J’avais pris une sale habitude ces derniers mois : passer au moins deux fois par semaine à Camden's Pastries et en faire profiter mes hanches et mes cuisses. J’avais pris la décision de ne passer plus qu’une fois et pouvoir espacer de plus en plus mes petits crochets par ici, ce que j’avais finalement réussi à faire car mon petit plaisir c’était aussi de croiser Sienna et de pouvoir échanger quelques mots avec elle. Je faisais parti de ce qu’on appelle par ici les fidèles et elle me le faisait bien savoir, d’ailleurs, son cousin est bien moins généreux sur la crème chantilly qu’elle, lorsqu’elle n’est pas là. La jeune femme était abonnée absent depuis quelques semaines et j’avais cru comprendre qu’elle aussi faisait partie de l’aventure à laquelle Isaac, Kane et Greg faisaient partis. Entre Matt qui avait participé à Mariés au Premier Regard et eux qui participaient à cette course australienne, j’avais l’impression d’être entourée par des starlettes du petit écran. J’avais hate de retrouver mon meilleur ami alors que je savais que Kane avait déjà fini son aventure, j’avais pu avoir de ses nouvelles. Il m’avait confirmé qu’Isaac se portait à merveille et je n’en étais que plus ravie. Concernant Greg, je supposais qu’il faisait encore partie de l’émission puisque je n’avais pas une seule nouvelle de sa part non plus. Je crois que mon scénario rêvé est qu’ils soient tous les deux ensembles ou alors, qu’ils soient en finale ensemble. Hm, quoi que, non, trop compliqué pour gérer un retour pareil, j’aurai pas envie de devoir gérer la frustration du perdant tout en devant me réjouir pour le gagnant. Mais, j’avoue que pour le coup, mon cœur se tournait vers Isaac et j’espérais fort qu’il aille jusqu’au bout de cette aventure et rapporte le pactole avec lui.
« Un Latte Macchiato, s’il te plait. » et sans besoin de le préciser, j’allais avoir ma petite touche de pralinée sur le dessus. C’était la touche personnelle de Sienna d’habitude, mais quand elle n’était pas là, la petite nouvelle qu’elle avait formé surement en prévision de sa participation à l’émission, avait bien capté qui j’étais et le traitement de faveur dont j’avais droit. Blague à part, la chantilly me manquait elle aussi en ce moment. « Tu rajouteras une petite touche de chantilly ? » je demande, pas fière de moi, mais merde, j’étais en manque de tout là et surtout de cul, alors fallait bien compenser !
La porte de la réserve s’ouvrit alors que je m’apprête à payer après avoir la boisson chaude entre mes mains. « SIENNA ! » Merde, déjà de retour ?! J’suis partagée à l’idée de la voir devant moi, contente quand même mais ca veut bien dire qu’elle est revenu à Brisbane de manière prématurée. Mon air dubitatif vire à la joie quand même. Je récupère mon ticket et fais quelques pas pour me décaler et laisser la place au prochain client. « Alors, j’ai appris que tu participais à l’émission ! » j’osais pas prononcé le nom de l’émission parce que ca avait l’air d’être assez secret quand même, Isaac m’avait bien dit de ne pas trop en parler autour de moi, ordre de la production… alors, je restais discrète. «Comment ça s’est passé ? » j’étais curieuse d’en savoir plus. Je sais même pas si j’ai le droit de lui demander si elle connait Isaac ou même Greg, si elle a le droit de donner plus de détail. Mais j’étais prête à parler avec des noms de codes pour maintenir l’anonymat des autres candidats s’il le fallait.


@Gregory Morton @Sienna Hawkes

Le retour à la normale avait été plus que brutal. J’ai vécu ce retour à Brisbane dans un déni total, j’avais limite envie de tout plaquer et de repartir à l’aventure. Parce que l’adrénaline était addictive et aussi parce que j’avais pas envie de descendre de mon petit nuage qu’était l’ambiance de Race Of Australia. Puis la vie normale m’avait rapidement rattrapé parce que mon cousin ne s’était pas gêné pour me dire que mon absence s’était faite ressentir au sein de sa pâtisserie et que si je pouvais revenir au plus vite pour lui donner un coup de main, ce ne serait pas de refus. Quelle horreur. Je préférais mille fois passer ma journée en voiture avec l’autre folle que j’avais rencontré avec Greg que de reprendre mon train-train quotidien. Tout le monde me manquait et cette aventure creuserait un terrible manque pour les prochains jours voire les prochaines semaines. On était si bien, on était dans notre bulle avec Greg. Dans le vol du retour, collée à Greg dans ses bras poilus, au lieu de profiter du moment, j’avais grave appréhendé le retour à Brisbane. Est-ce qu’on resterait en contact ? Ou alors est-ce qu’on s’ignorerait au bout de semaine ? Et cette complicité, sera-t-elle toujours la même ? Il s’était passé ce qu’il s’était passé, pas question d’être en couple pour moi mais je me surprenais à me torturer l’esprit sur ce qu’il pouvait bien penser de la situation et ce qui allait s’en suivre pour nous deux. Je m’efforçais donc de faire comme j’ai toujours : vivre au jour le jour et prend les choses à la légère même si dans mon for intérieur, je me voilais un peu la face;

Même pas deux jours que je suis de retour et me voilà dans la réserve de la pâtisserie de mon cousin, au bureau, en train de lire le courrier que ce dernier a laissé s’accumuler. C’était évident qu’à mon retour, une tonne de paperasse m’attendrait de pied ferme. Quand il a ouvert son entreprise, Braden avait été clair : les papiers c’est pas sont truc. Heureusement que j’étais là pour l’aider, car aider mes parents dans leur association pendant dix ans m’avait forgé dans la gestion administrative. Je soufflais devant mon écran, mes doigts tapotant sur le clavier pour faire l’inventaire des choses qui manquaient afin qu’il puisse plus tard faire les courses. Je crois que la reprise est bien plus dure que ce que je pensais. Une clope pour se remotiver va faire du bien. D’ailleurs ça me fait penser à quel point on était en galère avec Greg niveau clope pendant l’aventure. Mais avant que je me lève, mon téléphone sonne et je ne pus retenir un sourire niais lorsque je vis un message de Greg sur l’écran de mon téléphone. Ça faisait deux jours que je ne l’avais pas vu (depuis qu’on est sorti de l’aéroport en réalité), et son absence se faisait un peu ressentir. J’ai bien dit un peu. Apparemment, il est dans le coin, et il en profite pour faire un tour ici. Moui, l’excuse. Il pouvait pas se passer de moi, je lui manquais trop. Ça peut se comprendre, ça fait cet effet à tous les hommes. C’est le sourire aux lèvres que je sortis de la réserve, clope au bec. « SIENNA ! » Voilà, j’ai même pas le temps de passer devant le comptoir qu’on m’interpèle déjà. Je lève la tête… et quelle surprise ! « NOA ! » Je m’empressai de passer de l’autre côté du comptoir pour la prendre dans mes bras en évitant de renverser sa boisson. « Si j’avais su que t’étais là t’aurais pas payé, prend ce que tu veux à manger. » Lui dis-je montrant du doigt les pâtisseries. « Alors, j’ai appris que tu participais à l’émission ! » Je sais pas comment elle l’a su, parce que je lui en avais pas vraiment parlé. J’ai dû faire quelques sous-entendu mais je m’étais promis qu’à mon retour je lui raconterai tout, enfin ce que je suis autorisée à dire. Elle faisait d’ailleurs partie de la liste de personnes que je voulais revoir en premier à mon retour mais le destin et le hasard nous a devancé. « Et bien écoute, c’était… génial. Mais viens, on va s’asseoir dehors, tu veux une clope ? » On sortit du café pour prendre place à une table libre. « Bon je suppose que t’as plein de questions à me poser ! Mais c’était vraiment bien, c’est une expérience unique… On doit attendre la diffusion avant de pouvoir en parler en détail mais c’était enrichissant ! » Dis-je entre deux bouffées de ma cigarette. « J’ai d’ailleurs rencontré un mec là-bas qui était mon binôme, il s’est passé des choses en off. J’vais pas te faire de dessin. » J’éclatai de rire et Noa avait le regard avide d’informations et de potins. « Je peux pas te dire qui c’est mais il va passer me voir là, il va arriver dans quelques minutes. Au moins on pourra pas me reprocher d’avoir révéler qui était mon binôme ! » Et d’ailleurs, en parlant du loup (ou de l’ours), j’aperçus Greg au loin, arriver de sa démarche que je pouvais reconnaître entre mille.

Deux jours qu'on est rentrés, et j'ai déjà envie de me barrer à nouveau. Reprendre le boulot ne m'a guère enchanté, surtout quand j'ai su qu'Archibald posait sa démission. Sur le coup, je lui en ai tellement voulu que j'ai pas demandé si c'était parce que le gosse avait eu trop de responsabilités d'un coup, ou s'il avait envie de voler vers de nouveaux horizons. Merde quoi, je suis parti un mois et il fuit la criminologie en courant ? Comment est-ce qu'il compte réussir dans sa vie ce môme ? En partant dès que ça se complique ? J'ai vraiment mis trop d'espoirs en lui, je m'en veux de lui avoir accordé ma confiance, j'ai le flair habituellement avec les gens, mais là, il n'a pas marché, et ça me donne encore moins envie de rester dans ce boulot, ce boulot qui me stresse et qui m'empêche de dormir. Au moins à ROA, j'avais pas toutes ces préoccupations, j'étais juste épuisé à chaque fin de journée et je m'endormais comme un bébé. Mais voilà que deux jours sur Brisbane suffisent pour me refoutre ces insomnies de merde, quand je fais pas des cauchemars la nuit. Peut-être que la présence de Sienna dans le lit m'apaisait aussi, peut-être que comme les gosses, j'ai besoin d'un doudou moi aussi. Elle me manque un peu, la petite Sienna, et c'est la raison pour laquelle je suis en train de me diriger vers le canvas ; pas parce que je suis dans le coin, pas non plus parce que j'ai envie de tester les produits de là-bas, mais bien parce que j'ai envie de la revoir. On n'a jamais posé de mot sur notre relation, c'est même pas une relation, ça reste une histoire sans lendemain je suppose. Mais c'est pas pour autant que sa joie de vivre et ses taquineries ne me manquent pas. Passer d'un mois avec la même personne à plus rien du jour au lendemain, c'est pas si facile finalement. Je l'informe de mon arrivée par un "prépare moi un bon café parce que j'arrive, et pas un comme le café dégueulasse de la mère Mich-Mich qui accompagnait son space cake" alors que j'arrive à l'adresse dans même pas deux minutes. Je la vois d'ailleurs au loin, assise à une table, le sourire grand aux lèvres quand elle me voit arriver, et j'arrive évidemment pas à retenir le mien non plus : sa joie de vivre et son optimisme débordant avaient quand même réussi à me manquer, moi qui aime tant avoir mes moments seul. Elle me quitte pas du regard, et je me sens quand même obligé de tourner la tête à droite et à gauche pour faire mine de m'intéresser aux passants pour ne pas leur foncer dedans. J'arrive finalement à sa hauteur, et elle n'est pas seule. Quoi, ça te dérange qu'elle soit avec quelqu'un ? Tu la voulais que pour toi ? Non. Non, non, non, ça me dérange pas le moins du monde (lol). Et je m'attendais à n'importe qui, vraiment n'importe qui, mais certainement pas à Noa. Quand la brune se retourne vers moi, je reste complètement figé sur place, la bouche entrouverte et mes glandes sudorales se mettent en action : j'ai l'impression de suer comme un porc. Elles se connaissent ? Putain, j'ai même pas prévenu Noa que j'étais rentré en plus. BORDEL DE MERDE JE FAIS QUOI ????? Mon sourire a vite disparu, et je pense avoir perdu de mes couleurs, limite si je dois pas me rattraper à une chaise pour pas flancher. Est-ce que Sienna a parlé de moi à Noa ? Mais est-ce qu'elles se connaissent vraiment en fait, ou est-ce que Noa est juste une cliente ? Oh shit, Greg, t'es vraiment dans une merde noire là. J'arrive pas à sortir un mot, j'ai même du mal à deglutir. C'est finalement Sienna qui se lève pour venir m'enlacer, et j'ai machinalement une main qui vient se poser sur sa hanche pour lui rendre son accolade alors que mon regard est toujours livide. On a passé un mois ensemble en tant que binôme après tout, c'est normal d'être aussi proches non ? Noa pourra rien dire sur ça ? D'ailleurs, est-ce qu'elle a son mot à dire ? On n'avait rien défini elle et moi avant mon départ pour ROA. Ta gueule Greg, tu sais très bien que tu te mens à toi même. "Il n'y aura pas de troisième chance", c'était ça ce qu'elle avait sorti, non ? Oh putain ça pue. "Hey." que je finis par dire à Sienna alors qu'elle dépose un baiser sur ma joue. "Salut Noa." que j'ajoute en lui faisant un signe de la main, avant de fourrier mes deux mains dans mes poches. "Vous... Vous vous connaissez ?" que je demande, tout penaud. Pourvu que la réponse soit négative.

Je m’attendais pas à voir Sienna, pour moi, elle était encore dans le jeu. Imaginer une élimination ne me venait pas à l’esprit, et j’avais toujours tendance à croire que tout le monde pourrait aller en finale, mais d’après mon équation, ce n’était pas possible. Elle avait donc été sortie du jeu de manière prématurée et elle n’aurait pas le jackpot promis aux gagnants. Dommage pour elle, mais j’imagine qu’elle en ressort avec du positif quand même. Ce qui est drôle, c’est qu’elle a l’air aussi surprise que moi de me voir ici. Pourtant, l’habituée du coin, c’est moi et c’est dernier temps, j’étais ici bien plus souvent qu’elle. « Si j’avais su que t’étais là t’aurais pas payé, prend ce que tu veux à manger. »je secoue la tête, j’ai tout ce qu’il me faut et même si son hospitalité est généreuse, je ne vais pas en abuser davantage. Je me serai juste contenté du supplément chantilly et noisette mais tant pis. Je suis surtout interessée de savoir quels sont les coulisses de son aventure, comment ca s’est passé. Je me doute bien que de son côté c’est sans doute motus et bouche cousue, interdiction d’en dire trop etc. Matt avait lui-même été obligée de garder la surprise de son mariage jusqu’à la diffusion de Marié au Premier Regard et il avait été difficile de lui faire comprendre qu’il ne pourrait pas garder son alliance pendant tout ce temps. Pour une course avec des éliminations en plus, j’imagine que le suspens doit être maintenant jusqu’à la toute fin. « Et bien écoute, c’était… génial. Mais viens, on va s’asseoir dehors, tu veux une clope ? » Jamais contre une clope quand c’était si gentiment proposé. Je suis la demoiselle pleine d’entrain et me pose face à elle, dos à la rue, piquant une cigarette dans le paquet qu’elle me tend. « Bon je suppose que t’as plein de questions à me poser ! Mais c’était vraiment bien, c’est une expérience unique… On doit attendre la diffusion avant de pouvoir en parler en détail mais c’était enrichissant ! » Hm, on leur avait sans doute donné des phrases toutes faites, semblant satisfaire les plus curieux comme moi, mais c’était mal me connaitre, je me contenterai surement pas de ça. Je la laisse cependant poursuivre, voyant qu’elle n’en avait pas fini. « J’ai d’ailleurs rencontré un mec là-bas qui était mon binôme, il s’est passé des choses en off. J’vais pas te faire de dessin. » Ah voilà ce que j’avais envie d’entendre. Je tire sur ma clope, sourire aux lèvres, je suppose que même en gardant l’anonymat de cette personne, je pourrais creuser pour en savoir plus. Du croustillant, s’il vous plait ! . « Je peux pas te dire qui c’est mais il va passer me voir là, il va arriver dans quelques minutes. Au moins on pourra pas me reprocher d’avoir révéler qui était mon binôme ! » Ouh, j’allais avoir une information en VIP, accès privilège. J’avais hate de voir cette personne débarquer et je hurlerai de rire si c’était de Kane ou Isaac qu’il s’agissait. Enfin, je ne pourrais qu’être ravi si c’était le cas pour eux et à la fois décue de ne pas les savoir plus loin dans le jeu. « Je lui demanderai même pas son prénom… » histoire d’attendre la diffusion pour en savoir plus sur qui était ce charmant inconnu. Le regard de Sienna est plongé au loin derrière moi et le sourire qui s’affiche sur son visage me laisse penser qu’il s’agit déjà du binôme en question. Avec un tel regard, je pourrais supposer que cette idylle pourrait aller bien plus loin que juste l’aventure ROA. Je me retourne alors, bien trop curieuse de découvrir de qui il s’agit, mais quand je vois Greg à quelques mètres de moi à présent, mon air curieux et mon sourire laissent place à un tout autre mélange de sentiment.
1. Greg est de retour, j’en savais rien. ;
2. Greg est-il là par hasard ? Je ne vois pourtant personne d’autre derrière, devant, à droite ou à gauche qui pourrait faire sourire Sienna de cette manière. Son regard semblait bien s’être posé sur elle.
3. Greg à l’air hyper mal à l’aise.
4. Non, je n’avais pas besoin de dessin pour comprendre ce qui se tramait juste devant mes yeux. Encore moins pour comprendre ce qu’il s’était passé en off, comme dirait Sienna. Putain, Sienna, Greg !
Je la regarde, je le regarde, elle l’embrasse sur la joue, je boue. J’en lâche ma clope qui fini sa course sur ma jambe et qui me brûle. « Putain. » J’me redresse, ca pique un peu mais j’m’en fou, y autre chose qui m’pique en ce moment et c’est pas une brûlure qui va m’faire plus mal que ça. "Hey." Serieux ? "Salut Noa." SERIEUX ? t’as raison Greg, reste loin, bien loin de moi. "Vous... Vous vous connaissez ?" « Ca tombe mal, hm ? » Sienna doit rien comprendre. Et j’ai même pas envie de lui expliquer. Elle est pas au courant de ce qui se passe entre Greg et moi, elle est pas au courant qu’avant qu’il parte dans ce putain de jeu, j’lui avais accordé une dernière chance. Elle est pas au courant, qu’elle avait grillé sa dernière chance. Mais je leur en veux autant à l’un qu’à l’autre pourtant. Nan, j’en veux à Greg, bien plus à lui, faut pas que j’sois si conne, Sienna en savait rien. « Effectivement, pas besoin de dessin, j’comprends très bien de quoi tu veux parler… » que je dis en me tournant vers Sienna. « Toi aussi, t’as remarqué, qu’il respire très fort quand il a tout donné ? » contrôle ton sarcasme Noa, contrôle ta rage.

Greg était dans mes bras, et ça me faisait tellement de bien. Ouais ça faisait tellement du bien de remarquer que Greg sentait le parfum fraîchement aspergé et pas la transpiration que j’ai pu humé ces quatre dernières semaines. Non je rigole, j’étais contente de le voir et c’est comme si ce vide des derniers jours était subitement comblé. Et pourtant lorsqu’il s’approcha de nous, sa mine se fit plus septique, plus bizarre. Alors que trente secondes avant il était tout sourire en me voyant. Je ne comprenais pas. Peut-être que la présence de Noa le dérangeait et qu’il aurait aimé être seul qu’avec moi, pour s’enfermer dans la réserve ? Cette idée n’était pas déplaisante, mais je ne savais pas s’il était question de remettre le couvert de si tôt. Puis, je le connais, il est tout simplement dérangé par le fait qu’il y ait une troisième personne avec nous. Il est bougon Greg, et surtout parfois asocial. Il aime bien ses moments seul avec lui même et pendant l’aventure, il aimait bien aussi restait dans le lit avec moi devant la télé pour ne pas se mélanger avec les autres. Il avait l’air d’être le même dans la vraie vie et l’aventure, et c’était un bon point. Une douce étreinte, un petit bisou sur la joue. « Salut Noa. » Il semblait connaître mon amie. Et bah putain, le monde était petit ici. Je me tournai vers Noa, elle aussi était perplexe. Sur les nerfs même je dirais. Elle était devenue tout aussi bizarre que Greg sauf que des flammes de l’enfer jaillissaient de ses yeux. Et moi, j’étais entre les deux, pleine d’interrogation parce que même un aveugle pouvait voir la tête de dépité de Greg et l’air renfrogné de Noa. Je m’apprêtai à ouvrir la bouche pour leur demander d’où ils se connaissaient mais Noa me devança. « Ca tombe mal, hm ? » C’est quoi ce cirque ? Je me détache lentement de Greg pour leur faire face, la situation était juste très gênante. Noa semblait lire l’incompréhension dans mes yeux mais n’avait pas l’air d’avoir envie de m’expliquer tout de suite. « Effectivement, pas besoin de dessin, j’comprends très bien de quoi tu veux parler… » Greg transpirait littéralement. Fini la bonne odeur de parfum, il allait sentir le chameau comme dans ROA. Les gouttes perlaient (elles coulaient comme les chutes du Niagara ouais) sur son front. On aurait dit que c’était son heure, son arrêt de mort. Je lui lance un regard qui demandait des explications, mais il détourna rapidement ses yeux des miens pour regarder le ciel, puis se montre et à gauche et à droite. Il était mal. Très mal. Y avait un truc entre lui et Noa ? Pour que ce soit aussi tendu, je ne voyais que ça. « Toi aussi, t’as remarqué, qu’il respire très fort quand il a tout donné ? » Noa se tourna vers moi, la voix pleine de rage. « Attends, attends, quoi ? » Je ne comprenais véritablement rien. « De quoi tu veux parler ? D’abord vous vous connaissez vous aussi ? Et c’est quoi cette remarque à deux cents ? T’as couché avec lui aussi ? » Je me tourne vers Greg, cherchant son regard. J’espère que ce n’est pas ce que je crois. Parce que si c’est ça le monde est relativement petit et j’aurais vraiment pas de chance. « Greg ? Dis quelque chose ? Vous vous connaissez comment ? » En réalité, je suis vraiment sonnée parce qu’il n’y a pas d’autres explications. Ils se connaissent et ils ont couché ensemble avant l’aventure et il fallait que ça tombe sur moi. Je suis incapable de réagir ou de m’énerver. Juste sonnée. J’ai besoin de digérer l’information, de l’analyser, de la traiter et de réaliser. Mais merde. Les emmerdes commençaient. Alors que Greg est gênée, et Noa énervée, moi je suis juste hébétée. « Hum en tout cas, Noa moi j’étais au courant de rien fin lui non plus d’ailleurs je pense, je savais pas que tu le connaissais… Je… » Wouah ferme ta gueule Sienna, tu t’enfonces ! Je prends quand même un peu la défense de Greg mais je sais pas où me mettre, la situation est chelou.

Elle me fusille du regard Noa, et je crois comprendre qu’elle est au courant que j’ai couché avec Sienna. Mais putain c’est quoi leur lien ? Elles sont vraiment, vraiment, vraiment proches ces deux-là ? Dans quoi je me suis foutu encore une fois, bordel. Et là pour en sortir en plus, ça risque d’être compliqué. Je finis par demander si elles se connaissent, et Noa répond cash : « Ca tombe mal, hm ? » Ah bah carrément oui. « Effectivement, pas besoin de dessin, j’comprends très bien de quoi tu veux parler… » C’est pas à moi qu’elle dit ça, mais à Sienna. Elle a parlé de moi, Sienna ? Elle a parlé de moi à Noa ? Elle avait personne d’autre à qui raconter ce qui s’est passé en off ? Greg, t’es pas en position d’en vouloir à qui que ce soit, là. « Toi aussi, t’as remarqué, qu’il respire très fort quand il a tout donné ? » Aïe. J’aime pas qu’on me prenne de haut comme ça, mais là, j’arrive à rien sortir. Bon, j’étais en manque de cul, Sienna était là, elle s’est frottée à moi, voilà j’ai fait mon devoir, je vois pas pourquoi on en fait tout un fromage, j’y suis pour rien. Va falloir arrêter de se voiler la face et d’essayer de se dédouaner à un moment mon vieux. La rousse prend la parole, elle pose des dizaines de question à la minute : évidemment, elle est aussi choquée que nous par toutes ces révélations. Mon regard n’arrive pas à se focaliser sur l’une comme sur l’autre, je fuis tout contact visuel. « Greg ? Dis quelque chose ? Vous vous connaissez comment ? » Elle m’interpelle et me force à répondre, mais qu’est-ce que je dois lui dire au juste ? Que j’ai rencontré Noa à un speed-dating (je sens déjà les vannes arriver), que le courant s’est magiquement bien passé et qu’on a fini au lit ensemble à plusieurs reprises, mais qu’à chaque fois j’ai fini par ne plus donner signe de vie ? Bon, la deuxième fois j’avais une excuse : je participais à l’émission. Mais même ça, ça ne justifie pas le fait que je sois allé tremper mon biscuit ailleurs. Quoique… On n’était théoriquement pas ensemble avec Noa, donc théoriquement, il n’y a pas de tromperie. Sérieusement, Greg ?

« Hum en tout cas, Noa moi j’étais au courant de rien fin lui non plus d’ailleurs je pense, je savais pas que tu le connaissais… Je… »
« Non, je savais pas que vous vous connaissiez. »

Elle est mignonne à vouloir me défendre, mais je pense que Noa veut rien entendre. Pas de sa bouche en tous cas. Et moi, tout ce que je trouve à dire, c’est de confirmer les propos de Sienna. Pas d’excuses, pas de justifications, non ? Rien de tout ça monsieur Morton ? Tu vas faire le salaud à jouer sur deux tableaux ? Elle t’a dit que t’aurais pas d’autre chance, qu’est-ce que tu comptes faire maintenant ? Laisser tomber ? Laisser cette alchimie que vous vous êtes trouvée, cette symbiose que t’as pas ressenti depuis si longtemps ? « Je suis désolé, je sais vraiment pas quoi dire. » Et c’est vrai, parce que cette fois-ci, amener Noa dans un restaurant chic et lui présenter des fausses excuses, ça ne suffira pas. Je relève finalement mes yeux vers Noa, le regard d’un chien battu, relativement déçu de savoir qu’elle voudra certainement plus entendre parler de moi après tout ça. Sienna est toujours à côté de moi, mais pour l’instant, c’est Noa qui m’importe. C’est pas ce que tu disais il y a quelques jours, hein Greg ? Avec Sienna, c’était fun, c’était fou, c’était un soulagement. C’était l’adrénaline de ROA qui ressortait, c’était passer tout mon temps avec elle et apprécier sa présence, c’était apprendre à la connaître et la laisser m’apprivoiser. On pourrait presque comparer ça à un début de relation, mais c’est pas ce que c’était, hein ? On n’a jamais posé de mots sur ce qui s’était passé, mais j’avais l’impression que ni l’un ni l’autre n’étions prêt à le faire de toute façon. Avec Noa en revanche, c’était une toute autre dynamique. Le flirt, le jeu de séduction, le cœur qui s’accélère, ça n’avait rien à voir. Ca, ça pouvait ressembler à un début de quelque chose. Mais comme à chaque fois, je suis le roi pour merder, je suis le meilleur dans ma catégorie pour saboter tout ça. Alors je baisse à nouveau les yeux, sans savoir quoi ajouter de plus. J’attends qu’elle m’envoie chier, et elle aura bien raison de le faire. Peut-être que Sienna sera toujours là, elle, pour m’épauler quand mon ego en aura pris un coup.

« Attends, attends, quoi ? » Elle percute pas, elle a besoin davantage d’explications ? Est-ce que j’vais laisser Greg lui donner les réponses qu’elle attendait ? J’me demande, comment se serait passées leurs retrouvailles si j’avais pas été là. J’me demande quand Greg allait m’appeler, quand il allait m’envoyer un message, juste me prévenir de son retour. J’sais pas depuis quand ils sont là tous les deux, j’sais pas si ca fait trois heures, deux jours ou une semaine. J’imagine pas plus, puisque la dernière fois que j’suis venue dans la pâtisserie de son cousin, Sienna était toujours pas rentrée. Il râlait toujours de d’avoir trop de travail et que ce serait la dernière fois qu’il serait gentil d’accepter qu’elle le laisse quelques semaines. Alors, non, ils étaient pas encore rentré y a une semaine, mais peu importe combien de temps au final, je me rendais bien compte que ses semaines passées dans le jeu lui avaient suffit à oublier que j’étais là. Il avait su envoyer un message à la rousse pour lui dire qu’il était dans les parages, il allait peut être me dire que son travail lui avait demandé beaucoup d’investissement depuis son retour, que son absence avait mis en pièce toutes les enquêtes en cours et que bien sur, personne n’était aussi compétent que lui pour faire le boulot. Il allait me dire qu’il avait perdu son téléphone pendant l’aventure et que par la force des choses, il n’avait plus mon numéro non plus. Il allait me dire qu’il avait besoin de temps pour lui, de se remettre de ses émotions… et quelles émotions. La traversée de l’Australie s’était transformée en L’amour sous soleil aride ? Les pièces du puzzle s’assemblent petit à petit dans la tête de Sienna. « De quoi tu veux parler ? D’abord vous vous connaissez vous aussi ? Et c’est quoi cette remarque à deux cents ? T’as couché avec lui aussi ? » couché avec lui, si elle veut, puisqu’il semblait que je ne sois réduite qu’à une nana de passage dans la vie de Greg. Combien s’étaient rendues à l’esquire à son bras avec la promesse que cette fois ,ce serait la bonne ? « Greg ? Dis quelque chose ? Vous vous connaissez comment ? » je le regarde, alors que mes yeux ne le quittent pas, noirs de rage, j’attendais qu’il relève la tête, j’attendais qu’il assume, qu’il sorte un son de sa bouche. Aller Greg, répond à la question. Le fait qu’il reste silencieux m’anime davantage, l’agacement, la colère monte mais pas que… je sens la tristesse m’envahir tant j’avais pensé pouvoir lui accorder ma confiance, tant j’avais pensé qu’à son retour, on allait continuer ce qu’on avait tenté de commencer. Quelle idée de croire qu’il aurait fait un effort supplémentaire. Après tout, c’est vrai, on avait convenu de rien. « Hum en tout cas, Noa moi j’étais au courant de rien fin lui non plus d’ailleurs je pense, je savais pas que tu le connaissais… Je… » Elle est gentille Sienna à vouloir sauver les meubles. « J’t’en veux pas. » même si l’idée de vouloir en prendre un pour frapper l’autre m’était venu en tête, non, j’en voulais pas à Sienna. Par contre, à cet autre qui se tenait à côté d’elle… « Non, je savais pas que vous vous connaissiez. » parce que ça aurait changé quelques chose ? J’en reviens pas de cette réponse. Je serre les dents, je serre même le poing derrière mon dos. Je sens ma poitrine qui se referme de plus en plus autour de mon cœur et ma gorge serrée au point de ne pas être sûre de pouvoir ouvrir la bouche à l’avenir. Qu’est ce que je fou encore ici, sérieusement ? J’ai l’impression qu’il m’humilie encore un peu plus avec ses réponses du parfait connard qui cherche même pas à se sortir de là. Je souffle, je prends sur moi, j’ai chaud, j’ai une sensation d’étouffement, j’me sens mal.
« Je suis désolé, je sais vraiment pas quoi dire. » dis rien, y a plus rien à dire. Sienna s’était chargée d’avouer pour toi, pensant se vanter d’un exploit, pensant pouvoir présenter fièrement son binôme à son amie. C’était raté. Les yeux de Greg finirent enfin par se relever, quittant le sol qu’il fixait honteusement, nos regards se croisèrent enfin et comme ca avait toujours été le cas, la façon dont il me regardait me provoqua une énième onde de choc. Et alors que j’aurai pensé voler en éclat, faire scandale, je savais parfaitement ce qui allait se passer ensuite : lorsque mes yeux commencèrent à se brouiller, ce voile opaque qui m’empêchait d’y voir claire, je passais mes mains sous mes cils pour empêcher la moindre larme de couler sur ma joue. Hors de question de lui offrir ce spectacle pour qu’il s’en délecte ensuite. « J’espère au moins que l’aventure était bonne. » et ce sera le dernier mot. Je récupérais mon sac laissé à l’abandon derrière moi et sans adresser un regard de plus au couple face à moi, je m’éclipsais, ne voulant pas rendre ce moment plus gênant qu’il ne l’était déjà.