AND THEN THEY TOOK MY BLOOD TYPE ft. @Maze Crawley

"Me jugez pas, mais l'une des sagas dont j'étais vraiment accro quand j'étais plus jeune, c'était Twilight." La jeune femme allongée sur le brancard de l'un des box des urgences agrémentait une conversation que Norah jugeait agréable alors qu'elle était en train de retirer la saleté et surtout les copeaux de bois qui s'étaient infiltrés dans la plaie de son avant-bras. Une bien mauvaise chute. "Pas trop mon truc, les vampires." répondit alors l'infirmière avec un léger rire. "Mais c'était l'année de ma première grossesse et il y a eu une période où j'en pouvais plus de rester à la maison et un beau jour, la seule option – ou obligation, devrais-je dire– était d'accompagner une amie voir ce film au cinéma." Et c'était loin d'être une partie de plaisir, la brune avait été dubitative tout du long. "Aaah..." dit la jeune femme métisse d'un air très intéressé. "Allez, vous allez quand même pas me dire que vous avez une petite préférence... Team Edward, ou Team Jacob ?" La soignante lâché un long soupir. "Vraiment ?" Le large sourire satisfait et enthousiaste de la patiente en disait long. "Really, girl ?" Un nouveau soupir et... "Bon, ok, mais c'est vraiment parce que c'est vous." Norah s'éclaircit la voix, tout en déposant la pince stérile qu'elle utilise pour enlever les particules de bois de la blessure. "Edward est névrosé au possible, franchement, ça doit être insupportable au quotidien. Tu peux pas sortir avec lui en journée sauf s'il fait pas beau, à moins que tu veuilles exposer au monde sa peau façon boule disco. Ca n'a pas de sens. Et c'est d'un glauque quand il regarde l'autre dormir quoi, ça fait vraiment voyeurisme. Puis forcément, le mec il sait absolument tout faire, comme par hasard. Le mec parfait, mais ennuyeux à mourir.  Même Robert Pattinson détestait ce personnage. Si vraiment, on pense un  peu pratico-pratique, Jacob a au moins toujours chaud, fort pratique si on est un petit peu frileux. Il est loyal, il est toujours présent pour la nana, il est un bon confident –même s'il est sacrément friendzoné, admettons-le, le pauvre. Il reste un vrai pote parce que même s'il approuve pas le mariage de Bella, il vient quand même pour lui faire la surprise. Est-ce qu'Edward aurait fait pareil ? Non, je crois pas, non. Il cherche pas à faire foirer le mariage." "Vous êtes quand même sacrément calée pour quelqu'un qui a l'air de pas aimer Twilight. Vous êtes pas un peu refoulée par hasard ?" répondait la patiente, plus qu'amusée. "Ce qui me rebute, c'est l'incohérence totale de cette saga, et que la meilleure scène de la trilogie ne soit en fait qu'une vision." Norah finissait de faire le pansement. "Quand vous reviendrez pour refaire votre pansement, c'est moi qui choisirai du film à débattre." La jeune femme éclata de rire et la porte du box s'ouvrit subitement. Un des médecins des urgences fit son apparition, fin près à suturer la plaie saillante et soigneusement nettoyée. "Leckie, on a besoin de toi à la 3, elles arrivent pas à perfuser la patiente." Norah s’apprêtait à au moins préparer le matériel nécessaire pour le médecin, mais celui-ci l'interrompit aussitôt. "Non, t'inquiètes, je me débrouillerai, file." dit-il en cherchant déjà dans les différents placards. L'infirmière se désinfecta les mains avec de la solution hydro-alcoolique avant de se rendre dans le box où on l'attendait. "T'en as mis, du temps." fit remarquer l'une de ses collègues d'un air taquin. "Figure-toi que j'étais lancée dans un débat assez inédit avec la patiente." expliquait Norah alors qu'elle s'installait sur le tabouret à roulette à côté du brancard. "A quel sujet ?" "Twilight." Le rire de la collègue en disait long; elle savait que ce genre de films était loin d'être la tasse de thé de Norah et il y aurait fort à parier qu'elle aurait adoré être là au moment de l'argumentaire. L'infirmière leva les yeux vers la patiente mal en point qu'elle reconnut sans trop de mal. Norah se présenta succinctement avant de préparer le matériel nécessaire pour poser la perfusion. Son visage pâle lui était particulièrement familier. "Ses veines sont bien planquées, j'avoue, j'ai pas trouvé grand chose. Et du peu que j'ai trouvé, les veines ont pété." dit l'infirmière, frustrée de ne pas avoir réussi son soin. "Je prends le relais, tu devrais aider à finir le pansement à la 6." suggérait Norah. Le garrot serré autour du bras, Norah examina de près et essayait de poser le cathéter à la première veine trouvée, bien qu'elle lui semblait bien fragile. "On vous resucre, et on discute." Maze devait de toute façon être un petit peu trop sonnée pour pouvoir dire quoi que ce soit. La perfusion posée, Norah fit couler une perfusion avec une haute concentration en sucre. Elle prenait régulièrement sa tension et restait à côté le temps que ça fasse effet. "Ca va mieux ?" demanda-t-elle avec douceur, avec un sourire conciliant. "Vous étiez à 0,42 g/L de glycémie, vous aviez le droit pas être super bien." Histoire de rendre l'atmosphère un petit peu plus légère. "Au risque de vous décevoir, c'est pas le taux le plus bas que j'ai pu voir. Mais... c'est déjà pas mal." Car il y avait certains chiffres qui étaient tellement surprenants qu'il était bien difficile de les oublier. "Vous voulez manger, boire quelque chose ?" lui proposa-t-elle après quelques minutes d'observation. Un sourire discret mais sympathique se dessinait sur les lèvres de l'infirmière. Reprendre le travail après autant de semaines d'arrêt lui faisait le plus grand bien, elle pensait à autre chose. Et rien que ça, c'était salvateur. Ce n'était aussi que se voiler la face devant la réalité de la situation, mais au moins y avait-il un petit mieux dans son état. Même si elle espérait le contraire, la brune n'était pas dupe, et savait pertinemment que ce ne serait que temporaire. "Vous êtes chez Anwar en ce moment, c'est ça ?" lui demanda-t-elle, afin d'être sûre de ce qu'elle supposait depuis qu'elle était entrée dans le box. La majorité du temps, Anwar passait plutôt chez Norah ou ils se voyaient à l'extérieur. Ce qui expliquerait que l'infirmière n'ait à peine croisé que quelques fois la jeune femme jusqu'ici.

Maze était en général assez prudente avec son diabète. Elle ne jouait pas avec le feu, elle avait toujours des sucres dans sa poche, un jus de pomme bien rangé dans son sac à main, et des bandelettes pour prendre sa glycémie qui traînaient un peu partout où elle passait. Ces petites choses avaient la fâcheuse tendance à s’incruster dans les endroits les plus anodins. Ainsi en avait-elle récemment retrouvé sur le sol des toilettes d’Anwar. Difficile d’oublier qu’on était diabétique quand on devait se trimballer tout un attirail qui avait le don de prendre une place phénoménale. Son diabète était toujours dans un coin dans sa tête, où qu’elle aille, quoi qu’elle fasse. Ce jour-là toutefois, Maze avait étonnement mis son diabète de côté. Cela ne lui ressemblait pas mais cela faisait plusieurs moi qu’elle ne se sentait plus vraiment elle-même. Elle avait décidé de sortir prendre l’air sans s’encombrer de mille et unes choses. De quoi pourrait-elle bien avoir besoin si elle ne sortait que quelques minutes ? Erreur fatale. Ces quelques minutes s’étaient étirées et Maze avait fini plus loin qu’elle ne l’imaginait. Elle avait commencé à ressentir les signes annonciateurs d’une hypoglycémie et avait immédiatement fouillé dans ses poches pour anticiper et prendre du sucre. Sucre qu’elle ne trouva malheureusement pas. Pas de lecteur de glycémie, rien pour se resucrer, pas de portable pour appeler Anwar à la rescousse. Peut-être que si elle s’asseyait, cela suffirait si son hypoglycémie ne s’annonçait pas trop sévère ? L’hypothèse lui avait semblé peu probable mais elle n’avait pas trouvé de meilleure solution à ce moment-là. Les passants l’avaient regardée du coin de l’œil, curieux, avant que l’un d’eux ne finisse par constater qu’il y avait vraiment quelque chose qui n’allait pas. En même temps, voir quelqu’un retirer successivement son manteau puis son pull pour se retrouver en T-shirt avec la température extérieure qu’il faisait, cela avait de quoi attirer l’attention. Quand elle était en hypoglycémie, la jeune femme avait toujours l’impression d’être soudainement prise d’un énorme coup de chaud. Sa vision était trouble mais elle avait aussi l’impression d’être éblouie. Les tremblements n’annonçaient vraiment rien de bon ; elle avait toujours le temps de faire remonter à sa glycémie avant d’en arriver là. Heureusement, une âme charitable avait eu la bonne idée de s’arrêter près d’elle. « Excusez-moi mademoiselle mais…vous allez bien ? » Pâle et cherchant ses mots, Maze n’avait pas réussi à répondre quoique ce soit de cohérent et il n’en avait pas fallu plus à l’inconnu pour appeler une ambulance. Arrivée à l’hôpital complètement hagarde mais encore consciente (elle avait parfois l’impression que sa volonté à ne jamais tomber dans les pommes à cause de son diabète suffisait à la faire résister à la pire des hypoglycémies), Maze n’arrivait plus à se concentrer sur ce qui se passait autour d’elle. Elle tentait tant bien que mal de comprendre et de répondre aux questions qu’on lui posait mais cela ne semblait pas véritablement concluant. Assez ironiquement, Maze avait une sainte horreur des aiguilles mais son état ne lui permettait heureusement pas de réaliser que l’infirmière qui s’occupait d’elle semblait avoir un mal fou à lui poser la perfusion. Tout comme elle ne réalisa pas tout de suite qu’il venait d’y avoir un changement d’infirmière. " On vous resucre, et on discute. " Bon plan. Maze hocha légèrement la tête sans être parfaitement certaine de ce qu’on venait de lui dire. Il n’y avait rien de pire que de se sentir dans cet état, à la limite de l’inconscience mais encore suffisamment éveillée pour se rendre compte qu’elle était parfaitement impuissante face à tout ce qui se passait autour d’elle et qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’attendre que cela passe maintenant qu’on s’était occupé d’elle. "Ca va mieux ? " Maze put cette fois-ci hocher la tête en ayant bien compris la question et étant consciente de la réponse qu’elle donnait. " Vous étiez à 0,42 g/L de glycémie, vous aviez le droit pas être super bien. " Elle n’allait pas courir un marathon dans les minutes à venir, mais elle commençait à reprendre suffisamment de force pour remettre ses idées en place et former des phrases cohérentes. « Merci. » Ok, ça n’était pas une phrase, mais c’était déjà un bon début. Et elle tenait à commencer par remercier les personnes qui s’étaient occupées d’elle, cela lui semblait assez naturel. " Au risque de vous décevoir, c'est pas le taux le plus bas que j'ai pu voir. Mais... c'est déjà pas mal. " La brune esquissa un semblant d’expression faussement vexée mais elle n’était pas certaine que cela donne vraiment le résultat escompté. « Sérieusement ? Je suis super déçue. Si déjà je fais des efforts pour descendre aussi bas, je pensais battre des records. » Un léger sourire s’afficha sur ses lèvres. Si elle était capable de faire ce genre de réflexions un peu stupides, c’était la meilleure preuve qu’elle commençait à reprendre des forces. " Vous voulez manger, boire quelque chose ? " Elle parut réfléchir quelques secondes, comme essayant d’analyser elle-même l’état dans lequel elle se trouvait et ce dont elle pouvait bien avoir besoin. « Ça serait peut-être une bonne idée mais j’ai l’impression que si j’avale quelque chose maintenant, ça risque de ressortir aussi sec. » Cette réponse était loin d’être glamour (mais quel patient avait pour inquiétude de rester glamour dans ce genre de circonstances ?) mais elle était sincère. C’était le plus grand problème de Maze quand elle était en hypoglycémie. En général elle se sentait tellement barbouillée qu’elle n’avait rien envie d’avaler. Et quand elle se forçait à prendre quelque chose, cela ne restait jamais bien longtemps dans son estomac. Un véritable cercle vicieux. " Vous êtes chez Anwar en ce moment, c'est ça ? " A cette question, Maze arqua un sourcil et fit un effort surhumain de concentration sur le visage de l’infirmière qui se trouvait à ses côtés. Sa voix lui avait semblé familière mais elle n’avait pas été en mesure de creuser davantage cette piste. Maintenant qu’elle avait vraiment reporté son attention sur la jeune femme et qu’elle ne se contentait plus de la voir mais bien de la regarder, son cerveau percuta enfin. Son expression passa de la concentration à la surprise en l’espace de quelques secondes. « Norah c’est ça ? » Elle avait déjà eu l’occasion de la croiser en de rares occasions et Anwar avait bien évidemment déjà mentionné son nom devant elle. Maze ne connaissait pas toute l’histoire mais elle n’avait que pu déduire qu’il existait un lien très fort entre eux. « Oui, j’habite chez lui actuellement. Depuis quelques semaines. C’est aussi mon professeur de batterie. » Elle ne savait pas trop pourquoi elle avait fait mention de ce détail. Peut-être parce qu’inconsciemment son cerveau savait que cela lui permettrait de basher plus facilement Anwar par la suite en fonction du déroulé de cette discussion. « Je ne savais pas que vous étiez infirmière. J’aurais adoré qu’on fasse véritablement connaissance dans d’autres circonstances… » Encore un peu lent à réagir, son cerveau mélangeait quelques informations et, pour une raison inconnue, ne sembla se remémorer que maintenant cette histoire de glycémie très basse. « Et le taux le plus bas que vous ayez vu du coup ? C’était à combien ? Que je sache quel record battre la prochaine fois. » Son sourire permettait de traduire qu’il s’agissait là d’une plaisanterie. Elle espérait bien ne pas revivre ce genre de situation de sitôt.

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Calmement, Norah préparait le nécessaire pour poser la perfusion que ses collègues n'arrivaient à à fai; il valait mieux passer la main au bout des quelques tentatives infructueuses. Habituellement, les infirmiers des urgences étaient des maîtres en la matière, on n'allait pas critiquer un échec tout en sachant les talents qu'ils avaient en réserve. Naturellement, une fois que le liquide blindé en sucre parcourait les veines capricieuses de la patiente, celle-ci retrouvait peu à peu ses moyens, et l'énergie nécessaire pour ne serait-ce que comprendre ce qui pouvait bien se passer autour d'elle. Bizarrement, l'infirmière avait une vague idée de ce que la patiente Crawley pouvait traverser; à force d’insomnies carabinées, Norah avait déjà eu plus d'une fois la sensation d'être à côté de la plaque, comme dans un scaphandre, incapable de réaliser vraiment ce qu'il pouvait se passer autour de soi. Doucement, l'infirmière esquissait un sourire face aux remerciements de la jeune brune au visage étrangement familier; suite à quoi elle se permettait une petite note d'humour pour détendre l'atmosphère et ainsi assurer que la situation était sous contrôle. "Malheureusement, vous ne détenez pas ce record." Innocemment, la soignante haussa les épaules devant l'air faussement déçu de Maze. Poliment, celle-ci refusa la collation qu'on lui proposait afin d'augmenter l'apport en sucres lents et rapides nécessaire pour bien réactiver l'ensemble de son organisme. Explicitement; c'était bien là le mot pour décrire la façon dont Norah avait abordé le sujet d'un dénominateur commun qu'elles avaient et qui n'était autre qu'Anwar. "Absolument", répondait Norah avec un sourire sincère, contente de ne pas s'être trompée de personne en se risquant à ce genre de devinettes. Attentivement, la belle brune écoutait les explications concies et les détails résumant sa situation. "Irrévocablement, vous allez rendre son filleul – mon fils – très jaloux s'il sait que vous ayez droit à des cours de batterie de son parrain et pas lui, si jamais vous le croisez un jour, ne lui en donnez surtout pas l'idée" rétorqua-t-elle d'un rire amusé. Actuellement, Norah se faisait plutôt discrète sur son quotidien; à voir comment Anwar et les frères aînés Leckie manifestaient leur inquiétude, elle préférrait épargner la léthargie dans laquelle son mental s'était noyé. Résolument, la soignante était reconnaissante que l'inspecteur ne se soit pas trop montrer trop expansif avec la jeune femme qu'il hébergeait, supposait-elle, à titre gratuit. "Définitivement, oui, mais au moins on pourra se vanter que ce soit mémorable, nous ne risquons pas de l'oublier de si tôt." Agréablement surprise par la vitesse à laquelle les deux femmes parvenaient à parler sans la moindre gêne, Norah trouvait très rapidement ses aises (quoi que cela ait toujours été le cas). "Définitivement, la glycémie la plus basse que j'ai pu voir, c'était 0,27, même que le laboratoire me croyait pas. Historiquement, c'était une première pour quelques internes du coin, surtout lorsque l'on sait que le patient respirait encore, pas très conscient, mais toujours bien vivant. Concrètement, y'a encore un peu de chemin pour que vous y arriviez; mais je vous assure, il y a d'autres moyens pour rentrer dans les annales, par ici." Ironiquement, Norah pensait aux collègues à l'esprit biaisé et tendancieux qui auraient pu entendre cette phrase et y donner un tout autre sens. Accessoirement drôle, comme petit jeu de mots, vulgaire pour d'autres, mais d'une façon ou d'une autre, ça faisait toujours un petit peu sourire.

La coïncidence et les chances pour que Norah et Maze se recroisent de cette manière étaient assez exceptionnelles. Le fait que Maze soit diabétique augmentait tout de même significativement leurs chances de se voir par ici, mais elle faisait malgré tout encore suffisamment attention pour que cela ne se produise pas tous les quatre matins. L’hôpital n’était pas un endroit qui l’inspirait particulièrement et elle avait toujours veillée à s’en tenir suffisamment éloignée. Allez savoir pourquoi, certains lieux avaient le don de l’angoisser : les hôpitaux et les églises rentraient dans cette catégorie, sans qu’elle ne puisse véritablement en expliquer la raison. Ce qui était certain, c’est qu’à l’avenir elle n’oublierait plus jamais de vérifier qu’elle avait bien de quoi se resucrer dans les poches de son jean avant de sortir seule. Et l’avantage de vivre avec Anwar était qu’elle pouvait impunément lui piquer des bonbons en cas d’hypoglycémie ; toujours bien plus agréables à manger qu’un simple morceau de sucre. "Absolument" Elle était plutôt satisfaite d’avoir correctement identifiée Norah étant donné l’état dans lequel elle se trouvait encore quelques minutes auparavant. Cela lui avait demandé des efforts considérables de concentration mais le souvenir de son visage lui revenait en mémoire de plus en plus nettement au fur et à mesure que sa glycémie remontait. "Irrévocablement, vous allez rendre son filleul – mon fils – très jaloux s'il sait que vous ayez droit à des cours de batterie de son parrain et pas lui, si jamais vous le croisez un jour, ne lui en donnez surtout pas l'idée" Le sourire de Maze s’étira un peu plus. Elle en profitait en parallèle pour noter les quelques informations que Norah souhaitait bien disséminer ici et là, en espérant s’en rappeler une fois sortie de l’hôpital. Anwar était donc le parrain de son fils. « Promis je ne dirai rien. Vous craignez de vous retrouver avec une batterie à la maison ? » C’était en tout cas ce qui avait stoppé ses propres parents lorsqu’elle avait évoqué, plus jeune, l’envie de se mettre à cet instrument. Elle s’était sentie frustrée à l’époque, mais elle comprenait assez facilement que des parents n’aient pas souhaité se retrouver avec une batterie chez eux, sans pièce insonorisée, et avec un prodige de la musique en devenir. « Ceci dit, si je peux me permettre…je sais pas si Anwar est un prof de batterie rêvé. Je trouve qu’il a un peu trop tendance à dénigrer le talent certain de ses élèves. » Elle plaisantait évidemment et son sourire en était la preuve. Anwar et elle s’amusaient simplement à se chercher mutuellement à la moindre occasion mais elle doutait du fait qu’il se comporterait de la même manière avec son filleul. Peut-être pourrait-il malgré tout faire des efforts pour lui accorder un peu plus régulièrement des compliments quant à ses progrès, bien qu’elle n’en ait pas besoin pour continuer de se passionner pour cet instrument. "Définitivement, oui, mais au moins on pourra se vanter que ce soit mémorable, nous ne risquons pas de l'oublier de si tôt. " Cela ne faisait aucun doute, elles auraient une bonne histoire à raconter pour expliquer leur rencontre. A ce sujet, Maze reprit quelque peu son sérieux avant d’ajouter : « En revanche…est-ce qu’il serait possible d’éviter d’en parler à Anwar ? Ou pas tout de suite tout du moins. Je pense qu’il se fait assez de souci pour moi en ce moment, je préfèrerais ne pas ajouter ça à la liste. » Elle était restée assez évasive et n’avait pas choisi d’expliquer pourquoi il se faisait du souci pour elle. La liste était trop longue pour ça de toutes façons, il lui aurait fallu plus que quelques heures pour venir au bout de toutes ses histoires. Maze finirait certainement par parler de cette péripétie à l’inspecteur, mais elle attendrait d’avoir repris du poil de la bête pour cela, histoire de ne pas en rajouter une couche alors qu’elle avait déjà tendance à se montrer déprimée presque quotidiennement.
Les yeux de la brune s’écarquillèrent en entendant la valeur de glycémie la plus basse qu’ils aient rencontrée. Le challenge s’avérait assez difficile. Et accessoirement dangereux, mais c’était un détail. « Je vais peut-être éviter de relever ce défi là du coup finalement… » Le sourire de Maze revint bien vite sur son visage en entendant la fin de la phrase de Norah. « Vous devez avoir un nombre absolument incalculable d’histoires à raconter. Des histoires pas nécessairement drôles j’imagine mais…originales tout du moins ! » Pour avoir un certain nombre d’histoires peu communes à raconter sur sa propre personne, Maze adorait entendre ce genre d’anecdotes. Parce que ça la divertissait, mais aussi en partie parce qu’elle se sentait un peu moins anormale après avoir entendu certaines d’entre elles.

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Norah avait perdu le nombre de rencontres qu'elle avait pu faire entre ses murs. Bien qu'elle n'ai jamais été du genre à tergiverser sur sa vie personnelle avec ses collègues et ses patients, elle s'était tout de même liée d'amitié avec certains d'entre eux. Un étrange lieu de rencontre, mais elle y avait trouvé des amitiés qui lui étaient véritablement précieuses. La soignante reconnaissait qu'elle croisait dernièrement un peu trop de visages familiers. Et que même si Maze et Norah ne s'étaient jamais vraiment présentées à l'une l'autre, il ne faisait aucun doute que leur nom ne leur était pas totalement inconnu. "Je ne dis pas ça pour moi, mon fils fait ce qu'il veut comme activité, tant que ça lui plaît." Vulgairement, Norah aimait dire que tant qu'il ne devenait pas terroriste ou dealeur, elle l'encouragerait toujours dans la voie que son fils aurait choisir de suivre. "Remarquez, s'il y tient vraiment, Anwar en assumera la responsabilité et les cours de batterie se passeront chez lui, si vraiment." ajoutait-elle avec un rire amusé. "Pas que je prône le calme à la maison, mais Aidan est une pile électrique. Il y jouerait toute la journée. Et quand je dis toute la journée... C'est toute la journée. Sa soeur finirait par lui faire avaler ses baguettes." Julie était posée, et d'un sang-froid égal à celui de ses parents, mais elle aimait sa tranquillité, tolérait l'hyperactivité de son frère, à condition qu'elle ait des moments pour elle régulièrement. Maze doutait, avec amusement, des talents pédagogiques du brun. "Je pense qu'il sera beaucoup plus indulgent avec son filleul." Il ne valait mieux pas vouloir s'en prendre à Aidan de quelque façon que ce soit. La famille Lindley dans sa globalité même; Anwar s'en sentait responsable depuis la disparition de son coéquipier. Il cachait bien son jeu, en noyait une partie dans l'alcool, mais Norah savait très bien qu'elle était l'une des cordes sensibles du brun et qu'il était capable de tout pour eux. Peut-être même d'outrepasser la loi. Si seulement elle avait une idée de ses magouilles. "Je suis de toute façon tenue par le secret professionnel." lui fit-elle remarquer avec un clin d'oeil complice. Combien d'histoires et secrets improbables Norah avait pu voir passer aux urgences ou en réanimation et qu'elle devait garder pour elle. Bon, elle reconnaissait qu'elle partageait certaines histoires avec son mari; souvent celles qui l'avaient le plus amusé, ou le plus bouleversé.  "Cela dit, même si je n'étais pas tenue par ça, je ne lui aurais rien dit. C'est pas à moi de le faire, et surtout, je sais qu'il se fait du soucis pour beaucoup de personnes. On lui colle une autre mauvaise nouvelle, il finir par faire un ulcère." Ironie, ou maigre réalité. Norah se doutait qu'il en perdrait quelques plumes, à se ronger autant les sangs pour les personnes qu'il aimait. "Et il finirait par te gaver de sucre pour être sûre que ça ne se reproduise pas." Autant limiter les risques, dirait-il. L'infirmière s'occupait de réguler le débit de la perfusion qui était en train de couler tout en écoutant attentivement la jeune femme. "Je sais que certains cherchent l'exploit, mais effectivement, je ne vous recommanderai pas de relever ce challenge là." Il y avait déjà Alfie et ses imprudences qu'elle avait à gérer dès qu'ils se pointait aux urgences, s'il y en avait désormais une autre qui débarquait tous les quatre matins pour connaître ses propres limites en matière de glycémie alors qu'elle était diabétique, elle finirait par se sentir obligée d'établir un palmarès. Elle avait déjà suffisamment de matière pour écrire des annales, alors pourquoi pas. "Des histoires drôles, il y en a." dit-elle avec un sourire discret. "Enfin, nous, ça nous fait rire en tout cas." Mais l'humour noir et douteux des branches médicales et paramédicales n'étaient pas toujours très comprises du grand public et certaines blagues demandaient une certaine connaissance du vocabulaire spécifique de ce domaine. "Les plus drôles, c'est ceux qui essaient de nous faire croire à une histoirre montée de toute pièce par rapport à une blessure quelconque, et qu'ils pensent qu'on va la gober. On n'est pas dupes, et souvent les plaies parlent d'elles-mêmes. Dans tous les cas, ce n'est bizarrement jamais de leur faute." Dans ce cas, Norah regardait longuement son patient, d'un air désobligeant, le regard qui faisait bien comprendre qu'elle n'était pas dupe. Elle n'aimait pas être prise pour un jambon. "J'en ai pour quelques heures si vous tenez vraiment à ce que je vous fasse part de quelques anecdotes, avec des détails pas du goût de tout le monde, soit dit-en passant." fit-elle remarquer avec un rire amusé. "Et après vous irez peut-être vous plaindre à Anwar des choses douteuses que je pourrais vous raconter. Quoi qu'il serait pas vraiment surpris." Lui-même avait eu droit, pendant des apéros et barbecues avec Frank, avec quelques anecdotes croustillantes. Juste les plus amusantes, car ils ne tenaient pas à plomber l'ambiance avec leurs expériences respectives. Aucun d'eux n'exerçait un métier facile. "Mais si tu tiens à avoir un exemple... Il y avait une fois un patient qui venait aux urgences en fin de soirée. le visage sacrément amoché. Il était le futur marié et fêtait avec ses potes son enterrement de vie de garçon, et l'alcool faisant, ça a un petit peu dégénéré. Toujours est-il qu'il avait un oeil au beurre noir et des coupures à suturer. Et ce qui m'a fait le plus rire, c'était que dans le logiciel des urgences, là où on répertorie tous les passages aux urgences et les soins prodigués, le médecin a écrit en commentaire "doit être bien rafistolé car se marie samedi". Sur quelque chose de très officiel. Perso, ça m'a fait mourir de rire." Elle en riait encore, d'ailleurs. "Et on l'a plutôt bien rafistolé, d'ailleurs. Je me demande comment il a expliqué ça à sa future femme." Si Frank s'était pointé dans un tel état l'avant-veille de leur mariage, sa fiancée l'aurait très probablement incendié comme jamais. Mais il était s'était présenté indemne et sans le moindre bobo. Après une courte pause, Norah se permit de demander "Comment tu connais Anwar ?" d'un ton laissant comprendre que rien n'obligeait la brune à y répondre.

Maze avait-elle tendance à être plus bavarde quand elle se remettait d’une hypoglycémie ? Elle était très prompte à critiquer Anwar sur ses talents de professeur de batterie aujourd’hui. Mais à bien y réfléchir, elle était toujours très prompte à critiquer Anwar si l’occasion se présentait, qu’elle soit en hypoglycémie ou non. L’amour vache, ça les connaissait bien ; leurs joutes verbales ne connaitraient probablement jamais de fin. Non pas que cela lui déplaise réellement. Elle avait parfois l’impression que c’était d’ailleurs cette capacité à répliquer à ses piques qui lui permettait de garder les pieds sur terre et de ne pas s’enfoncer dans une morosité complète et totale. "Je ne dis pas ça pour moi, mon fils fait ce qu'il veut comme activité, tant que ça lui plaît. " Un sourire se dessina sur les lèvres de la Britannique. Elle aurait donné cher pour que ses parents aient la même approche que Norah à l’époque. Si ses oreilles risquaient de souffrir occasionnellement, elle ne regretterait probablement pas de laisser ce choix à son fils plus tard. Et ce dernier lui en serait certainement reconnaissant. "Remarquez, s'il y tient vraiment, Anwar en assumera la responsabilité et les cours de batterie se passeront chez lui, si vraiment. " Son sourire s’étira un peu plus à cette idée. Elle l’aimait décidément de plus en plus. Norah n’avait pas l’air de se laisser marcher sur les pieds et, sans pour autant en être certaine, il lui semblait qu’elle savait ce qu’elle voulait pour elle et pour ses enfants. "Pas que je prône le calme à la maison, mais Aidan est une pile électrique. Il y jouerait toute la journée. Et quand je dis toute la journée... C'est toute la journée. Sa soeur finirait par lui faire avaler ses baguettes. " Maze hocha la tête, comme réfléchissant à ce potentiel risque, avant de surenchérir avec son expérience personnelle : « De ce que j’en ai vu, j’ai l’impression que débuter à la batterie c’est toujours la même mécanique entre le musicien amateur et son "auditoire". Le premier a envie de jeter ses baguettes sur le second parce qu’il ne reconnaît pas ses progrès à leur juste valeur. Alors que le second a effectivement envie de faire avaler lesdites baguettes au premier parce que….c’est vrai que ça fait beaucoup de bruit une batterie. » C’était un fait difficile à nier. Même les simples bruits de frappes d’une batterie électronique, par définition théoriquement silencieuse, pouvaient suffire à agacer les gens les plus calmes du monde. « Mais qui sait, peut-être que cela donnera envie à sa sœur de monter un groupe avec lui ? » Son sourire était sincère. Pourquoi pas ? Le nombre de fratries s’étant lancées dans la musique et ayant fait fortune était assez important. Peut-être Norah avait-elle mis au monde les prochains frères Gallagher…Maze leur souhaitait toutefois un destin plus enviable du point de vue entente familiale. "Je pense qu'il sera beaucoup plus indulgent avec son filleul. " Maze ne put retenir un rire spontané. « C’est certain ! A vrai dire, j’ai tendance à croire qu’il sera plus indulgent avec n’importe qui plutôt qu’avec moi. Je suis sûre que secrètement il adore critiquer ma façon de jouer pour voir mes réactions. » Enfin pas si secrètement que ça d’ailleurs. Mais elle le lui rendait bien. Et par ailleurs, Maze était de nature assez expressive. Dès qu’elle faisait une erreur, cela se lisait instantanément sur son visage. Difficile de ne pas rebondir et surenchérir dans ces conditions-là. Peut-être devrait-elle songer à jouer avec un masque ou une cagoule la prochaine fois…"Je suis de toute façon tenue par le secret professionnel. " C’est vrai qu’elle avait oublié ce détail. Etant plutôt du genre à partager toutes les informations qui lui passaient par la tête et n’excellant de ce fait pas pour garder des secrets, Maze avait tendance à oublier l’existence du secret professionnel. "Cela dit, même si je n'étais pas tenue par ça, je ne lui aurais rien dit. C'est pas à moi de le faire, et surtout, je sais qu'il se fait du soucis pour beaucoup de personnes. On lui colle une autre mauvaise nouvelle, il finir par faire un ulcère. " Une grimace tira les traits de la brune, comme pour confirmer les dires de Norah. Il était certain qu’Anwar était très empathique avec les personnes qui lui étaient proches. Il avait beau vouloir jouer celui qui savait garder la tête froide en toute circonstance, elle se doutait qu’il devait masquer un certain nombre d’inquiétudes. « Je suis d’accord…mais j’imagine qu’on ne peut plus rien faire pour le changer ? Il n’y a pas de formule magique pour le rendre moins soucieux ? » Des médicaments pour ça, il en existait probablement un certain nombre…accompagnés de tous leurs effets indésirables et des addictions qui pouvaient en découler. Alors autant tabler tout de suite sur la formule magique, cela lui semblait plus sage. "Et il finirait par te gaver de sucre pour être sûre que ça ne se reproduise pas." Maze éclata une nouvelle fois de rire à cette réflexion. « Je crois que tu n’aurais pas pu voir plus juste. En plus ça ne serait pas vraiment difficile pour lui étant donné qu’il a toujours des bonbons à portée de main. » A bien y réfléchir, cette situation était plutôt ironique d’ailleurs maintenant qu’il partageait son appartement avec une diabétique.
Sans s’en rendre compte, Maze s’était un peu redressée dans son lit, comme pour mieux profiter des histoires que Norah s’apprêtait à partager. « Je suis toujours très ouverte pour écouter des histoires douteuses. J’adore ça. J’ai un humour très particulier. » Et elle imaginait aisément que l’infirmière devait être en mesure d’écrire un vrai roman avec toutes les anecdotes qu’elle avait dû recueillir au cours de sa carrière. Concentrée sur ce que la jeune femme lui disait, sa curiosité étant définitivement éveillée à présent qu’elle avait repris suffisamment d’énergie, Maze écoutait avec attention chaque mot qui s’échappait de sa bouche, son sourire s’étirant un peu plus à chaque seconde avant qu’elle ne finisse par éclater de rire. « "doit être bien rafistolé car se marie samedi", mais c’est du génie ! J’aurais aussi adoré voir la tête de sa future femme, ça devait être quelque chose. Un souvenir mémorable ! » Son sourire se fit un peu plus tendre alors que ses pensées se dirigeaient vers son pays d’origine et sa famille. « Je ne sais pas si c’était pour éviter que je pleure et que je ne me morfonde trop longtemps, mais à chaque fois que je me faisais mal, ma mère avait pour habitude de me dire que c’était une blessure de guerre que je pourrais exhiber fièrement par la suite ! Bon, résultat des courses…maintenant quand je me fais mal et que je n’ai même pas au moins un bleu comme preuve, je suis un peu déçue. » Mais cela lui avait au moins appris à ne pas se plaindre à la moindre égratignure. Ce qui n’était pas négligeable si on considérait la maladresse dont elle pouvait faire preuve au quotidien.  "Comment tu connais Anwar ? " Elle réfléchit quelques secondes. Leur histoire actuelle s’était compliquée mais son début avait été plutôt simple au final. « Je cherchais un prof de batterie et il cherchait des élèves…quelle erreur n’ai-je pas faite ce jour là ! » Son sourire montrait bien qu’elle plaisantait. Elle avait beau râler en permanence à son sujet, elle ne regrettait pas d’avoir rencontré Anwar, ni même de l’avoir en prof de batterie -même si elle ne le lui avouerait jamais-. « Ces derniers temps, ma vie a été un peu compliquée…et Anwar a été là pour moi. Une chose en entraînant une autre, il m’a proposé de venir vivre avec lui le temps de me remettre sur pieds. » C’était assez vague comme explication, mais elle ne se voyait pas expliquer de but en blanc à Norah qu’elle s’était faite kidnapper et qu’Anwar l’avait littéralement sauvée d’un trafic d’êtres humains. C’était un peu ardue comme histoire pour faire connaissance. « Et toi, comment tu l’as connu ? » Sa question avait été posée innocemment et avec une sincère curiosité.

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Bien que loin d'être au meilleur de sa forme, Maze était rafraîchissante. Du moins, elle ne laissait pas son hypoglycémie mettre au tapis son sens de l'humour et le fait qu'elle aimait tout simplement papoter. Norah saisissait volontiers l'opportunité, comme elle pouvait le faire avec tous les patients enclins à discuter de mondanités ou d'autres choses que le coeur leur en disait. Tout autant qu'elle respectait les personnes plus réservées, qui géraient avec leurs propres armes ce qu'ils étaient en train de traverser. Maze devait être habituée aux caprices de son pancréas, à jongler entre hyper et hypoglycémie, à réguler le tout par des morceaux de sucre ou des injections d'insuline. Le fait qu'elles connaissaient toutes les deux Anwar aidait d'autant plus à bavarder et comme elle avait du temps devant elle (ou plutôt, elle se donnait le temps), Norah était partante pour rester un peu plus longtemps avec la jeune femme. "Julie a toujours eu énormément de patience avec son frère et même si au bout d'un moment, elle serait forcément gavée de l'entendre à longueur de journée, elle saurait tout à fait apprécier ses progressions." assurait Norah ave un sourire tendre. "C'est juste qu'elle, elle est beaucoup plus posée, elle a besoin d'avoir ses moments de calme sans que qui que ce soit ne vienne la déranger." Des tempéraments très opposés, et pourtant ils s'entendaient à merveille. Aidan vénérait sa soeur et Julie était d'une indulgence extrême avec Aidan. Elle était même assez protectrice, elle aimait veiller sur lui, même sous ses airs parfois blasés. Elle avait la même façon de lever les yeux au ciel que sa mère. Norah se reconnaissait beaucoup en elle. "Mais oui, peut-être que ça donnerait envie à Julie de faire un peu de musique, qui sait. Pour le moment, si elle n'a pas le nez dans ses bouquins ou qu'elle ne passe pas de temps avec sa meilleure amie, c'est qu'elle est à son club de handball." dit-elle avec un léger sourire. C'était sa façon à elle de se dépenser, quand elle ne passait pas son temps à s'amuser avec Moïra. Maze semblait vouloir dire qu'elle faisait tourner Anwar en bourrique et qu'elle en tirait une certaine satisfaction. L'inspecteur était entouré de femmes avec de sacrés caractères, des tempéraments pas faciles à gérer. Et pourtant le courant passait bien malgré tout. Il devait aimer avoir des têtes dures en face de lui. "Même de base, il prend le rôle de parrain très à coeur." Et c'était tant mieux pour Aidan. "Quelqu'un lui cherche des noises à Aidan et je peux t'assurer qu'il passera un sale quart d'heure, et c'est un euphémisme." Il était le fils de Frank, il était l'enfant d'un couple qu'il avait toujours admiré et qu'il aimait énormément. Il n'en fallait pas plus que cela pour qu'Annie prenne son rôle très à coeur. "Après, s'il aime tant te faire réagir, c'est que ça doit sacrément bien fonctionné avec toi." souleva-t-elle avec un sourire taquin. L'infirmière pouvait garantir à Maze qu'elle ne pouvait de toute façon rien dire à Anwar concernant ce passage aux urgences. Elles le reconnaissaient bien là toutes les deux; trop inquiets pour ses proches. Norah avait conscience qu'elle avait la très fâcheuse tendance à le tester. Quand il cherchait à garantir sa sécurité en l'incitant fortement à éviter certaines zones de la ville, on pouvait être quasiment sûrs qu'elle s'y rendrait tout de même. Que s'il lui disait d'éviter une personne en particulier, il devrait se douter qu'elle n'en ferait qu'à sa tête sans pour autant être totalement dépourvue de bon sens. Norah sentait le danger venir et à ses yeux, même s'il trempait dans de sales affaires,  Mitchell Strange n'avait rien d'une menace. "Hélas, non." répondit-elle avec un soupir. "Eh quand bien même, ça ne me viendrait même pas à l'idée de lui donner quoi que ce soit pour se détendre. Pas avec un bébé à charge." Il n'était pas impossible qu'Anwar finisse avec troubles cardiaques tant il se faisait du soucis pour les autres, mais ce n'était pas pour autant que Norah voulait le voir se dépersonnifier en prenant un quelconque traitement. Il était ce qu'il était, elle l'appréciait pour cela, même quand ça l'agaçait. C'était sa façon de montrer son affection. Maze disait qu'Anwar avait toujours des bonbons auprès de lui, au cas où. "Mais jamais de Skittles." précisa Norah avec un sourire triste. Ca, c'était une certitude, et si Maze n'avait jusqu'ici pas fait attention à ce détail, elle le remarquerait certainement par la suite.

La brune était amusante et curieuse. Au point même de vouloir entendre les anecdotes croustillantes que Norah rencontrait au quotidien. Pour certaines histoires, il valait mieux avoir le coeur bien accroché. "Je suis infirmière, aucun humour ne m'est particulier. J'avoue que j'ai pensé la même chose que toi en voyant le futur marié : comment allait donc réagir sa dame ? Ca a du être épique, le jour du mariage." rétorqua-t-elle avec un rire. "Mais cette histoire là fait partie de celle que je classe de drôles. D'autres sont amusantes, mais c'est tiré d'une situation souvent... malaisantes. Par exemple, j'ai déjà un patient d'une cinquantaine d'année qui s'est foutu à poil devant moi pour me demander si je le trouvais encore bien foutu pour son âge." Un rictus discret et amusé apparu sur le coin de sa bouche. Il en fallait beaucoup pour impressionner Norah. Non pas qu'elle minimisait les exploits et l'histoire d'autrui, mais cela ne lui faisait pas perdre ses moyens. Elle était une épaule solide sur laquelle on pouvait s'appuyer quand on avait besoin. Ce fait n'était peut-être plus tout à fait juste depuis quelques mois. Il fallait seulement qu'elle reconnaisse son épuisement et qu'elle se ressaisisse pour retrouver la Norah d'antan. Mais ce travail, cette acceptation, demandait énormément d'efforts. "Votre mère avait raison." dit-elle d'un air attendri. "Ca n'empêchait pas qu'elle se fasse du soucis pour vous, mais elle fait partie de ces mamans qui ont pigé qu'il n'y avait pas lieu de dramatiser les blessures." Norah avait sa propre vision de l'éducation. Elle était parfois un peu dure avec ses enfants et en avait parfaitement conscience, mais elle agissait dans leur intérêt. Les deux brunes discutaient de la façon dont elles avaient connu Anwar. Maze usait de beaucoup d'humour pour cacher des vérités. A force de côtoyer des patients, et de par l'attitude de certains de ses amis, Norah avait rapidement compris que les personnes se protégeant autant avec des plaisanteries n'avaient pas eu la vie simple. Son interlocutrice se contentait d'être particulièrement évasive sur le sujet. En somme, Anwar l'avait sortie d'une vie compliquée. Ca ne la surprenait pas de lui. Du Annie tout craché. "Tu es tombé sur la bonne personne, alors. Norah respectait le fait qu'elle restait secrète. Si elle voulait lui en parler, elle le fera quand elle sera prête. Elle ne forçait la main que lorsqu'elle le jugeait nécessaire et qu'il n'y avait pas de temps à perdre. Là, il était tout à fait inutile de précipiter les choses. "Il était le coéquipier de mon mari." lui répondit-elle avec un sourire triste. "Ils étaient comme cul et chemise et j'ai perdu le compte du nombre de fois où il venait manger à la maison et Tarek. Il fait partie de la famille." Penser à ces moments de bonheur la rendait particulièrement nostalgique. Après un long silence, elle releva les yeux vers Maze pour préciser. "Mon mari est mort." Il valait mieux le dire avant que la patiente ne s'interroge à ce sujet et qu'elle s'en veuille d'avoir mis les pieds dans le plat en demandant plus de précisions à ce sujet. A force, Norah avait l'habitude de la réaction des autres quand on l'interrogeait sur Frank. "Il s'est fait tué en service, Anwar était là." Et il n'avait rien pu faire pour le sauver. "Sa disparition n'a fait que décupler le besoin constant d'Anwar de protéger les autres, parfois même un peu dans l'excès. On peut pas lui en vouloir pour ça." Et le fait qu'il se sente responsable de l'assassinat de Frank et que le meurtrier soit toujours en fuite n'aidaient pas vraiment non plus. Il s'était donné comme de voir de veiller sur les Lindley autant que faire se peut. Parfois en devenant même trop protecteur. "Depuis il a toujours été là pour moi." Norah savait qu'elle pouvait toujours compter sur lui. Que si elle l'appelait pour lui quémander de l'aide au beau de milieu de la nuit, il rappliquerait aussitôt, sans broncher, sans lui en vouloir. "Et moi pour lui, aussi." dit-elle avec une pointe d'amusement. Mais ça, il ne l'avouerait jamais à voix haute.

Maze hochait doucement la tête, écoutant avec attention les histoires de Norah. Il s’agissait de moments simples de sa vie quotidienne, des bouts de sa vie personnelle, et cela avait le don de l’apaiser et de presque parvenir à lui faire oublier qu’elle se trouvait dans un lit d’hôpital parce qu’elle ne s’était pas montrée suffisamment prudente et qu’elle avait décidé de mettre son diabète un peu trop de côté pour aujourd’hui. Elle aurait adoré pouvoir s’en détacher quand elle le voulait, même le temps de quelques minutes. L’oublier et ne plus penser à chaque seconde en termes d’indices glycémiques, d’efforts physiques, de stress, de températures, et de moindre facteur extérieur complètement absurde et ayant pourtant le pouvoir de lui provoquer hyper comme hypoglycémie. Alors oui, être là avec Norah et l’écouter parler de ses enfants avait le don de lui permettre de s’évader et d’oublier tout cela quelques instants. Elle se concentrait du mieux qu’elle pouvait sur son visage et sur ses lèvres pour tenter d’oublier l’environnement qui les réunissait aujourd’hui. "C'est juste qu'elle, elle est beaucoup plus posée, elle a besoin d'avoir ses moments de calme sans que qui que ce soit ne vienne la déranger. " Maze hocha une nouvelle fois doucement la tête. Elle ne comprenait que trop bien. Elle adorait sortir et voir des gens, mais elle avait aussi besoin de moments pour recharger ses batteries. De moments rien qu’à elle durant lesquels elle pouvait choisir de rester chez elle et de ne rien faire du tout. Des pauses bien méritées dans un quotidien bien souvent chargé dans lequel on n’avait plus une seule seconde pour respirer et s’accorder des moments à soi. "Quelqu'un lui cherche des noises à Aidan et je peux t'assurer qu'il passera un sale quart d'heure, et c'est un euphémisme. " Elle sourit avant d’ajouter presque instantanément : « Ça ne m’étonne pas une seule seconde. » Évidemment qu’Anwar était un bon parrain. Anwar était bon tout court. A l’écoute et toujours disponible pour son entourage. Trop, probablement. « Tu sais que je l’imagine bien coffrer un enfant qui se serait attaqué à son filleul ? Histoire de lui donner une bonne leçon…C’est pas très éthique mais je pense que ça doit faire son petit effet. » Elle imaginait tout à fait cette scène. N’ayant jamais eu d’enfants dans son entourage proche, Maze n’était pas bien placée pour donner son avis sur la question. Toutefois elle comprenait fort bien que l’amour que l’on pouvait accorder à ces petites personnes puissent faire naître ce genre de réactions un peu disproportionnées chez les uns et chez les autres. "Après, s'il aime tant te faire réagir, c'est que ça doit sacrément bien fonctionné avec toi. " Elle grimaça avant de répondre : « Je plaide coupable, j’ai tendance à réagir au quart de tour et il en joue un peu trop… » Elle avait bien essayé de rester de marbre face aux provocations de l’inspecteur, mais sans succès. Son fort caractère et sa tendance à toujours vouloir avoir le dernier mot avaient bien souvent raison d’elle. "Eh quand bien même, ça ne me viendrait même pas à l'idée de lui donner quoi que ce soit pour se détendre. Pas avec un bébé à charge. " Ha, sa relation avec Alma. Une relation unique et exceptionnelle qui avait le don de faire rire Maze autant qu’elle ne l’attendrissait. Tenter de changer sa personnalité serait effectivement bien dommage puisque c’était pour cette dernière que les femmes et les hommes de sa vie l’appréciaient. "Mais jamais de Skittles". La tête de la britannique bascula imperceptiblement sur le côté, ses sourcils se fronçant légèrement en constatant la mélancolie qui semblait s’être emparée de Norah lorsqu’elle avait prononcé ces mots. Elle sentait bien qu’ils devaient raisonner de manière très forte pour l’infirmière. Mais aussi intriguée qu’elle fut sur le moment, elle sentait aussi que ça n’était pas son droit de poser davantage de questions. Elle se contenta donc de constater qu’effectivement, elle n’avait jamais vu Anwar avec des Skittles à proximité.
Mais la conversation se fit plus légère à nouveau quand Norah évoqua les histoires qui lui étaient déjà arrivées. Maze avait déjà eu du mal à se remettre de celle du marié et la suivante ne manqua pas non plus de retenir son attention. "Mais cette histoire là fait partie de celle que je classe de drôles. D'autres sont amusantes, mais c'est tiré d'une situation souvent... malaisantes. Par exemple, j'ai déjà un patient d'une cinquantaine d'année qui s'est foutu à poil devant moi pour me demander si je le trouvais encore bien foutu pour son âge. " La bouche ouverte, ne sachant quoi répondre à cela, elle garda le silence quelques secondes avant de finir par éclater de rire. « Mais c’est pas vrai ?! » Maze n’aurait certainement jamais pu exercer ce métier. Elle n’aurait pas su comment réagir dans ce genre de situations, si ce n’était fuir en riant. « C’est extrêmement malaisant effectivement…Mais je n’ose pas te demander ce que tu as trouvé à lui répondre ? » Quelque chose lui disait qu’elle ne devait pas manquer de réparties dans ce genre de situations. Finalement, le métier d’infirmière s’apparentait peut-être plus à celui de one woman show qu’elle ne l’imaginait. A la fin de sa carrière, Norah serait certainement capable de tenir en haleine une salle de spectateurs des jours durant avec toutes les histoires qu’elle aurait à raconter. "Tu es tombé sur la bonne personne, alors. " Elle hocha vivement la tête lorsqu’elles revinrent sur le sujet Anwar. C’était certain qu’elle ne serait littéralement pas là aujourd’hui si ce n’était pas grâce à lui, et en partie pour lui. "Il était le coéquipier de mon mari. " Maze se tut, curieuse d’en apprendre davantage. Anwar ne lui parlait que très peu de son travail mais elle se demanda si elle pouvait déjà avoir entendu parler de ce collègue. Etant donné la relation qu’il avait avec Norah, c’était fort probable. "Ils étaient comme cul et chemise et j'ai perdu le compte du nombre de fois où il venait manger à la maison et Tarek. Il fait partie de la famille. " En revanche l’emploi du passé avait commencé à faire naître une légère boule d’anxiété au creux du ventre de la britannique, inquiète d’avoir posé les pieds à un endroit hors-limite. "Mon mari est mort. " C’était définitivement hors-limite. Elle ne s’attendait pas à cette histoire-là et espérait sincèrement ne pas avoir blessé Norah d’une quelconque manière que ce soit. "Il s'est fait tuer en service, Anwar était là. " Maze restait bêtement silencieuse. Elle n’osait pas se confondre en excuses, n'ayant jamais trouvé cela très approprié ni logique comme réaction quand un interlocuteur lui annonçait la mort de quelqu’un. A quoi cela servait-il d’être désolé ? Cela ne ramènerait pas la personne à la vie. La brune n’avait jamais eu une discussion franche avec l’inspecteur à ce sujet mais elle avait déduit grâce à des bribes d’informations récoltées ici ou là qu’un drame de ce type s’était produit dans sa vie. Elle n’avait jamais osé le pousser à en parler, estimant qu’il le ferait de lui-même s’il le jugeait nécessaire et s’il en avait envie. Elle avait à présent une bonne partie des morceaux du puzzle grâce à Norah. "Sa disparition n'a fait que décupler le besoin constant d'Anwar de protéger les autres, parfois même un peu dans l'excès. On peut pas lui en vouloir pour ça. " Elle comprenait en effet bien mieux pourquoi Anwar était tel qu’il était. C’était logique, compréhensible, et tout à son honneur. "Depuis il a toujours été là pour moi. Et moi pour lui, aussi. " Maintenant qu’elle avait fait la connaissance de Norah, elle avait la ferme intention de demander à Anwar d’organiser des repas où ils pourraient tous être réunis. Elle était certaine qu’elle gagnerait à la connaître davantage et à la côtoyer. Sans pouvoir dire exactement pourquoi, elle pouvait déjà dire qu’elle l’appréciait. Maze avait pour habitude de se fier à son instinct quand elle rencontrait des gens. Et son instinct se trompait rarement quand il s’agissait d’analyser des personnalités. Et celle qu’elle avait en face d’elle lui plaisait résolument beaucoup. « Et bien à partir d’aujourd’hui, sache que tu peux également compter sur la diabétique que je suis. Voilà ce qu’on gagne à me sauver d’une sévère hypoglycémie et à réussir à supporter Anwar presque quotidiennement ! » Une façon peu subtile de lui proposer son aide au besoin tout en laissant entendre qu’elles seraient très certainement amenées à se revoir à partir de maintenant. Cela faisait longtemps que Maze ne s’était pas ainsi imposée dans la vie de quelqu’un. Bien sûr elle ne ferait pas de forcing…mais si Norah lui en laissait l’opportunité, elle aurait plaisir à faire davantage connaissance.

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Maze était probablement de celle qui avait vécu tellement de choses qu'elle tentait de compenser sa nouvelle vie avec un surplus d'optimisme et de positivité. Le besoin de voir le verre à moitié plein, croire en la beauté en ce bas monde, se concentrer sur les belles petites choses. Ne serait-ce que pour équilibrer la balance, une compensation, l'espoir qu'elle plaçait dans son futur. Elle donnait des indices, ici et là, que Norah analysait avec finesse. Son interprétation était peut-être fausse, mais c'était une théorie qui s'entendait malgré tout. Elle souriait à la supposition de son interlocutrice, qui imaginait aisément Anwar arrêter un gosse si celui-ci s'en était pris à un des enfants de Norah. "Ethique ou pas, l'idée est brillante cela dit." Elle imaginait sans trop de mal Frank faire la même chose, à des enfants particulièrement méchants et turbulents – et qu'il supposerait être mal éduqués aussi. "Juste histoire de leur faire une bonne grosse frayeur et qu'il pige la gravité de leurs actes." Elle défendait l'idée très volontiers. Bien qu'il était du genre solide (sinon il n'exercerait jamais un métier comme le sien), Anwar n'était quand même pas un robot. L'accumulation de ses responsabilités et l'accumulation de la culpabilité qui pesait sur sa conscience le rendaient à fleur de peau. Il contenait très bien ses émotions, mais son amie n'était pas dupe. Elle avait peur qu'il ne finisse avec un ulcère à l'estomac ou un problème cardiaque s'il ne lâchait pas un peu de lest. S'il l'entendait parler, il lui dirait clairement que c'était l'hôpital qui se foutait de la charité. Il rendait par contre bien la monnaie de sa pièce à Maze, qui elle s'en amusait largement. "Il a du mal à me faire réagir moi, peut-être qu'il en profite largement parce que ça fonctionne avec toi." s'amusa-t-elle à répondre. Mais là encore, c'était une théorrie qui tenait tout à fait la route. La jeune patiente se fascinait des expériences insolites vécues par Norah durant l'exercice de son travail. Des anecdotes tantôt amusantes, tantôt flippantes ou exaspérantes. Et ce qui était habituel pour Norah semblait fasciner et surprendre Maze, qui hallucinait totalement ses petites histoires. "Si si, c'est bien vrai." lui assura-t-elle avec un rire. "Malaisant, oui. Mais pas pour moi. Des mecs à poil, j'en vois tous les jours, alors c'en est pas un qui me montre son petit bonhomme qui va me faire rougir." Surtout que le contexte était différent et c'était ça, que les patients n'arrivaient vraiment pas à comprendre. Qu'il y avait tout un monde entre voir une personne dénudée à l'hôpital ou à l'extérieur de ces murs blancs. "Je lui ai répondu que j'en vois des vertes et des pas mûres tous les jours. Et que de toute façon, mon mari était mieux équipé et que si ça le chantait, il pouvait voir ça avec lui. J'ai bien évidemment précisé que Frank était flic, sinon c'était pas drôle." Norah avait bon sens de la répartie; elle ne se laissait pas faire. Elle paraissait toujours impassible et elle ne s'épuisait jamais à dire quelque chose d'inutile. "Je peux t'assurer qu'après ça, y'avait plus grand chose à montrer." Alors là, elle n'avait aucun scrupule. Après cela, Norah expliquait dans le plus grand calme l'histoire qui la liait à Anwar. Comment ils se connaissaient, pourquoi ils étaient si proches, les raisons pour lesquelles il faisait partie de la famille. Il y avait un tel détachement dans sa voix, presque de la lassitude. Mais Maze eut quand même droit à des explications relativement précises, si bien que ça la laissait sans voix. On ne savait jamais trop comment réagir face un tel récit. Norah ne leur en voulait pas. Au début, elle n'arrivait pas à en parler, il lui avait fallu du temps pour qu'elle ne l'évoque. Et encore, elle sélectionnait précieusement les personnes avec qui elle voulait se confier. Elle était au moins parvenue à franchir cette étape. Les autres restaient inachevées. Norah releva ses yeux bleus vers Maze lorsqu'elle celle-ci lui proposait son aide, en toute spontanéité. "C'est... gentil." répondit-elle d'abord, surprise d'une telle bonté de sa part. "Après, on a pas mal de dénominateurs communs et tu m'as l'air d'être quelqu'un de vraiment sympathique, mais je ne vois pas tellement t'exploiter alors qu'on se connaît à peine." Ce n'était en aucun cas un reproche, juste un constat. Elle ne la jugeait pas. Au contraire, un tel élan de gentillesse se faisait rare de nos jours, il y avait de quoi être pris de court. "Mais après, sache que tu peux aussi compter sur moi, au besoin." Norah ne voyait pas trop en quoi elle pourrait l'aider, si ce n'est de la gaver de coca et de sucre en morceaux ou lui dire combien d'unités d'insuline rapide elle pouvait se faire en cas d'hyperglycémie. Maze restait un grand mystère encore pour elle, et il y avait une sorte de déséquilibre que Norah espérait réguler rapidement. "On pourrait peut-être commencer par se voir, en dehors de l'hôpital, par exemple. J'en ai déjà un qui profite de ses nombreux passages aux urgences pour prendre de mes nouvelles, cette place là est prise." dit-elle d'un air amusé, faisant alors allusion à Alfie. "Mais... Tu pourrais être celle qui aura étrangement une petite hypoglycémie quand tu passeras à Logan City, dans la rue que j'habitude, pour une raison totalement anodine et que, comme par hasard, j'aurais sorti un gâteau du four, prêt à être dégusté." Norah adoptait un air faussement innocent, simulant également des soupirs de lassitude avant de faire un clin d'oeil discret (enfin elle essayait, elle n'était jamais vraiment douée pour les clins d'oeil). "Et qu'il faudra que tu en emmènes quelques parts à la maison sinon tu feras un très grand jaloux." ajoutait-elle avec un regard insistant. "Peut-être même qu'il s'en vexerait." Norah était douée pour pâtisser et jamais Anwar n'avait-il refuser un de ses délices, même s'il avait les dents du fond qui baignaient. Allez, mais c'est vraiment de la gourmandise là, qu'il aurait dit. Comme s'il y avait besoin d'une excuse pour ce genre de petits plaisirs. "Qu'est-ce que tu en dis ?"

"Ethique ou pas, l'idée est brillante cela dit. " Un peu tordue mais néanmoins brillante il fallait l’avouer. Il y avait fort à parier que nombre d’enseignants de petite section rêvaient secrètement de pouvoir faire enfermer de cette manière quelques enfants un peu trop turbulents. Finalement, à bien y réfléchir, peut-être y avait-il un business à monter avec Anwar…Il allait falloir qu’elle se penche sur la question. Peut-être Norah pourrait-elle participer à la magouille et leur ouvrir les portes de quelques écoles par l’intermédiaire de celle où se trouvaient ses enfants. Le fait que Maze soit en train de songer à monter cette mafia des bacs à sables était la meilleure preuve que sa glycémie se portait à présent bien mieux. "Il a du mal à me faire réagir moi, peut-être qu'il en profite largement parce que ça fonctionne avec toi. " La brune ouvrit la bouche, prête à répliquer, mais se stoppa net. Elle prit le temps de réfléchir quelques secondes. Cette théorie se tenait parfaitement finalement. « Et si c’est le cas…la solution serait-donc finalement que je cesse de réagir ? » Elle sembla considérer cette solution un instant avant de se mettre à grimacer en secouant la tête de gauche à droite. « Ça me paraît impossible. Tu pourras m’apprendre à rester impassible ? » Maze avait toujours eu du mal à ne pas se laisser emporter par ses sentiments. Elle réagissait sans cesse au quart de tour et laissait parler son cœur avant de songer à donner la parole à son cerveau. On ne la changerait probablement plus mais cela valait le coup d’essayer. Encore que depuis ses mésaventures et un début non assumé de dépression, sa capacité à faire preuve d’une quelconque émotion en avait sérieusement pâti. Toutefois pas suffisamment pour ne pas réagir aux piques qu’Anwar lui lançait régulièrement. Et finalement, ça n’était peut-être pas plus mal. Ces joutes verbales lui avaient permis de retrouver un peu de la Maze passée et cela lui faisait du bien. "Je lui ai répondu que j'en vois des vertes et des pas mûres tous les jours. Et que de toute façon, mon mari était mieux équipé et que si ça le chantait, il pouvait voir ça avec lui. J'ai bien évidemment précisé que Frank était flic, sinon c'était pas drôle. " Maze éclata bien volontiers de rire une nouvelle fois. « Tu sais quoi ? Je crois que je suis incroyablement jalouse de ta répartie. Elle a l’air super efficace ! » Si elle ne parvenait pas à faire en sorte que la britannique ne réagisse plus aux provocations de l’inspecteur, peut-être pourrait-elle au contraire lui apprendre à être plus mordante dans ses réponses histoire de réussir à avoir le dernier mot une fois de temps en temps. Elle n’était pas en reste de ce côté là, mais cette guerre entre colocataires impertinents menaçait de plus en plus de finir à jamais en égalité parfaite. Il était temps qu’elle tente de reprendre le dessus !
Maze ne s’attendait clairement pas à ce qu’une conversation à première vue bon enfant enchaîne subrepticement sur une histoire bien plus tragique que tout ce dont elle avait parlé jusqu’à présent. La proposition de la brune semblait avoir surpris Norah. Mais au bout du compte cela lui ressemblait bien de faire des propositions sorties de nulle part de cette manière, avec une légère pointe d’humour un peu ridicule de préférence. C’était sa façon d’être, de tenter de dédramatiser les choses parce que bien que toujours très prompte à réagir avec son cœur, elle ne savait jamais comment se comporter dans ce genre de situations. Son offre n’en restait cependant pas moins très sincère. Les deux jeunes femmes avaient chacune subi leur lot de drames et, bien que Maze n’ait pas encore ni la force ni le courage de parler du sien, elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’elles avaient peut-être toutes deux bien plus encore à partager que ce qu’elles n’imaginaient.  "C'est... gentil. " Elle hocha la tête, comme pour appuyer un peu plus la proposition qu’elle venait de lui faire, et accompagner ce geste d’un sourire entendu. "Après, on a pas mal de dénominateurs communs et tu m'as l'air d'être quelqu'un de vraiment sympathique, mais je ne vois pas tellement t'exploiter alors qu'on se connaît à peine." Son sourire s’étira un peu plus. « Je considèrerai absolument pas ça comme de l’exploitation, crois-moi. Si je peux t’aider, ce sera avec grand plaisir ! Et si on peut aussi fomenter quelques plans pour piéger Anwar une fois de temps en temps, c’est du bonus ! » Ça n’était jamais une bonne idée de vouloir exploiter des enfants, mais quelque chose lui disait qu’Aidan et Julie pouvaient potentiellement être partants pour faire tourner l’inspecteur en bourrique si on le leur demandait gentiment…Affaire à suivre. "Mais après, sache que tu peux aussi compter sur moi, au besoin. " Maze se trouva à son tour sincèrement touchée par cette attention et fut quelque peu soulagée que Norah ne la juge un peu dérangée et étrange de lui proposer son aide alors que cette rencontre impromptue était aussi la première fois où elles se parlaient et se présentaient en bonne et due forme. Enfin elle n’était pas certaine pour la partie "bonne" et "due" mais elles avaient en tout cas toutes les deux mis les formes. Des formes un peu bizarres, humoristiques, sortant de l’ordinaire, certes, mais des formes malgré tout. La britannique s’apprêtait à la remercier quand l’infirmière reprit la parole. Son sourire s’étirait un peu plus à chaque nouvelle suggestion qu’elle faisait. « Ce serait vraiment une atroce coïncidence ! » C’est bien la première fois que la mention d’une potentielle hypoglycémie la réjouissait autant. « Et ça tombe bien, j’adore les atroces coïncidences. J’en dis que ça me semble être un plan parfait. » Elle n’était juste pas encore totalement convaincue pour la partie concernant les parts à emporter à la maison et à partager. Mais il serait toujours temps de vicieusement cacher lesdites parts le moment venu si nécessaire pour pouvoir les manger plus tard, seule. Toutefois elle avait beau tenter de se convaincre d’être capable d’agir de la sorte, elle savait pertinemment au fond d’elle que ce n’était pas le genre de choses qu’elle pourrait effectivement mettre en pratique. Pas alors qu’Anwar se montrait d’une part incroyablement patient et à l’écoute avec elle, tel un véritable chevalier servant, et que d’autre part Norah comptait sur elle pour amener le gâteau à bon port. Jamais elle n’aurait imaginé finir à l’hôpital ce jour-là, et encore moins faire une rencontre aussi inattendue qu’agréable. Elle en arrivait à regretter de ne pas avoir fait la connaissance de Norah plus tôt. Son caractère, sa répartie, sa gentillesse, et la force qui se dégageait d’elle malgré les épreuves qu’elle avait subies, tout cela ne faisait que renforcer son envie d’apprendre à la connaître davantage. Et c’est pour toutes ces raisons qu’elle put répondre avec la plus grande sincérité du monde : « Je me réjouis déjà de ces futures rencontres impromptues…et aussi de toutes les suivantes qu’on aura cette fois-ci bien programmées. »