« Appelez les secours ! » Noa ne comprendra pas ce qui lui arrivera. Elle sera là, paumé au milieu de tout ce monde qui s’agitera devant elle. Elle aura entendu ce bruit sourd comme tous, elle aura vu les éclats de verre au-dessus de sa tête. Elle sera choquée de cette scène, elle sera passée si près elle aussi. Elle aura failli y passer, à même pas deux mètres devant elle, se tiendront deux voitures qui se seront percutées d’une rare violence. Deux passagers auront réussi à s’extirper de l’habitacle, ecchymosés, du sang sur les vêtements. On pourrait se demander comment ils s’en sortiraient ainsi. Ce serait impressionnant et les spectateurs s’agiteront autour de l’accident. « Madame, vous allez bien ? » on lui demandera alors qu’elle semblera encore dans la lune. Noa se réveillera et regardera cette personne qui s’adressera à elle. « Oui, oui, ca va… » elle s’activera, voulant se rendre utile à son tour. La Jacobs s’approchera d’une des voitures et sortira son téléphone sans savoir si d’autres l’auront fait avant elle. « Un accident… grave, Toowong, devant State Library. » les secours allaient arriver et en attendant, elle devrait rassurer ces personnes qui ne pourront pas bouger dans les voitures. L’une d’elle semblera être étourdie. « Parlez lui. » qu’elle tentera de raisonner la femme en pleure à l’intérieur pour que celui qui semblera être son mari ne s’endorme pas au volant. Elle frappera à la fenêtre pour attirer son attention. « Monsieur, vous m’entendez ? » du liquide coulera sous la voiture, cela ressemblera à de l’essence, l’odeur sera forte. Une autre femme sortie plus tôt de la voiture commencera à crier, attirant l’attention de Noa. Elle se retourna sur elle. « Ma jambe ! » fera-t-elle en se rendant compte que l’os de son tibia ressortait. Noa sentira un gout de métal dans la bouche, les nausées lui prendront mais elle se contrôlera. Garder le control, ce sera son leit motiv en attendant les secours. « Mettez vous assise madame… ca va aller… » elle n’en aura aucune idée, est ce que ça ira ou pas, mais Noa devra faire assoir cette femme pour qu’elle s’arrete de bouger dans tous les sens et peut être aggraver son cas. La Jacobs se demandera d’ailleurs comment elle peut continuer à marcher en voyant l’état de sa chambre, sans doute l’état de choc. Cette impression qu’elle ne ressentira pas la douleur…

@Jeremiah Etish

Je ne sais pas ce que je fais dans cette rue, je ne passe jamais par là en temps normal. Mais j’avais envie de changer aujourd’hui, de marcher dans ces rues que je ne connais que trop bien encore. Un bruit assourdissant et je tourne la tête, impressionné. Je m’avance, bien trop curieux de voir ce qu’il est en train de se passer. Du verre brisé, deux voitures qui semblent s’être rentrées dedans et je regarde la scène de loin. Tout le monde panique et je roule des yeux, c’est bien la dernière chose à faire, paniquer. Ils sont tous aussi abrutis les uns que les autres. Je me pose quelques secondes contre le mur à ma gauche et me demande si je dois agir. Ils crient tous, appellent les pompiers en perdant du temps parce qu’ils pleurent ou bégayent à cause du choc. Il n’y a donc personne de compétent à part moi dans les parages ? Je soupire, c’est désespérant.

Mes yeux balaient la scène et je remarque Anita (Noa) qui semble être aussi paniquée que le reste du monde. Elle pleurerait presque avec la femme qui lui demande de l’aide parce qu’un os sort de sa chambre. J’ai deux options. Soit je compte le nombre de seconde que Noa tient sans vomir ou s’évanouir, soit je vais prendre les choses en main pour que cette femme ne meurt pas à cause du sang qu’elle perd. Conte toute attente, je me dirige vers la jeune femme qui est assise. “Interdiction de s’évanouir.” Je m’adresse à le jeune femme que je connais depuis qu’elle est enfant. Fais signe à la blessée de regarder mon front parce qu’elle aussi elle ne doit pas s’évanouir. “Y’a combien de personnes dans les voitures et combien de blessés ?” Ma tête se tourne vers Noa qui semble complètement perdue. “Anita concentre toi.” Je sais que je vais avoir son attention en utilisant ce prénom, elle sera même sûrement tellement énervée qu’elle arrivera à tenir le coup jusqu’à ce que les pompiers arrivent. J’attrape ma veste pour l’enrouler autour de la jambe de l’inconnue et faire un garrot.

J’avais rien vu venir, l’accident sous mes yeux, tout s’enchaine très vite et je comprends pas ce qu’il se passe. Je sais pas quoi faire si ce n’est tenter de rassurer cette dame alors que je retenais mon envie de vomir à la vue de ce spectacle sanglant. Je sais pas si j’suis la meilleure personne pour ça, j’ai pas l’impression d’être très efficace sur le moment et j’ai qu’une hâte, c’est que les pompiers ou les secours arrivent enfin pour pouvoir laisser les professionnels faire. “Interdiction de s’évanouir.” Cette voix qui sort de nulle part. Je relève les yeux et j’en reviens pas de voir Jeremiah ( ou Max, j’sais plus comment l’appeler lui non plus). Il a l’air confiant et j’sais pas si c’est le moment de lui en vouloir ou pas, parce que là, j’ai l’impression qu’il sait c’qu’il fait et pour autant, j’vois pas d’insigne sur sa veste qui dit qu’il est pompier ou médecin ou j’sais pas quoi encore. “Y’a combien de personnes dans les voitures et combien de blessés ?” j’réponds pas, j’capte même pas qu’il me parle à moi, j’suis encore entrain d’me dire qu’il sort une fois de plus de nulle part et qu’il a vraiment la tête d’un merdeux psychopathe. “Anita concentre toi.” Je sors de mes mauvaises pensées, parce que oui, c’était pas le moment de spéculer sur sa personnalité et qu’il fallait, comme il disait être concentré. Par contre, qu’il s’amuse pas à m’appeler Anita encore longtemps, ca finirait par m’agacer encore plus. Mais ok, bon, c’est pas l’moment de polémiquer sur le prénom qu’il emploi. « Deux dans la voiture… » ce couple avec Monsieur qui semble lutter au maximum pour ne pas s’effondrer et Madame qui commence seulement à sécher ses larmes. « Cette dame là… » avec son tibia qui sort de sa jambes, juste sous nos yeux… « Y a quelqu’un ici. » qu’on entend derrière la voiture. J’me lève et voit un gamin de dix ans tout juste allongé par terre. « Et un môme ! » il a l’air d’être en bonne compagnie, même si j’sais pas dans quel état il se trouve, j’ai pas envie d’savoir là… « Qu’est ce qu’il faut faire ? » parce que s’il est si incisif dans sa manière de parler, c’est bien qu’il doit savoir où il va…

Je ne sais pas ce que je fais là. J’aurais juste pu faire demi tour et faire comme si je n’avais pas vu tout ce qui c’était passé pendant cet accident. Mais j’ai vu que Noa était là elle aussi, et qu’elle cherchait à aider les blessés. J’ai hésité une seconde, et j’ai vu qu’elle n’était pas capable de gérer. Donc il faut croire que je n’ai pas un si mauvais fond puisque je finis par me ruer vers la jeune femme pour m’occuper de la personne qui se retrouve avec un os sortant de sa jambe. J’ai déjà vu ce genre de blessure, je les ai même déjà subi. Je vois que Noa est à deux doigts de tourner de l’oeil alors je la préviens, elle n’a plutôt pas intérêt à s’évanouir, j’ai déjà bien trop de choses à gérer. J’essaie de la diriger, mais elle met de trop longues minutes à se concentrer à mon goût. . « Deux dans la voiture… » Je lève les yeux après avoir éloigné la jeune femme de tout danger. Je vérifie une dernière fois la blessure et je regarde Noa s’occuper. « Cette dame là… » Je tourne la tête vers la demoiselle qui va avoir besoin de partir pour l’hôpital. « Y a quelqu’un ici. » Je tourne la tête vers le son de cette voix que je ne connais pas et lance un regard vers Noa, elle s’éloigne pour aller voir pendant que j’attends encore un peu de mon côté. « Et un môme ! » “Il a rien ?” J’espère qu’il n’y aura pas de mort sur cet accident. Certains seraient encore capable de dire que c’est de ma faute si tout s’est mal passé. Je regarde encore autour de moi, et enrage en voyant ces dizaines de personnes qui ne font que regarder et prendre des photos ou des vidéos. Ces personnes sont vraiment trop inutiles pour cette planète.

« Qu’est ce qu’il faut faire ? » Je tourne la tête vers elle pour me concentrer de nouveau. “Appeler les pompiers si ça n’a pas déjà été fait.” Je tente de me souvenir de ce qu’on apprend pendant les cours de secourisme. Aussi étonnant que cela puisse paraître je les ai vraiment suivi. “Et arrêter de paniquer et de trembler.” Je vois dans ses yeux qu’elle a l’air perdu. Ca n’est sûrement jamais arrivé mais je tente de la rassurer pour ne pas avoir une personne de plus à surveiller dans tout ce bordel. “T’as vu ce qui c’était passé ?”

“Il a rien ?” Bon, ok, Jeremiah me laisse pas l’choix, j’m’approche davantage vers le gosse, même si quelqu’un semble s’occuper de lui – ca m’arrange de le penser en tout cas. « Une plaie… » y a du sang, j’ai l’impression que c’est sa tête qui a tout pris mais en y regardant de plus près, c’est sa clavicule et sa tête est juste tâchée, si j’puis dire. « La clavicule… » mais, y a rien à faire de plus si ? J’lui demande, c’est quoi le plan. Même si en temps normal j’aurai tendance à jamais lui faire confiance, le fait qu’il soit venu de lui-même pour apporter son aide me laissait croire qu’il faisait pas ça juste pour faire le malin. Lui qui avait don pour se mettre dans la peau d’un autre personnage, j’espérais qu’il ne s’amusait pas à jouer à ce point avec la vie d’autrui. Il ne pouvait pas être aussi monstrueux que ça. “Appeler les pompiers si ça n’a pas déjà été fait.” Il me semblait bien que ce soit déjà fait, j’espère en tout cas. Mais dans le doute, je hoche la tête, dégaine mon téléphone et manque de le faire tomber à cause de mes tremblements. “Et arrêter de paniquer et de trembler.” Plus facile à dire qu’à faire, j’ai jamais eu à faire face à ce genre de scène. “T’as vu ce qui c’était passé ?” je jete un œil à mon téléphone et lui fait signe d’attendre, parce que là priorité, c’est les secours, comme il m’a dit. Je compose enfin le numéro d’urgence pour les secours. Ils me confirment que quelqu’un est déjà en route mais me demandent quand même plus d’information. Je leur donne tout ce que je vois, le nombre de personnes impliquées dans l’accident et de quoi elles ont l’air. « Surtout, il faut sortir personne des voitures. » que je répète à voix haute pour que tout le monde m’entende bien et finis par raccrocher. « J’ai pas eu le temps de voir grand-chose. J’ai juste entendu le son des pneus qui crissent, l’impact… » et le chao. « Les secours arrivent. » que je finis quand même par préciser même s’il s’en était douté. Et j’espère que dans moins de deux minutes on allait finir par entendre les sirènes. « C’était juste à côté de moi… » c’est peut être égoïste de penser que j’avais failli y passer alors que des personnes étaient vraiment blessées et en train de perdre du sang. Perdre du sang, d’ailleurs… « Il faut arrêter l’hémorragie du mome ? » je jete un œil à ma chemise que j’pourrais retirer parce que j’ai un débardeur en dessous, j’me retrouverai pas à poil. J'ai quand même besoin de son accord pour m'activer.

Je ne pensais pas vivre ce genre de situation aujourd’hui. Il y a du sang partout, des gens qui hurlent et d’autres qui tentent d’aider sans savoir quoi faire. C’est le cas de Noa, elle bouge, elle tremble, elle panique, parce qu’elle n’a aucune idée de ce qu’elle peut faire pour aider les personnes qui nous entourent. Moi je ne panique pas, j’ai l’habitude d’assister à des catastrophes du genre, ce n’est pas la première fois que j’aide des personnes blessées.  « Une plaie… » Je hoche la tête, même si elle est lente à parler et que ça a le don de m’agacer. « La clavicule… » “C’est pas très clair ce que tu racontes.” Mais en regardant son expression, je pense que c’est grave.

Je ne sais pas si elle a vu réellement ce qu’il s’était passé, et j’essaie de garder son attention sur moi, on a pas besoin d’un malaise et d’un problème de plus. Elle a l’air d’être à deux doigts de s’évanouir.  « Surtout, il faut sortir personne des voitures. » Elle répète ce que les pompiers disent au téléphone et je hoche la tête en regardant autour de moi. Personne n’a l’air de vouloir faire de bêtises. « J’ai pas eu le temps de voir grand-chose. J’ai juste entendu le son des pneus qui crissent, l’impact… » Elle a l’air perdu et je soupire. “Concentre toi, ils ont besoin que tu les aide.” J’espère qu’avec ces mots elle va réussir à se reprendre et à oublier sa panique pour la mettre au profit de la réactivité. « Les secours arrivent. » Ca, je l’avais compris. « C’était juste à côté de moi… » “Et tu es en vie, tu n’es pas blessée.” Je ne sais pas si j’ai réellement besoin de le lui rappeler. « Il faut arrêter l’hémorragie du mome ? » Je fronce les sourcils pour savoir si elle va s’évanouir si une goutte de sang finit par salir son tee-shirt. “Faut serrer au maximum, après les secours sauront gérer.”  

Bien sûre que c’est pas très claire, parce que j’suis pas faite pour gérer les situations d’urgence et grave, parce que j’suis pas une pro dans l’domaine et que s’il attend de moi que j’lui donne un diagnostic médical, on est mal barré. Il peut toujours courir. J’vais pas m’agacer, c’est pas l’moment, mais j’aurai tout l’temps plus tard de lui dire qu’il est peut être calé, mais il est toujours aussi con. Pour faire diversion, plutôt, pour faire ce qu’il me dit et pour réagir au mieux, j’appelle les pompiers, je me concentre sur ce qu’ils disent, relaie leurs informations et Jeremiah, Max, j’sais pas comment il s’appelle vraiment, semble déjà au courant, pas surpris de ce que je lui dis. Comment il peut garder autant son calme et donner l’air d’être l’homme de la situation ?
Au lieu de m’apitoyer sur mon sort et sur le fait que j’étais passée à deux doigts d’me faire défoncer l’crâne par une voiture, il fallait sans doute faire en sorte que la mare de sang qui se propageait par terre ne devienne pas plus importante. Le gamin perdait se vidait et puisque j’avais l’accord de Jeremiah, je retirais ma chemise pour aller appuyer fort sur la plaie, comme il me l’avait indiqué. J’espérais que les secours arrivent au plus vite mais les secondes me paraissaient être de très longues minutes.
Le temps passe, on entend au loin le son des sirènes et je suis enfin soulagée de les savoir tout près de nous. Jeremiah est de l’autre côté de la voiture et j’ai pu observer son comportement depuis qu’il est sur le coup, même si j’ai une vraie dent contre lui, je ne peux que reconnaitre que cette fois ci, il a su gérer comme un pro.
Les secours sur place, je me retire et va en retrait de la scène, laissant faire et me demandant si j’étais encore utile sur place, mais l’un des pompiers me demanda de rester pour donner mon témoignage à la police qui arriverait très rapidement, de même pour Jeremiah qui était à un mètre de moi. Je me permis alors de faire un pas vers lui, me sentant obligée de souligner que cette fois, j’étais impressionnée. « J’pensais pas que tu pouvais avoir d’autres centres d’intérêt que ta propre personne. » bon, c’était passif agressif, mais un compliment quand même.

Je gère tout ce que je peux. Je suis sans sentiments, et je ne peux pas craquer à ce moment-là. Je n’ai pas peur du sang ni des os cassés. J’ai été élevé dans les accidents et les drames, donc j’ai appris à les gérer avec le temps. Mon cerveau est en mode automatique, je fais ce que je connais, et j’essaie de rassurer un maximum de personnes. Je garde un oeil sur Noa qui a l’air complètement perdu. Je la guide, je lui dis ce qu’elle doit faire, mais elle n’arrive pas à être assez insensible pour aider correctement toutes les personnes qui en ont besoin.

Les minutes passent, les heures peut-être, je n’ai pas compté. J’ai entendu les secours arriver et j’ai discuté avec plusieurs pompiers et secouristes. J’ai expliqué quelques situations que j’avais réussi à gérer, j’ai porté des hommes et des femmes sur des brancards, et je me suis rendue compte que j’aurais aimé passer mon après-midi ailleurs. Tout est plus calme, et mon regard se pose à nouveau sur Noa qui s’est éloignée de la scène de crime. « J’pensais pas que tu pouvais avoir d’autres centres d’intérêt que ta propre personne. » Je fronce le nez, elle est réellement traumatisée et je pense que ça m’amusera toujours un peu. Mais elle a grandi, et moi aussi. Même si je pense que son évolution à elle est bien plus importante que la mienne. Moi, j’aime toujours terroriser les personnes qui m’entourent. Est ce qu’elle est toujours aussi faible et naïve qu’avant ? Je n’en ai aucune idée. “Je pensais pas que t’étais toujours une gamine trop sensible.” Je hausse les épaules, je ne serai jamais vraiment très gentil avec elle, et je pense qu’elle le sait. Je ne sais pas quel est notre lien, qu’est ce qu’on aurait pu être l’un pour l’autre dans une autre réalité ? Nous n’en saurons jamais rien.

Aujourd’hui j’avais vu Jeremiah sous un visage que je ne lui connaissais pas. Et en même temps, qu’est-ce que je connaissais de lui ? Il avait été une figure qui avait marqué mon enfance et qui avait sans doute laissé quelques traces dans mon adolescence et ma vie de jeune adulte mais ensuite, que pouvais-je bien reprocher à Jeremiah ? De s’être fait passé pour quelqu’un qu’il n’était pas lors de notre rencontre dans un bar à Brisbane ? C’était pas malin de sa part, c’était mesquin sans doute, il avait eu l’air d’en prendre du plaisir aussi et les souvenirs, surement exagéré que j’avais de lui m’étais revenus comme s’il était le grand méchant loup. Visiblement, il n’était pas tout noir comme j’avais pu le pensé. S’il était capable de gérer une situation telle que celle-ci, c’était sans doute qu’il avait quelques qualités en réserve…
“Je pensais pas que t’étais toujours une gamine trop sensible.” Sa remarque m’arrache un sourire, bien que je trouve la situation assez légitime pour faire preuve de sensibilité. « C’est pas tous les jours que j’suis confrontée à ça. » et surtout, j’avais peur que l’erreur me soit fatale enfin, soit fatale à quelqu’un d’autre, surtout.
Je suis bien moins stressée qu’il y a quelques minutes où toute l’agitation faisait monter la pression. Maintenant que les pompiers sont sur place, que nous n’avons plus besoin de sécuriser personne, je me sentais bien mieux à ma place. « Comment ça s’fait, que t’as l’air de t’y connaitre pas mal ? » c’est quoi son taf ? C’est quoi ses centres d’intérêt ? Est-ce qu’il est toujours ce petit merdeux qui terrifie les gamines ? Qui manipule ? Enfin, pour cette dernière question, j’ai sans doute un bout de réponse, vu nos dernières altercations. Vu comme il m’avait pris pour une conne. « Qu’est-ce que tu deviens ? » je finis par lancer, curieuse. J’attendais un stop de sa part en réalité, pas sûre qu’il ait très envie de discuter avec moi. Mais j’étais curieuse.

Je ne sais pas si tout est passé bien trop vite ou a été beaucoup trop long. J’aime l’adrénaline de ces moments, mais c’est épuisant de devoir sauver des gens. Je ne sais pas comment certains peuvent faire ce métier à plein temps. Je ne pensais pas non plus que j’allais croiser le chemin de Noa encore une fois. On ne s’est pas crié dessus cette fois, elle m’a aidé et j’ai fait de même. « C’est pas tous les jours que j’suis confrontée à ça. » “La vie c’est toujours un peu ça.” C’est souvent violent et compliqué, surtout dans le monde d’où je viens. Elle a vécu des choses difficiles, et je suis en partie fautif pour ça. J’ai été odieux avec elle, je suis comme ça, et on ne peut pas dire que je m’en veuille vraiment. Ca l’a certainement aidé à grandir et à se forger.

« Comment ça s’fait, que t’as l’air de t’y connaitre pas mal ? » Je ne vais pas lui déballer ma vie et les raisons pour lesquelles j’ai eu à faire à des morts et des accidents de voiture. Je ne lui fais pas confiance, alors je vais rester vague, comme toujours. Les années ont passé et je n’ai pas envie de la terroriser alors qu’elle doit avoir une bonne trentaine d’années. “L’expérience, et une vie assez mouvementée.” Je regarde en face de moi, dans le vide.

« Qu’est-ce que tu deviens ? » La question me surprend, elle n’a pas l’air de vouloir s’enfuir toute seule maintenant que tout s’est calmé. “J’ai survécu aux foyers et aux familles d’accueil c’est un bon début non ?” Je me tourne réellement vers elle, me demandant si elle aussi a réussi à faire quelque chose de sa vie après tout ça. “Je chante, j’écris, et je fais des tournées.” Ca c’est la partie légale et connue de ma vie, je garderai le reste sous silence. “Et toi ? T’en es où ?”

La vie c’est toujours un peu ça… il a une distance que j’aurai apprécié avoir, j’avoue. Il est presque impressionnant et pour le coup, je ne peux que confirmer. Des imprévus, des choses qu’on ne maitrise pas, c’est le quotidien. On ne choisit pas et on ne peut pas tout anticiper. Il a la maîtrise, il sait comment réagir, il l’a prouvé, il a très bien agit, il a su me canaliser et me guider pour faire en sorte d’avoir les meilleurs gestes. Les secours ont pris le relai et c’est à la fois un soulagement et déstabilisant. Tant mieux, si ces personnes sont entre de bonnes mains, que vont-elles devenir ? Que va-t-il se passer ensuite pour elles ? Vont-elles s’en sortir ou vont-elles s’en aller après s’être battu pour lutter ? Ce sentiment de ne plus maitriser à nouveau. Je pense que je vais rester un moment avec mes questions et laisser le temps les faire disparaitre, finir par penser à autre chose.
Jet reste très vague “L’expérience, et une vie assez mouvementée.” Je veux bien le croire. Et finalement, sa réponse me convient, je n’ai pas envie d’en savoir davantage, je n’ai pas envie de connaitre les expériences qu’il a pu vivre et cette vie mouvementée. Il part avec un bagage compliqué. Les raisons qui l’avaient mené dans ce même foyer que moi, à l’époque n’étaient pas les mêmes que les miennes. Si j’avais été abandonnée par mes parents, lui, il avait été placé pour mauvais traitements, pour négligence, finalement, peut-être qu’il avait toutes les excuses qu’un gamin pouvait avoir pour être si terrible. Le problème, c’est qu’à l’âge où j’ai croisé sa route, moi, je n’avais pas les bagages. Je n’étais pas prête à subir ses violences. Aujourd’hui, peut être que j’avais le recul nécessaire pour passer à autre chose. Au final, jusqu’à ce que je recroise sa route, je m’en étais bien remise, occultant son passage dans ma vie. Le revoir avait fait resurgir quelques souvenirs, mais était-ce une raison pour lui en vouloir pour toujours ? De toutes façons, nous n’étions pas voués à rester main dans la main, il suffisait que chacun passe son chemin… Je suis quand même curieuse de savoir ce qu’il devient.
“J’ai survécu aux foyers et aux familles d’accueil c’est un bon début non ?” Rancunier ? Je ne savais pas ce qu’il avait vécu lorsque nous avons été séparés une fois mon adoption chez les Jacobs. “Je chante, j’écris, et je fais des tournées.” Rien d’étonnant finalement, puisque j’avais eu droit à la parade, à une chanson qui m’était sois disant dédicacée. Il avait du talent que je ne pouvais que lui reconnaitre, et s’il pouvait en faire un atout, il avait bien raison. Un artiste, donc… “Et toi ? T’en es où ?” Mon regard vacille entre lui et la scène qui s’agite encore sous nos yeux. Les victimes qui passent sur des brancards, les pompiers et les secours qui font de leur mieux pour s’occuper d’elle et dégager le plus rapidement possible la voie. « Je suis directrice d’une association. » je crois qu’on pouvait aussi dire que je m’en sortais pas trop mal. « Qui prend en charge des personnes malades du cancer. » que je précise. Comme une fierté, ça l’était. La résilience, comme on dit, même si sincèrement, j’ai juste l’impression d’avoir suivi le cours de ma vie, avec des hauts et des bas – des bas très compliqués pour certains – mais il n’est pas du tout question d’aborder ça avec Jet. « J’crois que j’vais rentrer. » l’adrénaline qui redescend, la sensation de fatigue, ce besoin de repos. « J’espère que tes projets aboutirons…et à l’occasion, qui sait, peut-être qu’on se croisera lors d’un de tes concerts… » qui sait.