Beaucoup font le choix d’aller courir par besoin bien plus que par envie et pour ma part c’est un peu pareil, sauf que j’imagine que les raisons sont bien différentes. Je ne peux pas passer mes nerfs en frappant des gens ou des objets dès que la moindre chose me contrarie et il faut croire que ce n’est pas forcément bien accepté non plus dans la société dans laquelle nous vivons - et je trouve ça bizarre, quand même, parce que les seules personnes que je tape c’est parce qu’elles ont vraiment une sale gueule. A défaut de vouloir continuer à garder cette image de gros dur qui ne sait pas se contrôler (et ne le veut pas non plus, la plupart du temps) j’ai décidé de prendre les choses en main à ma manière. Je n’aurais jamais tenu face à n’importe quel coach m’expliquant quoi faire et quoi ne pas faire, alors c’est naturellement que je me suis tourné vers la course à pied puisque là au moins les choses sont simples et personne ne m’emmerde.

La musique italienne est au volume maximale dans mes oreilles, on me prévient des problèmes que cela peut causer et je ferme aussitôt le pop up, vexé qu’on continue de me prendre pour un gamin. Je m’exploserai les tympans si j’en ai envie, voilà tout. J’ai laissé Pizza à la maison pour qu’il veille sur Ginny (okay, en vérité il était en train de dormir sur le lit et j’ai pas eu le courage de lui dire qu’il était l’heure de partir) alors je m’aventure seul dans les bois et trouve mon propre rythme, entre course normale et pointes de vitesse lors des moments où je commence déjà à me lasser du rythme monotone de la chose. C’est d’ailleurs pendant un de ces pics que j’ai à peine le temps de regarder sur ma gauche pour traverser un chemin qu’on me percute violemment sur la droite.

Ma tête rebondit contre l’objet en question et, nullement préparé à une telle chose, je n’ai pas le temps de reprendre mon équilibre ni même quoi que ce soit d’autre. « Oh c'est pas vrai... !» Je percute violemment le sol, mains les premières et avant même de vérifier si j’ai mal autre part ou me porte bien, je vérifie avant toutes choses que mes poignets n’ont pas subi de dommages. Ils sont mon outils de travail et, bien au delà de ça, ma seule raison de vivre. Ce n’est donc qu’après m’être assuré que je pourrai continuer à peindre que j’autorise mon corps à me faire part des différentes zones douloureuses à signaler.

« Je... Je suis désolée ! Je... Pardon ! » Super, voilà qui va tout arranger alors, si elle est désolée. J’observe sa main d’un air dédaigneux et elle avec avant de mieux me relever seul, en profitant pour dépoussiérer mes habits et mes paumes avec. « Tout va bien ? Vous n'êtes pas blessé ?» “J’aurais pu.” Dramaqueen dans l’âme, que voulez-vous, il n’y a que ça pour faire se rendre compte aux inconnus la gravité qu’auraient pu avoir leurs stupides actions. “Vous ne savez pas courir ou quoi ? C’est la première fois ?” Je m’insurge en fronçant les sourcils sans ne jamais prendre le temps de la regarder dans les yeux. J’ai bien mieux à faire.

@Ludmila Rappaz  @Auden Williams sorry les petits loups


Danika était partie courir avec son berger australien, Pepsi. Arrivée au parc elle avait enlevé la laisse de l’animal pour le laisser la suivre librement. Elle avait toujours adoré courir avec son chien, c’est un moment de détente privilégié. Aujourd’hui elle n’avait pas beaucoup de temps, il fallait qu’elle se rende dans le cabinet de Swann ayant enfin repris les rendez-vous après qu’on lui ait enlevé son attèle et encore plus maintenant qu’elle reprenait doucement l’entraînement.

C’est là qu’elle les vit, la jeune femme qui coure en regardant son téléphone, l’homme avec de la musique à fond dans les oreilles. Elle grimace car elle sait déjà ce qu’il va arriver. Et cela ne manque pas, la collision a lieu, les deux s’écroulent comme des pantins désarticulés. La jeune femme se relève la première et aide l’autre à se redresser mais à sa tête il n’a pas l’air particulièrement content. La chute lui a fait détourner le regard de Pepsi une demie seconde et c’est là qu’elle se rend compte que le chien se précipite vers les deux et décide que c’est une bonne idée d’aller leur sauter dessus pour leur faire la fête sans qu’elle sache pourquoi. « PEPSI !! » Le chien ne l’écoute pas. Danika coure derrière lui et arrive à la hauteur des deux personnes, grondant sur son animal. « Pepsi laisse les tranquille. Je suis désolée ! » Le chien se calme enfin. Elle a entendu les derniers mots échangés et rattache le chien.  « J’allais venir vous demander si ça allait vous avez l’air d’avoir fait une belle chute. » Elle se tourne finalement vers la jeune femme et sur un ton faussement dramatique s’exclame : « Mais en faites vu sa réaction vous auriez mieux fait de le laisser par terre. » Grand sourire moqueur vers l’homme toujours aussi énervé. « Allez bonne journée, au plaisir. » Elle reprend sa course avec Pepsi sans un regard en arrière.

Je lui donne vingt ans. Vingt et un, peut être, si je suis généreux et lui donne la majorité aux Etats Unis. Elle a la peau d’une enfance et l’attitude qui va avec, elle que je suis presque étonné de ne pas avoir cassé en deux au moment de la collision entre nos deux corps. Je l’ai heurté de plein fouet et personne n’a eu le temps d’anticiper le choc ou de le minimiser et contre ma clavicule je sens encore sa tête qui s’y percute, avant qu’on ne tombe tous les deux au sol. Sa main tendue est refusée avec tout le naturel donc je puisse faire peur ; c’est à dire en me montrant exécrable à son égard. Si elle me connaissait, elle n’en aurait pas été étonnée. Elle devrait lire les interviews à mon sujet, elles sont passionnantes.

« Si ça peut vous rassurer, j'ai rien de cassé moi non plus. » Heureusement qu’elle prend le temps de le préciser aussi rapidement puisque j’étais à deux doigts de penser que la Terre sous nos pieds venait de s’arrêter de tourner. Fort heureusement Madame se porte bien alors j’imagine qu’il y a la paix dans le monde et que cela sonne aussi la fin de la famine et des épidémies ; au moins. « J'suis persuadée que vous allez vous en remettre, vous avez l'air d'être un grand garçon maintenant. » “Si ça peut te rassurer j’ai rien de cassé non plus.” Je rétorque à mon tour avec toute la condescendance dont je puisse faire preuve, celle la même qui coule le plus naturellement du monde entre mes veines saillantes.

« PEPSI !! » Quel drôle de nom pour un enfant, que je pense, une seconde et une seule avant d’être attaqué par un amas de poils et de bave. Mon rire se perd justement dans son pelage alors qu’il trouve amusant de me sauter dessus mais dès lors que son maître arrive à le rappeler à l’ordre, j’en chasse toutes traces. « Pepsi laisse les tranquille. Je suis désolée ! » Cette fois-ci je profite réellement de l’instant pour me relever et effacer toutes traces tant de la chute que de l’attaque du canidé. Attaque qui n’a rien d’une attaque, d’ailleurs, et si jamais vous me posez la question je serai le premier à dire à Ginny que je me suis fait un ami au parc. Et je parle du chien et seulement du chien, bien sûr, cela va de soi. « J’allais venir vous demander si ça allait vous avez l’air d’avoir fait une belle chute. Mais en faites vu sa réaction vous auriez mieux fait de le laisser par terre. Allez bonne journée, au plaisir. » Je lève les yeux au ciel, occupé à bien d’autres choses plutôt qu’à lui répondre. Elle vient de toute façon de parler pour au moins une vie, là, et jamais je ne comprendrai cette passion qu’ont les femmes pour utiliser tant de mots qui ne signifient finalement rien. Elle aurait simplement dû reprendre son chien et s’en aller, l’inconnue, ça aurait facilité la tâche à tout le monde. Ça aurait aussi évité que l’inconnue première du nom ne se sente pousser des ailes puisque je suis certain que c’est désormais le cas. Ce n’est une bonne chose ni pour elle ni pour moi. “Tu l’as payée pour qu’elle arrive à ce moment précis ? C’est une caméra cachée ou quoi ?” La situation toute entière m’agace et elle aussi, parce que je voudrais la détester mais qu’elle me rappelle bien trop de Ginny pour que ce soit entièrement le cas. “T’as un nom, la Vierge Marie ?"

Bien sûr qu’elle est devenue l’amie de l’inconnue en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Deux bullies ensemble, ça forme des liens, des groupes, des amitiés et tout ce genre de chose dont je reste bien loin puisque très peu attiré par tous ces faux sentiments dégoulinant d’amour que je ne saurais voir ni même endurer. Elle a un sourire aussi grand que faux, celle qui m’a percutée, et lorsque j’en profite pour me redresser c’est le plus long rolling eyes du monde qui vient avec, le plus naturellement du monde aussi. Les gens sont bien trop polis et nous on est bien trop plein de sueurs, Bon Jovi hurlant dans mes oreilles des merde que je n’écoute même plus puisqu’elle occupe tout l’espace et toute mon attention - bien malgré moi.

« Croyez-moi si c'est une caméra cachée, c'est moi la piégée. J'avoue que Pepsi a le sens du timing. » Pepsi c’est un nom de merde de toute façon. Pas aussi pire que Pizzasagne, certes, mais dans la même idée des prénoms de merde dont seules les nanas ont le secret quand nous on veut juste tous les appeler Rex, Pluto ou Biscuit. Ca fait sens, au moins il n’y a pas beaucoup de choix possibles et on ne peut pas se tromper de prénom. C’est comme avec les plans d’un soir, elles devraient toutes s’appelle Suzie ou Lana et la vie serait bien plus facile ; je n’aurais jamais eu à tenter de me remémorer un prénom que je n’avais finalement jamais demandé, le tout avec une gueule de bois et des heures de sommeil en moins au petit matin. « Euhm non. Je suis Ludmila et vous, vous êtes qui ? Un chanteur déchu ? Un musicien raté ? Ou vous êtes juste aigri de nature ? » “Oh bah oui tu parles à Lucifer en personne mais mes ailes sont en réparation au garage des anges, là. Elle pose des questions à la con alors elle a des réponses à la con se basant sur le peu de l’enseignement religieux dont je me souviens en Italie. J’ai fait un effort de traduction pour elle, admirez à quel point je suis une âme charitable à qui on devrait de ce pas ouvrir les portes du Paradis.

Toujours aussi confiant avec mon sourire de merdeux sur le visage, j’enchaîne. “Aigri de nature, diagnostiqué à la naissance. Mes parents se sont dits que fichu pour fichu, autant me garder.” Et je pense qu’elle doit se dire qu’ils n’auraient pas dû. Et eux, là bas en Italie, ils pensent sûrement exactement la même chose. Ils doivent se dire qu’ils n’auraient pas dû garder aucun de leur enfant, d’ailleurs, parce que même l’aîné prodigue leur file entre les doigts désormais et la plus grande des sœurs est amoureuse d’un con. Tout va bien, sinon, je suis pas si pire quand on y pense. “Je suis peintre. Ni déchu, ni raté, désolé de te décevoir à ce propos.” Je hausse les épaules et lève les mains au ciel pour être un semblant crédible mais en réalité il n’y a justement rien de logique. “Ton nom. C’est pas répandu. J’te connais d’où ?” Et là, elle devrait être heureuse que je m’intéresse à elle malgré tout.

Je prends une lente et longue inspiration au moment où elle hoche de la négative. Soit, peut être que je ne la connais pas, finalement. J’en sais rien. Après tout, elle a une tête qui ressemble à madame tout le monde j’imagine et ce doit être assez facile de la confondre avec la boulangère du quartier - comment font ses amis, sérieusement ?  « Ça m'étonnerais non. Tu dois me confondre... » Je hausse les épaules, lui accordant raison pour cette fois-ci. Après tout, si elle devait être connue … Ouais, non, c’est sûr qu’elle n’est pas connue tout comme c’est certain que je ne la connais ni d’Adam ni d’Eve. Si elle n’arrive déjà pas à courir droit et regarder devant elle, je me demande bien comment est ce qu’elle aurait pu atterrir sous les feux des projecteurs sans que ce ne soit dû à une sextape. Peut être que c'est justement ce dont elle a honte et … autant dire que je m’en moque. Elle n’a rien d’intéressant à mes yeux et elle m’horripile autant que l’inconnue qui est arrivée au beau milieu de notre conversation comme si tout lui était dû. Je ne comprendrai vraiment jamais les bonnes femmes dans ce genre, elles devraient rester derrière les fourneaux - quoi que, ça serait synonyme d’empoisonnement … l’aspirateur, peut être, serait moins dangereux.

« Tu as déjà fait des tests approfondis ? J'imagine que tu dois être un exemple pour les étudiants psychologues. » Mon rire est franc bien que peu intéressé par la question. Ma mère a déjà fait des tests sur moi parce qu’elle me trouvait différent ; elle s’en serait passé si elle avait su qu’elle avait élevé un artiste qui en plus de ça se devait d’être bisexuel ; quel cliché. Ils en sont venus à la conclusion que bien doté d’un caractère peu représentatif de la société, tout fonctionnait parfaitement bien là haut. Désolé mama, tu n’as aucune excuse pour expliquer que je suis chiant à ce point. “Tu souhaites des noms de médecins pour t’y rendre toi même ? Naan, désolé, ça se paye ça.” Je hausse les épaules avec désinvolture, un sourire en coin toujours présent sur mes lippes. Je ne lui dois rien si ce n’est des égratignures sur mes mains alors elle ne risque pas de recevoir quoi que ce soit de ma part, ni aujourd’hui ni demain et pour bien appuyer le tout, je ne me fais pas prier avant de reprendre ma course comme si de rien n’était. Cette fois ci, j’en viens à prier pour ne pas tomber sur âme qui vive parce que j’ai déjà eu mon quota d’interactions sociales pour la journée, là.