Bien que mon premier roman fût sorti, je continuais d’être journaliste pour le Brisbane Times. J’étais dans le domaine de la culture et je dressais le portrait de personnes célèbres ou non de la ville. J’aimais choisir des personnes au parcours inspirant et original. Mais aussi mettre en avant des personnes qui méritaient d’être connu du fait de leur métier ou de ce qu’ils avaient fait pour la ville, etc. Aujourd’hui, je devais rencontrer Jax Collins, un jeune homme de 35 ans qui était cascadeur professionnel. Ce qui m’avait plu en lui et qui m’avait donné envie de le rencontrer était que, du fait de son métier, il avait beaucoup voyagé. Et vous le savez, moi et les voyages, c’était une grande histoire d’amour. De plus, j’étais curieuse d’en connaitre davantage sur son métier, sur ce qui l’avait poussé à exercer cette profession, s’il avait travaillé pour de grandes productions, etc. Bref, je l’avais contacté pour qu’on se rencontre. C’était donc ce matin à dix heures que nous nous étions donné rendez-vous pour faire l’interview. Je rassemblais mes affaires, mettant mon petit calpin et mon crayon fétiche dans mon petit sac à dos que je trimbalais toujours lorsque je devais faire une interview. C’était plus pratique pour pouvoir tout transporter. Le café dans lequel nous devions nous rencontrer n’était pas loin des locaux du journal. Je m’y rendis alors à pied car le café où nous devions nous retrouver se trouver en plein cœur de Queen Street Mall. La rue était pas mal animée en cette heure matinale. De toute façon, nous australiens, nous réveillons toujours très tôt avec le soleil. Je rejoins donc le café en question et entra dans celui-ci, prenant place à une table non loin de l’entrée.
J’attendais cinq minutes à peine quand je vis Jax entrait dans le café. Il était grand, blond avec des yeux bleus aussi clairs que les miens. Je lui fis signe, le reconnaissant du fait d’une photo que j’avais trouvé de lui sur les réseaux sociaux. Il n’était pas venu seul mais accompagné de celui que je déduisais être son fils : « Madame McKullan ? Je suis Jax Collins ». Je me levais alors, attrapant la main qu’il me tendait « Enchanté Jax, vous pouvez m’appeler Mia ». Je préférais que l’on m’appelle par mon prénom et que nous nous tutoyons, chose que je m’apprêtais à lui proposer « Papa, pipi » fis le petit garçon qui l’accompagnait « Vous m’excusez, je reviens ». « Pas de souci ». Je m’asseyais à nouveau, en attendant que Jax revienne des toilettes avec son fils. Pendant ce temps, j’en profitais pour sortir mon petit cahier du sac et envoyait un texto à Knox « Je suis vraiment désolé, j’ai eu un souci pour le faire garder. J’ai essayé de vous appeler pour reporter le rendez-vous ». Je lui souriais « Ne vous inquiétez pas, ça ne me dérange absolument pas qu’il soit là. Et puis, nous prendrons le temps de faire l’interview. A savoir, nous aurions pu même faire ça dans un parc, ça aurait été plus plaisant pour lui ». Je regardais le petit garçon à qui je fis un grand sourire « Comment tu t’appelles mon grand ? » Il ressemblait beaucoup à son père. Je reportais mon attention sur Jax « Au fait, si cela te va, j’aimerai beaucoup qu’on se tutoie. Je trouve ça plus plaisant. J’aime faire mes interviews comme si j’étais avec un ami ou une connaissance de longue date, de sorte à ce qu’on soit plus à l’aise pour échanger ». Le serveur vint alors à notre rencontre « Je vous prendrai un ice chaî latte s’il vous plait ».
« Le parc, cela n’aurait pas été une bonne idée. A moins que vous vouliez poser vos questions en courant continuellement derrière un enfant » J’acquiesçai alors, comprenant son point de vue « Je ne suis jamais contre un petit footing cela dit. Je n’ai jamais fait d’interview en courant mais c’est original, vous m’avez donné une idée pour une prochaine interview ». Je souriais au jeune homme. Je le sentais un peu tendu, stressé du fait de son retard mais surtout du fait de la présence de son fils. Ce qui ne me dérangeait pas du tout de mon côté au contraire. J’aimais les rencontres naturelles, où je pouvais voir les personnes que j’interrogeais être eux même. Là, je pouvais découvrir Jax en tant que papa, chose que je n’aurai pas pu décrire dans mon article si nous avions été que tous les deux « Avec un peu de chance, on est tranquille pour une petite demi-heure » « D’accord mais vous savez la présence de votre fils ne me dérange absolument pas, au contraire. Et puis s’il s’ennuie, je lui proposerai de poser les questions à ma place ». Jax n’était pas le premier avec qui j’avais fait une interview avec l’enfant au milieu. En général, ça s’était toujours très bien passé et si celui-ci commençait à s’impatienter, bien souvent, je leur proposais de se mettre dans la peau du journaliste avec moi. Je leur glissais les questions dans les oreilles en murmurant et ils les posaient à son père ou à sa mère. C’était assez drôle et ça fonctionnait plutôt bien. « Vigil » Le petit garçon se présenta à moi, la façon dont il s’exprimait me fit sourire « Enchanté Virgil ». Jax fut d’accord pour que nous tutoyons, ce qui m’arrangeait grandement. L’interview serait ainsi plus chill et moins strict. Passant commande, l’interview pouvait commencer « Alors, la question bateau pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots ? ». J’aimais bien commencer de la sorte. C’était une question délicate, même moi lors de mon interview pour le Brisbane Times, mon collègue avait commencé par une question de la sorte et j’avais trouvé ça difficile. Par où commencer ? Où s’arrêter ? Je ne demandais pas le détail de sa vie, juste en résumé qui il était. De là, je pouvais rebondir et l’interview se ferait encore plus naturellement « Parles moi de ta profession par exemple, comment as-tu fais ce choix de carrière ? ». J’avais pleins de questions à lui poser à ce sujet « Est-ce que tu voyages beaucoup du fait de ton travail ? ». Mon petit carnet de notes ouvert, j’étais prête à noter quelques éléments qu’il allait me donner pour pouvoir écrire ensuite mon interview. « Tu es originaire de Brisbane ? ». J’aimais aussi en apprendre davantage sur lui, sur sa personnalité pour écrire un article authentique pour que les lecteurs puissent vraiment se rendre compte qui il était vraiment.
Si il y a bien une chose que j'ai envie de faire à Brisbane lorsque je le pourrais, c'est déménager à Logan City. Assurément le meilleur quartier de la ville. Des coins de verdure partout, un air moins pollué que dans d'autres endroits, des restaurants et des cafés aux thématiques toutes plus originales les unes que les autres, des parcs pour enfants... Il était fréquent qu'avec Ana nous allions un peu trainer dans cette zone de la ville, notamment car elle a son parc de jeux préféré ici. Cette enfant a du gout. Située dans l'un des nombreux parcs, il y a plusieurs structures de jeux pour enfants avec les classiques balançoires, mais également une sorte de bateau de pirate et une pieuvre géante. Ana pouvait jouer des heures et des heures ici. Et, voulant lui faire plaisir pour la énième fois de sa vie, elle peut remercier ses très bonnes notes à l'école, je décide de l'y emmener. Son sourire au moment de l'annonce me touche à chaque fois. Voir le bonheur dans ces petits yeux innocents n'a pas de prix. Sur place, je trouve un banc ou m'asseoir alors que ma fille décide de devenir une pirate qui dirige son bateau. Oui, il y a même un gouvernail sur la structure. J'en profite pour respirer cet air si frais, si particulier. Tout en gardant un oeil sur Ana, je sors un livre de mon sac et je commence à bouquiner. Les minutes filent à la vitesse de l'éclair, et entre deux aller retour de ma fille, cette dernière vient s'asseoir à côté de moi, la mine toute rouge, et m'explique qu'elle va mourrir de soif. Je ris aux éclats, elle a toujours tendance à surjouer cette petite princesse. Je regarde dans mon sac pour prendre la bouteille d'eau, mais.... C'est pas possible, je l'ai oubliée à la maison. Alors ça c'est pas de chance. Finalement, je lui propose de jouer encore un peu et ensuite nous irons dans un bar pour boire un petit quelque chose. Cette proposition lui va à ravir, et pour cause, il était très rare que nous allions boire un coup quelque part.
Après quinze ou vingt bonnes minutes de jeu supplémentaire, Ana semble enfin rassasié. Mais elle a toujours soif. Bien évidemment. Nous continuons notre chemin jusqu'à arriver devant le Death Before Decaf, un café en apparence très chic, et dont une succulente odeur provenait. Ma fille acquisse ce choix, et nous entrons dans les lieux. L'un des serveurs nous fait nous asseoir à une table, puis s'en va. C'est le moment que choisit Ana pour me dire qu'il faut absolument qu'elle aille faire pipi, elle ne peut plus se retenir. D'accord, c'est parti pour l'expédition des toilettes. Sauf que sur le chemin, et alors que l'on avance rapidement vers notre destination, je vois une petite main de petite fille se saisir d'une feuille de papier placée sur une table où était assis deux adultes et un très jeune enfant. Mais visiblement, Ana n'en avait pas grand chose à faire.
- Maman, c'est Pikachuuuuuuu !!!!
C'est très bien ma chérie, mais là tu viens d'arracher des mains de cet enfant son dessin, et ce n'est pas très gentil de ta part. Un peu confuse, je lui récupère la feuille des mains et la redonne à son propriétaire, présentant de rapides excuses. Dans les toilettes, j'explique à Ana qu'elle ne doit pas faire ce genre de choses car c'est très impoli. Je n'aime pas la réprimander, mais là je n'ai pas le choix, elle vient de faire n'importe quoi, et je me suis payée la honte. Après avoir fait sa petite affaire, nous nous dirigeons à nouveau vers notre table, mais avant, petite halte vers celle de sa victime.
- Ana, il me semble que tu devais dire quelque chose à ce petit garçon. - Pardon d'avoir pris ton dessin. - Veuillez l'excuser, elle adore Pikachu. Passez une bonne journée messieurs dames.
Une fois installées à nouveau, je félicite Ana d'avoir présenté ses excuses. Il est important qu'elle comprenne qu'on ne peut pas faire tout ce que l'on veut dans la vie. Et alors que nous discutons, le serveur vient nous demander notre commande. Un jus de pomme pour Ana, un simple verre d'eau pour moi. Ma fille remercie le serveur, semblant avoir compris ce qu'est la politesse. Je suis fière d'elle.
Spoiler:
Pardon de vous avoir dérangés, c'est pour la bonne cause Promis je vous embête plus
« Je peux même vous laisser mon fils lorsque vous ferez cette interview, vous me remercierez encore plus après ». Jax ne me connaissais pas encore mais il allait savoir que j’étais prête à relever les défis les plus fous « Vous savez cela ne me fait pas peur du tout. Je suis capable de vous rappeler ce jour là pour que vous m’ameniez votre fils ». Je souriais, pensant à cette situation qui serait sûrement très cocasse. Mais j’étais joueuse donc je me prêtais au jeu. Puis le fait que le jeune homme se détende un peu et fasse de l’humour me donnait envie de continuer dans cette voie pour le mettre à l’aise et donc qu’il soit plus ouvert pour l’interview. « Alors je m’appelle Jax Collins, j’ai 35 ans, je suis cascadeur professionnel et j’ai un fils de 3 ans ». Je notais les éléments même si tout cela ne m’était pas inconnu. Mis à part au sujet de son fils dont j’avais découvert l’existence en le voyant entrer dans le café ce matin « Et il te ressemble comme deux gouttes d’eau. Tu es papa célibataire ? » Je me permettais cette question car il avait dit plus tôt qu’il n’avait pas trouvé de solution de garde. Je ne savais pas si le jeune homme allait être d’accord d’entrer dans les détails au sujet de la mère mais je tentais quand même le coup. « En fait, je crois que j’ai toujours été prédestiné à devenir cascadeur. J’ai toujours été un peu casse-cou et ma mère l’a très vite remarqué. Alors pour me canaliser, elle m’a inscrite dans un club de judo. J’avais une bonne capacité à faire des chutes impressionnantes mais sans jamais me faire mal. Et c’est en voyant un film avec des gens qui grimpaient sur les murs que j’ai su que c’était ce que je voulais faire ». Jax devenait plus bavard et cela me montrait qu’il était passionné par ce métier « Tu dis que tu étais casse-cou… Est-ce que ça veut dire qu’à l’école tu avais un comportement violent ? Je veux dire le genre bagarreur ou pas du tout ? Et le fait que tu as su rapidement que c’est ce que tu voulais faire, quel genre d’élève étais-tu à l’école ? ». J’aimais faire un portrait complet sur les personnes que j’interviewais, montrer aux gens leur parcours pour qu’ils arrivent à bien le cerner « Je serai curieuse de te voir en action cependant. Tu vois moi par exemple, je suis une grosse froussarde en hauteur. J’ai le vertige je serai incapable de sauter même en étant assuré. Il n’y a pas des choses qui t’effraient dans ton métier ? Ou une cascade que tu aimes moins faire que d’autres ? ». Mon interlocuteur allait apprendre aussi que j’étais très curieuse et surtout très bavarde. C’était plus fort que moi quand quelque chose m’intéressait, je pouvais parler pendant des heures et « harceler » la personne en face de moi de questions. Oui ma carrière de journaliste n’était pas anodine me diriez-vous. « Quelle a été ta plus grosse blessure pendant un tournage ? Enfin si tu en a déjà eu une ? ». Je demandais ensuite au jeune homme si celui-ci voyageait beaucoup du fait de son métier. Il m’énumérait alors les différents pays dans lesquels il avait pu travailler « J’ai pas mal voyagé surtout aux Etats-Unis mais j’ai fais aussi l’Irlande, l’Angleterre ou même la France ». Je souriais alors tout en notant les pays qu’il venait de m’énumérer : « Tout comme moi. J’ai eu la chance de parcourir le monde et je suis passé par ces pays-là, j’en garde d’excellents souvenirs. Tu as eu une préférence ? » J’étais passionnée par les voyages et forcément, quand quelqu’un abordait ce sujet-là, j’étais tout de suite encore plus bavarde. « Tu n’as jamais envisagé de travailler justement dans un de ses pays plutôt qu’ici en Australie ? Je pense notamment aux Etats-Unis où il y a plus de possibilités de carrière dans ce domaine ? ». C’était une chose qui m’intéressait aussi personnellement. Pouvoir un jour allait travailler ailleurs ou parcourir le monde à nouveau du fait de la sortie de mon bouquin. J’en rêvais et plus le temps passé, plus l’envie était présente : « Oui je suis originaire de Brisbane ». Il n’ajouta rien de plus à ce propos « Bienvenue au club. Tu as grandi dans quel quartier ? ». Forcément, le fait qu’il soit lui aussi originaire d’ici m’intéressait. Nos chemins s’étaient peut être croisés à un moment ou à un autre… « Au fait, si jamais il y a des choses que tu souhaites que je ne dise pas dans mon article, tu es tout à fait en droit de me le dire et je respecterai ton choix ». J’essayais de le mettre vraiment à l’aise et de lui montrer qu’il pouvait aussi me faire confiance.
Alors que l’interview se passe plutôt bien une petite fille vient subitement arracher le coloriage de Virgil. Le pauvre garçon ne comprend pas réellement ce qui se passe et se met à hurler. Nous stoppons donc l’interview mais la maman de la petite fille lui demande de lui rendre immédiatement le dessin et de s’excuser. Je n’interviens pas, laissant Jax gérait la situation. Mais les paroles de la maman qui explique que sa fille est une fana de Pikachu me fait sourire. Elle nous souhaite alors une bonne journée et j’en fais donc de même (@Dalina Mora )
« Vous risquez de le regretter ». Cela me fit sourire « Dans ce cas, vous resterez avec moi » Un clin d’œil accompagna mes paroles « Plus sérieusement, j’ai l’habitude des enfants de cet âge, mon meilleur ami a un petit garçon lui aussi dont je m’occupe assez souvent. Je devrais pouvoir survivre ». Les enfants en bas âge n’étaient pas de tout repos mais, même si moi je n’avais pas d’enfants, j’en avais l’habitude avec Aaron, l’enfant d’Adam. L’interview commença et je lui demandais alors s’il était père célibataire « Oui. ». Il n’en ajouta pas davantage, je décidais donc de ne pas poursuivre sur cette voie. Je pouvais parfaitement comprendre qu’il ne veuille pas s’étaler sur sa vie privée, surtout avec une journaliste et inconnue. J’interrogeais ensuite Jax pour savoir s’il était lui-même violent, du moins à l’école, car être cascadeur impliqué souvent des bagarres et donc, il aurait pu être ce genre d’enfants à l’école « Ah non pas du tout, j’ai toujours eu et j’ai encore du mal avec la violence. Je trouve que cela ne sert à rien. J’étais un garçon calme, posé et assez sérieux à l’école. Mais par contre, j’adorais tenter de sauter d’un rocher à l’autre même s’ils étaient trop loin, j’aimais grimper dans les arbres ». Je souriais en l’écoutant parler « Tu as du faire des frayeurs à tes parents. Et j’imagine que tu as du souvent te retrouver à l’hosto ». Je notais ce qu’il m’avait dit concernant son comportement à l’école qui était bien différent du casse-cou qu’il pouvait être à l’extérieur. « Si jamais je suis en tournage sur une série médiévale à Brisbane, je peux t’avoir un pass pour une journée ». Il ne pouvait pas trouver mieux à me proposer, j’en étais ravie « Ce serait super ! Je pourrais même venir avec un collègue pour qu’on te filme et qu’on te prenne en photo. Je ferai un petit reportage du style « une journée avec Jax Collins ». J’ai encore plus hâte de voir ça ». J’étais très emballée par l’idée et j’espérais vraiment qu’on puisse concrétiser celle-ci. En plus, en le filmant, les gens pourraient voir sur le site web des vidéos de lui en action ce qui serait deux fois plus parlant qu’une simple interview. « Forcément on fait un métier avec des risques donc il y a toujours de la peur mais en même temps, c’est cela qui fait qu’on reste concentré dans n’importe quelle situation ». Je notais car je trouvais vraiment sa réflexion intéressante « Oui c’est préférable de bien rester concentré. Puis tu as choisi ce métier aussi pour cet aspect-là, pour les poussées d’adrénaline et repousser tes limites j’imagine ». Il me parlait alors de sa pire blessure du fait de son métier « Je me suis luxé l’épaule en tombant d’une voiture en marche. Je suis mal retombé ». Je grimaçais en imaginant la scène et surtout la douleur que cela avait dû être « Comment ça se passe dans ces cas-là au niveau des tournages ? Ils arrêtent ou, malheureusement pour toi du coup, ils recrutent un autre pour te remplacer ? ». Je gribouillais sur mon cahier tout en continuant de l’interroger. Nous abordions ensuite un sujet qui était passionnant pour moi, celui des voyages « J’ai adoré la France, je trouve ce pays magnifique mais je me vois pas quitter définitivement l’Australie. Ma mère et mes sœurs sont ici et j’ai besoin d’elles, besoin de les avoir près de moi. Je préfère faire les voyages lorsque je décroche un travail. Et toi alors, tu as visité quels pays ? ». Ce que j’aimais dans mes interviews c’est que ce soit donnant donnant. Du coup, je n’étais pas réticente à ce que l’interviewé devienne l’interviewer et vice versa. Je préférais un échange plutôt qu’un simple interrogatoire qui n’irait que dans un sens. Cela permettait aussi de mettre la personne que j’interrogeais plus à l’aise et d’en apprendre aussi plus sur moi et ainsi me faire confiance « La liste va être longue mon vieux j’ai voyagé pendant deux ans. J’ai fais un tour du monde avec mon petit ami de l’époque ». Je grimaçais rien qu’à l’idée de l’évoquer, n’étant plus avec lui désormais et surtout parce qu’il m’avait juste mis le cœur en miette « J’ai fait principalement le Japon, l’Inde, les pays européens comme toi mais aussi l’Espagne, les Etats Unis, le Canada où j’ai pu travaillé d’ailleurs, l’Afrique du Sud… Je te donne un peu tout dans le désordre mais disons que j’en ai vu du beau monde. Et j’aimerai beaucoup repartir car je n’ai évidemment pas tout vu ». Tout en parlant, j’avais laissé mon stylo de côté. C’était vraiment plaisant de discuter ainsi avec lui. Et puis, le feeling passait plutôt bien. « Si tu pouvais éviter de trop parler de mon fils. Je préfère que l’article tourne autour de mon métier ». J’acquiesçait alors « Ne t’en fais pas, je n’en parlerai pas du tout. Le fait que tu sois venu accompagné de ton fils et que celui-ci sont un petit ange ne sera pas divulguer. Ni le fait que tu semble être un papa génial ». J’avais vu son comportement avec le petit garçon et surtout le fait qu’il lui dise de donner un coloriage à la petite fille ne faisait que conforter mon idée.
Mon téléphone se mit à sonner une première fois. MAMAN apparut sur l’écran. Je raccrochais alors « Désolé ». Je n’avais pas envie de répondre non seulement parce que j’étais en interview mais en plus parce que je n’avais tout simplement pas envie de lui parler. Mais celui-ci sonna une deuxième fois. Je soupirais fortement « Bon, visiblement c’est urgent je te laisse deux minutes, vraiment désolé ». Je m’absentais alors, allant dehors pour répondre à ma mère. Pendant ce temps là, le serveur vint enfin servir nos boissons. Enfin, à moitié : « Désolé pour le temps d’attente. Mais nous avons un souci avec la commande de votre sœur. Nous n’avons plus de chaï, est-ce que vous pourrez lui dire pour qu’elle puisse choisir autre chose ? ». Le serveur partit alors au même moment que je rentrais à nouveau dans le café pour reprendre place face à Jax « Je m’excuse encore c’était ma mère. Elle a le don de m’énerver… Bref rien de grave ». Je marquais une pause, voyant le café et la grenadine servie : « Tu as eu ta commande ? Ils m’ont oublié non ? ». Je posais délicatement mon portable à côté de mon cahier de notes, reprenant donc place face à Jax.
« Ah bah c’est sûr que ce n’était jamais agréable pour eux de recevoir un coup de téléphone de l’école en disant que je m’étais fait une entorse ou que j’étais tombé sur la tête ». J’imaginais, les parents de Jax devaient certainement appréhender les coups de fil de la part de l’école. Je souriais lorsqu’il me racontait ces anecdotes et prenait des notes aussi, je trouvais que cela avait tout à faire sa place dans l’article. « Du coup, comme tu es papa, est-ce que tu aimerais toi qu’il suive éventuellement cette voie ? En te mettant maintenant à la place de tes parents, est-ce que tu n’aurais pas peur au final car c’est quand même un métier dangereux ? » Je marquais une pause et ajoutais « Ne t’inquiète pas, c’est une question que je te pose personnellement mais je ne noterai rien à ce propos dans l’article ». J’accompagnais mes paroles avec les gestes en déposant mon stylo sur la table. Encore que je pouvais très bien tourner sa réponse autrement en disant tout simplement que, lorsqu’il aurait des enfants, il aimerait qu’ils exercent ou non ce métier. C’était totalement envisageable et cela ne révélait pas l’existence de son fils. « J’ai bien dû partir 3-4 fois avec les pompiers quand j’étais môme ». Impressionnant comme panel ! Jax me proposait alors une journée sur les plateaux de tournage. J’en rêvais. J’avais déjà fait quelques plateaux mais pour suivre des acteurs ou scénaristes. Mais jamais les cascadeurs qui étaient, selon moi très peu reconnus et pourtant sans qui, les films n’auraient pas les mêmes effets « J’essayerais de voir demain avec ma direction si c’est faisable et je te dirais ». J’étais excitée comme une puce à l’idée que cela puisse se concrétiser « Je croise les doigts pour qu’ils soient d’accord. N’hésitez pas s’il le faut à leur dire que cela fera une très bonne publicité pour la sortie de leur film. Et s’il faut tu peux leur donner mes coordonnées, je peux me montrer très persuasive ». J’étais une acharnée et passionnée de mon travail. Et en général, quand je voulais quelque chose, je finissais toujours par l’obtenir. Enfin, professionnellement parlant en tout cas. L’interview se déroulait à la perfection, l’échange se passait sans encombre et nous avancions bien. Il me parlait alors de sa passion pour son métier et je me voyais un peu en lui. Il était passionné tout comme je l’étais par mes deux métiers de journaliste et écrivaine. « Chaque cascade est différente, chaque cascade est dangereuse, et c’est cela qui me plait dans le métier. L’adrénaline c’est un pur bonheur ». J’acquiesçais tout en couchant mes notes sur le papier « On peut pas arrêter le tournage. Si c’est quelque chose de bénin, on fait avec. J’ai tourné plusieurs scènes avec un genou qui avait doublé de volume, mais on se plaint pas ». Je me doutais qu’il ne devait pas être de ceux qui se plaignaient sans arrêt « Je n’en doute pas une seconde. Tu m’as l’air d’être un dur à cuire » fis-je en souriant. « Si c’est vraiment grave alors ils recrutent quelqu’un dautre et nous, on est plus payé ». Ce qui était logique même si c’était difficile pour la personne concernée « Ca t’es déjà arrivé j’imagine ? Mis à part l’aspect financier, j’imagine qu’aussi moralement ce n’est pas évident ? » On se donne corps et âme dans quelque chose et cela s’arrête du jour au lendemain du fait d’une blessure, je ne pouvais qu’imaginer à quel point cela pouvait être décevant. « Et si tu n’avais pas été cascadeur, quel métier aurais-tu aimé exercer ? ». C’était toujours une question que j’aimais poser aux personnes que je rencontrais.
Je m’absentais suite à un coup de fils de ma mère. Elle avait eu vent de l’histoire d’Adam avec Noah et souhaitait lui venir en aide. Je lui avais donné les coordonnées d’Adam rapidement. Elle avait voulu poursuivre la conversation mais je l’avais coupée dans son élan en lui disant que j’étais en plein interview. Je revenais alors à la table, ignorant encore que la serveuse avait pensé que Jax et moi étions frère et sœur « Il faut choisir autre chose, ils avaient plus de chaï ». Je grimaçais alors, un peu mécontente. J’appelais alors la serveuse « Je suis désolé comme je disais à votre f… ami, nous n’avons plus de chaï ». Je ne sais pas quel mot elle avait voulu prononcer avant de dire ami, chose que je ne relevais guère plus que ça « Ce n’est pas grave, je vais vous prendre un latte s’il vous plait ». La serveuse nota cela sur son calepin et alla rapidement me préparer ma commande. Deux minutes après, elle me l’apporta « Voilà, c’est au frais de la maison pour nous faire pardonner. ». Je souriais à la serveuse la remerciant pour le geste.
Jax semblait avoir eu une enfance épanouissante, avec des parents aimants. La manière dont il parlait d’eux le démontrait en tout cas. Ils avaient été toujours là pour lui, supportant les choix qu’il faisait, l’encourageant à devenir la personne qu’il était désormais. Et il voulait reproduire ce schéma visiblement avec son fils, si jamais celui-ci choisissait la même voie que lui, ou une autre « Je ne le pousserais pas à devenir cascadeur mais je le suivrai dans ses choix, je l’encouragerai même. C’est comme cela que mes parents ont fonctionné et c’est grâce à eux que j’ai pu réaliser mes rêves ». Je souriais tout en finissant de noter ce qu’il venait de me dire « Je trouves que c’est un très bel exemple que tu as eu avec tes parents. Ils ont été présents et t’ont encouragé dans tes choix. Ce n’est pas donné à tout le monde. J’imagine que tu as de bons rapports avec eux encore aujourd’hui ? » Oui parce que ce n’était pas donné à tout le monde et j’en connaissais un rayon là-dessus. Je n’avais pas à me plaindre, mes parents m’avaient toujours encouragé… Mais depuis leur divorce, mon rapport avec eux était juste… catastrophique. En y pensant, je devenais un peu rêveuse et ne prêtais plus vraiment attention à Jax pendant quelques instants. J’étais comme absente, la mine un peu déconfite… Jax me proposa ensuite de m’inviter sur un plateau de tournage où je pourrais le voir à l’œuvre dans son métier de cascadeur. J’espérais que cela allait vraiment se concrétiser, mais j’en doutais que très peu. « Lorsque je me suis fait la luxation de l’épaule, j’étais en Italie. C’est vrai que c’est dur surtout que cela se sait très vite dans le métier. On sait aussi qu’il faut se soigner correctement et prendre le temps de récupérer car les réalisateurs sont très vigilants par rapport à cela ». Je ne doutais pas que cela puisse être difficile à vivre lorsqu’on était contraint d’arrêter un tournage de force, du fait d’une blessure. Et certainement que cela pouvait porter préjudice même sur le plus long terme et pas seulement que sur un film. Je prenais toujours des notes, demandant alors à Jax s’il avait déjà envisagé une autre carrière « Je me suis jamais posé la question en fait. Je sais que j’aurai pas pu rester assis derrière un bureau, il me faut de l’action. Peut être pompier professionnel ou militaire ou élagueur pourquoi pas ». C’était des belles carrières qu’il choisissait là également « Les métiers que tu cites ne m’étonnent pas et je pense que tu aurais aussi bien réussi dans ces branches ».
L’interview avançait plutôt bien, le petit Virgil était toujours concentré sur ses coloriages. Tout s’était bien enchaîné et j’arrivais à la fin de mes questions. « Je n’ai plus de questions à te poser, je pense qu’on a fait le tour. Mais je suis ravie d’avoir pu discuter avec toi Jax. C’était très agréable ». Même s’il avait pris petit à petit confiance avec moi, je trouvais qu’il restait bien secret. En tant que journaliste, je mourais d’envie de lui poser plus de questions sur sa vie perso, non pas pour en parler dans mon article, mais juste parce que quelque chose au fond de moi me donnait envie d’en savoir plus à son sujet. Je ne pouvais expliquer ce sentiment. Mais je ne voulais pas effrayer mon interlocuteur. Je me disais que peut être il s’ouvrirait davantage à moi lors de notre prochaine rencontre.
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