir – sous réserve qu’elle puisse échapper à la vigilance de Lou, s’entendait. Il ajouta que Moïra serait de nouveau chez elle, et un sourire énigmatique naquit sur les lèvres de l’Anglaise. La proposition était alléchante, elle ne pouvait le nier. Elle faisait battre son palpitant un peu plus fort et invitait toutes sortes de pensées dans son esprit. Même après six semaines, le souvenir de leur étreinte sur la plage restait particulièrement vif et elle avait conscience que s’ils ne s’étaient pas trouvés dans un lieu public à ce moment-là, elle aurait éprouvé bien plus de difficultés à ne pas s’abandonner complètement dans ses bras. Elle n’avait pas pour habitude de céder aussi facilement à son instinct, étant plutôt du genre à réfléchir avant d’agir, mais force était de constater que son désir avait pris le pas sur sa raison ce jour-là, et qu’elle n’était pas à l’abri qu’une telle situation se reproduise – surtout après s’être languie de Marius pendant six semaines. « Crois-moi, Lou se lassera vite de sa vieille mère une fois que je lui aurais tout raconté de mon aventure… Je devrais donc échapper à sa surveillance sans trop de difficultés » Lui répondit-elle en mimant des guillemets quand elle réutilisa les mots qu’il avait employés. « Ce sera avec plaisir ! En plus, je crois me souvenir que tu ne te débrouilles pas trop mal en cuisine… » Ajouta-t-elle avec un clin d’œil. Elle mentirait en affirmant que c’était uniquement pour ses talents culinaires qu’elle acceptait son invitation, car la perspective de passer du temps avec lui était ce qui comptait le plus, peu importe que la soirée soit accompagnée d’un bon petit plat mijoté ou d’une pizza en livraison. Si elle se fiait à sa difficulté à se tenir éloignée de lui, là, au beau milieu d’un aéroport et à quelques mètres seulement des autres candidats avec lesquels elle avait partagé son aventure, il y avait fort à parier qu’elle y parviendrait encore moins s’ils se retrouvaient rien que tous les deux, chez lui de surcroît.

S’intéressant à la course qui avait rythmé les six dernières semaines de Colleen, Marius lui demanda comment cela s’était passé et elle ne réussit pas à contenir son enthousiasme quand elle lui répondit. Elle ne pouvait pas lui révéler qu’elle était parvenue jusqu’en demi-finale, mais il devait néanmoins se douter que si elle n’était pas rentrée plus tôt c’était pour une bonne raison. Même si Jack avait plusieurs fois évoqué la possibilité de poursuivre la route avec elle jusqu’à Perth même en étant éliminés officiellement de l’émission, ils n’avaient pas eu l’occasion de le faire, parvenant à un stade de l’aventure que ni l’un ni l’autre n’avait anticipé au départ de la course. Marius lui répondit qu’il pouvait compter sur elle pour regarder l’émission et qu’il était sincèrement curieux de découvrir ce qu’elle leur avait réservé à tous. Colleen se rappela qu’en plus de son frère et de May, quelques amis à lui avaient aussi rejoint l’aventure en tant que candidats. Alors même s’il n’aimait pas ce genre d’émission, il pourrait difficilement passer à côté. Quand il lui proposa de visionner quelques épisodes ensemble, elle acquiesça derechef. « Tant que tu promets de ne pas te moquer de moi, ce sera avec plaisir » Accepta-t-elle sans une once de crédibilité quand elle fronça les sourcils d’un air faussement menaçant. Ils ne pourraient sans doute pas suivre toute l’aventure ensemble, car il était probable que Lou veuille elle aussi passer quelques soirées avec elle pour la visionner, mais Colleen pourrait sans doute se libérer à une ou deux reprises. Les occasions ne manqueraient pas, de toute façon, puisqu’elle figurerait dans toutes les émissions sans exception, sa participation à la finale par le biais d’une partie de paintball qui resterait à jamais gravée dans les annales ne lui permettant même pas d’échapper à la dernière émission diffusée de la saison. Soucieuse de lui montrer qui était le fameux Jack dont elle lui avait parlé, Colleen pivota alors sur le côté pour le désigner au loin. C’était en grande partie grâce à lui qu’elle était revenue en un seul morceau, sans le savoir Marius énonçait la vérité, le Canadien lui ayant sauvé la mise à plus d’une reprise. « Tu ne crois pas si bien dire, sans lui je ne sais pas dans quel état je serais ! Et surtout, j’aurais sans doute été éliminée dès la première semaine » Annonça-t-elle en toute modestie, car elle savait qu’il ne s’agissait là que de la stricte vérité. Même si elle avait plusieurs fois mené leur binôme en étant bien plus organisée qu’il ne l’était, Jack s’était évertué à toujours prendre soin de sa partenaire et à s’imposer entre elle et les éventuels dangers que la route pouvait représenter. Elle lui devait une fière chandelle. A la mention des SMS qu’ils avaient échangés, Colleen en profita pour s’excuser de l’absence de réponse au dernier message que Marius lui avait envoyé le soir où son binôme était parvenu à lui dégoter un téléphone portable, mais le brun ne lui en tint pas rigueur. Elle esquissa un sourire et tournant la tête, elle passa la foule en revue dans l’espoir de voir Lou apparaître quelque part. Malgré tout, après plusieurs secondes, elle se rendit compte que la jeune femme n’était toujours pas arrivée. Elle jeta alors un coup d’œil à la grande horloge qui se trouvait derrière Marius pour découvrir l’heure, et décida d’appeler sa fille si celle-ci ne se présentait pas dans les cinq prochaines minutes. La voix de son interlocuteur l’arracha néanmoins à son inquiétude, et ses sourcils se dressèrent quand elle l’entendit parler d’une nouvelle rencontre faite en son absence. Le ton qu’il employa n’augurait rien de bon et plantant son regard dans le sien, elle comprit que son instinct ne l’avait pas trompé : les traits de Marius étaient crispés et la grimace qu’il arborait n’était pas bon signe. « Une nouvelle rencontre ? Je commence à te connaître suffisamment pour penser que ce que tu t’apprêtes à me dire ne va pas me plaire… ? ». Elle n’avait pourtant pas la moindre idée de ce qu’il allait lui annoncer, et ne se doutait pas un seul instant que sa révélation allait compliquer considérablement les choses pour elle.

@Marius Warren

Tomber amoureux, ce n’était pas quelque chose que tu avais envisagé de nouveau très sérieusement après ton histoire avec Alice. Ce n’était pas faute d’avoir essayé car tu avais fait la rencontre de jeunes femmes toutes exceptionnelles mais tu avais conscience d’être quelqu’un de difficile à supporter. Il fallait du temps, de la patience pour que tu sortes de ta carapace, pour que tu ne te caches plus derrière cette indifférence qui te caractérisait tant d’habitude. Peu avaient eu cette patience et pour celles qui l’avaient eues, tu avais fini par mettre un terme à la relation quand il était clair que tu ne pouvais pas leur donner ce qu’elles cherchaient. Tu étais bien conscient d’avoir brisé des coeurs mais si tu recousais ces femmes aujourd’hui, elles te remercieraient certainement car avec le recul, tu avais fait le bon choix. Tomber sous le charme de Colleen s’était fait si facilement et si naturellement que tu n’avais pas vraiment su reconnaître les signes qui se montraient un peu partout. L’intérêt qu’elle avait suscité en toi dès vos premières rencontres était nouveau mais pas étranger non plus. Là, planté à l’aéroport, tu ne regrettais pas une seule seconde d’être tombé sans t’en rendre compte. Voir Colleen courir et se jeter dans tes bras, c’était le plus beau cadeau qu’elle pouvait te faire parce que dans cette foule, c’était dans tes bras qu’elle s’était jetée. Bon, tu avais conscience que l’absence de Lou n’y était pas pour rien mais tu appréciais tout de même. Parce que tu avais aujourd’hui quarante-trois ans et que tu fêteras ton quarante-quatrième anniversaire cette année, il était assez normal que les personnes que tu rencontrais aient déjà eu une première vie. Ne t’intéressant pas aux petites jeunettes, forcément, le passé de tes diverses rencontres était souvent plus rempli que le tient. Mais tu n’avais pourtant pas envisagé qu’en commençant une relation avec Colleen, sa fille allait être une pièce maîtresse de votre histoire parce que Colleen venait avec Lou. Et au début, tu avais préféré ne pas y penser. Tu avais préféré laisser Lou dans tes cours et Colleen dans ta vie personnelle mais la visite que t’avait rendue August te laissait présagée que le mix des deux n’allait pas tarder à arriver. Colleen, tout comme toi, avait amenée en Australie des morceaux de son ancienne vie et il allait certainement falloir te battre pour conserver ces moments de bonheurs que tu n’avais pas envie de voir disparaître. Les mots de Jacob avaient souvent raisonnés dans ton esprit. Est-ce que le fait que Lou se soit intéressée à toi en début d’année scolaire viendrait mettre une épine dans sa relation fusionnelle avec sa mère ? Prendrait-elle cela comme un affront ? Comme une compétition ? Tu ne savais pas et tu n’étais pas certain de vouloir le découvrir. Pas tout de suite. Cela ne te dérangeait pas de ne pas clamer sur tous les toits que les sourires qui se multipliaient sur ton visage ces derniers temps étaient dus à Colleen. Tes collègues avaient arrêté de te poser des questions depuis longtemps et tes amis le plus proches savaient, tout comme ta famille désormais. Parce que Tommy ne tiendra pas sa langue très longtemps, s’il n’a pas déjà déversé cette information à vos soeurs et Moïra ne pourra pas se retenir non plus. Pour le reste, tu laisseras Colleen décider le rythme auquel elle voulait faire les choses. Moïra s’était d’ailleurs éloignée après avoir fait la rencontre de Colleen pour rejoindre son père. Tu n’étais pas étonné qu’elle ait cherché à marquer le coup. « Ce n’était pas un reproche, au contraire. Lou aurait probablement réagi de la même manière que Moïra au même âge. Elle me fait un peu penser à elle, d'ailleurs » Le mention de Lou dans la conversation vous rappela que l’étreinte que vous étiez en train de partager était déjà bien trop risquée pour que vous vous lanciez dans un baiser. L’envie ne manquait pas, d’un côté comme de l’autre mais vous étiez assez matures pour résister à la tentation. Si l’enjeu n’était pas aussi important, tu aurais sans doute essayé de voler un baiser à Colleen mais tu n’avais pas du tout envie de te faire surprendre par sa fille. Mieux valait que Colleen fasse l’annonce de votre relation quand elle aura décidé de le faire, vous faire surprendre dans une position compromettante n’était pas une bonne idée. Un léger soupir d’aise s’échappa de tes lèvres quand le doigt de Colleen passa sur ta lèvre inférieure avant de s’éloigner. C’était un déchirement que de la voir faire ce pas en arrière mais tu ne cherchais pas à la retenir non plus. A la place, tu l’invitais à venir dîner chez toi. De cette manière, il n’y avait aucun risque à ce que vous soyez surpris ou interrompus et tu pourras avoir la jeune femme rien que pour toi pendant quelques heures. Toutefois, tu savais très bien que cette invitation n’était pas aussi innocente que tu aimerais le faire croire ce qui te rendait légèrement nerveux. Le sourire qui se dessina automatiquement sur les lèvres de la jolie brune te rassura de suite et ses paroles firent s’étendre un grand sourire sur tes lèvres : « Crois-moi, Lou se lassera vite de sa vieille mère une fois que je lui aurais tout raconté de mon aventure… Je devrais donc échapper à sa surveillance sans trop de difficultés. Ce sera avec plaisir ! En plus, je crois me souvenir que tu ne te débrouilles pas trop mal en cuisine… » Le rouge te monte légèrement aux joues alors que tu repenses aux cupcakes que tu avais préparés pour l’anniversaire de Colleen un mois et demi plus tôt. Tu n’étais pas un excellent cuisinier mais tu te débrouillais plutôt bien ce qui te suffisait largement. Et tu comptais bien préparer à la jeune femme un très bon repas dont elle avait peut-être dû manquer durant ses semaines d’aventure. Car elle n’avait pas dû très bien manger tous les jours vu le concept que t’avait résumé May avant de partir … En tout cas, pour l’instant vous étiez d’accord pour garder Lou en dehors de votre histoire. Et en temps qu’étudiante de première année, Lou ne devait pas manquer d’obligations sociales sur le campus qui laisseraient une soirée de libre à sa mère. « Tu as mon numéro, je te laisse me dire le soir qui t’arrangera. » Lui dis-tu avec un petit sourire avant d’ajouter : « Et vu que j’ai une réputation à maintenir, je te préparerai un bon dîner. » Promis-tu même s’il était probable que tu ne sois pas totalement concentré sur le repas en attendant l’arrivée de Colleen. Mais tu auras le temps de penser à tout cela seul, dans ton loft, ce n’était pas le moment d’y penser au beau milieu d’un aéroport.

Colleen revenant d’une aventure hors du commun, il était normal que tu lui demandes comment cela s’était passé. De son non retour à Brisbane avant la date de la fin de la compétition, tu t’étais douté que les choses s’étaient bien passées mais de l’entendre te le dire et de voir les étoiles qui brillaient encore dans ses yeux, c’était autre chose. Avec tous les doutes que tu avais eu sur la participation de Colleen à cette aventure, la voir rentrer aussi heureuse aurait suffit à te faire plaisir. La voir rentrer aussi heureuse et impatiente de te voir, c’était inespéré pour toi vu ta chance dans le domaine amoureux. Tu fis remarquer à la jolie brune que tu n’auras pas d’autres choix que de regarder l’aventure vu le nombre de participants dans ton entourage. Tu ne l’aurais jamais fait sinon mais tu avais envie de voir les exploits de Colleen désormais. Et si tu pouvais voir ces exploits avec la demoiselle à tes côtés, ce serait encore mieux. « Tant que tu promets de ne pas te moquer de moi, ce sera avec plaisir » Tu laissais échapper un petit rire face au regard faussement menaçant de Colleen. Tu n’étais pas moqueur de nature mais s’il y avait une situation amusante, tu doutais te retenir de te moquer un peu, mais jamais méchamment. Levant les deux mains à côté de ta tête, tu lui répondis : « Je ne peux pas te promettre une chose pareille mais je peux te promettre de ne pas le faire méchamment. » Tu pris un air de petit ange, chose que tu n’étais pas mais qui, tu l’espérais, amuserait certainement la jeune femme. Tu te demandais ce que cela devait faire comme impression de revivre cette aventure une deuxième fois à travers les prises de caméramans. Ce sera certainement une question que tu poseras à Colleen en temps venu. Pour l’instant, elle t’indiquait un homme d’une quarantaine d’année qui retrouvait une adolescente et quelques autres personnes à plusieurs mètres de vous. Cet homme, c’était Jack, son fameux coéquipier. Tu entendais dans la voir de Colleen l’affection qu’elle avait pour ce dernier et tu laissais ta jalousie maladive de côté pour lui dire que tu devrais le remercier d’avoir veillé sur elle. Parce que c’est à ça que servent les coéquipiers n’est-ce pas ? «  Tu ne crois pas si bien dire, sans lui je ne sais pas dans quel état je serais ! Et surtout, j’aurais sans doute été éliminée dès la première semaine » Ça, tu n’en étais pas aussi sûr qu’elle. Colleen avait plus de ressources qu’elle semblait le penser et tu ne serais pas étonné de découvrir de nouvelles facettes de sa personnalité lors de la diffusion de l’émission. Qu’elle se soit bien entendue avec Jack et qu’ils aient passé six bonnes semaines ensemble était le principal car faire une aventure de ce genre avec une personne avec qui le courant ne passe pas bien, cela doit être pesant. « Je doute que tu aurais été éliminée dès la première semaine, si vous avez fait plusieurs semaines dans l’aventure, je ne pense pas que cela soit uniquement dû à Jack. » Dis-tu à Colleen avec un clin d’oeil. Tu étais désormais curieux de découvrir les aventures de la jeune femme et de découvrir ce que cette aventure et les situations improbables qu’ils avaient certainement dû affronter avait fait ressortir chez elle. Colleen aborda ensuite le SMS qu’elle t’avait envoyé en s’excusant de ne pas avoir pu te répondre. Tu ne l’avais pas mal pris, loin de là ! A partir du moment où elle t’avait dit qu’elle avait emprunté le téléphone sur lequel elle te contactait, tu ne t’étais pas attendu à un très long échange même si tu l’aurais souhaité. Tu pouvais voir Colleen regarder l’horloge qui était installée dans le hall des arrivées, se demandant où était passée Lou probablement. Toi, tu te préparais à avouer à la jeune femme que tu avais rencontré son ex-mari qui avait apparemment débarqué à Brisbane pendant son absence. Enfin, tu ne savais pas s’il était toujours là mais tu le voyais mal repartir sans avoir vu son ex-femme. « Une nouvelle rencontre ? Je commence à te connaître suffisamment pour penser que ce que tu t’apprêtes à me dire ne va pas me plaire… ? » Effectivement, ton visage ne devait pas afficher l’expression la plus rassurante qui soit. En même temps, vu ce que Colleen t’avait raconté de son mariage, tu n’étais pas certain que l’arrivée de son ex-mari lui fasse très plaisir. En particulier quand elle t’avait confié avoir besoin de repartir à zéro loin de son influence. « Je préfère que tu l’entendes de ma bouche, je ne doute pas que Lou va t’en parler. » Parce que le problème n’était pas que tu aies rencontré August Wells. Le problème était les accusations qu’il était venu porter et dont tu ne voyais toujours pas le fondement. « Ton ex-mari est à Brisbane. » Finis-tu par dire en plongeant ton regard dans les yeux de la jeune femme. Tu ne savais pas exactement ce que tu pouvais y lire à part une grande stupéfaction. « Il est venu me rendre visite à l’université pour parler de Lou. Apparemment elle lui a raconté que je la harcelais avec des avances trop insistantes qui la mettait mal à l’aise. Disons que l’entrevue n’a pas été très cordiale. » Te contentas-tu de dire sans en rajouter plus. Dans ton malheur, tu avais de la chance que ton histoire avec Colleen ne soit pas une information publique et connue de tous car sinon, tu osais à peine imaginer l’accueil que t’aurait réservé monsieur Wells.

@Colleen Sainsbury

Ces quelques minutes passées avec Marius au beau milieu de l’aéroport ne seraient pas suffisantes pour permettre à Colleen d’exprimer tout ce qu’elle avait sur le cœur, de faire ressentir à son interlocuteur combien il lui avait manqué et à quel point elle n’avait jamais véritablement réussi à chasser son image de ses pensées tout au long de ces six semaines passées loin de lui. Elle en était la première surprise, pourtant. S’il était vrai qu’elle s’était attendue à ressentir un certain manque à son départ de Brisbane, jamais elle n’aurait pu en anticiper l’ampleur. Elle ne le connaissait que depuis quelques mois à peine, et leur rapprochement était encore plus récent. Colleen, qui depuis son arrivée en Australie s’était toujours cramponnée à sa liberté comme si sa vie entière en dépendait, qui s’était refusée de se lancer dans une histoire susceptible de l’en priver, avait réalisé au cours de la traversée du pays que le piège s’était malgré tout refermé sur elle. Parce qu’elle sentait bien, au fond d’elle, que ce n’était pas simplement une question d’attirance physique et que cette tension qui était née de leur énième rencontre ce fameux soir au Canvas ne pouvait pas tout à fait résumer sa relation avec Marius. Elle avait bien tenté de s’en persuader, au début, car s’il ne s’était agi que de cela elle aurait pu facilement succomber à la tentation pour mieux se dégager par la suite de l’emprise qu’il avait sur elle sans le savoir. Un simple désir, ce n’était pas si difficile de s’en débarrasser, ni particulièrement pénible par ailleurs. Lorsque les sentiments s’en mêlaient, en revanche, c’était bien à ce moment-là que les choses se corsaient. Or le manque qu’avait ressenti Colleen ne pouvait que trahir ce genre de sentiments. Son attachement au professeur d’histoire des arts était réel, inéluctable, et quand elle s’en était rendu compte en étant loin de lui elle avait longtemps pesé le pour et le contre, songé avec optimisme à une issue favorable ou au contraire avec davantage de pessimisme à un dénouement plus complexe. Et en toile de fond de ces interrogations, une phrase prononcée par Jack à plusieurs reprises au cours de leur périple : mieux valait vivre avec des remords qu’avec des regrets. Et si Race of Australia lui avait bien appris une chose, c’était qu’elle possédait en elle des ressources qu’elle n’avait jamais soupçonnées et qu’elle était plus forte que tout ce qu’elle avait pu imaginer. Alors, puisque la peur n’évitait pas le danger, quel mal y avait-il à tenter quelque chose avec Marius ? A reprendre les choses là où ils les avaient laissées avant de partir, sur la plage de Gold Coast ? Sans mettre d’étiquette sur cette relation, sans s’imposer de restrictions ou un cadre formel qui pourrait nuire à la liberté de mouvements si chère aux yeux de l’Anglaise. Mais plutôt en avançant à tâtons, en apprenant à se découvrir et en accordant une chance à leur histoire – ce qui constituait un incroyable progrès en soi pour Colleen qui, encore quelques semaines auparavant, n’aurait jamais deviné être capable d’en arriver là.

Après être venu personnellement l’accueillir à l’aéroport, Marius fit un pas supplémentaire vers elle en lui proposant un dîner chez lui. La jeune femme avait bien eu l’intention de lui faire une proposition similaire, d’autant plus qu’il n’avait encore jamais mis les pieds dans cette maison qu’il avait ironiquement passé plusieurs heures à peindre. Toutefois, l’idée de découvrir le loft dans lequel vivait Marius lui semblait être une bien meilleure option avec du recul. Certes, elle ne pourrait pas compter sur une journée passée derrière les fourneaux pour apaiser sa nervosité à l’approche d’une telle soirée, aussi lui faudrait-il sans doute trouver une autre distraction. Mais il y avait également de bons côtés à cette invitation : elle allait pouvoir satisfaire un peu plus sa curiosité à l’égard de Marius en visitant son loft, tout en se laissant guider par ce qu’il lui aurait préparé. Mettre les pieds sous la table n’était pas de refus après ces semaines passées sous la route, à devoir se débrouiller pour trouver un logis et se contenter de bien maigres provisions en guise de repas. En un mois et demi, la brune avait perdu un peu de poids mais s’était en contrepartie sculpté une silhouette plus athlétique, en attestaient son ventre ferme, ses cuisses musclées ou encore ses mollets galbés. Ce qui ne signifiait pas pour autant qu’elle avait l’intention de s’abonner à la salle de sports dans l’espoir de maintenir ce physique, ou de renoncer aux bons plats mijotés et pâtisseries sucrées dont elle raffolait tant. En réalité elle n’était pas contre l’idée de regagner quelques kilos, songeant déjà avec regret aux pantalons de sa garde-robe dans lesquels elle flotterait irrémédiablement. L’invitation de Marius était donc la bienvenue et elle avait bien l’intention d’en profiter, à bien des égards. Elle n’avait pas oublié le goût des cupcakes qu’il lui avait préparés pour son anniversaire, ni la crème qu’il avait soi-disant étalée par mégarde dans son cou. Ce souvenir seul suffisait à la faire frissonner, et à la manière dont Marius la regardait elle était à peu près certaine que lui non plus ne l’avait pas oublié. Il mentionna son numéro de téléphone et elle acquiesça, sans signaler qu’en vérité elle le connaissait par cœur. « Je ne devrais pas trop tarder à te tenir au courant, juste le temps de reprendre mes marques et de découvrir ce que Lou m’a préparé pour ces prochains jours – si elle finit par arriver, s’entend » Et d’ajouter avec un sourire, quand il lui promit un bon petit plat : « Je n’en attendais pas moins de toi… ».  Elle ne révéla pas à quel point elle était impatiente de le retrouver sans devoir se soucier des éventuels regards qu’on leur jetterait, ou craindre l’arrivée de Lou. Ce ne serait pas la première fois qu’ils passeraient une soirée ensemble, ce serait même la troisième si elle comptait la soirée au Canvas que ni l’un ni l’autre n’avaient prévue. Mais ce serait la première fois depuis leur sortie à Gold Coast et les baisers qu’ils avaient échangés sur la plage ce jour-là, ce qui faisait toute la différence.

Quand ils abordèrent le sujet de l’émission, et plus particulièrement de sa future diffusion au mois de septembre, Colleen tenta tant bien que mal d’arracher à Marius la promesse qu’il ne se moquerait pas de ses mésaventures. Malheureusement pour elle il ne tomba pas si facilement dans son piège et, prenant un air faussement angélique, il affirma qu’il ne se moquerait jamais d’elle méchamment. Abandonnant sa moue sévère, elle inclina légèrement le visage et leva deux sourcils dubitatifs. Les occasions pour qu’il se moque d’elle ne manqueraient pas, elle savait que bon nombre de scènes qu’elle avait vécues seraient susceptibles de provoquer son hilarité, à commencer par le premier soir où Jack et elle s’étaient retrouvés à récurer les toilettes d’un moine tibétain, ou encore ces interminables heures passées à bord d’un autobus plein à craquer d’insupportables gamins, au cours desquelles elle s’était retrouvée à chanter des chants de colonie de vacances – et que dire des épreuves de la demi-finale ou de la partie de paintball ? Colleen avait bien l’intention de visionner ce dernier épisode seule chez elle, le portable éteint, enroulée dans un plaid dont le but serait de la cacher et surtout d’essayer de camoufler sa honte. Comment pourrait-elle en vouloir à Marius de se moquer, quand les occasions étaient si nombreuses ? « Mmmh… Je crois que je vais sélectionner les émissions qu’on regardera ensemble, juste au cas où » Fit-elle, énigmatique, se gardant bien de nommer explicitement celles qui pouvaient lui porter préjudice. Parce que s’il y avait bien une chose qu’elle avait sous-estimée en acceptant de se rendre au casting de l’émission, c’était l’enregistrement de son aventure. Elle n’était sans doute pas prête à la revivre sur son écran de télévision, malheureusement il était bien trop tard pour faire marche arrière à présent. Balayant son embarras d’un revers de la main, elle changea subtilement de sujet en désignant son binôme au loin à Marius. Elle insista sur l’importance de ce dernier dans son aventure, sans la moindre arrière-pensée bien entendu, rendant à Jack ce qui appartenait à Jack : sans lui, elle n’aurait pas été aussi loin dans la course. Marius lui fit part de ses doutes et fit remarquer qu’elle y était aussi forcément pour quelque chose dans leur réussite. Colleen ne pouvait le nier : elle n’avait cessé de repousser ses limites ces six dernières semaines et s’était même découvert une âme d’aventurière à plusieurs reprises. Mais de là à assumer la responsabilité du succès de son binôme… Non. Ce n’était même pas de la fausse modestie, car elle en avait l’intime conviction : Jack avait été pour elle le partenaire idéal, et c’était grâce à son tempérament et la force de leur complicité et complémentarité qu’ils étaient parvenus à se hisser jusqu’au dernier trio de binômes. « C’est vrai, peut-être que je ne me suis pas trop mal débrouillée finalement, mais il y est vraiment pour beaucoup dans notre parcours. Je te laisserai te faire ta propre opinion en visionnant les épisodes » Conclut-elle avec un large sourire. Elle avait tellement envie de lui en dire davantage, et en même temps elle n’en avait pas le droit. Elle sentait que garder le silence au cours des prochaines semaines ne serait pas chose aisée, surtout qu’il y avait fort à parier que Lou la harcèlerait dans le but de grapiller de précieuses informations sur la course. Elle n’avait pas le choix cependant : elle devrait résister.

Le ton de la conversation, léger jusqu’à présent, changea lorsque Marius lui parla d’une rencontre faite en son absence. Quand après avoir jeté un coup d’œil à l’horloge de l’aéroport elle planta de nouveau son regard dans le sien, elle comprit que ce qu’il s’apprêtait à lui dire ne lui plairait pas. Elle n’avait pourtant pas la moindre idée de ce dont il s’agissait. Marius essayait-il de lui faire passer un message ? Cette rencontre était-elle liée à une autre femme ? Ce fut évidemment la première pensée qui traversa l’esprit de Colleen, qui n’était pourtant pas de nature jalouse. Puisqu’il s’agissait d’une nouvelle rencontre, cela ne pouvait donc pas concerner l’une de ses ex pourtant. Alors qu’en était-il ? Cela concernait-il son travail à l’université ? Lou, peut-être ? Là encore, il connaissait déjà sa fille et pouvait difficilement prétendre qu’il ne l’avait jamais rencontrée auparavant. Colleen nageait donc dans le flou le plus complet, les hypothèses que formulait son esprit ne semblant jamais tout à fait la satisfaire. La phrase qui acheva de la mettre mal à l’aise, cependant, fut celle qu’il prononça en mentionnant Lou. D’après ce qu’il lui disait, cette dernière était concernée puisqu’elle était supposée lui en parler également. Lorsque Marius mit un terme au suspense, les traits de la jeune femme se tendirent instantanément et elle eut même un mouvement de recul. August… A Brisbane ? Cela n’avait aucun sens. Pourtant, il pouvait difficilement se tromper : Colleen se souvenait lui avoir parlé de lui au cours de la soirée qu’ils avaient passée dans son ancien appartement, et en plus de lui avoir révélé son prénom elle lui avait même montré une photo de lui. Malgré cela, son cerveau ne parvenait pas à trouver de justification rationnelle à cette annonce. « August est ici… Tu en es bien sûr ? » Lui demanda-t-elle, hébétée. D’un hochement de la tête il lui confirma pourtant bien l’information et évoqua même leur rencontre à l’université. Cette fois, elle en resta bouche bée, incapable d’émettre le moindre son pendant plusieurs secondes. Son esprit s’acharnait à vouloir trouver une raison qui justifierait un malentendu, qui prouverait que cette personne dont lui parlait Marius n’était pas vraiment August et que ce dernier se trouvait toujours bien sagement à Londres, loin, très loin d’elle. Néanmoins, c’était peine perdue : tout portait à croire que Marius ne perdait pas la tête et que ce qu’il lui racontait était avéré. Lâchant l’anse de son sac à dos, elle passa une main sur ses tempes qu’elle massa brièvement. « Je n’arrive pas à comprendre comment c’est possible… » Lâcha-t-elle, désespérée. Si ce qu’il lui racontait était vrai, Colleen n’avait aucune difficulté à le croire quand il disait que la rencontre n’avait pas été cordiale ; si August pensait réellement que Marius harcelait sexuellement sa fille, elle avait peur de deviner la façon dont il s’était comporté. « Il ne t’a pas fait de mal quand même ? Je sais qu’il n’est pas violent, mais s’il pense vraiment que tu fais des avances à Lou, je… ». Elle s’arrêta net au milieu de sa phrase quand, secouant la tête, elle vit justement le visage de cette dernière apparaître dans son champ de vision, comme par enchantement. Partagée entre sa joie de la retrouver et la stupéfaction que les révélations de Marius avaient provoquée en elle à l’instant, elle resta figée une seconde avant d’ouvrir instinctivement les bras pour accueillir sa fille quand elle s’approcha d’elle. Elle ne savait pas ce que cette histoire signifiait, mais pour l’instant elle était prête à mettre les choses de côté et se concentrer uniquement sur le plaisir – et le soulagement – de revoir Lou. Celle-ci l’étreignit un moment et Colleen en profita pour lui glisser à l’oreille à quel point elle était heureuse de la voir. Puis Lou se dégagea et jeta un coup d’œil surpris à Marius. « Professeur Warren ? Qu’est-ce que vous faites là ? ».

@Marius Warren

Colleen était là, à Brisbane, enfin. Tu avais l’impression d’avoir retenu ton souffle pendant six semaines et de pouvoir enfin respirer correctement. Ces six semaines auraient pu être longues mais sans histoire or ce n’était pas ce qui s’était passé. Il y avait eu ton anxiété et cette confiance que tu n’arrivais toujours pas à avoir en ton frère quand il était question d’une potentielle femme dans ta vie. C’était ridicule, Tommy était le premier à te l’avoir fait remarquer quand il t’avait remis le mot que Colleen t’avait destiné. Ta conversation avec ton frère chez vos parents t’avait fait comprendre que Tommy pensait qu’Alice n’avait été pour toi qu’une amourette et que tu avais continué ta vie comme si de rien n’était après leur départ. Il ne semblait pas avoir imaginé que leur amour ait pu te détruire de l’intérieur, réduisant à néant toute confiance en toi. Peut-être que suite à votre dernière dispute il l’avait finalement compris mais ce n’était même pas sûr … Et puis une fois que tu eus accepté que Tommy et Colleen n’avaient été rien d’autres que de simples connaissances dans ce jeu télévisé, August Wells avait fait son apparition dans ton amphithéâtre. Des dires de Colleen, il n’avait jamais été question que son ex-mari débarque en ville alors tu n’avais pas envisagé cela possible. Et quelle arrivée avait-il fait … Tu chassais ces pensées de ton esprit pour l’instant pour te concentrer sur le fait que Colleen était là, devant toi, de retour, enfin. C’était un énorme soulagement et l’envie de passer le plus de temps possible avec elle, à la retrouver était bien là. Pourtant, tu n’étais pas prioritaire dans sa liste et tu allais donc devoir attendre ton tour. N’aimant pas te mentir à toi-même, tu avais accepté il y a quelques temps déjà que la sage-femme avait pris une importance particulière dans ta vie. Toi l’homme intouchable, celui qui résistait toujours de peur de blesser, ton coeur battait toujours un peu plus vite quand un sourire apparaissait sur le visage de Colleen. Et si tu avais besoin d’une preuve supplémentaire, le manque que tu avais ressenti ces dernières semaines était la preuve d’un attachement profond duquel tu n’avais pas envie de t’échapper. Cela devrait te terrifier et des fois, tu l’étais mais tu étais pour la première fois depuis longtemps optimiste. Tu avais envie d’y croire, tu avais envie de croire les paroles de Joanne qui t’avait dit que peut-être que Colleen était celle qui panserait tes blessures et t’apprendrait à t’ouvrir de nouveau. Tu savais qu’il y avait autant de chance qu’elle te brise le coeur mais pour une fois, tu avais rangé ton pessimisme au placard. Une poussée de courage inattendue te poussa à inviter Colleen à venir dîner chez toi un soir, dès qu’elle aurait retrouvé ses proches. Après une telle aventure, tu avais envie de lui préparer un bon repas et qu’elle n’ait pas à lever le petit doigt. Mais tu avais surtout envie de retrouver la jeune femme loin des regards curieux qui pouvaient être posés sur vous. Si Colleen comme toi insistiez pour ne pas mettre de mot sur votre relation, c’était pour une bonne raison. Tu n’avais pas envie d’aller trop vite, tu n’avais pas envie de tout gâcher et le rythme auquel vous avanciez te convenait parfaitement. Un peu de tranquillité loin des regards indiscrets ne vous ferait pas de mal, tu en étais persuadé. « Je ne devrais pas trop tarder à te tenir au courant, juste le temps de reprendre mes marques et de découvrir ce que Lou m’a préparé pour ces prochains jours – si elle finit par arriver, s’entend » Effectivement, l’absence de Lou était un peu étrange mais elle allait forcément finir par arriver, elle avait sans doute eu un contre-temps. Loin de toi l’idée d’accaparer Colleen, tu voulais qu’elle puisse retrouver sa fille et sa maison tranquillement. D’où l’idée de l’inviter chez toi où elle n’aurait à se préoccuper de rien. Et puis il était temps qu’elle visite ton loft, ce sera un pas de plus pour elle dans ton intimité. « Je suis certain qu’elle ne va pas tarder. » Lui dis-tu pour la rassurer un peu. Derrière sa remarque se cachait une légère inquiétude mais pour avoir des étudiants en face de toi tous les jours, tu avais appris que la ponctualité n’était pas leur fort. Tu promis ensuite à Colleen de lui préparer un bon repas le soir où elle viendra dîner : « Je n’en attendais pas moins de toi… » Tu savais déjà que tu allais te prendre la tête pour savoir quoi lui préparer à manger. Tu iras certainement rendre visite à Livia très bientôt pour lui demander quelques conseils et idées de recettes. Elle cuisinait beaucoup plus que toi et connaissait les goûts de Colleen. Au moins ces quelques jours allaient te permettre de t’organiser car tu voulais que cette soirée soit parfaite ou du moins, qu’elle s’en approche car rien ne pouvait être parfait.

Parce que Colleen rentrait d’une aventure de six semaines durant laquelle elle avait vécu des choses insolites, tu lui posais quelques questions à ce sujet. Bien sûr, dans quelques semaines, quand les épisodes seront montés, tu allais pouvoir suivre les aventures de la jeune femme et des autres participants dont un certain nombre étaient des amis à toi. Tu avais du mal à imaginer tous les voir derrière un écran de télévision mais c’était ce qui t’attendait. Des dires de Colleen et de la promesse qu’elle essaya de tirer de toi, tu compris qu’il allait y avoir quelques épisodes croustillants où tu allais pouvoir rire. « Mmmh… Je crois que je vais sélectionner les émissions qu’on regardera ensemble, juste au cas où » Du moment que tu pouvais voir certains épisodes aux côtés de Colleen, tu t’en fichais de leur contenu. Tout ce qui t’intéressait c’était de partager certains de ces moments avec la jeune femme. Il y aura six émissions, une par semaine et si tu arrives à l’avoir dans tes bras pendant une ou deux, tu sais que tu pourras t’estimer chanceux car elle voudra certainement voir des émissions avec Lou, ses amis et peut-être les autres participants. « Du moment que je peux en regarder au moins une avec toi. » Lui dis-tu avec un petit sourire sur les visage. Tu étais heureux de savoir Colleen de retour à Brisbane. En dehors des fois où vous vous voyiez, vos conversations par SMS t’avaient également manqué. Tu t’étais surpris à attraper ton téléphone plus souvent que tu ne l’aurais pensé pour lui envoyer un message avant de te rappeler qu’elle ne le recevrait pas … La jolie brune te désigna un peu plus loin son partenaire de jeu dont elle t’assura lui devoir leur long parcours dans l’aventure. Tu ne croyais pas une seule seconde que Colleen n’était pas partiellement responsable de ce parcours également ce que tu n’hésitais pas à lui dire. « C’est vrai, peut-être que je ne me suis pas trop mal débrouillée finalement, mais il y est vraiment pour beaucoup dans notre parcours. Je te laisserai te faire ta propre opinion en visionnant les épisodes » Tu hochais la tête aux paroles de la demoiselle, tu te feras en effet ta propre opinion mais tu doutais mettre tout le crédit de leur parcours sur le dos de Jack. Qu’il ait été un bon partenaire pour Colleen et qu’il lui ait permis d’aller le plus loin possible dans l’aventure était tout ce qui t’importait au final.

La conversation prit une toute autre tournure quand tu avouais à Colleen avoir fait une nouvelle rencontre. Tu restais plutôt vague au départ et peut-être qu’elle pensait que tu allais lui dire que tu avais rencontré quelqu’un. Cela serait saugrenu mais elle ne devait pas se douter de qui était arrivé à Brisbane pendant son absence … Quand tu mis fin au suspens et que tu lui avouais que c’était son ex-mari que tu avais rencontré, son sourire disparu et ses traits se tendirent. Tu n’avais jamais vu cette expression sur le visage de Colleen et tu sus immédiatement que tu ne voulais plus l’y voir se dessiner. Tu pouvais voir qu’elle avait du mal à assimiler l’information et tu essayais de ne pas prendre personnellement son mouvement de recul. « August est ici… Tu en es bien sûr ? » Choquée, la jolie brune était sous le choc. Tu n’aurais peut-être pas dû lui annoncer la nouvelle ainsi mais mieux valait qu’elle l’entende de ta bouche plutôt que Lou essaie d’enjoliver la situation. Si elle avait raconté à son père que tu avais des comportements douteux à son égard, tu l’imaginais désormais capable de tout. Tu hochais la tête pour confirmer tes dires à Colleen et ce fut comme un nouveau coup de massue que tu lui assenais. « Je n’arrive pas à comprendre comment c’est possible… » Tu ne savais pas si elle parlait de sa présence à Brisbane ou du fait qu’il était venu te menacer à la fin d’un de tes cours mais dans les deux cas, toi aussi cela te paraissait complètement surréaliste. Toutefois, il fallait composer avec les cartes que l’on vous met en main et vous n’alliez pas avoir d’autres choix que de faire avec. « Il ne t’a pas fait de mal quand même ? Je sais qu’il n’est pas violent, mais s’il pense vraiment que tu fais des avances à Lou, je… » Quand Colleen s’arrêta au milieu de sa phrase, tu tournais la tête pour suivre son champ de vision et tu vis Lou l’approcher de vous à grands pas. Il était préférable de couper toute conversation tout de suite pour ne pas que la jeune femme se doute de quoi que ce soit. C’est donc avec un petit sourire attendri que tu regardais la mère et la fille se prendre dans les bras et se retrouver. La séparation avait dû être difficile pour l’une comme pour l’autre. Et malgré les déboires que Lou te faisaient vivre depuis plusieurs mois, tu ne pouvais qu’être attendri. La jeune femme te ramena rapidement à la réalité toutefois quand elle te demanda : « Professeur Warren ? Qu’est-ce que vous faites là ? » Tu aurais pu être surpris de la question mais un sourire se dessina sur ton visage que tu espérais naturel. Tu n’avais jamais eu de problème à dissimuler tes émotions quand c’était nécessaire et tu avais une bonne excuse pour ta présence ici. « Bonjour Lou. Je suis venu récupérer mon frère que j’ai attendu avec sa fille et j’ai vu ta mère donc je suis venu la saluer. Mais, il est temps que je file, ils ont l’air prêt à rentrer. » Dis-tu en sortant de ta poche les clés de la voiture. « Je vous souhaite à toutes les deux une belle fin de journée. » Ajoutas-tu avant de t’éloigner des deux jeunes femmes, un peu à contre-coeur. Après t’avoir salué, Lou te tourna le dos pour se consacrer totalement à sa mère. Quand Colleen posa son regard sur toi, tu mis tes deux doigts en forme de téléphone près de ton oreille avant de former les mots : « Appelle-moi pour en discuter. » Sans qu’un son ne sorte de ta bouche. Quand tu fus certain que Colleen avait compris, tu leur tournais le dos pour retrouver ton frère et ta nièce qui te regardaient tous les deux un sourire amusé sur les lèvres. « Un seul commentaire et vous rentrez à pied. » Les prévins-tu en arrivant à leur hauteur. Cela fit rire Moïra qui passa le reste du trajet à te poser des questions sur Colleen sous le regard amusé de ton frère qui se délectait de te voir subit l’interrogatoire de sa fille.

@Colleen Sainsbury