Elle regarde encore et toujours dans le vide. Elle n’a pas compté le nombre de personne qui sont venues la voir dans cette chambre. Par contre elle compte les jours et les heures depuis qu’elle est enfermée ici avec ses deux bébés qui pleurent bien trop souvent à son goût. Elle déteste ça, les entendre pleurer. Mais elle fait tout ce qu’il faut, pour une fois, elle écoute les médecins. Elle a besoin de savoir comment faire pour qu’ils arrêtent de hurler, et les médecins sont bien plus compétents qu’elle. Elle a l’impression que dès qu’elle s’en approche de trop près, ils se mettent à crier ou à râler. Ils ne font pas ça avec Bailey, il est parfait lui. Il sait tout faire depuis la première seconde. Comment les prendre, comment les nourrir, comment les bercer pour qu’ils arrêtent de pleurer. Et Jill elle ne sait rien, donc elle le laisse faire. Elle le regarde de loin de temps en temps. Et elle essaie d’apprendre, même si elle est terrifiée à l’idée de se retrouver avec un des jumeaux dans les bras quand il n’y a personne à côté d’elle.

Elle n’a pas l’impression d’avoir l’instinct maternel, elle n’a pas non plus l’impression d’être capable d’être mère. Il y a des milliers de questions dans sa tête, et elles restent dans sa tête. Si elle parle de ce qu’elle ressent ils vont lui donner des traitements, lui demander de rester plus longtemps, et elle ne veut pas de ça. Alors elle se tait, elle sourit, et elle fait tout ce qu’elle peut pour que les médecins pensent qu’elle fera une bonne mère à la sortie de l’hôpital. Elle est obligée de rester dans la chambre depuis quelques heures. Bowie est revenu avec sa soeur, il n’est plus en couveuse. C’était sa seule échappatoire quand Tracy se mettait à hurler. Les deux petits dorment et elle regarde encore par la fenêtre avant que la porte ne s’ouvre. Elle pense d’abord que c’est Bailey mais elle sourit en voyant que Ezra est revenu. “T’es encore là toi ?”  
 

@Ezra Beauregard

C’était Ginny, la première qui l’avait prévenu, en l’appelant le jour même. Noah n’avait pas su tenir sa langue plus d’une demi-seconde également lorsqu’il était venu le lendemain soir chez lui pour passer la nuit. Matt s’était même risqué à lui envoyer un sms alors qu’ils n’échangeaient plus par ce biais depuis des années, si ce n’était pour savoir qui irait récupérer Noah après l’entrainement de rugby et/ou à l’école selon les périodes. Il lui semblait même que Auden avait fait un détour d’une minute et dix secondes par le garage le troisième jour pour savoir s’il avait appris la nouvelle. Ca l’avait fait sourire, Ezra. A toutes les reprises où on lui avait dit. Parce-que la nouvelle était douce et elle était bonne et ça faisait du bien d’avoir ce genre d’événement autour de soi. Jillian est maman, ça y est. Si cette idée lui paraissait à la fois tant satisfaisante et tellement étrange, Ezra savait que c’était que du positif qui ressortirait sur le long terme de tout ça. Même s’il n’aurait jamais parié, dix ans plus tôt, pour qu’un événement de la sorte arrive de si tôt dans la vie de la jeune femme.

Et pour avoir le coeur net de tout ça et pour être sur qu’on se fichait pas de lui, Ezra avait décidé d’aller faire un saut à la maternité. Il avait d’abord demandé à Ginny si ça lui semblait correct qu’il y passe, afin de féliciter les nouveaux parents et surtout voir comment se porter la jeune femme. En effet, le Beauregard avait en mémoire encore la fois où il avait été à deux doigts de dépêcher les secours chez les Fitzgerald alors que Jill avait fait un malaise, un après-midi où elle gardait Noah. Suite à quoi, elle avait du grandement lever sur le pied. Alors, au milieu du troisième jour, juste après qu’Auden soit passé comme par hasard sur la route du garage, Ezra reçut le feu vert de la part de Ginny. Ni une, ni deux, il quitta son travail à midi pour aller rendre visite à Jill sur sa pause déjeuner.

L’endroit était tel qu’il l’avait laissé la dernière fois où il avait du y mettre les pieds. D’office, un vilain frisson vint lui hérisser l’échine. Il possédait tellement plus de mauvais souvenirs dans cet endroit que de bons, qu’Ezra avait du mal à se rappeler que de belles choses arrivaient régulièrement au sein de ses murs. Comme la naissance de la future génération, à laquelle Jillian venait de participer. Comme le jour où Noah avait pu recevoir sa greffe de rein et où sa vie avait été sauvée - ce jour là restait gravé dans la mémoire d’Ezra d’une manière plutôt étrange, à dire vrai; le bon et le mauvais se côtoyaient parfaitement dans ses souvenirs alors que les émotions y régnaient surtout en maitres. Secouant la tête et inspirant une bonne bouffe d’air frais, il finit par pénétrer au sein de l’hôpital, demandant son chemin à l’hôtesse d’accueil.

Un instant plus tard, quatre volées de marche et un ascenseur plus tard, il vint frapper trois petits coups secs sur le bois de la porte de la chambre. Il lui semblait avoir entendu quelque-chose, avoir eu un feu vert, alors il poussa discrètement la porte, son regard cherchant de suite la silhouette de la jeune femme dans la chambre. Il espérait qu’il ne la dérangerait vraiment pas et que sa visite serait bien vue. « T’es encore là toi ? » Les premières paroles qu’elle vint lui adresser, alors que son sourire venait affirmer tout le contraire de ce qu’elle disait. Venant aborder une expression miroir à celle de la jeune femme, Ezra vint parcourir les quelques mètres qui les séparaient pour venir la prendre dans ses bras. « C’est de ta faute, tu m’as demandé de pas partir. » Il la garda entre ses bras une seconde, peut-être une deuxième davantage que d’ordinaire - mais elle le méritait aujourd’hui, les autres jours ce n’était pas le cas. « Comment tu te sens ? » Reculant d’un pas, il vint replonger son regard dans celui de la jeune femme.

Spoiler:

Elle est enfermée dans ses pensées encore une fois. Elle ne surveille pas ses bébés, elle ne laisse pas sa main dans le berceau, elle ne les regarde pas comme s’ils étaient la huitième merveille du monde, elle ne fait pas tout ça Jill. Elle regarde vers l’extérieur et c’est tout. Elle aimerait être dehors, loin de cet hôpital. Elle est seule pendant un temps, et elle profite du silence. Elle entend ses bébés respirer, mais elle a toujours l’impression que tout ça est complètement irréel. Elle ne sait pas combien de temps passe avant que la porte de la chambre ne s’ouvre. Elle pense croiser le regard de Bailey en tournant la tête mais c’est Ezra qui se rapproche d’elle. Il est revenu, et elle est contente de le voir. Elle aime voir de nouvelles têtes, autre que les médecins qu’elle commence à beaucoup trop reconnaître. Les infirmières l’aident beaucoup, mais elle continue de se méfier du corps médical. Elle s’en méfiera toujours.

Ezra l’enlace et elle répond à son étreinte même si elle a du mal avec les contacts physiques depuis son accouchement. Et, comme à son habitude, elle le taquine. C’est comme s’ils n’avaient finalement jamais perdu cette dynamique là tous les deux. C’est plaisant pour Jill d’oublier tout ce qu’il y a autour d’elle pendant un temps. D’avoir l’impression d’être propulsée des années en arrière, quand tout allait encore bien. Elle secoue la tête. “Je ne me souviens absolument pas d’avoir dit ça t’as dû le rêver.” Elle se souvient très bien de cette après-midi où il est resté avec elle pendant des heures sans broncher, juste pour s’assurer qu’elle allait bien. Il pose la question que tout le monde pose. Il lui demande comment elle va, et elle a déjà sa réponse toute prête. “Je suis fatiguée.” Tout le monde accepte cette réponse, personne ne voit qu’elle n’accorde aucun regard à ses enfants qui sont pourtant endormis juste à côté d’elle. “Je pensais pas que ce serait aussi compliqué.”

Il espérait que sa présence en ces lieux serait la bienvenue. Après tout, au fil des années, ça n’avait pas toujours été le cas et désormais, il se méfiait toujours un brin lorsqu’il venait quelque-part où des McGrath évoluaient. C’était idiot, et la tâche de guerre se devait d’être enterrée par la force des choses. Sa présence aujourd’hui était aussi un signe de ça, qu’il était prêt à aller davantage de l’avant là où pendant des années, ça n’avait pas été réalisable des deux côtés de cette famille plus qu’étrange.

Alors, lorsque la jeune femme vint lui adresser un sourire lorsqu’elle découvrit son visage et vint répondre, à la suite, timidement mais surement à son étreinte, Ezra se dit que les choses allaient dans ce sens là pour les deux partis. « Je ne me souviens absolument pas d’avoir dit ça t’as dû le rêver. » Et il vint s’oser à un petit rire, un quelque-chose de rien du tout, mais perceptible par qui tendait l’oreille assez fort. « T’as qu’à dire que je perds la boule aussi. » Un sourire vint ponctuer ses paroles, alors qu’il ne perdit pas de temps à la suite pour s’assurer de l’état de santé de Jillian. « Je suis fatiguée. Je pensais pas que ce serait aussi compliqué. » Fronçant quelque peu les sourcils, il vint hocher la tête. C’était compréhensible. Elle venait de mettre au monde deux petits êtres, deux nouveaux humains. Ce n’était pas rien, ça demandait du courage et de la force - deux qualités qu’elle possédait, même si elle serait capable de venir dire le contraire. « C’est normal, Jill. Si on prévenait dès la naissance, aucune femme ne voudrait avoir d’enfant. » Même si ses mots étaient doux et bienveillants, il venait les saupoudrer d’une touche de blague - tout était toujours plus facile à aborder avec une blague prête à être dégainée. Avec Jill, ça avait toujours fonctionné et il était intimement persuadé que c’était quelque-chose qui fonctionnerait toujours.

Le regard d’Ezra finit par se déporter de la demoiselle pour venir inspecter la chambre, regarder dans les recoins, chercher des yeux un élément important. Après tout, elle venait de mettre aux mondes deux bébés et c’était aussi pour les rencontrer que le Beauregard était présent aujourd’hui. « Ai-je droit à des présentations ? » Le regard pétillant, le coin de sa bouche vint se soulever quelque peu. Il faisait partie des ces personnes aimant rencontrer de nouveaux enfants, Ezra. Il avait été sacrément habitué avec tous ses frères et soeurs ayant eu des nouveaux nés dans les dix dernières années. Des Beauregard, il avait été le premier à enfanter mais presque le dernier à connaître son enfant, si bien qu’il avait jeté son dévolu et son amour sur ses neveux et nièces au fil du temps.

Spoiler:

”C’est exactement ce que je dis papy.” Elle hausse un sourcil avant de sourire. L’ambiance est légère, elle ne l’avait pas été depuis quelques jours. Elle en oublierait presque les bébés qui dorment juste à côté d’elle. Elle espère qu’ils ne vont pas se réveiller. Elle ne saura pas gérer si Bailey n’est pas là pour l’aider. Elle a autant besoin de lui que les bébés au fond, Bailey vient de se retrouver avec 3 enfants au lieu de deux. Elle souffle en jetant un coup d’oeil à Tracy qui commence à bouger, il ne faut pas qu’elle réveille son frère. Il est bien plus calme qu’elle, bien moins bruyant. Et c’est sûrement pour ça qu’elle se sent un peu plus proche de lui. C’est lui qu’elle arrive à prendre de temps en temps, alors que Tracy la terrifie.

Ezra la prend dans ses bras, cette étreinte est bienvenue puis il s’assoit sur le lit non loin d’elle. Elle est plus ou moins sincère quand il lui demande comment elle va. Elle ne va pas bien du tout, mais personne n’a besoin de voir à quel point elle est perdue dans sa vie et dans sa tête. “J’aurais préféré être au courant avant je crois.” Parce que les choses auraient sûrement été différente. Personne en parle du mauvais côté, et pourtant, c’est le seul qu’elle ressent en ce moment Jill. Elle ne pourra pas raconter la même chose que toutes les autres mères du monde, elle ne pourra pas dire qu’elle a tout oublié à l’instant où on a posé ses bébés sur son torse, qu’elle a réussi à les comprendre à la seconde où ils ont pleuré pour la première fois. Elle ne pourra rien dire de tout ça, parce que c’est bien tout le contraire qui s’est passé.

Des présentations, elle hoche la tête. Elle ne les confond pas maintenant qu’elle sait comment ils sont habillés. Sinon, ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau. “Tracy et Bowie.” Elle montre l’un puis l’autre du doigts. “J’espère que je les ai pas mélangé en les habillant.”

« J’aurais préféré être au courant avant je crois. » Il vint tirer une petite moue aux coins de ses lèvres. Il y avait deux types de personnes, celles qui voudraient être au courant et celles qui préféraient avancer les yeux fermés. Si Ezra avait toujours imaginé Jillian dans la deuxième catégorie de personnes, à avancer tête baissée, en agissant avant de connaître les conséquences, il se pourrait que la maternité en vienne à lui changer son comportement - ce n’était en rien là, dans ses idées, un reproche; Ezra avait vu plus d’une fois la maternité faire ds miracles.

Et en terme de miracle, mettre au monde un bébé en était un, mais dans le cas de la jeune femme il était possible de multiplier par deux ce compte là. Alors, il vint demander s’il avait le droit à des présentations, il vint chercher du regard les deux nouveaux-nés. Bien sur que son but premier était de venir là pour prendre des nouvelles de Jill, mais également pour les rencontrer. Après tout, il s’agissait là des cousins de Noah, ce n’était pas rien à ses yeux - en plus d’être les enfants de Jillian. « Tracy et Bowie. » Le regard d’Ezra était curieux, scrutait la moindre parcelle d’espace qu’il lui était offert avant de venir poser ses prunelles sur les deux petits que la demoiselle lui présentait. « J’espère que je les ai pas mélangé en les habillant. » Et il vint s’autoriser un petit rire, rapidement, parce-que son esprit pensait directement à la blague dans les paroles de Jill. Il y voyait là une touche d’humour tout à fait acceptable dans le cadre de jumeaux qui, il fallait l’avouer, se ressemblaient beaucoup. « Ils sont beaux, Jill. » Il vint tourner son regard vers elle, un sourire fier accroché au visage, un regard quelque peu ému s’il fallait vraiment l’avouer. « T’as bien travaillé, tu peux être fière de toi. »

Et comme si les petits ne voulaient pas être d’accord, comme s’ils voulaient surtout que l’attention soit reportée davantage sur eux, l’un des deux petits - Ezra n’avait pas encore réussi à identifier qui était lequel -, vint commencer à chouiner un brin, à émettre de léger cris. A peine à rien à l’oreille, et le Beauregard était en rien un expert dans le domaine, alors il préféra se reculer légèrement du berceau sans perdre son sourire cependant. « Ils ont déjà peur de moi, ça commence bien. Tu leur as dit quoi avant que j’arrive, hein ? » Parce-qu’il pensait vraiment très fort que la blague serait la bienvenue dans cette scène.

Spoiler:

Elle fait les présentations, elle donne les prénoms de ses enfants à Ezra qui les regarde avec plus d’amour que Jill ne peut le faire. Pourquoi tout le monde a l’air de trouver ça magique et parfait quand elle elle essaie de ne pas penser à toutes les issus qu’elle pourrait trouver dans cet hôpital ? Elle n’est pas comme tout le monde, elle ne s’extasie pas face à cette naissance. Elle devrait pourtant, elle ne devrait vivre que pour ses bébés. Elle se tait, elle garde la même expression depuis des heures, des jours presque. Elle dit à tout le monde que ça va et ils font tous semblant de la croire. Ils font tous comme si sa réaction était normale, comme si toutes les mères se retrouvaient à être à deux doigts d’abandonner leurs enfants à la naissance. Mais elle ne souffle pas Jill, elle ne dit rien à Ezra comme elle n’a rien dit à personne. “C’est jamais très beau les bébés.” Ce n’est pas le discours habituel d’une mère, mais depuis quand Jill est comme tout le monde ? “Bowie est allé en couveuse.” Et c’est de sa faute. Toutes les complications sont de sa faute et uniquement de celle de Jill. Personne n’arrivera à lui prouver le contraire, même les médecins.

Ils discutent et Jill ne se concentre pas sur les bébés, jusqu’à ce que Tracy se mette à chouiner, encore. Elle cherche Bailey des yeux, il n’aurait pas dû la laisser toute seule avec les deux elle savait bien qu’ils ne seraient pas calme bien longtemps. “Je leur ai dit que t’étais sûrement le pire oncle de l’univers.” Elle hoche la tête, alors que Tracy couine comme si elle venait de se réveiller. C’est peut-être le cas. Et elle prie pour la petite se rendorme. “Je sais pas les gérer quand ils pleurent.” Ce n’est un secret pour personne, Jill avait pour habitude de s’enfuir dans l’hôpital pour aller voir Bowie dans sa couveuse dès que Tracy se mettait à pleurer un peu trop fort. “Tu sais comment faire ?” Elle le regarde, un brin paniquée. Elle espère qu’il va pouvoir l’aider.

« C’est jamais très beau les bébés. » Il vint étirer un petit sourire. « Non, c’est vrai, mais c’est ce qu’on doit dire aux nouveaux parents je crois. » Il releva son regard vers la jeune femme, vint plonger ses pupilles dans les siennes. « Mais les tiens sont vraiment beaux et tu sais que je pourrais me moquer d’eux facilement pour vrai. » Parce-que se moquer de Jillian était facile, et parce-qu’il fallait ajouter à ça que le père de ces deux petites créatures était Bailey et que là, Ezra détenait un rayon de choses à dire. Mais il ne ferait rien de tout ça car c’était faux et que le but n’était pas d’être dans le faux. Plus maintenant, plus avec Jill. « Bowie est allé en couveuse. » Il vint alors hausser un sourcil, Ezra. « Rien de grave ? » Si le petit était revenu auprès de sa mère, les choses devaient surement aller pour le mieux désormais. Mais ce n’était pas un élément anodin, à glisser juste pour alimenter une conversation - alors, il attendait avec sérieux que la demoiselle vienne lui donner plus d’explications.

Et alors que leur attention était réservée presque uniquement à leur conversation à peine quelques poignées de secondes après avoir commencé les présentations, l’un des deux bébés - qui était donc Tracy - vint se manifester. Par des petits bruits, qui se firent de plus ne plus présents par la suite. « Je leur ai dit que t’étais sûrement le pire oncle de l’univers. » Il vint se mettre bouche-bée, faussement choqué, le visage en direction de la jeune femme avant de porter de nouveau son regard sur les petits. « Ne l’écoutez pas les enfants, elle dit souvent des bêtises comme ça. » Et il souriait un brin, Ezra, parce-que selon lui la situation s’y prêtait - ou tout du moins pendant quelques instants encore, car les prochaines paroles de Jillian vinrent le rendre un peu moins jouasse. « Je sais pas les gérer quand ils pleurent. » Ses sourcils vinrent se foncer toujours davantage alors que la petite se mettait à réellement crier désormais, et que son frère en venait à s’agiter comme réveillé dans son sommeil. « Tu sais comment faire ? »

Et il avait ouvert la bouche pour venir faire un commentaire, mais en croisant les iris de la demoiselle, il comprit que la blague n’était pas de mise et qu’elle était réellement en train de laisser la panique l’envahir. Venant pincer ses lèvres en une ligne fine, non sans regarder une seconde de plus Jill, il vint finalement se tourner vers le berceau. « Et bah alors choupette, raconte tout ce qui va pas à tonton. » Sa voix était gâteuse et son sourire ridicule, mais effectivement, il savait parfaitement s’y faire avec les enfants, Ezra. Vraiment, l’entraînement sur ses vrais neveux et nièces était plus que bénéfique pour l’instant présent, pour le coup. Se penchant sur le berceau et sans attendre après l’avis de Jill, il vint prendre Tracy délicatement dans ses bras. « Oooooh, mais que t’es toute légère, j’avais oublié que les bébés étaient si petits à la naissance. » Il continuait de parler avec sa voix d’adulte régressif tout en gardant des paroles à la fois adressées à qui voulait l’entendre et également, surtout, à la McGrath. « On parie sur quoi, biberon ou couche pour toi, hein ? » Tracy fut calée dans le creux de son bras en une seconde, Ezra la berçant déjà contre lui. « Elle en dit quoi maman, couche ou biberon ? »

Spoiler:

Elle pensait que Ezra aurait été du genre à grimacer au moindre cri et au moindre pleur. Mais il est gaga des bébés. Jill lève les yeux au ciel quand il lui dit que les bébés sont beaux. “Tu peux toujours ils te comprennent pas encore.” Elle arrive à sourire un peu alors que Tracy commence tout juste à se réveiller. Elle ne dort pas assez selon Jill, elle est bien trop bruyante la gamine comparé à son frère. “J’ai été trop longue, ils sont nés trop tôt et il a eu du mal à respirer.” Elle pense toujours que c’est de sa faute, et elle le pensera sûrement jusqu’à la fin de ses jours. “C’est toi qui dis tout le temps des bêtises tu vas les traumatiser.” Il regarde beaucoup les bébés et elle serait presque attendrie Jill si elle arrivait vraiment à ressentir quelque chose.    

Tracy se met à hurler et Jill panique. Elle n’a jamais su comment la gérer elle quand elle pleure, et elle sait encore moins comment faire quand elle réveille aussi Bowie. Ezra le comprend en un regard, il se penche sur le berceau et ça impressionne Jill de voir à quel point il est à l’aise. C’est lui qui devrait avoir des enfants, pas elle. Il parle avec une voix suraigu qui fait grimacer Jill, il est vraiment le cliché de l’oncle gaga. Il est peut-être même pire que Matt si c’est possible. C’est peut-être entre eux deux que la compétition va se jouer au final non ? Elle sourit à peine Jill en pensant ça, et sa main glisse dans le berceau pour tenter de calmer Bowie. Elle hésite toujours à le prendre, elle a peur de le casser. Il est si petit, mais c’est le seul des deux qu’elle arrive à prendre dans ses bras. Ezra porte la petite fille et la berce en faisant des allers retour à travers la chambre. “Les deux ?” Elle ne comprend toujours pas leurs pleurs, elle ne sait pas ce dont elle a besoin. Elle a peut-être juste envie d’attirer l’attention. Elle attrape Bowie et le cale contre son épaule en priant pour qu’il ne se mette pas à pleurer. S’il pleure elle se mettra aussi sûrement à pleurer avec lui. “Tu crois qu’il faut faire les deux ?”
 

Il avait bien vu la panique qui était, d’instinct, venue emplir le regard de la jeune femme. Et d’un côté, s’il n’était pas pour le moment trop occupé à trouver ça réellement étrange, cela viendrait briser le coeur d’Ezra. De voir Jillian de la sorte, autant hésiter, autant paniquer. Ce n’était pas le but de cette expérience. Certes, les nouveaux parents avaient toujours un temps d’adaptation - qui pouvait se trouver plus ou moins important selon les personnes. Mais ce qu’il lisait dans les yeux de la demoiselle c’était au delà de ça, vraiment. Alors, prenant les devants, il était venu accueillir Tracy dans ses bras pour tenter de calmer le bébé avant qu’elle ne vienne réveiller son frère. « Les deux ? » La question était posée à Tracy mais réellement adressée à Jill. Elle était la mieux placée pour savoir si son enfant avait besoin d’être changée ou de manger, même après si peu de temps à se côtoyer. Après tout, personne d’autre n’étant présent à l’hôpital lorsqu’il était arrivé, elle devait être la dernière personne à avoir donné à manger aux jumeaux.

« Tu crois qu’il faut faire les deux ? » Après avoir jeté un nouveau coup d’oeil en direction la jeune femme, Ezra vint pincer légèrement ses lèvres en une ligne fine. Lui qui pensait qu’elle tentait l’humour, dans le fond et malgré tout, l’instant juste avant se rendait bien compte que ce n’était en rien le cas. « On va regarder, si maman ne sait pas alors. » Ce n’était en rien un reproche et la voix d’Ezra ne se voulait pas moqueuse. Mais les choses lui semblaient désormais plus qu’étrange. La gamine n’y était cependant pour rien alors il vint l’allonger sur la table à langer, lui changer la couche, avant de revenir vers Jill. « Je parie qu’elle a faim surtout. » Plantant son regard dans celui de la jeune femme, il vint attendre qu’elle réagisse. Parce-qu’elle se devait de réagir. Sa fille avait faim, alors que son fils semblait être plutôt paisible dans ses bras. Tout ça, tout ce qu’il faisait, c’était inné pour Ezra. Les Beauregard avait une fibre parentale des plus imposantes, qu’importe les situations. En l’occurence, cependant, ce n’était pas ses enfants ou réellement ses neveux et nièces. Alors, il ne pouvait pas non plus prendre autant les devants à peine dix minutes après les avoir rencontrés. « On fait un échange ? »

Spoiler:

Elle ne sait pas de quoi a besoin Tracy. Elle ne sait jamais ce dont ils ont tous besoin. Elle se concentre sur elle, elle est égoïste, et elle n’apprend pas à s’occuper des jumeaux. Bailey est attentif, il sait toujours tout avant même qu’elle n’ait eu le temps de réfléchir à pourquoi les petits étaient en train de pleurer. Ezra a l’air d’être comme Bailey. Il sait comment faire, comment les porter, sans même que quelqu’un ne soit venu lui expliquer. Ca la fascine ce genre de comportement, comme si elle était la seule personne à n’avoir aucun instinct quand elle se retrouve proche d’un bébé. Ca ne se passait pas comme ça avec Noah, elle avait toujours été bien plus à l’aise avec le petit garçon. Pourquoi ça ne se passe pas aussi bien avec Bowie et Tracy ?

Ezra tourne plusieurs fois la tête vers Jill. Il a l’air entre l’inquiétude et l’incompréhension. Deux états constants dans la tête de Jill depuis quelques jours. “Merci…” Il vérifie pour Tracy et elle continue de tenir Bowie qui chouine doucement entre ses bras. Le petite continue de hurler et Jill grimace. Si elle continue de faire ça elle va se mettre à pleurer en même temps que ses deux bébés et ce serait vraiment pathétique. Ezra n’a pas besoin de voir ou de subir ça. “T’es sûr ?” Elle n’est sûre de rien, elle croit Ezra sur parole. Il a l’air d’être confiant et de savoir ce qu’il fait. Il veut faire un échange pour qu’elle nourrisse Tracy, et les yeux de Jill s’arrondissent de surprise. “Je peux faire le biberon si tu veux.” Elle a appris à en faire ce matin avec les médecins. “Tu sais mieux le faire que moi elle est mieux avec toi.” Elle ne reste pas plus de 5 minutes dans les bras de Jill sans se mettre à hurler. Elle est déjà à bout de force la McGrath. Tout est bien trop dur à gérer.

« Merci… » Il était sincère, son merci, à Jillian. Il pouvait le sentir et l’entendre - et c’était bien pour cette raison qu’Ezra n’avait pas encore fait un seul vrai commentaire. La jeune femme semblait dépassée par les événements et il ne pouvait réellement lui en vouloir. Elle avait donné des forces pour les porter et les mettre au monde, rien de tout ça n’étant quelque-chose de facile. Elle avait le droit de relâcher un peu la pression, de se reposer sur son entourage. Et même s’il était inquiet et qu’il se posait mille et une question en même temps, le Beauregard vint changer la couche de la petite avant de revenir vers Jill. Elle avait faim, Tracy - rien de plus surement. Alors il vint proposer à la jeune femme qu’ils échangent les enfants dans leurs bras. Qu’elle vienne donner à manger à la petite pendant qu’il tenait contre lui Bowie. Et de nouveau, sans que la surprise en soit réellement une désormais, les yeux de Jill vinrent s’écarquiller et y laisser passer la panique. Désormais, ça lui fendait le coeur. « T’es sûr ? Je peux faire le biberon si tu veux. » Son esprit était déjà ailleurs, en train de préparer les doses et en train de penser à tous les gestes à pratiquer. Cependant, elle n’était pas venue approuver, à aucun moment, la proposition d’Ezra. « Jill… »

Il l’avait déjà vu paniquer un million de fois, si ce n’était plus. A l’époque, c’était souvent lorsqu’elle était sous l’emprise de substances plus ou moins licites, mais le résultat était le même. Elle laissait la panique prendre le dessus, diriger ses gestes et paroles - et clairement, ce n’était ce dont personne dans cette pièce avait besoin. « Respire, Jill, respire. » C’était facile à dire. « Tu sais mieux le faire que moi elle est mieux avec toi. » Bien plus facile à dire qu’à faire. Soupirant quelque peu, Ezra vint tenir la petite dans un bras seulement - elle était tellement petite comparée à lui qu’elle tenait sur son simple avant-bras; s’il n’était pas occupé à reporter son attention sur Jill, il l’aurait remarqué et aurait trouvé ça attendrissant -, afin d’utiliser sa seconde main pour la poser sur l’épaule de la jeune femme. « Respire. Elle est bien avec moi parce-que je la berce, rien de plus. Elle serait mieux avec toi, t’en fais pas. » Il forçait, Ezra. Ce n’était ni son rôle ni sa position, et personne ne lui avait demandé son avis. Et pourtant, il s’imposait, parce-qu’il savait que c’était sur le long terme des choix que la jeune femme finirait par prendre d’elle-même. Elle avait simplement besoin d’un petit coup de pouce pour débuter.

Délicatement et de son bras libre, il vint donc en plus de Tracy - dont le volume sonore était considérablement réduit pour le moment - prendre Bowie contre lui. Les deux petits le regardaient avec de grands yeux, se demandant surement qui était cette homme nouveau qu’ils n’avaient encore jamais vu. Après avoir esquissé un sourire, Ezra reporta son attention sur Jillian et sur Tracy, qu’il vint avec douceur déposer dans les bras de sa mère. « Tu n’as qu’à m’expliquer comment faire le biberon et lui donner ensuite. » Petit à petit, pas après pas. Il avait promis qu’il ne partirait pas, de toutes façons - ce n’était pas aujourd’hui mais bien des semaines plus tôt, mais ses paroles restaient toujours aussi vraies.

Spoiler:

Bowie est dans ses bras et Tracy pleure encore et encore dans les bras d’Ezra. Elle ne peut plus l’entendre, elle a envie de sortir de la chambre pour aller chercher Bailey et qu’il s’en occupe. Il a l’air d’avoir de la peine, de ne pas comprendre ce qu’il se passe. Jill ne peut pas lui donner d’explication, elle ne comprend pas non plus. Les médecins disent que c’est normal et que tout ira mieux dans quelques jours. Elle n’y croit pas, mais il faut bien qu’elle garde espoir. Les enfants sont là maintenant, et elle devrait vouloir les assumer. Elle essaie de respirer mais elle sent qu’Ezra va aller trop loin. Il essaie de forcer et Jill va paniquer encore plus que ce qu’elle panique déjà.

Il essaie de donner des explications sur pourquoi Tracy est mieux dans ses bras à lui. Ce qu’il ne sait pas c’est que Jill n’a aucune envie de la prendre ou de lui donner son biberon. Elle n’y arrive pas avec sa fille, elle ne veut pas qu’il s’approche ou qu’ils échangent mais elle ne formule pas tout ça à voix haute. Elle passerait pour un monstre, et elle n’a pas besoin de ça en plus en ce moment. “Non elle crie dans mes bras.” Pourquoi il écoute pas quand elle parle ? Pourquoi il se rapproche avec Tracy dans les bras.

Il attrape Bowie et tient un bébé dans chaque bras. Jill soupire de soulagement. Mais elle aurait dû profiter de ce moment pour s’enfuir et le laisser avec les deux bébés. Tracy continue de hurler et elle se retrouve dans les bras de Jill. Elle n’est pas à l’aise, elle ne veut pas l’avoir avec elle et le bébé se met à hurler de plus en plus fort. “Tu peux pas m’obliger à faire ça.” Elle a les larmes aux yeux Jill, elle veut partir mais Tracy est en train de bouger dans tous les sens. Elle déteste l’entendre hurler, elle a juste envie de se mettre à hurler en même temps qu’elle et de lancer les regards les plus noirs possibles à l’homme qui se tient en face d’elle avec le bébé calme dans les bras. “Reprends la ou trouve Bailey. Je sais pas m’en occuper.” Sa langue claque et le constat est fait. Peut-être que ça va blesser Ezra, mais ça ne le rendra pas plus mal que Jill qui tient son bébé qui hurle dans ses bras.

« Non elle crie dans mes bras. » Mais il restait sourd à ce qu’elle lui disait, ce qu’elle disait réellement, et prenait ça uniquement pour une peur banale de jeune parent. Il ne se disait pas qu’il y avait quelque-chose de bien plus grand, bien plus ancré derrière tout ça. Et pourtant, il avait sacrement tord. « Tu peux pas m’obliger à faire ça. » Ezra avait déjà récupéré Bowie d’une main et déposé Tracy de l’autre dans les bras de sa mère. Mais à y regarder de plus près, cela pouvait effectivement être une mauvaise idée. Jillian n’allait pas l’air du tout assurée avec sa fille dans ses bras, alors que lorsque Bowie était à cette place, elle ne semblait pas autant dérangée. « Jill, je - » « Reprends la ou trouve Bailey. Je sais pas m’en occuper. » Sa langue vint claquer, ses paroles étaient sans équivoque. Difficilement, Ezra vint avaler sa salive, alors qu’il venait plonger son regard dans celui de la jeune femme. Elle avait les larmes aux yeux, Jill, et ça lui faisait mal à lui d’assister à ce spectacle. Rien de tout ça n’était joué ou exagéré, tout était vrai. Elle ne savait pas contrôler la situation et la panique était la seule chose à laquelle elle arrivait céder.

Soupirant lentement, Ezra vint délicatement déposer Bowie dans le berceau, lui qui gazouillait tranquillement, sans fracas. Ce petit là était sage, il avait pris toute la patience de sa soeur à en croire les hurlements de cette dernière - petit bout d’humain qu’Ezra récupère la seconde d’après, ne voulant pas l’imposer un instant de plus à sa mère et ne souhaitant pas le faire, surtout. « Tu laisses la peur te manger, Jill. » Oh, ce n’était en rien un reproche, mais une simple constatation. Elle préférait laisser la peur la saisir et la rendre incapable de quoi que ce soit plutôt que de l’affronter et reprendre entre ses mains les événements. Venant déposer un baiser sur le front de Tracy, Ezra laissa ses pas se diriger vers les biberon, vers le lait, vers tout ce qui permettrait de remplir l’estomac de la petite. Une poignée de minutes plus tard, il s’installait dans le fauteuil de la chambre, la gamine suçotant tranquillement et calmement son biberon. « T’avais faim petite puce, dis donc. » Le sourire était de nouveau gaga, agrafé à ses lèvres. Il n’avait pas vécu les premières années de Noah mais l’entrainement était en place depuis bien plus longtemps que ça.

Spoiler:

Elle a du mal à respirer, ses bras sont tétanisés et ses yeux cherchent une issus possible. Elle pourrait déposer Tracy dans son berceau et laisser Ezra s’occuper de tout. Il gère bien mieux qu’elle, il aime les enfants alors qu’ils ne sont même pas les siens. Pourquoi Jill n’arrive pas à faire ça alors que c’est elle qui les a porté 9 mois et qu’elle les a mis au monde ? Ca devrait la briser, ça le fera peut-être plus tard. Elle panique alors que la petite fille continue de hurler entre ses bras. Elle soupire, elle n’ose pas bouger et son regard paniqué croise celui de Ezra qui est persuadé de bien faire. Elle est sèche Jill, son regard envoie des éclairs et son ton est froid. Il la connait, il ne devrait pas la forcer à faire ça. Personne ne sait ce qu’il se passe dans sa tête et pourtant ils devraient tous se douter que quelque chose ne va pas, et que ça va bien plus loin qu’une simple histoire d’hormones. “J’ai pas peur.” Elle est terrifiée, mais elle n’a jamais aimé avouer ce genre de choses. “Je sais pas y faire avec elle c’est tout.” Sa fille est trop bruyante, trop agitée. Elle ne peut pas la garder trop longtemps près d’elle. Et ça fait déjà bien trop longtemps qu’elle la tient entre ses bras.

Ezra la reprend et dépose Bowie dans le berceau. Jill ramène ses jambes vers elle et se recroqueville au fond du lit. Elle doit vraiment avoir l’air pathétique mais elle s’en fiche. Elle tremble un peu, et elle tente de calmer les voix dans sa tête. Elles crient toujours plus fort quand la petite hurle. Elle avait faim. “T’avais raison.” Et Jill n’aurait pas pu le savoir s’il n’avait pas été là. Si la petite avait commencé à pleurer et qu’elle avait été seule elle aurait tout fait pour trouver Bailey n’importe où pour qu’il s’en occupe. “Je… pardon… je suis un peu à cran.” Elle doit faire comme si tout allait bien, elle se l’était promis. Elle cache sa tête entre ses genoux et ferme les yeux juste quelques secondes. “Merci.” Elle ne l’a jamais autant remercié de sa vie.