“there is nothing so patient, in this world or any other, as a virus searching for a host.” feat @jordan fisher & birdie cadburry ღ août 2030

Ce que certains avaient pu prédire, ce que d'autres n'ont jamais voulu croire, ceux qui se moquaient, après des certitudes, des railleries ou de véritables débats, c'est arrivé. Le virus, le COVID19 – Birdie n’a jamais compris pourquoi puisque ça s'est passé en 2020 mais les scientifiques, il ne faut pas chercher à les comprendre parfois, elle a la preuve avec son frère – avait été plus important et plus dévastateur que prévu. Les gens ont baissé les bras en même temps que les masques, retrouvant les embrassades, les barbecues entre amis, les repas de famille qui finissent en dispute, pensant que le danger avait fui. Comme les autres épidémies, ça finit toujours par fuir et on n'en entend plus jamais parler.

Faux, faux et archi faux.

Il y a une histoire d’ADN, d'atomes, de cellules qui se sont développés, amplifiés, solidifiés. Les chercheurs n'ont pas été assez rapides et l’OMS avait (encore) foiré son rôle.

Des années après, dix ans pour être exact, Birdie n'est plus en train de penser à ses expériences loufoques ni même à arranger une robe qu'elle aura trouvé aux puces. Elle a le visage un peu plus marqué, elle bougonne encore plus que d'habitude et si elle avait encore foi en ses pairs, c'est réduit à néant à ce jour. Ses proches n'étaient plus – il ne restait plus que son frère parce que même s'il est idiot, il reste un petit génie et que les génies, par les temps qui courent, on les fout sous cloche et on les met au travail. Son aînée avait fini par succomber il y a quelques années et son autre sœur, il a fallu l'abattre car elle n'entendait plus rien. Alors les zombies, elle en a vu de près, Birdie. Ça claque, ça fait des bruits bizarres, ça a des pustules étranges sur le visage et surtout, ça ne présage jamais rien de bon. Y a qui entendent plus rien et y a qui ne voient plus rien. Y en a qui font encore les deux mais qui sont plus lents. Leurs pas traînent la savate et pourtant, quand ils se mettent en action, y en a qui sont plus vifs qu'un guépard.

La Cadburn avait réussi à trouver depuis des années un refuge, sous cave, dans les terres et les égouts. Entre la puanteur et l'eau moisie, là où il fait frais en été mais terriblement froid en hiver.
Et ce jour-là, Birdie gueulait. Pour changer. Parce qu'on a envoyé une gamine avec un bon élément et que "c'est complètement stupide ! Lui va se soucier que d'elle et elle, elle sera incapable de le défendre s'il arrive quelque chose !" Mais après, qu'est-ce que t'en as à faire ? C'est pas ton équipe, c'est pas ta team, t'es chef de rien à part de toi-même. Cependant, elle tape quand même le poing sur la table avant de sortir en trombe. Elle n’est pas devenue Mère Thérésa mais il est un bon chasseur et ça la ferait chier s’ils le perdaient. Mais comme d’habitude, elle n’a pas son mot à dire et au lieu d’attendre qu’on la vire, la Cadburn préfère prendre le large – non sans chiper un trousseau de clés au passage.

« Hey, remets les clés, t’es pas de service aujourd’hui ! »
« Ta gueule, ducon, j’ai besoin de prendre l’air avant de réduire cet endroit en cendre. »
« T’as pas d’autorisation, tu sais que je peux pas te laisser partir. Me force pas à utiliser la manière forte. »
« Bah vas y, essaie pour voir. Mais je te préviens, tu risques de perdre une ou deux dents mais de gagner du plomb dans la tête. C'est pas une menace mais une réalité irréfragable. »

Il va vraiment la faire chier, vraiment ?

« Allé on se tire. »
Voilà les mots qu’elle voulait entendre.
Voilà l’esprit qu’elle aime.

Se tirer, comme se tirer une balle dans la tête ou bien se tirer à coup de pneus qui grincent et qui bisquent les autres, qui étalent leur rébellion, la défiance qu’ils ont envers l’autorité, les narguant qu’ils peuvent dire ce qu’ils veulent, jamais ils ne les auront eux. Ils ne sont pas disciplinés, ils font tâche dans les rangs et c’est exactement pour ce genre d’actions qu’ils se font détester ou admirer. Le goût d’une liberté qu’ils n’ont plus, qu’on leur a retiré parce que les hommes sont incapables, ils sont incompétents, ils n’écoutent rien du tout et ils ne servent à rien. Rien à part foutre la merde, mettre des bâtons dans les roues, créer le chaos et faire vivre l’enfer sur terre depuis les morts vivants, les zombies, les mi–hommes mi–cadavres se relèvent de terre – l m a o, comme si c’était aussi simple.

Il s’est foutu en plein milieu, Birdie ne va pas l’écraser mais elle a manqué parce qu’elle comptait démarrer en trombe et que cet idiot s’est foutu en plein milieu de l’allée. C’est presque suicide à ce stade mais autant s’épargner la corvée du lavage de voiture pour le retour. Déjà que le retour va être brûlant, il va piquer et il va cingler de tous les côtés. Parce qu’ils osent utiliser de l’essence pour leur plaisir égoïste, ils osent abimer les pneus pour rouler vers une destination qui leur est inconnue.

« Arrête d’allumer la radio, ça sert à rien, ptain. » Elle aime pas quand il fait ça car ça lui rappelle qu’ils n’ont plus vie, quasiment plus de distractions et qu’au final, elle remet tous les jours en question son envie de vivre. Elle qui était si pétillante, si amoureuse de la vie (à sa façon), la voilà qui songe de plus en plus à la finir. Ou peut–être se faire mordre, histoire de savoir ce qu’il se passe à la toute fin. Si on a conscience de ne plus être vivant mais que l’on est à moitié mort. Si on réfléchit, si on respire, si on vit pareil – bien sûr que non. « J’espère que ça va tenir. J’veux voir l’eau. J’ai même pas vu si y avait des armes quelque part. Si on se fait choper, on est mort. Et si on revient, on est sûrement mort aussi. » Birdie appuie avec plus de vigueur sur l’accélérateur tout en tournant son visage vers Jordan – la chose la plus sûre au monde à faire mais hey ! dans un monde de zombie, la sûreté au volant n’est plus la priorité. « Pourquoi t’es là ? »

« Mes parents ont baisé et neuf mois plus tard j’étais là. »
« Ptain que t’es drôle, Jordy, vraiment, je m’écroule de rire. Intérieurement. »

Ses yeux bleutés sont tournés vers lui mais la rétine surveille la trajectoire et il faut que Jordan voit de ses propres yeux à lui à quel point elle est vraiment morte de rire – ha HA, subtilement enfouie au fond d’elle–même, tassé et invisible. Elle n’est plus aussi agréable qu’avant, Birdie, elle rigole beaucoup moins et elle blâme beaucoup plus encore (si c’est possible) les autres, les conditions, la situation, un peu tout ce qui peut être blâmable – tout, absolument tout. Jordan rigole ainsi pour deux alors qu’elle, elle se contente de soupirer, son attention de nouveau sur la route, les doigts sur le volant qu’elle essaie de desserrer, reprendre une respiration par l’estomac puis une deuxième par les poumons. Faire redescendre cette pression qui n’a pas lieu d’être en même temps que ses épaules qui sont bien trop relevées. Crispées. « Juste envie de me tirer avant de péter un câble. » Au moins, ils sont deux. « You and me, buddy. » Son problème avec l’eau a été réglé y a quelques années. Quand elle a été forcée d’aller dans l’eau, quand elle a été trop distraite d’essayer de sauver sa peau pour penser à se noyer. Un instinct qui a remplacé la peur et depuis, elle semble être vaccinée.

Pas contre le virus, ceci dit. Malheureusement.
Bande d’incapables.
(Oui, même son frère.)

« My loneliness is killing me. I must confess, I still believe. When I’m not with you I loose my mind… Give me a sign. Hit me baby one more time. » Birdie tapote des mains sur le volant à présent. « Oh baby, baby The reason I breathe is you Boy, you got me blinded. Oh, pretty baby There's nothing that I wouldn't dooooo. » Et là commencent les gestes du défouloir, la (fausse) déclaration envers son Britney à elle et surtout, surtout, son manque d’inattention sur sa direction – attention portée sur Jordan qui est un pretty baby et il le restera toujours.

La seconde d’après, c’est un florilège de klaxons – qui sert à rien – de grincement de pneus – ils vont être usés avant même d’atteindre leur destination à ce rythme – et de corps qui se balancent d’avant en arrière, Birdie se prenant le volant droit dans le buste sous la puissance de son coup de frein. « Bordel de putain de merde, fais chier ! » Pas de sang, pas le moment d’avoir un cadavre sur les bras et un chien, un chien, pas un chien, pas un pauvre chien innocent. « Si j’avais su que t’allais me déconcentrer, je t’aurai laissé sur place ! J’espère pour toi que je l’ai pas touché d’un poil ! » Dit–elle avant de sortir en trombe de la voiture, telle la petite furie blonde qu’elle reste malgré tout ce merdier. Et l’amoureuse des animaux alors qu’elle s’approche du chien qui par un putain de bonheur (rare), n’a visiblement rien, à part la plus grosse trouille de sa vie. « Hey, ça va aller, bonhomme, tout va bien. » Birdie lève la tête vers Jordan. « On le prend avec nous. » C’est pas une question. Il s’est incrusté dans son voyage, il en subit les conséquences. Et les passagers impromptus.

« C’est ta virée. Tes règles. » Heureusement que ça fonctionne dans cet ordre. Ils ont beau se connaitre (supporter) depuis longtemps, partager le même amour pour leur défunte Britney (qui ne doit être qu’un amas d’os et de chair à ce moment–là) et tout le bazar, il n’empêche que s’il avait dit l’inverse, elle aurait fait un arrêt direct pour qu’il foute le camp de son véhicule – oui, c’est le sien pour le temps donné, à défaut de ne plus avoir son van jaune canari qui n’a pas tenu deux semaines après le début de l’épidémie. « Y a intérêt. Sinon, j’aurai été forcée de te laisser en bordure de route. » Sans aucun scrupule, à vrai dire. Juste ça, ça lui suffit à Birdie pour être soulée et prendre des mesures draconiennes.

Le chien a rien fait, il est juste là, trainant avec une tête pitoyable et franchement, c’est une image qui lui fend son cœur bien plus que n’importe quel humain en perdition. Birdie n’a jamais eu de pitié pour l’espèce humaine – pour elle la première – mais les animaux, y a pas à dire, ça reste toujours quelque chose de précieux à ses yeux. Elle tente de lever la main avant de se raviser, préférant la baisser et lui ouvrir sa paume pour la mettre sous sa truffe. C’est plus rassurant, c’est moins agressif. Il faut qu’il ait confiance avant de pouvoir venir avec eux. « Je veux juste pas le toucher. Si on peut le mettre derrière ça m’arrangerait. Je vais pas savoir gérer sinon. » La Cadburn lui jette un regard en biais. « T’aimes pas les chiens ? S’il avait voulu te bouffer, il l’aurait déjà fait. » Elle n’est pas experte en comportement canin mais il est clair que celui qui se dresse devant eux est chétif et craintif. Il lui hume la main avec prudence avant de passer sa tête. Birdie prend ça comme un signe qu’elle peut le caresser. « Ca va tu t'es pas fait mal ? » Mal, ça veut dire quoi, ça ? Parce qu’elle a mal à la tête à cause des imbéciles, mal au ventre de ne pas avoir de nouvelles de sa famille, de son frère, mal aux jambes des exercices qu’on leur force à faire au camp. « Je vais survivre. Un coup de guidon dans les côtes, ça remet un peu tout en place. » Mais ça n’enlève pas la frustration.

Birdie gratouille le chien entre les deux oreilles. « Tu vas venir avec nous et tu vas avoir une place royale. Les gamins vont t’adorer. » Et au moins, ils auront un compagnon de jeu. Et la pauvre bête aussi. Elle se lève, l’appelle doucement, il ne bouge pas alors elle le prend. Il geint, il remue, il n’est pas à l’aise ; elle peut comprendre. Birdie essaie de le rassurer tout en l’emmenant à l’arrière du véhicule – elle ne veut pas de drame avec Jordan. Jordan à qui elle s’adresse après coup. « Et toi ? Pas de bobo à signaler ? Faudrait se retenir parce que revenir maintenant au camp, ça me ferait royalement chier. Surtout avec un blessé. Ils auraient encore plus de raisons de foutre dehors. » Et ça, ce n’est quand même pas ce que veut Birdie. Être seule. « J’me demande quand même si y a âme qui vive quelque part. T'imagines y a un autre camp pas loin et on le sait pas ? » Dit–elle tout en allumant de nouveau le moteur, les yeux sur la ville fantôme qu’ils traversent à grande allure.

« Ca va. J’ai rien. » Heureusement. Parce qu’il aurait été forcé de retourner lui-même tout seul comme un grand à la base, sinon. Même en rampant s’il l’aurait fallu. Birdie l’aurait laissé se démerder. Elle n’est pas en état pour tendre la main et encore moins pour aider qui que ce soit. Même Jordan. Elle a sa fierté à préserver, à défaut de n’avoir plus rien d’autre, et c’est bien à cause de ça qu’elle préférerait bouffer du scorpion plutôt que de revenir sur ses pas dès maintenant. « Continue comme ça, alors. »

Jordan étant un de ses rares alliés, elle est quand même soulagée, quelque part, au fin fond d’elle–même, de savoir qu’il va bien. Il ne manquerait plus qu’on la blâme pour ça à son retour au camp. Même si on la blâmera sûrement de ramener une nouvelle bouche à nourrir. Qu’on lui dira sûrement que le clébard ne pas rester. Pour qu’il va falloir se la jouer fine et amener le chien dans l’aile des gamins. Devant une foule de mômes pour le protéger, l’animal ne risque pas de retrouver la solitude et l’errance. Des morpions, y a rien de mieux en guise de défense. Parce qu’elle, elle sait qu’on ne l’écoutera pas de toute façon.

« J’ai juste entendu qu’en Tasmanie y’a aucun infecté et ils vivent tranquille. Mais je suis sûr que c’est qu’une légende que les gens se racontent pour garder l’espoir. » L’espoir. Un terme qu’elle haït plus que tout depuis des années. « C’est pourri, l’espoir. On voit ce que ça amène. On a l’espoir d’être bien digéré. On a l’espoir qu’on va trouver un remède. On a l’esprit de la solution miracle. Et voilà le résultat. Faut vraiment que les gens arrêtent ces conneries, ça sert à rien. » A part à créer des désillusions, à enfoncer des clous, à faire tomber du haut d’un mont Everest pour finir en bouilli au sol. Vraiment, une connerie monstre. « Faudrait juste qu’on trouve un bateau pour vérifier mais ça m’a l’air d’être une mission suicide hm. Pas que ça soit la pire chose qui pourrait nous arriver. » Birdie appuie sur l’accélérateur, un regard dans le rétro pour surveiller le chien et un autre sur Jordan. « Tu sais naviguer, toi ? J’y connais rien en géo mais c’est pas non plus hyper proche, va falloir bien deux ou trois jours pour y arriver. Et encore. Si on arrive à naviguer, si on va dans la bonne direction, si on coule pas. Tu crois que le virus a infecté les animaux ? Même marin ? Mourir face à une baleine zombie ou des dauphins possédés, c’est bien la pire chose qui puisse m’arriver, à ce stade. » Elle qui a toujours été peu encline à aller dans la flotte, il serait couillon si cela devait arriver.

« C’est mort. Je mets pas les pieds sur un bateau qu’on serait en charge de diriger. Y’a des façons beaucoup plus simple de se suicider. » Il est visiblement d’accord sur tous les points avec elle et, ça en fait au moins un sur tout le camp. C’est bon à prendre. Birdie n’aurait même pas voulu rajouter une mission suicidaire à la mission suicidaire qu’elle est déjà en train de s’octroyer. « Clairement. Comme foncer droit dans le mur. » Birdie fait une accélération vers ledit bâtiment avant de dériver à la dernière seconde pour reprendre la route. Une petite frayeur de rien du tout, juste de quoi lui rappeler le bon vieux temps qui n’est qu’un souvenir qui disparait de plus en plus – parce qu’elle veut le faire disparaitre car il y avait trop de choses heureuses à cette période. « Ou faire exploser le camp. Ou gâcher une balle en se tirant dans la tête. Ou tout simplement en aller jouer à l’humain et aux zombies avec les zombies. Même si ça, c’est plutôt long comme processus. D’ailleurs, si jamais je me fais bouffer, si je deviens une mangeuse de cerveau, tu me tire une balle ou tu me coupes la tête. Je sais que j’ai dit que je voulais savoir ce que ça fait d’être un zombie mais j’aurai même plus les capacités mentales pour pouvoir analyser tout ça, donc ça ne sert à rien. J’peux compter sur toi ? » Elle espère qu’elle peut compter sur lui sinon, c’est elle qui le massacre. Là, tout de suite, sur place. « De toute façon, un tel voyage aurait pas été possible avec le chien. » Le cabot qui règle le problème par sa seule présence. Le sujet est clos, ce n’est pas aujourd’hui qu’ils iront voir si le mythe de la Tasmanie est réel ou non.

« Tu veux je chante autre chose ? »
« A défaut de pas avoir de radio, fais–toi plaisir, Jordy. »
Le voyage risque d’être long et elle espère faire assez confiance non seulement à son sens de l’orientation – elle a quand même navigué plusieurs fois en voiture dans le coin – mais aussi en la carcasse qui les traine. Pour l’instant, rien d’important à signaler à part un grincement quand elle accélère. Ce qui arrive souvent et ce qui ne plait pas forcément. « On va à la plage ? » « Yep. » C’est la destination ultime. « La fille qu’était pas fan de la plage se retrouve à courir pour y aller. C’est ironique, nah ? »