| when we had time to waste | willer #18 |
| | (#)Dim 9 Aoû 2020 - 22:30 | |
| « Elles ne sont même pas bonnes, ces fraises. » Ils se sont installés dans un bar assez chic, puisqu'elle a demandé une boisson à la hauteur des moyens de l'italien. Elle doit avoir un bon palais, pour demander un verre pareil. Le type qui les sert a une tête a l'aspect glandulaire et Saül le déteste pour le regard hautain qu'il leur lance. C'est sans doute parce que tous deux embaument la fraise qu'il les dévisage de cette manière - ou peut-être est-ce parce que la chemise de l'homme d'affaires en est tachée. Saül les a goûté, déçu de payer un tel prix pour des fruits broyés si menu.
Le regard glacé de Saül cherche sans cesse la montre qui se trouve à son poignet. Plus il passe de temps ici, moins il a de temps pour préparer le retour de son garçon. De toute façon, Cosimo ne doit plus attendre beaucoup venant de son père, l'absent de service. Elise, elle, n'a pas encore laissé de messages sur son téléphone. Pour l'instant, Saül n'est pas en retard. Cela ne saurait tarder, pourtant. « Buvez, j'ai une vie à poursuivre. » Si l'échange des fraises sous-entendait aussi de ne pas se passer de conversation, c'est manqué. Il ne pose plus son regard dans celui de la jeune femme, l'homme d'affaires. Des gens pourraient le reconnaître, ici, lui qui n'invite jamais personne et certainement pas quelqu'un comme elle.
Quand ses yeux se posent de nouveau dans ceux de la presque-voleuse-de-fraises, Saül fronce les sourcils. « Je ne connais même pas votre prénom. » Elle ne le lui donnera probablement pas. De toute façon, tout cela est vain. Il aurait suffit qu'Elise vienne à sa place pour que le tout soit vite et bien résolu. Ses doigts pianotent sur le bois du comptoir. Saül n'a rien commandé à boire. Il voudrait partir comme un voleur, filer à l'anglaise. Ne plus jamais entendre parler d'elle, cette ennuyeuse petite ingrate qui lui vole son temps et de qui il ne détache maintenant plus ses yeux impatients. |
| | | | (#)Dim 9 Aoû 2020 - 23:05 | |
| « Elles ne sont même pas bonnes, ces fraises. » « Il est délicieux, ce scotch. »
Il goûte encore meilleur en sachant à quel point le barman n'a pas compris qui dans ce bas-monde demandait un alcool autant de qualité en plein après-midi. Encore moins quand il nous a vu nous installer en retrait, lui et son costume taché, moi et mes jeans déchirés.
Sa montre est devenue son interlocutrice attitrée, maintenant qu'il la dévisage comme si chaque seconde allait lui donner un potin sur la suivante. Et quand c'est pas sur ce cadran-là que son attention dérive, c'est sur l'écran de son téléphone à s'assurer que la Terre entière a continué de tourner si lui-même a pris un temps d'arrêt d'à peine une poignée de secondes. « Buvez, j'ai une vie à poursuivre. » « C'est toi l'ingrat, là. » je chante et je scande, profitant d'une nouvelle seconde d'inattention de sa part pour soupirer un peu plus fort encore. La serviette de papier venant avec la commande vole vers lui, atterrit pile dans un acte du divin sur son portable qu'il scrute avec toute l'impolitesse qui le caractérise. « T'avais qu'à pas m'inviter à prendre un verre si ton planning était si serré. » c'est sa faute et rien que la sienne. Si à partir de maintenant je me jure de prendre tellement mon temps à prendre mon verre qu'il va regretter chaque moment délayé à me presser à le faire.
« Je ne connais même pas votre prénom. » « Je veux pas savoir le tien. »
Ses prunelles sont rivées sur les miennes, il tient bon en apparence même si je sens sous la table sa jambe qui s'agite soit par nervosité, soit simplement pour m'agresser d'agacement. Mon pied remonte, se stoppe sur son mollet, finit sur son genou, immobilise le tout non sans soupirer de plus belle. Quel calvaire pour lui, quel bonheur pour moi. « Si je partage, t'arrête de faire ta moue d'adolescente déçue? » son impatience me tuera, lui donner une gorgée une seule de mon scotch aussi. Pourtant, j'ai apparemment choisi mon combat. |
| | | | (#)Dim 9 Aoû 2020 - 23:50 | |
| « Il est délicieux, ce scotch. » « Savourez-le, surtout. » Elle ne doit pas y être habituée, vu sa dégaine d'ado sortie d'une série B.
Le temps file trop lentement, pour une fois. Et lorsque Saül a terminé de regarder sa montre, il lui semble que les secondes ont commencé à inverser leur écoulement. « C'est toi l'ingrat, là. » « Vous manquez d'originalité dans vos insultes. » Elle ne manque de rien et certainement pas d'originalité. Saül a déjà retenu la manière dont elle prononce les mots piquants qu'il déteste tant. Il a retenu son regard, aussi, celui qu'elle fait quand elle est fière de lui montrer que du petit jeu qu'ils ont entamé à deux, elle est la grande gagnante. Lorsque l'italien a le malheur de laisser ses yeux traîner sur l'écran de son cellulaire, elle a le don de le rappeler à l'ordre. La langue de l'italien claque d'agacement, quand elle le prive de la lecture d'un message important. « T'avais qu'à pas m'inviter à prendre un verre si ton planning était si serré. » « J'avais besoin de ces fraises. » Ne pas les perdre, surtout. C'aurait été briser une partie de son ego, s'abaisser à la défaite contre cette impertinente. Le téléphone de l'italien a mystérieusement retrouvé le confort de sa poche.
« Je ne connais même pas votre prénom. » « Je veux pas savoir le tien. » « On peut jouer cette information là à pierre-feuille-ciseaux aussi, si vous voulez. » Juste pour la revanche, bien sûr. Pas pour l'intérêt que suscite cette jeune femme qui, plus que de l'agacer, retient de mieux en mieux son attention.
Le contact qui suit est bref, suffit pour le crisper tout entier de surprise. « Si je partage, t'arrête de faire ta moue d'adolescente déçue? » De concours, les doigts de Saül se sont fermés sur la cheville de la jeune femme. Ses yeux traduisent probablement le doux mélange d'agacement et de stupéfaction qui règne derrière son masque placide. « C'est mon argent. Je partage avec vous, en réalité. » Sa main gelée se détache de la peau de la jeune femme afin d'attraper le verre. Saül le fait sien, le regard planté dans celui de celle dont il ne connaît pas le prénom. « Vous faîtes souvent ça, accepter les verres des inconnus dans les supermarchés ? Il est délicieux. » Le verre est repoussé vers elle du bout des doigts, alors que Saül s'enfonce dans sa chaise. « Vous n'allez rien me dire à propos de vous, n'est-ce pas. Vous auriez alors tout intérêt à finir ce verre en vitesse. Ma compagnie ne sera pas pour vous plaire, je n'aime pas beaucoup échanger des banalités avec les inconnus. » Rien n'est banal, pourtant, quand ses doigts ont arrêté de pianoter et quand son regard s'est complètement détaché de la montre. Les yeux de Saül ont trouvé un autre centre d'intérêt. |
| | | | (#)Lun 10 Aoû 2020 - 0:43 | |
| Je le savoure mon scotch, t'en fais pas pauvre imbécile que je le goûte avec autant de patience et de retenue que tu regretteras d'ici deux secondes de m'avoir dit de justement, le savourer. « Vous manquez d'originalité dans vos insultes. » « J'essaie de rester à ton niveau. T'as déjà perdu une fois, ça ferait mal à nouveau avoue. » le verre tourne autour de mes paumes, chaque gorgée mettant désormais cent ans avant de trouver son homologue. « J'avais besoin de ces fraises. » besoin, besoin, besoin. S'il en avait tant besoin que ça, qu'est-ce qu'elles font encore à choir en plein centre de table, lasses et délaissées? « Ce sont juste des fraises pourquoi tu fais une scène encore? » à moi, de poser les questions.
« On peut jouer cette information là à pierre-feuille-ciseaux aussi, si vous voulez. » « J'ai dit que je voulais pas. »
Pourtant, une main libre se tend vers lui, flirte un ciseau, une pierre, un papier, les fait tous un après l'autre sans s'arrêter. Oh qu'il doit rager. Sa main à lui est occupée autre part et le contact glacé sur ma peau brûlante m'aurait fait sursauter. Si j'étais pas occupée depuis de longues minutes déjà à toujours tenter de tout contrôler à la perfection, des soupirs aux sourires qui lui sont dédiés. « C'est mon argent. Je partage avec vous, en réalité. » « Trop d'honneurs. » qu'il dégage de ma cheville ne me motive pas pour autant à dégager mon pied de là, l'autre le rejoint bien vite. Et elles se croisent mes jambes, dans ce qui doit être la posture la plus inconfortable pour ses pauvres et vieux os.
« Vous faîtes souvent ça, accepter les verres des inconnus dans les supermarchés ? Il est délicieux. » « Oh, c'est le moment où tu te sens unique parce que je te dis que non, du tout, c'est la première fois? » « Vous n'allez rien me dire à propos de vous, n'est-ce pas. Vous auriez alors tout intérêt à finir ce verre en vitesse. Ma compagnie ne sera pas pour vous plaire, je n'aime pas beaucoup échanger des banalités avec les inconnus. » « Ah non, okay, c'est le moment où tu te grattes des compliments sur ta compagnie. Cool, cool, je note. »
Le verre revient entre mes paumes sans qu'il n'oppose de résistance, ou alors s'il l'a fait, j'en ai pas eu connaissance/j'en ai rien eu à chier. Pourquoi il est là lui, si son téléphone, si sa montre, si son fils, si ses fraises ont autant besoin de lui que lui a besoin d'eux? Pourquoi est-ce qu'il reste quand bien même il déteste échanger des banalités avec des inconnus, même si son regard lâche pas le mien autant que l'inverse est toute aussi vraie? À quel point il a besoin d'oublier, de fuir quelque chose pour m'utiliser comme excuse de merde justifiant un retard quelconque qui le dédouanera à la seconde où il partira d'ici pour retourner là où il est attendu? Pourquoi les questions que je me pose pour lui piqueraient tout autant si je me les posais pour moi?
« Il est à quelle heure, ton couvre-feu? » jusqu'à quand est-ce que je peux utiliser pour nous deux le prétexte d'être ingrate et de boire mon verre sur de longues heures en extra? Anticipant qu'il dévie comme il semble si doué à faire - presqu'autant que moi - c'est vers son portable pour valider je sais pas quoi que s'aventurent mes doigts aussi ingrats que moi. |
| | | | (#)Lun 10 Aoû 2020 - 2:53 | |
| « Ce sont juste des fraises pourquoi tu fais une scène encore? » Elle est emmerdante, avec ses questions à la con. « Des fraises en or, vu le prix que j'ai dû les payer. » La faute de qui ? C'est lui, le négociateur pourtant, d'habitude.
« J'ai dit que je voulais pas. » « Je n'ai pas demandé votre avis. Ça ne serait que justice. » Elle l'amuse presque, à jouer des mains, quand ses doigts à lui se accrochés à la peau de sa jambe. Froid contre chaud, le contraste est saisissant. Le contact suivant l'est encore plus - et pourquoi est-ce qu'elle se met à parler d'honneur, merde, qu'elle enlève ses sales pattes de là on n'a pas élevé les cochons ensemble elle l'a bien entendu quand je l'ai dit quand même - et Saül ne décroche pas ses yeux de ceux de l'inconnue. Elle ne le poussera pas à bout, n'y arrivera pas. Pas aujourd'hui. L'aventure des fraises a affaibli l'italien si bien qu'il s'accorde une autre gorgée de la boisson qu'elle a gagné - uniquement parce qu'il voulait bien la laisser gagner, évidemment. « Oh, c'est le moment où tu te sens unique parce que je te dis que non, du tout, c'est la première fois? » « Ingrate. » Et plus encore. « Ah non, okay, c'est le moment où tu te grattes des compliments sur ta compagnie. Cool, cool, je note. » « Notez bien que je n'apprécie pas qu'on prenne trop ses aises avec moi. » Et pourtant, Saül ne bouge pas.
Ils ont probablement juste l'air de deux idiots dans un bar trop chic pour un jean déchiré et une chemise tachée. Saül a laissé de côté les inquiétudes instiguées par sa montre et le téléphone qui n'arrête pas de vibrer. Dix secondes de plus et l'appareil finira sur silencieux. « Il est à quelle heure, ton couvre-feu? » Mais elle sera probablement plus rapide, l'inconnue, à glisser ses mains trop proche de la limite. Saül lui attrape le poignet au passage, regard armé de glace acérée. « Je choisis l'heure. Personne ne me dicte de couvre-feu. » Oh, si, Elise. Pas directement, mais les époux ont une environ une heure de dispute quotidienne à effectuer. Aujourd'hui, c'était calme plat. Le ton monte plus haut encore lorsque Cosimo s'apprête à rentrer à la maison. Peut-être est-ce Elise, qui demande où est-ce que Saül a bien pu finir alors qu'il avait juré de rentrer tôt. Mais le téléphone a arrêté de vibrer.
C'est le retour de la dispute pour savoir qui finira le verre, quand Saül y accroche ses doigts. Il ajoute les siens à ceux de l'inconnue et voilà que la scène des fraises est sur le point de recommencer. Cette fois-ci, au moins, Saül a l'avantage de tenir le poignet de la jeune femme, celui qui voguait dangereusement vers son téléphone. « Il est où, ton quotidien pressé ? Laisse moi le verre et retournes-y. » Elle en a parlé tout à l'heure, en même temps qu'elle l'a traité de vieux. Elle n'est qu'une jeune ingrate, voilà pourquoi Saül se met à la tutoyer. « Sinon je te le laisse et tu me laisses juste ton prénom. C'est juste un prénom, pourquoi tu me fais une scène ? » Les doigts de l'italien poussent vers elle le verre. C'est que, son couvre-feu, on y arrive bientôt. Sa main gauche serre doucement la prise autour de son poignet droit à elle, l'inconnue qui retient son prénom en otage comme s'il s'agissait du bien le plus précieux du monde. « Tu as eu les fraises, tu as eu le verre. L'équité est inexistante, je demande justice. » Elles partent de là les négociations. Celles du jour et celles qui viendront ensuite. |
| | | | (#)Lun 10 Aoû 2020 - 3:40 | |
| « Des fraises en or, vu le prix que j'ai dû les payer. » blablabla me fais pas pleurer. « T'as dit un verre c'est pas ma faute si t'as pas lu les petits caractères. » s'il est une merde en négociation, il est encore pire avec ses frimes. Ou alors il a fait exprès de perdre, et c'est assuré que je le prends en pitié si c'est le cas. Peu importe le sens, il gagne pas.
C'est qu'il se croit tout permis, une gorgée de Macallan plus tard. « Je n'ai pas demandé votre avis. Ça ne serait que justice. » « Sociopathe. T'es avocat? » à ses questions sous-entendues viennent répondre les miennes. Mon nouveau jeu mis à part de l'empêcher de provoquer un séisme à agiter incessamment sa jambe sous la table réside en mes jambes à moi, parfaitement calées sur les siennes. À chaque fois où il déglutit difficilement, je redresse un peu plus le dos, les épaules. Le pauvre, je commence à peine à me réchauffer. « Notez bien que je n'apprécie pas qu'on prenne trop ses aises avec moi. » c'est vrai, qu'il est délicieux le scotch. Rendez-le moi maintenant, toi et tes foutues mains aux dizaines de chevalières que j'ai juste envie de voler, une après l'autre. La montre doit valoir cher aussi. « Ouh, tu donnes trop d'indices mon gars. PDG d'entreprise et le reste du monde fait office de pions, right? »
Il m'intrigue le con, le personnage bancal qu'il a l'air de jouer en apparences - « Je choisis l'heure. Personne ne me dicte de couvre-feu. » - quand la seconde d'après sa paume se resserre autour de ma cheville. Ouais, bien sûr que c'est cool et badass de dire que t'as pas de couvre-feu, quand tu passes chaque seconde qui monte à jeter un coup d'oeil à ton écran au cas où ta femme (ton mari?) te gronde de pas être encore rentré. Elle dénote de ses autres bagues, son alliance. « Fais signe quand t'auras choisi ton heure, alors. » fais signe quand t'en auras assez de te faire dicter comment user de chaque seconde dédiée, quand tu seras blasé que tout soit prévu pour toi à la lettre. Dans un autre monde, son portable qui vibre sans fin, je l'aurais noyé dans le verre d'eau de la table d'à-côté.
Changement de plan : ma main vise le téléphone, son issue en sera aquatique. « Il est où, ton quotidien pressé ? Laisse moi le verre et retournes-y. » fuck you. Sa main sur mon poignet brûle même si elle est glacée. Qui est gelé à ce point en Australie? C'est abusé et son immense bureau avec vue panoramique sur la ville doit être climatisé à fond. « Mon quotidien pressé s'est tiré en même temps que ton vous apparemment. » un autre battement de cils, un autre roulement d'yeux. Ça en devient presque une habitude. « Sinon je te le laisse et tu me laisses juste ton prénom. C'est juste un prénom, pourquoi tu me fais une scène ? » qu'il reprenne mes mots avec autant de condescendance qu'une gamine a raison de mon sérieux, direct. Il remonte l'éclat de rire, il pique mais il est là, franc au possible. Un demi point pour l'effort, un point complet pour le verre autour duquel mes doigts s'enserrent. De comment les siens sont là aussi? « Pourquoi tu veux tant savoir? » ça sert à rien. Il le rentrera pas dans son téléphone parce qu'à la seconde où il me lâche, je le noie son portable. « Tu as eu les fraises, tu as eu le verre. L'équité est inexistante, je demande justice. » il aura qu'un prénom, pas de nom de famille, pas de numéro avec, pas d'adresse, rien. Pourquoi il y tient? « Si t'es juge je perds foi en l'humanité. » trouver son métier est fun par contre, ça change du reste.
Le reste m'ennuie. Ce qu'il y a à l'extérieur de son bar de vieux friqués aussi.
« Je choisis l'heure du couvre-feu. » si je lui dis mon prénom et s'il arrête de se voiler la face à croire que je le crois justement, que personne ne l'attend. « Je choisis ce qu'on boit après ça. » et ce sera pas pour les petits budgets, et ce sera deux verres parce que partager mes microbes avec les siens on repassera. « Je choisis ce qu'on fait, après ça. » la liste est encore vide, j'improviserai et choisirai juste les options qui risquent de le faire le plus rager. J'ai du temps, tout le temps qu'il faut pour trouver. « Et les fraises me reviennent à moi. » les fraises d'ailleurs, qu'il mentionne comme mon prix mais qu'il traite comme le sien. Les fraises en otage quand ma main libre en subtilise une, deux au passage. |
| | | | (#)Mar 11 Aoû 2020 - 3:08 | |
| « Sociopathe. T'es avocat? » « Vous travaillez pour les fédéraux? »
Il faut se méfier de ces gens là à tout prix. Saül ne sait pas bien comment cela fonctionne, ici. On le lui a déjà expliqué, mais c'est aussi vite oublié. Sociopathe, alors. C'en est une d'originale. Elle marque un point et un autre, la jeune femme dont il accroche la peau de la cheville. Ses mains à lui brûlent maintenant de froid. « Ouh, tu donnes trop d'indices mon gars. PDG d'entreprise et le reste du monde fait office de pions, right? » « Ou d'acteurs sur une grande scène de théâtre, les gens choisissent habituellement cette analogie là. Je préfère celle avec les pions. » Le verre est à lui, pour ce qui tire sur les dernières gorgées. Des pions cela sera, alors. Le voilà de nouveau, le lion conquérant, celui que l'ego ne tire certainement pas en arrière, celui qui précipitera un jour sa propre chute sans même qu'il ne s'en rende vraiment compte. Quelle tragédie, quel gâchis.
Elle parle de couvre-feu, lui invente des règles dont il n'admettra jamais l'existence. Elle en déduit beaucoup trop, pour quelqu'un dont Saül n'a pas le prénom. Elle doit être psychologue - ou alors c'est elle, la sociopathe et elle sait très bien reconnaître ses congénères. « Fais signe quand t'auras choisi ton heure, alors. » « Dans tes rêves. » Elle n'aura pas une once de son emploi du temps, pas plus qu'elle n'aura d'indication sur la soudaine envie de s'éterniser qui apparaît dans le cerveau de l'italien. Voilà qui dépoussière le sentiment d'imprévu que Saül n'a plus beaucoup ressenti ces dernières - longues - années.
Abandonner le vouvoiement est plus naturel que prévu, au final. Cette information est terrifiante, Saül n'en prend pas encore la mesure - la prendra-t-il un jour ? « Mon quotidien pressé s'est tiré en même temps que ton vous apparemment. » « Tu vas commencer à t'offenser ? Je t'ai habituée à des standards que tu n'as pas l'habitude de vivre, c'est de ma faute. » Retour de volée, au tour de l'italien de prendre un ton dégoulinant de sarcasme. A ce petit jeu, il refuse de se faire battre. Il se pourrait bien, pourtant, qu'elle soit une adversaire de taille. Le combat pour le verre recommence, le rire de l'inconnue fend l'air une fois et une seule. Il n'a pas un sourire, Saül, quand elle tire l'otage entre ses mains, entre ses doigts qu'il peut sentir contre les siens. « Pourquoi tu veux tant savoir? » « C'est un truc que font les gens civilisés. Ils se présentent. » Ce dernier mot est détaché des autres, souligné dans le ton comme dans les mimiques du visage de Saül, presque explicité comme s'il parlait à une enfant de quatre ans et demi. Les conventions ont le dos large. « Si t'es juge je perds foi en l'humanité. » « Si tu bosses pour l'état je m'en vais. »
« Je choisis l'heure du couvre-feu. » « On négocie, là ? » « Je choisis ce qu'on boit après ça. » « Tu sais que dans une négociation, les deux parties doivent pouvoir y trouver leur compte, ou alors on tente au moins de faire croire à l'autre qu'on lui laisse une part plus intéressante que celle qu'on garde pour soi. » Le revoilà, l'homme d'affaires à la cravate parfaite - tachée. Si son index droit ne se lève pas vers le ciel quand il donne la leçon, c'est simplement parce qu'il est occupé à se battre pour le verre, Saül. « Je choisis ce qu'on fait, après ça. » « Parce qu'on va faire quelque chose, après ça ? » Le voilà le sourire. Pas celui du négociateur, celui du vainqueur. « Et les fraises me reviennent à moi. » Elle commence déjà à les voler, la tricheuse.
Le combat de regard s'engage, alors que Saül n'a pas laissé de repos à ses zygomatiques. L'heure est devenue secondaire, de même que ce maudit cellulaire en pleine crise d’épilepsie. La pièce est rendue au simple état d'arrière plan et même le verre n'est plus l'enjeu du moment, quand Saül inspire un grand coup avant d'étaler ses clauses du contrat.
« On ne boit pas de vodka parce que je déteste ça. » Rien sur l'heure du couvre-feu, visiblement. « On ne fait rien qui remette en question ceci. » Son index tapote l'alliance de la jeune femme, sans qu'il ne la lâche des yeux. Il faut être clair, avec ces gens qui menacent de vous embarquer dans tous leurs plans foireux. « Les fraises te reviennent, tu m'offriras les suivantes. Mes petits caractères du contrat sont non négociables. » C'est toujours sa partie préférée, dans les contrats, la négociation. Il n'y a ici pas grand chose à revoir, cependant. Tout n'est que question d'ego et de terrain pas trop vite cédé - mais que Saül cède quand même, malgré tout. De la curiosité poussé par la houle de l'ennui, voilà ce qu'est cette drôle d'escapade.
« J'attends ta commande, ton planning et oh - ton prénom. » Toujours pas de signe de l'heure du couvre-feu, perdue en chemin. C'est mieux ainsi, qu'elle n'en donne pas - comme si tout pouvait s'arrêter la seconde suivante. |
| | | | (#)Mar 11 Aoû 2020 - 16:04 | |
| « Ou d'acteurs sur une grande scène de théâtre, les gens choisissent habituellement cette analogie là. Je préfère celle avec les pions. » « Calme-toi t'es pas Machiavel non plus. » « Dans tes rêves. » « Avoue t'es jamais en retard nulle part t'es même de ceux qui arrivent à l'avance rien que pour avoir un truc à reprocher à la planète en entier. »
C'est qu'il le saurait mon prénom, c'est qu'il en saurait des choses s'il se concentrait pas autant sur ma cheville et sur mon verre, s'il tirait des déductions et s'il creusait lui aussi. Assurément qu'il est PDG, qu'il laisse les autres faire le sale boulot à sa place. Ouh, j'espère qu'il a un scandale sous la cravate, qu'il détourne des fonds, qu'il a des comptes en Suisse que je pourrais utiliser pour le faire chanter la prochaine fois. La prochaine fois, Ariane?
« Tu vas commencer à t'offenser ? Je t'ai habituée à des standards que tu n'as pas l'habitude de vivre, c'est de ma faute. » « Le blâme te va bien. » « C'est un truc que font les gens civilisés. Ils se présentent. » « Me dis pas quoi faire. » « Si tu bosses pour l'état je m'en vais. » « La porte est juste là. »
À mon index qui pointe la dite porte s'ajoute un soupir qui n'en finit plus de s'allonger, autant qu'il semble lui-même prêt à souffler tout autant. Le monde est en suspens autour, rien que parce que personne ne sait encore qui de nous deux va appuyer sur le bouton rouge, celui qui déclenche les explosions et celui qui terrasse des villages en entier. Abîmer sa belle gueule me ferait chier, mais s'il continue à voler les dernières gorgées de mon scotch à presque 300 balles, sa finalité est actée.
« On négocie, là ? » « On négocie, là. » « Tu sais que dans une négociation, les deux parties doivent pouvoir y trouver leur compte, ou alors on tente au moins de faire croire à l'autre qu'on lui laisse une part plus intéressante que celle qu'on garde pour soi. » « Blablabla les gens civilisés attendent leur tour pour parler. »
Celle-là j'en suis fière. Celle-là vient avec un immense sourire, de ceux qui vont le hanter pour les jours à venir parce qu'on y associe une victoire, la mienne, encore. Il avait besoin d'une piqure de rappel que la couronne me revient. Pourquoi tes jambes sont toujours sur les siennes Ariane? Pourquoi tes doigts chassent les siens? Ta gueule, ce qui s'apparente le plus à ma conscience.
« Parce qu'on va faire quelque chose, après ça ? » alors il sait sourire le gars, c'est pas trop tôt. Il sourit et on dirait que maintenant qu'il a appris comment faire il arrête plus. Alors dans un élan de gamine effrontée, j'essaie de sourire plus encore. Ça aussi ça se joue à deux. « Apparemment. » le bluff commence à peine et les plans s'échafaudent seulement. Ce serait dommage de s'arrêter en si bon chemin. Si dommage.
« On ne boit pas de vodka parce que je déteste ça. » un signe vers le serveur, un murmure à son oreille quand il arrive à ma hauteur. « On ne fait rien qui remette en question ceci. » ma main se dégage à la seconde où la sienne approche, qu'il touche mon alliance, c'est ça que moi je déteste. « Les fraises te reviennent, tu m'offriras les suivantes. Mes petits caractères du contrat sont non négociables. » ouais ouais, fais genre que c'est toi qui m'autorises à les manger les fraises. Du contenant, j'en ai déjà volé presque la moitié. C'est vrai qu'elles sont dégueulasses. « J'attends ta commande, ton planning et oh - ton prénom. » parce qu'il est impatient en plus. Si dommage.
Le serveur revient, pose entre nous deux shots de vodka. Un pour lui, un pour moi. C'est ça qu'ils font, les gens civilisés ; partager.
Ce qu'ils ne font pas par contre, c'est de se lever uniquement pour fouiller dans la poche de la veste d'un PDG sociopathe sans prénom avec un fils en rupture et un téléphone à la batterie probablement déchargée tellement il joue sa vie à sautiller d'un bout à l'autre de la table. Ce qu'ils ne font pas non plus, les gens civilisés, c'est de barbouiller leur numéro de téléphone à l'intérieur de la paume des types qui vouvoient encore au 21ème siècle, qui négocient mal et qui détestent la vodka. Et ce qu'ils ne font surtout pas surtout, c'est de le voler finalement, le stylo qui a rempli sa mission information du jour une fois les chiffres alignés les uns à côté des autres sur la peau trop glacée d'un gars trop pressé trop paniqué trop stressé trop calculé, stylo qui trouve la poche de mon jeans où il risque de jurer avec tout son lettrage doré et ses quasi pierres précieuses incrustées.
« J'ai jamais dit que je te le dirais aujourd'hui. » mais j'ai dit que les fraises étaient à moi. Elles suivent d'ailleurs, après que j'ai gobé mon shot de vodka sans attendre qu'il fasse de même avec le sien. Elles font office de bon prix de participation, les fraises, surtout celle que je lui lance par-dessus mon épaule sans me retourner.
Je choisirai l'heure du couvre-feu. Je choisirai ce qu'on boit, et je choisirai ce qu'on fera, après ça.
Demain. |
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