| Like a wrecking ball - Saül |
| | (#)Ven 31 Juil 2020 - 3:10 | |
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Like a wrecking ball Le jour se lève, Ana est en train de somnoler, dos contre le mur de la cellule de dégrisement et jambes étendues sur le banc, seule commodité de sa prison exiguë d’une nuit. Une porte claque et elle se réveille en sursaut. Elle tourne la tête avec l’air furieux pour toiser le responsable : un jeune policier venant prendre la relève de l’équipe de nuit qui avait surveillé ses miches jusque là depuis son arrivée. Il la détaille à son tour de la tête aux pieds et s’attarde un peu trop longtemps sur ses jambes nues. Ana porte sa tenue des grands soirs, Doc Martens, bas résilles, mini-jupe à imprimé militaire, débardeur vert fluo et veste cargo élimée : la panoplie parfaite de la teufeuse. Le regard du policier ne lui a pas échappé, elle se redresse et l’interpelle avec agressivité : « Hé ! Tu veux que j’t’aide, ducon ? C’est ma p’tite culotte qu’tu veux voir, c’est ça ? » Alliant le geste à la parole, elle fait claquer sa main sur sa cuisse et commence à remonter doucement sa jupe qui ne cachait déjà pas grand-chose. Le policier détourne le regard et Ana insiste : « Ben vas-y, profites-en, sale vicelard, c’est d’la bonne p’tite culotte de délinquante, c’est gratuit ! » Il est gêné et lui ordonne d’arrêter son petit jeu. Elle se contente de rire en remettant sa jupe en place. Elle adore ça provoquer, mettre mal à l’aise, surtout s’il s’agit d’une figure d’autorité quelconque.
Ana s’apprête à se recaler contre le mur pour reprendre le cours de sa sieste quand le policier ajoute : « Votre frère est arrivé, il est en train de payer votre caution. » Ah oui, c’est vrai qu’elle avait utilisé son appel pour demander à Saül de venir la sortir de là. Ça n’était pas la première fois, ça ne serait certainement pas la dernière. L’avantage avec Saül c’est qu’il finit toujours par débarquer et par allonger la monnaie. L’inconvénient avec Saül c’est qu’il finit toujours par la gronder comme si elle avait 12 ans et qu’il était son père. Et elle n’est pas plus d’humeur que d’habitude à supporter ses jugements de valeurs et sa morale à la con. Elle se contente de répondre au policier avec toujours autant d’irrespect : « Merci de l’update, tête de nœud. » Le jeune homme, piqué au vif, essaye de reprendre l’ascendant en la menaçant de la garder plus longtemps si elle continue à lui parler de la sorte. Mais elle n’est pas inquiète, au vu de son teint cramoisi, Ana sait qu’il sera bien trop heureux de se débarrasser d’elle au plus vite. Elle s’applique donc à occulter sa présence, ne lui adressant plus un regard et couvrant mentalement son blabla par une musique électro intérieure, écho de la teuf de cette nuit dont elle rentrait quand ils l’avaient contrôlée.
Après un moment, la porte métallique de sa cage s’ouvre. Elle jette un œil au policier vert de rage avec une interrogation dans le regard, vient-il laver son honneur en lui assénant une droite ? Non, bien sûr que non, la lavette en uniforme vient simplement pour la libérer. Elle se lève d’un bond et adresse une grimace moqueuse au jeune homme en passant devant lui. Elle a beau avoir peu dormi, elle est pleine d’énergie. Les effets des diverses drogues consommées ne se sont pas encore dissipés. La descente, ce mauvais moment à passer, sera pour plus tard. Pour l’heure, elle se sent invincible et elle profite de jubiler avant de se retrouver face à Saül, deuxième prénom Rabat-Joie.
Il est là, dans la pièce attenante, et comme prévu, il tire la tronche. Ana avance vers lui et comme premières paroles lui dit : « Eh ben, souris, grand-frère ! T’es plus joli quand tu souris ! » Puis, elle se tourne vers le policier et ses collègues se trouvant dans la pièce pour scander en agitant la main : « Salut les nazes ! A la prochaine ! » Sur ce, elle se dirige vers la porte de sortie du commissariat sans vérifier si Saül la suit. A vrai dire, si elle avait pu le semer pour éviter ce qui allait suivre, elle l’aurait fait. Mais il n’allait pas la laisser s’échapper comme ça, ce serait bien mal le connaître.
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| | | | (#)Dim 2 Aoû 2020 - 23:36 | |
| Saül est à la serre, quand le téléphone sonne. On ne l'appelle jamais en pleine nuit pour la simple et bonne raison qu'il est de notoriété publique que l'italien ne répondra pas. Surtout pas depuis l'endroit où il se trouve.
C'est pourtant un appel urgent qui le tire du lit. La voix du policier à l'autre bout du fil lui donne de quoi se presser. De toute façon, Anastasia ne sortira pas de cellule avant le matin, pourquoi s'inquiéter ? Dans une cellule, au moins, elle est facile à trouver. Des semaines qu'il n'a plus de nouvelles de sa cadette, Saül. Quelque chose doit encore se tramer dans la vie de cette dernière, pour qu'elle disparaisse sans laisser de traces. Auden n'a, assurément, pas remarqué cette absence. Qu'en est-il des deux autres sœurs ? Saül ne veut, de toute façon, pas les inquiéter. C'est lui, l'aîné. C'est à lui qu'incombe la lourde - très lourde, chez les Williams - tâche de veiller sur le petit troupeau de moutons récalcitrants. Il n'est pas un patou patient, Saül. Anastasia est peut-être celle qui a le mieux saisi cette donnée - et qui sait donc la déjouer à merveille.
« Eh ben, souris, grand-frère ! T’es plus joli quand tu souris ! » Pour toute amélioration, Saül décoche à Anastasia un roulement d'yeux caractéristique. « C'est terrible, tout ce temps que tu as à perdre. » Un temps qu'elle ne perdrait pas si elle traînait ailleurs que dans les endroits insalubres qu'elle fréquente. Un temps qu'elle ne perdrait pas en ayant un métier, un vrai, quelque chose pour la lancer réellement dans la vie. « Salut les nazes ! A la prochaine ! » Avant qu'elle n'ait le temps de filer à l'anglaise, l'aîné la rattrape et empoigne fermement l'avant-bras de la cadette, qu'il tire ensuite dehors sans se tourner vers le commissariat. C'est qu'elle traîne des pieds, Anastasia, et Saül a déjà perdu assez de son temps - et de son argent - pour cette gamine qui n'apprendra jamais de ses erreurs.
Quand elle est enfin enfermée dans la voiture et que Saül s'est assis de son côté, ce dernier se dépêcher de démarrer en trombe. Il ne sait pas encore où il va déposer Anastasia. Peut-être chez lui, auprès d'Elise, où il passera lui aussi la nuit. La cadette tentera de s'enfuir, sinon, pour sûr. « Je te ramène à la maison. Où sont tes affaires ? » Elle porte probablement tout ce qu'elle possède sur elle, Anastasia. De toute façon, Saül ne veut pas qu'elle retourne d'où elle vient. « Qu'est-ce qu'elle dirait, maman, si elle te voyait dans cet état. » Ce n'est même pas une question, que Saül marmonne tout bas, tout en guettant la route. Surtout, il n'attarde pas son regard sur sa petite sœur. Au fond, peut-être en a-t-il assez de se battre contre des moulins à vent. |
| | | | (#)Lun 3 Aoû 2020 - 8:06 | |
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Like a wrecking ball Le roulement des yeux agacé de Saül la fait sourire intérieurement, ses râleries de papi également. Anasatasia sait qu’il ne la supporte pas et que pourtant et malgré tout, il l’aime bien sa sœur cadette. Après avoir salué le commissariat avec son irrévérence habituelle, elle tente de se ruer dehors mais n’échappe pas à la poigne de son frère. Il la propulse littéralement à l’extérieur et voilà que commence le bras de fer. Elle s’immobilise pour lui rendre la tâche plus difficile de la traîner jusqu’à la voiture et se débat mollement : « Lâche-moi, bordel ! S’tu voulais m’apprendre à marcher, t’arrives 24 ans trop tard, mon gars ! » Mais il ne la lâche pas et ignore sa pique sur son absence pendant son enfance. Il la pousse jusqu’à la voiture et entreprend de la faire asseoir sur le siège passager, elle proteste à nouveau tout en se dégageant d’un geste brusque : « C’est de la maltraitance ! Je vais crier au kidnapping si tu continues ! » Mais elle n’en fait rien, maintenant libérée de son emprise, elle prend place dans la voiture de luxe de son grand-frère en jetant un regard ironique aux fauteuils en cuir impeccablement cirés.
Il s’assoit derrière le volant et démarre en trombe comme s’il avait peur qu’elle ouvre la portière et s’enfuit. Elle ricane, ça l’amuse beaucoup qu’il la traite comme une bombe à retardement. Saül lui annonce qu’il va l’emmener chez lui et Elise, le couple de l’année (Non). Tout en extirpant ses pieds de ses Doc Martens pour les étendre sur le tableau de bord, elle lui répond : « J’préférerai autant dormir dans ma caisse, t’sais. J’m’en voudrais d’salir vot’ beau canapé en peau d’chameau. » Puis, se souvenant d’un détail, elle ajoute : « D’ailleurs, mes affaires sont dans la bagnole, ils l’ont laissée au bord d’la route. Faudra qu’tu payes l’amende pour qu’ils enlèvent le bidule qui immobilise la roue… » Ca n’est pas une demande, Anastasia se contente d’énoncer un fait, il va devoir payer. Agitant ses clés de voiture, elle précise : « Mais j’peux y dormir quand même, ou au moins récupérer mes trucs avant d’aller séjourner dans ton palais. »
Et Saül se lamente sur ce que penserait leur mère. Anastasia perd son sourire provocateur immédiatement et s’écrie : « Je m’en branle de ce que penserait, maman ! Qu’est-ce que tu viens la mêler à ça, d’abord ? » Si elle avait son casque et son téléphone, c’était le moment qu’elle aurait choisi pour se mettre du gros son dans les oreilles et éviter la discussion à tout prix. Mais elle avait laissé tout dans son tacot avant de suivre joyeusement les forces de l’ordre. Elle surenchérit donc : « Laisse maman où elle est et si t’as quelque chose à m’dire, dis-le ! C’est quoi l’problème ? Mon style n’est pas assez BCBG à ton goût ? T’es juste jaloux car ta vie c’est d’la merde ! » Voilà, ça c’est dit. Saül est dans les cordes, va-t-il balancer un uppercut à son tour, le suspense était quasi nul. Bien sûr qu’il va répliquer, c’est comme ça que ces deux-là communiquent. |
| | | | (#)Lun 21 Sep 2020 - 5:59 | |
| La voiture démarre. De là, Anastasia ne s'échappera peut-être pas, quoi qu'elle ait habitué Saül a beaucoup de surprise - et à une sacrée dose de bêtise, aussi. « J’préférerai autant dormir dans ma caisse, t’sais. J’m’en voudrais d’salir vot’ beau canapé en peau d’chameau. » Elle met ses pieds sur le tableau de bord devant elle, chose qui donne à Saül des envies de meurtre. « Tu paieras le nettoyage de la voiture ? Oh, j'oubliais que tu n'as pas un rond. » C'est sans décrocher ses prunelles de la route que Saül marmonne, juste un peu plus haut que le bruit du moteur qui redémarre après le feu. « D’ailleurs, mes affaires sont dans la bagnole, ils l’ont laissée au bord d’la route. Faudra qu’tu payes l’amende pour qu’ils enlèvent le bidule qui immobilise la roue… » « Si la voiture est dangereuse, je payerai surtout pour qu'ils l'envoient chez le ferrailleur. » C'est la conductrice, qui est dangereuse et Saül n'en pense pas moins. Pour l'heure, il reste concentré sur la route, les yeux rivés sur l'horizon, déterminé à ramener Anastasia à la maison, sa maison. Il suffira qu'elle n'y reste que quelques jours, histoire de reprendre ses esprits. Elle repartira dans la nuit sans un mot, comme elle le fait d'habitude. « Mais j’peux y dormir quand même, ou au moins récupérer mes trucs avant d’aller séjourner dans ton palais. » « C'est non. Nous allons à la maison. Pas de négociations, tu sais que je suis meilleur que toi pour obtenir ce que je veux. » Saül est passé avant elle devant les yeux attentifs des parents, il est depuis longtemps passé maître de la petite envolée de nuit quand échouaient les négociations, de l'échappée au nez et à la barbe de son père. Il y a longtemps qu'il ne s'est plus enfui de nul part, Saül, sinon pour rejoindre des endroits où il n'a pas vraiment le droit d'aller - ça aussi, ça changera.
Évoquer leur mère, c'est peut-être la dernière chose à faire. C'est donc la première de la liste de Saül, qui ne se lasse pas de tenter d'attraper Anastasia par les sentiments. « Je m’en branle de ce que penserait, maman ! Qu’est-ce que tu viens la mêler à ça, d’abord ? » « Tu t'en branles de ce que pense maman. », qu'il répète plus bas, tournant à l'angle de la rue. C'est bien là le problème, qu'elle s'en branle. Elle est nez trop tard Anastasia, ou alors les parents n'ont pas porté assez d'attention à l'inculcation de l'autorité. Malheureusement pour elle, elle n'a peut-être pas assez bénéficié de la présence de ses frères et de ses sœurs. Lui, il y a longtemps qu'il s'en fiche aussi de ce que pense leur mère. Saül sait pourtant parfaitement comment prétendre le contraire devant elle. A l'évidence, il est le meilleur menteur de la famille, celui qui évite les vagues simplement en plongeant sous la surface pour s'échapper des remous. « Laisse maman où elle est et si t’as quelque chose à m’dire, dis-le ! C’est quoi l’problème ? Mon style n’est pas assez BCBG à ton goût ? T’es juste jaloux car ta vie c’est d’la merde ! » « Mon problème, Anastasia, c'est justement que tout ça ne semble pas être ton problème. Mon problème, c'est que ta vie n'a pas l'air de beaucoup t'importer, pas plus que le fait de vivre au crochet de celles des autres ne te dérange. La mienne, en particulier. » Nouveau virage, la conduite de l'italien devient plus sèche, plus méthodique. Moins agréable. « Je n'ai personne à jalouser. Ma vie est très bien comme elle est. » Imparfaite. Maussade. Inintéressante, quand on y regarde de près. « J'aimerais que tu apprennes à te comporter comme une adulte. Combien de temps encore crois-tu que je viendrai te chercher au poste de police ? » Pour l'éternité, s'il le fallait. Saül ne le lui dira jamais, pourtant. Elle est sa petite sœur, avec tous les écueils qui viennent avec le paquet. Elle est sa petite sœur et s'il y a quelque chose que Saül a assez délaissé, c'est cette famille avec laquelle il tente, à sa manière, de renouer. |
| | | | (#)Lun 21 Sep 2020 - 11:22 | |
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Like a wrecking ball Ana a les jambes étendues et ses pieds nus sur le précieux tableau de bord immaculé, elle sait très bien que ça va énerver son frère et elle l’a fait uniquement dans ce but. Elle cherche toujours les limites Ana et elle fait payer à toute la fratrie l’indifférence dont ils ont toujours fait preuve envers elle, leur propension à toujours la tenir à l’écart et puis au final, leur abandon. « Tu paieras le nettoyage de la voiture ? Oh, j'oubliais que tu n'as pas un rond. » Il dit ça comme si elle était en train de réellement salir la voiture, comme si ses pieds étaient sales à ce point. Elle répond avec effronterie : « S’tu veux j’pisse sur l’siège en cuir, là t’auras une raison d’la faire laver ta caisse de merde ! ». Elle lui adresse un sourire de foutage de gueule qu’il ne voit probablement pas car il est concentré sur la route. Puis, elle lui dit pour sa voiture : « Si la voiture est dangereuse, je payerai surtout pour qu'ils l'envoient chez le ferrailleur. » Elle se redresse avec indignation, cette voiture c’est son seul truc à elle ici, qu’elle a payé avec son argent (enfin, l’argent qu’elle a volé à ses parents et autres avant de quitter l’Italie). « Elle est pas dangereuse putain ! C’est MA caisse, contente-toi d’payer l’amende pour qu’j’la récupère et fais pas chier. ». Mais il n’a même pas l’air décidé à lui permettre de récupérer ses affaires dans sa voiture. « C'est non. Nous allons à la maison. Pas de négociations, tu sais que je suis meilleur que toi pour obtenir ce que je veux. » Son téléphone, son casque, sa drogue aussi, heureusement que les flics ne l’avaient pas fouillée. Ils s’étaient contentés de l’embarquer car elle était saoule, elle aurait probablement des points en moins sur le permis aussi, elle ne s’était pas penchée sur le sujet. Au moins, ils n’avaient pas remarqué qu’elle était défoncée aussi. Même si la plupart de ses fringues sont chez Elise et Saül et pas dans sa voiture, elle lui répond juste pour le plaisir de tacler sa belle-soeur : « Ouais ben j’espère que t’as des p’tites culottes à m’prêter… J’vais flotter dans celles d’Elise et son énorme cul ! »
Saül a toujours le chic pour ramener la conversation sur des sujets qui en plus d’être inutiles, mettent Ana en rogne. Comme leurs parents par exemple. Leur mère en l’occurrence. « Tu t'en branles de ce que pense maman. ». Il répète ce qu’elle vient de dire avec un air désapprobateur. Mais oui, elle s’en fout, elle est enfin loin d’eux, libérée d’eux alors elle ne compte pas continuer à vivre avec le jugement parental telle une épée de Damoclès au dessus de la tête. En plus ça l’agace qu’il utilise leur mère pour essayer de la faire culpabiliser, s’il a quelque chose à dire, qu’il lui dise comme un grand sans invoquer les vieux à tout bout de champs. « Mon problème, Anastasia, c'est justement que tout ça ne semble pas être ton problème. Mon problème, c'est que ta vie n'a pas l'air de beaucoup t'importer, pas plus que le fait de vivre au crochet de celles des autres ne te dérange. La mienne, en particulier. » « Ouais blablabla… Fais pas ta dramaqueen, s’bon. Si ça t’emmerde d’m’héberger, fous moi dehors hein... Ca devrait pas être difficile d’trouver un bel inconnu avec qui partager un pieu...». Elle le fait exprès, Ana, elle sait qu’imaginer sa soeur nue dans les draps d’un gars random serait plus qu’inconfortable pour son frère. Ils ont un problème à l’idée que leurs sœurs puissent avoir des relations sexuelles, les deux frères Williams.
« Je n'ai personne à jalouser. Ma vie est très bien comme elle est. » « Ouais bien sûr. T’passes ta vie à ton travail d’merde et tu détestes ta femme (là, j’te jette pas la pierre hein) » Saül conduit plus nerveusement, il est en train de s’énerver et Ana ne fait rien pour éviter cela. « J'aimerais que tu apprennes à te comporter comme une adulte. Combien de temps encore crois-tu que je viendrai te chercher au poste de police ? » Elle souffle comme une adolescente saoulée par les diatribes de ses parents. « Comporte toi en adulte… Vous avez tous le putain de même refrain ! » Puis, elle lui jette un regard provocateur avant d’ajouter : « Et après ça vous traumatise qu’j’ai une vie sexuelle ! Alors c’est quoi ? Je suis une adulte ou une gamine à laquelle vous allez foutre une ceinture de chasteté ? Dis-moi putain, le suspense me tue ! ». Elle enchaîne les provocations. Elle n’a de toutes façons aucunement l’intention d’adopter le comportement qu’on attend d’une adulte responsable. Trouver un travail ? Chiant. Le garder ? Impossible. Arrêter de consommer toutes les drogues de l’univers ? Pas envie. Elle vit très bien l’errance sans but apparent qu’est sa vie, sa spontanéité, l’aventure et l’inconnu de chaque nouvelle journée, elle ne survivrait pas dans la routine abrutissante qui est celle des supposés adultes. Et son frère a beau la menacer de ne plus venir la chercher au poste de police, elle n’y croit pas vraiment. Il a beau être un con et Ana a beau être insupportable, ils sont de la même famille et ils sont liés jusqu’à la mort. Mais la cadette en a déjà marre de leur petite danse où il lui fait des reproches et où elle le provoque en réponse, engendrant de nouveaux reproches. Les leçons de morale il lui en fait en permanence, elle aimerait pouvoir sauter cette partie comme le générique d'une série sur Netflix. « Bon ça y est, t’as fini d’te prendre pour le padre ? T’as l’sentiment du devoir accompli ? On peut passer à autre chose ? Genre, on mange quoi ce midi ? J’ai la dalle... »
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| | | | (#)Mer 23 Sep 2020 - 3:09 | |
| « Ouais ben j’espère que t’as des p’tites culottes à m’prêter… J’vais flotter dans celles d’Elise et son énorme cul ! » « Anastasia Rosabella Williams. Es-tu obligée d'être si vulgaire, quand tu t'exprimes ? » Ce qu'il est las, Saül, de l'entendre dire des obscénités pareilles. Il ne se souvient pas que leur père l'ait un jour permis, aussi l'italien se demande-t-il quand Anastasia a-t-elle eu le temps de désapprendre, si jeune, à maîtriser son langage. Après tout, ils ont le même, Saül sait simplement mieux tenir sa langue.
Les parents, justement, sont au centre des préoccupations, semble-t-il. « Ouais blablabla… Fais pas ta dramaqueen, s’bon. Si ça t’emmerde d’m’héberger, fous moi dehors hein... Ca devrait pas être difficile d’trouver un bel inconnu avec qui partager un pieu... » « Anastasia. » Ce qu'il voudrait la haïr, dans ces moments là. Ou piler un grand coup, qu'elle s'assomme contre le tableau de bord, qu'elle cesse de dire de telles atrocités. « Tu rentre à la maison avec moi, le temps qu'on te trouve une solution plus stable. » Plus stable que le reste, que sa vie faite d'errance. Ce ne doit pas être bien compliqué. Pour ce qui est de tenter de l'insérer dans la vie d'adulte, Saül n'en est pas à son premier coup d'essai... et celui-ci ne sera probablement pas le dernier. « Ouais bien sûr. T’passes ta vie à ton travail d’merde et tu détestes ta femme (là, j’te jette pas la pierre hein) » « Je ne déteste pas Elise. » La première affirmation n'est pas fausse, en revanche. Saül n'a jamais vraiment détesté Elise. Ils sont d'éternels - et d'indéfectibles ? - alliés. Anastasia, elle, n'a pas encore l'air d'avoir trouvé les siens. « Comporte toi en adulte… Vous avez tous le putain de même refrain ! » « C'est parce qu'il est juste. » Saül en est convaincu, rien ne le fera changer d'avis. A l'évidence, l'aîné ne peut voir la vie autrement que comme la sienne, le symbole de la réussite. Enfin, cela, c'est ce qu'il entend prétendre jusqu'à sa mort. « Et après ça vous traumatise qu’j’ai une vie sexuelle ! Alors c’est quoi ? Je suis une adulte ou une gamine à laquelle vous allez foutre une ceinture de chasteté ? Dis-moi putain, le suspense me tue ! » Elle marque des points, la cadette, et Saül ne lui répond plus, concentré sur la route. Il est à court d'arguments pour cette fois. « Bon ça y est, t’as fini d’te prendre pour le padre ? T’as l’sentiment du devoir accompli ? On peut passer à autre chose ? Genre, on mange quoi ce midi ? J’ai la dalle... » « On rentre. Je te ferai à manger à la maison. »
La suite de la route se passe dans le plus grand des silences. L'aîné et la cadette arrivent enfin à la maison du couple Williams et Saül marche après la plus jeune, l'invitant à passer la porte qu'il vient d'ouvrir d'un tour de clef. Elle connaît les lieux comme sa poche, à force d'y séjourner. « Qu'est-ce que tu veux manger ? » Quand la porte se referme, Saül passe dans la cuisine, remonte déjà ses manches. Le silence du trajet a eu le temps d'apaiser quelque peu ses nerfs, mis à mal par le comportement de sa petite sœur. « J'ai de quoi te faire un risotto au parmesan. Tu adores le risotto au parmesan. » Et il doit rester du tiramisu de la veille au frigo, aussi. Cuisiner détend l'italien, c'est peut-être mieux si les discussions ont lieu dans cette pièce, la plus tranquille de la maison. La plus lumineuse, aussi. « Tu n'as qu'à me raconter ce que tu fais de tes journées. » Ils peuvent partir de là, en espérant que la discussion n'échauffe pas de trop les esprits qui commencent tout juste à s'apaiser. |
| | | | (#)Mer 23 Sep 2020 - 23:57 | |
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Like a wrecking ball A force de provoquer, ça allait forcément lui tomber dessus, son frère allait finir par l’appeler par son prénom complet, ce prénom qu’elle déteste et cache à tous ceux qui n’en ont pas connaissance en se présentant toujours sous son diminutif. C’est l’évocation du postérieur de sa femme qui déclenche l’offensive et il en fait même trop, allant même jusqu’à citer son deuxième prénom qui réussit l’exploit d’être encore horrible aux yeux d’Ana que le premier. « Anastasia Rosabella Williams. Es-tu obligée d'être si vulgaire, quand tu t'exprimes ? » Elle se raidit et produit un son similaire à une régurgitation : « M’appelle pas comme ça, putain ! » Elle ne répond même pas à la question sur sa vulgarité, elle est de toute façons rhétorique, il tente toujours de la reprendre et elle continue à jurer à tout va. Voire, elle en rajoute une couche.
Quand il lui sort le refrain moralisateur habituel et se plaint qu’elle vive à ses dépens, elle contre-attaque en insinuant qu’elle pourrait facilement trouver quelqu’un avec qui partager les draps de manière très peu chaste. Il est visiblement très exaspéré. « Anastasia. » Mais c’est qu’il persiste. « M’appelle pas comme ça non plus, merde ! C’est Ana. Combien de fois j’dois l’répéter ? » Il le sait très bien mais il persiste à l’appeler comme ça, probablement uniquement pour la contrarier, elle lui rend bien ceci dit, au centuple. « Tu rentre à la maison avec moi, le temps qu'on te trouve une solution plus stable. » « Ouais, ouais... » De toutes façons, elle ne va pas batailler davantage et elle ne réfléchit pas à long terme, elle ne pense qu’à l’instant présent. Et dans l’immédiat, elle a déjà hâte d’être au repas, son frère a peu de qualités mais il cuisine bien, c’est probablement ce qui la fait revenir sous son toit si régulièrement. Ça et le fait qu’elle y soit logée tous frais payés, lessive par Elise incluse, la parfaite femme au foyer. Ana sait qu’elle déteste que la petite soeur squatte chez eux, si elle n’en dit rien, son regard qui la trahit pourtant.
Ana l’attaque alors sur sa soi-disant vie parfaite. « Je ne déteste pas Elise. » Mouais… S’il le dit. Et puis il lui joue la même chanson encore et lui demande de se comporter en adulte. Ana s’agace et réussit à lui clouer le bec en le mettant face à ses contradictions. Il ne répond pas, le silence se fait dans l’habitacle de la voiture et Ana finit par changer de sujet et évoquer ce qui taraude son estomac : le menu du midi. « On rentre. Je te ferai à manger à la maison. » A la maison, ça sonne bizarrement doux à son oreille alors qu’elle sait très bien qu’elle n’y est pas chez elle et qu’elle méprise cet intérieur trop luxueux et tape à l’œil. Malgré toutes ses provocations et râleries, elle est heureuse d’être à Brisbane et d’avoir enfin l’occasion de passer du temps avec son frère. Même si Saül est un con moralisateur et rabat-joie, il lui avait manqué. Ana camoufle son demi-sourire en regardant par la fenêtre pour le reste du trajet.
Une fois arrivés à la maison, son frère lui demande : « Qu'est-ce que tu veux manger ? ». Elle retire sa veste cargo qu’elle abandonne sur le dossier du canapé et répond : « N’importe quoi tant qu’tu fous pas de vegemite dedans. » Elle a finalement goûté cette spécialité australienne et, clairement, elle aurait du s’abstenir. Elle le suit dans la cuisine et s’adosse au comptoir face à lui. Elle le regarde remonter ses manches et elle se fait la réflexion qu’il est beau son frère, surtout maintenant qu’il porte la chemise de manière moins guindée. « J'ai de quoi te faire un risotto au parmesan. Tu adores le risotto au parmesan. » Son regard s’illumine et tous ses efforts pour n’alterner qu’entre un air blasé ou un air moqueur s’envolent sous l’effet de la surprise. Elle adore le risotto au parmesan, bien sûr, c’est même son plat préféré, et c’est une bien meilleure technique pour l’attendrir de faire appel à son estomac que de parler de leurs parents. Elle s’exclame donc toute sautillante comme si elle avait huit ans à nouveau : « Oh oui ! » D’un bond, elle se retrouve après de son frère, grand tant par l’âge que par la taille, et lui ébouriffe les cheveux qu’il avait peignés à la perfection : « Tu sais comment me parler quand tu veux... » Elle ricane en voyant sa coiffure désormais en bataille, elle l’a fait autant pour l’embêter gentiment que parce qu’elle le préfère quand il n’est pas gominé et tiré à quatre épingles. Un court moment de complicité qui lui rappelle qu’avant, c’était lui qui provoquait de vives protestations chez elle quand il lui emmêlait les cheveux alors qu’elle n’était qu’une petite fille au caractère déjà bien trempé. A cette époque, Ana était bien plus facile à aimer avec sa bouille d’enfant et ses rebellions sans grandes conséquences.
Mais, Saül retourne sur un sujet terre à terre qui ne manquera pas de refroidir l’atmosphère si Ana se montre honnête. « Tu n'as qu'à me raconter ce que tu fais de tes journées. » Elle lui retournerait bien la question en guise d’esquive mais elle sait qu’il arrivera juste à la tuer d’ennui s’il se met à lui raconter ce qu’il fait au bureau. Alors, en se dirigeant vers le frigo dans l’idée d’y farfouiller, elle lui répond : « Oh j’fais du tourisme, j’me fais de nouveaux amis... » Surtout des ennemis à vrai dire, mais bon si l’on considère ses conquêtes et son dealer comme des amis, le ratio s’équilibre à peu près. Elle ouvre le frigo et repère le reste de tiramisu instantanément. Elle saisit le plat avec empressement comme s’il allait diapraître et laisse le frigo se refermer derrière elle. « J’ai trouvé l’entrée ! ». Ana a toujours préféré le dessert dans un repas et ses parents l’en privaient souvent en guise de punition, avant qu’ils ne passent à des sanctions plus radicales mais pourtant tout aussi inefficaces. Commencer le repas par le dessert, c’est un peu sa vision du paradis, il n’aurait plus manqué que ce soit un Napolitain à la place d’un tiramisu et elle se serait retrouvée au septième ciel. Elle n’a pas envie qu’il insiste à vouloir savoir ce qu’elle fait de ses journées car elle finira par être tentée de dire la vérité et elle n’a pas encore le délicieux risotto ni même le tiramisu dans l’estomac. Alors, se penchant vers Saül pour attraper une cuillère qui servira à plonger dans le dessert crémeux au café puis à s’envoler vers sa bouche, elle change de sujet : « Tu leur as dit qu’j’étais là, pas vrai ? Sav’ m’a écrit un sms… Mais l’autre, rien. » L’autre c’est Auden bien sûr, il a visiblement décidé de continuer à faire comme si elle n’existait pas, probablement dans l’espoir qu’elle reparte bien vite pour l’Italie, loin des yeux, loin du cœur.
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| | | | (#)Lun 9 Nov 2020 - 12:08 | |
| « M’appelle pas comme ça non plus, merde ! C’est Ana. Combien de fois j’dois l’répéter ? » C'est Anastasia pour la vie et elle le sait absolument parfaitement. C'est Anastasia depuis qu'elle est petite, Saül n'a jamais raccourci le prénom de personne. Il en détache toujours toutes les syllabes une à une, convaincu de faire honneur à ce prénom qu'il aime, de surcroît, beaucoup. Elle lui fait honneur à sa manière, l'impertinente, mais Saül ne le voit pas de cet œil.
Une fois à la maison, ils peuvent respirer un peu. Saül accepte de faire la trêve et Anastasia a peut-être l'air d'avoir envie d'emprunter ce chemin aussi. Peut-être. « N’importe quoi tant qu’tu fous pas de vegemite dedans. » « Jamais. » Quelle insulte à leur cuisine, d'emprunter quoi que ce soit aux australiens qui ne savent pas manger correctement. Saül les range au même endroit que les américains et que les anglais : dans la case des très mauvais cuisiniers. Saül se souvient correctement de ce plat que sa sœur adore tant. Manches remontées, il paraît un peu plus tranquille. C'est son allure des bons jours, ceux qui se font de plus en plus rares. Les petites entrevues avec le bonheur se font discrètes, ces tempes-ci. Il y a un moment qu'elles n'existent qu'entre les bras d'une auteure française. « Tu sais comment me parler quand tu veux... » Saül souffle sur la mèche qui lui tombe sur le visage, faussement ennuyé par le geste de sa petite sœur. L'instant est doux et pour une fois, Saül n'a pas l'irrépressible envie de le gâcher de ses remontrances.
« Oh j’fais du tourisme, j’me fais de nouveaux amis... » Et des ennemis, certainement. Les ennemis sont la spécialité des Williams. Ce point commun là, on ne peut pas le leur retirer. « C'est bien. » qu'il marmonne, pensif, concentré sur la cuisine alors qu'Anastasia se concentre sur le rapt du tiramisu. Là non plus, Saül n'essaie pas de la gronder. Même après toutes ces années d'absence, il se souvient que le confit de front ne sert à rien, avec sa cadette. Parfois, il peine cependant à se souvenir comment dialoguer avec elle si ce n'est par les cris et les regards noirs. « J’ai trouvé l’entrée ! » « C'est un sacrilège. Sors moi une cuillère. » Elle ne sera pas la seule à briser les règles. Parfois, Saül rêverait de pouvoir faire comme elle, comme eux tous. Dans une vie parallèle, il n'est pas l'aîné. Rien ne pèse sur ses épaules sinon le poids de ses envies et de ses rêves, comme autant de ballons qui le tirent vers un paradis construit de ses mains. Dans un autre monde, Saül est le chef cuisinier souriant et avenant dont tout le monde sollicite l'agréable compagnie. Dans ce monde là, Auden est officiellement le père de Cosimo, aussi. Anastasia et lui sont en bons termes, Savannah n'est éloignée de personne. Elle gravite entre eux tous, n'est jamais partie nul part. Personne n'est jamais parti nul part, d'ailleurs, dans ce monde là. Ils n'en ont pas besoin, vivent tous assez proches les uns des autres pour dîner en famille et fêter noël tous ensemble.
« Tu leur as dit qu’j’étais là, pas vrai ? Sav’ m’a écrit un sms… Mais l’autre, rien. » L'italien soupire, en sortant le riz de l'eau. « Auden doit être occupé. » Auden ne s'est jamais vraiment préoccupé d'Anastasia, ces dernières années. Mais qui a vraiment été là pour elle, d'ailleurs ? Même Saül a manqué à ses devoirs de grand-frère, ceux par lesquels il jurait quand ils étaient petits et qu'il fallait couvrir les bêtises de Savannah et Auden. Anastasia est trop jeune pour avoir connu cette époque. Les sens de l'aîné ont peut-être eu le temps de s'émousser pendant l'intervalle, qui sait. « Je peux te donner son adresse si tu promets de ne pas crever les pneus de sa voiture. » A son tour de plonger la cuillère dans le tiramisu. « J'aimerais que tu saches que nous ne sommes pas tes ennemis, Anastasia. On veut ton bien. Tous. » Tous. Presque. Peut-être. En partie ? « Mange. Et puis, une douche. Et tu mérites une grande sieste. »
Lorsque le plat est servi, Saül ne manque pas une occasion de resservir à Anastasia la soupe habituelle : celle de son avenir. Cette fois-ci, l'apaisement qui règne en lui fera peut-être pencher la balance. « Tu sais, il ne faut pas beaucoup de qualifications pour bosser en temps que secrétaire. Chez Michael Hills. Tu aurais de quoi te payer un petit logement. » De quoi construire quelque chose de stable, en somme. |
| | | | (#)Mar 10 Nov 2020 - 6:13 | |
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Like a wrecking ball Elle râle toujours quand il l’appelle Anastasia, elle insiste à chaque fois pour qu’il l’appelle Ana et il ne tient jamais compte de sa demande. Combien de fois lui a-t-il répété que son prénom était magnifique et qu’elle devrait en être fière ? Des centaines, des milliers de fois, mais cela n’a jamais changé son rapport à ce prénom bien trop connoté princesse pour elle. La discussion sur le reste du trajet est sans intérêt, Ana ne pense qu’au repas que Saül va lui préparer, son dernier remonte au déjeuner de la veille, petit-déjeuner de son point de vue car elle venait de se réveiller quand elle avait avalé un paquet de chips et une barre chocolatée. Une fois chez lui et dans la cuisine, elle le sent se détendre et il se lance dans la confection d’un risotto au parmesan, ce qui met des étoiles dans les yeux de sa sœur. Ils partagent un de ces rares moments doux et complices qui parsème leur relation fraternelle compliquée, elle le décoiffe avec une joie enfantine et il souffle sur la mèche avec un air faussement agacé. Elle ne veut pas gâcher l’instant alors elle reste vague sur ses occupations depuis son arrivée à Brisbane, de toutes façons il n’est pas dupe, il a déjà dû venir la récupérer au commissariat plus d’une fois. Elle ne résiste pas au tiramisu cependant et le dépose sur le comptoir, le dévorant des yeux avant de se pencher pour s’attraper une cuillère. « C'est un sacrilège. Sors moi une cuillère. » Elle en sort deux et les plante toutes les deux dans le dessert crémeux. « Fais gaffe, j’commence à déteindre sur toi… Bientôt t’vas t’faire un piercing au nez toi aussi. » Elle enfourne aussitôt une énorme bouchée de tiramisu et ferme les yeux en poussant un « Hummmm » de délectation. Elle reprend aussitôt une autre cuillère avant même d’avoir fini de mâcher la première bouchée. « Ch’est trop bon... » congratule-t-elle son frère alors qu’il se met lui aussi à déguster le dessert avant même d’avoir fini de cuisiner le plat salé.
Le tiramisu est une tradition familiale chez les Williams alors cela lui rappelle forcément les autres membres de la famille. Le sms de Savannah et surtout le silence radio d’Auden. « Auden doit être occupé. » Elle lâche un rire court et désabusé et répond avec un sarcasme amère : « Ouais c’est ça, il est très occupé, le pauvre... ». La vérité c’est qu’il se fout totalement d’elle, aussi loin qu’elle puisse s’en souvenir, il n’a jamais fait partie de sa vie et n’a jamais montré un quelconque intérêt envers elle. Hormis quand il s’agit de rejoindre la vindicte familiale et de l’accabler au sujet de sa consommation de stupéfiants, dans ces cas-là il est soudainement très investi et débite les reproches plus vite que son ombre. « Je peux te donner son adresse si tu promets de ne pas crever les pneus de sa voiture. » Ana lui adresse un sourire amusé, presque malicieux : « Tu sais bien que je ne peux rien promettre. » et elle se renfrogne aussitôt. Elle ne veut pas de son adresse pour aller mendier son attention et arriver comme un cheveu sur la soupe. « Mais d’façons, c’est à lui d’m’appeler. ». Elle veut attendre qu’il fasse le premier pas vers elle, mais elle ne tiendra pas longtemps et elle finira par lui rendre une visite à lui et sa voiture. Elle aurait pu promettre car elle ne touchera pas aux pneus, par contre la carrosserie et les vitres prendront chers sous les assauts de la batte de baseball trouvée dans la chambre de Damon. Mais tout ceci est une autre histoire. « J'aimerais que tu saches que nous ne sommes pas tes ennemis, Anastasia. On veut ton bien. Tous. » Elle serre la mâchoire en entendant son prénom mais laisse tomber, Saül continuera à l’appeler comme ça jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ils ne sont pas ses ennemis, il parle de la famille en général certainement, comme si les relations dans cette famille pouvaient se résumer à un concept aussi manichéens que la dualité allié/ennemi... Rien n’est ni tout noir ni tout blanc avec les Williams, même s’il faut avouer que leur gris tire bien plus souvent vers le noir que vers le blanc. « Ouais, ouais, arrête de dire des conneries, t’y crois même pas toi-même... », c’est dit sur le ton de la plaisanterie, peut-être d’une voix un peu fatiguée, elle n’a pas envie de s’engueuler plus avec son frère aujourd’hui. « Mange. Et puis, une douche. Et tu mérites une grande sieste. » Oui, mieux vaut se concentrer sur la nourriture, ça c’est quelque chose qui ne va pas les fâcher ces deux là. Ils piochent un peu plus dans le tiramisu, puis le risotto crémeux est servi et Ana s’en délecte avec appétit. Vraiment, les Australiens sont des hommes des cavernes en ce qui concerne la gastronomie, il n’y a rien de meilleur que la bouffe italienne. Ana, qui n’a pourtant jamais voyagé ailleurs avant de débarquer à Brisbane, en est maintenant persuadée. « Y a bien que ça qui m'manque d’Italie. », sous-entendu surtout pas les parents. Ils mangent en silence un moment, savourant chaque bouchée comme si c’était la dernière. Puis Saül ne peut pas s’empêcher de mettre les pieds dans le plat. « Tu sais, il ne faut pas beaucoup de qualifications pour bosser en temps que secrétaire. Chez Michael Hills. Tu aurais de quoi te payer un petit logement. » Bien sûr, il essaye juste d’être serviable et d’aider sa sœur mais aux oreilles d’Ana ça sonne simplement comme un reproche, toujours le même : fais quelque chose de ta vie, quelque chose de constructif, intègre-toi dans la société, arrête tes conneries. Mais Ana n’est pas plus faite pour être secrétaire que caissière de super-marché ou équipière à McDo. Elle ne tient jamais dans un travail traditionnel, elle met sa hiérarchie en rogne et n’exécute aucun ordre, insulte les clients, tire au flanc et pique dans la caisse, et elle fait tout cela sans même le décider, simplement en se laissant porter par sa personnalité enchanteresse. Elle grimace à l’attention de son frère, la bouche pleine de risotto : « Ouais, merci j’y penserais si j’ai des envies suicidaires un d’ces jours. » Elle a dit merci, c’est déjà beaucoup. Elle a d’autres plans pour pouvoir se payer un logement, se mettre à temps plein sur de petits larcins de pickpocket, elle est déjà douée pour ça et c’est de l’argent facile sans aucun patron au dessus d’elle, c’est parfait.
Ana finit par racler l’assiette avec une cuillère pour ne laisser aucune miette de la sauce parmesan dont elle risque de rêver pendant sa sieste. Elle se lève de la table, pose sa main sur l’épaule de son frère pour lui faire un compliment dont elle a le secret : « T’devrais ouvrir un restau au lieu d’essayer d’recruter des secrétaires à chier comme moi… Les bouffeurs d’kangourous seraient sur l’cul... » Ils découvriraient le vrai sens de la vie en mangeant un risotto pareil. Puis, elle se dirige vers la salle de bain, il a raison, une bonne douche, une bonne sieste et ce soir, quand Elise, Saül et Damon seront profondément endormis, elle se faufilera dehors pour repartir en teuf.
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