« Ce n’est pas de la pizza, mais de l’eau froide aide parfois à faire bouger le bébé, si tu veux boire ça, je vais réessayer d’avoir une vue plus claire, d’accord? »
« Si les tests sont finis, est-ce qu’elle peut rentrer? Il s’est déjà passé beaucoup de choses aujourd’hui. »
« J’attends encore quelques résultats du labo et on pourra voir ensuite si c’est possible pour Ginny de rentrer aujourd’hui ou non. »

Le verre d'eau que je porte à mes lèvres suffit à ce que je prenne une longue inspiration, nécessaire à ce que tout se passe bien. Un seul coup d'oeil avec Auden a suffi à calmer mon coeur qui bat un peu trop mal et un peu trop vite. Ma silhouette se replace à travers les couvertures, coussins et autres plaids, je reste bien évidemment attentive à tout ce qu'on pourra dire à mon sujet même si je suis dans la même pièce qu'eux. D'ordinaire, je détesterais qu'on parle pour moi, mais pour l'heure j'ai si peu de forces que peu importe ce qui se passera mieux je serai si la personne en qui j'ai le plus confiance se charge de tout gérer. Sage ne semble pas prête à abandonner, sachant à quel point autant Aude que moi attendons patiemment le moindre petit détail pouvant nous permettre de nous raccrocher à quelque chose, n'importe quoi. Les derniers jours ont été difficiles pour dire le moindrement. Et ce serait mentir d'affirmer que qui que ce soit dans cette pièce n'espère pas se retrouver face à une bonne nouvelle, même la plus minime qui soit.

« C’est bien ce que je pensais, c’est une fille. » elle affirme finalement, un grand sourire ornant son visage. Visage qu'elle détourne dans la seconde vers moi, quand mes prunelles, elles, se sont depuis longtemps rivées à celles d'Auden. « Ton frère avait raison. Dès qu'il sait, on va en entendre parler pendant mille ans. » et j'éclate de rire, un vrai rire, un qui fait du bien. Un rire qui soulage toutes les tensions dans mon visage, mon corps, mes épaules. Fille ou garçon de toute façon, tout ira bien.

Les tests ne sont pas terminés, non, et je n’ai jamais été aussi heureux qu’une telle chose arrive, pas alors qu’elle semble enfin pouvoir déterminer le sexe de notre enfant. La fatigue se lit sur les traits de ma femme qui ne laisse pourtant jamais rien paraître, elle qui est docile pour deux et écoute et obéit à chacun des ordres du médecin. Je ne m’oppose pas à ces derniers, pas cette fois, parce qu’ils sont indolores et qu’ils sont pour leur bien. A tous les deux. Toutes les deux. « C’est bien ce que je pensais, c’est une fille. » Nos deux sourires naissent à l’unisson ; ils auraient été le même si elle nous avait annoncé que c’était un garçon ou même un lézard, honnêtement. On a enfin une réponse et on est aussi soulagés qu’heureux, les parents qui l’ont déjà été mais pour qui cette nouvelle grossesse a tout, absolument tout de différent.

J’ouvre la bouche pour râler sur une bêtise ou une autre mais elle a l’esprit plus vivace - c’est parce qu’ils ont dû mettre quelque chose dans son verre d’eau, ça, j’en suis certain. « Ton frère avait raison. Dès qu'il sait, on va en entendre parler pendant mille ans. » Son rire me fait du bien et même il me soulage à mon tour puisque je sais que lui au moins n’a pas été commandé à l’avance et qu’il est une preuve de plus que tout recommence à enfin rentrer dans l’ordre. L’enfant va bien, notre fille va bien et mon sourire est aussi immense que l’est mon soulagement face à une telle nouvelle. Mes lèvres se posent sur les siennes, plus glacées que jamais, et si quelqu’un me demande la raison d’un tel geste spontané ce n’est que pour la faire taire, bien sûr, puisque c’est le pire moment au monde pour parler de mon frère. Pourtant je reste souriant et je le pense, rien ne pouvant venir entacher ce moment. “On va ne surtout rien lui dire et prier pour qu’il découvre la vérité quand elle aura au moins vingt ans.” Le plan machiavélique de merde est en marche et moi j’aime déjà cet enfant presque autant que je l’ai toujours aimé elle. Jamais on aurait cru en arriver là un jour, pas même dans les rêves les plus optimistes et pour rien au monde je ne voudrais changer quoi que ce soit, même si nous savons tous les deux qu’il nous reste encore beaucoup d’obstacles à franchir.

“Merci.” La mâchoire serrée mais l’oeil vif, j’articule difficilement ce simple mot en direction de Sage. Ils sont bien peu à l’avoir entendu de ma bouche mais à cet instant précis, je ressens le besoin de la remercier de continuer à veiller au bien être tant de ma femme que de mon enfant, ce qui me semblent être les deux choses les plus importantes en ce monde.