Les derniers échanges que j'avais eus avec Love retentissaient douloureusement dans ma boîte crânienne, mouvementant les heures nocturnes et repoussant Morphée par des déferlantes de tracas, regrets et remords ; tant que c'est muni d'un sentiment de soulagement que j'entendis mon réveil sonner à l'aurore. Les traits tirés, mes cernes creusées, j'avais tenté de gommer au mieux les traces de ma nuit teintée de blanc avant de commencer mon service au secteur des urgences de St Vincent's.

Quelques jours après mon retour de Brisbane, j'avais repris le travail. S'il avait été plutôt confus de se remettre dans le bain de ma profession les premières heures, bien vite, j'avais retrouvé mes marques malgré six semaines d'absence. Jamais je ne m'étais distancé de mon train-train quotidien durant une période aussi longue, si on ne comptait pas mon arrêt maladie de plusieurs mois. Je subissais encore quelques interrogations de la part de mes collègues qui tentaient de me tirer les vers du nez sur des éléments relatifs à Race of Australia et bien que ce ne soit pas toujours aisé, j'étais parvenu jusqu'ici à tenir ma langue. Une chose était sûre : je trépignais de plus en plus d'impatience à ce que l'aventure soit diffusée sur les ondes australiennes afin de ne plus devoir porter ce secret et partager une des grandes expériences de ma vie sans retenue.

Vers les sept heures trente du soir, je sortais de la grande porte des urgences, mon service terminé. Je passais dans le garage des ambulanciers afin de les saluer et reconnaissais la silhouette de Kane un peu plus loin. "Hey, Kane !" j'adressais au blond avant de réduire la distance entre nous deux. "Comment tu vas ?" Je questionnais, sourire amical aux lippes. "Alors, tu reviens parmi nous ?" Cela faisait beaucoup trop longtemps que je n'avais pas passé du temps avec mon ami et ROA m'avait réservé la belle surprise de constater qu'il était de retour dans la ville australienne. Il m'avait appris toutefois être en année sabbatique et je m'étais promis que nous nous retrouverions afin de rattraper le temps passé.

@Kane Williamson

Je commence doucement à saturer de ne pas travailler. J’ai tenté d’aller du côté des contacts qu’on m’a donné à Londres pour la musique mais… Y’a personne de disponible avant un ou deux mois. Ça me fait trop chier. Ça commence à me conforter dans l’idée que si je veux vraiment faire un truc dans la musique, faut que je compte que sur moi ou je vais être très frustré. Je le suis déjà assez dans ma vie personnelle, j’ai pas envie de continuer la vibe frustration aussi dans ma passion. Passion que j’ai très envie de transformer en boulot… Enfin, métier. Ceux qui font de la musique sans être passionné je sais pas comment ils font. J’en connais. J’approuve pas.

Mon boulot, je l’aime de tout mon coeur, et être parmi les premiers secours me manque un peu plus tous les jours. Alors quand je ne suis pas à la caserne pour dire bonjour, ou pour utiliser la salle de sport, je suis à l’hôpital.  « Hey, Kane ! » Immense sourire sur mes lèvres de voir Isaac dans ce contexte là. Un contexte normal. Les collègues avec qui je parlais me font signe qu’ils vont prendre leur garde et file de leur côté non sans un sourire à Isaac au passage en guise de bonjour.

"Comment tu vas ?"
« Pas aussi bien que toi. »

Je pense à tous les sous qu’il a gagné à ROA et aussi la fierté d’avoir été finaliste. J’essaie de ne pas penser que je n’ai pas contribué à la victoire finale, plutôt à l’échec, mais au fond, c’était une belle aventure qui a vécu la peine.

"Alors, tu reviens parmi nous ?"
« Pas encore mais je commence à m’ennuyer un peu ouais. »

Je fais une petite moue en le regardant. « T’as repris le boulot direct ? » La fin de ROA n’est pas si loin. « T’aurais pu te faire plaisir avec quelques jours de far niente à Perth. Y’avait pas mal de deal sur Groupon, je me suis laissé tenter c’était le pied. » Le pied surtout parce que j’ai rencontré une meuf avec qui on a passé notre temps plus à l’horizontal qu’autre chose. Trois jours bien rentabilisé. Trois jours où j’ai oublié que ma vie n’est pas aussi bien que je le voudrais et que je suis toujours au point mort sur beaucoup de points. Mais il suffit que je prenne les choses en main et que je commence par acheter ce piano une bonne fois pour toute. Ca va enclenché toute la machinerie. J’en suis intimement convaincu. « T’as finis là ? On va boire un verre ? C’est toi qui invite. » J’ai osé ? Ouais.

Les transmissions terminées, mon habit de civil revêtu, je sortais du centre hospitalier avec mon sac à dos en passant par le service des urgences. Je reconnaissais rapidement la silhouette de Kane et je le saluais spontanément, large sourire aux lèvres. Je réduisais la distance entre nous deux tandis que des ambulanciers filaient prendre leur service. Je tapotais amicalement l'épaule d'un d'entre eux en leur souhaitant : « Bonne garde les gars ! » Pour ma part, j'étais assez content de ne pas être de service cette nuit et d'avoir enchaîné à mon retour de Race of Australia sur un poste de jour. J'étais un collègue très conciliant qui vacillait d'un cycle à un autre sans trop de problème mais c'était déjà assez difficile de reprendre le tempo de ma profession seulement quelques jours après six semaines d'efforts intensifs, autant que cela se fasse sans changer drastiquement mon pauvre rythme de sommeil déjà bien malmené par la compétition.

« Pas aussi bien que toi, » me répondait Kane lorsque je lui demandais comment il se portait, réplique qui m'arracha un rire. J'enchaînais en lui demandant curieusement s'il reprenait son rôle au centre hospitalier. Ça me plairait grandement de le retrouver en qualité de collègue, je gardais d'excellents souvenirs de nos interventions en équipe. Le Williamson était vraiment un ambulancier fiable et en bonus, il me faisait toujours découvrir de la bonne musique. J'avais d'ailleurs des cassettes de Bring Me The Horizon et quelques CDs gravés de chansons découvertes par son intermédiaire dans ma voiture. « Pas encore mais je commence à m’ennuyer un peu ouais. » « Haaa... Tu repasses demain au service des ressources humaines alors ? » Je proposais avec un clin d’œil complice. Je ne forçais personne mais il n'y avait pas de mal à encourager, n'est-ce pas ?

J'acquiesçais lorsqu'il m'interrogeait sur ma reprise du boulot. « T’aurais pu te faire plaisir avec quelques jours de farniente à Perth. Y’avait pas mal de deal sur Groupon, je me suis laissé tenter c’était le pied. » « Ça existe encore, ça, Groupon ? » Je m'étonnais en tant que grand novice en termes de bonnes affaires et de voyage. Il fallait que je m'améliore sur ce point, j'avais par ailleurs pris la bonne résolution de sortir davantage de ma zone de confort pour découvrir le monde qui nous entourait. Je m'étais beaucoup trop privé dans le passé, j'avais envie de sortir du cadre stricte que je m'imposais afin de m'épanouir et façonner des souvenirs mémorables. « Je ne pouvais pas prendre plus de congé, en fait. J'ai déjà milité pour ces six semaines. Et j'te dis pas, il va falloir que j'remette ça sur le tapis car en octobre, avec Noa, on a le projet de partir en Amérique Latine, » je lui confiais. « Mais ça va, malgré les urgences c'est plutôt chill comparé au rafting qui frise le caractère mortel, aux œufs de cent ans à gober, à la course de dromadaires durant laquelle j'soupçonne encore avoir subi une concussion... » Je fronçais les sourcils, interrogateur. « Attends, c'était des dromadaires ou des chameaux, déjà ? » Je hausse les épaules, amusé. C'était tout de même plaisant de pouvoir discuter des épreuves dans le cadre de l'émission avec quelqu'un qui était, tout comme moi, soumis au secret. Beaucoup avait tenté de me faire tirer les vers du nez et pouvoir déballer comme ça sans scrupule des éléments de la course me permettait d'évacuer un peu la pression de me retenir face aux autres. « T’as finis là ? On va boire un verre ? C’est toi qui invite. » Je ris de bon cœur avant de hocher la tête à l'affirmative. « Ça marche. Au bar du coin ? » Je proposais. Nous avions l'habitude de nous y rendre après notre service, lorsque celui-ci était particulièrement difficile et que nous avions besoin de souffler, ou simplement pour prendre du bon temps sans rentrer aussitôt après le boulot à notre domicile. « Du coup, t'as pris comment ton pied à Perth grâce aux deals sur Groupon ? » Je demandais pendant que nous nous éloignions de St Vincent's.

Ca fait du bien de voir Isaac aussi souriant. J’ai toujours des souvenirs des périodes plutôt sombres de sa vie et on se croisait ici. L’impression que ça fait une éternité que je ne suis pas venu ici, et une entériné plus mille que je ne l’ai pas vu lui ici. « Haaa... Tu repasses demain au service des ressources humaines alors ? » Il me pique dans mon envie. Ca me démange. J’ai même demandé à ma soeur si je pouvais faire tout une garde avec elle dans son service. Je le laisse me taquiner sur Groupon parce que je suis encore en train de réfléchir au fond si je vais pas revenir dans le coin pour un job temporaire…« Je ne pouvais pas prendre plus de congé, en fait. J'ai déjà milité pour ces six semaines. Et j'te dis pas, il va falloir que j'remette ça sur le tapis car en octobre, avec Noa, on a le projet de partir en Amérique Latine, » J’hausse haut les sourcils en l’entendant. Je n’étais pas au courant de ce projet de la part de Noa. Ca me donne envie d’évasion de nouveau. Peut être que je devrais demander de nouveau un Visa… Non. Tu vas acheter un appartement. Ca te fera une belle évasion. Ouais, il faut vraiment que je me pose une bonne fois pour toute dans un chez moi à moi rien qu’à moi.

« Attends, c'était des dromadaires ou des chameaux, déjà ? »
« J’ai pas trop regardé la suite je t’avoue. »

J’étais pas à l’écran et j’étais aussi triste de pas avoir été plus loin. Mais ça a été le plus grand des bonheur de les rejoindre pour la finale. Même si on a perdu. Je n’avais pas pensé aux gens qui avaient un travail et qui ont du faire des pieds et des mains pour avoir le temps en congés. Je ne sais plus ce que c’est de demander la permission pour partir en vacances. Faut pas que je m’habitue trop. Je reprends le boulot dans quelques mois. Ou peut être demain. Non il faut vraiment que je m’occupe de cet appart’. « C’est trop cool votre projet de vacances en Amérique Latine. J’ai jamais été là bas. » Je me retiens une nouvelle fois de penser à faire un projet de la sorte de mon côté. Acheter un appart’ est assez conséquent comme ça. Pourquoi j’essaie toujours de me défiler ? Si ça me fait autant peur c’est parce que ça en vaut le coup. Mais on va aller boire un verre, une bonne bière ça va me faire du bien. Je vais arrêter de me torturer l’esprit comme je sais si bien le faire. « Ça marche. Au bar du coin ? » J’hoche la tête, on va pas s’embêter. Simple et efficace. Faisons marcher les commerces de proximité.  Et puis ça va nous rappeler le bon vieux temps. « Du coup, t'as pris comment ton pied à Perth grâce aux deals sur Groupon ? » J’ouvre de grands yeux en l’entendant.

« Comment tu sais ? Enfin je veux dire oui oui. J’ai pris mon pied à Perth. » Je me mordille la lèvre inférieur, continuant mon récit sur Perth. « J’ai rencontré une fille. J’ai passé quelques très bons jours oui. » Je ne précise pas qu’on a laissé tomber la piscine et la plage pour le confort de nos chambres. Un coup dans la sienne, un coup dans la mienne and repeat. « J’avais mon t-shirt des pompiers. Ça fait des miracles. » Ca me fait rire d’avouer ça. Mais rencontrer une fille pour un weekend et baiser tout le temps c’est loin d’être mon plan de vie. C’était un méga plan de petites vacances par contre. Je regrette pas Perth. C’était la coupure de plus nécessaire. On rentre dans notre bar et je regarde Isaac d’un air entendu. « Des rencontres ou des weekend de ce genre pour toi aussi ? J’ai cru entendre qu’il y avait eu quelques rapprochements pendant Race of Australia pour certains… » Je me renseigne…

Il s'avère difficilement résistible de ne pas gentiment inciter Kane vers la sollicitation d'un poste dans le service des ambulanciers de St Vincent's. Je suis intiment convaincu que compte tenu son expérience au sein de l'établissement, les ressources humaines n'hésiteraient pas à prendre son attache dès qu'un poste se libérerait. Le Williamson a effectivement démontré de nombreuses qualité professionnelles et a ainsi totalement fait ses preuves. Beaucoup reconnaisse que sa présence compose un atout pour le secteur.

Néanmoins, je n'appartiens pas à la catégorie de personne qui force la main de quiconque, ainsi, ma taquinerie sincère émise, je rebondis sur les groupons dont j'ignorais la longévité. Par la suite, j'explique au jeune homme que je n'ai guère pu jouir de congé suite à la finale de Race of Australia, mais que malgré tout, je tiens le rythme. Les journées à l'hôpital sont bien différentes de celles sur la route de cette course fiévreuse mais il faut croire que ma capacité d'adaptation est toujours opérationnelle - du moins, sur ce volet de mon existence. Je confie également le projet que nous préparions, Noa et moi, de s'envoler vers l'Amérique Latine, ce qui justifie aussi mon absence de demande de congé. « C’est trop cool votre projet de vacances en Amérique Latine. J’ai jamais été là bas. » Je souris sincèrement à mon ami, réjouit de ce plan qui se concrétise petit à petit chaque jour. Je n'avais jamais vraiment quitté l'Australie, sauf pour partir à Londres l'année dernière et je préférais bannir ce souvenir de ma mémoire. Se rendre à l'autre bout du monde avec ma meilleure amie constituait un périple que j'avais hâte de savourer. « J'te donnerais des tuyaux si tu y vas un jour, » je propose, avant de suggérer que nous nous rendions au bar du coin.

Kane m'emboîte le pas et curieux, je l'interroge sur ces fameux jours de congé passés à Perth. « Comment tu sais ? Enfin je veux dire oui oui. J’ai pris mon pied à Perth. »  Je lance un regard curieux au pompier, espérant qu'il m'en dévoilerait davantage. « J’ai rencontré une fille. J’ai passé quelques très bons jours oui. » Un rictus amusé apparaît sur mes lippes et nous passions les portes du bar. « J’avais mon t-shirt des pompiers. Ça fait des miracles. » Un rire file entre mes lèvres. « Faudrait peut-être que j'essaie ça. La blouse d'infirmier, ça émoustille moins, » je commente, laissant deviner à mon interlocuteur par la même occasion que je me suis reconcentré sur mon projet d'ajouter la fonction d'infirmier-sapeur pompier à mon curriculum vitae. « Tu comptes la revoir, ou c'était juste une fille pour Perth ? » Je questionne avant que la balle ne rebondisse dans mon camp : « Des rencontres ou des weekend de ce genre pour toi aussi ? J’ai cru entendre qu’il y avait eu quelques rapprochements pendant Race of Australia pour certains… » J'oriente subtilement mon regard sur le comptoir, prenant bien soin de ne pas croiser les pupilles de l'australien et feintant rechercher l'attention du barman pour commander nos rafraîchissements. La vérité était que j'avais bien eu une petite soirée agitée avec Love, mais ma relation avec la fleuriste était loin d'être aisée. « Pas vraiment, non. » Si la tentation ne manquait pas d'avoir quelques coups d'un soir suite à une certaine dose d'alcool ingérée, la présence de Love dans mon esprit m'évitait de passer le pas, quand je me retenais aussi de faire quoi que ce soit avec cette dernière. En somme, je m'étais positionné dans des limbes de l'abstinence plutôt singulières. Mais il valait peut-être mieux ainsi : de la sorte, l'on ne pouvait me réserver de mauvaises surprise. « J'ai fait une croix sur pas mal de choses concernant les femmes, » le constat que ma forme en couple ne causait que lamentations et désarrois motivait férocement cette décision, certes possiblement temporaire. « Tu prends comme d'hab ? » Je questionne par la suite, le barman s'approchant de notre duo. Nos boissons servies, nous nous installions à deux places libres et je poursuivais : « Tu continues toujours les soirées open mic ? »

« J'te donnerais des tuyaux si tu y vas un jour, » J’hoche la tête assez vivement parce que sur le papier ça me donne vraiment envie. Mais est-ce que je vais avoir la réelle motivation ? Est-ce que l’Amérique Latine sera une de mes priorités? Je me connais, je vais regarder ce qu’il y a comme festival dans le coin avant de me décider. Je planifie peut être trop ma vie autour des concerts mais… C’est ce qui rend des vacances encore meilleures pour moi. « Faudrait peut-être que j'essaie ça. La blouse d'infirmier, ça émoustille moins, » J’en suis pas totalement sûr. Ou peut être que c’est parce que moi les infirmières ça m’émoustille? Ça se peut aussi.

« Tu comptes la revoir, ou c'était juste une fille pour Perth ? »
« C’était juste une fille pour le weekend ouais… »

Ca me fait bizarre de dire ça. Comme si je collectionnais les filles pour mes vacances mais… Après légère réflexion il est vrai que j’ai été aussi avec quelqu’un pendant mon séjour à Londres. Vraiment ma capacité à être seul est revenu au néant. Y’a quelques années j’ai eu comme un - vide - dans mes relations et puis c’est reparti de plus belle. Enchaînant les relations éphémères ou sans espoirs dès le départ. Sauf que je suis tout le temps aveuglé par l’excitation du moment et je finis toujours par être largué, et déçu. Je suis encore en train de « voir » Charlie par ci par là mais… Je sais bien que c’est loin d’être ce que ça a pu être par le passé… Et c’est dommage. « Pas vraiment, non. » Hmmm. Je ne sais pas les détails de sa vie privée mais je sais l’historique et combien il en a eu de sacré coup dans la gueule lui aussi. « J'ai fait une croix sur pas mal de choses concernant les femmes, » Ah. Et ce que je ne sais pas encore, c’est que cette confession de sa part va planter une graine dans mon esprit. Une graine qui va germer au delà de ce que j’aurai pu imaginer. Je me contente juste d’hocher la tête pour toute réponse là car je ne sais pas quoi lui dire. Si c’est comme ça qu’il ressent les choses, je ne vais pas lui dire de faire autrement. Peut être bien que c’est moi qui devait suivre cette ligne de conduite. Je sais pas.

« Tu prends comme d'hab ? »
« Ouais allé. »

Comme si j’allais changer alors que là on est en train de faire une sorte de parcours sur memory lane. Bien sûr que je prends comme d’hab. C’est ce que j’adore et qui me fera me sentir le mieux là maintenant, parce qu’avant, c’était mieux. Avant c’est toujours mieux non ? Non. « Tu continues toujours les soirées open mic ? » Je suis en train de boire une gorgée déjà quand il me pose cette question. J’hoche la tête en reposant mon verre sur la table. « Ouais. Ça fait toujours du bien de vider son sac l’air de rien devant des inconnus. » Pas vraiment inconnus vu comme je suis un habitué des lieux mais tout le monde a le respect de ne pas me questionner sur mes choix musicaux. « Je te traine avec moi la prochaine fois ? » Il sait tout aussi bien que moi que ça se passe le mardi soir au Canvas. Et puis je le regarde, encore un peu intrigué par ce qu’il a dit un peu plus tôt. « Tu voulais dire quoi par ‘faire une croix sur les femmes’ ? » Et je sais bien qu’il ne parle pas de se diriger vers la gente masculine. Je connais assez bien Isaac pour ça.

Kane m'évoque les jours ayant suivi son passage à Race of Australia et je l'écoute avec intérêt, notant astuces et tuyaux quand l'occasion se présentera de partir de nouveau à l'aventure dans une autre ville que Brisbane. Par ailleurs, concernant Groupon, je me promettais de jeter un œil sur leur site à temps perdu question de me renseigner sur d'éventuelles bonnes affaires ou défis à relever dans ma nouvelle ligne de conduite de me reconstruire et enchaîner la réalisation des folies que mon cœur timoré daignait me formuler.

Mon ami m'indique que la femme avec qui il a passé le week-end à Perth ne sera pas de revoyure et je hoche la tête, signifiant que j'ai bien compris sans porter le moindre jugement. Je me considère être personne pour cataloguer les manières dont Kane se distrait puis à notre âge et vu nos personnalités, on a largement de quoi se divertir sans devoir passer par un comité d'éthique. Moi-même j'ai su enchaîner des aventures dans le passé et quand bien même les premières étaient difficiles à assumer en raison de mœurs désuets que je traînais, aujourd'hui, je n'éprouve aucun remord par rapport à la majorité de ces rencontres intimes.

A notre bar habituel, nous nous orientons vers le comptoir afin de passer commande. Kane aborde les rapprochements qui se sont déroulés dans le cadre de la compétition télévisée à laquelle nous avions participé et je lui confie que pour ma part, je ne me suis pas vraiment épris de qui que ce soit. J'ai bien eu un moment assez chaud avec Love, mais les circonstances sont très complexes avec la fleuriste. J'ajoute que j'ai fait une croix sur pas mal de chose au niveau de la gente féminine et paie la tournée. Nous nous installons à l'une de nos tables favorites, tout a l'air bien rôdé tant nous suivons la coutume.

Curieux, j'interroge le Williamson sur ses soirées open mic. Je me remémore l'avoir accompagné et filmé une de ses prestations dans le passé, qui m'avait permis de confirmer le talent du garçon, en plus de passer un excellent moment. « Ouais. Ça fait toujours du bien de vider son sac l’air de rien devant des inconnus. » Je souris doucement, ne pouvant pas pour ma part m'associer à ce constat mais n'en doutant pour autant pas de sa véracité. « Je te traine avec moi la prochaine fois ? » J'acquiesce avec enthousiasme. « Yes, avec plaisir. » Je suis curieux de découvrir l'évolution artistique de mon interlocuteur. Je souris sincèrement et prends une gorgée de ma bière. « Tu voulais dire quoi par ‘faire une croix sur les femmes’ ? » Je hausse doucement les sourcils, reposant mon verre sur la table. Ce sujet peut vite s'étendre en longueur et est aussi houleux que privé. Cependant, je fais confiance à Kane, je sais qu'il ne me réduira pas pour mes nouvelles aspirations. « Je ressens le besoin de me recentrer sur moi-même, en fait, et je ne pense pas être capable de me reconstruire en étant dans une relation. Je souhaite aller mieux, me concentrer sur mon bien-être et ce que je veux faire moi avant de penser pour deux. Je sais que si je m'engage avec quelqu'un, je vais m'oublier dans le processus ou en tout cas, me faire passer en dernier systématiquement car c'est toujours plus fort que moi. En étant célibataire, je pense égoïstement qu'à moi et je peux que me concentrer sur recoller les morceaux en moi, faire le tri dans ma vie et déterminer vers où je veux aller. Puis, on est pas la même personne tout seul qu'accompagné. » C'était tout un projet d'envergure, je n'étais pas certain de pouvoir le concrétiser tout comme j'ignorais combien de temps ceci durerait. Mais il me semblait essentiel de me focaliser sur mon bien-être et mon avenir avant de fréquenter de nouveau sérieusement les femmes. Puis, j'avais le cœur bien trop brisé et meurtri pour vouloir même me risquer à développer des sentiments pour qui que ce soit. « Race of Australia c'était l'occasion pour moi de faire quelque chose que j'aurais jamais osé faire en règle générale et me pousser dans mes retranchements. J'y suis pas allé pour gagner des millions, j'y suis allé pour me retrouver et un peu dénicher la voie vers les clefs de mon bonheur. Je veux continuer sur cette ligne de conduite là et je pense que la présence sérieuse d'un nana dans ma vie serait contreproductif pour ça. » J'ai la sensation de sonner comme un porc égocentrique mais au moins, je suis franc. De plus, cette résolution m'est apparue après une longue et sérieuse réflexion, certes motivée par la terreur de subir un autre chagrin d'amour.

« Yes, avec plaisir. » Je savais qu’il serait partant. Ca fait bien trop longtemps que je ne l’ai pas embêté avec ma musique comme avant dans l’ambulance lors de nos gardes. Vraiment on est en plein dans un moment memory lane là. J’aimais vraiment ce temps là où on bossait tous les deux. Sauf quand je pose la question sur son choix vis à vis des femmes. C’est l’opposé de memory lane. C’est on va de l’avant. Il va de l’avant. « Je ressens le besoin de me recentrer sur moi-même, en fait, et je ne pense pas être capable de me reconstruire en étant dans une relation. » Mon verre dans mes mains, je le regarde, lui donnant l’intégralité de mon attention car tout ce qu’il dit… je me retrouve partout. « Je souhaite aller mieux, me concentrer sur mon bien-être et ce que je veux faire moi avant de penser pour deux. » J’ai l’impression d’être exposé complètement alors qu’il parle de lui et pas de moi. « Je sais que si je m'engage avec quelqu'un, je vais m'oublier dans le processus ou en tout cas, me faire passer en dernier systématiquement car c'est toujours plus fort que moi.  » I am E X P O S E D. « En étant célibataire, je pense égoïstement qu'à moi et je peux que me concentrer sur recoller les morceaux en moi, faire le tri dans ma vie et déterminer vers où je veux aller. Puis, on est pas la même personne tout seul qu'accompagné. » J’ai toujours pas bu une seule gorgée de mon verre. Pas mal retourné par tout ses mots. Et il n’a pas fini. Et c’est tant mieux parce que je ne trouve pas de mots à dire là. Toutes ses explications qui sont en train de faire échos de plus en plus fort dans ma tête. « Race of Australia c'était l'occasion pour moi de faire quelque chose que j'aurais jamais osé faire en règle générale et me pousser dans mes retranchements.  » Ca me rassure que son discours ne me correspondent pas de nouveau. Ca aurait été trop de similitudes. J’ai déjà fait un road trip de part toutes la côte Australienne quand j’étais plus jeune. C’est un de mes meilleurs souvenir. Avec un gars que j’ai rencontré sur un forum de jeunes qui voulaient faire ce même parcours. « J'y suis pas allé pour gagner des millions, j'y suis allé pour me retrouver et un peu dénicher la voie vers les clefs de mon bonheur.  » Je ne peux pas nier que l’argent était quand même une très très grande carotte de mon côté. Ca a été une belle aventure dans tous les cas, mais si c’était juste sur son bon vouloir, je ne l’aurai peut être pas fait. Je n’ai pas de problème à partir six mois ou un an sur la route. Je préfère faire quelque chose dans mes règles que juste pour un jeu télévisé. Cela dit je comprends que ça ne soit pas le cas de Isaac et je trouve ça vraiment très courageux qu’il l’ait fait. Surtout qu’il est arrivé loin dans l’aventure. Je suis sûr que sa vie va changer d’une façon ou d’une autre grâce à ça. « Je veux continuer sur cette ligne de conduite là et je pense que la présence sérieuse d'un nana dans ma vie serait contreproductif pour ça. » Là. Là il me pique de nouveau. Je suis vraiment trop con à prendre tout personnellement alors qu’il parle de lui. J’en reste très pensif malgré. Je regarde mon ami, mon verre toujours oublié, toujours dans mes mains.« Je pense qu’il faudrait que je fasse ça aussi. » Ma vie privée est un véritable désastre depuis quelques années. Isaac n’est pas sans le savoir. Je suis vraiment reconnaissant qu’il ait été dans autant d’explications à ma simple question. « Merci pour tes mots Isaac. » J’ai l’impression que notre conversation a été aussi productive qu’une session avec ma psy. Ce genre de moments déterminant dans une vie, alors qu’on s’y attend pas du tout.