Sans aucun doute c’est les années 80 que tu préfères niveau musique à l’ancienne. C’est pour ça que t’as pas cherché à esquiver cette soirée imprévu. Vous étiez au resto. Ca devait être une soirée tranquille mais y’en a un qui a parlé de cette soirée. Il en a parlé en te regardant droit dans les yeux. Il te connait bien. Il stalk tes playlists et ce que t’écoute sur Spotify, ça fait peur des fois mais au fond, il te connait juste mieux que les autres pour ça. Les playlists que tu écoutes en dit beaucoup sur ton humeur. Après réflexion tu te rends compte que le coup devait être monté depuis un moment. Il portait un t-shirt à l’effigie de Britney Spears qui date de l’époque Baby One More time. Il est pas trop dans la bonne tranche niveau années mais tu veux bien croire que c’est le truc le plus cliché à l’ancienne qu’il avait dans son armoire.

« J’ai ma veste en cuire avec les pointes dans la voiture. »
« Oh ouais parfait !! »

T’éclates de rire comme il est tombé si facilement dans le panneau. « Quoi ? C’est pas vrai ? Tu viens à la soirée quand même hein ? » Nouveau rire. Tu hoches la tête alors que tu piques une clope dans son paquet qui est posé en face de toi.

« Ouais je viens. J’irai faire un tour dans les toilettes pour me coiffer comme Danny Zuko. »
« Trop bonne idée ! »

Il te croit encore Teddy. Mais t’aimes qu’il ait compris ta référence à Grease. Le sourire est si large sur ses lèvres. Tu vas finir par être plus heureux de le voir aussi content, que de passer la soirée en elle même. Nah. Non, tu aimes beaucoup trop les musiques des années 80, c’est sûr les chansons qui vont passer seront parfaites. Pas des trucs électro qu’ils passent dans les boîtes de nuits habituelles.

Quand tu arrives à la soirée avec tout ce beau monde, déjà t’es très agréablement surpris que ça se passe au Triffid. C’est un de tes établissements préférés de toute la ville. En plus c’est à côté de chez toi et puis tu connais la gérante. Sam. Ils ont rajouté des néons de toutes les couleurs sur la devanture pour souligner le thème de ce soir. La chanson qui passe alors que tu mets un pied à l’intérieur c’est « Everybody wants to rule the world » de Tears for fears. Vraiment c’est un big mood, autant le titre de la chanson que le nom du groupe. Le sourire était peut-être large sur le visage de Teddy, ton pote, mais celui qui est à présent sur le tiens Jordan est pas loin du tout. T’es grave scintillant là. C’est fou comme la musique peut changer ton humeur en un rien de temps. Suffisait de ces quelques notes de musique. Faut dire que les meufs qui te passent devant en juste au corps fluo aident aussi à garder ton humeur au top. Ca va être une très bonne soirée. Tu grimaces presque quand tu vois des jeans pattes d’éléphants. Ca par contre, ça te plaît pas du tout. C’est pas comme si j’allais emballer qui que ce soit ce soir. C’est vrai. Ca n’empêche que tu te découvres une phobie que tu t’ignorais. Les pattes d’ef. Horrible.  Y’a une personne qui te prend en photo avec un polaroid instantané et un flash qui te rend aveugle.« Hé le droit à l’image? »Mais la personne est déjà parti continuer ses photos.

La déco habituelle du Triffid est déjà parfaite mais là. Ils ont rajouté un tas de Vinyl accroché aux murs. Tu peux pas t’empêcher d’en toucher un pour vérifier si le disque est dedans ou pas. Non. Nope y’a pas. C’est déjà très courageux de prêter ses pochettes pour une soirée. Tout le monde sait que ça va finir par être détérioré puisque la foule ne va pas rester sobre. Tu sens un regard sur toi alors que t’es en train de remettre la pochette du vinyl en place. « J’avais pas prévu de le voler hein. Je l’ai déjà chez moi. » Il s’agit du Vinyl de Toto Africa. Tu plaisantes - pas totalement - tu es de très très bonne humeur et du coup, tu dis n’importe quoi. Juste histoire de connecter avec quelqu’un qui a aussi décider de passer sa soirée ici. La meilleure idée vraisemblablement. Tu indiques du menton une affiche qui est juste derrière la personne devant toi. « Ca par contre c’est pas très années 80. » Il s’agit d’un poster Nirvana avec le bébé qui nage dans l’eau. La pochette de leur album Nevermind. « Ils ont séché sur la déco. Ou bien ils vont faire un mix avec les années 90. Je suis pas contre. » Tu parles beaucoup Jordan. T’as même pas remarqué que tes potes ne sont déjà plus dans ton champ de vision. Vous avez vos habitudes au Triffid, tu sais où les retrouver. Au bar. Tu sais pas si c’est ton but premier de boire ce soir.

On lui a dit “soirée eighties” alors forcément, Birdie a sorti ses lunettes rose en forme d’étoiles, les paillettes dans les cheveux, le legging jaune criard et sa veste multicolore à frange parce qu’on ne fait pas une soirée sans avoir les couleurs qui vous défoncent la rétine comme il faut. Est-ce que c’est James qui l’a invité, ou alors c’est peut-être Deli, elle ne s’en rappelle déjà plus alors qu’elle a déjà commencé les festivités en se préparant, entre une verre et de la musique qui la fait danser dans toute la colocation - au point de recevoir une pompe de Carter. Décidément, avec lui, tout est question de chaussure. Elle va finir par le lui en faire bouffer s’il continue comme ça.

Mais hors de question de penser à ça pour l’instant. Alors Birdie déhanche son cul devant la porte de son colocataire, qui peste, qui râle et qui finit par claquer la porte de sa chambre sous les rires de la blonde. La même blonde qui atterrit quelques minutes plus tard - à peu de choses près - au bar indiqué. Les néons extérieurs l’appellent et Birdie voit là presque un miracle qu’elle n’habite pas très loin d’ici. Mais comment elle a pu n’avoir jamais vu ce bar, le mystère reste total. Mais il faut dire que Birdie ne voit pas grand chose, elle se laisse pousser et porter par un instinct supérieur à tout ça. Ce n’est pas le lieu qui compte, c’est l’histoire. Le voyage, l’aventure. Elle aurait peut-être déjà foutu les pieds ici qu’elle ne s’en rappellerait pas de toute façon. Il y aurait plus de chance que les propriétaires se rappellent d’elle, par contre. Si jamais elle a brisé quelque chose ou fait du tapage comme cela lui arrive (trop) souvent. Les gens ont qu’à être moins cons, aussi. Et partir du principe que c’est toujours leur faute et pas la sienne. Naturally.

Y a Simon du boulot qui est là et elle grimace, Birdie, avant de dériver sur le côté pour ne pas le croiser. Et, comme quoi la vie est foutrement bien faite, la dérive tombe droit sur le bar. Juste de quoi pouvoir se chauffer les membres intérieurs avant de finir sur l’extérieur, c’est parfait. Il y a pleins de pigments qui pètent comme un arc en ciel dans ses iris bleutés et c’est parfait aussi, absolument magnifique. Les gens ont respecté le dressing code - enfin presque. “Hey, dude, Britney aussi, c’est pas non plus très années 80, j’te signale.” Birdie ignore à qui le gars s’adressait mais en tout cas, c’est vers lui qu’elle se dirige, son verre à la main parce que bien sûr, son oeil s’est accroché là où il ne faut pas, au détail qui fait la différence par rapport au reste. “Baby one more time… Et en plus, c’est un appel que tu fais au monde avec ça.” On ne peut pas porter un tee shirt pareil, de Britney Spears en plus, sans en subir les conséquences. “♫ Y a quelqu’un qui veut pas rentrer seul ce soir. ♫” Qu’elle dit en chantonnant tout en portant son verre à ses lèvres, le regard pétillant par dessus.

C’est marrant parce que ce type lui dit quelque chose.
Mais comme beaucoup de choses, Birdie ne s’en rappelle pas.

“Hey, dude, Britney aussi, c’est pas non plus très années 80, j’te signale.” Parce que oui. Il avait un t-shirt de plus dans sa voiture alors t’a pu te mettre à peu près aux bonnes tendances ce soir. Mais vraiment à peu près comme elle le souligne. A la base il voulait te refiler un t-shirt avec les Goonies dessus mais t’as réussi à lui choper Britney pour que lui se tape les Goonies. T’as été bien trop traumatisé par ce film étant gosse. Tu jettes un coup d’oeil vers Teddy d’ailleurs. Il est en train de vous observer. Tu reportes bien vite ton attention sur la meuf et elle a l’air vaguement familière mais tu n’as absolument aucune idée d’où. Tu rencontres vraiment beaucoup de monde régulièrement via des connaissances à toi. Par contre son leggings jaune fluo et sa veste à frange, tu vas t’en souvenir longtemps. T’es presque jaloux de sa tenue parce qu’elle est parfaite. “Baby one more time… Et en plus, c’est un appel que tu fais au monde avec ça.” Large sourire sur tes lèvres en l’entendant. T’es pas mal fier de ton t-shirt c’est vrai, même si c’est pas dans le thème. C’est mieux que le t-shirt uni que tu avais sur toi au début de la soirée. “♫ Y a quelqu’un qui veut pas rentrer seul ce soir. ♫”

Tu éclates de rire en l’entendant. « T’as beaucoup bu non ? » T’as carrément l’impression qu’elle est en train de flirter avec toi. T’es nul en signaux que les gens peuvent lancer mais là, elle a été assez claire. Elle a parlé de manière générale. Pas pour elle. Elle te voit quand même rentrer avec quelqu’un. Elle a bu. Elle s’amuse. Et ça t’amuse aussi qu’elle dise ce genre de chose. « Britney c’est la base. T’aurais choisit quoi entre un t-shirt Britney et un t-shirt les Goonies ? J’avais pas beaucoup d’options. » Tu l’observes de nouveau, un peu sous toute les coutures, passant ta main brièvement au milieu de ses franges. « Toi par contre, ta tenue est parfaite. J’adore. On échange ? » Tu plaisantes bien sûr. Mais si jamais elle te prend au mot, tu serais carrément opérationnel de ce défi de merde. Peut être bien que tu vas finir par boire en abondance si tu commences comme ça Jordan.

« T’as beaucoup bu non ? » Je me mettais à rire. Est–ce que j’avais commencé à boire, Birdie ? Voilà une question forte intéressante. Est–ce que j’avais décidé de mon plein gré (la jolie rime !) d’aller chercher ses verres ou m’étaient–ils parvenus d’un boom magique dans la main, sans mon avis ni consentement ? Après tout, qui se cherche se trouve – non, ça, ça ne devait exister que dans les tréfonds de mon esprit vaporeux. Parce qu’il n’y a pas à douter que pour moi, ça avait du sens. Quand on trifouillait, on finissait bien par trouver, non ? Une théorie qui serait intéressante mais je n’étais ni dans le lieu ni dans l’ambiance pour ce genre de conversation. Et puis, philosopher alors que j’étais entourée de boule à facette et autres pantalons en pattes d’éléphant – certains ne savaient vraiment pas comment accorder une tenue même complètement absurde, il fallait dire que c’est un art à lui tout seul, l’absurdité. Et y en avaient beaucoup qui ne le maîtrisaient pas, ce talent. Clairement pas. « Britney c’est la base. T’aurais choisi quoi entre un t-shirt Britney et un t-shirt les Goonies ? J’avais pas beaucoup d’options. » Okay. « Tu marques un point, vu comme ça, ça avait l’air d’être un dilemme terrible. Enfin ça va, tant que t’avais pas le choix avec la tenue de Leia dans Star Wars, hein. Ceci dit, ça aurait été drôle de te voir en petit bikini doré, j’en suis sûre. » Plus drôle et plus distrayant, j’en restais persuadée. Mais il était mignon, il ne m’avait pas encore envoyé chier alors que j’ai interrompu ce qui ressemblait plus à un monologue qu’à un dialogue. Une conversation avec soi–même, c’était tout aussi intéressant, ceci dit. « Britney, c’est la base des nineties, clairement. Du coup, tu vas devoir nous faire la chanson au karaoké, t’as pas le choix. » Mon regard vrillait soudainement par–dessus son épaule, visiblement effaré par un look tout aussi effarant que pouvait l’être une tenue complète de sportif. Y avait même les chaussettes par–dessus le pantalon. « Putain nan mais sérieux, y a vraiment des gens qu’on devrait empêcher de rentrer. On a dit eighties, pas mocheté ! »

Je secouais la tête, dépitée, avant de reporter mon attention sur mon nouveau partenaire de conversation. C’était vraiment drôle qu’il me disait quelque chose. Les traits, les cheveux blonds platinés, ce petit côté torturé même s’il souriait en s’amusant avec les franges de ma veste. Que je secouais un petit peu pour faire plus d’effet parce que sinon, ça ne servait à rien d’avoir une veste pareille. « Toi par contre, ta tenue est parfaite. J’adore. On échange ? » Mon verre se finissait cul sec dans mon gosier avant de le poser avec fracas sur la table la plus proche, un clin d’œil clôturant mon action. « Pour rep à ta première question, nan, j’ai pas beaucoup bu. J’ai juste assez bu pour bien te voir toi et ton tee shirt d'une autre époque. Peut–être que même que tout ça, c’est mon after, tu vois le genre ? J'ai fait un bond spacio temporel et t'es en train de me perturber. Une coquille, une anomalie dans l'espace temps, voilà ce que t'es. » Je me dandinais d’un pied sur l’autre, me rapprochant légèrement, l’œil amusé et l’autre qui se voulait charmant. Ou charmeur, je ne savais plus trop. « Tu veux déjà que je me déshabille pour toi ? En voilà des manières, Britney. » Franchement, fallait pas qu’il me dise ça. J’étais carrément capable de le prendre au mot. « Je gagne quoi au change, moi ? Parce qu’un tee shirt Britney face à ma veste, c’est pas comparable. » Ou sinon, on pouvait jouer au lieu d’échanger. Mais ça, j’attendais de voir d’abord ce qu’il mettra sur la table. Je n’étais jamais la dernière à passer à côté de bonnes opportunités.

Et peut–être que je finirai la soirée en sachant pourquoi ses traits me paraissaient familiers.
Parce que c’était quelque chose d’extrêmement agaçant, quand même.

« Tu marques un point…  » T’es content et fier qu’elle mette Britney sur le même piédestal que toi. « Ceci dit, ça aurait été drôle de te voir en petit bikini doré, j’en suis sûre. » T’éclates de rire en l’entendant. « Nan je te promets tu aurais pas voulu voir ça. » Elle a l’air de kiffé les trucs dorés en tout cas. Qu’elle se contente de mes cheveux c’est le truc le plus proche que j’ai. Chill Jordan, elle est bourrée, dans deux minutes elle t’aura déjà oublié. « Britney, c’est la base des nineties, clairement. Du coup, tu vas devoir nous faire la chanson au karaoké, t’as pas le choix. » Sourire largement en coin sur tes lèvres. « Quand tu veux. » Tu connais toutes les chansons de Britney par coeur. Ce serait un grand kiffe.

Ça se confirme qu’elle va très vite détourner son attention ailleurs vu les commentaires qu’elle faut aux gens aux alentours. Elle aime mon tshirt, peut être pas. Quoi qu’est ce qu’il y a Jordan, tu cherches un camarade de soirée ? T’es venu avec des potes je te rappelle. Ils vont aller pécho dès que possible. Et toi tu veux profiter de la piste de danse avec toutes ces bonnes chansons qui vont passer. T’as pas encore atteint le dancefloor. T’as été trop occupé à scruter la déco. « Pour rep à ta première question, nan, j’ai pas beaucoup bu. J’ai juste assez bu pour bien te voir toi et ton tee shirt d'une autre époque. Peut–être que même que tout ça, c’est mon after, tu vois le genre ? J'ai fait un bond spacio temporel et t'es en train de me perturber. Une coquille, une anomalie dans l'espace temps, voilà ce que t'es. » Oh fuck. Elle parle vraiment beaucoup. Elle est bourrée ça se confirme, même si elle a dit l’inverse. Toi même tu avoues jamais que tu es bourré quand c’est le cas. Elle a quand même dit la vérité, t’es une anomalie. Vrai. « Tu veux déjà que je me déshabille pour toi ? En voilà des manières, Britney. » Elle te fait beaucoup rire. Elle a l’alcool joyeux et elle est véritablement drôle. Cela dit bien loin de toi l’idée de la mettre à poil. Encore moins si elle est alcoolisé. Pas ton genre. T’aimes bien le surnom qu’elle te donne cela dit. « Je gagne quoi au change, moi ? Parce qu’un tee shirt Britney face à ma veste, c’est pas comparable. » Tu secoues la tête en signe de négation. « Personne ne se déshabille nan. Je garde mon t-shirt Britney. Comment tu te souviendras que c’est mon petit nom sinon ? Nan faut pas prendre ce risque. » Tu regardes un peu autour de toi. « Y’a vraiment un karaoké ? Parce que je te prends sur du Britney quand tu veux. » T’oublies que c’est pas du tout le thème de la soirée. Va plutôt falloir prévoir ça ailleurs Jordan.

Et puis y’a ‘I wanna danse with somebody’ de Whitney qui commence et tu te tournes vers la direction à prendre pour rejoindre la piste de danse. « Tu danses ? » Parce que oui, tu veux t’amuser sur cette super playlist ce soir.

« Nan je te promets tu aurais pas voulu voir ça. » Pourtant, Birdie est persuadée du contraire. « On peut pas savoir avant d’avoir testé. » Elle joue des sourcils avant son sourire qui ne la quitte pas parce que franchement, maintenant, elle a juste très envie de voir ça. Peut–être qu’il ne serait pas à l’aise dedans. Peut–être que c’est le genre de tenues qui ne va pas aux mecs – non, ça, c’est une certitude. Mais c’est bien pour cela que c’est drôle. « Tant pis, je laisserai mon imagination faire le travail, alors. » Et dieu seul sait que l’imagination de la Cadburn est assez foisonnante pour qu’elle puisse se mettre à rire encore dans deux heures de l’image qu’elle va se projeter dans la tête. Parce que ça reviendra, forcément que ça reviendra, son cerveau ne passe pas à côté d’une telle opportunité. « Quand tu veux. » Challenge accepted. Enfin, c’est donné, vraiment. Ce n’est pas compliqué, la barre est plutôt basse, c’est presque une balade de santé. « Avant que je fasse un blackout, alors. Sinon, faudrait que tu recommences car je t’aurai pas vu ou je m’en rappellerai pas. Un grand drame pour tout le monde si j’suis pas là pour juger. » Forcément qu’elle jugera. Parce qu’il est l’anomalie dans l’espace–temps et qu’il faut bien qu’il fasse honneur à son teeshirt. Question de principe. Sinon, elle sera forcée de demander à ce qu’on l’expulse du bar. Pas dans le thème, pas de soirée. Elle sourit encore plus fort à cette pensée, avant de noyer ses lèvres dans le breuvage qu’elle porte à sa bouche.

« Personne ne se déshabille nan. Tu m’attristes. Moi qui pensais qu'on avait déjà dépassé ce stade et tout ça. Je garde mon t-shirt Britney. Comment tu te souviendras que c’est mon petit nom sinon ? Nan faut pas prendre ce risque. » Il réfute, il s’oppose, il a un argument de taille en plus et ça, ça fait redescendre les épaules de Birdie en même temps qu’une joyeuse tonalité sorte de ses lèvres. « Aaaaw, mais c’est qu’il est prévoyant, en plus, Britney doré ! » Même abattue et défaite, la Cadburn ne le laisse pas paraitre, s’octroyant même le luxe de passer sa main dans les cheveux blonds de son interlocuteur – dorés parce qu’ils pourraient presque briller comme les cheveux de Raiponce. « Okay, okay, je vois, tu entres dans les cases des normes sociales, personne à poil même à moitié, j’ai compris. » Et sa moue devient boudeuse parce que les normes sociales, c’est vraiment trop nul et les gens qui se restreignent, ça l’est encore plus. Du fun gâché parce que les gens ne veulent pas mais surtout n’osent pas.

Mais son attention volatile se perd déjà sur un couple qui se croyait dans Grease, la fameuse choucroute d’un côté et la banane de l’autre. C’est adorable, autant que c’est niais et un manque d’originalité flagrant. « Y’a vraiment un karaoké ? Parce que je te prends sur du Britney quand tu veux. » Birdie lève son petit doigt qui aidait (à peine) à tenir son verre et le secoue à la négation en même temps que sa tête. « Hu hu, je veux te voir prendre des patates et des tomates, pas en recevoir. Et si y a pas de karaoké pour savoir comment va être massacré ‘‘girls wanna have fun’’, cette soirée sera définitivement un véritable flop. » Il y a des choses essentielles à la vie et se foutre de la gueule des gens, c’est une occupation qui distrait toujours autant. « Tu danses ? » « Comment je pourrai pas ? Whitney, quoi ! » Birdie finit cul sec son verre parce qu’elle est contre le gâchis mais qu’il faut absolument qu’elle bouge ses fesses, surtout cette chanson qui est un véritable appel. « Comment j’envie sa coupe dans ce clip en pluuuus, alleeeeez ! » Elle pose son verre, attrape la main de Britney dans la foulée et l’entraine aussi vigoureusement sur la piste qu’une meuf de sa taille un poil éméchée peut le faire, chantant (criant) les paroles comme si elle allait perdre sa voix une fois la chanson finie.

Elle a réponse à tout. Tu connais bien ce genre là de bourré. Les gens qui n’arrive pas à s’arrêter de parler et qui en plus disent pas totalement de la merde. Comme s’ils avaient un super pouvoir pendant qu’ils sont dans cet état second. Elle provoque mais n’insiste pas beaucoup et ça c’est une bonne chose. T’aurais pas envie qu’elle devienne relou. La soirée ne fait que commencer et tu vois en elle la possibilité de beaucoup t’amuser. Elle a l’air de connaître ses limites. Ou pas. Sa précision du black-out éventuel est autant inquiétant que rassurant. Si elle sait qu’elle est propice à ça, elle sera sûrement déjà dans un endroit en sécurité nan ? Tu penses à beaucoup trop de choses qui ne te concernent pas Jordan. T’es pas en train de la faire boire, elle l’a déjà fait comme une grande avant que tu débarques. « Aaaaw, mais c’est qu’il est prévoyant, en plus, Britney doré ! » Elle te fait vraiment marrer à t’appeler comme ça. T’as des gens qui t’appellent Princess, maintenant elle Britney, t’es flamboyant Jordan. Love it. Par contre sa main dans tes cheveux, le contact tu ne l’avais pas anticipé et tu marques un léger mouvement de recul. « Okay, okay, je vois, tu entres dans les cases des normes sociales, personne à poil même à moitié, j’ai compris. » T’apprécies qu’elle comprenne. C’est important. Surtout en soirée comme ça. T’es pas quelqu’un de dangereux, pour personne. « Merci. »

« …Et si y a pas de karaoké pour savoir comment va être massacré ‘‘girls wanna have fun’’, cette soirée sera définitivement un véritable flop. »
« On inventera le karaoké s’il n’y est pas. »

Y’a toute une partie de la soirée qui est dans le jardin à l’arrière et tu sais qu’il y a moins de musique là bas. Y’a carrément moyen de faire une « contre soirée » avec des gens qui se mettent à chanter de leur plein gré. Le truc le plus proche d’un karaoké que vous pouvez faire comme ça sans aucune préparation. Mais toutes ces idées s’envolent alors que Whitney Houston retenti.

« Comment je pourrai pas ? Whitney, quoi ! »
« C’est la base Whitney. »

T’aimes qu’elle kiffe autant que toi. Tu sais pas ce qu’il y avait dans son verre mais t’espère que c’était pas trop fort vu comme elle l’a descendu. T’as pas envie qu’elle te vomisse dessus sur la piste de danse à force de s’agiter de tous les côtés. « Comment j’envie sa coupe dans ce clip en pluuuus, alleeeeez ! » Tu aimes encore plus qu’elle sache ce petit détail. Elle continue dans les contacts physique non sollicité et tu la laisses faire parce que c’est rien de bien méchant même si t’es pas le plus à l’aise dans ces moments là. T’as pas encore eu le temps d’aller te prendre à boire mais c’est tant mieux. Tu préfères danser que boire. Et danser en buvant c’est chiant. Tu fou toujours la moitié de ton verre par terre. C’est du gachis. Tu chantes autant qu’elle tout en dansant. Tu fais les mouvements les plus ridicule possible. Tu te prends pas au sérieux. Vous avez l’air fin tous les deux comme ça. A la fin de la chanson, t’es un petit peu essoufflé. C’est un pseudo slow qui commence… La chanson de Dirty Dancing. « I had the time of my life ».

« Oh putain j’adore cette chanson ! » Un vrai fanboy Jordan. Patrick Swayze est beaucoup trop Hot dans ce film. « Je savais que toute la playlist allait être parfaite ce soir. Je vais pleurer tellement je suis ému. » Tu plaisantes même pas c’est ça le truc. Et puis c’est naturellement que tu prends la main de la blonde pour lentement la faire tourner sur elle même. Tu sais que la chanson va s’accélérer bientôt. Pas besoin de se lancer sur un slow. « Combien tu pèses ? Que je vois si je peux tenter le porté à la fin. » Tu poses cette question sans stress.

« On inventera le karaoké s’il n’y est pas. »
« Tant qu’on a une main et une voix, ça devrait le faire. Faudra juste monter sur les enceintes et le tour est joué. » Prier aussi pour connaitre les paroles. Pour ne pas avoir honte. Ne pas mourir devant autant de gens qui vous regardent. Toutes ces choses dont Birdie ne fait pas attention et qu’elle ignore et qu’elle ne connait pas parce qu’elle est au–dessus de tout ça. « Tu sais chanter, au moins ? Parce que je chante pas avec n’importe qui. » Avec n’importe quelle voix. Dit–elle avec une prétention non dissimulée alors qu’elle–même, elle n’est ni soprano, ni bariton, ni rien du tout.

« C’est la base Whitney. » Y a beaucoup de bases évoquées, ce soir. Y a aussi Thriller qu’est la base. Ou encore Flashdance. A l’époque où on utilise des stéréos, les pattes d’éléphants frôlant le sol avec absurdité, quand ce n’est pas l’équivalant du justaucorps vert vif qu’elle voit passer devant elle. Les gamins qui jouaient au tétris, à pacman ou au bon vieux flipper – Birdie avait son préféré quand elle était gamine dans un café (le seul) de son quartier de naissance. L’époque beaucoup insouciante car au final, on n’avait pas la portée du monde à bout de clic, y avait que le minitel et ses lignes incompréhensibles, le début d’internet avec ses modems qui faisaient plus de bruit qu’une batterie – sans rire, vraiment, elle en a encore les oreilles qui sifflent en y repensant – et tout plein d’autres trucs qu’ont les jeunes de maintenant sur un simple appareil portable – la disquette, les VHS, le magnétoscope. Plus besoin de galérer, les morpions d’aujourd’hui ont la vie bien trop facilitée.

Elle l’entraine, elle semble certaine de ses pas (alors que pas du tout). Birdie qui danse, c’est comme si un pantin démantibulé prenait possession de ses membres. Ses gestes sont absurdes – comme sa vie, Maki arrête pas de le lui répéter – ses expérimentations ne sont toujours que ça – des expériences. Un bras qui fait un truc endiablé, les jambes qui font la grenouille, la danse du robot (LA BASE AUSSI), tout y passe. Ou presque parce que 3 minutes de chanson, ça passe vite aussi, y a pas grand-chose pour démontrer ses talents.

« Oh putain j’adore cette chanson ! »
« Aw. »
« Je savais que toute la playlist allait être parfaite ce soir. Je vais pleurer tellement je suis ému. »
« Aaaaaaaw ! C’est absolument adoraaaaaaable ! Qu’est–ce qui te ferait pleurer aussi ? Dis–moi tout, que je sache, histoire que je m’affole pas, tu vois. »

Il est trop choupinou, le blondinet que les tréfonds de son esprit essaient toujours de reconnaitre. Genre, il pourrait chialer pour une playlist. That’s so precious. Birdie sourit encore plus fort, en sautillant comme une gamine avant de rire alors qu’il la fait tourner sur elle–même. Y a pas à dire, sa veste à frange fait un malheur entre ses mouvements et les couleurs de la piste. « Combien tu pèses ? Que je vois si je peux tenter le porté à la fin. » La Cadburn tente de se mettre sur la pointe des pieds pour le tourner à son tour mais il est grand, le bougre, alors tant pis, elle se contente de rire de nouveau. « J’en sais rien mais t’as le goût du risque, j’aime bien. Tu veux me faire planer, c’est ça ? Y a 50% de chance que j’atterrisse sur quelqu’un. Ou pire, sur la piste. Ou sur toi. Je nous réserve 1% de réussite. Chiche ? » Ils vont mettre leurs vies en péril, là, y a pas à en douter. « En plus, t’es grand, ça me changera comme vision, de prendre un peu de hauteur. » Clairement, 163cm, on ne voit pas grand-chose du monde. Peut–être pour ça qu’elle n’a jamais réussi à le voir comme il est vraiment.

« Tant qu’on a une main et une voix, ça devrait le faire. Faudra juste monter sur les enceintes et le tour est joué. » Elle te suit dans tes délires et tu te dis qu’elle est la meilleure partenaire de soirée qui tombe du ciel que tu n’aurais pu imaginer. Tes potes, tu les as déjà oublié. Ils t’ont aussi oublié. Ils t’avaient dit qu’ils avaient du business à faire et ça veut dire soit des meufs à serrer, soit de la drogue à dealer. C’est plutôt des mecs à serrer pour Teddy. Genre toi. Nah. Tu sais très bien qu’il craque sur toi, mais tu fais genre tu le vois pas.

« Aw. » Elle a l’air aussi émue que toi quand Dirty Dancing retentit.  « Aaaaaaaw ! C’est absolument adoraaaaaaable ! Qu’est–ce qui te ferait pleurer aussi ? Dis–moi tout, que je sache, histoire que je m’affole pas, tu vois. » Elle te fait trop rire avec ses questions qu’elle pose sans stress. « Beaucoup de choses. On en a pour la nuit si je te fais une liste. » T’es émotif comme gars, ça se remarque pas quand on te voit vite fait.

T’es content de voir qu’elle est pas outré ou quoi que tu lui demandes son poids. Tu le sentais bien et t’as visé juste. « J’en sais rien mais t’as le goût du risque, j’aime bien. Tu veux me faire planer, c’est ça ? Y a 50% de chance que j’atterrisse sur quelqu’un. Ou pire, sur la piste. Ou sur toi. Je nous réserve 1% de réussite. Chiche ? » Tu hoches vivement la tête. T’as encore plus envie d’essayer maintenant qu’elle a sorti toute les probabilités. Tu t’étires rapidement le dos, les bras, le cou. « En plus, t’es grand, ça me changera comme vision, de prendre un peu de hauteur. » Elle te fait vraiment marrer. « Ok, on le fait hein. On le fait au bon moment aussi sinon ça n’a plus de sens. » Alors tu danses Jordan. Tu danses et tu essaies de visualiser comment ça va se passer quand le moment va arriver parce que la vérité c’est que tu l’as déjà tenté ça. Mais t’étais super jeune. Et c’était un gros fail. Peut être qu’aujourd’hui tu vas défier les lois de la gravité avec Birdie. Birdie que tu vois s’éloigner pour prendre l’élan nécessaire. Allé on y va y arriver. Petit prep talk dans ta tête. Tu crois en vous. T'as arrêté de chanter la chanson depuis un moment parce que tu te concentres sur l'objectif depuis que tu sais qu'il est fixé.

Est-ce que le porté de Dirty Dancing est réussi ?

« Beaucoup de choses. On en a pour la nuit si je te fais une liste. » Birdie virevolte sur elle, fière porteuse de son prénom, aussi libérée que trépidante – et vraiment, elle n’a pas besoin d’une goutte d’alcool pour être comme ça. Mais l’éthanol multiplie encore plus fort les effets et elle s’entend rire, bêtement, le regard qui va vers le ciel – le plafond en vrai mais elle prétend voir à travers les étoiles dans la nuit noire. « Il se trouve que j’ai toute la nuit devant moi, mon coco doré ! » Et elle glousse de nouveau parce qu’un type qui chiale, c’est beau, mais un type qui assume de chialer, c’est encore plus brillant. C’est le genre qu’on a envie de garder dans ses bras, de cajoler, de faire des tresses dans les cheveux – décidément, c’est presque une obsession à ce stade – de le noyer sous des tonnes de chamallows multicolores en lui promettant que c’est fini, que l’avenir est rayonnant, que plus rien de mal ne lui arrivera. Il y a des gens qui donnent cette aura, aussi surprenant soit–il, et cela tombe souvent aux moments les plus opportuns.

C’est là la richesse de ce genre de soirées.
On y trouve de tout et du n’importe quoi et parfois, ça a du bon.
Le tout et le n’importe quoi.

« Ok, on le fait hein. On le fait au bon moment aussi sinon ça n’a plus de sens. » Pour ne citer qu’un exemple de n’importe quoi, en voilà un. Il est joli, il est beau, il est frais et il fait encore plus rire Birdie quand elle le regarde s’échauffer. Enfin, s’échauffer est un grand mot – il est plus en train de lui montrer qu’il y a un grand buste, de grandes jambes et de longs bras. La Cadburn, elle sautille en secouant les mains. Elle a juste besoin d’être un poids plume. Easy, right ? Si elle se blesse, s’il se blesse, ils auront l’air de deux cons. Mais au moins, on ne peut pas dire qu’ils n’auront pas essayé. C’est le truc le plus eighties qu’elle aura fait de sa soirée, elle en est persuadée. A supposer que ça fonctionne.

Okay, let’s do it.

Birdie connait assez la chanson pour savoir quand s’éloigner, quand dire aux gens de virer le passage et que le premier qui lui fait un croche patte, il a le sien de patte dans sa mâchoire. Y a les regards sur eux, Birdie a toujours son sourire et elle se sent relax au possible. Elle n’a jamais vu le danger, ni de la situation ni de la chorégraphie. No pressure, like always.

Et elle s’élance.
En rythme, au bon moment et parce que les étoiles, les dieux et les planètes doivent être alignés, Britney réussit sa manœuvre. Genre elle vole au-dessus de sa tête, sous les acclamations des autres – et des siens d’abord. Birdie manque du coup de se casser la figure dans son enthousiasme mais elle se raccroche aux épaules de son camarade qui la fait redescendre – malheureusement parce qu’elle aimerait bien apprendre à voler, Birdie. Cette dernière lui saute dans les bras, comme si on vient de la guérir d’une maladie grave. « Putain mais c’était trop coool, j’ai vraiment cru que j’allais finir avec mon nez tordu, ma cheville pétée et en vol plané sur le sol ! » Elle a le visage lumineux, comme une gamine fière – elle l’est. Peut–être trop mais c’est bien ce qui la caractérise ; en faire trop. « T’auras gagné le droit de choisir ta chanson au karaoké. C’est pas le luxe intégral, ça ? »

« Il se trouve que j’ai toute la nuit devant moi, mon coco doré ! » Elle aime trop te donner des surnoms. Elle doit pas se souvenir de ton prénom en fait. Est-ce que je lui ai donné? Même toi tu sais plus.

Et puis vient le moment du porté. Vous vous êtes mis d’accord bien rapidement. Vous en aviez envie autant l’un que l’autre vu comme c’est très rapidement que ça s’est ficelé. Elle connait très bien la chanson. Elle gère le monde autour, vous avez besoin de place, elle la fait très bien. Tu essaies de pas penser que du coup, y’a quand même pas mal de regards tournés vers vous. Si on se viande on fera rire la galerie, si on réussi on sera les reines de la soirée. Gagnant gagnant. T’es motivé. Elle se met à courir. T’es concentré.

Vous y arrivez. Tu la soulèves comme un pro. Au bon moment. Elle s’est mise dans la bonne position. Tout était parfait alors que rien n’était préparé. Ça te fait penser à la performance de Shallow dans Star is born. Trop parfait pour être vrai sans être répété. Mais si. Quand ça colle entre deux, ça marche. A partir d’aujourd’hui tu ne remettras plus en doute cette scène du film. C’est possible. Quand tu lui remets les pieds sur le sol, t’es sans voix. « Putain de merde… » Enfin, juste trop subjugué pour faire une phrase qui veut dire quelque chose. Elle te saute dans les bras et bien que tu sois monsieur no touchy tu l’accueilles avec le plus grand des plaisirs. Le moment est trop beau. Incroyable. « Putain mais c’était trop coool, j’ai vraiment cru que j’allais finir avec mon nez tordu, ma cheville pétée et en vol plané sur le sol ! »

« J’étais sûr qu’on allait finir éclaté aussi. » C’est sûrement le plus beau dans tout ça. Vous êtes allés contre toutes les attentes. « T’auras gagné le droit de choisir ta chanson au karaoké. C’est pas le luxe intégral, ça ? » Tu vas pour dire oui mais quand tu reconnais la chanson qui commence à ce moment là t’es encore plus sur le cul. Against all odds.

« Je crois que y’a un pouvoir supérieur qui nous regarde en ce moment. » Rosa. Ce que vous avez fait ce soir tous les deux c’était against all odds. T’es sur le cul. « Wow… » En plus cette chanson te fait déjà pleurer de base pour mille raisons... mais avec toutes ces émotions et ces synchronicités, t’es très ému. T’es toujours proche de Birdie et tu l’enlaces complètement pour profiter du slow. Pour qu’elle ne voit pas l’eau qui se trouve dans tes yeux au fur et à mesure que la voix de Phil Collins résonne dans les hauts parleurs. Tu la serres plus fort sans vraiment le réaliser. And you coming back to me, it’s against the odds… Parce que bien sûr tu te dis que c’est un de tes guides - Rosa - qui est là en train de gérer la musique de la soirée. Les années 80 a toujours été ton pêché mignon. Tu restes les yeux fermés, t’es trop à fond dans la chanson, tu veux voir personne, tu veux pas sortir de ta bulle.

Spoiler:

« Putain de merde… » Il n’y croit pas et elle non plus. Y a que les gens autour d’eux qui s’exclament, qui applaudissent et semblent réaliser. Pourtant, c’est con. C’est juste un porté, c’est juste une soirée comme ça, pour passer le temps, y a pas de médaille et encore moins de trophée à gagner. Mais sûrement que ça a foutu un coup à leur égo. Et ça, Birdie ne crache jamais dessus. Elle espère que quelqu’un a filmé – franchement, doit bien y avoir un couillon qui l’a fait et elle veut savoir où il est pour l’embrasser et lui piquer sa vidéo. Juste pour prouver et le dire à tout le monde. Car on ne la croira pas parce qu’on ne la croit jamais. Y a que Britney doré qui peut savoir mais Britney doré, elle ne peut pas se le trimbaler dans sa poche pour qu’il soit là pour appuyer ses propos. A part s’ils veulent faire un remake de ‘‘chérie, j’ai rétréci les gosses’’. Après le karaoké, ils peuvent aller s’exercer à la magie, qui sait, ça pourrait être une nouvelle et riche expérience ça aussi.

Il a réussi à la faire voler deux secondes et trente cinq millièmes de secondes, ils sont inatteignables.

« J’étais sûr qu’on allait finir éclater aussi. »
« Heureusement que non parce que une gueule cassée pour une fille comme moi, ça fonctionnerait pas vraiment. » Une tronche à la Schwarzenegger sur son corps fluet, voilà qui serait assez cocasse. Et complètement absurde. Elle ne risque d’y arriver que si elle prend des hormones et qu’elle se fait refaire le visage. Plusieurs fois. Ce qui n’arrivera pas parce qu’elle est parfaite comme elle est. Oui, même avec sa micro poitrine et sa petite taille. Elle ne voit que des qualités à ses imperfections – et de toute façon, Birdie est bien placée pour savoir que son charme se suffit à lui–même. Quand elle se décide de ne pas trop l’ouvrir mais ça, c’est trop lui demander.

« Je crois que y’a un pouvoir supérieur qui nous regarde en ce moment. » Par réflexion, Birdie regarde en haut et elle ne voit que le plafond où jouent les lumières. « Wow… » Il a l’air de changer complètement de mood. Elle n’a même pas le temps de voir ses yeux qui brillent – autre chose que les projecteurs – qu’il est contre elle, qu’il la serre un peu plus et surtout, qu’il enfouit son visage là où elle ne peut pas le voir. Est–ce qu’elle doit s’en inquiéter ou pas ? Il n’avait pas l’air d’être tactile tantôt et pourtant, il est carrément en train de la bercer. « C’est Phil qui te rend comme ça ? » Birdie coince ses bras autour de son cou, ses doigts jouant avec le bout de ses cheveux. Elle a quand même l’impression qu’y a quelque chose qui cloche mais elle ne saurait dire quoi. « C’est bizarre mais j’ai l’impression que c’est pas la première fois qu’on se voit. » Dévier la conversation, une technique comme une autre pour enlever le nuage pesant au dessus de la tête.

« Heureusement que non parce que une gueule cassée pour une fille comme moi, ça fonctionnerait pas vraiment. » C’est vrai qu’elle est très très jolie Birdie. Mais ce n’est pas son visage que tu visualises alors que Phil Collins chante cette magnifique chanson. C’est Rosa. Cette chanson a été décisive dans plusieurs moments de votre relation et est associé à elle à tout jamais. C’est elle qui vient de faire en sorte qu’elle s’est lancé. T’es sûr. C’est Rosa qui vient de t’envoyer un message. Et cette étreinte avec Birdie, c’est celle que tu voudrais donner à ta femme. Et les larmes dans tes yeux, c’est le trop plein d’émotion de toute cette réalisation. Rosa a vu le porté. Rosa a aidé. « C’est Phil qui te rend comme ça ? » Tu souris un petit peu en l’entendant mais tu ne bouges pas pour autant. Tu veux pas briser la chanson. Il ne faut absolument pas gâcher le moment. Cette chanson est trop importante. Elle n’a pas l’air de vouloir se détacher non plus. Tu sens ses doigts dans tes cheveux et t’imagines Rosa à la place. « C’est bizarre mais j’ai l’impression que c’est pas la première fois qu’on se voit. » Elle doit bien évidemment sentir toute l’émotion en toi. Elle doit pas être à l’aise d’avoir un grand gars comme toi en train de pleurer dans les bras.

Tu temporises comme tu peux pour ne pas couper Phil du son de ta voix. Et sur le dernier take a look at me now, tu te redresses pour la regarder. Tu libères un de tes bras pour essuyer tes yeux. « Tu voulais me voir pleurer hmm ? » Tu réponds à aucune de ses questions parce que t’étais trop dans ta bulle et tu les as déjà oublié. Tu prends une grande inspiration et c’est I’m still standing qui commence. Yup. Tu vas pas faire part à Birdie de tout ce qui te passe par la tête là. Elle comprendrait pas. T’as pas non plus envie de partager. Elle n’est qu’une meuf de soirée. C’est pas Grace ou quelqu’un de tes proches. Y’a un trop gros historique pour qu’on puisse comprendre pourquoi t’es dans un tel état. « Je vais aller me prendre un truc au bar. » Tu vas aller dans celui qui est dans le jardin derrière. T’as besoin de prendre de l’air. « Tu veux quelque chose ? » T’as toujours un bras autour d’elle et tu la tiens bien trop prêt de toi. Bien trop tendrement aussi.

Il n’a pas bougé, ils ont juste tourné et Birdie parle juste pour combler le vide. Il n’y a pas de silence, pas de risque avec les enceintes qui hurlent la voix de Phil Collins. Mais y a quelque chose qu’il se passe et Birdie ne sait pas s’y prendre, elle ne gère pas ces trucs–là, ce n’est pas son rayon. Parler dans le néant total, elle a l’habitude. Ne pas avoir de retour sur ce qu’elle dit, ça aussi, elle connait. Alors ça ne la dérange pas. Contrairement à la masse qui est sur elle et qui n’a pas l’air de se rendre compte qu’il est en train de tout foutre sur elle – surtout qu’il fait au moins deux têtes et demi de plus qu’elle. Le sol est loin ? A sa hauteur à elle, pas vraiment. Mais à son niveau à lui, elle pense que oui.

« Tu voulais me voir pleurer hmm ? » Ah. Ceci explique cela. Britney est émotif, Birdie a zappé l’information. Mais pas assez pour ne pas s’en souvenir maintenant qu’elle le voit tamponner ses yeux pour les calmer. La prochaine chanson la fait bourdonner de la tête aux pieds (ou plutôt dans le sens inverse vu comment le plancher vibre et bat le rythme de chaque chanson qui passe) parce qu’elle ne s’en rend pas forcément compte. « J’aurai pensé devant un barbapapa, pas en écoutant Phil. » La chanson a une importance pour lui, visiblement. Il y a sûrement une histoire avec cette chanson dans sa vie. Ou alors il est vraiment émotif en écoutant Phil qui lui demande de le regarder, aussi misérable soit–il.

Elle n’est pas là pour savoir ni pour juger, de toute façon.
« Je vais aller me prendre un truc au bar. »
Elle ne demandera rien, pas cette fois, pas aujourd’hui. Déjà parce qu’elle ne le connait pas. Même si elle l’a déjà croisé avant, elle en est persuadée. Ensuite parce qu’il ne veut pas en parler. Et surtout parce qu’elle veut profiter de sa soirée et qu’elle est là pour éloigner les mauvaises ondes de sa vie. Alors rajouter celles des autres, aussi adorable et mignon que soit le minois, c’est hors de question.

« Tu veux quelque chose ? »
« Beaucoup trop de choses qu’un bar ne serait me fournir. » Un petit papier buvard rempli de jolis promesses et dessins, par exemple. Mais ça, on ne le dit pas à un inconnu. « Du champagne pour célébrer ? » Birdie attrape la main qui est suspendue à son épaule en souriant avant de secouer la tête en souriant. « Sinon, je prendrai bien un cocktail. Genre un Cosmopolitan. Nan, attends, un California Dream. Ou un Pink Lady. Pas la pomme, le cocktail, hein. » Il y a décidément trop de choix. Un verre de vin est à bannir. Même si elle adore ça, ce n’est pas le genre de boisson à consommer en soirée. Le Bloody Mary et le Sex on the Beach sont aussi à oublier. Pas dans le mood. Elle n’a pas besoin de vodka, elle a besoin de plus fort. Du gin, du rhum, du whisky au mieux. Un Barbary Coast ou un Blackjack pourraient faire l’affaire. Peut–être qu’elle est un peu trop téméraire et qu’elle risque de s’en mordre les doigts le lendemain. Elle a l’habitude. Elle se maudira sûrement pendant trois jours et elle remettra le couvercle de plus belle le quatrième jour. A coup de bières qui traîneraient forcément dans la colocation, avant de se faire des mojitos dont elle ira se vanter auprès de Will qui sera forcément jaloux. Elle commence à bouger de nouveau, la musique ne pouvant la laisser stoïque tellement qu’elle est entraînante, se faisant tourner elle–même via sa main à lui et se dégager de son emprise dans le processus. « En faites, prends–moi ce que tu veux tant qu’y a de l’alcool dedans. Je suis pas très compliquée. Surprends–moi. » Birdie sourit d’une façon lumineuse tout en faisant des pas de danse aussi improbables que tout à l’heure.

Elle veut seulement boire et s’amuser.
Les soucis, c’est pour dehors.