| Comme un air de déjà vu - Noa - |
| | (#)Mer 29 Juil 2020 - 13:45 | |
| A force de me dire qu'il fallait qu'un jour j'envisage de m'arrêter à l'association Beauregard à chaque fois que je rentrais chez moi, j'avais enfin décidé de franchir le pas en me renseignant sur internet dans un premier temps. Non pas que je ne connaissais pas l’histoire de cette association ni son champ d’action, mais j’étais surtout à la recherche d’informations sur leur besoin réel. Parce que vouloir se lancer dans le bénévolat nécessitait de trouver une association dans laquelle s’impliquer. Et même si j’avais accepté d’aider certaines femmes battues, mon besoin n’était totalement pas assouvi. J’avais donc pris le temps de réflexion nécessaire, d’être sûr que l’association pouvait me convenir et surtout que j’étais prêt à franchir ce pas qui me ramenait à des parties sombres de mon histoire. L’inconnue ne m’inquiétait pas, ayant maintenant l’habitude de redécouvrir le but d’une vie entière. Et c’est donc sans de réelles inquiétudes que je demandais un rendez-vous avec la directrice de l’association. J’aimais m’adresser à Dieu plutôt qu’à ses saints. Et ce fût bien rapidement qu’on me confirma la possibilité de rendez-vous le lendemain matin.
J’avais décidé de me rendre à pieds jusqu’à l’association, profitant de la tranquillité de ce matin nuageux. L’hiver arrivant, j’avais aperçu rapidement les gens commencer à se couvrir et j’étais encore l’un des rares à arpenter les rues de Brisbane sans veste. Je n’étais pas prêt à voir l’hiver pointer le bout de son nez, détestant cette saison. Et toute occasion de se voiler la face était bonne pour moi. J’arrivais légèrement en avance dans le hall de l’association – quand je dis légèrement, je parle d’une vingtaine de minutes – et je m’adressais à l’hôtesse d’accueil, lui stipulant mon rendez-vous de dix heures avec Madame Jacobs. J’acquiesçais lors que cette dernière me demanda de patienter le temps que Madame la directrice ne me reçoive. Je n’allais pas faire la fine bouche et m’installais sur l’un des fauteuils disponibles, attendant patiemment des minutes qui me paraissaient interminables. J’en profitais pour sortir mon portable et commencer à errer sur les pages internet qui me proposaient des supers promotions sur des objets déco, comme si même le net voulait me lancer un message subliminal : il fallait que je m’occupe de finir d’emménager. J’avais beau avoir sorti mon vieux tourne-disque , empilé certains vinyles le tout à côté de mon téléphone filaire OPIS 1921 que j’avais récupéré de mes parents, la maison ne me semblait pas encore tout à fait terminée. Je me rappelais avoir dans toutes mes affaires entassées, un vieil appareil photo à soufflet me rappelant les premières photos de classe. Il était loin le temps de l’insouciance où je jouais à la SEGA, que je passais des heures sur le minitel ou à coller mes cartes paninis dans l’espoir d’avoir l’équipe des Wallabies complète. Puis je m’amusais à échanger les disquettes de mon père pour tenter de l’agacer, mais rien ne valait plus le coup que de s’approcher de sa collection de pin’s. Mais le plus marrant dans tout cela, c’était quand on passait du temps tous les trois face au View Master et où le temps me semblait s’arrêter pour toujours…
Vous connaissez la sensation de stress qui monte petit à petit et où tout vous semble plus lourd, plus long, plus… tout. Le silence pesant, le vent trop frais, le siège trop inconfortable… J’étais encore perdu dans mes pensées quand une silhouette s’approcha de moi. Je me levais sans attendre, lui tendant une main dans sa direction avant même qu’elle n’ait l’occasion de se présenter. « Enchanté. Bonjour. Je suis Weddington… Enfin Keith. Et vous êtes la directrice, c’est bien cela ? » balbutiais-je confus en lui serrant la main. Il était rare que je me trouve si stressé et si en manque de mes moyens mais pourtant j’étais en train de vivre l’exception qui confirmait la règle. « Merci de me recevoir si rapidement en tout cas… Vous devez être surchargée... » avouais-je dans un sourire léger, venant glisser mes mains l’une dans l’autre pour tenter de cacher ma nervosité. Elle n'était pas beaucoup plus vieille que moi et son visage me semblait connu sans grandes convictions cependant, probablement subjugué par le stress qui n'avait pas lieu d'être. Car après tout ce n’était pas ma vie que je jouais lors de cet entretien. Mais la simple possibilité de l’utiliser à des fins nobles. |
| | | | (#)Sam 8 Aoû 2020 - 12:45 | |
| Je venais de fêter ma première année en tant que directrice officielle de l’association Beauregard Brisbane. Mon dieu, que cette année était passée vite, je n’en reviens pas. Et dire qu’il y a même deux ans, je sortais à peine de prison. Un véritable enfer cette année 2018 et à présent, elle était bien loin derrière moi. Je croyais fort au Karma et je pouvais affirmer que la roue avait tourné en ma faveur depuis. Le gala d’hier s’était déroulé à Merveille et même si je pensais que j’allais m’ennuyer à mourir lors de cette soirée, j’avais finalement passé un très bon moment et d’ailleurs, je n’avais pas vu le temps passer. Erreur fatale de ma part : j’avais désactivé le réveil sur mon téléphone et m’étais éveillé avec ce sentiment étrange d’avoir dormi bien trop longtemps que je n’aurai du me le permettre. Effectivement, yeux rivés sur mon téléphone, premier reflex du matin, je voyais bien que ce neuf affiché en premier lieu n’était pas normal. Non, d’habitude, à 9h, j’étais déjà à l’association. Sursaut, je sors de mon lit bien plus rapidement que les jours normaux. Pas le temps de prendre le temps, pas de petit dej, pas de thé, je sautais dans mes fringues et courrais en direction de mon lieu de travail. Une chance pour moi, je n’habitais pas très loin et à pied, j’étais à quelques minutes. J’avais ma brosse à dent dans mon bureau, un déodorant et ce serait suffisant pour paraitre un minimum présentable aujourd’hui. Ce dont je ne m’étais pas rendu compte, c’est que la veste que j’avais décidé de mettre aujourd’hui avait été tâché la veille lors du Gala par un maladroit qui avait renversé son verre à notre table. Ce détail m’était sortie de la tête et maintenant, je me retrouvais avec cette tâche jaunâtre en plein sur la poitrine. Arrivée à l’association, deux minutes avant dix heures, je passais par la porte de service à l’arrière du bâtiment qui donnait à deux pas de mon bureau. Je me faufilais dans les toilettes après avoir choppé ma brosse à dent et voilà qu’une goutte de dentifrice tomba pile sur cette tâche d’hier. L’enfer ! J’allais reposer rapidement cette veste et la laisser loin de moi pour ne pas la remettre sur le dos avant ce soir. Melissa me croisant dans le couloir me rappela que j’avais un rendez-vous à 10h, soit trois minutes plus tôt et qu’il était arrivé depuis vingt bonnes minutes. Merde. Je me pointais vers lui, l’air de rien, tout allait bien. « Enchanté. Bonjour. Je suis Weddington… Enfin Keith. Et vous êtes la directrice, c’est bien cela ? » Je hochais la tête, affirmatif Monsieur Weddington. Alors que je lui tendais la main pour le saluer, je me rendis compte que je n’avais pas lâcher ma brosse à dent. Quelle idiote. Je la fais balader dans mon autre main et me voilà prête à enrôler mon statut de directrice, pas très crédible. « Merci de me recevoir si rapidement en tout cas… Vous devez être surchargée... » « Moins qu’hier et ces dernières semaines. Nous avons fêter les 10 ans de l’association hier soir. » est-ce que ça pouvait excuser mon geste ? « Alors, le stress en moins, la pression qui retombe, moins de projet pour le moment. « On a toujours un petit moment moins chargés après ce genre d’évènement, jusqu’au prochain… » et le prochain, c’était pas pour tout de suite, l’association allait pouvoir reprendre sa petite routine, sans pour autant chômer. « Vous voulez un café, quelques chose avant qu’on aille s’installer ? » je me posais, le regardant avec un peu d'insistance avec cet air de déjà vu. « On s'est déjà croisé? » J'en mettrai ma main à couper mais moi et mes souvenirs... |
| | | | (#)Ven 4 Sep 2020 - 11:25 | |
| Je n’avais pas vu le temps passer. J’étais incapable de dire depuis combien de temps j’étais ici, ni même depuis combien de temps le rendez-vous fixé devait avoir lieu de base. J’avais perdu toute notion de temps, plongé au fond de mes pensées. Et même lorsque j’aperçus la – jeune – directrice de l’association s’approcher de moi, j’en perdais le peu de latin qui me restait. Pourquoi étais-je si distrait ces derniers temps ? Je n’en avais aucune idée… J’étais même arrivé au point d’être impressionné par cette dernière, alors que cela ne me ressemblait point. « Ressaisis toi Keith, tu es ridicule… » pensais-je fortement en tendant la main à cette dernière. J’esquissais un léger sourire, levant le regard dans sa direction avant de suivre de ce dernier le mouvement de sa brosse à dent, passant d’une main à l’autre. Elle semblait sortir du lit et pourtant paraissait radieuse. Je n’allais tout de même pas le lui faire remarquer, mais je lui adressais un sourire compatissant. « Dix ans, c’est un évènement qu’on ne rate pas, surtout pour une directrice… » ironisais-je tout en relâchant sa main. « Vous avez ouvert les hostilités puis refermé la piste de danse non ? » demandais-je en riant légèrement avant d’acquiescer. « Je ne dirais pas non à un café, je dois l’avouer… J’ai peut être dormi plus que vous, mais je ne suis pas certain d’être autant réveillé… » dis-je en toute sincérité avant de croiser son regard qui se voulait un peu plus insistant.
Sa question me stoppa net dans mon élan. « Euh… » laissais-je s’échapper mon interrogation tandis que je tentais de faire appel à mes souvenirs. Je n’étais pas des plus physionomistes malheureusement pour moi. Et pourtant en y regardant de plus près, elle avait un petit quelque chose qui me donnait à moi aussi cette impression de déjà vue. « Vous avez toujours travaillé ici ? » lui demandais-je en commençant à tâter le terrain comme je pouvais. « Après je suis désolé par avance si vos souvenirs de notre rencontre remontent à une soirée trop arrosée où j’aurais pu refuser vos avances… » tentais-je une fois de plus sur le ton de l’ironie. Je devais lui avouer que je n’avais aucune idée de l’endroit où nous aurions pu nous croiser. « Madame Jacobs… » répétais-je en boucle, levant les yeux aux ciels pour réfléchir. J’avais une mémoire très sélective et surtout à deux de tensions qui revenait que lorsqu’elle l’avait décidé. « Je suis désolé… Mais je ne vois pas… » dis-je finalement en haussant les épaules, la suivant pour nous diriger vers les machines à café qui pourraient nous délivrer notre Saint-Graal. Je restais silencieux sur les quelques mètres qui nous séparaient de ces précieux, murer une fois de plus dans cette réflexion. Je détestais ne pas savoir… Et je me contenterais de poursuivre mes recherches mentales tant que je ne remettrais pas ce nom, ce visage et ces souvenirs. Je me stoppais net, devant elle sans prévenir, prenant le risque de venir me faire percuter par cette dernière, pivotant vers elle, un éclair d’illumination dans le regard. « Vous ne seriez quand même pas Noa Jacobs ? » demandais-je en laissant ma question en suspens. Car si tel était le cas, bien entendu que nous nous étions déjà croisés… Dans d’autres circonstances… « Car en effet, nos chemins auraient bien pu se croiser auparavant… Par exemple… Dans un poste ? » rajoutais-je, méfiant pour ne pas sous-entendre une chose qui pourrait la blesser si elle n’était pas la personne à qui je pensais… |
| | | | (#)Lun 28 Sep 2020 - 23:32 | |
| Est-ce que je pouvais vraiment utiliser l’excuse des dix ans de l’association pour arriver tant en retard et faire comme si c’était normal ? Je n’avais absolument plus aucune crédibilité ici concernant mes retards et la ponctualité et donc, chacun faisait un peu comme il voulait. Je ne pouvais reprendre personne sur cet aspect puisque moi-même, je n’étais pas un exemple à suivre. Heureusement que je pouvais compter sur Melissa par exemple pour être toujours très ponctuelle, voir même toujours un peu en avance – elle m’avait confié être angoissée à l’idée de ne pas arriver à l’heure quelques part et encore plus lorsqu’il s’agissait du travail, alors j’avoue que je culpabilisais un peu d’user de ses angoisses parce que ça m’arrangeait bien que quelqu’un soit là tôt pour ouvrir la boutique. Mais puisqu’on ne la changerait pas… Mon rendez-vous arrivés, je tentais de faire bonne figure, bien que ma brosse à dent me retirait moitié du crédit qu’il pouvait m’accorder. « Vous avez ouvert les hostilités puis refermé la piste de danse non ? » c’était si grillée ? Mais sa remarque avait au moins le mérite de me faire rire. Un peu gênée, mais amusée toutefois. « les obligations professionnelles… » je lui lançais un clin d’œil lorsqu’il me confirma qu’un café ne serait pas de trop pour lui. Visiblement, aussi matinale que moi. Je le conduis alors jusqu’à la machine pour nous servir notre boisson chaude qui allait nous maintenir éveillé pour les heures à venir – normalement. J’avais un gros défaut, du moins, il me manquait quelques chose : c’était de pouvoir reconnaitre les personnes que je croisais à plusieurs reprises dans ma vie. La chance pour que je reconnaisse quelqu’un, c’était de le voir au moins trois fois. Sauf quand bien sûre, la première rencontre avait été un choc ou particulièrement marquante. S’il y en a un que je n’avais jamais pu oublié, c’était l’inspecteur Zehri par exemple. Je pouvais aussi mettre Greg sur cette liste tant il m’avait marqué lors de notre rencontre. Deux salles, deux ambiances ceci dit, ca si les deux avaient provoqués des étincelles, c’était surement pas le même type d’étincelles. On pouvait comparer Greg à un coup de foudre mais concernant l’inspecteur, il s’agissait plutôt d’un coup de massue. Je devais aussi avouer que même Zehri avait un sacré charisme et il se pourrait que si nous ne nous étions pas rencontrés dans ces circonstances mais dans d’autres plus sympathique, il aurait fini par me marquer quand même. Concernant Keith, j’espérais qu’il allait pouvoir m’aiguiller sur mon présentiment. Pourtant, son hésitation me fit douter moi-même et j’étais prête à lui dire que j’avais surement encore rêvé et de ne pas chercher trop loin, nous ne nous étions sans doute jamais vu. Mais il cherchait quand même. « Vous avez toujours travaillé ici ? » « Depuis trois ans. » trois ans déjà avec une coupure de quelques mois… « Après je suis désolé par avance si vos souvenirs de notre rencontre remontent à une soirée trop arrosée où j’aurais pu refuser vos avances… » de nouveau, il avait le mérite de me faire rire et même de me faire rougir. « Non, je pense pas ! » parce que pour le coup, les petits cons qui refusent mes avances, ceux-là, je les oublies pas – enfin, pas quand je suis vraiment vexée. Il finit par avouer qu’il n’avait aucun souvenir de moi et c’est sans doute parce qu’il n’y avait rien à se rappeler. « Je dois encore être dans la lune ! » il avait peut être juste un air d’un acteur d’une de ces séries que j’avais regardé étant plus jeune et dont j’étais encore incapable de me souvenir du nom. Son café coulé, je saisi le gobelet pour lui donner et le mien arrivait juste après, on était donc opérationnel pour aller se mettre au travail. « Vous ne seriez quand même pas Noa Jacobs ? » ah ! Mes yeux se posèrent sur lui aussitôt, il sait qui je suis ! – bon, madame Jacobs, directrice de l’association Beauregard c’était pas non plus un secret, mais mon prénom semblait lui évoquer quelques chose et jusqu’à présent, personne ne m’avait encore interpeller dans les locaux pour qu’il ai pu l’entendre. « Oui ?! » alors, sait ? « Car en effet, nos chemins auraient bien pu se croiser auparavant… Par exemple… Dans un poste ? » et je me décomposais de savoir où j’avais bien pu le croiser. « Par exemple. » j’étais plus sèche, plus refermée d’un coup. « Y a pas de secret ici. » tout le monde, ou presque, savait que j’avais été inculpée à tord, puisque je travaillais ici au moment des faits et que si James Beauregard avait bien tenue sa langue, ce n’était pas le cas de tous dès lors que l’affaire avait été rendue publique. « Vous êtes policier ? » que j’interroge quand même, histoire de le remettre à son tour réellement à sa place. Je tentais de me déraidir, après tout c’était de l’histoire ancienne, bien derrière moi – même si ça impactait encore mon quotidien mine de rien – et Keith n’y pouvait rien lui non plus. Sauf s’il avait fait partie de cette équipe qui voulait me voir derrière les barreaux coute que coute pour classer une affaire qui les faisait clairement chier.
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| | | | (#)Jeu 8 Oct 2020 - 23:05 | |
| Généralement, les personnes en retard avaient le don de me mettre hors de moi. Je prenais ça pour un manque de professionnalisme, de conscience et de respect pour la personne qui attendait notre arrivée, que ce soit d’un point de vue personnel ou professionnel. Pourtant là, la jeune femme était arrivée avec un tel dynamisme, un naturel sympathique que je ne pouvais pas lui en vouloir. J’en riais même en apercevant sa brosse à dent dans sa main et je me détendais un peu plus, conscient que ce rendez-vous n’aurait rien à voir avec les autres entretiens que j’avais eu l’occasion de passer. Je me permettais même de la taquiner et elle riait à ma remarque. Oui, j’espérais marquer des points et je souriais à sa réponse. « Une directrice qui se respecte ne manque jamais à ses obligations n’est-ce pas ? » lui demandais-je de façon rhétorique en réponse à son clin d’œil. Une chose était sûre, c’est que la discussion se faisait simplement entre elle et moi. Et l’appel du café qu’elle venait de me proposer ne pouvait être refusé. Sur le trajet menant à ce qui pourrait s’apparenter à notre potion magique du jour, la jeune femme émis l’hypothèse que nos chemins aient déjà eu l’occasion de se croiser, me lançant ainsi dans une introspection compliquée des gens que j’avais pu croiser dans ma précédente carrière. Et il y en avait eu avec toutes les enquêtes que j’avais pu boucler en dix ans de poste au sein de la brigade criminelle. Pourtant cela faisait trois ans qu’elle travaillait ici, et plus elle me donnait des informations, moins j’arrivais à faire le rapprochement contrairement à cette intuition qui se faisait de plus en plus forte. A en croire la réponse qui me semblait tout droit sortie du fond du cœur, je ne l’avais pas croisé en cours de soirée. « Pourtant, vous êtes le type de femme que j’aurais pu aborder plus jeune… » admettais-je sans aucune gêne. J’avais toujours été transparent et je n’allais pas par quatre chemins quand je pensais quelque chose. Mais c’était surtout aussi pour la faire sourire un peu plus, le temps que nos boissons coulent. Parce qu’en vérité, je tentais de gagner du temps pour chercher encore et toujours le nom à mettre sur ce visage.
Ce ne fût qu’en croisant de nouveau son regard que les idées me revenaient. Et je compris tout de suite que j’avais tapé dans le mille en l’apercevant se refermer sur elle-même, elle qui avait été d’un naturel avenant dès le départ. Elle se mettait sur la défensive, et je m’en voulais presque de créer le suspens. Je la remerciais d’un signe de tête en récupérant mon café, haussant les épaules lorsqu’elle sous-entendait qu’elle souhaitait plus de transparence de ma part. Je riais même lorsqu’elle me demanda si j’étais un policier. « Je l’étais » rectifiais-je sans me montrer froid mais en insistant sur le fait que tout cela n’était qu’une histoire ancienne. Je ne voulais pas faire l’écho de son attitude, désirant surtout la mettre à l’aise. « Brigade criminelle pendant de longues années… Alors votre nom m’est familier en effet… Comme toute personne qui se tient au courant des nouvelles de notre ville. » admettais-je dans un sourire désolé. « Et avant que vous ne me mettiez dehors en pensant que votre dossier ait pu passer entre mes mains… Je n’étais pas sûr votre enquête Noa. » lui dis-je comme pour la rassurer. « Vous me permettez de vous appeler par votre prénom ? » rajoutais-je, conscient d’être peut-être trop familier. « De toute façon, la justice a fait son travail n’est-ce pas ? » demandais-je en portant mon café à mes lèvres. J’espérais simplement qu’elle ne me tiendrait pas rigueur de ma carrière passée. Peut-être la première fois que je souhaitais l’oublier. |
| | | | (#)Sam 21 Nov 2020 - 19:54 | |
| « Une directrice qui se respecte ne manque jamais à ses obligations n’est-ce pas ? »sa remarque ne manquait pas de me faire sourire à nouveau, au moins, il ne me tenait pas rigueur de mon retard. J’avoue qu’avec un sourire et quelques petites vannes, ca passait toujours mieux. Autant jouer l’authenticité plutôt que de faire des courbettes qui n’étaient pas sincères. Certains me prenaient pour une vraie amatrice dans le milieu, ils n’avaient sans doute pas tord dans un sens, mais de leur point de vue, c’était surtout péjoratif et se demandaient ce qu’une femme comme moi pouvait faire à la tête d’une association comme celle-ci. Que ça les rassure, je me posais les mêmes questions mais pour autant, je n’avais pas l’impression d’être si désastreuse dans mon rôle. L’association se portait bien et même si je pouvais remercier James d’être toujours à l’écoule et un vrai bras droit, je pouvais quand même me féliciter de ne pas avoir fait couler la boite depuis que j’étais à ses rênes. Devant la machine à café, je balayais les conversation conventionnelles et trop professionnelles, ce qui avait don de m’ennuyer à mourir, je préférais être plus intime et de nouveau : toujours l’authenticité. Et quand quelques choses me chagrinaient, je ne me retenais pas d’en parler. Là, cette sensation de déjà vu, il fallait bien que je mène moi-même l’enquête et rien de mieux que de mettre les pieds dedans. Lui s’excusait déjà presque de m’avoir mis un râteau, les années passées alors que je ne pensais pas que ce soit le cas. Ça me faisait sourire et je le rassurais sur ce point. Non, il ne m’avait pas ghosté ou évité pour une raison ou une autre, sur ce point, j’avais la rancune tenace et j’avais tendance à ne jamais oublié. « Pourtant, vous êtes le type de femme que j’aurais pu aborder plus jeune… » plus jeune, il allait finir par me vexer. « On dirait que ça ne pourrait plus être d’actualité ! » loin de moi l’idée de vouloir faire un tour de charme, nous n’étions pas là, je m’amusais seulement à rebondir sur sa remarque. Le café prêt, je lui tendis son gobelet, lui faisant signe que c’était très chaud et je faisais attention à lui laisser de la place du le bord du verre pour y glisser ses doigts. De mon côté, je choisissais toujours un thé, n’ayant toujours pas su me faire à l’amertume du café de si bon matin. « Je l’étais » donc, on approchait rapidement du fin mot de l’histoire. « Brigade criminelle pendant de longues années… Alors votre nom m’est familier en effet… Comme toute personne qui se tient au courant des nouvelles de notre ville. » j’osais espérer que mon nom n’avait pas été retenu par toutes les têtes de cette ville, pitié, qu’on m’oublie ! Je n’avais pas à me plaindre d’ailleurs, franchement rare étaient les personnes qui se souvenaient de ce fait divers. « Et avant que vous ne me mettiez dehors en pensant que votre dossier ait pu passer entre mes mains… Je n’étais pas sûr votre enquête Noa. » je savais bien qui était sur mon dossier et si je n’avais pas prévu de les éliminer tous pour le mal qui avait été fait, je n’oubliais cependant pas ce qu’il s’était passé. J’avais encore du mal à pardonner à ce propos. « Vous me permettez de vous appeler par votre prénom ? » la majorité des personnes qui fréquentent cette association m’appelle par mon prénom, salariés, bénévoles ou même les patients, je n’allais pas faire exception pour lui. « Pas de soucis. » je prenais enfin mon thé et le gardais entre mes doigts le temps qu’il refroidisse un peu. « De toute façon, la justice a fait son travail n’est-ce pas ? » Le mal était fait cependant. [color=#996699« Fervant defensseur de la justice. » [/color]que je lance, avec ce petit goût amer entre les dents quand même. « Oui, heureusement, si non, je ne serai pas ici aujourd’hui. » qui sait combien de temps j’aurai pu passer derrière les barreaux si le vrai coupable de cette affaire n’avait pas été trouvé ? Si l’inspecteur Zehri n’avait finalement pas décidé de mettre son nez là où on lui avait demandé de ne plus aller voir. « Ne vous en faites pas, j’accepte les policier, ex policiers et même les juges au sein de mon association, pas de discrimination. » que je lance histoire de montrer que j’avais bien compris qu’il était inutile d’en vouloir à la terre entière pour ça. « Si vous voulez tout savoir, je partage ma vie avec un lieutenant de police, alors… » moi-même j’en restais toujours un peu étonnée. « On y va pour cet entretien ? » dis-je tout en l’invitant à me suivre vers mon bureau qui n’était qu’à quelques pas de là. « On fera le tour du propriétaire après, si vous voulez bien. » Devant mon bureau, je m’assurais que personne ne s’y trouvais, puisque je le partageais à la fois avec Hannah et mon assistante, voulant arrêter avec ces protocoles du directeur isolé dans son propre bureau. Je n’étais pas là pour avancer seule et être dans le bureau avec Hannah et mon assistante me permettait de toujours me sentir soutenue. « Installez vous. » pas de bureau individuel ici, nous étions sur un grand plan de travail central et chacun s’installait où il voulait. Bien plus convivial. « Ca fait combien de temps que vous pensez au bénévolat ? » une envie d’un soir ou un projet bien construit ?
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| | | | (#)Lun 11 Jan 2021 - 21:47 | |
| Elle me paraissait jeune pour être directrice. Ou alors c’est que j’étais emprunt à toutes questions stéréotypées du genre pour me permettre de penser de la sorte. Pourtant, elle en avait l’allure. Du moins le charisme, et son retard passait pour ainsi dire inaperçu finalement. Et chose que je ne pouvais lui enlever, c’était son sourire à toute épreuve. Du moins c’est ce que je pensais de prime abord. Mais après tout, si une personne lui laissait les rênes d’une telle association, c’est qu’elle avait dû faire ses preuves. Puis ce qui semblait indéniable, c’est qu’elle pouvait faire preuve d’une totale transparence, qualité primordiale pour une directrice il en allait de soi. Et c’est dans cet état d’esprit qu’elle m’apprit qu’elle avait cette sensation de déjà vu que je partageais sans aucun doute. Pourtant j’avais beau fouiller dans le moindre recoin de mes souvenirs, j’étais incapable pour l’instant de remettre une histoire, une rencontre sur ce visage et ce nom. Alors je jouais la carte du sarcasme, une touche d’humour qui semblait trouver preneuse en sa personne à la vue de sa remarque qui ne manquait pas de fuser, m’arrachant au passage un léger rire, avant de secouer la tête légèrement. « Ce ne sont que vos propos, vous en tirez bien les conclusions que vous désirez vous savez » laissais-je en suspens ma phrase avant de reprendre. « Mais je doute que vous ne soyez pas habituée aux compliments qu’on pourrait vous faire » lui fis-je remarquer en la remerciant pour la boisson qu’elle me tendait avant de repartir sur la discussion initiale. Et l’éclaircissement fût rapide une fois les quelques paroles lâchées. Tout devenait plus clair tout comme le fait que la jeune femme s’était raidie au fur et à mesure que j’éclaircissais les dernières zones d’ombre qu’elle pouvait avoir. Et même si elle venait d’accepter que j’use de son prénom pour lui parler, j’avais ressenti la distance qu’elle venait de prendre étant donné que la conversation prenait une direction totalement opposée à celle du début. Je secouais la tête à sa question qui était purement rhétorique et qui semblait empreinte d’une amertume qu’elle ne cachait pas ou mal. « Je suis défenseur du droit de tout un chacun. Mettre un innocent en prison m’offusque autant que de ne pas mettre la main sur des criminels notoires. Alors si je dois être fervent de quelque chose, je dirais du travail bien fait. » conclus-je sans équivoque. La où elle avait raison, c’est que si justice n’avait pas été faite, elle ne serait actuellement pas debout face à moi, mais toujours bel et bien derrière des barreaux à ne pas voir les rayons de soleil se lever. Et j’étais presque soulagé de voir qu’elle n’en tenait pas pour autant rigueur aux forces de l’ordre ou aux métiers annexes malgré cette erreur qui aurait pu coûter plus cher. « Vous acceptez les professeurs aussi ? » demandais-je pour faire suite à sa remarque et tenter de détendre l’atmosphère alors que j’acquiesçais à sa demande, la suivant sans me faire prier. « Je vous suis. » lui dis-je ne refusant pas de m’installer pour discuter un peu plus en détail de cette proposition de bénévolat. Je m’installais donc en suivant ses propositions, m’installant face à elle le long de cette grande table centrale. Je posais ma boisson chaude, retirant ma veste avant de l’installer sur le dossier de la chaise à côté, souriant à la jeune femme. « J’y ai toujours plus ou moins pensé mais mon emploi du temps en tant que lieutenant de police ne me le permettait pas forcément… Enfin vous voyez de quoi je veux parler je suppose. » lui fis-je la remarque dans un léger sourire avant de poursuivre. « Il est vrai que depuis peu, j’ai ce besoin de partager mes expériences, mes connaissances et d’accorder mon temps libre à une bonne cause. » admettais-je sans état d’âme. « C’est peut-être ce besoin de me sentir utile qui m’anime, après c’est à vous de voir si cela peut être suffisant pour prétendre faire parti de votre équipe de bénévoles » conclus-je calmement, profitant de la fin de ma phrase pour prendre une gorgée de ma boisson chaude. « Après tout dépend de ce dont vous avez besoin également dans vos équipes, et quel profil vous recherchez » rajoutais-je afin de chercher à connaître la position de l’association à ce sujet. « Je peux vous faire parvenir mon casier vierge si vous le souhaitez également » tentais-je sur une touche d’humour avant de me rendre compte que cette dernière pouvait être mal perçue. Je n’avais plus qu’à espérer que Noa fasse preuve d’humour et ne me jette pas son thé à la figure. Je déglutissais avant de tenter de changer de terrain, l’interrogeant un peu moins sereinement. « Vous vous occupez de chaque entretien ou il vous arrive de déléguer et dans ce cas-là, je me sentirais privilégié de pouvoir discuter avec vous ? » lui demandais-je. Rattrapage un peu foireux, mais je préférais dissiper toute animosité ambiante que j’aurais pu créer par maladresse. Après tout, ce n’était pas le but. - Spoiler:
Désolé @Noa Jacobs pour le délai de réponse
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| | | | (#)Mar 16 Mar 2021 - 22:43 | |
| Est-ce que j’étais vraiment obligée de préciser que j’étais à présent en couple avec un lieutenant ? Comme si, ça m’avait réconcilié avec la justice et la police ? Non, j’avais toujours en moi une colère, au fond, qui s’amenuisait sans doute à mesure que le temps passait, mais je resterai sans doute toujours engagée dès lors que je m’apercevrai d’une injustice, bien plus qu’auparavant. Pour avoir été victime et en avoir réellement souffert – pour avoir aujourd’hui encore des séquelles de ces semaines d’enfermement – sur ma psychologie, sur mon quotidien, bien sûre que je serai aussi fervente défenseuse de la justice. Peut être pas la même. Enfin, j’avais appris ne plus faire d’amalgame entre ceux qui représentent la justice dans leur fonction et mon histoire qui m’était propre. C’était ridicule et ne faisait pas avancer le débat. « Je suis défenseur du droit de tout un chacun. Mettre un innocent en prison m’offusque autant que de ne pas mettre la main sur des criminels notoires. Alors si je dois être fervent de quelque chose, je dirais du travail bien fait. » Il avait du répondant et j’avouais que cette répartie me plaisant et au final, je devais conclure que nous suivions la même logique. Mais nous n’étions pas là aujourd’hui pour revenir sur un passé qui m’était encore difficile à aborder, mon ton en faisait résonnance et ce n’était pas l’endroit pour en discuter. Dans mon bureau, nous pouvions nous concentrer sur la raison de sa venue : le bénévolat. Je n’étais jamais contre quelqu’un qui proposait de son temps et de son énergie pour notre association. Enfin, jamais contre. Il m’est déjà arrivé de devoir refuser une personne qui voulait faire du bénévolat ici car il voulait avant tout se rapprocher d’une jeune femme dont il était amoureux. Il n’avait pas caché ses motivations, mais il était hors de question pour moi d’être une entremetteuse. Même si les bénévoles n’étaient pas professionnels, je n’en attendais pas moins de leur part qu’un peu de discernement et d’une prise de recule nécessaire pour être au côté de personnes souffrantes du cancer. La distance est de mise, rien n’empêche d’avoir quelques affinités et de la complicité mais pas question de couple et de sentiment amoureux. « Professeur de ? » c’était aussi intéressant de le savoir à présent dans un domaine où la pédagogie était de mise, les relations humaines importantes aussi. De bons points pour un futur bénévole. Ce qui m’intéressait avant tout, c’était bien ses motivations. « J’y ai toujours plus ou moins pensé mais mon emploi du temps en tant que lieutenant de police ne me le permettait pas forcément… Enfin vous voyez de quoi je veux parler je suppose. » on n’peut mieux. Greg a ses périodes, ses journées très prises et parfois même ses soirées- souvent d’ailleurs. Je le laisse poursuivre ensuite, m’expliquant qu’il ressentait ce besoin de se donner à une bonne cause. « Après tout dépend de ce dont vous avez besoin également dans vos équipes, et quel profil vous recherchez. Je peux vous faire parvenir mon casier vierge si vous le souhaitez également » Même si j’avais perçu la pointe d’humour dans sa voix, c’est avec un ton un peu plus serieux que j’allais répondre à Keith. « Je n’ai pas le droit de demander votre casier vierge. Parce que vous n’êtes pas professionnelles et vous n’aurez pas non plus accès aux données sensibles des patients qui viennent ici. » et que j’ai tendance à vouloir faire confiance aux personnes qui rejoignent nos rangs aussi. « Vous vous occupez de chaque entretien ou il vous arrive de déléguer et dans ce cas-là, je me sentirais privilégié de pouvoir discuter avec vous ? » « Normalement, Sonia s’occupe de gérer les équipes de bénévoles et toutes les actions qui gravitent autour, mais elle est absente depuis deux semaines, je prends le relai. Alors, privilège ou non, bonne question. » il n’en reste pas moins flatteur. « J’ai juste une question quand même : pourquoi l’association Beauregard et pas les maraudes ou le refuge animalier du coin, pas exemple ? » pourquoi les personnes atteintes d’un cancer ?
c'est moi qui suis désolée maintenant |
| | | | (#)Dim 21 Mar 2021 - 17:16 | |
| Il y avait bien mieux comme entrée en matière pour se présenter, faire connaissance et convaincre une quelconque directrice que je serais un bénévole parfait pour l’association qu’elle dirige. Mais mise à part mon stress, mon interrogation au sujet de cet air déjà vu, j’avais foncé tête baissée, les deux pieds en avant dans un monologue sur le principe de justice que je défendais pendant un temps et que je tentais de transmettre dans mes cours également. Et même si cela pouvait ressembler à une tentative de rattrapage de mes propos tenus auparavant, mon regard lui ne transpirait rien d’autre qu’une sincérité et une loyauté que je devais encore à l’institution que représentait la police. Et j’étais certains qu’elle comme moi, avions une affection toute particulière à ce trait de personnalité. Pourtant bien rapidement elle me rappelait le but premier de ma venue ici, comme si le sujet de la discussion devait être recentré. Je m’excusais d’un signe de tête, conscient que j’étais peut-être parfois trop bavard quand je le voulais. Bien trop quand j’évoquais l’amour que je portais à mon ancienne profession tout en faisant allusion à ma reconversion. Sujet qui semblait attiser la curiosité de Noa, me stoppant nettement sur sa question, un sourcil légèrement haussé. « Professeur à l’université en sciences et psychologies criminelles. Une reconversion pas si évidente malgré ce que l’on pourrait penser. Je ne suis pas beaucoup plus âgé que la majorité de mes étudiants, et je ne connaissais rien à l’enseignement. Mais les choses se mettent en place petit à petit. La seule chose pour laquelle j’ai encore du mal, c’est ce temps libre qui s’est imposé à moi… Et il faut bien que je le comble d’une quelconque manière. » lui expliquais-je comme si cela justifiait un peu plus ma motivation à être ici. Et comme à mon habitude, je tentais de nouveau de noyer le malaise sous une boutade qui ne prit pas. Bien entendu que je ne m’attendais pas à ce que mon casier judiciaire soit demandé mais le sérieux qui résonnait de la voix de la jeune femme me ramenait rapidement à la réalité : j’étais en train de passer un entretien quoi qu’elle ne puisse me dire pour me détendre, elle avait la décision entre ses mains. Alors certes, je ne jouais pas ma vie, je trouvais même le moment plutôt agréable malgré le début un peu hasardeux, mais leur café rattrapait tout. Et c’est en portant le gobelet à mes lèvres, le regard braqué sur la jeune femme que je lui offrais un léger rictus en coin. « Cela tombe bien, je ne viens pas pour les données sensibles. » ripostais-je calmement en déposant mon gobelet, repliant mes mains sur mon genou plié. « Alors, dirons-nous que je me sens privilégié que vous m’accordiez de votre temps. Même si j’espère qu’un jour j’aurais l’occasion de rencontrer cette dénommée Sonia. » repris-je dans un clin d’œil, souhaitant lui faire comprendre que dans ce cas-ci, ma candidature aurait été retenue. Je fis mine de réfléchir une fraction de seconde à sa question que j’avais pourtant bien préparé auparavant. Mais je devais avouer que tout ce que j’avais pu imaginer comme réponse à cette interrogation était parti en fumée quand j’avais croisé le regard de Noa. Parce que j’avais été capable de faire capoter une partie de la discussion. Et que je me retrouvais surtout à penser à ne pas bafouiller à chacune de mes interventions. Alors je m’étais contenté d’hausser les épaules dans un premier temps, me mordant l’intérieur de la joue pour ne pas répondre sur un coup de tête. « Je me rendais pendant longtemps après mon accident au refuge à Redcliffe si vous connaissez. Puis j’ai adopté Ruby, un jeune berger australien. Elle a grandi en même temps que je me suis reconstruis. Alors pour le refuge, j’y ai pensé oui, puis j’ai pensé à elle aussi et je me suis dit que cela pourrait peut-être la perturber de sentir d’autres odeurs de ses congénères à mon retour » lui expliquais-je calmement avant de reprendre. « Pour les maraudes, de part mon expérience, je me souviens que trop bien de la misère des rues de Brisbane, et malheureusement j’ai peur que de me remettre dans ces mêmes rues me ramène fatalement à mon passé et ce que je ne suis plus… Je n'ai pas envie que durant une maraude je me retrouve face à un corps inanimé derrière un arbrisseau... » lui expliquais-je avec sincérité, ma voix tremblait légèrement. « Alors pourquoi l’association Beauregard ? Je dirais dans un premier temps que je dois faire parti de ces gens qui ne comprennent pas pourquoi avec toute la technologie et l’avancée scientifique que nous avons connu ces dernières années, nous devons toujours lutter contre ce poison. Et même si je n’y ai pas été confronté directement, je sais que le soutien extérieur peut-être bien plus important que nous pouvons en réalité l’imaginer. Puis j’habite dans le quartier. C’est aussi le plus pratique pour moi je l’admets. » conclus-je dans un soupir, finissant ma boisson d’une traite tandis que je l’interrogeais à mon tour du regard, curieux. « Et vous, vous y êtes arrivée comment ici ? » Je lui offrais un léger sourire, comme pour lui montrer que sa réponse ne serait pas destinée à être retournée contre elle. « J’ai été convaincant j’espère ! » riais-je un peu plus, me frottant l’arrière de la tête tout en me renfonçant au fond de mon siège, comme si j’étais bien plus à l’aise maintenant que cette question était passée. @Noa Jacobs |
| | | | (#)Ven 26 Mar 2021 - 16:38 | |
| J’écoute attentivement son nouveau projet de carrière. Professeur après avoir suffisamment tiré sur le terrain, c’est pas mal aussi. Et je sais à quel point les carrières dans la police peuvent être éprouvantes, si certains arrivent à y rester jusqu’à une retraite bien méritée, je comprends qu’au bout d’un moment, on ait envie d’autres choses. De quelques chose de plus léger que d’être confronté chaque jour à la délinquance, aux crimes les plus atroces. Transmettre ses savoir font aussi partie du travail et envisager une fin de carrière en tant que formateur et pédagogue, c’est honorable également. Il fallait bien des personnes qui savent de quoi elles parlent pour former les futurs professionnels. J’envisageais moi-même ce type de travail pour les années à venir. Pas tout de suite, fraichement à la tête de l’association, j’y avais encore tant à apprendre et tant à prouver, mais dans un avenir à court ou long terme, vraiment, ça me faisait de l’œil. Pour l’instant, je ne m’y sentais pas légitime. J’avais encore un bout de chemin à faire et même si je me plaignais de mon manque de temps aussi et de tout l’investissement, des plumes que j’y laissais, oui, j’appréciais mon travail. Je peux comprendre qu’après des années à être investis plus que de raison dans son travail, avec des heures à rallonge et finalement, peu de temps libre, lorsqu’on a un emploi du temps plus strict avec des disponibilités plus larges, on se retrouve un peu désarçonné. Keith avait besoin de combler son temps libre et le bénévolat lui semblait être une bonne chose : je ne pouvais le contredire. Nous avions, toujours besoin de bénévole. J’aimerai pouvoir dire que nos salariés suffisent mais ce n’est pas le cas et malheureusement, les budgets ne sont pas extensibles non plus…
Il prend ses aises, je dirai pas qu’il fait comme chez lui, mais il a l’air assez confiant. Je ne saurai pas dire si c’est parce qu’on s’est déjà croisé, qu’il connait sans doute l’un de mes plus gros talons d’Achil ou si c’est parce que de nature, je mets les gens à l’aise et qu’ils ont tendance à se laisser prendre au jeu. En soit, ça me dérange pas. Tant que le respect est toujours présent et qu’on me prend quand même au sérieux… il s’agirait pas de me décrédibiliser non plus, c’est pourquoi j’en reviens toujours au cadre. Les blagues ok, mais le cadre, c’est aussi important, rappeler la raison de cet entretien : du bénévolat. Et non un entretien d’embauche. « Alors, dirons-nous que je me sens privilégié que vous m’accordiez de votre temps. Même si j’espère qu’un jour j’aurais l’occasion de rencontrer cette dénommée Sonia. » Il est charmeur, Keith, sans y voir forcément d’arrières pensées, ça à l’air naturel chez lui. D’où sans doute, ce sentiment de confiance en lui qu’il dégage. Sincèrement, à moins qu’il ne soit un psychopathe et que je sente la douille venir, il n’y a aucune raison pour que je lui refuse cette place au sein de l’association. Comme déjà dit, on a toujours besoin de bénévole et je ne refuserai jamais à personne de vouloir donner de son temps libre. Ensuite, par contre, si ses agissements au sein de l’association sont problématiques, une rupture de la charte qui nous liera sera inévitable, mais en attendant, pour moi, c’était presque déjà dans la poche et sans doute pour lui aussi. Mais je souhaitais tout de même savoir pour l’association Beauregard et pas autre chose. Son explication vis-à-vis de sa chienne m’avait perdu, je ne voyais pas trop de rapport mais finalement, la chute était compréhensible. Ne pas vouloir semer la zizanie à son retour chez lui après chaque passage au refuse s’entendait. Et concernant les maraudes, là, je ne pouvais que comprendre aussi. C’était bien légitime de ne pas avoir envie d’être confronté à toute la misère de la rue et surtout, de ne pas se voir renvoyer tout ce qu’il faisait dans son travail. Effectivement, personne ne voulait croiser des sans domiciles fixes morts derrières un grillage, mort de faim, d’une overdose ou victime d’un crime urbain… Je lui étais reconnaissante de cette franchise d’ailleurs. Ses motivations pour l’association Beauregard étaient fondées et au moins, il savait où il mettait les pieds, j’avais bien saisi que ce projet était réfléchi et pas seulement le fruit d’une volonté passagère de se rendre utile, pour redorer son image. « Et vous, vous y êtes arrivée comment ici ? » la fuite ? Sachant que j’étais partie de mon ancien travail car l’enquête qui m’était tombée dessus y était directement liée, je n’avais plus envie d’y être confrontée non plus. J’avais eu cette altercation avec le jeune décédé pendant mes heures de travail et finalement, j’étais épuisée d’être aussi au contact des jeunes en détresse chaque jour. « De nouvelles ambitions professionnelles. J’ai commencé sur le poste de Sonia, d’ailleurs. » donc, les relations avec les bénévoles, je connais bien, les projets sociaux, les activités collectives, je connais pas mal aussi. Ces entretiens, comme celui-ci, je les faisais avant d’être au poste de direction aussi. « et, j’habitais le quartier aussi, pratique. » je rebondis par rapport à ce qu’il m’avait dit aussi. Bon, maintenant que j’habitais avec Greg, c’était plus aussi pratique, un peu plus loin, mais c’était pas trop dérangeant encore. « J’ai été convaincant j’espère ! » je laisse planer un faux suspens avec mon air qui réfléchit, j’en fais des tonnes, mon stylo au bout des lèvres, oui laissez moi jouer à la directrice qui se pose encore des questions. « Repassez la semaine prochaine pour signer la charte de bénévolat. Appelez avant pour être sure que je sois disponible, je vais demander qu’on vous donne toute la documentation à savoir sur l’association, les activités proposés, vous nous donnerez vos disponibilités aussi. Vous êtes pas obligé d’avoir des activités fixes, vous pouvez vous greffer sur certains projets. En gros, soit vous vous positionnez sur un planning précis, soit vous intervenez quand vous le pouvez en renfort. » tout ceci sera bien plus précis dans les documents que la secrétaire lui confiera avant de partir. « Bienvenue dans l’équipe ! » que je lance avec mon plus beau sourire. |
| | | | (#)Mer 31 Mar 2021 - 12:28 | |
| Si l’on m’avait demandé la façon dont j’aurais voulu que ma matinée se passe à cet instant, j’aurais longuement hésité sur les prémices de cet entretien. Mal débuté, une épée de Damoclès au-dessus de ma tête et hésitant sur chaque mot prononcé tant le fait d’être au courant du passé de Noa pouvait être un frein à cette entrée dans l’association. Alors j’avais tenté de rattraper la chose, me livrant comme je ne l’avais probablement jamais fait dans un cadre quasi professionnel, dans le simple but de lui faire comprendre que j’acceptais parfaitement les aléas que ma vie avait mis sur mon trajet. Mais je ne souhaitais pas mettre cette discussion en sens unique même si fatalement, il s’agissait du but de ce style d’entretien. Retrouvant un peu de mon aplomb, je ne manquais pas de m’installer sur mon fauteuil, retournant subtilement l’attention sur la jeune directrice, le tout vêtu d’un large sourire qui n’était voué qu’à l’encourager à se livrer sans ne rien craindre. Et alors qu’elle commençait à m’expliquer son parcours au sein de l’association, j’hochais de temps à autre la tête, buvant chacune de ses paroles pour être sûr de ne rien rater. On ne sait jamais, au cas où une interrogation surprise soit nécessaire à la fin de notre entretien pour vérifier ma capacité d’assimilation. Je m’arrêtais un court instant en notant qu’elle était elle-même du quartier, surpris de ne pas l’avoir croisé auparavant. Après tout, la ville était grande mais j’avais arpenté le quartier depuis maintenant des années, et j’avais encore l’espoir qu’un jour, je connaîtrais chacun de mes voisins. Je lui offrais mon plus large sourire commercial en la voyant hésiter, sentant la comédie à plein nez. C’était peut-être parce que j’avais l’habitude de ce genre de comédie depuis que je fréquentais Hayden, que je réussissais à ne pas tomber dans le panneau de cette hésitation faussement jouée. Je me rapprochais doucement d’elle, croisant mes bras sur le bord de son bureau avant que l’instant de libération ne parvienne. Elle m’acceptait parmi eux, et mon sourire ne fit que s’étendre un peu plus au fur et à mesure de ses explications. Je finissais par me lever, lui tendant la main pour venir sceller cet accord, ne cachant pas mon air enjoué. « Vous avez fait le bon choix » lui dis-je dans un clin d’œil avant de relâcher sa main. « Je vous dis donc à très vite, Noa… Et sans brosse à dent cette fois-ci ! » ironisais-je en m’apprêtant à quitter son bureau. Je pouvais donc être satisfait, j’étais un nouveau bénévole de l’association Beauregard et le sentiment d’enfin pouvoir servir à quelque chose était bien présent. FIN @Noa Jacobs |
| | | | | | | | Comme un air de déjà vu - Noa - |
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