Soirée arrosée pour la petite Dylane. Tellement d'ailleurs qu'elle ne sait presque plus comment elle s'appelle. Faut avouer que ses amis l'ont défié toute la soirée avec des jeux à boire et elle a perdu. Et bonne joueuse qu'elle est et bien elle s'est pas défilée. La soirée touche à sa fin et tout le monde rentre chez soi. La brune regarde sa voiture et penche la tête. " Nan toi tu restes couchée là" Elle attrape son portable et fait tant bien que mal le numéro du service de uber. Première tentative, elle tombe chez un gars parlant une autre langue. Oops. Deuxième tentative, elle tombe sur son frère. Autant vous dire qu'elle a vite fait de raccrocher. La troisième est enfin la bonne. Le uber vient la chercher devant le bar qui ferme tout juste ses portes. Elle grimpe dans la voiture et donne son adresse. Du moins le quartier est bon, la rue aussi mais pas du tout le numéro. Un bon quart d'heure plus tard, il la dépose. Elle le règle et sort de la en titubant quelque peu. Arrivée devant la porte, elle fouille après ses clés mais ne les trouvant pas assez rapidement à son goût, elle vide le contenu sur le sol. " Ha les voilà " Son précieux entre ses doigts, elle essaye de rentrer celle-ci dans la serrure mais ça cale. Normal vu que c'est pas sa maison mais ça elle ne le remarque même pas. Elle force la brune. " Mais tu vas t'ouvrir saloperie" Peste-t-elle. Son regard se pose sur la maudite porte. " Sésame ouvre toi" Un soupir d'agacement sort d'entre ses lèvres. " Faut que je revois Harry Potter, ça doit pas être la bonne formule" Dylane bourrée ? Pas du tout voyons ou juste un peu ... Manquerait plus qu'elle réveille le propriétaire de la maison en question.

Il ne savait quelle heure du matin il était lorsqu’il abandonna l’idée de dormir. Après s’être tourné et retourné dans le lit conjugal sans parvenir à vider son esprit, sans pouvoir fermer les yeux, Jamie s’était finalement levé et avait trouvé réconfort dans le satin d’un peignoir Versace. Sur les quatre chiens avec lesquels les Keynes partageaient la demeure, seul un sentit l’insomnie de son maître et se réveilla à son tour, se donnant pour mission de lui tenir compagnie ; Milo, teckel caramel et rase-motte, un brin collant. Entre le thé et le whisky pour faire passer le temps, l’anglais hésita un petit instant ; et sous prétexte que faire bouillir de l’eau était plus susceptible de faire du bruit, ce fut sur le Scotch qu’il jeta son dévolu. Un doigt ou deux, comme il avait vu son père le faire tant de fois. Il s’était installé avec de quoi lire dans un coin du salon plongé dans la pénombre, lunettes de vue sur le nez, le canidé pattes en rond sur ses cuisses. Il aurait sûrement terminé le bouquin dans la nuit si un bruit ne l’en avait pas détourné ; était-ce quelqu’un qui essayait d’entrer chez lui ? "Mais tu vas t'ouvrir saloperie." il entendit vaguement. Milo, aux aguets, avait également entendu l’intrus. N’étant pas le plus aimé de Brisbane depuis quelques mois, Jamie avait vu sa pelouse envahie de journalistes, sa clôture être la planque de paparazzis, on l’avait insulté sur le net, bousculé dans la rue ; venait-on maintenant s’introduire dans sa maison ? Dans un moment pareil, il enviait les Américains ; ils avaient tous une arme quelque part, et la légitimité de renvoyer un intrus à grands coups de fusil. Lui, il avait un livre, et un verre de whisky. Tandis qu’il approchait d’un pas feutré de l’entrée, il entendait la personne de l’autre côté se battre contre la serrure en vain. Pas un malin, son cambrioleur. Discrètement, il clôt un oeil pour que l’autre observe à travers le judas de la porte. Il y avait une femme, là. “Miss Bradford.” fit-il en ouvrant la porte d’un air las. Sa chère voisine lui ayant déjà fait part de toute son animosité à l’idée d’avoir un aimant à scandales dans son genre pour voisin, le brun ne se fatiguait plus à forcer un sourire. “Je peux savoir pourquoi vous tentez d’entrer chez moi ?” A dire vrai, il suffisait de détailler la jeune femme pour émettre quelques déductions. Sa tenue n’était pas du genre adéquat pour voler quoi que ce soit -notamment la hauteur de talons, déconseillée pour déplacer un écran plat. Jamie soupira. Elle était ivre et perdue, pas la moindre menace. Milo, lui, l'avait bien compris, et s'était approché d'un pas enthousiaste pour saluer Dylane à grands coups de langue.

Remarquer qu'elle n'est pas chez elle aurait du être une chose aisée vu que la porte n'est déjà pas de la même couleur, l'allée non plus, ... En somme tout est différent. Mais non la brune reste persuadée qu'elle est devant SON domicile et se bat contre la serrure. Celle-ci résiste pourtant mais ça ne lui mets pas la puce à l'oreille. D'un coup, la porte s'ouvre ce qui la fait sursauter. La brune hausse un sourcil. Est ce que son sort aurait fonctionné. C'est beau de rêver quand même. Non du tout. La voix d'un homme la ramène vite à la réalité. Son regard se pose sur lui. «  Keynes, tu fous quoi chez moi ? » Demande-t-elle incrédule alors qu'elle glisse une main dans ses cheveux. Elle a du raté un épisode là. Voilà qu'il dit que c'est chez lui. La brune secoue la tête vivement «  Non non, c'est chez moi là. «  Elle est sûre d'elle et n'en démordra pas la brune. D'un coup, un chien débarque et commence à la lcher en plein visage ce qui la fait grimacer. «  Lucky arrête » Pensant bien entendu que c'est son chien. Le chien ayant fini ses léchouilles, elle le regarde et fronce les sourcils. «  pourquoi mon chien a changé de race pendant la nuit ? » Ho la la ! Faut que Dylane arrête de boire et pas qu'un peu. Elle finit enfin par regarder autour d'elle. «  Ha mais en fait, je suis réellement pas chez moi » Tout s'éclaire un peu pour la jeune fille qui fait alors deux pas en arrière non sans toiser son voisin du regard. Elle l'aime pas beaucoup en réalité. Faut dire que depuis quelques temps, les journalistes affluent pour ce scandale. «  De toute les maisons faut que le uber me mette devant la vôtre ! A croire que je suis maudite » Elle roule des yeux et soupire mais ne part pas pour autant. Même elle, ne sait pas pourquoi elle n'a pas encore pris la poudre d'escampette.

Une épaule appuyée sur le cadre de la porte, Jamie observait sa voisine avec désolation, de bas en haut. Dans pareil état, on pouvait presque affirmer qu’elle avait eu de la chance. Des hommes peu scrupuleux auraient pu tirer avantage de son état -et à en croire les tabloïds, la jeune femme en avait un de cette espèce juste devant elle. Il croisait les bras, froid et nonchalant, tandis qu’elle insistait sur le fait que c’était lui qui se trouvait chez elle, et non elle qui n’était tout simplement pas au bon endroit. “Vous habitez trois rues plus loin.” lui souligna-t-il en vain. Dylane n’avait plus les yeux en face des trous et confondait même son chien avec Milo. D’un geste contrit, l’anglais se pinça l’arête du nez, yeux fermés -peut-être dans l’espoir que cette situation ridicule soit le fruit de son imagination, ou du manque de sommeil, et qu’elle disparaîtrait en un instant. Mais la voix de Dylane s’éleva à nouveau alors qu’elle s’étonnait que le canidé ne soit pas de la bonne race, et un soupir d’exaspération échappa au propriétaire des lieux. “Parce que c’est mon chien, Bradford. Tout comme ceci est ma maison.” Et alors, elle sembla le réaliser. Non pas parce qu’il venait de le lui dire en autant de mots simples possibles pour qu’elle puisse les comprendre, mais parce que son cerveau embué avait effectué l’équation complexe de mauvaise serrure + mauvais chien = mauvais endroit. “Ca vous aura demandé du temps.” commenta-t-il, bien qu’il eût pu s’en passer. D’un claquement de doigts, il récupéra l’attention du petit chien et lui indiqua le salon au bout de son index tendu. “Milo, rentre.” Celui-ci obéit, et se mit à trotter en direction du canapé où il subtilisa immédiatement la place de son maître, encore chaude. « De toute les maisons faut que le uber me mette devant la vôtre ! A croire que je suis maudite » Ca, ou bien la pelouse des Keynes était devenue l’attraction touristique du coin, suggérée par défaut dans le quartier sur les applications, au choix. “Et de toutes les jeunes femmes insupportables qui ne connaissent pas leurs limites avec l’alcool, c’est vous que j’ai devant ma porte, mais moi on ne m’entend pas me plaindre.” Du moins, pas avant cette contestation. Dylane ne sembla pas sur le départ. Ils s’observèrent en chien de faïence durant une poignée de secondes où Jamie aurait juré la voir tanguer et manquer de trébucher même sans bouger d’un cil. “Vous attendez que je vous dessine un plan du quartier ?” demanda-t-il, manière cynique d’inviter la jeune femme à quitter son palier.

Se tromper de maison c'est même le summum de l’imbécillité. Dylane est loin d'être stupide pourtant. L'alcool coulant dans ses veines lui brouille juste le cerveau et toutes ses capacités mentales. D'un oeil extérieur, elle doit avoir l'air minable. Le lendemain, elle s'en rendra compte mais là de suite, c'est tout autre chose. Elle insiste la brune en disant qu'elle est chez elle. “Vous habitez trois rues plus loin.” Elle hausse un sourcil. «  Pas du tout, j'habite ici ! Autrement comment j'aurais la clé » Dit-elle en la balançant devant ses yeux. «  C'est juste que serrure cale un peu » Elle est tellement pas crédible Bradford mais elle compte bien ne pas se laisser démonter. Tort ou raison, ce soir elle aura raison sur tout. Un chien s'amène et lui fait des léchouilles. Bien entendu, elle le prend pour le sien et s'étonne de son changement d'apparence. “Parce que c’est mon chien, Bradford. Tout comme ceci est ma maison.” Elle secoue vivement la tête de façon négative. «  Non non, c'est juste que mon taux d'alcoolémie fait que je vois les choses déformées. Rien de plus. D'ailleurs même vous me semblez plus grand que d'habitude » Logique en soi vu qu'il est sur le palier de sa porte et donc légèrement en hauteur. Même si elle a du mal à l'admettre, elle commence doucement à se rendre compte qu'elle n'est pas du tout chez elle. Tout en marmonnant entre ses dents, elle l'avoue et hausse les épaules. “Ca vous aura demandé du temps.”  Un rire sort d'entre ses lèvres. «  Bien sur que non, je le savais depuis le début, je vous faisais marcher voyons » C'est qu'elle s'enfonce à vouloir avoir raison la demoiselle. Juste après, elle remet la faute sur le uber qui l'a soit disant conduite ici mais ce pauvre chauffeur n'a fait que suivre ses instructions et en aucun cas, elle n'a donné son adresse. Et bien entendu, elle le tacle par la même occasion lui qui n'a rien demandé ce soir. “Et de toutes les jeunes femmes insupportables qui ne connaissent pas leurs limites avec l’alcool, c’est vous que j’ai devant ma porte, mais moi on ne m’entend pas me plaindre.”  Elle prend un air choqué et croise les bras sur sa poitrine. «  Je vous ferais savoir que je supporte bien l'alcool, la preuve je vous parle normalement là. Et il ne manquerait plus que de vous plaindre. C'est nous qui devrions le faire vu les journalistes arpentant les rues à toute heure » Faut qu'elle parte mais non, elle reste plantée la vacillant par moment, son corps ne voulant pas rester droit. “Vous attendez que je vous dessine un plan du quartier ?” Elle roule des yeux «  Comme si vous saviez dessiner » Elle soupire et le regarde «  Franchement faudrait vous détendre un peu. Buvez un coup ça ira mieux ! » D'ailleurs, la jeune femme ne serait pas dérangée par une petite after. Mine de rien tout ça lui avait rendu de la motivation, allez savoir pourquoi. «  Vous avez pas un truc à boire ? » Elle ose la brune, elle a rien à perdre après tout. Et ce qu'on dit de lui, à vrai dire, elle s'en fout et à juste titre mais ça, il ne le sait pas.

“Bah voyons.” qu’il soupira en roulant des yeux au ciel aussi haut que cela le lui était permis. C’était tout ce qu’il y avait à dire du petit numéro de la jeune femme essayant en vain de lui faire croire qu’elle savait parfaitement que cette maison était la sienne, que le chien était le sien, puis que non, elle avait toujours eu conscience qu’elle n’était pas au bon endroit depuis le début. Avait-elle également connaissance d’à quel point sa présence importunait Jamie et lui tapait sur le système ? Rien de moins sûr. Sa pique à l’encontre de sa voisine ne manquait cependant pas de faire passer le message, et celle-ci, offusquée, lui rendit la pareille. Oui, pauvre d’elle qui voyait les journalistes traîner dans le coin pendant que le Keynes, lui, ne pouvait plus sortir de chez lui, n’avait plus de vie normale depuis des mois, s’efforçait de protéger ses deux enfants des flashs des appareils photos et, optionnellement, d’empêcher son mariage de tomber en ruine. Oui, pauvre Dylane. “Peut-être que je devrais prendre une photo là, tout de suite, et l’envoyer à un torchon pour qu’ils aient une nouvelle histoire à raconter dans le quartier. Papa serait si fier.” L’article était du tout cuit. La fille de l’ancienne star de la NBA ivre dans un quartier résidentiel de Brisbane ; était-elle sous drogues ? Après tout, les vautours se nourrissaient de carcasses, il n’y avait pas besoin de grand-chose pour pour créer une histoire de nulle part. Il ne restait donc plus à Dylane qu’à partir, ce qu’elle tardait bien trop à faire au goût de l’anglais.

« Comme si vous saviez dessiner » qu’elle rétorquait comme une enfant. A dire vrai, il savait. « Buvez un coup ça ira mieux ! » A dire vrai, c’était le programme initial. « Vous avez pas un truc à boire ? » Il crut mal entendre et fronça les sourcils. Elle n’était pas sérieuse. Elle ne pouvait pas être sérieuse. “Pour vous, de l’eau. Beaucoup d’eau.” répondit-il de son plus bel air condescendant. Il lui aurait également suggéré une douche froide si, dans sa position, cela n’aurait pas pu être fort mal interprété. De même qu’une belle gifle pour lui remettre les pieds sur terre ne serait pas de bon goût, vu le passif du Keynes. En somme, son unique option était d’être patient jusqu’à ce que la brune daigne quitter sa propriété. “Soyez raisonnable, Dylane, et rentrez chez vous… à moins que vous ne sachiez plus où c’est.” Et bizarrement, l’hypothèse lui parut particulièrement valable, à son plus grand désespoir.

Voilà qu’il recommençait. Avec Dylane comme avec Mina, le jour où elle était venue le trouver pour le menacer de le dénoncer sur la place publique -internet- s’il ne tenait pas la promesse faite deux ans plus tôt. Plutôt que de concéder aux exigences de la jeune femme et remplir sa part du marché, il avait gonflé son égo à bloc, et il avait menacé, à son tour. La demoiselle devant lui avait quinze ans de moins que lui, et cette fois encore, Jamie jouait la carte de l’intimidation. Il n’avait jamais été bon pour retenir les leçons. Dylane, comme Mina, ne se laissait pas faire par les paroles menaçantes de l’anglais. Cette génération savait finalement bien mieux manipuler la masse que le quarantenaire en devenir. C’était leur ère, désormais, et il en faisait les frais. Même elle savait que les accusations à son encontre n’étaient pas totalement justes, et cela ne l’empêchait pas de le blâmer au même titre que le reste du pays. Jamais n’avait-il nié les faits ou démenti sa part de responsabilité ; ce qui le rendait malade, c’était que personne n’accordait d’importance au fait que Mina n’avait jamais été contrainte à quoi que ce soit. “Et votre bonne copine, elle le prendrait comment de découvrir que vous êtes de mon côté ?” rétorqua Jamie, se raccrochant aux branches. Il n’en était pas fier. Il aurait préféré se taire.

Voilà qu’elle voulait entrer prendre un verre, la Bradford, ce qui sonnait comme la pire idée qui soit. Impossible, de toute manière, avec Joanne et les enfants qui dormaient à l’intérieur. “Ne faites pas l’idiote.” soupira l’anglais, de moins en moins patient face aux incohérences de Dylane. Il insista un nouvelle fois pour qu’elle s’en aille et, comme il le craignait, la jeune femme n’était pas sûre du chemin. Il serait irresponsable de la part du brun de la laisser se débrouiller seule malgré tout, et il comprit qu’il n’avait guère le choix lorsqu’elle lui demanda de la raccompagner. “Bien.” Elle ne vivait pas loin, ce n’était l’affaire que d’une dizaine de minutes aller-retour. Un sacrifice convenable pour avoir la paix. Jamie attrapa ses clés de voiture dans le vide-poches de l’entrée, glissa ses pieds dans la première paire de baskets qu’il trouva à proximité, et ferma la porte derrière lui. Puis il ouvrit le garage, dévoilant l’une des voitures de la famille -sponsorisée par Audi, ils en possédaient deux aux banquettes arrières envahies de sièges auto. Il s’installa dans la première, la sienne et invita Dylane à s’asseoir côté passager. “Montez. Et si vous vous sentez malade, retenez-vous.”

Même s'il pensait qu'elle avait pris sa phrase pour de l'intimidation, ce n'est pas du tout le cas. Dylane ne voit pas trop le mal. Il essaye juste de se débarrasser d'elle qui est largement encombrante ce soir. Sans le vouloir, elle a lâché qu'elle savait qu'il n'était pas vraiment en tort. Cette fille a été consente du début à la fin. Il a profité d'elle oui en quelques sortes mais c'est elle qui a lancé l'idée. Sérieusement quel homme aurait refusé ? Faut être un peu logique. A sa question, elle rit légèrement. «  C'est pas mon amie cette fille. Elle est juste venue se vanter à cette soirée du pacte conclu avec vous. D'ailleurs, si je me souviens bien quelqu'un a filmé la scène » Un sourire espiègle se pose sur son visage. C'était vrai mais le petit hic la dedans, elle ne savait plus qui parmi le groupe de jeunes présents donc ça ne l'aiderait pas vraiment.

Rentrer chez elle, elle aimerait bien si seulement elle savait par où aller. Donc elle fait un compromis avec lui. Elle lui fout la paix s'il l'aide à rentrer. Il accepte sûrement bien heureux de pouvoir être tranquille dans quelques minutes. Elle le regarde enfiler les premières chaussures à sa portée et ensuite sortir la voiture. Son regard se pose sur les sièges enfants. » Je savais pas que vous aviez des gosses » La preuve qu'elle lisait pas les journaux la demoiselle. La voiture démarre. Son doigt vient appuyer sur la radio. «  On dirait la playlist de mon père » Elle roule des yeux mais s'enjaille quand même. « Ils m'entraînent au bouuuut de la nuit, les démons de minuit » Vu qu'elle ne connaît que le refrain, elle s'empresse de changer et ça malgré les regards de Keynes. «  Est ce que tu vieeeeens pour les vacances ? » Non plus, c'est pas son truc et hop une nouvelle. «  Billie jeaaaaan is not my lover » Ouais non elle va pas massacrer du Michael Jackson tout de même. Il lui dit d'arrêter mais elle sourit à pleine dents et en remet une autre. «  I want to break free » Mais non du Queen, c'est sacré ! Allez une petite dernière pour la route vu que sa maison est en vue «  Wake meeeeeee up before you gooooooooo » Celle-là est bien d'ailleurs elle continue à chanter et ça malgré qu'elle est désormais arrivée à destination. Elle tiendra sa promesse après la chanson.

“J’en crois pas un mot.” répondit Jamie aux allégations de sa voisine. Si une vidéo telle qu’elle la décrivait existait, celle-ci serait sortie au grand jour depuis bien longtemps. Personne n’aurait gardé pareille information pour elle. A moins que Mina ne soit au courant. A moins qu’elle ait fait en sorte que la vidéo ne sorte pas. Quoi qu’il en soit, l’anglais n’avait pas le luxe de se raccrocher à pareil espoir. La ligne était trop fine, trop fragile, et il avait de plus gros poissons à pêcher. Ce qu’il voulait, c’était mettre cette histoire derrière lui le plus vite possible, et reprendre le cours de sa vie.

En attendant que pareil espoir se concrétise, Jamie pouvait au moins tenter de reprendre le cours de sa nuit -ou de son insomnie. A bord de la voiture, il fit mine de ne pas relever le commentaire à propos de ses enfants ; il n’en parlait pas dans le domaine public afin de les préserver autant que possible. Il était reconnaissant que toute cette histoire se déroule tant que Daniel et Louise étaient encore petits, et non en âge de se souvenir de tout ceci. Sur le chemin, Dylane ne se gêna pas pour lancer la musique et chanter à tue tête. Spoiler alert : si elle songeait à une carrière de reconversion, chanteuse n’était pas sa voie. “Bradford.” appelait-il d’un ton sec, dans l’espoir que cela suffise à lui faire comprendre qu’elle l’agaçait. Elle poursuivait, zappant de chanson en chanson. “Bradford !” Oh, elle s’en fichait bien, de faire de la voiture de l’anglais le théâtre de son after party. Ses soupirs n’y changeaient rien. Même une fois dans l’allée de garage de la jeune femme, celle-ci continuait. Ce fut à la fin de Wake Me Up Before You Go que Jamie coupa le moteur -et la musique. “Bien, maintenant que vous avez massacré Wham, on peut y aller ?” Il n’était plus certain de parvenir à écouter à nouveau son morceau préféré avant un long moment.

Une fois sur le pas de la porte, le brun se chargeait de trouver les clés de Dylane dans son sac et de lui ouvrir la porte. Sans entièrement pénétrer dans la villa, il trouva un interrupteur qui alluma l’entrée. D’un simple coup d’oeil, il pouvait constater que la fille à papa ne manquait de rien. “Vous avez besoin que vous borde ou vous saurez trouver votre chemin jusqu’à votre lit sans faire de détour par le bar ?” il demanda à sa voisine, regrettant aussitôt d’avoir mentionné son éventuelle réserve d’alcool de crainte de lui avoir malencontreusement soufflé une bien mauvaise idée. Cependant, Dylane était désormais chez elle, et le reste n’était plus de la responsabilité du Keynes.

Qu'il la croit ou pas, c'est pas vraiment son problème mais pour je ne sais quelle raison, elle réfléchit. «  Haaa je me souviens, c'est Rob qui a filmé. C'est un peu son toutou » Pouffe-t-elle en y pensant. Ce mec elle le tient en laisse et pas car il est fou d'elle. Non il est obligé qu'il a dit une fois sans rentrer dans les détails. «  M'enfin moi je dis ça pour vous hein » Elle hausse les épaules. N'empêche qu'elle voudrait pas être à sa place ou que son paternel fasse les frais d'une attaque pareille. Elle le plaint malgré tout. Peut importe là, elle veut rentre chez elle et il est d'accord de la conduire. Elle s'installe et se permet de mettre la musique comme si elle était en voiture avec un pote. Il a beau râler et citer son nom plein de fois, elle est lancée la demoiselle et rien ne l'arrête. La dernière fois, elle a bien chanté du Céline Dion en pleine rue. D'ailleurs les voisins d'Adam n'avaient pas appréciés. Peu importe, elle compte plus remettre les pieds chez lui avant un long moment. Retrouver leur amitié va relever du miracle. La voiture s'arrête et la musique aussi. Elle fait une moue la demoiselle. «  J'étais bien lancée moi » Dit-elle tout en sortant de la voiture et se rendant à sa porte. Vu son étant, c'est Jamie qui s'occupe d'ouvrir la porte. Elle se gratte la tête à sa remarque. «  Je crois que j'ai plus rien chez moi ! Ha si du vin blanc ! Vous voulez un verre ? » Comme s'il allait accepter alors que son seul souhait était d'être en paix. Elle penche la tête et le regarde quelques secondes. «  N'empêche, c'est dommage quand même qu'on se soit pas réellement parler avant. Dans le fond, vous êtes pas méchant. La preuve vous m'avez ramenée. Et je suis certaine que si j'étais pas bourrée, on pourrait même s'entendre. Un jour j'arriverais à vous arracher un sourire en tout bien tout honneur bien entendu. Vous êtes pas moche mais trop âgé. Et puis en plus, votre femme, je l'ai déjà vue, elle est belle. Vous formez un beau couple. Enfin tout ça pour dire qu'au fond, je vous aime bien. Et si un jour on me pose des questions sur vous, je dirais que vous êtes un chouette voisin » Elle se hisse sur ses pieds et lui fait la bise. «  Merci encore et bonne nuit à vous » Dit-elle contente d'avoir dit ce qu'elle a sur le coeur.

A l’âge de Dylane, Jamie se souvenait fuir les soirées étudiantes comme la peste. Traîner avec le reste des fils à papa de l’élite de Cambridge ne l’intéressait pas le moins du monde, et à l’époque, les divers bizutages allaient bon train pour n’importe quelle raison. Il était studieux, le Keynes, il avait des choses à prouver -dont le fait qu’il ne se résumait pas à son nom. Il ne buvait pas pendant cette période, et cela fut le cas pendant la majeure partie de sa vie. De fait, l’anglais ne tenait absolument pas l’alcool, et c’était souvent Joanne qui les conduisait à la maison au retour de soirées mondaines si son mari avait dépassé de trois ou quatre coupes de champagne -il n’en fallait pas plus. L’état de Dylane, dans le fond, le faisait sourire, et c’était peut-être la seule raison pour laquelle il l’avait laissée finir de chanter. Mais il n’enviait pas pour autant ce genre d'insouciance. Il ne comprenait pas l’intérêt de ce genre d’excès -mais peut-être les avait-il expérimentés une fois trop âgé pour y voir un quelconque amusement. La jeune femme allait regretter le lendemain matin et perdre une journée à se sentir malade et fatiguée. Le temps était bien trop précieux pour ce genre de choses. Néanmoins, il ne jugeait pas les choix de sa voisine. Elle était jeune, elle s’amusait. Une fois chez elle, il ne restait plus qu’à Jamie de s’assurer qu’elle saurait aller se coucher sans se briser la nuque en chemin. Elle proposait un verre, mais il refusa poliment. De toute manière, son whisky l’attendait toujours chez lui. Il sentait bien que le sommeil l’avait abandonné pour cette nuit. Contre toute attente, avant de se quitter, Dylane entreprit une tirade qui laissa l’anglais muet. En dehors du maladroit commentaire sur son âge qui se voulait positif, Jamie fut surpris d’être ainsi soudainement noyé sous une pile de compliments. Il mettait cela sur le compte de l’alcool, bien entendu, mais n’en fut pas moins touché -un peu. Elle lui claqua une bise, il lui rendit un rictus nerveux. Ouais, elle n’était pas si terrible que ça, la voisine. “Bonne nuit.” souffla-t-il simplement, pudiquement, avant de retourner à sa voiture. Il ne prit pas la route avant que Dylane ait fermé la porte de sa maison, mettant un terme à la mission de l’anglais.