On reprend les mêmes, et on recommence. Noa, moi. La discothèque a disparue, elle a été remplacée par un bar. Une rencontre fortuite, elle qui me reconnaît, moi qui râle et me moque, le souvenir de nos baisers échangés que j’essaye d’oublier parce que la variable Matt, elle, je ne peux vraiment pas l’oublier. Elle se moque de moi, je réponds. Finalement cela ressemble à une discussion presque normale et ça pourrait certainement être le cas si nous n’avions pas autant de connaissances communes qui rendent le tout si compliqué. Ginny, Isaac, Matt. Le golden trio des emmerdes. J’aime ma femme, vraiment, mais je ne peux pas nier que sa présence dans ma vie n’a pas parfois été difficile à gérer. Je ne changerais aucun instant, pour rien au monde, mais cela reste un fait.

« Si j’raconte ma version, tu m’racontes la tienne ? J’suis sûre que conté par ta voix, ca doit être envoûtant et plein de paillette. Bien plus alléchant que c’que j’ai en tête. » C’est ici, juste ici que je me suis arrêté. Ce sont de ces mots là exactement dont je me souviens, eux qui tournent encore dans mon esprit à cause de l’importance capitale qu’ils ont pris quand bien même ça n’aurait jamais dû être le cas. On devrait tous avoir la même version, on devrait tous avoir choisi le chemin le plus simple et pourtant. C’est à des années lumières de ce qui ressemble à la vérité. « Ca fait quoi d’savoir que ton épouse porte le même nom d’famille qu’Matt ? » “Soit on parle d’Isaac, soit on parle de Matt. Choisis tes combats.” J’ai appris à me contenter d’un seul problème à la fois et, vraiment, croyez moi, c’est bien plus que suffisant. Ca l’est d’autant plus si on prend en compte l’ampleur que peuvent être ces deux personnes, chacune bien à leur manière et pourtant toutes deux bien trop reliées à Ginny son moi. “Et n’oublie pas de me raconter ta version des faits, donc.” J’ai hâte de savoir à quel point les deux seront diamétralement opposées, comme si finalement on ne parlait pas de la même chose.

@noa jacobs

C’était trop simple de me demander de lui en dire plus alors que lui, il avait pas l’air prêt à un échange d’information. Moi je savais que Ginny était partie à Rome avec Auden, qu’elle laissait un peu Isaac en suspens pendant ce temps là et que lui, il attendait juste gentiment qu’elle revienne. Bon chien à sa mémère, il lui aurait fait la fête à son retour et tout va bien. J’avais tenté de lui faire comprendre que le comportement de sa nana était pas toujours très clean envers lui et que peut être bien qu’il devrait sans doute se méfier un peu plus. Ce qui m’avait le plus frappé était la fois où elle avait mis Isaac de côté lorsque son fils Noah avait fugué alors qu’il était prêt à s’investir pour l’aider, la personne vers qui elle s’était tournée était Auden, pas son mec, mais Auden. Mais mes mise en garde ne lui avaient sans doute pas suffit puisqu’il avait l’air plus que surpris en apprenant que Ginny voulait mettre un terme à leur relation. Moi à peine. Mais je sentais toujours ce genre de chose : pour Chloé aussi, je l’avais vu venir de loin. Pour Nicolas, j’avais compris bon nombre de fois que ce serait pas les bonnes, sauf pour Clara… Clara, j’avais confiance en elle et voilà le résultat. Bon, en réalité, c’est pas une science exacte.
Du coup, comme il a pas l’air de vouloir donner sa version des faits, j’appuye sur ce qui semble l’agacer : Matt. Et indéniablement, il ne pouvait pas nier le lien qui l’affiliait à lui. “Soit on parle d’Isaac, soit on parle de Matt. Choisis tes combats.” « Matt ! Nan, franchement, t’es une énigme pour moi Auden. » y a des choses que j’ai du mal à comprendre. « Matt, en soit, c’est un ami, promis, j’ai eu plus de contact avec ta langue qu’avec la sienne… » et d’ailleurs, j’avais jamais été en contact avec la langue de Matt si ce n’est la fois où il a pris un malin plaisir à venir me lécher le doigt tout entier quand j’avais d’la chantilly qui m’y étais destinée. « Mais Ginny… » ah j’ai vraiment l’impression qu’il se raidit de tout son être à chaque fois que j’prononce son prénom. C’est très drôle cette fois qu’il a de réagir, comme si c’était un sujet intouchable, comme si j’avais pas l’droit d’en parler. « Ginny, elle a l’même sang que lui ! » donc, vraiment Auden, explique toi !
“Et n’oublie pas de me raconter ta version des faits, donc.” Je souris et secoue la tête. « Toi d’abord ! » répond à mes questions et après, on verra bien. Ca me dérangeait meme pas de faire ce jeu de ping pong pendant des heures pour voir qui allait craquer en premier.

Tout dans son expression m’informe que je n’aurai pas les informations que je souhaite et qu’elle risque même de me faire mariner un certain temps. Pourtant, la curiosité l’emporte et tant pis si tout doit me prendre plusieurs heures : j’ai envie de savoir, bien avant d’en avoir même besoin. Je sais cependant ne pas pouvoir être sur tous les fronts à la fois, surtout alors qu’il y a tant à parler pour chacun d’eux, et lui demande donc de faire un premier choix entre le sujet de Matt et celui d’Isaac. Sa réponse ne tarde pas, elle arrive dans un cri étouffé que je n’essaye même pas d’interpréter d’une quelconque manière. « Matt ! Nan, franchement, t’es une énigme pour moi Auden. » Bien que incapable de savoir si elle interprète la chose comme une bonne ou une mauvaise nouvelle, j’esquisse un sourire amusé. Tout me semble logique, dans mon monde à moi, et il est vrai que j’ai souvent tendance à oublier que mon monde à moi n’est justement pas celui de personne d’autre. « Matt, en soit, c’est un ami, promis, j’ai eu plus de contact avec ta langue qu’avec la sienne… » Je ris nerveusement, prêt à aller me laver la bouche à tout moment si jamais elle continue ses explications à propos de ce qu’elle a bien pu faire avec la langue de Matthew ou bien la mienne. Ce n’est de toute façon pas comme si leur relation, peu importe sa teneure, m’intéressait d’aucune sorte. A vrai dire, elle ne m’intéresse d’aucune sorte justement puisque rien de ce qu’ils peuvent faire ne m’intéresse. « Mais Ginny… » Je relève les yeux en sa direction, comme tout le monde aurait pu s’en douter. Ginny quoi ? J’attends la suite pour savoir comment réagir, entre pire et pire de pire. Je doute qu’elle soit capable de proférer de quelconques compliments à l’égard de ma femme, pour être honnête, et ce même si elle est apparemment amie (ou plus si affinités) avec son frère. Encore une fois, il ne cesse de se dresser entre nous, même quand il n’est pas là. Ca doit être son super pouvoir d’emmerdeur. « Ginny, elle a l’même sang que lui ! » “C’est pas comme si c’était quelque chose qu’elle avait choisi.” Si on pouvait choisir notre famille, nul doute qu’elle aurait quitté la sienne il y a bien longtemps et moi la mienne. Ainsi, beaucoup de choses auraient pu être plus simples, j’en suis persuadé. “Et si ça peut te rassurer, je ne me suis pas marié avec elle pour avoir la pire belle famille du monde.” Quoi que, entre McGrath et Williams, je ne sais pas vraiment qui sont les pires. Ils ont tous un sacré problème avec les enfants, en tout cas.

« Toi d’abord ! » “T’as posé la question la première. J’en ai rien à faire de ton ami, moi.” Plus maintenant, en tout cas. Je veillais sur lui à ma façon lorsqu’il était avec Ginny, je m’assurais qu’il tienne un minimum sur ses deux jambes pour pouvoir la rendre heureuse mais désormais il est loin de la famille et loin de tout le monde. Je n’ai plus de ses nouvelles et n’en demanderai pas, tout comme j’imagine que l’inverse doit être tout aussi vrai. Nos chemins se sont séparés et je suis persuadé qu’ils ne se croiseront plus jamais, alors je ne vois pas pourquoi elle vient remuer le couteau dans la plaie aujourd’hui que tout est terminé. “Pourquoi ça t’intéresse tant de toute façon ? C’était y’a plus de six mois.” Six mois qui ont tout l’air d’avoir été une éternité, en fait.

“C’est pas comme si c’était quelque chose qu’elle avait choisi.” « Nan elle a pas choisi, mais en soit, Ginny, elle a passé plus de temps avec Matt dans sa vie qu’avec moi-même. » j’hausse les épaules, j’en démordrais pas. J’crois que j’suis toujours un peu vexée par sa réaction en fait. Le gars m’a carrément tourné le dos alors que merde, j’étais chaude !   “Et si ça peut te rassurer, je ne me suis pas marié avec elle pour avoir la pire belle famille du monde.” La pire, la pire… « Jill est tranquille, Matt est un bisounours… j’comprends toujours pas ton problème. » mais y a surement un passif, j’suis toujours aussi curieuse de savoir ce qu’il a bien pu se passer. Et comment il peut être tombée sous l’charme de Ginny si il deteste Matt. « T’as connu qui en premier ? Ginny ou Matt ? » peut être que ca éclaircira ma voie, que j’y verrai plus claire. Est-ce que j’devrais pas lui dire que son comportement, franchement, ca s’fait pas… Je sais pas… pas maintenant.
“T’as posé la question la première. J’en ai rien à faire de ton ami, moi.” Hm, j’ai pas l’impression. « J'suis pas d'accord... T’avais l’air plutôt intéressé quand tu m’as demandé de m’en dire plus, sur sa version des faits… » si non, il aurait même pas posé la question. Mais j’crois qu’il a raison Auden, ça sert à rien de parler de ça. “Pourquoi ça t’intéresse tant de toute façon ? C’était y’a plus de six mois.” Ah ah j’ai bien envie de rire. « Parce que quand on aime on compte pas. » quelle belle phrase ! Isaac est mon meilleur ami et sincèrement, six mois ou six ans, je sais à quel point il a été touché par sa rupture avec Ginny et surtout, j’ai vu à quel point il était mal après ça. Et je sais qu’aujourd’hui, ça l’impacte encore beaucoup, je sais que même si ROA lui a fait beaucoup de bien et qu’il a pu en parti tourner la page, toutes ses relations passées, absolument toutes restent des plaies ouvertes qu’il lui sera toujours difficiles à fermer. « 6 mois ou moins, c'est l'important ? C'est pas une question de temps! J’ai juste vu comme ça l’a touché et comme il avait pas besoin de ça. » j’sais pas si Auden est en capacité de comprendre ça. J’sais pas c’qu’il sait c’que c’est que l’amitié sincère et réelle, celle où on pourrait tout donner pour l’autre, même son cœur. « Enfin, t’as raison, on s’en fou. » enfin, je m’en fou pas, mais j’ai plus envie de perdre du temps avec cette discussion parce que ca me rend sans doute triste à mon tour et si j’ai une chose à souhaiter à Isaac, c’est d’être réellement heureux.

« Jill est tranquille, Matt est un bisounours… j’comprends toujours pas ton problème. » Elle parle bien de ceux qui se sont introduits chez moi pour me tabasser ? “Jillian est une junkie malade et alcoolique et Matthew un raté.” Elle ne gagnera certainement pas au jeu de celui qui aura le dernier mot, pas alors que je suis les déboires de leur famille de merde depuis plus de dix ans sans jamais être capable de me détacher d’eux, à défaut de le souhaiter ardemment. « T’as connu qui en premier ? Ginny ou Matt ? » “Ginny. Pourquoi ?” Je pourrais en profiter pour dire que si j’avais connu Matt en premier je ne me serais jamais jeté à corps perdu dans une telle aventure mais ce ne serait finalement qu’un mensonge de plus et on le sait tous. Peu importe qui j’aurais pu rencontre en premier, même Jillian, ça n’aurait rien changé.

« 6 mois ou moins, c'est l'important ? C'est pas une question de temps! J’ai juste vu comme ça l’a touché et comme il avait pas besoin de ça. » Je souffle et lève les yeux au ciel, fort peu intéressé par le sujet dès lors qu’il ne s’agit plus que de s’intéresser à la seule personne d’Isaac. Ce ne faisait pas partie du plan et ce n’est pas une perspective qui m’attire ou m’intéresse, bien loin de là même. “En quoi ça devrait être mon problème ?” Je pose la question sincèrement. Le sort des autres ne m’intéresse pas mais dès lors qu’il s’agit de l’ex petit-ami de ma femme, autant dire que cela m’intéresse encore moins. Il est sorti de sa vie et c’est sûrement bien mieux ainsi - c’est en tout cas ce que je pense sincèrement. « Enfin, t’as raison, on s’en fou. » Soit. Si parler de son meilleur ami ne l’intéresse soudainement plus, je ne risque pas de me plaindre d’une telle chose. “On est pas allés plus loin l’an dernier parce que j’aurais pas voulu entrer dans le périmètre de Matthew. Tu vois, un mal pour un bien, je suis pas si horrible que tu le penses.” J’ai, à ses yeux, volé la copine de son meilleur ami mais au moins je lui ai évité de se trouver dans une position plus que délicate avec un autre homme cher à son coeur. Ça se vaut, j’imagine.

J’avais l’impression qu’on ne parlait pas du tout des mêmes personnes. Jill alcoolique et junkie malade, ce n’était pas l’impression qu’elle m’avait donné et Matt, un raté… j’aurai aimé être aussi ratée que lui. Propriétaire du DBD, une affaire qui roulait très bien, j’étais fiere de ce qu’il en avait fait et je n’appelais pas ça un raté. Mais Auden avait l’air si sûr de lui, il était si dure en parlant des McGrath.  J’avais la sensation que leur background était plus important que je ne pouvais l’imaginer. Je suis pas si certaine d’avoir envie de tout savoir en réalité. “Ginny. Pourquoi ?” j’haussais les épaules, simple curiosité, mais du coup, s’il avait connu Ginny en premier, il n’avait donc pas eu d’autre choix que d’avoir Matt et Jill sur le dos. Le reste, finalement, les regardais et je pense que si j’avais envie d’en savoir davantage, Matt me dirait ce qu’il s’est passé.
Il voit pas où est le problème avec Isaac, il voit pas en quoi c’est son problème même. Pourtant, j’ai l’impression que l’équation est assez simple et qu’il a été l’élément perturbateur dans le schéma. Mais j’imagine que je manquais d’objectivité pour savoir qui était en tort ou non dans cette histoire. Après tout, si Auden été fou de Ginny, n’avait-il pas eu raison de tout faire pour conquérir son cœur et la détourner de sa trajectoire ? Sans n’en avoir rien à faire des dommages collatéraux, en d’autres mots, sans avoir rien à faire d’Isaac…  “On est pas allés plus loin l’an dernier parce que j’aurais pas voulu entrer dans le périmètre de Matthew. Tu vois, un mal pour un bien, je suis pas si horrible que tu le penses.” J’m’attendais pas à une espèce d’excuse de sa part. Ca m’étonne et pour le coup, ça a tendance à m’clouer l’bec. Enfin, des excuses… on va dire que c’est comme ça que je l’interprète, ou au moins j’ai un semblant d’explication même si, c’est du vent. Mais tant pis, franchement, aucun regret, Auden. « J’sais pas, si j’pense que t’es horrible ou pas. » j’hausse les épaules, le café devant moi avait fini par refroidir à force de causer sans y toucher, du coup, c’était même plus bon. « J’vais pas te retarder plus longtemps, et faut aussi que j’retourne travailler. » la pause était fini Noa. Retour au bagne ! « On a chacun nos boulets. » la phrase de fin, à méditer avant de m’éclipser.