Les nuits de la britannique étaient rythmées par le stress, l’anxiété, la peur, et des cauchemars à répétition. Elle avait tellement rêvé d’images sombres, de visages irrémédiablement marqués par des événements traumatisants qu’elle n’osait plus fermer les paupières une fois la nuit tombée. Elle était déjà hantée par tout cela en journée, et à chaque fois que l’heure de se coucher venait, elle craignait de continuer ce cercle vicieux indéfiniment. Mais cette nuit là fit exception à la règle. Elle se sentait profondément en sécurité dans les bras du suédois et pour la première fois depuis longtemps elle ferma les yeux sereinement et passa une nuit véritablement reposante. Elle n’était toutefois pas préparée au violent réveil qui l’attendait. Les yeux toujours clos, son cerveau eut le temps de lui rappeler vaguement où elle se trouvait avant qu’elle ne soit prise par un spontané et bien mérité mal de crâne. Les sourcils froncés, elle lâcha un vague grognement de désapprobation qui ne l’aiderait en rien à faire passer la gueule de bois qu’elle allait devoir affronter toute la journée. Le nombre de verres qu’elle avait bus commençait doucement à lui revenir en mémoire, tout comme la présence de Wren. Alors que les souvenirs refaisaient surface en même temps que sa migraine naissante, le bras de Maze vint balayer la place à ses côtés sur le lit. Intérieurement, elle se doutait de ce qu’elle allait y trouver mais elle avait eu besoin de vérifier. A sa place, elle aurait certainement agi de la même manière. C’était d’ailleurs très exactement ce qu’elle avait fait plusieurs mois auparavant. Elle avait choisi de partir plutôt que de devoir affronter une conversation conflictuelle.
La britannique soupira doucement avant de finalement daigner s’asseoir dans le lit, portant sa main à son front comme si cela pouvait diminuer la douleur -peine perdue-. Ses yeux s’ouvrirent très lentement, comme si s’accoutumer à la lumière du jour qui envahissait la chambre était le défi le plus difficile qu’elle ait jamais eu à relever. Toutefois la silhouette qu’elle distingua encore dans la chambre ne manqua pas d’accélérer son réveil. Mauvais timing Wren ; il fallait être plus rapide que ça. Elle ne put retenir un sourire amusé en constatant que son réveil venait de faire tomber son plan à l’eau. Il valait résolument mieux en rire qu’en pleurer vu la conversation qui les attendait. Elle n’avait pas particulièrement envie de devoir éclaircir tout ce qui s’était passé et de mettre des mots sur leur passé et leur avenir, mais elle savait au fond d’elle qu’elle en avait besoin. Et Wren également. Aussi daigna-t-elle s’extirper des draps du lit pour chercher le T-shirt et le sous-vêtement qu’elle portait la veille au soir. Se rappeler où elle avait mis le reste de ses vêtements lui demandait encore trop d’efforts pour l’instant. Une fois un minimum présentable, elle vint se rasseoir sur le lit et reporter son attention sur le suédois. Elle l’observa silencieusement, comme cherchant avec soin les mots qu’elle allait prononcer. Elle se pinça finalement les lèvres avant de se risquer : « Je t’en voudrais pas si tu prends la fuite. Après tout, j’ai commencé…On pourra dire un partout, la balle au centre. » Peut-être aurait-elle mieux fait de réfléchir encore quelques secondes avant de parler finalement. Elle afficha néanmoins un sourire désolé. Désolée de s’être réveillée et de lui imposer ça alors qu’il aurait clairement été plus facile qu’il puisse s’éclipser discrètement. Dans cet univers-là, elle aurait pu se bercer d’illusions et tenter de se persuader que rien de tout ce dont elle se souvenait n’était réel. Elle aurait en effet pu essayer, mais sans grand succès. L’alcool ne faisait plus effet à présent et elle avait bel et bien les pieds fermement ancrés sur terre. Pourtant cela ne l’empêchait pas de sentir encore les lèvres de Wren sur sa peau, et elle était persuadée que quelques marques persisteraient et resteraient bien visibles plusieurs jours durant, lui rappelant ce cadeau éphémère qu’il lui avait offert à chaque fois qu’elle se regarderait dans un miroir. Des frissons continuaient de la parcourir par moment quand son cerveau se permettait de lui renvoyer lâchement des images de la nuit passée. Oui, Wren aurait pu disparaître mais sa mémoire corporelle aurait persisté. « Ou bien tu peux rester et on peut discuter… » comme des adultes. Comme l’adulte qu’elle n’avait pas su être lorsqu’elle l’avait abandonné en claquant la porte derrière elle.

Il n'a pu que le redouter, ce fameux moment où Maze ouvrirait les yeux et resterait silencieuse durant une longue minute en le regardant se rhabiller de son côté. A quoi pense t-elle? A son assassinat, sûrement et il est évident que la brune n'aurait pas tort de le maltraiter à ce point là. Voilà à qui elle a affaire, au Doherty de base qui fuit au petit matin, pour éviter la moindre conversation gênante, tout cela parce qu'il est plus froussard qu'autre chose, surtout quand il s'agit de Crawley pour être parfaitement honnête. Elle a toujours eu une place essentielle dans sa vie, dès leur rencontre évidemment avec toutes les étincelles qui se sont créées instinctivement, comme si le destin se jouait d'eux à cette époque. On aurait pu croire que tout cela aurait fini par s'étouffer parce qu'on parlait tout de même de Wren, l'incapable d'aimer notoire qui refuse encore plus de l'être. Tous les prétextes sont toujours bons pour se barrer, tellement plus facile de ne jamais grandir plutôt que de se confronter à ses vrais sentiments. Il a failli le faire pourtant, le jour où Maze l'a quitté et c'est elle, à ce moment-là, qui lui a claqué la porte au nez. Cette fois, c'est lui qui cherche à partie en premier: est-ce une vengeance? Est-ce une peur? Il est évident que le suédois serait bien incapable d'expliquer quoique ce soit à l'heure actuelle, il a juste conscience que rien de ce qu'il fait n'est cohérent. Il n'apporte que chaos et désespoir à ses proches: pourquoi faire subir de nouveau cela à quelqu'un comme Maze qui a vécu le pire et qui en est encore parfaitement traumatisée? Doherty ne peut pas s'y résoudre, il a beaucoup trop de peine de voir ce qu'elle est devenue à la suite de son kidnapping. Il a beau ne pas avoir eu tous les détails de sa détention, il y a quelque chose qui persiste et c'est bien la détresse de Maze quand on la met face à ses souvenirs. En un sens, Wren aurait sûrement préféré qu'elle oublie ne serait-ce que son existence, elle aurait eu la vie tellement plus facile si jamais son chemin n'avait pas rencontré le sien car c'est un peu de sa faute tout cela, n'est-ce pas? S'il lui avait dit absolument toute la vérité lorsqu'elle l'avait interrogé sur son passé, sa famille, son histoire en somme, jamais elle n'aurait quitté les lieux aussi rapidement et jamais elle n'aurait eu à souffrir des mains de tyran. Voilà ce que retient Wren à l'heure actuelle alors qu'il entend la petite voix de Maze, son regard se tournant vers elle uniquement une fois qu'il a enfilé son tee shirt et qu'il perçoit sa silhouette assise sur le bord du lit. Osera t-il se poser là? Ou partir comme elle lui suggérait juste avant? Wren ne sait plus quoi penser, sa tête ne répond plus depuis déjà un moment et pourtant, c'est timidement qu'il vient s'asseoir sur le lit, laissant un espace entre Maze et lui, la peur prédominant chaque muscle de son être en vérité. "J'avais pas envie que ce soit un partout... Je voulais juste t'empêcher de nouvelles misères, Maze." Il a une manière de faire plutôt étrange, Wren, mais là encore, en vue de son éducation, tout ce qu'il a traversé, il pourra toujours trouver des excuses à tout ce qu'il fait et qui ne semble pas cohérent le moins du monde. En quoi la laisser toute seule au réveil après une nuit aussi intense l'aurait sauvée de toi, Doherty? Il est juste idiot, il faut bien des choses qui ne changent pas. "Discuter... Je sais pas si on a besoin de ça, Maze. J'ai conscience que ma connerie a entraîné tout un merdier pour toi. Si t'es aussi mal, je sais à qui la faute, je sais pas si j'arriverai à vivre avec ça et pourtant, il va le falloir. C'est de ça dont tu veux discuter?" Il ne veut rien ressentir, Wren, il déteste même la notion de sentiments alors s'échapper a l'air d'être plus correct pour lui. Il en a besoin là, mais il sait que sa sensibilité cachée ne le laissera pas faire parce qu'il faut que sa culpabilité s'exprime d'une manière ou d'une autre. Qu'il souffre. Avec elle. Celle qu'il a aimé et qui l'a brisé autant que lui a pu le faire vis à vis d'elle.

Maze avait l’impression d’entendre son cœur violemment battre jusque dans ses tempes. Avait-elle seulement eu la bonne idée d’apporter un quelconque doliprane avant de décider d’enchaîner de trop nombreux verres de vin ? Elle regrettait déjà ses choix passés, ceux qu’elle avait fait la veille. Ceux qui concernaient l’alcool tout du moins. En ce qui concernait ses décisions à propos de Wren, elle était loin de regretter quoique ce soit. La nuit qu’ils avaient passée ensemble était peut-être une erreur, elle n’en savait rien, mais cela ne signifiait pas pour autant qu’elle aurait changé le moindre détail si les choses avaient été à refaire. En revanche, elle se serait volontiers passée du mal de crâne auquel elle devait à présent faire face. Elle n’était pas dans les meilleures conditions pour tenir une quelconque conversation, encore moins celle dans laquelle ils venaient tous deux de se lancer. Pourtant il était absolument inenvisageable pour elle de l’éviter et de fuir une nouvelle fois, de toujours repousser le problème sans jamais le régler. La brune était bien décidée à le prendre à bras le corps cette fois-ci.
Ses yeux se posèrent sur le suédois qui semblait avoir laissé une sorte de périmètre de sécurité entre eux avant de s’installer à son tour sur le lit. Elle était sobre à présent, il y avait peu de chances pour qu’elle perde une nouvelle fois le contrôle comme cela avait été le cas la nuit passée. Mais il était finalement difficile de prévoir ses réactions quand il s’agissait de Wren, aussi cet espace entre eux deux était peut-être préférable. « M’empêcher de nouvelles misères ? » Elle était assez grande pour se créer toute seule ses propres misères. Elle excellait d’ailleurs dans ce domaine depuis plusieurs mois. Quel était le lien avec sa présence avec elle ? Ses sourcils se froncèrent au fur et à mesure que les mots s’échappaient de la bouche du suédois. L’incompréhension se lisait sur son expression et elle avait du mal à remettre de l’ordre dans ses idées pour que les propos de Wren fassent sens. « De quoi tu parles ? » Maze comprenait les différents sujets qu’il venait d’aborder, mais elle ne parvenait pas à saisir comment il les reliait entre eux. Oui leur rupture lui avait fait beaucoup de mal, et elle en était la principale fautive. Oui, l’enlèvement dont elle avait été victime l’avait brisée et elle mettrait certainement des années à se relever, si tant était qu’elle y parvienne un jour. Mais il s’agissait à ses yeux de deux faits parfaitement distincts l’un de l’autre.
Elle resta silencieuse de longues secondes, se répétant encore et encore les mots qu’il venait de prononcer. La gueule de bois qu’elle devait affronter ne l’aidait pas vraiment à connecter ses neurones rapidement pour comprendre la situation, mais elle finit néanmoins par réaliser qu’il se sentait coupable du traumatisme qu’elle avait subi. « Non c’est pas de ça dont je veux discuter…Je veux parler de ce qu’il est censé advenir de toi et moi à présent. Il y aura peut-être plus de "nous" comme par le passé, mais j’ai pas l’intention de te faire sortir de ma vie pour autant Wren. » Elle ne voyait plus vraiment sa vie sans le suédois. Et si elle avait lâchement pris la fuite par le passé, elle comptait bien lui faire savoir qu’à l’avenir elle serait toujours présente pour lui, quoi qu’il advienne.
Sa main glissa sur les draps du lit avant qu’elle ne se risque à la poser sur la sienne, cherchant à attraper son regard avant de continuer. L’air qu’elle affichait était sérieux, presque sévère. « Et je t’interdis de croire un seul instant que tu es responsable de tout ce qui m’est arrivé. T’as rien à voir là-dedans Wren. Rien. Personne aurait pu le prédire. Tu faisais partie des rares bouées de sauvetage qui m’ont permis de penser à autre chose pendant que j’étais captive, de m’évader au moins mentalement à défaut de pouvoir le faire physiquement. » Ses doigts se crispèrent quelque peu sur sa main. Se replonger dans ses souvenirs était douloureux comme au premier jour.

Il n'a pas spécialement envie de se replonger dans ce genre de souvenirs, encore moins dans les émotions que le tout implique et pourtant, Wren y est obligé maintenant. Il n'a pas réussi à fuir, à être suffisamment discret pour conserver le sommeil de Maze intact et sauvegarder le peu d'estime qu'il peut encore avoir envers lui-même. Ce fait là lui colle à la peau, il a la sensation de l'avoir brisée, la jolie brune, en omettant la part essentielle de ce qu'il a toujours été et de ce qu'il sera à tout jamais. Wren se sent très clairement fautif dans toute cette affaire et il tente de remettre à plat tout ce qui s'est passé mais la conclusion est toujours la même: s'il n'avait pas tu son histoire, Maze aurait-elle couru vers sa perte? A chaque fois qu'il y pense, Doherty voit toujours le même scénario de conclusion... Elle serait restée, elle n'aurait pas tant souffert et qui sait ce qu'ils auraient été aujourd'hui. Les événements ont changé beaucoup de choses, ils les ont même changés, eux. Wren a vécu énormément de mauvais moments durant l'absence de Crawley, il s'est laissé couler vers la pire version de lui-même, simplement parce qu'il a senti le désespoir l'envahir et ce putain de chagrin qui ne l'avait jamais totalement quitté par ailleurs. Pendant ce temps là, la brune devait être enfermée quelque part à se sentir effrayée pour sa vie et tout cela, c'est quelque chose qui les rapproche autant que cela les sépare, un paradoxe qui rend leur lien des plus incompréhensibles. De toute évidence, le suédois n'a jamais tout à fait saisi cela dit puisqu'il a toujours été cet homme qui ne s'attache à rien ni personne, qui reçoit au lieu de donner et qui se contente d'instants volés avant de passer à la minute suivante. Ce n'est pas ce qui est arrivé auprès de Maze, le tout l'a bousillé plus que cela n'aurait dû parce qu'il n'avait pas anticipé toute l'affection qu'il pourrait ressentir pour une femme qui n'avait jamais fait une entrée traditionnelle dans son coeur et son esprit.

Ils en sont là néanmoins, à devoir se regarder dans le blanc des yeux et s'offrir des explications plus ou moins ou rationnelles sur ce qu'ils ont traversé, sur le parcours de leurs émotions alors que Wren a bien du mal à les qualifier, même après tout ce temps. Il ne peut que lui montrer le pire de l'aventure, les conséquences et les douleurs que le tout a engendré parce qu'il sait pertinemment qu'il ne retrouvera jamais l'ancien Wren, celui qui se promettait d'être insouciant et qui pouvait se permettre de partir à l'aube sans même éveiller l'ombre d'un soupçon vis à vis de son amante. Il n'a pas su duper Maze et il n'y arrivera potentiellement jamais car il n'est plus l'homme qui trompe et qui abuse, du moins pas celui qu'il voudrait montrer. Il est celui qui se renferme en se calant dans un coin du lit, évitant soigneusement le regard de la brune, non pas par honte mais parce qu'il ne sait pas réellement ce qu'il est censé lui raconter. Elle lui pose des questions, elle essaie certainement de reconstruire le fil de leurs épopées mais rien ne doit véritablement faire sens en vue du chemin qu'ils ont emprunté, l'un et l'autre, loin de ce qui aurait dû être. "Je parle de ton enlèvement, Maze. Du fait que t'as quitté la ville juste après notre espèce de rupture que j'ai pas vraiment compris. Et que t'as disparu pendant des mois. Si je t'avais tout dit... Tu serais restée? Il te serait rien arrivé." C'est le constat le plus délicat qu'il ait eu affaire de toute son existence, le grand nordique tâchant de renfermer le flot d'émotions à l'intérieur de son être alors qu'il sent la main de Maze se poser sur la sienne. Ce n'est qu'un simple geste, comme tout le reste, comme eux en somme. Ils avaient été simples de bien des façons, à se laisser emporter par leurs émotions plutôt que par la réalité de ce qu'ils sont et c'est là où le bât blesse parce qu'ils ont chuté, qu'ils se sont mutuellement abandonnés et qu'on ne peut pas vraiment rattraper de telles conséquences. "Je comprends pas, Maze. Pourquoi tu voudrais continuer à me côtoyer? Je veux dire... Comment tu as pu penser à moi après ce qui s'est passé alors que t'étais en enfer?" Il n'a jamais saisi l'impact de ce qu'ils ont été l'un pour l'autre, Wren s'est contenté d'être une âme damnée, profondément blessée voire même revancharde. Son regard vert d'eau se relève vers Maze, il devrait lui dire. Oui, il le doit. "Tu m'as brisé, Maze. Quand t'es partie sans rien dire, sans plus d'explications, j'ai sombré. Je me suis mis dans l'héroïne, j'ai enregistré le fait que je valais rien parce que j'étais un putain de menteur qui assume pas son passé ou ses actes. J'ai eu le coeur en miettes, j'ai tout perdu, je t'en ai voulu à mort même et puis, tu reviens, tu me racontes ce qui t'est arrivé et... Je m'en veux d'avoir ressenti tout ça." Il tâche d'être honnête, même si c'est un parcours clairement peu évident pour Doherty. Il ne l'a jamais été jusque là mais il lui montre, à Maze, il lui narre, il se met à nu et peut être qu'il est temps. Enfin temps de se libérer des faits du passé.

Si l’esprit de Maze était encore embrumé quelques minutes auparavant, les mots du suédois et le chemin qu’avait pris leur conversation avaient eu le mérite de lui remettre les pieds sur terre de manière abrupte. Son corps ne demandait qu’une seule chose : retrouver le confort du matelas et la douceur des draps pour sombrer dans un sommeil réparateur. Sa bonne conscience quant à elle lui soufflait plutôt qu’il était enfin temps d’avoir cette conversation et que la fuir une nouvelle fois ne leur bénéficierait pas. Ce serait une erreur. Comme cela l’avait été la première fois déjà. Mais la concentration dont elle devait faire preuve à présent n’arrangeait en rien son mal de crâne. Elle écoutait ce que Wren avait à lui dire, mais ce n’était pas tout. Elle essayait aussi de se mettre à sa place. A aucun moment elle n’avait imaginé qu’il puisse se sentir responsable de ce qui lui était arrivé. Ca n’était pas à lui de porter ce poids…or il l’avait malgré tout fait de longs mois durant. « Je sais pas ce que j’aurais fait si tu m’avais tout dit. » Evidemment elle avait envie de se persuader qu’en de telles circonstances ils auraient été capables de discuter calmement et de manière sensée pour mettre les choses au clair. Mais elle était suffisamment lucide pour savoir que leurs tempéraments respectifs auraient tout aussi bien pu mener au même résultat malgré des explications. « Mais ce que je sais, c’est que même si cette soirée avec toi n’avait pas dégénéré, je serais malgré tout allée à cette after party au boulot. J’aurais quand même commandé mon verre. Je l’aurais de toutes façons quitté des yeux juste suffisamment longtemps pour qu’un inconnu puisse y glisser de quoi me droguer. T’aurais rien pu y faire. » Sa gorge était sèche, sa voix plus rauque qu’à l’accoutumé, et pas seulement à cause de la trop grande quantité d’alcool qu’elle avait bue la veille. A chacun de ses mots qui s’échappait de ses lèvres, c’était une image vivide et un souvenir douloureux qui se rappelaient violemment à elle, lui faisant revivre des moments qu’elle aurait aimé pouvoir définitivement oublier. Cette conversation lui coûtait beaucoup, tant sur le plan physique que psychique. Mais il avait besoin d’entendre ces mots, et elle était prête à en payer le prix. « Tu n’as rien à voir là-dedans. Rien. » Elle insistait. Il était temps qu’il puisse enfin se débarrasser de cette culpabilité qu’il n’avait pas méritée. Wren et elle auraient pu changer beaucoup de choses pour que leur dernière soirée ensemble ne tourne pas au désastre, mais rien de ce qu’ils auraient pu faire n’aurait pu empêcher l’enlèvement dont elle avait été victime.
Si elle espérait pouvoir soulager un peu le suédois du poids qu’il avait injustement porté, elle avait aussi l’impression que celui-ci se transférait pour venir peser sur ses épaules à elle à chaque fois qu’il prenait la parole. Elle l’observa silencieusement pendant de longues secondes avant de reporter son regard devant elle alors que son cerveau semblait lui envoyer des milliers d’informations pour répondre à sa question, toujours accompagnées d’images indésirables qui la faisaient frissonner. « Parce que t’es pas responsable de mon enfer justement. Et que tous les regrets que j’ai eu le temps de ressentir pendant qu’on me retenait captive me permettent aujourd’hui de réaliser la place que t’as réussi à prendre dans ma vie. Que tu le veuilles ou non, tu as occupé mes pensées pendant tout ce temps-là. » Elle avait eu le temps de rejouer des centaines de fois leur dernière scène, d’imaginer toutes les alternatives qui auraient pu s’offrir à eux et qu’ils n’avaient pas su saisir à temps. Elle s’était promis d’arranger les choses d’une manière ou d’une autre si elle parvenait à s’échapper de son cauchemar. Et pourtant, une fois que ce dernier s’était enfin terminé, elle n’avait eu que la force de retourner dans son pays, auprès de sa famille, sans donner plus de signes de vie aux gens qui appartenaient à ce qu’elle considérait alors comme son passé. Un passé dont elle ne voulait plus entendre parler, persuadée que cela lui permettrait peut-être de se reconstruire et d’aller de l’avant plus vite. Mais c’était maintenant qu’elle avait cette discussion avec Wren qu’elle réalisait qu’elle n’aurait pas pu faire de plus mauvais choix que celui-ci. Sa main s’était écartée de la sienne pour venir se crisper un peu plus sur sa propre cuisse à chaque nouvelle épreuve qu’il lui expliquait avoir dû traverser. Elle ne pouvait pas accepter d’être responsable de tout ça. Ses épaules n’étaient pas assez solides pour l’instant. Et pourtant, la réalité était en train de sérieusement la malmener. Son regard vint balayer rapidement la chambre à la recherche d’une quelconque bouteille d’alcool dont ils n’auraient pas eu raison hier soir. Elle avait besoin de ça pour affronter ce qu’il venait de lui dire. Malheureusement pour Maze, seuls des cadavres de bouteilles jonchaient le sol ici et là. Crispée, elle sentit son bras se mettre à trembler et se leva rapidement dans une tentative désespérée pour empêcher tout le reste de son corps de suivre le mouvement. Elle se mit à chercher frénétiquement dans les poches de son jean sur lequel elle venait de remettre la main. Rien. C’est son sac à main qui fut la victime suivante de ses recherches. Cette fois-ci elle finit par y trouver ce qu’elle cherchait : un doliprane. Elle était prête à prendre n’importe quoi pour tenter de soulager même de manière infime son mal de crâne et l’angoisse qui commençait à s’emparer d’elle. Elle se dirigea ensuite vers la salle de bain pour remplir un verre d’eau qu’elle but d’une traite avant de le reposer plus brusquement que prévu sur le bord du lavabo. Elle retourna finalement dans la chambre mais ne vint pas se réinstaller aux côtés de Wren. Elle préféra cette fois-ci aller s’adosser contre la porte, son inconscient cherchant peut-être à barrer le passage à quiconque souhaiterait s’échapper de cette conversation. Son visage était plus dur cette fois-ci, ses traits tirés, une certaine colère s’y lisait. Elle ne savait pas contre qui cette colère était dirigée. Contre elle. Contre lui. Peut-être un peu des deux. « J’ai jamais voulu ça. » Son regard était venu se fixer dans le sien, déterminé, triste et énervé à la fois. « J’ai mal réagi et jamais j’aurais imaginé que ma réaction pourrait avoir de telles conséquences. Si je pouvais revenir en arrière et t’éviter tout ça, je le ferai. Sans aucune hésitation. » Elle était encore secouée par ce qu’il venait de lui dire. « Mais je peux pas. Et t’étais parfaitement légitime de ressentir tout ça envers moi. » Il aurait d’ailleurs été encore très légitime de le ressentir aujourd’hui. La culpabilité avait définitivement changé de camp cette fois-ci pour venir accabler Maze qui ne savait pas comment réagir face à ces révélations qu’elle aurait secrètement préféré ignorer, mais qu’ils avaient tous les deux besoin d’entendre.

Il n'avait pas anticipé une telle conversation, tout comme il n'avait pas vu venir la teneur de la soirée de la veille. Non, Maze n'était pas censée l'inviter dans sa chambre d'hôtel après avoir bu quelques verres de trop et en retour, Wren n'aurait pas dû rentrer dans son jeu pour éviter qu'ils aient tous les deux un peu plus mal encore, si c'est franchement possible. Ils ont tout fait à l'envers, c'est une évidence et le jeune suédois en est largement responsable: c'est bel et bien lui qui a tu la vérité quand tous les signes l'invitaient à faire le contraire, à simplement faire confiance à sa compagne, même si c'est quelque chose qui n'est jamais très évident pour quelqu'un comme lui. Le suédois est clairement usé par la vie, il en a trop vu et a franchement traversé trop d'épreuves pour se sentir bien dans ses baskets. Il ne sait pas s'il s'en remettra, de cette rupture douloureuse même après des mois bien tassées. Maze avait une place primordiale dans son développement: elle a été la première femme auquel Doherty a fait confiance après sa première véritable petite amie, au lycée, autant dire que de l'eau avait eu le temps de s'écouler sous les ponts avant que la brune ne débarque et ne détruise tous ses plans de solitude. Wren a failli quelque part puisqu'il l'a laissé entrer dans sa vie et surtout, prendre toute la place qu'elle méritait, sans prendre franchement garde aux conséquences terribles que tout cela ramène forcément en retour. Il sait ce qu'il en est maintenant, le nordique, parce qu'il a vu le regard de Maze à ce moment-là, lui qui sent la chair de poule le happer lorsqu'elle mentionne à nouveau cette douloureuse soirée qui a tout bouleversé dans son existence. "Je sais pas, Maze. Je sais vraiment pas." Lui est convaincu de sa part de culpabilité dans toute cette affaire parce qu'il ne l'a pas assez épaulée, qu'il l'a laissé s'envoler sans même demander son reste, tirant un trait sur leur histoire sans vraiment se battre pour tout ce qu'ils avaient construit en quelques mois. Wren a simplement laissé son amertume gagner et il a abandonné Maze, purement et simplement. "Je t'ai pas cherchée, Maze. J'ai pas couru après toi. J'ai même pas tenu à tout vraiment t'expliquer." Non, il n'a rien fait de tout cela et peut être que s'il avait vraiment désiré changer la donne, elle ne se serait pas retrouvée dans cette position. En attendant, la jolie brune se relève, s'éloigne et se laisse emporter par sa migraine, sous l'oeil hagard du Doherty qui ne doit pas être tellement dans un meilleur état qu'elle. Il supporte simplement le moment présent, sans trop comprendre comment il va pouvoir retrouver sa joie de vivre d'antan maintenant qu'il sent la haine l'habiter totalement, qu'il capte la silhouette de Crawley qui se pose à l'autre bout de la pièce, véritable dualité qui les tue à petit feu désormais. "Si j'ai occupé autant tes pensées... Pourquoi tu t'es pas battue pour nous non plus?" Les raisons doivent être aussi puériles que celles de Wren, lui et son ego ridicule, lui et sa fierté mal placée, une qui n'a clairement pas lieu d'être quand on voit le foutoir qu'est sa vie depuis des années. Il en a la nausée rien que d'y penser mais il vit comme il le peut le moment qui vient, son regard voguant vers celui de Maze alors qu'elle semble vouloir porter la responsabilité de ce qui leur est arrivé. Comme si elle avait été seule responsable de leur douleur commune. "On pourra rien refaire, tu sais. Et non, Maze, c'est pas légitime ce que je ressentais. C'est moi qui t'ai caché qui j'étais, t'étais en droit de savoir avec qui tu fricotais... T'avais clairement pas demandé à vivre à côté d'un menteur avec une famille de malades mentaux. Et tu méritais de toute façon bien mieux que ça." Il le pense toujours parce qu'il n'est pas un homme bien sous tous rapports, de ceux qui pourraient éventuellement la rendre heureuse. Non, Doherty n'est qu'un amas de chagrins qui s'enchaînent et il n'en guérira potentiellement jamais vu ses yeux verts d'eau qui ne peuvent pas tout taire à l'heure actuelle. Même si le brun l'aurait vraiment voulu, pour une fois.

Une petite ride témoin de son inquiétude et de son incompréhension ne quittait plus son front, cohabitant parfaitement avec ses sourcils froncés qui tentaient de démêler les propos de Wren pour comprendre comment il en était arrivé à penser de cette façon. Elle l’observa silencieusement de longues secondes, elle-même en proie avec ses propres pensées, puis finit par se lever et s’écarter. Elle n’était pas certaine d’être dans le bon état d’esprit pour avoir cette conversation. Elle ne voulait pas que ses propos paraissent confus ou qu’ils ne fassent pas sens. Mais elle n’était même pas sûre qu’ils aient justement jamais fait sens dans sa propre tête. Elle n’avait jamais discuté de toute cette histoire avec quiconque, et à raison puisque Wren et elle en étaient les seuls protagonistes et donc les principaux concernés. Pourquoi alors en parler à quelqu’un d’autre ? Cela lui aurait peut-être permis d’y voir malgré tout plus clair. Aujourd’hui elle avait l’impression de devoir affronter de plein fouet des vérités qu’elle connaissait au fond d’elle mais auxquelles elle ne savait pas répondre. Pourquoi ne s’était-elle pas battue pour eux ? Elle se le demandait tous les jours. « J’en ai pas eu le temps. » Ce qui était vrai. La tragédie dans laquelle elle avait été entraînée contre son gré n’avait fait qu’empêcher leurs possibles retrouvailles. Mais ça n’était pas la raison première, et elle le savait pertinemment. « Et parce que t’es le premier à savoir que j’ai bien souvent une fierté mal placée. Parce que je voulais pas revenir sur ma décision après avoir quitté cette pièce. Parce qu’il me fallait du temps pour y voir plus clair et pour encaisser. Parce que je suis la personne la plus têtue qui puisse exister et que j’avais beau savoir que ma réaction n’était pas la bonne, je pouvais pas faire marche arrière. Pas tout de suite. » Et elle n’avait jamais eu l’occasion de le lui dire, mais il le savait certainement. Il la connaissait. Et lui aussi pouvait se montrer têtu. Peut-être que s’ils avaient su faire la part des choses et mettre de côté leurs fiertés respectives ils n’en seraient pas là aujourd’hui. Mais deux têtes brûlées ne pouvaient vraisemblablement pas toujours bien faire les choses. « Et j’imagine que c’est pour ces mêmes raisons que toi, tu ne m’as pas couru après. » Un léger sourire triste s’afficha au coin de ses lèvres. « On est deux imbéciles, que veux-tu. » Une constatation simple et peut-être réductrice mais qui lui semblait malheureusement somme toute bien résumer leur situation. Son sourire disparut bien vite en entendant ce que le suédois ajouta après ça. « T’as pas le droit de dire ça. » La colère qu’elle ressentait ne faisait que partir pour mieux revenir. Mais les mots de son ex eurent surtout l’effet de la rendre profondément triste. Elle avait l’impression de devoir garder cette distance physique entre eux, comme si le fait de se trouver trop proche de lui pourrait le faire replonger d’une quelconque manière que ce soit parmi tous les démons qu’il avait dû affronter suite à leur rupture. Et c’était la dernière chose qu’elle souhaitait. Toutefois, après une légère hésitation, elle ne put se retenir de revenir vers lui. Toujours assis sur le lit, elle choisit de s’agenouiller face à lui pour lui faire face. Elle plongea son regard dans le sien avant de venir poser avec précaution et délicatesse sa main droite sur sa joue. « On choisit pas sa famille. Et t’avais tous les droits de prendre le temps qu’il te fallait pour t’ouvrir et me parler de tout ça. » Elle ressentait le furieux besoin de le serrer dans ses bras et elle luttait contre elle-même pour résister. A la place, son pouce vint doucement caresser sa joue. « Et ne t’avise jamais de redire que je méritais mieux que toi, et tout ce qui fait de toi ce que tu es aujourd’hui. Je suis tombée amoureuse de toi pour qui tu étais. Pour tes forces mais aussi pour tes faiblesses, même si je n’étais pas en mesure de les voir dans leur entièreté à l’époque. » Elle sentait ses yeux commencer à s’embuer mais elle refusait de laisser ses sentiments prendre une nouvelle fois le dessus. Elle voulait toujours être dans le contrôle de tout, voilà bien une chose qui ne changerait jamais. « Pour rien au monde je ne reviendrais en arrière sur tout ce qu’on a vécu ensemble. »

Les justifications ne seraient jamais suffisantes, pas quand la déception a été immense, handicapante même. Wren ne peut que l'assumer désormais: son coeur a été brisé par l'abandon de Maze, celle pour qui il a tout donné, pour qui il aurait sûrement tout sacrifié. Néanmoins, le destin les a séparés, rien que le suédois aurait pu trouver choquant à dire vrai puisque c'est ce qui arrive toujours avec lui. N'est-il pas l'homme le plus difficile à supporter? Au moins, oui, Doherty a conscience du moindre faux pas effectué et il se sait d'autant plus responsable de cette relation avortée beaucoup trop tôt. Quelques questions persistent alors: s'en est-il remis réellement? Qu'en pense Maze de son côté? Veut-il d'ailleurs vraiment le savoir? Le nordique n'a pas envie de souffrir à nouveau, pas alors qu'il a la sensation de faire quelques pas en avant depuis quelques mois, avec ce sevrage forcé qui a bien failli le mettre à terre pour de bon. Wren sait que ses fragilités sont encore présentes, qu'il n'a pas spécialement guéri des épreuves traversées et qu'il se perd dans les remous d'une vie qu'il n'a pas franchement voulu à la base. Si seulement il pouvait tout refaire, se remettre sur la ligne de départ afin de se préparer pour les plus belles expériences de sa vie. A la place, il a capitulé. Maze et lui, ce n'est qu'une histoire qui aurait pu être, non, qui aurait dû être même car Wren se sentait tellement bien à ses côtés. Il lui faisait confiance pour ne pas le briser mais le chemin a été radicalement différent de ce qu'il a tâché d'imaginer avant de se lancer dans l'aventure: la jolie brune lui a claqué la porte au nez sans qu'il ne puisse franchement se défendre des actes perpétrés, des mots non dits, plus par peur que par réelle envie de lui faire du mal en retour. Au contraire, Doherty n'a pensé qu'à elle à ce moment-là, se disant qu'elle préférerait assurément ne pas être mêlée à la partie mauvaise qui rend Wren ce qu'il est. Mentir, c'est tout ce qu'il a trouvé, omettre pour mieux oublier... Comme si ce genre de stratégies pouvaient réellement fonctionner sur la durée. Le raté est monumental, tout comme la distance que Crawley met entre eux à cet instant précis et qui martyrise d'autant plus l'organe cardiaque du suédois. "Je sais pas.... J'avais plus toute ma tête quand tu m'as laissé tomber comme ça. J'étais sûrement trop amer et en colère contre toi pour m'imaginer aller te chercher. Si c'était pour souffrir encore plus... A quoi bon? Enfin, tu comprends ce que je veux dire." Tout comme il saisit amplement les raisons de son départ. Elle ne devait plus pouvoir envisager de lui faire un minimum confiance et ce n'est pas lui qui peut la blâmer pour cela. Elle aura fait de son mieux pour se détacher du grand suédois et Wren considère que c'est le meilleur choix qu'elle ait jamais fait... Se sauver avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'il ne lui fasse trop mal et qu'elle se brise. Maze finit par revenir à ses côtés, enfin, plutôt, elle se pose devant ses genoux et il la regarde avec cet air qui peut paraître neutre et impénétrable mais qui veut néanmoins dire énormément avec le Doherty. Il n'est pas insensible à l'événement, pas plus qu'il ne peut l'être aux doigts de Maze qui parcourent sa joue avec une douceur inégalée. "Moi non plus. Je t'aimais vraiment, tu sais." Non, il ne rattrapera rien de ce qui a été manqué mais il peut au moins avoir la franchise d'avouer ce qui était vivant à cette époque-là. Maintenant, tout est sans dessus dessous et Wren n'a aucune once d'idée de ce qui se trame au fond de sa tête ou de son coeur, il ne peut qu'espérer qu'il s'en relèvera, que le regard qu'il pose sur Maze à ce moment-là lui permette d'aller de l'avant, un léger sourire naissant naturellement sur ses lippes alors qu'il attrape la main libre de Maze pour venir en caresser la paume en toute délicatesse. C'est aussi simple que cela, d'aller de l'avant.

Bien qu’à des degrés différents, ils avaient tous les deux leur part de responsabilité dans ce qu’ils avaient vécu et la manière dont tout cela s’était terminé. Maze ne put que hocher simplement la tête en écoutant l’explication de Wren. Elle ne comprenait que trop bien son comportement. Peut-être qu’ils n’auraient en effet fait que s’entraîner mutuellement vers une chute plus douloureuse encore s’il l’avait suivie et qu’ils étaient restés ensemble. Peut-être pas. Là n’était plus la question. Le temps avait passé et ils n’étaient plus aujourd’hui ce qu’ils avaient été autrefois. « Je comprends…mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut plus compter l’un sur l’autre pour autant. D’une manière étrange et probablement à la frontière du malsain, j’ai l’impression que tout ça nous a rapprochés. » Wren avait et aurait toujours de l’importance à ses yeux. Elle avait beau être à l’origine de nombre de ses problèmes, elle accourrait toujours quand il aurait besoin d’elle. Elle ne pouvait pas se résoudre à couper les ponts avec lui et elle espérait que ça n’était pas ce qu’il souhaitait non plus de son côté. Elle avait vu ce que ce sevrage forcé d’une personne chère à son cœur avait pu faire comme dégâts chez elle comme chez lui lors de sa période de captivité et elle n’était pas prête à retenter l’expérience. Wren avait sa place dans sa vie, qu’il le veuille ou non. Et elle avait beau vouloir maintenir une distance physique entre eux, elle se retrouvait comme à chaque fois irrémédiablement attirée vers lui. Maze n’avait jamais bien saisi pourquoi deux expressions aussi contradictoire que « qui se ressemble s’assemble » et  « les opposés s’attirent » cohabitaient dans un même univers. Mais Wren et elle étaient finalement la parfaitement représentation de cette cohabitation. Ils étaient à la fois semblables et contraires. Peut-être était-ce là ce qui les avait rapprochés. Peut-être était-ce aussi ce qui avait fini par les détruire. Mais la brune avait envie de croire qu’une relation d’une autre nature mais toute aussi solide que ce qu’ils avaient vécu pouvait naître de leur passé, de leurs erreurs, de leurs souvenirs. Ils n’avaient pas tout fait de travers ; même si l’ambiance pesante ne laissait pas vraiment la liberté de songer à tout cela, ils avaient aussi vécu beaucoup de belles choses ensemble. Elle avait une nouvelle fois envoyé balader ses belles résolutions pour se rapprocher de lui. Elle était tristement rassurée de l’entendre mettre des mots sur les sentiments qu’il avait eu pour elle et de savoir qu’il n’aurait pas non plus effacé ce qu’ils avaient vécu s’il en avait eu la possibilité. Elle sentit un pincement s’emparer délicatement de son cœur. Bittersweet. Voilà ce qui les définissait le mieux. Ce pincement avait des accents de page tournée, mais pas de livre fermé. Serrant doucement les doigts de Wren dans sa main, elle plongea son regard dans le sien, parvenant à voir au-delà de leur douleur respective une douceur et une sincérité qu’ils avaient bien connues par le passé. « J’imagine que s’aimer ne suffit pas toujours. » Bien que la nostalgie se lisait sur chacun des traits de son visage, un fin sourire vint étirer le coin de ses lèvres. Cet amour n’avait pas suffi à sauvegarder leur couple, mais elle était persuadée qu’il était bien suffisant pour qu’ils puissent aller de l’avant ensemble. Cet attachement qu’ils avaient l’un pour l’autre ne s’évanouirait jamais. Ou tout du moins elle ferait cette-fois tout pour le garder intact jusqu’au bout.