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Il y a trop monde. Un océan de robes noires et de chemises foncées dans lesquelles tu n’as plus envie de te perdre. T’as envie de courir. T’as envie de crier. T’as envie que le monde arrête de tourner le temps de quelques minutes, histoire de pouvoir reprendre ton souffle, mais c’est impossible. Le temps te file entre les doigts et les minutes, les heures, les jours s’accumulent depuis la dernière fois que tu as entendu la voix de ton frère. Et tu n’acceptes pas, t’as les deux pieds enfoncés dans le déni alors que tu te retrouves coincés sur le bord de l’entrée de l’église, à devoir serrer des mains encore et encore. Tu acceptes les condoléances de tous, un léger sourire sur les lèvres, un merci qui est répété encore et encore sans réelle intention, mais tu n’es que physiquement présente. Tout ton être est concentré à rester debout, à garder le sourire, à ne pas éclater en sanglots. Il y a Milo à tes côtés qui semble dépasser par les évènements, qui s’accroche à toi et à tes parents, légèrement effrayé pour tous ses visages inconnus qui tentent de le consoler d’une perte qu’il n’a pas encore assimilé. « You coming aunty? » qu’il te demande alors que la majorité des gens se retrouvent désormais à l’intérieur de l’église. Tu hoches légèrement de la tête alors que tu tentes d’offrir un sourire réconfortant à ton nouveau. « I’ll be there in a minute buddy, just go join nana and pop okay? » Il fait signe que oui de la tête avant de disparaître derrière les grosses portes de l’église et tu prends quelques secondes de solitude pour te remettre légèrement les idées en place. Ton corps en entier est endolori alors que tu tentes du mieux que tu peux de camoufler ta peine et tu te mordilles les lèvres pratiquement au sang pour t’empêcher de te mettre à pleurer sans possibilité d’arrêter. Tu aperçois encore au cimetière un jeune homme rester derrière, un visage que tu ne reconnais pas. Tu t’approches un peu, toujours incapable de mettre un nom sur ce visage. « Care to share? » que tu demandes en pointant la cigarette se trouvant entre les doigts du jeune homme. Un peu de nicotine ne pouvait que te faire du bien en cette journée plus que pénible. T’es pas une grosse fumeuse, ça ne t’arrive qu’à l’occasion, surtout lorsque tu bois plus que nécessaire, mais aujourd’hui si tu te dois d’être sobre, tu peux certainement te permettre une cigarette avant de dire au revoir à ton frère pour une dernière fois. « How did you know him? »
T’étais pas venu pour crasher un enterrement à la base, mais ils étaient là et toi aussi. T’as cherché loin dans ta mémoire à quand remontait le dernier enterrement où t’as été. C’est avec beaucoup de surprise que tu t’es rendu compte que ça fait quasi un an. What. Est-ce que ça veut dire que ça y est, ton karma a véritablement tourné maintenant ? Est-ce que c’est que du bon depuis ces 12 derniers mois ? Parce que ouais, en y réfléchissant, t’as pas au de merde majeurs depuis un baille. I hope I’m not jinxing it.
C’est uniquement parce que tu portes un t-shirt et un jeans noir que tu te décides à les rejoindre l’air de rien. Tu ne pouvais pas les louper tous avec leurs habits sombres. And the coffin not far. Merci Captain Obvious. T’as même pas vraiment réfléchit que c’est peut être pas correct aux yeux de certains de se pointer comme ça à l’enterrement d’un total inconnu. Parce que toi, tu vois pas le problème en vrai. Toi tu regardes le cercueil être enfouis dans la terre et ça te fait quelque chose. Ce moment là est tellement fort à chaque fois. Autant que quand on enfourne le cercueil pour le brûler jusqu’à n’y avoir plus que des cendres. Ca te change toujours un peu plus à chaque fois. Comme si ton âme se divisait à ces moments là. Like horcruxes. Your Harry Potter nerd side is showing Jordan.
« Care to share? » Tu t’es allumé une clope en restant non loin après le moment. T’as pas voulu disparaître d’un coup pour plusieurs raisons. La première étant que tu vas retourner voir la tombe de ta femme avant de partir, car tu ne pars jamais sans que ce soit la dernière chose sur laquelle tu as posé tes yeux. Et la deuxième c’est que ça aurait fait chelou à ton avis que tu t’éclipses si vite alors que t’as assisté à toute la mise en terre. Vu ta grande taille, tu ne passes pas inaperçu malgré que tu n’aies pas dit un mot. Tu lui passes ta clope sans réfléchir à deux fois. Tu sais très bien ce que c’est les enterrements et si t’étais à sec de clope à ce moment là, t’aurais envie qu’une âme charitable te laisse tirer. Tu te mets à sa place. Tu restes silencieux toujours. « How did you know him? » Mais apparemment elle t’a remarqué parmi les gens. Elle doit être un des plus proche du défunt pour t’avoir ciblé aussi rapidement. Tu te dis pas qu’il y a peut être un peu de chance au milieu, tu te dis pas qu’elle est juste là pour la clope en fin de compte.
« I actually didn’t… » Comme à ton habitude, tu joues la carte de la sincérité. Mentir est toujours la dernière option pour toi. Mentir ne t’a toujours mené qu’à encore plus de galère. « I’m sorry for invading I just… Was around… And… » Peut être pas besoin d’être honnête au point de dire le fond de ta pensée Jordan. « … I’m not some kind of stalker I promise. » Tu veux pas de problèmes.
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Tu dévisages légèrement le jeune homme, tentant encore et encore de mettre un nom ou même peut-être un lieu de rencontre avec ce dernier, sans succès. T’es plutôt doué avec les visages masculins pourtant, probablement parce que tu en vois beaucoup moins dans le cadre de ton travail que des visages de femmes. C’est probablement parce que tu n’arrives pas à te souvenir que tu te décides finalement à aller vers lui. Tu hoches légèrement la tête en guise de merci alors que tu attrapes la clope que tu viens poser à tes lèvres. Tu apprécies le soudain silence alors que tu tires légèrement, laissant ensuite un petit nuage de fumer quitter tes lèvres. You really fucking needed that today. Tu hausses les sourcils, surprise de la réponse et de la sincérité de l’homme qui te fait face. « That’s fine. » Après tout, le cimetière est un endroit public et ton frère est malheureusement pas le seul à y reposer. Tu prends une autre longue bouffée de la cigarette avant de la tendre au blond de nouveau, échappant un long soupir avant de reprendre la parole. « D’you know someone here? Or do you just like hanging around cemeteries? » que tu demandes avec un haussement des épaules. Tu ne peux t’imaginer quelqu’un décider de venir se promener dans un cimetière pour le simple plaisir d’y être et quelque chose te dit que le jeune homme n’y était pas sans raison. Tu le dévisages une fois de plus, tentant de présumer de son âge. Tu l’imagines mal avoir plus de trente ans et encore, trente ans ça serait généreux. Tes pensées divaguent alors, se demandant qui il est venu visiter, non pas que ce soit de tes affaires. Un parent peut-être, ou quelconque membre de sa famille. Un ami peut-être, ou une personne chère. Ça te fait du bien pour quelques secondes de ne pas penser à Matias. De ne pas penser à son corps froid, six pieds sous terre désormais. Mais son visage revient bien vite dans ton esprit, te coupant le souffle comme chaque fois. Tu te mordilles légèrement la lèvre inférieure avant de reprendre parole. « I’m Sage by the way. It’s my brother’s funeral today. » que tu dis formellement, comme on dicterait n’importe quelle autre information lu sur le dos d’un magasine. « I really hate this place. » que tu rajoutes avec un long soupir, le regard porté vers ce bout de terre ou ton frère repose désormais.
par non uccidere.
Dernière édition par Sage Calhoun le Mer 5 Aoû 2020 - 6:26, édité 1 fois
« That’s fine. » Elle a sûrement d’autres chats à fouetter que de se prendre la tête sur un inconnu qui est venu pour assister à la mise en terre. Some could have punch me for that. C’est jamais arrivé mais tu sais que la colère est une phase du deuil. Tu sais aussi que toi même, tu t’es mis au milieu de baston juste pour le plaisir de te défouler. Mais c’est pas son cas à elle. Good. T’avais vraiment pas envie de créer de problèmes. Tu lui laisses tout le loisir de consumer ta clope puis elle te la rend. « D’you know someone here? Or do you just like hanging around cemeteries? » Un léger sourire se forme sur tes lèvres pour sa deuxième question. « I know quite a few people around here yeah. »
Un nouveau silence se forme alors que tu tires sur ta clope. Tu regardes un peu au hasard ce qui se trouve dans ton champ de vision mais tu sens bien son regard sur toi. Elle a l’air d’avoir d’autres questions. Maybe she’s trying to figure out the best place to kick me? « I’m Sage by the way. It’s my brother’s funeral today. » Oh fuck. Confirmation qu’elle est vraiment très proche du défunt. Ou pas. Toi t'as deux frères et vous êtes de totals étrangers les uns pour les autres. Tu serais même pas mis au courant s'ils étaient morts. Mais toi et ta famille, vous n'avez pas une configuration habituelle. Ton côté optimiste veut penser qu'elle, elle avait une bonne relation avec son frère pour venir à ses funérailles. « I really hate this place. » Tu la vois regarder la terre encore bien retournée où il repose pour le reste des temps.
« It grows on you. » Tu lui tends ta clope. « You can finish it. » Elle en a bien plus besoin que toi. Tu laisses le silence vous englober de nouveau avant de reprendre la parole. « My wife. My mum. They’re the ones I visit the most here. » Toujours une fierté en toi quand tu parles de ta femme. Ton être humain préféré sur cette planète. Ta BFF. Ton âme soeur. Ta moitié. Tu sais très bien que personne d’autre te fera ressentir ce que Rosa réveillait en toi. Ton amour pour elle n'est comparable à absolument rien d'autre pour toi. T'as eu des crush, t'es retombé amoureux même. Once. Mais ça n'était pas aussi fort. Incomparable. « Coming here talking to them is sort of like therapy now. » Maintenant. Parce que avant tu étais suivi par des professionnels. C’est fini. T’as l’impression qu’ils t’apportent plus rien. Tu sais tout ce que tu as à savoir sur toi. Tu as eu le temps de décortiquer toute ta vie et tes états d’âmes durant les longues années de thérapie.
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Tu devrais déjà être dans l’église pour un dernier mot, un dernier au revoir, mais tu ne t’en sens pas la force, pas le courage. Cette journée est terriblement épuisante et la simple idée de devoir aller chez tes parents ensuite, offrir d’énièmes remerciements à tous ceux qui ont pu connaître ton frère de proche ou de loin te donne envie de pleurer de plus belle. D’un côté tu es terriblement reconnaissante de tout ce soutien, de cette vague d’amour qui vous a été offerte à votre famille, mais de l’autre côté, t’as envie d’être seule, qu’on te foute la paix. T’as besoin de pouvoir penser par toi-même pour une minute au moins, sans aucune attente extérieure de qui que ce soit. C’est peut-être pour cette raison que tu avais été attiré par le blond en retrait, un visage inconnu qui ne semblait pas tout à fait être à la bonne place. C’est à peine si tu oses le regarder alors qu’il t’avoue connaître plusieurs personnes ici. « I’m so sorry. » que tu parviens tout de même à dire alors que tu donnes de légers coups de pieds dans le gazon, ressentant le besoin de faire quelque chose de plus que de seulement être planté là devant cet inconnu pendant les putain de funérailles de ton frère. Tu hausses les épaules quand il te dit que tu t’habitues à cette place, t’as du mal à y croire. « I doubt it. Dead people creep me out. » que tu ajoutes, comme une touche d’humour complètement déplacée. Tu prends la clope et la replace à tes lèvres. Tu ne sais pas pourquoi il reste là, mais tu apprécies étrangement sa compagnie. Ça fait différent de celle de tous ses gens occupés à pleurer ton frère presque aussi fort que toi. Ta bouche s’ouvre légèrement sous l’effet de la surprise lorsqu’il te dit que sa femme et sa mère sont celles qu’il vient majoritairement voir ici, la clope tombant tout bêtement à tes pieds. « Oh shit. » que tu laisses échapper, la pointe de ton talon venant écraser le restant de la clope. T’as du mal à t’imaginer que quelqu’un de ton âge – ou du moins dans les environs – puisse être veuf si tôt dans sa vie. Il semble pourtant en parler sans cette peine qui t’habite, limite avec une touche de fierté que tu ne comprends pas, du moins pas encore. « How do you do it? » que tu demandes avec un gène nouvelle dans la voix. « How do you become ok with it all? » Tu ne sais pas comment gérer avec cette perte, l’injustice derrière tout ça te prend encore par la gorge. Incapable d’accepter qu’un jeune homme de 35 ans en parfaite santé puisse survivre à la guerre pour mourir dans un banal accident de voiture.
« I doubt it. Dead people creep me out. » C’est pas ton cas mais tu comprends que ce soit le sien. Tu sais très bien que t’es complétement pété du cerveau à ce niveau là. Tu baignes dans les morts depuis ta naissance en même temps. Forcément ça fait quelque chose. Ca change quelqu’un. T’as quand même bien noté qu’elle n’était pas trop sérieuse.
« Oh shit. » Elle en fait tomber ta clope. Après ça devrait pas être si surprenant, t’es quand même venu au cimetière pour tes propres raisons. Elle doit juste être en train de se mettre à ta place. Si elle perdait sa mère et son partenaire. La vie ne serait plus la même c’est sûr. Des gens si proche. Qui sont sensé être proche de toi. « How do you do it? How do you become ok with it all? » Ces questions qui reviennent souvent quand tu croises des gens ici. T’as aucun soucis pour en parler. T’oses espérer que tu les aides d’une certaine façon avec ton vécu. Que tout ce qui t’es arrivé n’aura pas juste servi à te rendre misérable sur la majeur partie de ta vie. « Takes time. Didn’t count how many ours of therapy I had in my life. » Plus maintenant. T’es assez équilibré pour savoir te gérer et prendre les bonnes décisions, même si c’est pas toujours facile de pas s’enfouir dans le déni. « I never met my mum. She died in labour. And my wife… It’s a very sad story also. I got around 10 years to get prepared, if one can ever be prepared for that… But yeah. It wasn’t a walk in a park. »
Tu tournes la tête vers le bout de l’allée où vous vous trouvez. Y’a quelques marches et toute une autre section de tombes un peu en hauteur. « My wife… » Tu l’aimes toujours si fort. T’as pas eu beaucoup d’occasions de son vivant de la présenter comme étant ta femme. Officiellement. Alors tous les jours depuis sa mort, tu prends absolument toutes les occasions possibles est inimaginable pour parler de ta femme. L’unique personne qui était parfaite en tout points pour toi. « She’s buried not far from here. » Comme ça que tu les as vu arriver. Un simple coup d’oeil. T’es un tout petit peu en train de justifier ta présence à l’enterrement de son frère sans le dire tout à fait.
Tu reposes tes yeux sur la tombe du défunt qui vient tout juste d'être mis en terre, à savoir, son frère. « What happened? » How did he die? Mais tu ne le dis pas directement. Tu ne veux pas forcer quoi que ce soit. C’est super délicat et t’as aucun droit sur quoi que ce soit mais ouais, t’es curieux. Y’a certaines tombes qui sont là depuis que t’es tout petit, certaines tombes qui ne sont jamais visités. Celles là, tu connais très bien les noms. Celles là, tu leur as inventé des histoires de vie. Des histoires de mort aussi. Et tu ne sauras jamais la vérité, car elles sont à l’abandon.
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Il y a quelque chose chez le jeune homme qui t’intrigue, qui te questionne. Peut-être que c’est d’être familier avec la mort qui aide, mais tu as du mal à saisir comment il peut être si calme, si composé dans un endroit comme celui-ci. Avant Elsie, il y a déjà trois ans de ça, tu n’avais jamais côtoyer la mort. Tous tes grands-parents encore en vie, tes parents en pleine santé, pas même un oncle ou un cousin éloigné n’était passé à la morgue durant tes trente pauvres années d’existence. Tu n’avais jamais mis les pieds dans un cimetière avant la mort d’Elsie et aujourd’hui était la première fois que tu revenais depuis les funérailles de cette dernière. Si ton frère se faisait un devoir d’aller visiter Elsie à toutes les semaines, tu en avais été tout simplement incapable. Incapable de remettre les pieds dans cet endroit rempli de morts, de sombres, de tristesse surtout. Tu ne pouvais t’imaginer revivre cette tristesse semaine après semaine, alors tu avais choisi plutôt d’ignorer l’endroit dans l’espoir d’ignorer la douleur qui venait avec la perte. Un plan sans succès. Un retour à la case départ maintenant que Matias est venu rejoindre Elsie. La plaie doublement douloureuse, le temps n’ayant pas fait son œuvre. Pas encore. « How can you talk about it like it’s no big deal? You don’t even know me and you’re telling me this like it’s nothing. Like it doesn’t matter that you will never be able to see them again. » C’est pas tout à fait juste pour lui, tu le sais, mais tu ne peux t’empêcher d’être soudainement froide parce que ça ne fait pas de sens du tout à tes yeux, d’être si confortable avec la mort. On dit que le temps panse les blessures, mais t’es trop dans le vif du sujet, en plein milieu de la tornade que tu ne vois pas de l’autre côté, incapable de te l’imaginer.
Tu regardes dans la direction que le jeune homme pointe de son regard, troublée de penser à tous les êtres chers qui reposent ici. Il y a un frisson qui te parcoure le dos alors que les tombes s’accumulent. Tu ne sembles pas voir de fin à ce cimetière et ça te fige sur place. De penser qu’une fois ici, il n’y a rien de plus. Un dernier arrêt, plus rien à voir, plus rien à découvrir. Comme tout le reste, tu t’empêches de penser à une vie après la mort. C’est illogique à tes yeux. Tu ne peux pas croire ce que tu ne peux pas voir. Même si t’aimerais pouvoir dire que tu sens la présence de ton frère partout ou tu vas, ce n’est tout simplement pas le cas. Il n’y a que le vide et la colère pour remplir ton univers désormais. T’en oublies presque la présence du jeune homme alors que sa voix s’élève à nouveau entre vous. La question fatidique. Le comment du pourquoi. Tu te pinces les lèvres légèrement, cherchant le courage de parler de l’évènement une fois de plus. « A car accident. He was hit by a drunk driver on his way to pick up his son at my place. » La culpabilité qui t’habite chaque fois que tu y penses. Parce que tu avais insisté pour garder Milo chez toi plutôt que chez lui comme tu faisais normalement. Que s’il avait pris une route différente ce soir là, rien de tout ça n’aurait Tu hoches la tête légèrement et puis pointe dans la direction qu’il t’a indiqué plus tôt en parlant de sa femme. « What about her? » que tu demandes, moins froide soudainement, un brin de regret et de tristesse dans la voix.
« How can you talk about it like it’s no big deal? You don’t even know me and you’re telling me this like it’s nothing. Like it doesn’t matter that you will never be able to see them again. » Ce ton, ces mots. Elle est en colère. Might be jealousy. Parce que t’as foulée ta route depuis des années à propos de tous ça. De tous ces gens que t’aimes qui sont parti trop vite. Tu sais vivre en paix avec tout ça, parce que y’a que comme ça qu’on peut réellement profiter de la vie. En acceptant et avançant. Parce qu’on peut pas changer le passé. « It is a big deal but I had time process it all. » Therapy. Ca aide vraiment. En tout cas toi t’es tombé sur des gens - une personne surtout - qui a su te faire avancer dans la bonne direction tout au long de ta vie. Ton père qui a cru te mettre des bâtons dans les roues quand il t’a envoyé voir un psychologue mais ça a été la seule chose utile qu’il ait jamais fait pour toi. Tu parles pas à Sage du côté plus spirituel de tout ça. Que tu parles toujours à ta femme tous les jours. Ici ou n’importe où. De même pour ta mère.
T’es agréablement surpris quand elle répond à ta question. « A car accident. He was hit by a drunk driver on his way to pick up his son at my place. » Oh fuck. Tu sais très bien tout le poids de la culpabilité derrière les derniers mots qu’elle a prononcé. Fucking hell. Tu connais ça que trop bien. Tu sais pas quoi lui répondre parce que y’a juste aucun mots qui puisse apaiser cette douleur. Surtout quand elle est si fraîche. Et tu détestes tous les I’m sorry que les gens peuvent te dire dès qu’ils savent à propos de la perte de tes proches. C’est pas de leur fautes. Ils ont pas à s’excuser.
« What about her? » « Car accident. She was hanging with a friend because we got in an argument the night before. »
Parce que tout le monde sait que Rosa et toi vous étiez tellement inséparable que tu aurais passé la nuit chez elle, et vous auriez passé la journée ensemble. Elle n’aurait pas été dans cette voiture à ce moment. Tu vas pas dans le détail. Les 10 années de coma avant qu’elle s’éteigne finalement. La finalité est la même. C’est sa douleur à elle qui est la plus profonde. T’es pas là pour faire la compétition de qui a vécu la mort la plus horrible. T’as envie de lui proposer d’aller boire pour oublier mais vu qu’il s’est fait tué par un gars bourré, c’est pas la meilleure idée. « Wanna go somewhere else ? » Pourquoi tu t’investis autant Jordan ? She reminds me of me. Elle a sûrement un rassemblement avec toute sa famille après cette mise en terre Jordan. She probably doesn’t want to go there and hear them all say ‘sorry for your loss’ again and again. « There’s a new milkshake place that is really good near the river. »
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C’est le temps, qu’il dit. C’est le temps, qu’il te rappelle. C’est le temps qui doit faire son œuvre. Le temps qui apaise les blessures, le temps qui guérit les plaies, le temps qui chassent les idées noires et la peine pour éventuellement laisser place à quelque chose de plus doux. Tu le sais tout ça, tu le dis toi-même à tes patients. La mort, elle n’a aucun préjugé, aucune préférence, elle passe et ramasse qui elle veut, quand elle veut, peu importe les conséquences. Tu as vu des couples perdre des enfants au moment même ou ils se préparaient à les accueillir dans leur univers. Des parents qui ont vu leurs espoirs réduit à néant alors que tu étais incapable de trouver ce battement de coeur, ce battement si précieux aux oreilles de parents pleins d’espoirs. Si dans ta vie personnelle tu ne connaissais pas la mort de manière particulière, elle t’entourait pourtant au travail depuis bien longtemps. Tu te battais contre elle à longueur de journées, des combats que tu gagnais parfois, d’autres que tu perdais malgré toi. Tu aurais voulu pouvoir te battre pour Matias, mais on ne t’a pas donné la chance. Better luck next time. « I don’t want time. I want my brother. » que tu protestes dans un murmure, comme une gamine à qui on vient d’enlever son jouet préféré. Tu sais que ce n’est pas la faute du blond, qu’il ne peut rien faire. Qu’il n’existe aucune machine pour remonter dans le temps, ni aucun remède pour effacer ta peine. Tu ne peux que pleurer et gueuler ta colère contre ce monde qui ne fait plus de sens et espérer qu’un jour toi aussi, tu pourrais en parler avec aisance. Mais ce jour te semblait si loin, inatteignable.
Quand il te donne la raison derrière la mort de sa femme, you can feel your heart drop in your stomach. Il comprend alors, et tu le vois dans son regard que oui, il est là avec toi. Cette culpabilité que tu traînes partout, t’as envie de lui demander si elle diminue éventuellement. Si elle se fait plus tranquille dans son esprit avec le temps ou si elle reste telle quelle, éternellement ravageuse. T’as les lèvres qui tremblent légèrement de ses sanglots que tu retiens depuis longtemps déjà, soudainement effrayée de poser la question, mais surtout effrayée d’entendre sa réponse. What if it never goes away? « So you know. » que tu parviens finalement à dire avant de lever les yeux vers le blond au nom toujours inconnu. « Does it ever go away? » The guilt. Please tell me it does. It’s too heavy. I can’t carry that forever. Tu baisses rapidement le regard, essuie une larme solitaire sur ta joue et prend une longue respiration. Il te propose d’aller quelque part, tu ne sais pas pourquoi il se donne tout ce mal alors qu’il ne te connaît pas, qu’il ne te doit rien. Tu te tournes légèrement vers l’église, sachant que tu ne devrais pas quitter les lieux, mais l’idée est tentante. Il te propose un milkshake et tu hésites. « I probably should go back.. » que tu dis, en pointant vers l’église. Mais tu vois que les divers invités commencent à sortir et t’as besoin d’une pause. Ne serait-ce que de trente minutes avec quelqu’un qui ne te regarde pas avec cette putain de pitié dans les yeux. Quelqu’un qui comprend, qui te tend la main même si ce n’est pas sa place ni son rôle. « Why not. I could do with something sweet. » que tu dis, un léger sourire qui se place inconsciemment sur tes lèvres. « I don’t believe you’ve told me your name. » que tu annonces finalement alors que vous commencez à marcher vers l’extérieur du cimetière, prenant bien soin d’éviter les gens qui sortent de l’église.
« I don’t want time. I want my brother. » Tu l’entends. Tu la comprends. Tu veux aussi ta femme à tes côtés. Tu donnerais tellement pour qu’elle soit là avec toi en train de visiter le cimetière comme vous le faisiez déjà à l’époque. Tu es curieux de où tu en serais dans la vie si elle n’était pas partie, si elle était revenue totalement y’a deux ans au lieu de s’éteindre après ce dernier souffle. « So you know. » Tu hoches la tête, haussant aussi un peu une épaule au passage. T’es pas fier de savoir. Tu donnerais beaucoup pour oublier ça une bonne fois pour toute. T’as appris à accepter.
« Does it ever go away? » « No. »
Ah la question qui tue. Non. Parce que vous êtes bel et bien en vie toi et elle. La question à un million. Parce que même si la vie suit son cours et que tu acceptes, quand t’y repense, c’est pas agréable du tout. Toujours ce pincement, toujours quelques et si qui se font une place dans ton esprit pendant un moment. Il faut plus ou moins de force en fonction de ton état mental du moment pour accepter une nouvelle fois et continuer à aller de l’avant au lieu de ressasser. T’as pas trop envie d’entrer dans les détails parce que t’es pas là pour lui faire un Ted Talk sur l’histoire de ta vie. Elle est venu à l’enterrement de son frère et toi t’es en train de l’inviter ailleurs. « I probably should go back.. » Tu comprends. Tu hoches la tête. Tu vois quand même dans sa façon de regarder aux alentours qu’elle est en train de cogiter. « Why not. I could do with something sweet. » Tu hoches de nouveau la tête, content au fond de toi qu’elle prenne cette alternative là. Tu lui offres l’échappatoire dont toi tu aurais eu besoin à sa place. Elle aura tout le temps du monde à retourner avec sa famille et entendre toutes leurs condoléances et excuses. « I’ve got to try the pistachio. » Parce que t’aimes tellement ce parfum de glace que tu testes ça à tous les coups en premier. Pour pouvoir comparer et mettre une note par rapport à tous les autres de la ville et du monde. Tu prends réellement des notes. Vous commencez à marcher vers la sortie, tu repasseras pour voir la tombe de ta femme . Tu vas pas laisser Sage en plan là alors qu’elle a besoin de se tirer d’ici.
« I don’t believe you’ve told me your name. » « Oh ? Sorry I’m Jordan. Nice to meet you Sage. »
Parce que tu te souviens de son prénom. Parce que t’es véritablement content de cette rencontre. Parce que tu vas rendre sa journée un peu moins difficile. Parce que c’est ce genre de petits moments qui te donne l’impression que si t’as traversé tout ça c’est au moins, pour pouvoir apaiser certains esprits le temps d’un milkshake. Tu sers pas à rien. T’as pas vécu tout ça pour rien. « What flavor are you gonna get? »
Spoiler:
Je me disais qu'on pouvait peut être clôturer là ou à ta prochaine réponse ? T'en dis quoi ?