Les jumeaux sont nés. Ils sont là, je peux les voir, les prendre dans mes bras et pourtant tout cela me paraît encore complètement irréel parfois. Comme la sensation d’être dans un rêve qui parfois tourne un peu au cauchemar. L’accouchement de Jill a été long, vraiment long… Elle s’est épuisée durant les heures de travail et si Tracy est venue au monde sans aucun problème, Bowie lui a mis quelques secondes avant de respirer par lui-même. Depuis notre petit garçon est surveiller par les médecins. Ce matin encore, ils nous on assurer qu’il n’avait pas eu de souci et qu’après un dernier examen en fin de journée, il pourra retrouver sa sœur. C’était une bonne nouvelle. Cela n’a même pas arraché un sourire à Jill… Elle semble perdue depuis l’accouchement. Je me souviens encore de cet instant où elle a perdue connaissance et où j’ai bien cru que mon monde allait prendre fin. Depuis son réveil, elle m’évite, ne veut pas trop parler et tente se focaliser sur Tracy même si elle perd vite patience et s’enfuit dès qu’elle en a l’occasion pour aller voir Bowie. Je ne lui en veux pas, notre petit garçon est loin de nous et ce n’est pas normal pour une mère. Tracy va bien alors elle se concentre sur Bowie. Mais aujourd’hui les visites s’enchaînent et nous n’avons pas réellement quitter la chambre. Matt est là, il est déjà gaga avec la petite et je sens que sa présence apaise quelque peu Jill. « Je vais aller voir Bowie. » Excuse parfaite pour leur offrir une bulle d’intimité entre frère et sœur. Peut-être qu’elle arrivera à lui parler.

Je connais le chemin jusqu’à la pouponnière par cœur. Bowie est là, près de la vitre, il dort paisiblement. Une petite main sur son ventre, l’autre au-dessus de sa tête. Ils ont surveillé sa respiration pendant vingt-quatre heures avec un appareil, il n’y a pas eu de souci. Maintenant, il va pouvoir nous rejoindre dès que le médecin aura donné le feu vert durant sa visite de l’après-midi. Je suis impatient du moment où mes enfants seront ensemble avec nous et où Jill pourra avoir l’esprit un peu plus apaisé.

Perdu dans la contemplation de mon fils, je finis par sentir une présence à côté de moi. Une jeune femme brune dont le visage m’es étrangement familier. Il me faudra quelques secondes avant de percuter. « Tu es l’amie de Jill et Matt, non ? » que je demande quelque peu hésitant.

@noa jacobs

Je n’étais pas venu aussi souvent dans cet hôpital que ces dernières semaines. Jill m’avait annoncé sa grossesse la dernière fois qu’on s’était vu et depuis, si j’avais quelques nouvelles de la part de Matt, je n’avais pas eu signe de vie de la jeune demoiselle. Mais je ne lui en tenais absolument pas rigueur, pour plusieurs raisons : nous nous connaissions depuis peu, je n’étais pas une priorité pour elle et elle avait sans doute bien d’autres chats à fouetter que de m’écrire pour savoir si j’étais dispo pour x ou y raison. Matt avait fini par m’appeler pour m’annoncer la naissance des jumeaux. Je partageais sa joie, ayant appris moi-même la naissance de ma nièce début juillet, je savais la sensation procurée à l’idée d’être tata ou tonton, dans son cas. Je lui avais demandé si c’était déplacé de me rendre à la maternité pour rendre visite à la jeune femme et faire connaissance avec ses petits bouts, me demandant si je ne la dérangerai pas, si elle n’aurait pas plutôt envie d’être avec ses proches ou de profiter pleinement de ses bébés. Mais Matt m’avait confirmé que c’était cool que j’y aille et qu’il n’y avait pas de problème – pour autant, devais-je le croire sur parole, lui qui était toujours optimiste et partant pour tout, son enthousiasme n’était peut-être pas partagé par sa sœur.
Pour me conforter, il m’avait proposé qu’on s’y rendre ensemble, qu’il me rejoigne directement à l’hôpital et comme ça, si sa sœur aurait envie de râler, elle râlerait avant tout sur lui. J’avais accepté, trouvant l’idée plutôt génial, je me ferai de nouveau passer pour la gentille compatissante quand lui se fera passer pour le gros lourd qui ne comprend rien à rien.
J’étais un peu en avance, ou plutôt, j’étais à l’heure quand Matt lui était en retard, mais rien de bien étonnant à vrai dire, c’était toujours comme ça. On m’avait indiqué où se trouvait la chambre de Jill et où je pourrais voir aussi ses bébés. Matt avait cependant oublié de me prévenir d’une chose : que si pour l’un des jumeaux tout semblait bien s’être passé, pour le seconde, ce fut plus compliqué et celui-ci était à la pouponnière, surveillée depuis sa naissance. L’absence de Matt me mettait davantage mal à l’aise à présent mais puisque j’étais invitée à me rendre vers la chambre pour aller voir la maman…
Passant devant cette pièce vitrée où se trouvaient plusieurs bébés qui semblaient être sous surveillances aigues des médecins, je jetais un œil pour tenter de repérer ce bout de choux qu’avait mis au monde Jill. Un pincement au cœur en les voyants ainsi. J’avais fais ma pause à côté d’un jeune homme qui m’interpella. « Tu es l’amie de Jill et Matt, non ? » je le regardais un moment avant de hocher la tête pour lui répondre. « C’est ça… » et mon intuition me fit comprendre qu’il devait être le père des bébés. Si mes souvenirs étaient bon « Bailey ? » nous ne nous étions jamais vu mais j’avais eu l’occasion d’entendre parler de lui à plusieurs reprises. « Comment ca se passe ? » que je demande inquiète.

Le nez pratiquement collé à la vitre, je ne lâche pas mon fils du regard. Il semble si petit emmailloter dans ce drap blanc, poser dans ce berceau bien trop grand pour lui tout seul. Un fil est attaché autour de son petit pied, probablement pour surveiller ses constantes. Un masque est posé au bord de son berceau, préparer à la moindre baisse d’oxygène, à la moindre respiration ratée de sa part. Son arrivée au monde fut si brutale alors que sa maman n’avait plus aucune force et que ses poumons ne semblaient ne pas vouloir fonctionner. Quelques minutes de vie et déjà on l’arrachait à nous pour lui faire passer une batterie de tests. J’ai eu le droit de le suivre, mais je ne pouvais pas le toucher alors qu’il pleurait face au médecin. Il va bien et c’est tout ce qui m’importe. Il nous a fait une belle frayeur, mais désormais le mot se passe dans les couloirs de la maternité, le petit Bowie Fitzgerald est le favori des infirmières. Elles disent toutes qu’il est vraiment sage et j’ai déjà eu le droit à tout un tas de questions sur l’origine de son prénom. Je suis déjà catégorisé comme le papa poule, accro à la musique, qui a nommé son enfant comme son artiste favori. Il porte très bien son prénom mon fils.

Et tel la nomination que l’on ne me cesse de donner, je l’observe mon fils. Lui qui bouge lentement son petit bras avant de bâiller. Je l’observe et je me demande si tout ira bien avec sa maman. Si on arrivera à tout gérer entre sa sœur et lui. Je me pose un million de questions qui se retrouvent couper par la présence d’une brunette à mes côtés. Je crois la reconnaître, il me faudra un temps avant de réaliser. « C’est ça… Bailey ? » Je hoche la tête dans un sourire. « Oui. » Le papa, mais ça on ne le précisera pas. Je crois que tout le monde est au courant désormais. Elle cherche du regard la jeune femme, alors je pose mon doigt contre la vitre pour lui montrer notre petite merveille. « C’est lui, Bowie. » Elle immense la fierté quand je prononce ces quelques mots. « Comment ça se passe ? » « Il va mieux. » que j’assure tout aussi rapidement. Je ne laisserai personne affirmer le contraire. « Il… Il a eu un petit souci à la naissance, mais ça va maintenant. Ils préfèrent juste le surveiller. »

« C’est lui, Bowie. » je suivais le bout de son doigt qui pointait ce petit bout derrière la vitre. Sous oxygène, branché par ci par là pour surveiller sans doute quelques constantes, c’était une image assez difficile à voir pour un petit bout comme ça. Mais le père à côté de moi semblait relativiser. Si effectivement, il y avait eu quelques complication lors de l’accouchement, il semblerait qu’à présent tout soit sous contrôle. « Il… Il a eu un petit souci à la naissance, mais ça va maintenant. Ils préfèrent juste le surveiller. » il me confirme ce que je pensais. Je souris timidement, hochant ma tête déjà légèrement en biais. « Jill a fait un beau boulot, deux bébés, c’est pas rien… » S’il parait que l’accouchement est un des plus beaux moments d’une femme, c’est surement pas l’acte en lui-même qui nous fait dire ça. Trop de dommage collatéraux et de douleurs subies par les femmes pour donner tant de rêve. Non, vraiment, j’étais pas pressé de vivre ce moment un jour. « Félicitations, aussi. » je ne devais pas oublier le papa. « Alors, ça fait quoi ? » quelle question con, en réalité. « Pardon, bien sûre, ca doit être fou ! » pour ne pas dire, merveilleux et magique, une grosse dose d’amour et le flippe aussi. En somme, le discours que tous les nouveaux parents sortaient : que du bonheur ! haha.
« Eh comment va Jill ? Elle doit être crevée… » parce que j’vois bien qu’Arrow est pas en pleine forme non plus après avoir donné la vie et que ce moment éprouvant mériterait un repos complet pendant une semaine. Mais arrivée de bébé n’était pas compatible avec ce principe de repos du guerrier. « Matt devrait arriver, il devrait être là d’ailleurs… j’espère qu’on gêne pas. J’voulais pas déranger alors qu’elle est pas sortie de la maternité, mais il m’a dit que c’était ok. » si c’est pas pour dire qu’il m’avait forcé la main. « Enfin, si jamais c’est compliqué, j’passerai la voir quand elle sera rentrée… »

« Jill a fait un beau boulot, deux bébés, c’est pas rien… » Je ne peux qu’approuver, alors que mon regard se vrille à nouveau sur la couveuse de mon fils. Deux bébés. On a tellement eu de mal à se projeter, à l’imaginer concrètement et voilà qu’ils sont parmi nous. L’accouchement fut une véritable épreuve, physique et mentale pour Jill. Je ne sais encore évaluer les conséquences de tout cela, mais c’est quelque chose qui m’inquiète. Cela n’enlève en rien la force qu’elle a su décupler pour mettre nos enfants au monde. Si Tracy était arrivée assez rapidement, ce ne fut pas le cas pour Bowie. Je n’oublierai jamais le cri qu’elle a lâcher alors qu’elle se battait corps et âme pour lui donner la vie. « Félicitations, aussi. » Noa me ramène sur terre et je croise son regard dans un petit sourire. « Alors, ça fait quoi ? Pardon, bien sûre, ça doit être fou ! » Le mot n’est pas assez fort pour tout décrire. Ils sont là et je les ai aimés à la seconde où mon regard, c’est poser sur eux. Comme une évidence, quelque chose qu’on ne pourra jamais clairement expliquer. « Je serais pas le décrire. » que j’avoue un peu penaud. « C’est plus que ce que j’avais imaginé. » C’est un amour viscéral, presque bestial. Ils sont mes enfants et dès l’instant où ils sont nés, j’ai su que désormais toute ma vie s’accorderait selon eux.

« Eh comment va Jill ? Elle doit être crevée… » Une fois encore, le mot semble faibles. Elle est épuisée, au bout du rouleau, essouffler de tout. Elle m’effraye Jill tant elle ce mur dans son silence, tant elle ose à peine approcher les petits. Je ravale ma salive, tente de trouver la force de lui offrir une réponse correcte. « C’est un peu compliqué. » Bowie ne respirait pas quand il est arrivé au monde et ça Jill va s’en vouloir pendant longtemps, je le sais parfaitement. « Elle va avoir besoin d’un peu de temps. » que je concède, persuadé que ma femme finira par trouver sa place dans notre famille.

« Matt devrait arriver, il devrait être là d’ailleurs… j’espère qu’on gêne pas. J’voulais pas déranger alors qu’elle n’est pas sortie de la maternité, mais il m’a dit que c’était ok. Enfin, si jamais c’est compliqué, j’passerai la voir quand elle sera rentrée… » Cette fois-ci, je me tourne complètement vers Noa. « Non, tu as bien fait. » Je me doute que Matt cherche à se vanter auprès de ses plus proches amis d’être le meilleur parrain de la planète entière. Il est comme ça le McGrath et les enfants l’adoreront, rien que pour ça. « Elle est un peu fatiguée, il vaut mieux ne pas rester trop longtemps. » que je demande malgré tout. « Et ne pas la harceler de questions. » Laisse là respirer, quand elle a tant besoin de ça.

« Je serais pas le décrire. C’est plus que ce que j’avais imaginé. » J’trouve ça beau, comme il à complétement l’air d’être sur une autre planète et de pas avoir encore fait redescendre toute la pression. J’trouve ça beau comme il a une petite étoile qui brille, surement le reflet de l’étoile la plus proche sur sa petite planète là-haut. Je souris, attendrie et touchée à la fois. Je voyais de plus en plus de bébé naitre dans mon entourage et ça m’apportait de bonnes nouvelles, un peu d’espoir quand d’autres part, parfois tout n’est pas si rose. Un bébé n’est pas anodin, deux alors… Un bouleversement dans leur vie, j’imagine bien que les mots ne soient pas suffisamment forts pour exprimer tout ce qu’on peut ressentir. Beaucoup d’amour, beaucoup de peur sans doute, des doutes et des appréhensions, mais un regard vers l’avenir, à mon avis, comme on ne l’a jamais eu avant. On a beau avoir des projets pleins la tête, quand on est plus tout seul dans l’équation, ça change la donne.
Je me demande comment Jill se positionne dans cette équation justement, comment elle se sent aujourd’hui après avoir fait ce qu’il parait être, la plus belle chose qu’une femme puisse faire : donner la vie. « C’est un peu compliqué. Elle va avoir besoin d’un peu de temps. » J’imagine qu’elle est choquée, j’imagine qu’elle a du avoir la peur de sa vie, elle doit avoir besoin de se reposer, de reprendre des forces. Cependant, le ton employé par le jeune père me semble être un peu inquiétant. Comme si au dela de la naissance compliqué, il redoutait bien plus de choses. Je ne sais même pas si ces naissances étaient voulues, si concevoir un enfant était prévu. J’ignore si c’était finalement un si bonne nouvelle.
Comprenant que ce n’était peut être pas le moment de venir, il était encore temps de faire demi tour et de laisser la belle maman tranquille. « Non, tu as bien fait. Elle est un peu fatiguée, il vaut mieux ne pas rester trop longtemps. » je hochais la tête, comprenant bien et n’ayant pas l’intention de m’imposer plusieurs heures, je suppose qu’une petite demi-heure serait bien suffisante. « Et ne pas la harceler de questions. » je fronçais les sourcils. « Est-ce qu’elle va vraiment bien ? » j’veux dire, en dehors d’être fatiguée, en dehors de la peur qu’elle a eu… J’ai vraiment l’impression d’un truc palpable qui me dise rien qui vaille. Je sais bien que je ne connaissais pas Bailey, qu'on se voyait ici pour la première fois, mais j'avais comme le sentiment qu'il avait besoin de lâcher quelques chose et si je pouvais être une oreille attentive pour lui, je le serai...

C’est idiot non ? De ne plus savoir trouver les mots. Elle m’a posé une simple question, la brunette, pourtant je me retrouve incapable de lui donner une réponse correcte. Ce serait bien trop bateau que de parler de sentiments et j’ai toujours été bien incapable de formuler mes émotions. Elle est simple ma réponse, mais elle n’a jamais été si vraie. C’est un mélange de beaucoup trop de choses à la fois. Je comprends les parents qui nous disent, parfois, que c’est une chose que l’on pourra comprendre que lorsqu’on la vivra réellement. Me voilà père de deux enfants. Ce n’est pas quelque chose que j’aurai pu envisager, il y a de cela encore des années, mais cela sonne désormais telle une évidence. Je suis père. Et jamais je ne serais comme le mien. Ce sera bien mon objectif premiers dans cette nouvelle aventure qui me tend les bras.

Je tente d’enjoliver les choses, de rassurer Noa quant à sa présence dans ses lieux. Elle venait rendre visite, ce serait plus que malpolie de lui faire comprendre que ce n’est pas le moment. Matt voulait probablement que son amie soit à ses côtés et je le comprends. Pour moi, elle n’a rien d’une étrangère tant elle semble graviter autour des McGrath depuis ce qui semble être des années. « Est-ce qu’elle va vraiment bien ? » Sa question me déstabilise quelque peu. Est-ce que c’est si évident ? Je me racle la gorge, fuis quelque peu son regard. « Je ne sais pas. » Il est probablement là, le plus gros problème. Je ne sais pas parce que Jill ne m’a pas adressé la parole depuis qu’elle est retournée dans sa chambre. Je ne sais pas parce que l’accouchement à été long et compliqué, parce que notre fils a arrêté de respirer. « Elle s’en veut de ce qui lui arrive. » Elle n’a pas besoin de me le dire pour que je le comprenne. « Et je sais pas si elle était réellement prête. » À devenir mère. « Ils sont arrivés avec un mois d’avance et pour ça aussi, elle va s’en vouloir. » Tout sera prétexte pour que les voix viennent empiéter sur sa raison. Pour que la maladie prenne le dessus.

« Je ne sais pas. » qu’il fini par dire, comme si c’était presque une délivrance de ne pas enjoliver la chose. J’ai jamais accouché, j’ai jamais eu d’enfant, mais j’ai souvent vu que c’était pas toujours aussi beau et parfait qu’on pouvait le dire. Il y avait un espèce de tabou sur toutes ces question sur la maternité, parce qu’il y a une injonction permanente qui nous oblige preque, nous le femmes, d’avoir une séxualité parfaite, d’être toujours propre, de ne pas faire de vague, de faire en sorte que la grossesse se passe au mieux possible : ne pas fumer, ne pas boire, ne pas manger n’importe quoi, ne pas trop manger, changer toutes ses habitudes de vie du jour au lendemain, c’est légitime en soit, c’est pour la santé du bébé, mais c’est très culpabilisant, parce que tout le monde se permet de donner son avis. Tout le monde se permet de te dire comment faire ci ou ça alors que ça regarde juste personne. J’avais tenté de ne pas m’impliquer autant dans la grossesse d’Arrow, de garder ma place de sœur, de tata, et non pas de médecin ou je ne sais qui spécialisée dans les questions de santé. J’y connaissais rien à vrai dire, j’me contentais de lire des témoignages à droite et à gauche, la parole des femmes se libères, elles osent dire enfin qu’une fois bébé présent, elles savent pas toujours comment faire, elles osent dire qu’elles sont fatiguées et qu’elles ont peurs et parfois, elles osent dire qu’elles n’aimaient pas si facilement leur enfant, que le manque de sommeil, que le manque de tout, que ce kidnapping de la vie d’avant, c’est dur. Le baby blues, je sais pas si c’est ça le mot, mais moi j’dirai plutôt un gros burn out de la vie ! Faut s’en remettre de tous ces changements et pour ça, faut du soutien et être capable de demander de l’aide.
« Elle s’en veut de ce qui lui arrive. » c’est exactement ça, la culpabilité qu’on nous inflige si quelques chose se passe mal, sauf que j’suis certaine qu’elle y est pour rien. « Et je sais pas si elle était réellement prête. » je hoche la tête, j’crois que même si on a beau dire qu’on est prête, pas sure qu’on le soit vraiment avant de savoir réellement ce qui nous attend… ca m’fait quand même relativiser sur ma propre vision de la grossesse et de mon envie récente d’avoir un enfant… bien que me concernant, ma vie sentimentale soit un vrai fiasco. « Ils sont arrivés avec un mois d’avance et pour ça aussi, elle va s’en vouloir. » un mois d’avance, ca passe encore, c’est prématuré, mais c’est pas des grands prématuré. « Ils sont bien entourés ici… ils vont bien aller. » ils demanderaient sans doute un peu plus de surveillance, mais ils se porteraient bien, j’en étais sûre. « On dit souvent que j’ai un bon feeling pour sentir les choses… » j’sais pas si ca va le rassurer ou non. « J’crois qu’aucune de nous n’est vraiment prête pour tout ça. Ca s’apprend… Jill est quelqu’un de bien, elle va avoir besoin de temps, mais elle sera une bonne mère. J’en suis certaine. Et j’ai l’impression qu’elle est aussi très bien entourée… » je le visais directement, je pense qu’il s’en doutait. « J’pense qu’il faut pas qu’elle hésite à exprimer ses doutes, c’est important d’être capable de mettre des mots sur ce qu’on ressent… »

La conversation semble si simple avec Noa. Je ne la connais presque pas, j’ai simplement entendu son prénom au fil de certaines conversations. Elle est une amie proche de Matt. Elle venait simplement rencontrer les jumeaux, pas écouter les déboires du nouveau père qu’elle connaît à peine. Ce n’est pas vraiment mon genre de me confier aussi facilement. Il faut croire que c’était devenu nécessaire dès les premiers jours de vie des jumeaux. Je ne contrôle plus réellement ce qui sors d’entre mes lèvres. Elle semble vouloir m’écouter Noa. Elle représenta la Suisse au milieu de cette famille qui ne sera jamais pleinement la mienne et qui défendra toujours Jill. J’aime ma femme plus que tout au monde, mais depuis la naissance des petits, j’ai l’impression de la voir m’échapper petit à petit. C’est une sensation que je ne contrôle pas et je me suis juré de ne pas laisser mes émotions me déborder ; Pas quand elle a tant besoin de moi. « Ils sont bien entourés ici… ils vont bien aller. » « Oui. » que je concède alors que déjà mon regard se pose sur le petit berceau de Bowie. « On dit souvent que j’ai un bon feeling pour sentir les choses… J’crois qu’aucune de nous n’est vraiment prête pour tout ça. Ça s’apprend… Jill est quelqu’un de bien, elle va avoir besoin de temps, mais elle sera une bonne mère. J’en suis certaine. Et j’ai l’impression qu’elle est aussi très bien entourée… » Ses paroles me rassure tout autant qu’elle m’effraye. Elle n’était pas prête Jill. Tous les signes étaient présents sous mon nez et je n’ai pas su les prendre au sérieux, je n’ai pas su les interpréter. « J’espère que ton intuition sera bonne. » Je ne relève même pas le fait qu’elle souligne le bien fait de ma présence. Je me demande si je ne suis pas le cœur du problème aux yeux de Jill. « J’pense qu’il faut pas qu’elle hésite à exprimer ses doutes, c’est important d’être capable de mettre des mots sur ce qu’on ressent… » Elle a probablement raison, mais elle ne doit pas vraiment connaître Jill. « Elle fait pas ça quand elle va mal Jill. » Non elle préfère se laisser aller à la dérive. Avant elle serait partie se droguer, sans se poser de questions. « J’ai juste peur de la perdre. »

Pour moi, la communication est la clé de tout et forcément, quand ça va pas, il faut être capable de dire les choses. Et parfois, ca me portait aussi préjudice. C’est en étant un peu trop insistante avec Andy que j’avais fini par le perdre, il n’était pas prêt à me parler alors que j’avais fait en sorte qu’il le fasse. J’avais eu du mal à l’accepter et j’avais préféré rompre – enfin, notre rupture était une sorte de commun accord plus ou moins assumé – plutôt que d’attendre qu’il ai le temps et d’attendre qu’il se lance de lui-même. Sauf que tant qu’il n’était pas prêt à communiqué, je prenais ça comme un manque de confiance en moi et j’avais beaucoup de mal à l’accepter. D’autant plus qu’Andy avait toujours été clair avec moi : les relations exclusives ce n’était pas fait pour lui, je l’avais accepté dans un premier puis complètement rejeté dans un second temps. Cette fois, je prenais ma part de responsabilité, je n’avais pas été capable de lui dire que ça ne me convenait pas, je m’étais laissée enliser dans une situation et une relation qui ne me convenait pas. Nous nous étions déchirés tous les deux en sortant ensemble. Aujourd’hui, je l’acceptais telle qu’elle cette relation, et je savais que je n’en voulais plus. Mais vu comme c’était parti avec Greg, vu que j’avais accepté de lui donner encore une chance, je pense que j’avais réellement du mal à tenir mes paroles… enfin, contrairement à Andy, lui ne m’avait pas dis vouloir à tout prix, ou plutôt, avoir besoin à tout prix des bras d’autres personnes pour se sentir bien. J’espèrais sincèrement qu’à partir de maintenant, j’allais lui suffire…
« Elle fait pas ça quand elle va mal Jill. » j’avais envie de grimacer mais il m’avait l’air tellement perdu que je me retenais de lui démontrer tout signe qui trahirait mes pensées. « J’ai juste peur de la perdre. » j’avais presque envie de le prendre dans mes bras pour le réconforter. Je comprenais les doutes, je comprenais qu’il flippe en réalité. « Tu lui en as parlé ? Je pense que Jill a besoin de toi plus que personne d’autre… » si il savait lui montrer qu’il était présent pour elle, qu’il la soutiendrai, elle n’aurait sans doute aucune raison de s’éloigner de lui. «Je te souhaite beaucoup de courage en tout cas ! »

Durant toute la grossesse, on s’est juré qu'il fallait laisser le temps faire les choses. Petit à petit Jill devenait un peu moins sévère avec son corps. Petit à petit, je la voyais se projeter dans l'avenir, on parlait des enfants, de ce que l'on avait envie pour eux et de ce que l'on ferait à quatre. Elle avait ses doutes, jamais je ne le nierais. En rien, je n'avais imaginé que tout se dégrade dès la naissance des jumeaux. Aujourd'hui encore, je me dis que le temps est nécessaire. Elle a vécu un accouchement quelque peu traumatisant, il a fallu prendre le choc des problèmes de Bowie et être séparé de lui. La fatigue est à son comble alors que nos heures respectives de sommeil doivent se compter sur les doigts d'une main ses derniers jours. Le temps fera son affaire et je tente de me rassurer avec cela. Pourtant, il semblerait que j'aie besoin de me confier. Et Noa sera l'heureuse élue. Peut-être parce qu'elle n'a pas de lien direct avec la famille. Peut-être parce que je la vois comme une personne neutre qui ne penche ni d'un côté ni de l'autre. Le fait qu'elle m'écoute avec autant d'attention termine me faire ouvrir les vannes. Je sens que quelque chose ne va pas, sans réellement savoir l'exprimer, sans savoir si cela va durer ou non. « Tu lui en as parlé ? Je pense que Jill a besoin de toi plus que personne d’autre… » Je secoue la tête à la négative. « Je veux pas insister. » Je ne veux pas l'embêter, je ne veux pas amener le sujet qui fâche. Pas maintenant, c'est trop tôt encore, j'en reste persuadé. « Elle est fatiguée, il faut qu'elle se remette de tout ça. » Peut-être que la présence de sa famille, aujourd'hui, l'aidera. J'ose l'espérer, le temps pour moi de reprendre mon souffle pour être plus présent à ses côtés. « Je te souhaite beaucoup de courage en tout cas ! » Un sourire se dessine sur mes lèvres malgré les doutes et la fatigue. « J'ai beaucoup de chance avec eux. » Malgré tout, je suis avec la femme que j'aime et nos enfants vont bien. « Le reste viendra tout seul, je crois. »

Mon regard se perd à nouveau sur mon fils qui semble dormir paisiblement, avant de me tourner vers la jeune femme. « A la base, j'allais me chercher un café, tu veux quelque chose ? » que je propose autant par politesse que pour ne pas rester seul. « Ou je te montre la chambre ? »

Je comprends aussi qu’il n’ai pas envie de la brusquer, rien de cette situation n’est simple et la place de Bailey n’est pas évidente. Trouver où se mettre dans cette équation, même s’il était le père des enfants, après tout ce n’était pas lui qui avait cohabité durant neuf mois avec les bébés et ce n’était pas lui qui leur avait fait voir le jour. Même si la place d’un père est nécessaire et qu’il a tous les droits de le revendiquer, il a aussi ses limites et c’est de ne pas avoir cette expérience douloureuse à vivre. Jill culpabilisait et il lui fallait sans doute du temps pour accepter tout ça et se rendre compte que finalement, elle n’y était pour rien. A part conseiller à Bailey la communication, mon rôle était lui aussi limité et il ne m’appartenait pas de lui imposer quoi que ce soit. A lui, à eux de gérer leur relation et ils ont sans doute instauré quelques règles tacites quant à leur fonctionnement.
« Elle est fatiguée, il faut qu'elle se remette de tout ça. » Je confirme d’un hochement de tête succin, me demandant davantage si ma place était bien ici à l’hopital aujourd’hui. Je me demandais s’il n’était pas tant de m’en aller plutôt qu’imposer ma présence dont elle ne voulait peut être pas. Sacré Matt… d’ailleurs, il était où lui ?
« A la base, j'allais me chercher un café, tu veux quelque chose ? » je refusais d’un signe de la main accompagné d’un sourire. « Ou je te montre la chambre ? » mon téléphone sonna, signal d’un sms reçu. « J’veux pas m’imposer ,vraiment. » j’étais gênée. Je regardais rapidement mon téléphone et un message de Matt m’indiquait qu’il était « LAAAAAAA » et m’implorait de ne pas bouger. « Matt arrive, bon… je reste, pas longtemps, pour embrasser Jill et je m’en vais. » je l’accompagnais alors jusqu’à la machine à café où Matt scrutait déjà la liste des cafés – dégueulasse – que la machine proposait.

En aucun cas, je n’avais prévu de m’ouvrir autant auprès de Noa. Elle devait se demander ce qui était en train de lui arriver. Après tout, on se connaît à peine et voilà que je lui déverse des heures entières de réflexion seul dans mon coin. En rien, elle ne me connaît, ce n’est pas Ginny qui aurait déjà su lire entre les lignes. J’oublie parfois que le monde extérieur ne connaît pas tous les ressorts de la famille McGrath. Pourtant, elle semble bien au courant de tout ce qui se passe la jeune femme. Son ton apaisé me permet surtout de garder les pieds sur terre. En rien, je ne me laisse consumer par les émotions ce n’est ni l’endroit ni le moment. Je prends sur moi, expose de simples faits. Elle le verra dès qu’elle sera entré dans la chambre de Jill de toute manière. Je crois que tout le monde l’avait pressenti. Désormais, il va falloir jongler avec, prendre des pincettes et surtout laisser le temps faire les choses. En rien, ce ne sera simple, mais peut-être qu’avec notre entourage, on finira par s’en sortir. Je soupire près à m’excuser auprès de la jeune femme. Elle n’était venue que pour rendre visite à son amie et rencontrer deux nouveaux petits êtres voilà qu’elle vient de se prendre une douche froide. « J’veux pas m’imposer, vraiment. » « Tu ne t’imposes pas. » que j’insiste à nouveau. Je ne voulais pas la mettre si mal à l’aise, alors qu’en rien, sa présence ici n’es déplacée. « Matt arrive, bon… je reste, pas longtemps, pour embrasser Jill et je m’en vais. » Je hoche la tête alors qu’ensemble, on se dirige vers la machine à café. Je suis accueilli par un Matt qui me donne une accolade, on notera la rareté du fait. « Chambre 326. » Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que déjà il file le parrain. « Merci Noa. » Et voilà qu’elle tente de le suivre alors qu’il court presque dans l’hôpital.