La soirée était déjà bien entamée et l’anniversaire de Dounia, ma cousine revenue à Brisbane pour fêter ses 45 ans, se passait à merveille. Il était bientôt l’heure de lui offrir ses cadeaux et sa meilleure amie avait eu la bonne idée de lui offrir uniquement des objets datant des années 70/80. Une excellente idée qui me rendait curieuse. J’avoue ne pas m’être occupée de tout ça, ayant seulement participé à la cagnotte cette fois, j’allais avoir la surprise tout comme ma cousine de savoir ce qu’elle aurait entre les mains. « Les cadeaux, les cadeaux. » on applaudissait tous comme des bêtes au beau milieu de la boite et tant pis pour ceux qui n’avaient rien à voir avec notre soirée.  Le premier cadeau, assez surprenant étant un projecteur de diapositive. Mais le plus surprenant c’était que son père avait retrouvé de vieilles diapositives dans son grenier où on pouvait voir Dounia bébé. C’était à l’époque une vraie petite révolution et on n’en revenait pas de cette trouvaille. « La diffusion, c’est pour après alors ? » et comment ! C’était fou d’avoir de tel souvenir à portée de main. « Par contre, pour immortaliser cette soirée, tiens. » et là cette fois, il s’agissait d’un vieux polaroïd, non pas les derniers Instaminix sortis pour faire penser à la jeunesse que des photos prises instantanément soient une vraie révolution, non, un bon vieux polaroïd comme on en faisait plus de nos jours. « Et puisque tu veux refaire la déco de ton appartement… » voilà un vieux téléphone orange à combi et ces disques qui tournent pour composer un numéro de téléphone. J’espère qu’elle sait comment l’utiliser, mais de nos jours, on avait plus besoin de téléphone fixe de toutes façons. Mais pour la déco, effectivement, ca avait un certain charme. Son père qui avait gardé depuis tout ce temps le journal du jour de sa naissance lui transmis telle une relique dont il fallait absolument faire attention. La passation de pouvoir était arrivée et Dounia n’en revenait pas qu’il avait gardé ce bout de papier si longtemps. Il était tout juste jauni par le temps, bien garder de la chaleur et la lumière. On y lisait la date du 8 aout 1975. 45 ans pile poil. Juste après, elle avait droit à un Kiki géant « original » a précisé sa sœur, en souvenir de ce nounours qu’elles avaient toutes les deux durant leurs enfances et dont il a été difficile de les séparer. S’en suivent une série d’objet aux couleurs criardes qui ont marqués la décoration des années 70 et qui étaient encore bien présente chez elles durant leurs jeunesses. Un clin d’œil à leurs parents qui finalement auront mis leur décoration aux gouts du jour que 20 ans plus tard, soit fin des années 90, début des années 2020. Dans cette belle collection, on retrouve une boite à pain orange avec des fleurs brunes, jaunes et beiges. Pour sure qu’elle soit très heureuse de l’avoir ! Elle a eu droit ensuite à sont lot de cassette audio, accompagné d’un crayon à papier spécialement fait pour rembobiner les bobines tiens. « tu pourras écouter Grease, Iggy Pop ou encore les Bee gees. » et elle avait l’air toute excitée de recevoir en particulier ces cassettes-là. Elle avait fait remarquer qu’elle pourrait les écouter dans la voiture qu’elle avait acheté à son fils sont l’autoradio marchait encore à cassette. « C’est pas tout ! » d’un grand tube en carton, sortait un poster de David Bowie, datant de 1974 signé de sa main, un réel et certifié. C’était fou ! Elle allait presque en pleurer, le certificat sous ses yeux. J’ignorai qu’elle était tant attachée à ce chanteur, mais d’après ce que j’entendais, elle en était complètement folle et encore maintenant. Quelle surprise. « Est-ce que quelqu’un va nous demander de sortir pour aller voir la Alpine A110 qu’il y a dehors ? » et on l’avait presque pris au sérieux, comprenant ensuite que c’était qu’une boutade, aucune voiture de collection n’attendait Dounia sur le trottoir. « Pour finir, le final… » grande amatrice de vin, Dounia se fit offrir un coffret de vin rouge daté de son année, millésimé, si elle se doutait qu’elle ne pourrait le déguster, elle savait la valeur de ce coffret et elle semblait plus que jamais touchée de toutes ces attentions… « Le discours, le discours ! »
J’allais me resservir au bar, déjà bien éméchée voilà que je tombais nez à nez avec lui ! « C’est pas vrai ! » j’avais envie de le frapper tant j’étais rancunière, j’avais envie de le frapper tant j’étais en colère et encore plus maintenant que je savais qui il était ! «  Auden ! » et pourtant, jamais nous n’avions échangés nos prénoms mais j’avais pu faire sa connaissance pour de vrai à travers mon rendez-vous hebdomadaire avec Matt. Chaque semaine devant mariés au premier regard, j’étais toujours aussi contrariée ! Putain, si ca s’trouve, c’était moi la nana qu’il aurait pu marier, pas Ginny ! Alors ca le dérangeait que je connaisse Matt mais il s’en foutait de piquer la meuf de mon meilleur ami et qui plus est la sœur de Matt ! J’y comprenais rien ! « Espèce d’enfoiré ! » je me permettais d’appuyer mon poing sur son torse. Déjà bien éméchée et pas totalement maitre de moi-même.  

@Auden Williams

Aussi étonnant que cela puisse paraître, quand j’entends un « Auden ! » venu d’une voix inconnue et d’un visage qu’il est tout autant, les statistiques font qu’il y a 100% de chance pour que ce soit quelqu’un qui veuille me casser la gueule. Il y a aussi 95% de chance pour que j’ai totalement oublié qui est cette personne et encore plus la raison pour laquelle elle m’en voudrait. A vrai dire, j’ai cette fâcheuse tendance à très vite oublier toutes les choses qui ne servent ni mon ego ni mon art et cette tranche de la population en fait largement partie. En l'occurrence, même en me retournant vers la jeune femme brune qui semble passablement énervé ; aucune souvenir ne semble refaire surface. Je fronce donc les sourcils d’incompréhension et me penche à sa hauteur, intrigué par le petit bout de femme qui tente de se faire une place et une voix au milieu de la discothèque bondée.

« Espèce d’enfoiré ! »

Ça aussi, c’est à 100% la suite logique qu’on retrouve à chaque rencontre : les insultes. Je n’en connais pour ainsi dire jamais la raison mais ils existent toujours. Parfois les gens varient et son inventifs, parfois même ils me font le plaisir de parler dans leur langue d'origine - une fois j’ai eu le droit à une tirade d’insultes en italien, c’était digne de Dante. Cette fois ci il n’y a rien de grandement original mais elle a l’air tellement énervée que cela permet de faire omission du reste, aussi peu intéressant soit-il.

A cause du poing qu’elle appuie contre mon torse je ne peux que me rapprocher un peu plus d’elle, seulement pour lui prouver à quel point elle m’impressionne aussi peu qu’elle pourrait avoir l’ascendant sur moi. Non, aucun doute, elle vient effectivement de s’attaquer à plus fort qu’elle et elle ne semble même pas le savoir. “On se connaît ?” J’interroge enfin avant de jauger si oui ou non elle vaut la peine que je lui offre de mon précieux temps de Dieu Vivant.

Pourquoi j’ai l’impression qu’il me reconnait pas ? pourquoi il fait comme si on s’était jamais vu ? Pourquoi j’ai l’air d’être une folle qui s’adresse à quelqu’un, persuadé de savoir qui il est, mais qui en réalité se trompe totalement ? Je ne suis pas folle, mais c’est lui qui me ferait passer pour. Pourquoi tu continues de me regarder comme ça, Auden ? “On se connaît ?” J’y crois pas. Quel con ! Quel connard ! Il fait exprès c’est pas possible autrement ? « On se connait… » je lève les yeux au ciel, prenant un verre sur un plateau qui venait de passer sous mes yeux, buvant d’une traite ce verre parce que c’était pas le premier, parce que j’avais plus de filtre, parce que j’en revenais pas de ce que j’avais entendu ! « Noa ! » merde, il sait pas comment je m’appelle, j’avais pas pris la peine de lui dire, pour plus de mystère soit disant, quelle conne. « Octobre dernier, Canvas ! » J’imagine qu’il était pas allé qu’une fois au Canva, j’imagine qu’il se souvenait pas de toutes les nanas qu’il avait vu depuis octobre, même si depuis Marié au premier regard, il avait l’air de filer le parfait amour avec Ginny ! « La meilleure amie de Mattew McGratt ! » peut être que là, ca lui reviendrai. « Tu sais, celle que t’as envoyé sur les roses à partir du moment où t’as su qu’il était mon ami ! Mais c’est quoi ton problème Auden ? J’suis certaine qu’on aurait pu faire de belles choses ensemble… j’suis certaine que cette soirée, si tu m’avais pas laissé en plan, tu t’en serai rappelé toute ta vie. J’suis certaine que moi aussi. Y avait un truc entre nous. Tu peux pas le nier. Y avait un courant, un feeling. T’avais chaud, et moi aussi j’avais très chaud. J’étais deux doigts, deux doigts d’me dessaper devant toi et de faire mon show ! Et t’as tout gaché ! tout ça parce que j’suis l’amie de Matt, mais tu te tape sa sœur ! t’es serieux ? » quelle ironie franchement. « T’es marié à la sœur de Matt… t’es marié à l’ex d’un de mes meilleur ami… » et en réalité, pour cette raison, je lui en voulais plus que pour m’avoir largué au bord d’un chemin. « Si tu m’avais laissé ma chance, rien de tout ça ne serait arrivé, j’en suis sûre ! » Ginny serait encore avec Isaac et ce serait bien moins la merde aujourd’hui ! et moi, j’avais surement juste à me la fermer parce que j’avais plus aucune idée de ce que je disais et si c’était cohérent ou non.

J’ai besoin de rassembler tous mes neurones et tous mes souvenirs pour justement me souvenir vaguement de la chevelure brune de la jeune femme. L’illumination ne vient qu’au moment où elle parle de Matt et c’est assez ironique quand on sait que justement j’évite le trentenaire comme la peste ; c’est d’ailleurs ce léger petit détail que je n’ai jamais porté à sa connaissance et qui a laissé notre entrevue tourner quelque peu … court. Oups. Après tout, même un an après, je ne m’en veux toujours pas de m’être éloigné de quelqu’un assez stupide pour compter Matthew McGrath dans ses meilleurs amis. Le pire dans tout ça, c’est qu’ils semblent toujours être aussi proches et elle ne jamais apprendre de ses erreurs donc.

L’instant d’après, elle trouve le bouton ON du moulin à paroles alors que je tente vainement d’enclencher le OFF. Elle est partie et plus rien ne saurait l’arrêter, pas même la musique assourdissante ou les verres d’alcool dont elle semble avoir abusé. Comme quoi, certaines choses ne changeront sûrement jamais. Ses lèvres goûtaient l’alcool, déjà, en octobre. En plus de la cigarette dont je me souviens. Son discours de jeune femme alcoolisée m’amuse ; il m’amuse en tout cas jusqu’à ce que Ginny arrive sur le devant de la discussion et là, subitement, plus rien ne m’amuse. Je fronce les sourcils et chercher son regard du mien, prêt à la torturer s’il le faut pour savoir comment elle a eu accès à ce genre d’information. Les dossiers ont été déclassifiés mais je ne m’attends pourtant pas à ce que des inconnus en parlent aussi impunément. « T’es marié à la sœur de Matt… t’es marié à l’ex d’un de mes meilleur ami… » Elle se fiche de moi, là ? Ne me dites pas qu’en plus d’être proche de Matt elle l’est aussi d’Isaac ? Sérieusement ? C’est quoi son but dans la vie, cumuler les tares ? Si tel est le cas alors elle s’en sort avec brio, vraiment. “Okay. Pause. Lâche ce verre. On rembobine.” Et je sais par avance qu’elle ne le lâchera pas alors je lui prends des mains, pour son bien, avant de le reposer sur le comptoir sous haute surveillance. “Comment tu sais tout ça ?”

« Si tu m’avais laissé ma chance, rien de tout ça ne serait arrivé, j’en suis sûre ! » Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer mais instinctivement, j’avoue que j’en rigole. Je ne me fais pas remarque, mais je rigole quand même. “Quoi ? Tu voudrais que ce soit toi que j’ai marié ? T’es jalouse, Noa ?” Elle m’amuse et, enfin, un an plus tard, j’ai connaissance de son nom.

 J’suis presque épuisée par tout ce que je venais de débiter, je m’épuise moi-même et j’ai l’impression qu’il s’amuse plus de la situation qu’il n’est agacé. Pourquoi j’me suis fais jeté y a presque un an et là, il est prêt à écouter mes lamentations ? Et pourquoi j’ai eu besoin d’lui dire qu’on aurait pu faire de belles choses lui et moi ? Est-ce que j’étais pas suffisamment bien dans ma vie actuellement ? J’avais Greg, même s’il me l’avait bien fait à l’envers, j’avais décidé de pas lui en tenir rigueur – même si j’oubliais pas – et de lui redonner une chance. Et Greg y a pas à dire, il danse terriblement bien, il m’agace souvent, il a un égo surdimensionner mais qu’est ce qu’il est charmeur… Il le sait, c’est ça l’pire, c’est qu’il sait qu’avec moi, il peut tout avoir, il peut tout demander, j’suis ensorcelée depuis la seconde où on s’est croisé à ce speed dating. J’serai pas étonnée que quelques part, y aie une divination ou une sorcière qui m’veulent du mal à utilisant des poupées vaudou contre moi ou des sortilèges d’amour foireux ou j’sais pas quoi. Ca fini toujours par mal se passer. “Okay. Pause. Lâche ce verre. On rembobine.” Je regarde mon verre, il est même pas fini. Pourquoi j’le lacherai ? Il s’en charge pour moi, me le retire des mains et le pause sur le comptoir à côté. Il me fait d’l’œil, j’vais pas tarder à aller l’reprendre celui là. “Comment tu sais tout ça ?” quoi, comment je sais tout ça ? « Quoi, déjà, j’t’ai vu à la télévision Monsieur ! » j’avais pas loupé une miette des émission où il était passé. « Marié au premier regard, franchement, la honte ! » et j’parlais uniquement pour lui, pas pour les autres, pas pour Matt, surtout pas ! « C’qui m’a fait plaisir, c’est que tu passes quand même pour un connard à l’écran, c’que t’as fais à Robin… » et ca m’fait pouffer de rire même. « Attend, j’ai bien vu, comment Ginny elle était là derrière toi et toi, comment t’étais devant elle ! » ca puait l’amour à mille kilomètres. « C’est un secret vot mariage ? » que j’demande, parce qu’en fait, j’en sais rien s’ils sont mariés pour de vrai, j’croyais que, avec l’émission, c’était la suite logique ! « t’es pas marié ? » “Quoi ? Tu voudrais que ce soit toi que j’ai marié ? T’es jalouse, Noa ?” MOI JALOUSE ? je levais les yeux au ciel. « JA-MAIS ! » et j’attrape à nouveau le verre, parce qu’il faut pas déconner, on laisse jamais un verre à moitié plein sur un comptoir, des fois qu’on essai d’me droguer. « J’ai pleuré quand tu m’as laissé… » comme une merde. « Parce que j’ai pas compris ! tu sais pas c’que t’as loupé, c’est tout ! » j’hausse les épaules, coude levé pour finir une bonne fois pour toute ce verre. « J’sais juste que, ca s’fait pas, d’piquer les nanas des autres. » rien à voir avec le fait qu'il m'ai laissé tombé, mais bon ,ca mérite d'être placé.

« Quoi, déjà, j’t’ai vu à la télévision Monsieur ! » Ah, merde. J’avais oublié cette foutue émission qui me semble remonter à une vie antérieur. Le tournage a eu lieu en début d’années et bien trop de choses se sont passées depuis pour que je ne puisse m’en souvenir. En plus, on était même pas en Australie au moment de la diffusion alors je ne sais même pas s’ils ont filmé mon bon profil comme demandé et si à l’écran ils voyaient eux aussi les yeux de Robin-Hope qui me lançaient des éclairs. Parce que moi je vous jure, je sentais même mon visage avoir chaud. « Marié au premier regard, franchement, la honte ! » “Oui oui ça va c’est bon j’ai compris.” Je m’empresse d’ajouter pour qu’elle arrête de s’étendre sur ce sujet qui, de toute façon, n’intéresse personne.

J’arque un sourcil intrigué face à la suite de ses paroles. « C’qui m’a fait plaisir, c’est que tu passes quand même pour un connard à l’écran, c’que t’as fais à Robin… » Je trouve un mari à une Robin qui a une peur panique de l’engagement et voilà comment on me remercie. Non, vraiment, nul doute que jamais je ne repasserai dans leurs petites émissions télévisées de pacotille, tout ça pour leur ramener une belle gueule et un peu plus d’audimat. “C'était pour garder le suspens. Fallait pas qu'on se marie tous, quand même." J'ironise dans un sourire stupide.

Mon sourire se fige pour mieux disparaître quand elle amorce plus amplement le sujet de Ginny sans aucune délicatesse. « Attend, j’ai bien vu, comment Ginny elle était là derrière toi et toi, comment t’étais devant elle ! » Ma langue passe sur chacune de mes dents, amère qu’une inconnu semble avoir vu aussi clair dans notre jeu alors que je reste persuadé qu’ils n’ont pas pu tout filmer le jour de la cérémonie. Ils étaient sans doute bien trop occupés à ramasser tout ce que j’ai fait s’écrouler un peu trop vite et un peu trop fort. « C’est un secret vot mariage ? » “Non.” « t’es pas marié ? » ”Si !” Quelques dizaines de secondes à peine et un monologue plus tard, elle me tape bien trop sur le système pour que je puisse contrôler mes yeux roulant au ciel. J’en aurais presque mal au crâne alors que je n’ai pas bu une seule goutte d’alcool.

J’abandonne l’idée de laisse le verre loin d’elle tout comme j’abandonne l’idée de la raisonner et tout ce qui va avec. Elle crie et n’en fait qu’à sa tête, elle s’égosille pour un rien et après elle me dit qu’on aurait pu faire de grandes choses. Oui, peut être, mais au plus loin de moi elle est et au mieux ce sera j’imagine. J’ai déjà bien assez eu à faire à des hystériques dans ma vie. « J’sais juste que, ca s’fait pas, d’piquer les nanas des autres. » Oh. Elle entame cette pente glissante, une gorgée de plus dans le gosier et son verre en main. Elle défend donc la veuve et l’orphelin, la petite dame, c’est mignon. “Vas y, dis moi ce que tu sais au juste alors. Je t’écoute. L’histoire doit être passionnante.” J’ai hâte d’entendre ce que lui a bien pu lui raconter de son côté.

J’avais pas loupé un épisode de Marié au Premier Regard pour voir comme Matt était beau comme un cœur à chaque fois et pour pouvoir rager à la fois sur Auden dès qu’il passait à la télé. C’était plus simple de le critiquer, puisque concernant l’autre personne que je pouvais avoir dans le viseur, j’étais censurée par Matt. Impossible de dire quoi que ce soit à Lily sans avoir l’impression de lui briser l’cœur alors j’avais fini par arrêter, parce que c’étais même pas drôle à force. Par contre, concernant cet énergumène hors du commun que j’avais en face de moi, c’était à cœur joie qu’on s’y mettait à deux même.
“Oui oui ça va c’est bon j’ai compris.” « J’ai l’impression qu’t’assume pas trop ton expérience. J’ai pourtant hate de voir l’émission « que sont-ils devenus ? » qu’il disent pas qu’il ira pas, j’suis sûre que vu comment il se donnait en spéctacle devant les caméras, vu comment il vivait pour les caméras, vu comment y avait jamais rien de naturel à l’écran, il adorerait retourner sous les projecteurs. « C’est bête, parce que, ce mec que j’ai vu à l’écran, c’est pas l’mec dont j’me souviens. » le mec dont j’me souviens, il était franchement attirant, franchement interessant – jusqu’à ce qu’il avait décidé de se dérober… mais bon, à la limite, j’me suis tellement défoulée, il a du tellement avoir les oreilles qui sifflent chaque lundi soir, que maintenant, c’était presque pardonné. “C'était pour garder le suspens. Fallait pas qu'on se marie tous, quand même." Bon, il a pas tord que les autres – Matt compris – c’était un peu Bisounours aux pays de Candy. J’me demande si à l’heure d’aujourd’hui, ils sont tous toujours ensemble ou si c’était juste pour faire genre devant les caméras qu’ils voulaient aller au bout de l’aventure. Mais par esprit de contradiction, fallait quand même que je réplique. « T’es passé à côté de la lune de miel. La lune de miel qu’on aurait pu faire ensemble. » mais qu’est ce que j’peux être bête des fois. Matt avait raison, j’aurai du m’inscrire, ca aurait été drôle, qu’on tombe tous les deux, Auden et moi. Enfin, drôle, non, parce qu’il aurait fini par m’humilier autant qu’il a humilier Robin. « Comment elle va Robin, t’as des nouvelles ? Et son mec ?Ils se sont mariés eux aussi ? » j’suis curieuse, un peu trop, mais ça c’est l’effet de l’alcool – ou pas, j’suis toujours comme ça, mais un peu plus quand j’ai bu, c’est pas faux.
Non, si… « Alors, pourquoi tu fais comme si c’était un secret d’état quand j’en parle ? » et puis, j’en ai parlé sans vraiment savoir, je l’ai juste deviné… Puis, le résultat était le même, marié ou pas, Auden sortait avec l’ex d’Isaac. Et ce que je sais c’est que quand il l’a emmené à Rome, Ginny était toujours avec Isy. “Vas y, dis moi ce que tu sais au juste alors. Je t’écoute. L’histoire doit être passionnante.” « Pourquoi je sens une once de haine dans ta voix ? » pourquoi on dirait qu’il est vexé. « Propriété privé, on a pas l’droit d’parler c’est ça ? » on dirait bien qu’il y tien à sa miss Ginny parfaite. « Si j’raconte ma version, tu m’raconte la tienne ? J’suis sûre que conté par ta voix, ca doit être envoutant et plein de paillette. Bien plus alléchant que c’que j’ai en tête. » mais même pas en rêve j’allais lui répéter ce qu’Isaac m’avait dit, si c’est pour qu’il aille raconter à Ginny une version déformé de mon histoire. « Ca fait quoi d’savoir que ton épouse porte le même nom d’famille qu’Matt ? »
Une musique plus que familière retentis derrière moi. Le fantome de Michael Jackson s’empare de la salle, quand d’abord c’est une ambiance de cimetière qui s’installe, c’est un grand classique qui résonne en chacun de nous. « Oh – My – GOD ! » que je lance en regardant Auden, comme si plus rien de la conversation qui venait de se passer n’importait. « cause this is thriller, thriller night
And no ones gonna save you from the beast about strike » et la danse s’empare de moi. « Aller, moove ! » droite, gauche, bras en l’air, d’un côté, puis de l’autre. « Alleeeeeer » que j’le supplie presque alors qu’il me regarde avec ses yeux de merlan frit. « J’suis sûre que Ginny n’en sera que plus charmée si tu te met à faire ces pas de danse devant elle. Un classique de la séduction, tout les mecs qui savent danser Michael sont des rois ! » qu’il me remercie, je lui donne un bon conseil sur un plateau d’argent là.

« J’ai l’impression qu’t’assume pas trop ton expérience. J’ai pourtant hâte de voir l’émission « que sont-ils devenus ? » “C’est plus secret encore que la Zone 51.” Oui c’est carrément un mensonge. Je mime le secret parce que je sais que ça peut peut être l’énerver mais à vrai dire j’en sais rien moi même ou peut être que j’ai oublié ou peut être même qu’ils ont rappelé que Robin mais pas moi à cause du fiasco que j’ai causé à notre mariage - oups. N’empêche que si l’émission revient réellement, je pense que j’y participerais simplement pour monter le fait que certains n’ont pas besoin de pseudos scientifiques et de millions de téléspectateurs pour trouver l’amour - pas comme Matt, vous voyez, lui c’est un naze et un raté qui a épousé une grenouille de bénitier.

« T’es passé à côté de la lune de miel. La lune de miel qu’on aurait pu faire ensemble. » “On a pris le premier avion pour Londres et on a passé plusieurs jours à Firenze aussi. D’autres questions ?” Je ne dévoile jamais notre vie privé mais dès lors qu’il s’agit de surenchérir, c’est mon esprit de contradiction qui prend le dessus et j’en viens finalement à ne contrôler que très peu de choses et surtout pas mon flot de paroles désordonné et mes yeux décidés à ne pas lâcher les siens d’une semelle. Elle m’a l’air bien trop imprévisible pour ça.

« Comment elle va Robin, t’as des nouvelles ? Et son mec ?Ils se sont mariés eux aussi ? » “Calme toi la groupie, si tu veux de ses nouvelles tu la suis sur instagram et tu la stalkes comme tout le monde.” Je brode parce que je n’ai aucune nouvelle d’elle, bien sûr. Pas depuis que je l’ai laissée devant l’autel et encore moins depuis que j’ai fait fermer la galerie (notre galerie) du jour au lendemain sans donner d’explications. Alors oui, bizarrement, entre Robin et moi nos relations ne sont pas forcément au beau fixe en ce moment. Ca va ça vient, on a l’habitude.

« Alors, pourquoi tu fais comme si c’était un secret d’état quand j’en parle ? » Je grogne parce qu’à ça je n’ai pas la réponse puisque oui, bien sûr que c’est un putain de secret d’état depuis plus de dix ans. Je ne vais pas risquer de tout dévoiler à la première venue, encore moins si elle est assez stupide pour se lier d’amitié avec un Jensen comme moi j’ai pu l’estimer dans le temps. « Pourquoi je sens une once de haine dans ta voix ? » Elle parle trop. « Propriété privé, on a pas l’droit d’parler c’est ça ? » Beaucoup, beaucoup trop. « Si j’raconte ma version, tu m’raconte la tienne ? J’suis sûre que conté par ta voix, ca doit être envoûtant et plein de paillette. Bien plus alléchant que c’que j’ai en tête. » Sérieusement, elle devrait vraiment apprendre à la fermer sinon c’est moi qui vais lui montrer comment marchent les choses et la vie avec. Spoiler alert : ça ne sera vraiment pas beau à voir. « Ca fait quoi d’savoir que ton épouse porte le même nom d’famille qu’Matt ? » “Elle rattrape ça avec mon propre nom.” Personne ne peut être parfait, il fallait bien trouver un défaut à Ginny et il réside dans son lien fraternel avec Matt.

Et puis finalement, on oublie tout. On efface. On recommence à zéro. Retour dans le temps. Plus rien n’existe. Le King passe à la radio et son visage s’illumine en même temps que le mien dans une chorégraphie qui ne fait pourtant aucun sens. « cause this is thriller, thriller night and no ones gonna save you from the beast about strike » J’enchaîne à mon tour sans même y penser, entraînant sa main avec la mienne pour se décaler du bar et commencer la chorégraphie en décalé. “You know it's thriller, thriller night !You're fighting for your life inside a killer, thriller tonight !” Elle parle et tente de me convaincre là où pourtant tout est déjà joué pour moi, mes pas de danse se calquant sur les siens et ceux de toutes les personnes de la discothèque nous ayant rejoints dans une danse aussi endiablée que l’est le karaoké improvisé. Ses paroles résonnent pourtant bizarrement à mes oreilles et je ne peux m’empêcher de jouer l’esprit de contradiction une dernière fois, parce que c’est plus fort que moi. “J’ai pas besoin de le danser pour savoir que je suis un King. Par contre toi, comme ça, c’est vraiment une bien meilleure technique de drague que de me reprocher tous les mais du monde et tu sais que presqueeee ça fonctionnerait. La technique de drague ultime, quoi.” Ca ne fait pas oublier que je laverai ma main à la javelle (et à l’acide) parce que je l’ai touché et qu’elle a aussi touché Matt, mais ça peut contribuer à l’effort de guerre consistant à oublier ce LEGER détail qui n’a rien ni de léger ni d’un détail. N’empêche que c’est vrai, elle danse vraiment bien et elle reste dans le rythme, la bougre.

et c'est là où on passe en ua, donc.

Y a tout qui s’efface, l’anniversaire de ma cousine, l’altercation avec Auden, Ginny, Isaac, Marié au Premier Regard, Matt, le fait qu’il ait voulu se laver les dents à la javel lors de notre rencontre, tout. Tout s’efface au moment où Michael Jackson, le feu King de la pop résonne dans nos oreilles. J’avais pensé devoir le supplier, j’avais cru qu’il allait être cul serré en face de moi alors que je me déhanche sur Thriller tout en chantant aussi bien que l’interprète (ou pas.) Mais quand je vois le visage d’Auden s’illuminer, quand j’ai l’impression de me retrouver face à celui que j’ai rencontré il y a plusieurs mois, là, je sens qu’on a passé un cap. Je sens qu’il y a plus aucune rancune entre nous et que tout va s’envoler très loin. Auden souris et le roi de la pop s’empare de son corps, j’en reviens pas comme il danse, j’en reviens pas comme il se bouge sur la musique. Il attrape mon bras au vol et me porte dans ses mouvements. Le diable du samedi soir nous habite et quand la pop donne le gong, plus rien ne compte.
Il connait les paroles aussi bien que moi, il chante encore mieux que moi, il danse à perfection. Et soudainement, j’comprends pourquoi Ginny a finalement cédé. J’comprends qu’elle a été envoutée, envoutée comme je l’ai été en octobre, envoutée comme je pourrais l’être à nouveau ce soir. “J’ai pas besoin de le danser pour savoir que je suis un King. Par contre toi, comme ça, c’est vraiment une bien meilleure technique de drague que de me reprocher tous les mais du monde et tu sais que presqueeee ça fonctionnerait. La technique de drague ultime, quoi.” Quoi quoi quoi ? Il dit quoi Auden ? Il dit que ma technique de drague elle fonctionne sur lui ? Il dit qu’il est prêt à passer l’éponge de Matt, il dit qu’il est sous l’charme ? C’est bien ce que j’ai entendu ? « T’es sous l’charme donc ! » Je lâche pas sa main et la danse me donne l’impression de voler sous son impulsion. « On pourrait bien oublier Matt, pour la soirée. » j’hausse les épaules, sans capter c’qu’il se passe. « Ca s’pourrait bien qu’on soit dans un rêve, parce que j’comprends rien à c’qu’il se passe ici ce soir ! » et je reprends, envoutée par le refrain qui revient encore. « cause this is thriller, thriller night And no ones gonna save you from the beast about strike »

Plus rien ne fait de sens désormais et c’est sans doute bien mieux ainsi, maintenant que seul dans nos veine coule le rythme de la musique et l’envie de danser. La discothèque toute entière nous a rejoint et j’ai le sentiment qu’il en est de même pour toute la ville, le pays et le monde. Le sol vibre sous nos pieds au rythme de la musique, les paroles sont dans les esprits et désormais dans les bouches de tout le monde. De beaucoup nous ne sommes plus désormais qu’un ; une seule entité liguée autour d’un même désir : chanter et danser sur cette chanson iconique.

Les mots de Noa reviennent à mon oreille et j’en profite pour sourire en même temps que j’en rigole, séduit par la simplicité avec laquelle elle accueille toutes choses dans sa vie. « T’es sous l’charme donc ! » Ma main dans la sienne, nous dansons au même rythme, maintenant plus que jamais, enchaînant les figures et les chorégraphies venues d’un autre monde (le monde de nos rêves, sûrement). « On pourrait bien oublier Matt, pour la soirée. » En l’instant, ça semble être la meilleure idée que personne n’ait jamais eu sur Terre, bien levant tous les blabla de scientifiques, pour sûr. Elle hausse les épaules, j’acepte le deal d’un hochement de tête. « Ca s’pourrait bien qu’on soit dans un rêve, parce que j’comprends rien à c’qu’il se passe ici ce soir ! » “Je voudrais que tous mes rêves soient comme celui-ci, alors.” Et ce n’est même pas un mensonge, ce n’est même pas une technique de drague de merde que j’ai inventé à la seconde simplement pour bien me faire voir. « cause this is thriller, thriller night And no ones gonna save you from the beast about strike » “You know it's thriller, thriller night !You're fighting for your life inside a killer, thriller tonight !” Mes mots reprennent et les bonnes habitudes aussi quand mes lèvres retrouvent les siennes, comme s’il n’y avait plus que ça qui pouvait faire un minimum de sens désormais.