2025. Cinq ans après l'apocalypse.

Essoufflé, je prends appui contre un mur. Ma jambe me fait un mal de chien depuis que je me suis embourbé dans des barbelés. J'ai pu arrêter les saignements, mais la plaie ne cesse de s'infecter. J'ai du mal à marcher et courir pour échapper aux puants devient de plus en plus compliqué. Je reprends ma respiration et tente de calmer les battements de mon coeur. La tête me tourne, mais il est hors de question que je m'étale sur le sol à découvert. Il faut que je trouve un refuge. Mon regard fouille l'horizon de ce petit village désert. L'endroit semble vide de toute âme, je tends l'oreille mais les morts-vivants semblent avoir perdu ma trace. Tant mieux.

Dans ma quête d'un endroit sûr, mon regard tombe alors sur l'enseigne d'un restaurant complètement abîmé par le temps. Je me souviens de cet endroit. On venait parfois avec des amis après une session de surf sur la côte a quelques kilomètres d'ici. Les serveurs et le patron était adorable et surtout ils servaient le meilleur steak tartare du monde. Mes papilles en salivent rien qu'au souvenir du goût de la viande crue savamment préparé en cuisine, mélanger aux épices et accompagner de pomme frites. Mon estomac grogne à la simple idée d'un repas, autant dire que le bruit pourrait devenir assourdissant alors que je pense à ce plat que j'aimais tant. Ce n'est pas courant de manger de la viande crue, mais préparer de cette manière. Non vraiment je pourrais y manger à même le sol, sur la tête d'un pouilleux même (d'un zombie en l'occurrence). Ma faim est si immense que je pourrais accepter n'importe quel type de viande crue à l'heure qu'il est. Je me ficherais bien des risques de maladie et autre tant que j'aurais un peu de viande à me mettre sous la dent. Je salive à nouveau, tenté de calmer mes ardeurs, mais l'idée de viande fraîche ne quitte en rien mon esprit. J'ai faim. Cruellement faim. Je ne me rappelle plus la dernière fois où j'ai mangé quelque chose de décent et si la disette continue je crois que c'est une autre sorte de viande crue que je vais avaler. Des cadavres il y a de partout sur mon chemin. Il me suffira d'imaginer mon steak tartare à la place. Cela reste de la viande après tout... Non ?

Je me fais brusquement sortir de ma rêvasserie lorsque j'entends du bruit dans une bâtisse non loin. Comme des bouteilles qui tintent entre elles. Je devrais partir dans la direction inverse, mais ma curiosité l'emporte, lorsque je passe la porte du bar. L'endroit est plongé dans l'obscurité à moitié. Il me faudra que quelques secondes pour remarquer un sac à dos au sol. Une de plus pour apercevoir la silhouette dans le fond, arme à la main. « Je vais pas te faire de mal. » que je murmure. Je ne cherche à piller personne, je ne l'ai jamais fait en cinq ans. « J'ai juste faim... Et soif... »

@noa jacobs

Ca fait une semaine que j’suis toute seule. Enfin, une semaine, ca fait peut être plus que ça, j’en sais rien, j’ai plus de notion du temps, j’suis même pas sure de dormir suffisamment assez depuis que Greg est plus avec moi. Depuis que j’ai vu le lieutenant mourir sous mes yeux. Doowap avait essayé de le sauvé mais j’ai été obligé de le trainer avec moi, il ne voulait pas, il se débattait et le chien a bien failli m’crever un œil. J’ai d’ailleurs une belle griffure juste au-dessus de ma paupière. On était tous les deux maintenant et heureusement qu’il était là. On pleurait ensemble et on jouait ensemble. Doowap sentait dès que j’avais un coup d’blues, il venait vers moi pour poser sa patte sur ma jambe ou sur mon bras et il grognait pour me dire : c’est pas l’moment d’baisser les bras Noa. Moi j’suis là et ca va aller. J’aurai jamais pensé m’attacher autant à un animal mais cette boule de poil, c’est juste le meilleur. Il était toujours là et c’est bien grâce à lui que j’suis encore là aujourd’hui. Il m’a sauvé la vie une paire de fois, il nous a sauvé la vie avec Greg, mais la fois dernière ni lui ni moi n’avait pu y faire quoi que ce soit. On avait été pris par surprise en ouvrant la porte de ce garage, on cherchait juste de quoi mettre un peu d’essence dans la voiture et ce connard de zombi lui était littéralement tombé dessus, tombé de nulle part. Comme si quelqu’un avait voulu tendre un piège… mais qui peut faire ça. Greg s’était pris l’équivalent de 60 kilo de viande pourrie et n’avait pas pu esquiver la morsure… Il m’avait supplié de partir, supplié de prendre Doowap avec moi, supplier de m’éloigner le plus possible. J’voulais pas, j’voulais pas l’quitter… après un dernier baiser échangé, je m’étais éloigné avec son chien dans les bras. Le coup de révolver qui avait retenti ensuite m’avait glacé le sang. Je n’y étais pas retournée, mais j’avais depuis, un manque énorme et le cœur brisé.
Avec Doowap, dès qu’on pouvait s’accorder un moment tranquille, dès qu’on pouvait se réfugier quelques part, on en profitait. On était entré dans ce bar, j’étais pas sûre de pouvoir y trouver quelques choses d’intéressant mais si au moins j’pouvais donner un peu d’eau à mon chien, si au moins j’lui trouvait une petite friandise…
Je fouille partout, dans les placards, les tiroirs, la réserve. J’me doute bien qu’on doit être une bonne centaine à être passé par ici pour tout fouiller parce qu’il y a plus rien… « Ca va aller Doowap. » j’lui donne une caresse sur la tête et continue quand même ma quête. Il fouille lui aussi, il renifle partout, il a du flair, on sait jamais. Puis j’ai l’impression d’voir un papier violet, c’est violet et vert et c’est par terre, caché sous des bouts de briques brisées. J’me penche et j’en reviens pas de voir une barre chocolatée. J’regarde même pas la date, j’m’en fou. « Eh bébé ! » que j’lui dis en agitant la friandise, il s’approche de moi, remuant la queue. « C’est pour qui ça ? » pour lui, pour moi, on allait partager et quand j’m’apprête à lui donner, je m’arrête. « Mais c’est du chocolat… » c’est pas bon pour les chiens. Il me regarde l’air de dire que j’me fou d’sa gueule. Ca m’fait sourire. « t’as raison… on est pas à ça près. » c’est pas un croc qui allait lui faire du mal, alors j’lui donne et j’mange le reste. « ca fait du bien hein ! » il fait un tour sur lui et va se coucher, comme si la digestion allait être difficile.
J’poursuis ma quête et j’ouvre une porte qui a du mal, je force un peu et fini par y arriver. J’vois une caverne d’alibaba. Des bouteilles d’alcool encore pleine –a moitié ok… - du whisky, du rhum… jour de fête ou bien ? J’sors les bouteilles, ca les fait claquer entre elle mais c’est pas grave. Doowap commence à grogner. J’m’arrête de faire du bruit. « y a quelqu’un ? » il se lève, reste sur ses gardes. « Je vais pas te faire de mal. » je sors mon arme, la pointe vers lui. « Tu veux quoi ? » Doowap montre les crocs mais il bouge pas… en général, s’il se montre pas plus offensif, c’est qu’il y a pas beaucoup de craintes à avoir. « J'ai juste faim... Et soif... » je garde mon arme pointée sur lui, on sait jamais, Doowap reste à sa place, il grogne moins. « Tu t’appelles comment ? T’es tout seul ? tu fais quoi ? »

Je pensais avoir rêvé lorsque j’ai entendu le bruit des bouteilles qui tintent. Cela aurait pu être un puant isolé qui s’est perdu dans un bâtiment, un animal errant ou je ne sais quoi. C’est surtout le signe d’un danger dans un monde comme le nôtre. Et pourtant, c’est tête baissée que je me dirige vers l’endroit. Ma jambe me fait atrocement mal et surtout, j’ai vraiment très faim. S’il s’agit d’un humain, peut-être que l’on pourra me donner un coup de main. C’est devenu rare les survivants qui s’entraident, mais parfois, il faut garder encore un peu d’espoir. Je pénètre dans la bâtisse, mon couteau à la main. J’ai un flingue caché à la ceinture, mais je ne veux pas m’en servir pour le moment. On verra bien. Je suis à moitié foutu de toute manière, plus personne qui ne m’attends quelque part. Je n’ai plus rien à perdre. Si ce n’est pas ce qui se trouve à l’intérieur qui me tuera, ce sera la faim ou la soif.

Il faudra quelques secondes à mes yeux pour s’habituer à le semi-obscurité de l’endroit et pour finir par distinguer la silhouette d’un animal. Un chien. Il grogne contre moi ce qui prévient alors sa maîtresse. « Y a quelqu’un ? » De suite, je lève les mains en l’air. Elle a un flingue, c’est elle qui gagne d’office. Je commence une prière mentale pour qu’elle ne me tire pas dessus aveuglément. Je lui explique brièvement la raison de ma présence ici, espérant trouver grâce à ses yeux. « Tu t’appelles comment ? T’es tout seul ? tu fais quoi ? » Les questions affluent toutes plus légitimes les unes que les autres. Elle semble être seule elle aussi. Ça ne doit pas être facile en tant que femme, il y en a qui doivent en profiter, les pervers de l’ancien temps, ceux qui à l’époque de la civilisation pensaient déjà que les femmes étaient des êtres inférieurs. Elle semble forte, usée par l’apocalypse. Je lui offre un sourire timide, je ne lui ferais rien. « Je m’appelle Bailey. » que je lui annonce en baissant mes mains petit à petit. « Je suis tout seul, j’ai atterri ici en fuyant un groupe de zombie. » Je vois son visage qui se ferme. « Ils sont loin maintenant, j’ai couru longtemps. » que je lui affirme alors que je me redresse un peu. « Je cherchais juste de la nourriture et j’ai entendu du bruit. » dis-je doucement. « J’ai mal à la jambe, j’ai juste besoin de me reposer. » Laisse-moi en vie, par pitié.

J’avais jamais maniée une arme à feu avant de connaitre Greg, avant qu’il m’apprenne précisément comment les utiliser, comment viser, comment se protéger. Faire attention au recul, bien saisir l’arme fermement et éviter de louper sa cible. Je pouvais dire maintenant que j’étais aussi forte que lui et j’allais bien lui rendre hommage si j’avais besoin de m’en servir. Jamais contre des humains ou alors, viser la jambe, un bras, juste pour affaiblir, pour faire peur, pour s’en sortir si besoin… Mais Greg m’avait toujours bien expliqué comment faire pour être sûre de ne pas toucher un organe vital, ma hantise, mais jusqu’ici je n’avais en réalité jamais eu besoin de m’en servir, le laissant faire le sale travail. Je n’avais par contre aucune pitié à mettre une balle en pleine tête à ces cadavres ambulants.
J’ai toujours peur quand je vois quelqu’un que je ne connais pas, un inconnu qui se pointe comme ça, j’en sais rien si il est vraiment seul, je connais pas ses intentions. Il s’appelle Bailey, il a fui un groupe de zombi et j’espère sincèrement qu’il n’en a pas rameuté ici parce qu’il me reste trois balles dans le flingue et j’ai pas l’intention d’en gâcher une seule « Ils sont loin maintenant, j’ai couru longtemps. » Il a interet, je reste sur la défensive, mon arme pointée vers lui, il m’en faudra un peu plus pour baisser ma garde.  « Je cherchais juste de la nourriture et j’ai entendu du bruit. J’ai mal à la jambe, j’ai juste besoin de me reposer. » je relève la tête pour voir un peu plus bas, c’est flou, c’est noire mais j’vois bien qu’un truc va pas et qu’il doit avoir bien mal. « Qu’est ce qui t’es arrivé ? » autrement dit : est ce qu’on putain de zombi t’a bouffé la jambes ? « Vas te mettre par là. » j’indique la direction avec mon flingue, à droite dans le fond. Doowap ne le quitte pas des yeux. « J’ai rien trouvé à manger ici. » j’le préviens, mais on sait jamais, si y a un truc qui s’cache encore quelques part. Il a qu’à fouiller. « Cherche, si tu trouve, tu partages ! et gruges pas, j’ai un chien qui a un sacré flair… »

Tout se dont j’avais besoin, c’est un endroit pour m’abriter. Je cours depuis ce qui me semble être des jours. La douleur à ma jambe se fait de plus en plus lancinant et mon corps ne cesse de lutter contre la fatigue. S’endormir seul à l’extérieur, c’est être à la merci des zombies. Je ne suis pas encore prêt à abandonner, je veux me battre. J’ai espoir de croire qu’un jour l’avenir sera un peu meilleur. Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi, mais j’ose espérer que les choses changeront. Pas pour revenir à une ancienne normale, mais plutôt pour créer quelque chose de complètement différent. Je crois que mon esprit divague alors que je devrais me concentrer sur la jeune femme qui est en train de pointer une arme sur moi. Je tente de me dédouaner, cherchant toutes les excuses du monde. Elle ne semble pas l’entendre de cette oreille la jeune femme. « Qu’est-ce qui t’es arrivé ? » Bien sûr qu’elle se méfie alors que je suis blessé, tout le monde le serait à sa place. « En voulant échapper à une horde, je me suis emmêlé dans des barbelés. » Rien que le souvenir ravive une douleur vive. « Je me suis ouvert à plusieurs endroits. » Tout le long de la jambe et l’odeur du sang ne cessait de rameuter les puants vers moi. « Ça ne saigne plus depuis longtemps, mais j’ai pas vraiment des compresses sous la main. » Je n’ose pas enlever mon pantalon pour voir a quoi cela ressemble. « J’ai pas été mordu, je te jure. » Je me serais déjà tiré une balle dans la tête si cela avait été le cas.

« Vas te mettre par là. » J’obéis docilement alors que son chien ne me lâche pas d’une semelle. Épuisé, je me laisse tomber le long du mur et ferme les yeux un instant. « J’ai rien trouvé à manger ici. Cherche, si tu trouves, tu partages ! et gruges pas, j’ai un chien qui a un sacré flair… » Un sourire se dessine sur mes lèvres. « Je chercherais plus tard alors. » Parce que je n’ai plus la force de rien et que la présence d’un autre être humain me rassure plus que de raison. « Tu partages une de tes bouteilles ? » que je demande en pointant son butin du doigt. À défaut de pouvoir se nourrir autant chercher à s’anesthésier l’âme. « Comment tu t’appelles au fait ? » Je lui ai donné cette information, il serait bien que la connaisse en retour. « T’es seule avec ton chien ? » Elle a au moins un compagnon, c’est certains.

« En voulant échapper à une horde, je me suis emmêlé dans des barbelés. »Il faut que j’aille voir ça de plus proche, entre des barbelés et des morsures, je saurais rapidement faire la différences. Je faisais un pas en avant, puis un autre, tentant d’observer au loin mais il était pas assez proche encore. « Je me suis ouvert à plusieurs endroits. Ça ne saigne plus depuis longtemps, mais j’ai pas vraiment des compresses sous la main.» par contre, oui, je voyais bien que son pantalon était couvert de sang et que d’ici je sentais l’odeur du fer séché sur ses vêtements. « J’ai pas été mordu, je te jure. » on peut jurer tout c’qu’on veut, moi, je ne crois que c’que j’vois. Je m’approche cette fois ci réellement de lui alors qu’il a l’air complètement épuisé, j’ai l’impression qu’il pourra pas me faire grand mal. Doowap a l’air de baisser sa garde aussi, peut être qu’il se dit qu’il pouvait lui laisser une chance, j’échange un regard complice avec mon chien et lui adresse une caresse comme pour valider. « Tu partages une de tes bouteilles ? » c’est surement ça qui l’avait attiré par ici, tien. Je regardais mes bouteilles posées sur le comptoir poussiéreux et en saisi une afin d’aller m’assoir à côté – en respectant une distance de sécurité quand meme – j’en profitais pour observer sa jambes. « Va falloir que tu retire ton pantalon. » et qu’il y voit là aucune invitation. « On va sacrifier un peu l’alcool pour nettoyer ça… » et j’allais vraiment pouvoir m’assurer qu’il disait juste sur l’origine de ses blessures. « Comment tu t’appelles au fait ? » j’ouvrais la bouteille d’alcool avant de lui répondre, j’avais rien à perdre à lui dire comment je m’appelais de toutes façons. « Noa. » j’apporte le goulot à ma bouche et prend une première gorgée, mes yeux se ferment par reflexe, c’est fort, très fort même. « Eh ben… » je tends la bouteille vers Bailey pour qu’il boive à son tour. « T’es seule avec ton chien ? » d’un signe de tête je lui répondais. « Hm. » et sa question me pinça le cœur, parce que j’avais jamais réellement dit que j’étais seule, parce que j’avais toujours eu Greg avec moi pour dire qu’on formait une vraie équipe, la meilleure. « Mon petit ami est mort, y a pas longtemps… c’est son chien. Doowap. » et l’animal vint poser sa tête sur mon genou avec un petit air triste, ayant bien compris de quoi je voulais parler. Je lui donnais une caresse en réconfort, heureusement qu’on était là l’un pour l’autre. « Et toi ? » même s’il m’avait déjà dit qu’il était seul, ma question, ca voulait aussi dire : t’as perdu qui ?

Je me doute que de voir arriver un homme blessé, ne lui donne absolument pas confiance. Je traîne la jambe et avec mon pantalon on ne voit pas grand chose. Il est clair que je pourrais tout à fait lui dissimuler une morsure. Je ne peux pas lui en vouloir de se méfier autant. Pourtant, je vois sur son visage, que la jeune femme n'est en rien agressive. Bien au contraire, elle cherche simplement a se protéger. Dans ce monde dingue tout le monde est devenu suspect. Je devrais me méfier, mais quelque chose dans son regard, me fais comprendre qu'en rien elle ne cherche à se battre. Elle tente de survivre, tout simplement. « Va falloir que tu retire ton pantalon. » Je retiens un rire. Cette phrase pourrait être tendancieuse, si le monde ne s'était pas arrêté de tourner, si les morts le restait. Elle veut vérifier la plaie et je grimace déjà à l'idée de retirer le tissus qui a déjà coller à ma blessure. Ca va faire mal. Heureusement, la jeune femme à trouver de l'alcool. Plutôt pratique dans un bar. Il faut croire que cela nous sera utile. Assis chacun dans un coin, une bonne distance entre nous, je sens mon souffle qui s'apaise encore un peu. « On va sacrifier un peu l’alcool pour nettoyer ça… » « Le tissu a coller à ma peau, je risque d'hurler. » Je ne suis pas une chochotte, mais cela sera douloureux je le sais. Peut-être que l'alcool aidera d'avantage lorsque Noa me tends la bouteille. « Merci Noa. » Je lui souris un peu alors que c'est la tristesse qui vient se dépeindre sur ses traits. « Mon petit ami est mort, y a pas longtemps… C’est son chien. Doowap. » « Je suis désolé. » Je grimace à l'alcool qui se fraye un chemin le long de ma trachée. Et bien entendu elle retourne la question.  [color=#336666]« J'ai perdu ma femme il y a quelques semaines ou mois... Je sais plus vraiment. » Les jours se confondent depuis que je erre seul dans cette ville. Je préfère ne pas penser à Jill et me relève quelque peu pour commencer à défaire ma ceinture et les boutons de mon pantalon. Je tire un peu sur le tissus et me mords la lèvre alors que peu à peu la blessure apparaît. « C'est vilain? » Ca doit l'être depuis le temps que je me coltine cette blessure qui n'a jamais été nettoyée ou même soignée. « Pas de morsure tu vois... » Mais une belle déchirure profonde qui semble légèrement infecté. « Je vais boire encore un peu. » Une gorgée ne fera pas de mal alors qu'elle va sûrement vouloir toucher a tout cela.

« Le tissu a coller à ma peau, je risque d'hurler. » Je grimaçais, je compatissais même mais en réalité, je lui donnais pas le choix. Il allait hurler, j’allais l’aider à aller mieux ensuite, mais en attendant, moi, j’avais besoin de certitude, j’avais besoin de voir l’état de sa jambe pour voir s’il disait vrai ou non. J’étais désolée de ne plus faire confiance en personne, de nature à justement croire n’importe qui, j’avais bien changé depuis le début de toute cette merde. La vie était devenue si compliqué que la seule personne que je pouvais croire sur parole, c’était Greg. Et Greg n’était plus là.
J’lui donnais la bouteille, peut être que l’alcool allait anesthésier un peu tout ça, il était pas obligé de retirer son pantalon tout de suite, s’il préférait se souler jusqu’à ne plus rien ressentir, que bon lui soit, il y avait encore deux bouteilles derrières le bar, on pouvait tout vider. Il fallait juste en garder un peu pour désinfecter sa plaie, si c’était possible. J’ose même pas imaginer la tête qu’elle a et surtout si elle a séché, elle va être de nouveau ouverte après avoir retiré le tissu avec lequel elle ne faisait plus qu’un. Je sais que les plaie peuvent faire mal, j’me plaignais d’une petite blessure faite avec un couteau en coupant des tomates mais je n’avais jamais imaginé la douleur qu’on pouvait ressentir en recevant une balle dans l’épaule. Heureusement que Greg avait pris soin de moi, qu’il maitrisait quelques notions de premier secours, sans doute indispensable quand on est lieutenant… il avait retiré la balle, soigné ma plaie jour après jour, j’avais eu beaucoup de chance. Aujourd’hui, je ne portais plus qu’une cicatrice, assez moche d’ailleurs…
« J'ai perdu ma femme il y a quelques semaines ou mois... Je sais plus vraiment. » on a tous perdu la notion du temps ici. « J’suis désolée aussi… » et c’était sincère. On était pas marié avec Greg, mais j’imagine que c’était aussi fort comme relation. « Bon ! » c’était pas une bonne idée de penser à tout ça, de penser à eux, j’suis désolée de dire ça mais j’préférais me rappeler de mes souvenirs quand j’étais seule, pleurer quand j’étais seule, parce que finalement, avec quelqu’un d’autre, j’trouve ca encore plus dur. Se retenir, c’est pas évident, alors que quand y a plus personne, j’peux tout lâcher.
Je lui lance un regard vers sa jambe, il est temps de passer à l’action. Mes yeux le suivent alors qu’il se relève pour retirer sa ceinture et baisser doucement son pantalon. Le pauvre, sa peau s’arrache à mesure que son pantalon descend, j’le trouve bien courageux pour le coup. Je grimace, c’est dégueulasse mais je confirme, ca n’a rien d’une morsure. J’suis quand même soulagée. « C'est vilain? » c’est pire que vilain. J’me lève pour aller prendre une bouteille sur le comptoir, un vieux Cointreau qui a surement aucun gout… ca fera l’affaire. « Pas de morsure tu vois... » «Tu m’fais économiser une balle, tant mieux. » et j’étais serieuse, j’aurai pas cherché à comprendre si non, j’lui aurai tiré une balle entre les deux yeux sans lui laisser le temps de se transformer en zombi puant. « Fais gaffe… » j’ouvre la bouteille et verse l’alcool directement sur la plaie. « Ca doit piquer. » j’lui tend le pull que j’avais entouré autour de ma taille pour qu’il ai un truc dans quoi mordre si ca pouvait lui faire du bien. « Bouge pas. » j’allais chercher mon sac pour aller fouiller dedans et en sortir une écharpe presque propre. Ca servait toujours le tissu de ce genre, j’avais toujours pris soin de l’enfermer dans un sac plastique pour essayer de la maintenir hors de la crasse. Ca faisait le taf pour nettoyer une plaie, pour panser aussi. Je reviens vers lui, pose l’echarpe sur sa jambe et nettoie doucement. « Tu t’es pas loupé. » je verse encore un peu plus d’alcool et poursuit mon soin, au moins, le sang dégageait et on y voyait déjà un peu plus claire. « faut laisser ça a l’air libre… »

Ce n'est jamais simple que de se remémorer ceux qui sont parti. Encore plus lorsque ce monde devenu dingue nous bouffe toute notre énergie constamment. On oublie parfois, la douleur, le manque tant on doit se concentrer à chaque jours qui passe sur notre survie. Je ne saurais donner une date précise où j'ai perdu Jill. Cela me semblait être hier comme il y a une éternité. Elle n'est plus à mes côtés et depuis survivre ne semble plus aussi important. C'est sans doute pour cela que je ne cesse de flirter avec le danger. S'approcher un peu trop près d'une bande de zombie, les attirer en faisant du bruit, se prendre un shot d'adrénaline et finir coincé dans des barbelés quand une fois le délire passer, j'ai réalisé que je ne voulais absolument pas finir comme eux. Aujourd'hui je regrette mon action passé lorsque ma peau s'arrache au fur et à mesure que je baisse mon pantalon. Elle retient une grimace Noa et je comprends que ce qui se passe sur ma cuisse ne doit pas être très beau à voir. Au moins, je lui confirme que ce n'est en rien une morsure. « Tu m’fais économiser une balle, tant mieux. » Les choses ont le mérite d'être clair entre nous. On passera probablement la soirée ensemble, pour se tenir compagnie, pour nous permettre de se reposer à tour de rôle, mais à la moindre entourloupe on tire. Ce sont les seules véritable règles qui prime dans un monde comme le nôtre désormais. Elle a récupérer une bouteille et voilà qu'elle se transforme en infirmière. « Fais gaffe… » Pas le temps de respirer que je déjà je sens l'alcool couler dans la blessure et me brûler les chairs. « Ca doit piquer. » « Non, non si peu. » que je tente d'ironiser alors qu'en réalité, je me mords la lèvre avec force tant la douleur transcende. Son pull trouve rapidement une place entre mes dents pour étouffer le cri qui manque de m'échapper, ce n'est pas le moment de se faire repérer. Je ne pourrais pas vraiment courir très loin avec le pantalon aux chevilles. Au moins, la brunette nettoie le tout avec précaution et je dois dire que cela soulage véritablement. « Merci. » que je murmure alors que je prends un peu plus appui sur le mur pour soulager ma jambe blessée. « Tu t’es pas loupé. » Un léger rire m'échappe. « C'était passer au travers des barbelés ou finir comme eux. » Autant dire que le choix était vite fait. « Puis c'était assez drôle de les voirs rester coincé là-dedans. » Oui on s'amuse comme on peut dans un monde comme le nôtre. Je reprends une gorgée de whisky passé d'âge pour rincer un peu la douleur. Je n'ai pas bu d'alcool depuis ce qui me paraît être une éternité et avec le ventre vide cela risque de rapidement me monter à la tête. « Faut laisser ça a l’air libre… » Ce sera donc une soirée avec le pantalon sur les chevilles, très classe devant une demoiselle. « Ca tombe bien je comptais pas bouger pour le reste de la soirée. » que je tente de plaisanter, malgré la fatigue et la douleur. « Vous restez? » que je lui demande alors que son chien ose enfin s'approcher de moi pour me sentir sous toutes les coutures. « Un peu de compagnie ne me ferais pas de mal. » Juste le temps d'une soirée, au moins.

J’essai de m’appliquer, de pas lui faire déjà plus mal que la douleur de la blessure elle-même peut le heurter. J’ai mal pour lui en réalité et j’ai aussi un peu peur que ça devienne de pire en pire et que ca devienne un réel handicap pour lui. On est plus du tout dans les mêmes conditions sanitaire qu’il y a cinq ans, on sait même plus ce que ça fait de prendre une douche bien chaude tous les jours. On sait même plus ce que c’est que l’odeur du linge propre, l’odeur de la lessive. Quand on trouve un bout de savon dans un coin, c’est le bonheur absolu. Mon rêve c’était de tomber sur un parfum Chanel ou Dior et je pouvoir le sentir encore et encore. Je sais même plus l’odeur que ça a, mais je sais juste que ca sent bien meilleur que l’odeur que je porte au quotidien sur mes vêtements. On fait même plus attention à ca non plus, mais on voit quand même la crasse qui s’accumule, sur la peau, sous les ongles, dans les cheveux…
« C'était passer au travers des barbelés ou finir comme eux. » c’est vrai, le choix est vite fait… « Puis c'était assez drôle de les voir rester coincé là-dedans. » « La satisfaction… » je vois ce qu’il veut dire, quand on les voit s’autodétruire, c’est quand même la plus belle image qu’on puisse avoir sous les yeux.
J’crois que ça m’fait du bien de voir une nouvelle tête, de voir quelqu’un avec qui échanger, parce que j’ai beau adoré Doowap, il a beau me faire du bien chaque jour en étant avec moi, il lui manque un truc sacrément important : la parole. Même si ses yeux veulent tout dire, même si il est hyper expressif, désolée Doowap, mais si tu pouvais parler, ce serait juste parfait. « Ca tombe bien je comptais pas bouger pour le reste de la soirée. » je souris, et acquiesce, comme si je lui donnais le droit de rester là, parce que moi non plus, j’avais pas idée de partir ce soir. On avait besoin de repos et on allait loger ici pour la nuit. « Vous restez? » « Ouais, j’ai pas la force de bouger ailleurs et d’ailleurs, ce serait même plus raisonnable si tu restais là quelques jours ! » et peut être bien qu’on allait élire domicile ici aussi. C’est un peu crade, mais c’est crade partout de toutes façons. « J’irai faire un tour à l’étage. » qui sait ce qu’on peut y trouver, j’avais pas eu le temps de faire tout le tour du proprio. « Un peu de compagnie ne me ferais pas de mal. » « et à moi non plus ! » et je vois bien le petit regard de Doowap qui me demande si lui il compterait pas pour du beurre. « T’es la meilleure compagnie toi, t’en fais pas ! » que j’dis en caressant le haut de sa tête. Ca a l’air de lui suffire. « Bon, aller, partage ! » je lance à Bailey en me penchant vers lui pour piquer la bouteille dans ses mains. Sa plaie est à peu près propre, à peu près. J’ai bien l’impression que Doowap se cherche aussi un nouveau compagnon de route. « Fais gaffe toi, t’as pas intérêt à m’faire des infidélités. » il me calcule même plus tien. C’est bon, il a l’air de faire confiance à Bailey, c’est bon signe. « C’est quoi le plan ? Continuer à essayer de s’en sortir alors qu’on sait pertinement qu’il y a plus de sens à rester vivant dans c’monde ? »

Ma blessure enfin nettoyée, j’aperçois à quel point ma cuisse a été lacérer par les barbelés. Grâce à Noa, il semblerait que cela puisse un peu mieux guérir même si pour cela, je dois rester en caleçon. Aucun de nous deux semble vouloir bouger pour le moment après tout. À deux, je sais que l’on pourra mieux se défendre et pour la première fois depuis des semaines, je baisse un peu ma garde. « Ouais, j’ai pas la force de bouger ailleurs et d’ailleurs, ce serait même plus raisonnable si tu restais là quelques jours ! » Je retiens un léger rire face à ses recommandations. « C’est dangereux de rester au même endroit plusieurs jours. » C’est bien quelque chose que j’ai appris en vivant dans ce monde de dingue. « A moins qu’on trouve une cave. » On est bien trop à découvert dans ce bar dont la porte ne ferme presque plus. Il faudrait trouver un endroit où se barricader complètement pour pouvoir se sentir légèrement en sécurité et pourquoi pas dormir un peu. Je n’ai pas eu une véritable nuit de sommeil depuis ce qui me semble être une éternité. « J’irai faire un tour à l’étage. » « Je te laisse faire, pas trop envie de monter des escaliers. » Je crois que ce sera un peu trop douloureux. « Peut-être qu’il y a une chambre là-haut. » Il faut espérer que le propriétaire avait aménager un appartement au-dessus de son lieu de travail et l’endroit pourrait se transformer en un lieu idéal pour une guérison.

On s’accorde sur le fait que l’on aurait bien besoin de compagnie tous les deux même si Doowap lui ne semble pas très heureux à l’idée de devoir partager la compagnie de sa maîtresse. « T’es la meilleure compagnie toi, t’en fais pas ! » Les voir aussi complice me fait penser à mon propre chien que j’ai perdu au tout début de l’Apocalypse. Je gratte la tête de l’animal qui semble s’être fait à ma présence désormais. « Fais gaffe toi, t’as pas intérêt à m’faire des infidélités. » Je ris à nouveau. « Il me disait juste qu’il était okay pour que je reste. » Une nouvelle fois, je gratte l’oreille du chien avant de reprendre une gorgée de l’alcool fort que nous avons à disposition. C’est tout ce qui pourra égayer un peu notre soirée même si boire à outrance semble déconseiller tant cela pourrait altérer nos gestes et nos réactions.

« C’est quoi le plan ? Continuer à essayer de s’en sortir alors qu’on sait pertinemment qu’il y a plus de sens à rester vivant dans c’monde ? » Une nouvelle gorgée est nécessaire tant, la réflexion de la jeune femme me déprime. « C’est instinctif de vouloir survivre. » C’est en tout cas ce que je pense alors que je me tiens devant elle, encore vivant, quand toutes les épreuves que j’ai traversées aurait pu me détruire pour de bons. « Peut-être que naïvement, on espère un retour à ce que l’on connaissait avant. » Des fois, j’y pense encore, au monde d’avant. On pensait avoir des problèmes alors qu’en réalité, on vivait la meilleure des vies. Je bois une nouvelle gorgée, commençant à sentir les effets de l’alcool sur ma personne. « Tu penses encore au monde d’avant ? » que je lui demande alors bêtement. « A ce qu’on pensait être de vrai problème et qui sonne si dérisoire désormais ? On était si con. » que je ricane.

« C’est dangereux de rester au même endroit plusieurs jours. » Il a pas tord, enfin, c’est surtout qu’ici, c’est pas très safe et à en voir l’état du bar, y a clairement eu beaucoup de passage dans le coin. Tout comme les pharmacies, les commerces en tout genre, dès qu’on a l’impression qu’on peut y trouver quelques chose d’intéressant, on y fonce, même si on se dit qu’il y a surement milles personnes qui sont passées avant nous. C’est juste un réflexe, alors y a bien quelqu’un qui passera pas ici après nous. Mais, j’étais juste épuisée… « A moins qu’on trouve une cave. » faut que j’aille faire le tour de l’immeuble, peut être que je trouverai une cave, un grenier, un cellier, un endroit plus safe, une porte dérobée, une bibliothèque qui cache une autre pièce, qui sait… j’ai jamais vu ça jusqu’à présent mais, on l’voit dans les films, y a bien quelqu’un qui a su s’en inspirer dans cette ville non ? « Je te laisse faire, pas trop envie de monter des escaliers. » je jette un œil à sa jambe et je grimace, j’vais pas lui faire faire d’autres efforts inutiles. « Peut-être qu’il y a une chambre là-haut. » Une chambre ou une pièce cachée derrière une bibliothèque (pitié) « t’as un flingue ? » parce que j’suis prête à lui laisser mon arme le temps que j’m’absente et je prends Doowap avec moi. C’est un risque qu’il se retourne contre moi, après tout, même si j’le sens plutôt bien, j’sais pas le réel fond de sa pensée.
Doowap fait copain copain avec Bailey, ca fait longtemps que lui aussi, il a pas eu une autre compagnie que la mienne et peut être qu’il en a marre de mon odeur, peut être qu’il a besoin d’aller gratter l’amitié vers quelqu’un qui lui donnera en cachette un bout de gâteau ou j’sais pas quoi. Il est pas malheureux avec moi, mais c’est bien connu, les inconnus sont toujours un peu moins avares de caresses et de petites surprises. « Il me disait juste qu’il était okay pour que je reste. » impeccable alors ! « Si il valide, c’est ok pour de bon ! » de toutes façons, si Doowap se serait pas calmé, s’il continuait à grogner dessus, j’aurai senti quelques chose de vraiment louche et j’aurai même pas cherché à comprendre s’il avait mal au pas, j’l’aurai viré directement d’ici.
« C’est instinctif de vouloir survivre. » qu’il est con cet instinct quand même ! « Peut-être que naïvement, on espère un retour à ce que l’on connaissait avant. » « je l’espère si fort… » c’est vrai, je rêve de voir des hélicoptère débarquer de partout, un produit qui tombe du ciel et qui défonce absolument tout ces cadavres ambulants de partout, qui nous épargne hein, bien sure. Mais que tout ça ne doit plus qu’un mauvais souvenir. « Tu penses encore au monde d’avant ? A ce qu’on pensait être de vrai problème et qui sonne si dérisoire désormais ? On était si con. » donne-moi ta bouteille Bailey, que le pense fort en tendant le bras pour lui dérober de ses mains et prendre une gorgée, c’est chaud, ca fait du bien. « Y a pas une journée où j’y pense pas ! » pas une journée où j’ai envie de retourner chez moi, d’aller à l’association Beauregard, d’aller chez Isaac, chez Greg, de retourner voir Dimitri à DreamWorld, de continuer à me demander si j’ai fais les bons choix dans ma vie. « J’me plaignais toujours quand ma coloc remettait un fond de lait dans l’frigo…. Et comme une con, au lieu d’le boire moi-même, j’le vidais toujours dans l’évier pour jeter la bouteille. Aujourd’hui, j’donnerai tout pour une goutte de lait ! » je sais même plus quel gout ça a, le lait.
Je sens mon corps se détendre à mesure que l’alcool coulait dans ma gorge et s’infiltrait dans mes veines. J’ai l’impression qu’on avait bu les trois quart de la bouteille en quelques dizaines de minutes. « Ca t’fais encore mal ? » je pointe sa jambe avec mon menton. « J’sais pas si y a encore une bouteille qui traine… » je pose mes mains au sol pour me donner une impulsion pour réussir à me lever mais je perds l’équilibre et me retrouve presque face contre terre, juste à côté de Bailey. C’était moins une parce que j’aurai pu m’éclater sur sa jambe et pour le coup, il aurait eu très mal. Je relève les yeux et j’ai l’impression de voir la peur dans son visage, la peur pour sa jambe. Ca m’fait rire. Beaucoup rire.

« T’as un flingue ? » Je hoche la tête et me penche vers mes boots pour lui cacher l’arme de poing que je cache là-dessous. En plus d’un couteau et d’un poing américain dans la poche de mon pantalon. Et un autre flingue bien cacher au fond de mon sac à dos. « Je suis bien armé. » que je plaisante un peu, mais c’est devenu obligatoire dans notre monde. Je range à nouveau mes munitions et tente de faire ami-ami avec le chien de la demoiselle. Il ne semble pas trop sauvage, bien au contraire et c’est un sourire qui se dessine sur mes lèvres lorsqu’il me laisse le caresser doucement. Je suis crois que j’ai été adopté et on va peut-être pouvoir partager une soirée ensemble.

On ne cesse d’échanger notre bouteille, maigre butin quand en réalité mon estomac crie famine, tout en se remémorant des éléments du passé. Cette vie d’avant qui nous semble être devenu qu’un simple rêve désormais. Les esprits les plus naïfs pensent encore à un possible retour en arrière. « Je l’espère si fort… » Noa semble en faire partie. Je ne vais pas lui en vouloir lorsque je pense encore si souvent à ma vie passée. « Y a pas une journée où j’y pense pas ! » « Je comprends. » Et une nouvelle gorgée d’alcool pour tenter de ne plus trop penser à tout cela. « J’me plaignais toujours quand ma coloc remettait un fond de lait dans l’frigo…. Et comme une con, au lieu d’le boire moi-même, j’le vidais toujours dans l’évier pour jeter la bouteille. Aujourd’hui, j’donnerai tout pour une goutte de lait ! » Un léger rire m’échappe, il est vrai que l’on avait tous pour habitude de se plaindre d’un rien, alors que désormais on donnerait tout pour retrouver nos problèmes d’avant. « Je donnerai tout pour retrouver mes problèmes d’avant. Tu sais… Ceux qui nous paraissaient insurmontables et qui aujourd’hui nous paraissent vraiment dérisoire. » Je hausse les épaules et récupère une nouvelle fois la bouteille.

On enchaîne les échanges comme cela au fur et à mesure que la bouteille descend et que nos esprits s’embrument. « Ça t’fais encore mal ? » Je secoue la tête pour dire non et montre la bouteille entre mes doigts. « Ça aide bien. » et je me mets à rire un peu bêtement alors que Noa cherche à se relever. Elle perd l’équilibre et me tombe dessus, à quelques centimètres de ma jambe blessée. « T’as failli me tuer. » que je balbutie les yeux écarquillé.

Elle reste proche de moi, Noa et je me perds complètement dans ses prunelles brunes. « T’es belle. » que je murmure doucement alors que lentement ma main se lève pour venir toucher sa joue. Je crois que c’est le manque de contact humain mélanger à l’alcool qui prends le contrôle de mon esprit. Finalement, mes doigts viennent se glisser dans ses cheveux bruns. « C’est l’Apocalypse depuis des années et pourtant, tu arrives encore à rayonner, tu dégages quelque chose de véritablement incroyable Noa. Tu as conservé un regard si doux, si patient sur les gens, tu ne m’as pas jugé, tu as accepté de m’aider alors que tu avais tous les droits de me laisser crever là, dehors. Et puis ce sourire… Oh god ce sourire. J’avais vraiment besoin de revoir un sourire si chaleureux, avec cette belle petite fossette là. Tu illumines ma journée, tu sais, ma semaine même. On aurait dû se rencontrer bien avant, la vie aurait été moins dur ces derniers temps. Tu crois pas ? » Je souris bêtement et l’aide à s’asseoir à mes côtés. « J’avais besoin de ça. » Juste une soirée en compagnie de quelqu’un d’humain.

Effectivement, Bailey a l’air d’être plutôt bien armé et tant mieux, je serai pas obligée de lui laisser mon arme pour aller faire l’expédition dans d’autres pièces. Bien qu’il me restait trois balles, je pouvais en avoir besoin d’au moins une, on sait jamais ce qui se cache dans les pièces vers lesquelles ont avance à l’aveugle. Et même si en général les maisons restent bien vide, on est jamais à l’abris d’un zombi qui rode silencieusement dans l’une d’elle. Il ne fallait jamais rien prendre pour acquis et toujours se méfier de tout et de tout le monde…
L’heure était à la nostalgie, y a forcément toujours un moment où on est obligé de parler du passé, comme si ca nous y rapprochait un peu, comme si c’était que hier que tout avait basculé. Sauf que c’est bien plus loin que ça, sauf que de jour en jour, l’espoir d’un nouveau monde ou d’un retour en arrière basculait un peu plus vers le négatif. Mais il avait le mérite d’être encore un peu là, le mérite de me parvenir un peu chaque jour, de me dire que dans un endroit dans ce monde, il y avait forcément quelqu’un qui saurait expliquer tout ça, qui saurait nous ramener dans une réalité où on aurait pas à se méfier des autres, pas tant que ça. Ou on pourrait de nouveau manger à notre faim, se laver quand on veut, dormir sur nos deux oreilles, juste les choses simples de la vie. J’m’en fichais pas mal de retrouver un téléphone, d’avoir mes applications à porté de main, de regarder mes séries le soir en rentrant du travail. J’voulais juste retrouver les personnes que j’aimais et pouvoir reconstruire un beau monde en leur compagnie. Juste ça. « Je donnerai tout pour retrouver mes problèmes d’avant. Tu sais… Ceux qui nous paraissaient insurmontables et qui aujourd’hui nous paraissent vraiment dérisoire. » j’vois de quoi il parle, les problèmes du genre un pneu qui crève, les bouchons, les projets et les bilans en retard au travail, un talon qui casse, notre pull préféré qui a rétréci à la machine, la boulangerie fermée alors qu’on avait envie de pain…
J’avais envie d’aller reprendre une bouteille, parce que plus l’alcool coulait, moins j’avais peur, plus je me sentais en sécurité dans cette pièce et moins je pensais à mes soucis, à mes douleurs, à mon cœur qui saigne depuis ces quelques longues semaines, à Greg qui me manquait. L’alcool anesthésie le corps, l’âme et le cœur. Voulant me relever, je retombe aussi tôt, si proche de Bailey qui a du voir sa vie défiler devant ses yeux en me voyant presque sur sa jambe en lambeau. Son regard me ferait presque rire. « T’as failli me tuer. » oops. « Oui, mais je l’ai pas fais… » que je lance espiègle, comme si c’était calculé, plongeant mon regard dans le sien, son regard encore effrayé. Calme toi Bailey, tout va bien, promis… « T’es belle. » Je m’attendais pas à ca et je me surprends même à sentir mes joues rougir. Je suis du regard sa main qui s’approche de moi et comme un reflex, mon visage se recule puis, se laisse faire. Il posa ses doigts froid sur mon visage, je reste immobile. « C’est l’Apocalypse depuis des années et pourtant, tu arrives encore à rayonner, tu dégages quelque chose de véritablement incroyable Noa. Tu as conservé un regard si doux, si patient sur les gens, tu ne m’as pas jugé, tu as accepté de m’aider alors que tu avais tous les droits de me laisser crever là, dehors. Et puis ce sourire… Oh god ce sourire. J’avais vraiment besoin de revoir un sourire si chaleureux, avec cette belle petite fossette là. Tu illumines ma journée, tu sais, ma semaine même. On aurait dû se rencontrer bien avant, la vie aurait été moins dur ces derniers temps. Tu crois pas ? » je souris, flattée par ses compliments, j’étais touchée de l’entendre me dire tout ça et tant que je n’avais pas les mots pour y répondre. Je me redressais et vint m’asseoir, bien plus proche de lui, ignorant cette distance que j’avais instaurée plus tôt. Ses mots m’avaient davantage réchauffée que l’alcool que j’avais pris, comme si finalement, la seule chose dont j’avais besoin, c’était de réconfort et surtout, d’une vraie présence à mes côtés. « J’avais besoin de ça. » je reste silencieuse un moment, osant venir poser ma joue sur son épaule et glissant ma main contre la sienne. « Tes mains sont froides… » que je murmure, les yeux à moitié fermés… puis j’ajoute à nouveau. « Moi aussi, j’avais besoin de ça… » je sentie mon cœur se fermer et se froisser dans ma poitrine, douloureux ou satisfaisant, je l’ignorais. « Je sais pas si on aurait du se rencontrer avant… mais si tu l’veux bien… » je relevais la tête pour le regarder, nos visages si proches l’un de l’autre. « J’aimerai ne plus être seule à l’avenir… » et à mon tour je vins poser ma main sur sa joue. « J’vais prendre soin d’toi et tout ira mieux… » son souffle sentait l’alcool et le mien surement tout autant d’ailleurs. Mon front vint se frotter au sien, doucement, je tentais de maîtriser mes gestes et mes mouvements, j’aurais pu lui donner un coup de tête si je n’y prêtais pas attention. J’avais besoin de ce réconfort, de chaleur contre moi et de ce contact qu’il m’avait offert juste en glissant ses doigts sur ma peau. J’espérai qu’il ne m’en voudrait pas si je me permettait un geste un peu déplacer, si je me permettais de glisser mes lèvres sur les siennes, par envie, par besoin, par nécessité. J’ignore si c’était mon fort intérieur qui le désirait plus que tout, mais j’avais l’impression de le lire dans son regard, cette autorisation tacite qui me fit franchir le pas, en déposant mes lèvres sèches sur les siennes.

Je ne sais plus vraiment si c’est la douleur qui me monte à la tête ou l’alcool. Soudainement, la seule chose qui me semble importante, c’est de faire savoir à Noa a quel point elle jolie. À quel point sa gentillesse vient de me sauver d’une manière que je ne croyais plus possible. Cela fait bien trop longtemps que je suis seul dans ce monde de dingue, j’avais besoin de retrouver une chaleur humaine. Elle se trouve juste devant moi, entre mes doigts, dans le sourire de la jeune femme. Je dérive un peu, me perds dans des compliments que je n’avais plus formulés depuis si longtemps que cela me paraît étrange. On se connaît à peine, mais le lien devient nécessaire. « Tes mains sont froides… » Je m’excuse du regard sans pour autant bouger mes mains. « Moi aussi, j’avais besoin de ça… » Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je croise son regard si proche du mien. « Je sais pas si on aurait dû se rencontrer avant… mais si tu l’veux bien… J’aimerai ne plus être seule à l’avenir… J’vais prendre soin d’toi et tout ira mieux… » Je hoche doucement la tête. « Je veux bien. » Pas le temps d’en dire plus que les lèvres de la jeune femme viennent se joindre aux miennes. Un instant d’hésitation avant que les miennes se joignent à une danse lente et vitale. Ce n’est rien d’amoureux, c’est simplement pour se sentir encore un peu vivant. Sentir ce cœur qui s’accélère pour autre chose que de la peur. « Tout ira bien, Noa. » que je lui promets alors que l’on se sépare quelque peu. Elle a besoin d’être rassuré autant que j’ai besoin de laisser ma jambe se faire soigner. Une trêve dans ce monde de dingue. « On ira voir si on peut s’abriter ici quelques temps. » que je lui propose alors que son corps vienne se caler contre le mien.