Elle n’est pas capable d’être mère, elle aurait dû les abandonner, sa vie n’a aucun sens depuis sa naissance. Elle n’a pas vraiment bougé de sa place dans le salon pendant de longues minutes Jill. Elle est restée les bras ballants, à observer la scène de chaos qui se déroulait sous ses yeux. Ils ont piqué là où ça fait mal, là où il savait qu’ils allaient tout détruire. Jill n’est plus elle même depuis son accouchement, et elle a l’impression de ne plus rien valoir pour personne depuis que ses parents ont ouvert la bouche. Elle a regardé Ginny pleurer alors qu’elle avait Tracy dans les bras. Bowie qui prenait peur sans rien dire à chaque fois que le ton était un peu trop fort. Elle penche la tête sans savoir quoi faire. Pourquoi elle ne comprend toujours rien ? Elle ne comprend pas les pleurs ni les regards. La seule chose qu’elle comprend c’est qu’elle leur fait du mal. Elle les détruit tous un par un sans être capable d’arranger les choses ou de s’arranger elle même.

Les coups sont partis, les menaces ont volé dans la pièce et Jill n’entendait déjà plus rien. Elle n’entendait que les voix de ses parents tourner dans sa tête, et la sienne de voix qui lui disait à quel point ils avaient raison. Elle se laisse submerger, et personne ne peut l’arrêter dans ces moments là. Elle regarde une dernière fois Bowie et elle manque de s’évanouir après tout ce qu’il vient de se passer. Sa tête tourne et des milliers de décisions aussi mauvaises les unes que les autres sont prises bien trop rapidement. Elle ne sait pas où elle est ni avec qui elle est. “Ils ont raison.” Et ça lui brûle la langue de l’avouer à voix haute. “Je suis pas à la hauteur, je le saurais jamais.” Et personne ne pourra la persuader du contraire.


@Bailey Fitzgerald

Et ils s’en vont, laissant derrière eux quelques morceaux d’âmes. Et je rejoins Jill et Bowie. Mon bras libre qui les attire contre moi. Le temps d’une seconde, avant que Jill ne m’échappe. Littéralement. Son corps semble céder sous la pression tandis que je resserre mon emprise sur ses hanches. « Respire Jill. » que je murmure lentement alors qu’elle prend appui contre le mur. Un aller-retour éclair au salon pour déposer Tracy dans son berceau et venir récupérer Bowie. Ils sont calmes, les enfants, les cris les ont probablement effrayés, ils sentent que quelque chose est en train de changer. Il aura fallu une visite et quelques mots pour que tout s’écroule autour de nous….

Je dépose notre petit garçon dans le berceau avec sa sœur, priant pour qu’ils restent calme alors que déjà, je rejoins leur mère. Elle a le regard vide Jill. Encore plus que d’habitude. « Ils ont raison. » « Non. » Ils sont venus tout détruire sur leur passage Marianne et Isaïah. Je n’ai aucune idée des horreurs qu’ils ont pu prononcer si ce n’est qu’elle est une incapable. Mon corps entier tremble sous la rage alors que je cherche à capter le regard de ma femme. « Jill… » La sensation que les minutes sont comptées avant qu’elle ne s’échappe. Le compte à rebours est lancé. « Je suis pas à la hauteur, je le saurais jamais. » Ils sont venus valider toutes ses pensées négatives. Infirmer qu’elle ne pourra jamais être une bonne mère alors qu’ils sont loin de l’exemple parfait. Ils ne connaissent rien de notre vie, de nos projets. Mais ils gagnent toujours avec leur mot si bien choisi. Ceux qui font mal, qui heurts le plus vite. « Ne les écoute pas. » Ni eux, ni les voix qui doivent s’en donner à cœur joie dans un coin de son esprit. « Ils ne peuvent pas savoir. » Ils ne l’ont jamais vu mère, ils sont venus ici pour répandre le chaos, dicter leurs lois. « Ils ne te connaissent pas. » Pas comme moi, je la connais.

Elle reste contre le mur, Bowie dans les bras jusqu’à ce que Bailey ne vienne le récupérer. Elle sait qu’elle est une mauvaise mère, et ils n’ont fait qu’exprimer à voix haute ce qu’elle sait déjà depuis qu’elle est enceinte. Elle est obligée de parler à Bailey, parce qu’elle ne peut plus. Ca va bien trop loin pour elle, ça devient trop compliqué. Elle n’a pas d’autre choix que de lâcher prise. Il est énervé Bailey, elle le sent à ses tremblements et à son ton. Il n’avait sûrement pas prévu de trouver les parents dans leur maison, ni de trouver Ginny et Jill complètement brisées par toutes ces paroles. Il prononce son prénom et ça lui brise le coeur. Il sait ce qu’il va se passer, ils savent tous les deux parce que l’issus est inévitable.

Bien sûr qu’elle les a écouté et qu’elle les écoute encore. Ils auront toujours cette emprise sur elle, c’est éternel. Ils auront toujours cette emprise sur chacun des enfants de cette famille. Elle ne veut pas de cet environnement pour ses enfants, personne en mérite de grandir avec une famille comme ça. Avec une mère comme elle. “Arrête.” Elle glisse sa main sur son avant bras. “On le sait depuis des semaines déjà. J’y arrive pas.” Et c’est tout ce qu’elle voit tous les jours. Ils avaient dit que ça s’arrangerait, que tout finirait par aller mieux après quelques jours. Mais tout s’empire, et elle ne peut plus le supporter. Elle a besoin d’air, d’un break. “Ils me connaissent trop justement.” Ce n’est pas vrai, ses parents ne la connaissent pas aussi bien que Bailey la connait. Mais tout est trop flou pour le moment, tout est trop à vif et son souffle est saccadé alors qu’elle s’efforce de ne pas laisser son regard croiser celui de Bailey. “Je suis mauvaise pour eux. Mauvaise pour toi.” Elle l’a toujours été.

Elle n’entend plus qu’eux et leurs commentaires négatifs. Ils savent jouer sur la corde sensible, connaissent tous les angles d’attaques possibles. Ils ne sont venus que pour cela après tout, semer le chaos dans la vie de leurs filles, en espérant que leur conjoint les lâche pour quelque chose d’aussi insignifiant que des beaux-parents tout ce qu’il y a de plus affreux. Malheureusement pour eux, le petit jeu, ne prend plus avec moi. Ils peuvent se garder leur menace, ils ne pourront rien nous faire. C’est psychologiquement que la guerre est menée et mon être tout entier se retiens de les retrouver pour les tuer après avoir croisé le regard de Jill. Si elle n’allait pas bien depuis quelques semaines, a cet instant précis, elle me semble être sur le point de la rupture. Tout ne tient plus que par un fil et je ne sais pas si j’aurais la force nécessaire pour la garder auprès de nous.

« Arrête. On le sait depuis des semaines déjà. J’y arrive pas. » Ses mains s’accrochent a moi. Nos avant-bras se mêle pour ne former plus qu’un amas de mains qui se serrent et tenter de se retenir. Elle n’approche pas les enfants depuis leurs naissances, mais ce n’est que temporaire, elle avait besoin de se retrouver, ce n’était que cela. Je refuse de penser qu’elle ne les aime pas, qu’elle aurait préféré ne jamais les avoirs. C’est la dépression post-partum, le baby blues. « Tu as juste besoin de temps Jill. » Et d’aide. On y travaille jour après jour, je sentais qu’elle allait commencer à s’ouvrir un peu plus après la merveilleuse soirée que l’on avait pu passer tous les deux. Il y avait du progrès. Avant qu’ils n’arrivent…

« Ils me connaissent trop justement. » Mon corps tout entier s’agite pour y démontrer la négation. « Ils ne savent rien de toi. » Non, ils ont toujours été aveuglés par leur pouvoir et leur colère pour voir qui se cache réellement derrière l’image forcément désœuvré qu’ils ont donné à leur fille. « Ils ne connaissent pas la femme que tu es devenue Jill. » Elle a tant changé au cours des années en s’éloignant d’eux. Ils ne peuvent pas gagner comme cela. Elle est devenue une étrangère à leurs yeux, alors qu’en réalité elle devenait enfin la femme qu’elle voulait être sans leur emprise. « Je suis mauvaise pour eux. Mauvaise pour toi. » « Ne dis pas ça. » que je rétorque avec force. Et mon étreinte se resserre autour de ses bras. Ces paroles que je redoutais d’entendre depuis des jours et qui pourtant semblaient courir dans son esprit depuis si longtemps. « On a besoin de toi, Jill. » Autant eux que moi. « Je sais que tu fais au mieux, je sais que tu as besoin de temps, mais ça ira. » Je veux encore y croire.

Ses mains sont enroulées autour des avants bras de Bailey. Elle s’y accroche comme si ça allait changer quelque chose, comme si ça pouvait réduire la distance qui les sépare désormais. Ils ne sont plus les même personne. Bailey a évolué, il a trouvé sa place et Jill stagne. Elle retourne en arrière même. Elle ne veut pas de toute cette vie que Bailey crée avec les jumeaux depuis qu’ils sont venus au monde. Elle n’a pas le droit de l’empêcher de devenir le père parfait. Il est fait pour ça, pour ce rôle de protecteur qu’il a toujours tant recherché auprès de Noah. Aujourd’hui il a ses enfants, mais il n’a pas la femme parfaite qui va avec. Il n’aurait jamais dû faire confiance à la jeune femme, il aurait dû toujours se méfier. Elle est imprévisible quand elle va bien, et c’est encore pire quand elle va mal. Et ce soir, tout va mal. Elle ne voit plus le bout du tunnel et elle détruit Bailey encore un peu plus à chaque mot. Il ne mérite pas ça. Personne ne mérite ça. “Ca fait des semaines.” Les docteurs avaient parlé de jours.

“Je suis pas faite pour ça.” Ces mots qui tournent dans sa tête depuis bien plus longtemps qu’elle ne veut se l’avouer. Ses parents connaissent chacune de ses failles, et ne sont jamais gênés à l’idée de les utiliser contre elle. “Je suis la même qu’avant.” La même folle incapable de tenir si sa vie est trop simple ou trop stable. Elle redevient la même qu’avant. Celle qui veut sortir, qui ne voit plus de médecins et qui ne prend plus son traitement. Elle ferme les yeux, elle ne dit que la vérité et il n’accepte pas Bailey. Il voudrait que tout ça ne soit qu’une mauvaise phase, un mauvais moment à passer. Mais c’est bien plus profond que ça. “T’as pas besoin de moi.” Il fait déjà tout tout seul, alors, à quoi elle pourrait bien servir ? Tracy se met à pleurer, comme si tout ça ne suffisait pas. “Mais elle se tait jamais.” Elle grogne en lançant un regard noir au berceau. Les voix tournent, et celle de Tracy ne fait qu’augmenter le mal de crâne et les incertitudes. Elle a besoin de sortir d’ici.

Ses ongles qui pénètrent sous ma peau alors qu’elle ne lâche plus mes bras, alors qu’elle cherche désespérément à s’ancrer dans le réel. La crise est là, sous-jacente, elle menace tel un orage de fin de journée. « Ça fait des semaines. Je suis pas faite pour ça. » Ces mots qu’elle martèlent avec force, piétinant au passage tout ce sur quoi je me raccroche depuis des semaines. L’espoir qu’un jour ça ira mieux. La réalité de la vie de jeunes parents, avec ses hauts et ses bas. Mes illusions quand dans les faits notre quotidien est rythmé par les bas, qui deviennent de plus en plus profond. « Je suis la même qu’avant. » « Non. » que j’affirme avec forces alors qu’elle fait tout pour éviter mon regard. Cette vie d’avant qu’elle cherche sans cesse alors que tout avait évolué. Jamais on ne ce serait marié si elle n’avait pas changé. Jamais on ne vivrait sous le même toit. Jamais les jumeaux n’auraient vu le jour. Elle se situe peut-être là notre erreur ? À trop vouloir forcer, trop vouloir croire que l’on avait enfin trouvé un équilibre. Elle a toujours été celle dont j’avais besoin, mais la réciproque, était-elle vraie ? Tout se bouscule, les acquis flanchent autant qu’elle. « T’as pas besoin de moi. » Ces mots qu’elle martèle, sautant à pieds joint sur mon cœur qui se serre de trop. « J’ai toujours besoin de toi. » Elle se fait suppliante ma voix alors que je la vois déjà voguer au loin. Elle m’échappe Jill. Au jour le jour, le fossé se creuse entre nous. Je pensais qu’une soirée pouvait nous sauver quand en réalité, il suffisait d’une visite de ses parents pour nous briser.

Comme si elle sentait que tout était en train de se briser autour d’elle, Tracy se met à pleurer. Ce n’est en rien un gros chagrin, plutôt un bébé qui cherche le sommeil, qui est perturber par les cris et qui n’a pas sa tétine. Je me rapproche pour la rassurer quand Jill, elle, abandonne tout filtre. « Mais elle se tait jamais. » Le ton employé, le regard noir jeter en direction du berceau. C’est la goutte de trop. « Arrête ça ! Tout de suite ! » que je grogne en retour, me plaçant devant les enfants. Je pouvais tout accepter. Qu’elle m’ignore, qu’elle me rende responsable de ses malheurs, qu’elle s’en aille de la maison pendant des jours. Tout, mais pas ça. « Si tu veux t’en prendre à quelqu’un, tu t’en prends à moi. » que je rage « Mais tu les laisses en dehors ça, ils n’ont rien demander à personne. » Encore moins d’être rejeté par leur maman. Elle blesse par tous les moyens, la dure vérité.

Ses doigts, ses ongles s'ancrent dans la peau de Bailey. Comme si c'était la dernière fois qu'elle allait le toucher. Comme si c'était la dernière chose qui les maintenait ensemble. Elle a besoin de s'éloigner Jill, mais elle n'a pas arrêté de l'aimer pour autant. Elle ne se rend pas compte du mal qu'elle fait. Elle pense à elle et à ses envies du moment, sans voir qu'elle commence à atteindre la limite. Que bientôt elle atteindra le point de non retour. Elle ne le regarde pas, elle ne pleure pas, elle ne fait que parler de ce qu'elle pense depuis des semaines. Cette visite, c'était la goutte de trop, elle ne veut plus de ça, plus jamais. Et elle ne veut pas rendre malheureux Bailey. "T'es pas heureux avec moi." Le couperet tombe, la sentence est dure et elle ne réalise probablement pas l'ampleur de ses mots. Elle ne réalise pas à quel point elle blesse et elle détruit tout ce qu'il y a entre eux en seulement quelques minutes. Elle l'entend son ton suppliant, et pourtant, elle reste stoïque. Comme si tout ça n'était pas réel. Mais elle est comme ça Jill, elle ne sait pas être heureuse, alors elle détruit tout. 


Ils étaient en train de parler, Tracy pleure, et Bailey part. Encore. Il part toujours quand il s'agit d'eux, et cette fois Jill pense à voix haute et c'est Bailey qui devient distant. Elle fronce les sourcils. C'est pas la moment pour réagir comme ça, ils ne sont pas dans le bon état, mais pourtant, c'est vers ce terrain glissant qu'ils se dirigent. "Pardon ?" Ce n'est pas un pardon d'excuse, juste une chance pour lui de revenir sur ce qu'il a dit. Il ne reviendra pas sur ca, pas quand il s'agit de Bowie et Tracy. Elle souffle et croise les bras sur sa poitrine. Il est certainement là, le point de non retour. "On était en train de parler Bailey." Mais visiblement la conversation n'était pas assez importante pour lui. "Les passe pas encore avant moi." Mais il va le faire, il le fait toujours. "T'as pas besoin de moi quand ils sont là" elle déglutit face à l'évidence. Elle était là pour lui donner ses bébés, sa raison de vivre. Ils n'ont plus rien en commun maintenant, plus depuis que Bailey a choisi la vie qu'elle essaie de fuir. 

« T'es pas heureux avec moi. » Elle se moque de moi.
« T'es pas heureux avec moi. » Elle ne réalise pas.
« T'es pas heureux avec moi. » Il est nerveux le rire qui s’échappe d’entre mes lèvres alors que son regard blesse. Elle cherche à me tenir tête. Tout dans son attitude évoque la provocation. Et la fatigue, la colère, font que je tombe dans le piège. Tête baissée. Comme si je n’avais pas eu des années de pratique avant ce moment. « T’es mal placé pour dire ça, Jill. » Tout n’est que dilemme chez moi. Perdu entre l’envie de fondre en larmes pour lui prouver à quel point, je suis à bout de cette situation et l’envie de juste lui montrer à quel point elle blesse, a quel point elle brise, alors que tout était, enfin, à notre porter. « Tu t’en vas dès que tu en as l’occasion… Tu veux pas rester ici, tu veux pas être avec moi. C’est plutôt toi qui n’es pas heureuse avec moi. J’ai l’impression de te retenir contre gré depuis des semaines. Alors que tout ce que je veux, c’est… Sauver notre famille. » Notre famille. Pas les McGrath. Pas les Fitzgerald. Nous deux et les enfants. Je l’avais idéalisé ce moment où l’on deviendrait notre propre entité ou l’on pourrait enfin se défaire des poids du passé.

Ils sont là nos enfants, bien vivant, en bonne santé. Et pourtant, elle rage dès que l’un a besoin de nous. Toute cette haine, je ne la supporte plus. Ils n’ont rien demandé à venir au monde les jumeaux. Ils sont si petits et si fragiles sans leur maman. Je pouvais tout accepter de sa part, les moqueries, la fuite, mais pas les remarques sur eux. Jamais. « On était en train de parler Bailey. » « Et je t’écoute. » que je lui assure, alors que je rends sa tétine à Tracy, mon doigt venant caresser sa joue. Je suis ouvert à la discussion si tenter soit-il d’en avoir une. « Les passes pas encore avant moi. » Et c’est la goutte de trop. Ce qu’elle n’aurait jamais dû dire. Pas ce soir en tout cas. « Je suis OBLIGER de les faire passer avant toi, Jill. » Le ton monte sans même que je m’en rende réellement compte. « Si je ne le fais pas, qui va s’occuper d’eux, hein ? Alors que tu refuses de les approcher. » Et même si je comprends la dépression, même si je tente de tout lui donner pour l’aider, je ne supporte plus… Les regards qu’elle leur lance, la manière qu’elle a de toujours vouloir les fuir eux et moi avec. « T'as pas besoin de moi quand ils sont là. » Je ricane amèrement. « J’ai cruellement besoin de toi, mais t’es pas capable de le voir. »

Tout se détruit entre ses mains. Elle laisse tout glisser, tout se briser. Et elle fait tout pour que ça continue de se casser. Elle n'essaie pas de comprendre, elle n'essaie pas de réparer alors que Bailey est au bord de la rupture. Elle le sait, elle le connait, et pourtant elle laisse ses œillères en place et elle reste la personne la plus égoïste de l'univers. Il parle beaucoup, il lui fait des reproches et bien sûr qu'elle le prend mal Jill. Elle ne le regarde plus, elle subit pendant quelques minutes tout ce qu'il lui dit en fulminant. "Peut-être qu'on est malheureux ensemble alors." Elle ne se rend pas compte de ce qu'elle fait ni de ce qu'elle dit. Elle se laisse guider par la rage et par la jalousie. Elle est jalouse de ses enfants. Bailey est là pour eux, et elle elle s'éloigne de leur famille. Son souffle est court et elle connait l'issue de cette discussion. Elle va finir par partir, pour de vrai, et pas seulement pour une nuit. Elle le déteste de ne pas aller dans son sens. 


Il ne l'écoute pas vraiment. "Tu l'écoute elle" elle râle et son regard envoie des éclairs. Ils ne devraient pas avoir cette discussion à ce moment là. Ils sont fatigués, énervés, et Jill est au bord de la crise depuis que ses parents ont détruit le peu d'espoirs qui lui restaient. Elle n'arrange pas les choses, et Bailey retourne vers les enfants et se détache de Jill. Il a lâché son bras, il est parti, et elle ferme les yeux pour ne pas se mettre à lui hurler dessus. "Je suis là quand tu me demande de revenir, je reviens à chaque fois." Elle lui dit où elle va et quand elle part. Elle revient au moment où Bailey lui envoie un message. Mais elle le sait qu'elle est là sans l'être vraiment. Qu'elle est incapable de s'occuper d'eux toute seule. Bailey sera mieux sans elle, ils le seront tous. "T'as raison. Je vois rien, j'ai besoin de rien et je suis jamais là." Ses dents se serrent quand elle monde pour récupérer un sac et quelques affaires. Elle fait ça machinalement, guidée par la rage et persuadée de prendre la bonne décision. 

En réalité, peut-être qu’elle n’a jamais changé Jill. Quand tout dans son regard me renvoie à une dizaine d’années en arrière. Ces moments où la seule chose qui lui importait, c’était de me tenir tête, c’était de prouver son indépendance en faisant mal de toutes les façons qui soit. Ce soir, elle se tient droite devant moi, cette Jill d’avant. Celle qui se contre foutait des sentiments et qui ne pensais qu’à s’amuser comme une enfant. « Peut-être qu'on est malheureux ensemble alors. » Mon souffle se coupe à l’instant où ces mots franchissent la barrière de ses lèvres. Il me faut une seconde pour reprendre ma respiration. Une de plus pour me mordre la joue jusqu’au sang. Ce n’est pas le moment de s’effondrer alors que tout dans son regard cherche le défi et la provocation. Je devrais me battre pour elle. Ce soir, je n’en ai plus la force. « Peut-être… » que je murmure alors que mon regard tombe sur mes pieds. La boule au fond de ma gorge ne cesse de grandir tandis que je lutte contre la tristesse qui est en train de m’envahir. Elle baisse les bras. Elle abat ces dernières cartes. « Tu l'écoutes elle. » Je la connais tellement cette jalousie dans le fond de sa voix. Elle n’a aucune place dans cette situation. Tout chez elle m’insupporte, je voudrais hurler, mais je n’en ai plus la force. « Elle a trois semaines Jill et c’est notre fille. » Pas une bimbo que j’aurais pu draguer, pas une amie qui serait bien trop proche de moi, mais notre fille qui n’est qu’un petit bébé de trois semaines en demande constante d’attention. « Je suis là quand tu me demandes de revenir, je reviens à chaque fois. » Et cette fois, je ne retiens pas le rire nerveux. Mon regard se relève pour croiser le sien. « Et si je ne t’envoyais pas de message, tu reviendrais ? » On sait tous les deux que la réponse est non. J’ai trop voulu me voiler la face, une fois de plus. « Je devrais pas avoir à te supplier de revenir Jill. » Pourtant, c’est ce que je fais depuis deux semaines déjà. Dès que son absence pèse de trop, je la supplie de revenir vers nous. Je lui demande un sursis encore et encore, qu’elle m’accorde à contre cœur. « T'as raison. Je vois rien, j'ai besoin de rien et je suis jamais là. » « Jill… » Mais déjà elle part en courant à l’étage. Je m’attends à entendre la porte de la chambre claquée, mais rien ne se passe. Un regard vers les jumeaux pour m’assurer que tout va bien pour eux et je monte à la suite de leur mère. Je m’attendais à tout, je crois, sauf à la voir en train de préparer un sac. « Qu’est-ce que tu fais ? » C’est une dispute comme une autre. Il fallait que l’on se dise les choses, on était à cran, mais la voir tout jeter sans hésitation me fait plus douter que jamais. « Tu peux pas partir… » Encore une fois, je t’en supplie.

Peut-être.
Peut-être qu’ils sont malheureux ensemble, elle ne s’attendait pas à ce qu’il approuve. Elle reste une seconde dans rien dire Jill. Elle déglutit et tente de retrouver une respiration normale. Ils ne sont peut-être pas fait pour être ensemble, peut-être qu’ils ne l’ont jamais été. Elle ferme les yeux, garde ses bras croisés sur la poitrine et tente d’éviter les yeux de son mari. Tout devient froid, ils sont distants et Jill n’a plus envie d’être là. Elle veut s’enfuir loin de lui, loin d’eux. Elle tente de rester debout devant lui, ses pieds ne bougent pas malgré son envie grandissante de s’enfuir et de s’éloigner. Elle est jalouse de sa propre fille et rien ne va plus. Ce ne sont pas des choses qui devraient arriver, elle n’a pas le droit d’être comme ça et pourtant elle le fait quand même. Ses dents se serrent et le ton de Bailey l’énerve encore un peu plus. “Je sais.” Même si elle n’a pas le sentiment d’être la mère de qui que ce soit. Même après ces 3 longues, très longues semaines. S’il n’envoyait pas de message elle ne reviendrait sûrement pas, il la connait la réponse et pourtant il pose la question. Elle reviendrait, s’ils n’étaient que tous les deux. Elle ne serait même pas partie aussi souvent s’ils n’avaient été que tous les deux. “Je devrais pas avoir à me forcer.” Et pourtant c’est ce qu’elle fait depuis la seconde où ils sont tous les deux venus au monde.

Un excès de rage et elle se retrouve dans la chambre à faire un sac pour partir elle ne sait où. Elle finira par le regretter. Bailey arrive derrière elle, et Jill reste dos à lui. Elle rage, elle fulmine et si elle continue de lui parler, si elle reste dans cette chambre, et dans cette maison avec eux, elle va dire des choses affreuses. Elle a besoin de partir, et lui aussi il a besoin qu’elle le laisse tranquille elle en est persuadée. “Il faut que je le fasse.” Son ton est dur, il sait qu’elle va partir. Et même elle ne sait pas si elle finira par revenir. “On est peut-être malheureux ensemble.” Elle se tourne vers lui en reprenant ses mots. Son sac déjà dans sa main.

Si j’ai toujours chéri la sincérité de Jill, ce soir, je voudrais juste qu’elle se taise. Je ne cesse de me voiler la face depuis notre retour de la maternité, mais c’est ce dont j’avais besoin pour continuer à avancer. Les jumeaux ont besoin de leur mère, c’est tout ce que j’aimerais construire même si notre couple doit en pâtir. Jill semble être très loin de cet avis lorsqu’elle assène froidement : « Je devrais pas avoir à me forcer. » L’illusion pars en mille morceaux. Elle vient de l’avouer après trois semaines de faux semblant. Je reçois sa vérité comme une véritable coup de poing dans le ventre. Ma vision se trouble tant, je cherche à retenir toutes les émotions alors que sous mes yeux, mon entier est en train de s’écrouler. Tout se mélange. La rage, le désespoir. Une envie folle de lui hurler dessus tout autant que de fondre en larmes recroquevillées dans un coin. Mais elle s’en fiche, Jill. Elle ne pense qu’à elle. C’est son petit confort qui doit passer avant. Je la retrouve bien, là, la Jill d’avant. Lorsqu’elle monte les escaliers après avoir lâché sa bombe. Lorsqu’elle jette toutes ses affaires dans un sac de voyage sans jamais m’adresser un regard. Elle se retenait depuis si longtemps déjà, mais dans son discours tout est uniquement de ma faute. « Il faut que je le fasse. » Je ne la retiendrais pas. Pas après ce qu’elle vient de me dire aussi froidement. Pas alors que je viens de trouver son vrai visage derrière le masque. « On est peut-être malheureux ensemble. » Et cette fois, c’est trop. Elle se dresse devant moi sa valise à la main. Je pourrais la retenir, mais je n’en ai aucunement envie tant, ses propos me blesse, tant j’ai l’impression de l’avoir perdu depuis si longtemps déjà. Alors, je me décale, sans un mot, je lui laisse accès à la porte. « Je ne t’enverrai aucun message. » Ma voix tremble, mais je tente de garder la tête haute, le ton aussi dur que le sien. « Je devrais pas avoir à te forcer. »

Elle a préparé ses affaires. Elle est restée dos à lui pendant de longues minutes. Elle est fermée Jill. Elle l’a rarement été autant. Elle ne se retrouve pas dans leur histoire, ni dans cette nouvelle famille qu’ils ont tenté de créer. Elle a échoué, et elle le sait depuis le jour où elle s’est posée devant cet hôpital, à deux doigts d’avorter sans que personne ne soit au courant. Elle aurait peut-être dû le faire, et garder ce secret enfoui à jamais. Elle regrette beaucoup de choses, et à cet instant ça en fait partie.

En seulement quelques minutes tout part en fumée. Et ce couple qui semblait si fort leur glisse entre les doigts. Ils ont essayé, et ils ont tout précipité. C’était trop tôt ? Trop tard ? Pour espérer que tout se passe bien et qu’ils puissent être vraiment heureux ? Jill détruit tout ce qu’elle touche, et Bailey en fait les frais depuis bien trop longtemps. Elle veut partir pour elle presque autant qu’elle le fait pour lui. C’est la meilleure décision, c’est ce qu’elle se répète sans cesse dans sa tête. Il se débrouille très bien sans elle. C’est sa famille à lui, en aucun cas celle de Jill. Elle est trop loin de tout ça, elle n’a jamais eu l’impression d’avoir sa place auprès des enfants et elle ne les acceptera peut-être jamais même s’ils sont belle et bien là.

Peut-être qu’elle espérait qu’il la retienne un peu. Mais il change du tout au tout l’homme qu’elle aime, qu’elle a aimé ? Son regard est rempli de rage, de haine. Ca faisait des années qu’ils n’avaient pas eu ce genre de discussion, ce genre de dispute. Comme quoi tout redevient comme avant. Et elle fonce tête baissée Jill, elle ne réfléchit pas une seule seconde alors qu’elle le devrait. Elle n’a pas conscience de ce qu’elle fait, d’à quel point elle est en train de briser la seule chose qui pouvait vraiment la rendre heureuse. Elle a juste envie de s’enfuir et d’oublier. Les oublier eux, oublier cette soirée qu’ils ont passé ensemble et qui a maintenant tout l’air d’avoir été une soirée à deux, oublier le mariage, oublier les chansons. Si elle pouvait tout oublier ça serait bien plus simple. S’ils pouvaient revenir en arrière, Jill ne serait jamais venue à cette soirée de présentations officielle à Londres, ils n’auraient pas discuté et n’en seraient pas là aujourd’hui. Ils ont essayé de toute leur force, et pourtant, cette fois, ce n’est plus assez. Cette fois Bailey ne lui dit pas de rester, il ne fait pas de crise d’angoisse et elle ne fait pas de crise non plus. Ils hurlent à l’intérieur, ils se cassent en mille morceaux et mille autres les yeux dans les yeux. Elle gâche tout, c’est ce qu’elle fait de mieux.

Son téléphone glisse dans sa poche, mais elle n’aura pas de message. “Très bien.” La sentence tombe, le ton de Bailey est aussi distant que celui de Jill. C’est pire qu’avant, bien pire. Ils n’en étaient jamais arrivés à ce point là. Il l’avait toujours retenu, il est toujours revenu vers elle ou la laissait revenir sans broncher. Mais il change Bailey, et Jill ne s’en rendra compte peut-être que trop tard. C’est la fois de trop, elle va toujours trop loin, et finalement, il avait une limite Bailey. Et elle l’atteint, elle la brise, et elle les brise tous au passage.

La lanière de son sac entre ses mains elle avance alors qu’il lui laisse l’espace de passer. Elle ferme les yeux une seconde. Il va la rattraper, il va la retenir avant qu’elle ne passe la porte et ça ira mieux pendant une seconde avant qu’elle ne tente de tout casser à nouveau. Mais il ne fait strictement rien. Il se rend à l’évidence cette fois, il va vraiment la laisser partir. Il la quitte, et elle fait la même chose. C’était une mauvaise idée tout ça. Jill baisse la tête et s’arrête en haut des escaliers quand il lui dit qu’il ne devrait pas la forcer. Il n’a jamais essayé, c’est elle qui l’a fait. Mais ça ne marche pas, elle est épuisée de tout. “J’espère que tu t’épanouiras avec ta famille.” Parce que pendant cette seconde là elle ne s’inclut plus dans sa vie, ni dans la famille qu’ils avaient commencé à bâtir à deux. C’est la famille de Bailey, les enfants de Bailey. C’est ce qu’elle doit faire quand elle se sépare d’une personne qu’elle aime non ? Lui souhaiter tout le bonheur du monde. Elle lui souhaite d’aller mieux, et il a bien plus de chances que ça arrive si elle reste loin de lui. Loin d’eux. Et elle sort sans claquer la porte, avec son sac et les clefs de sa voiture. Il est là le point de non retour, et elle le passe après avoir fait un pas en direction de l’extérieur, vers la vie qu’elle pense vouloir garder maintenant qu’elle a abandonné la nouvelle. Maintenant qu’elle les a tous abandonné.