L'air est frais, mais le soleil brille haut dans le ciel. Les jumeaux babillent dans leur poussette et je profite de l'accalmie pour m'aérer l'esprit. La journée a plutôt bien commencé. Les deux terreurs ont décidé d'un commun accord de me laisser dormir ce matin. J'ai pu prendre mon café sans avoir à courir de partout et depuis ils sont vraiment calme. C'est comme si, petit à petit, ils se faisaient à l'absence de leur mère. Résigner à ne devoir passer du temps qu'avec moi dans notre grande maison qui paraît si souvent bien vide. Je secoue la tête, refusant de penser à Jill. Aujourd'hui sera une bonne journée, je l'ai décidé. Pour la première fois depuis son départ, je tente de garder l'esprit léger. La douleur est toujours présente, elle ne s'amoindrit jamais, revient par piqûres de rappelle. Mais à cet instant précis, au bord de la plage, avec mes enfants, je me sens bien. Presque serein. Je me forcer à oublier alors que Bowie me lance son désormais fameux petit sourire en coin. "Petit charmeur." que je murmure alors que mes doigts viennent caresser son ventre. Tracy semble somnoler dans son coin. On essaye d'aller bien, tous les trois. La réalité reviendra nous rattraper un peu plus tard. C'est juste un peu de répit dans la tempête.

J'allais m'asseoir sur un banc pour laisser les rayons du soleil caresser mon visage, lorsque mon regard est attiré par un petit doudou a même le sol. Je ramasse la peluche en forme de baleine et pense immédiatement à l'enfant qui doit être en train de chercher son jouet de partout. J'allais poser le doudou sur le banc, lorsque j'aperçois des écritures sur l'immense étiquette. Un numéro de téléphone. Ni une ni deux, je sors mon portable et compose le numéro. Au bout de trois sonneries c'est une voix masculine couverte par des pleurs de bébé qui me répond. « Bonjour. Excusez-moi de vous déranger, mais je crois que je viens de retrouver le doudou de votre bébé. » Et il n'a pas l'air très heureux ce bébé tant il semble pleurer dans les bras de son père. « Une petite baleine bleu avec le... Logo des Sea Sheperds dessus. » Original. « Je suis à la plage, en face du petit poste de secours. » Il semble plus soulagé que jamais le papa, lorsqu'il me demande de pas bouger, pour qu'il vienne récupérer son bien.

C'est quelques minutes plus tard qu'un jeune homme débarque légèrement essoufflé avec bébé qui sanglote toujours autant dans sa poussette. « Tiens ton doudou. » que je souris en donnant la peluche au petit garçon qui l'attrape de suite contre lui. Mon regard se relève alors sur le papa. « Ça va ? » Il a l'air au bout du rouleau, le pauvre.

@martin murphy

Quel con. Non mais quel con je fais de ne pas avoir fait plus attention en repartant de la plage et d’avoir oublié le Pilou, le doudou d’Elliot sur place. Peut-être l’a-t-il fait tomber, peut-être est-il tombé tout seul ? Je n’en sais rien. Tout ce que je sais c’est que je suis à tenter de calmer le petit garçon qui pleurs depuis plus de 20 minutes parce qu’il ne peut tout simplement pas dormir sans le doudou. J’ai appelé sa mère pour lui expliquer la situation et tout ce qu’elle m’a répondu c’est un ‘débrouille toi de le retrouver’ sans aucune considération. Je tente bien de ne pas paniquer et de rester calme face à ce garçon dont les pleurs semblent s’intensifier, mais dans le fond je rage réellement. Autant contre moi que contre mon ex femme qui pourtant sait à quel point j’ai du mal avec les gamins.

Et finalement, vient l’appel de la délivrance. Si la voix masculine au bout du fil n’est pas la voix d’un ange je ne sais qui ça peut-être d’autre. Lorsqu’il prononce les mots « retrouver » et « doudou » et qu’il fait la parfait description de Pilou, c’est un soulagement sans nom qui sort de ma bouche en un soupire. Rapidement, nous convenons que je rejoigne l’ange humain et j’ai a peine raccrocher que j’ai déjà remis Elliot dans sa pousette et que je me dirige rapidement vers l’endroit indiqué.

J’ignore les regards d’indignation qu’on me lance, celui de parents qui me jugent fortement et ceux des célibataires qui sont emmerder par les pleurs de mon de mon fils et me dirige rapidement vers le bord de mer. Je n’ai pas besoin de beaucoup de temps pour retrouver un homme assit sur le banc, poussette bi-place à ses côtés.  « Vous êtes merveilleux» soufflais-je alors qu’il se penche pour donner l’otarie à Elliot  «vous me ...nous sauvez la vie je pense  » et dans un autre soupire je me laisse tomber sur le banc alors que mon fils fini enfin par se taire, babillant maintenant joyeusement avec sa peluche dans les mains.  « c’est fou l’effet qu’un doudou peu avoir sur un gamin» je laisse échapper un rire et me passe une main dans les cheveux alors que l’homme me demande si ça va  « ça va» hochais-je la tête  «C’est ...plus compliqué que ce que j’imaginais mais ... » je lance un coup d’oeil vers la poussette de l’homme  «au moins j’en ai que un seul » je pince les lèvres en un sourire  «Et vous, ça va ? » l’homme a mes côtés n’a pas non l’air totalement serein et a, lui aussi, les traits tiré.

Les jumeaux sont encore trop petits pour prendre pleinement conscience des objets qui les entourent. Ils ont tout un tas de doudous à la maison, achat compulsif de ma part, mais surtout cadeau de la famille et des amis. Je leur ai présenté chaque peluche tour à tour pour voir si l’une d’entre elles est plus cool que les autres à leurs yeux. Autant dire que l’affreux écureuil caféiné de Matt a gagné tout l’amour de mon fils tandis que l’éléphant jaune tout droit ramener d’Afrique par Ginny était devenu le spot préféré de Tracy pour une petite sieste. À quelques semaines de vie seulement, ils affirment déjà des goûts différents tous les deux. Je ne connais pas encore la perte du doudou avec les jumeaux, mais je l’ai déjà expérimenté par le passé avec Noah. C’était un enfer tant il avait pleuré alors que doudou avait simplement continué sa sieste au fond du sac à main de maman. On avait échappé à une crise planétaire. Alors, lorsque je retrouve cette petite Otarie en peluche sur la promenade, je souhaite immédiatement la remettre à son propriétaire. Heureusement, les parents avaient laissé un numéro qui me permet de contacter un père au bord de la rupture.

Il ne met pas très longtemps à me rejoindre le jeune papa. Son fils semble âgé de quelques mois seulement, mais de suite, il se calme lorsque je lui tends son doudou. « Ça va tout de suite mieux. » que je souris alors que son père semble totalement abasourdi par la force de la petite peluche. « C’est très important le doudou. » Je me souviens que Sebastian avait jeté le mien dans les toilettes une fois et Marie était retourner m’en acheter exactement le même pour qu’il soit encore tout doux comme je l’aimais. Il est amusant le brun lorsqu’il m’avoue de but en blanc qu’il n’avait pas imaginé une seule seconde que la paternité puisse être aussi compliqué. « On est deux. » que je murmure alors que son regard vient se perdre sur la poussette des jumeaux. Si Tracy a fini par sombrer, Bowie lui continue à garder les yeux grands ouvert. « A deux, ils se liguent contre toi. » que je tente de plaisanter même si le cœur n’y est pas. Il me retourne la question l’inconnu. « Non ça va pas vraiment, mais on prend chaque jour comme il vient. » Je m’étonne moi-même à être aussi sincère alors qu’il posait sûrement la question par pure politesse. Mon regard se pose à nouveau sur son fils. « Il a quel âge le petit bonhomme ? » Se focaliser sur les enfants, c’est bien ça.

Je soupire de soulagement lorsque, Pilou en main, Elliot cesse enfin de pleurer. Entre la fatigue car je n'ai pas dormi à cause du stress de passer l'après midi seul avec mon fils aujourd'hui, le fait qu'il ait été intenable depuis le début et la grosse crise de nerfs parce qu'il est fatigué mais qu'il ne peut pas dormir sans son otarie, j'ai bien cru que j'allais craquer, moi aussi. Mais c'est ça, la paternité : être démunie avant qu'on ne vienne vous sauver. Et ce sauveur est arrivé à point nommé, tel un ange gardien.

Nous nous retrouvons ainsi, là, assit sur le banc, entre pères démunis et c'est donc, tout naturellement, que nous venons à faire la conversation. Et je dois avouer que, ce qui devait être, de base, qu'un simple acte de politesse, commence à prendre une tournure beaucoup plus sérieuse lorsque l'homme me répond avec une drôle de sincérité qu'a deux les gamins se liguent facilement contre toi. Et il ajoute en plus que non, ça ne va pas, mais qu'il a décidé de prendre chaque jours comme il vient. J'en frissonnerais presque tant je me reconnais dans ces paroles. Pas en ce qui concerne Elliot, cela dit.

 «Je ne te comprend que trop bien  » hochais-je la tête  posant mon regard sur mon fils qui a enfin fermé les yeux, avant que l'inconnu ne me pose la colle sur l'âge du petit.  «Je … » j'arque un sourcil, fixant le petit garçon  puis lance un coup d’œil désolé à l'autre père  « je sais pas» et je me sens tellement nul et tellement idiot  «Il doit avoir ...6 mois maintenant ? Peut-être même 7, je ... » je soupire doucement  « J'ai apprit seulement en avril dernier que j'étais père et je crois qu'il devait déjà avoir 4 mois à  ce moment là. Donc je ...il devrait aller sur ses 8 mois je crois» je soupire et secoue la tête  « Me juge pas s'il te plaît» le suppliais-je en laissant échapper un rire pour tenter de dédramatiser la situation  «C'est une histoire longue et compliquée, ça ne t'intéresse sans doute pas » secouais-je la tête, posant ma main sur la poussette.

Le soulagement semble immense lorsque le petit garçon récupère enfin son otarie doudou. Il retrouve le sourire au travers de ses larmes et son père semble prêt à s’écrouler sur le banc. Je n’ose pas imaginer ce que cela donnerait si mes deux enfants venaient à égarer leur doudou en même temps. Je me fais une note mentale d’aller acheter un autre exemplaire de leur peluche favorite. Les éléphants ramenés par Ginny ne quitteront donc jamais la maison tant ils ont une valeur sentimentale et surtout tant je ne pourrais jamais trouver le même exemplaire en Australie. Il ne faudra pas que j’oublie tout cela pour éviter le genre de crise que le jeune homme à mes côtés vient de vivre. Il n’a pas honte de dire que tout était compliqué pour lui au niveau de la paternité. Et c’est comme cela que sans réfléchir, je lui annonce que c’est tout aussi compliqué pour moi. En rien, je n’avais prévu de dire une chose aussi crue. Il faut croire que la fatigue finis par faire lever tous les filtres possibles. Je change rapidement de sujet et cette fois-ci, c’est l’autre papa qui bégaye quelque peu. Il met quelques secondes avant de répondre, se trompe quelques fois et finit par m’avouer qu’en réalité, il n’a connu son fils que lorsque celui-ci avait déjà quatre mois. « Je te juge pas. » Bien au contraire. Il a le courage de prendre ses responsabilités, il essaye même si tout cela ne semblait pas être voulu de sa part. Il en fait bien plus que Jill, il est un héros à mes yeux. « C’est déjà assez compliqué de devenir père, on ne va pas commencer à se juger les uns les autres. » Ça n’a jamais été dans ma personnalité et ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer. Le petit garçon me fait de grands sourire et je me penche vers lui pour caresser sa petite joue ce qui le fait éclater de rire. « Tu perds plus ton doudou toi bonhomme hein. » Je ris un peu avant de relever les yeux vers son père. « La technique du numéro de téléphone, c’était bien penser. Je vais faire pareil dès que je rentre. » Je n’ai jamais été aussi sérieux de toute ma vie. « Bailey. » que j’ajoute en tendant la main vers le jeune homme. « Père de jumeaux et extrêmement fatigué. » que je plaisante alors que l’on se croirait dans une réunion quelque peu sectaire.

Je ne te juge pas. Même si je l'avais dis sur un ton qui se voulait léger et ironique, j'avoue que ses paroles me rassurent bien plus que de raison. Je lui offre un petit sourire, reconnaissant, et hoche doucement la tête lorsque l'inconnu me dit que devenir père est déjà bien assez compliqué comme ça et que juger quelqu'un serait bien la dernière chose à faire.  «C'est fou. Si seulement les gamins pouvaient être aussi docile qu'un animal » j'hausse les épaules  « J'ai tellement de connaissance en terme d'animaux que je sais facilement m'occuper d'un chien traumatisé qui mord ou d'un chiot qui apprend tout de la vie. Ou même d'un vieux chat diabétique» je secoue la tête  «Mais les bébés humains c'est tellement différents »

Je grimace doucement puis me masse la paupière gauche, alors que l'homme à mes côtés reprend que la technique du numéro de téléphone sur un doudou est vraiment une super solution  « Ouais, ça et le fait d'avoir le double quelque part en sûreté» que je rigole doucement  «J'vais demander à mes collègues des Sea Sheperd de me filer un deuxième Pilou, tien » je lance un coup d'oeil vers Elliot  «Et peut-être même un troisième, histoire d'être vraiment sûr à cent pour cent d'en avoir toujours un prêt à être dégainé en cas de soucis »

C'est alors que la main de l'homme entre dans mon champs de vision et que celui-ci se présente sous le nom de Bailey, se donnant lui-même la dénomination de 'père de jumeau extrêmement fatigué'  «Martin » me présentais-je à mon tour, serrant sa main entre mes doigts  «Nouveau père qui n'a absolument aucune idée de ce qu'il doit faire » je pose mon regard sur les jumeaux  «T'arrives à savoir, toi, pourquoi ils hurlent ? Genre ...est-ce que t'arrive à différencier les différents pleurs ? Est-ce c'est parce qu'ils ont faim ? Ou qu'ils sont malade ? Ou qu'ils ont mal ? Ou qu'ils sont fatigué? Ou peut-être parce qu'ils font simplement une crise ? » je soupire doucement  « Je ne pense pas qu'un petit comme ça puisse déjà réfléchir en mode 'ah tien ça me plait pas je vais donc faire une crise de pleurs juste pour les faire chier'» que je réfléchis à haute voix  «On parle souvent de l'instinc maternel, je suis persuadé que la mère de nos gamins peuvent comprendre facilement pourquoi ils pleurent, mais l'instinc paternel n'est clairement pas assez développé. » je fronce les sourcils  « Du moins pas dans mon cas parce que j'ai pas du tout suivi la grossesse d'Eirean» je pose mon regard sur Bailey  «Tu étais là, toi, pendant les 9 mois de grossesse de ton é...enfin de leur mère ? » Peut-être qu'ils ne sont plus ensemble, les deux parents. Du coup ça serait assez mal vu de parler d'épouse, je pense.

Mes yeux s’arrondissent largement lorsqu’il est en train de comparer les enfants à des animaux. Je ne sais pas de quelle planète, il vient, mais je trouve ses propos quelque peu déplacer et d’une violence inouïe. Un instant, mon regard se perd sur le profil de son petit garçon. Il a l’air en bonne santé au moins, les joues bien rebondies et ses petits doigts potelés qui serrent avec force son petit doudou. « Tu devrais pas comparer les enfants à des animaux. » Je n’ai rien contre les animaux, bien au contraire. J’aime mon chien plus que tout, mais en rien, je ne pourrais comparer Logan à Tracy par exemple. Un enfant ne peut pas être tout simplement docile surtout à cet âge-là. Je préfère ne pas épiloguer ne voulant en rien provoquer un débat stérile quand nos avis semblent si différents.

Martin semble être d’humeur plutôt bavarde. Heureusement, les jumeaux restent sagement allongés dans leur couffin. Ils ont eu un biberon il y a trente minutes, les couches sont propres, je devrais être tranquille pour un petit moment. Ils aiment le bruit des vagues et le bercement qu’amène la poussette. Le jeune papa me demande si j’arrive à reconnaître les pleurs de mes enfants. Il faut croire que lorsque l’on débute on se pose réellement tous les mêmes questions. C’est légitime après tout. « Je commence à mieux comprendre oui. Ils ne pleurent pas de la même manière quand ils ont faim que quand ils pleurent parce qu’ils sont épuisés, mais n’arrivent pas à s’endormir. » Tout est dans le cri, l’intonation de leur petite voix. Je crois que c’est quelque chose que l’on peut comprendre chez son enfant, mais probablement pas avec celui des autres. Je n’en sais rien en réalité. Je n’ai pas réellement le temps d’y penser tant Martin enchaîne sur tout un laïus au sujet de l’instinct maternel. Je pourrais le gifler tant, ses propos m’énervent. Ils sont emplis de cliché et d’un machisme ambiant. « Parfois, c’est l’instinct maternel qui ne l’a pas du tout. » Celui de Jill est mort dans l’œuf, il n’a pas eu le droit au moindre développement, il faut croire. La fatigue me fait perdre mes filtres. « Personne ne né parent, c’est quelque chose qui s’apprend, il faut écouter nos enfants. » Les écouter, les choyer, les comprendre. C’est un effort de tous les instants, c’est certains, mais cela semble être trop demandé pour lui. « J’ai toujours été auprès d’elle oui, de l’annonce à l’accouchement. » Jour que parfois, je préférerais complètement oublier. « Depuis, c’est… Compliqué. » Et encore, le mot est vraiment faible.

J'hausse imperceptiblement un sourcil lorsque Bailey s'insurge sur le fait que j'ose comparer les enfants à des animaux. Je décide toutefois de lui laisser le bénéfice du doute, il n'a peut-être tout simplement pas compris l'essence même de mes paroles ? Bien décidé de ne pas rentrer dans son jeu et ne pas surenchérir, je lui adresse un simple sourire bienveillant "Je n'ai pas comparé un enfant à un animal, et je n'osera pas le faire" affirmais-je pour lui faire comprendre mes paroles précédentes. "Je disais juste que c'était plus simple avec un animal qu'avec un enfant. Parce que l'animal a beau être dôté de sensibilité, il ne réfléchis pas par lui-même. Et sur un plan totalement et à 100% personnel" et j'insiste fortement sur ce mot là "Je m'en sors mieux avec les animaux qu'avec les enfants. C'est tout"

Je conclus mes paroles dans un haussement d'épaules avant de le voir qui regarde Elliot, fronce légèrement les sourcils et donnerait tellement pour savoir ce qui passe dans sa tête. Il m'a dit qu'il ne me jugerait pas, mais j'ai bien l'impression qu'il commence à revenir sur sa décision depuis qu'il a mal comprit mes paroles. Enfin, peu importe, je tente de rester conciliant et hoche doucement la tête lorsqu'il m'apprend que lui sait reconnaître les différents pleurs qui n'ont pas la même intonation. "ok" dis-je doucement, me perdant un peu dans mes pensées lorsque mon regard glisse à nouveau sur mon fils. Si seulement j'étais déjà a ce stade là avec lui, ça ira déjà bien mieux je pense.

Je parle ensuite de l'instinct maternel et, encore une fois, je sens l'homme mal à l'aise et d'une froideur assez incroyable lorsqu'il me répond que parfois cet instinct maternel n'existe pas non plus chez la mère "Je ..." je lance un coup d'oeil vers Bailey, pinçant les lèvres et tentant de vraiment trouver les bons mots "je sais que ça arrive, oui" hochais-je la tête. J'allais ajouter un 'mais c'est quand même plus rare hein' mais me retient rapidement. Si Bailey me dit ça c'est qu'il y a eu un problème chez lui, dans son couple, et il me le confirme rapidement lorsqu'il dit que depuis la naissance c'est compliqué. "je vois" hochais-je la tête, déviant le regard vers la plage et soupirant doucement "Qu'est-ce qu'il s'est passé?" et je suis quasiment certain qu'avec cette question je viens de signé mon arrêt de mort et qu'en vrai je ne devrais pas être assit là mais déjà être entrain de prendre les jambes à mon cou.

La fatigue joue sur mon jugement. Je ne prends pas le temps de pleinement analyser les propos de Martin, je prends ce qu’il me donne, l’enregistre à peine et le recrache presque immédiatement avec un jugement alors que j’avais juré que je ne le ferais pas. Je m’en rends à peine compte tant tout mon corps est épuisé, tant je n’ai pas eu de conversation censée depuis des jours. Tout mon quotidien tourne autour des deux bambins étrangement calmes dans leur poussette. Pourtant, c’est très calmement qu’il me reprend le jeune homme. Il insiste à nouveau sur ses propos et cette fois, je prends la peine de l’écouter pleinement. « Je comprends, je suis désolé. » Il a raison dans le fond, le lien avec un animal est si différent. Tout est encore si neuf dans ma vie de père et pourtant, j’essaye de me convaincre que j’ai compris. J’ai besoin d’y croire tant Jill ne s’implique pas pleinement dans cette famille qui est désormais la nôtre. Je vois que ma réponse semble le perturber et immédiatement, je me sens mal. Je ne voulais pas l’entraîner dans une réflexion dans laquelle il ne se sent pas prêt. « Ne te fustige pas. » que je murmure doucement alors qu’il ne cesse de fixer son fils. « Il vous faut le temps de vous apprivoiser, tous les deux. » Son fils est encore très jeune, mais il a conscience de ce qui l’entoure, il reconnaît déjà les gens de son entourage. Il a besoin de faire confiance en son père et l’inverse est tout aussi réciproque. Je lui accorde un sourire tendrement avant de poser mon regard sur mes propres bébés.

On en vient à parler de l’instinct maternelle et cela me fait grimacer. Jill n’a pas eu ce déclic, elle ne sait pas quoi faire avec les enfants et c’est quelque chose qui me brise un peu plus chaque jour. Je ne devrais pas en parler avec un parfait inconnu, mais je ne sais pas… Je lui fais confiance dans le fond. « L’accouchement a été difficile, Bowie a eu des difficultés dès son arrivée. » Et ça a profondément blesser Jill, je le sais parfaitement. « Je crois qu’elle n’arrive pas à faire cette connexion avec les petits. » C’est si dur d’en parler, mais je crois que j’ai besoin que ça sorte une bonne fois pour toute. « Et je ne sais pas quoi faire pour l’aider. »

Je crois que quelques mois plus tôt j'aurais sans doute surenchérit et je me serais montrer hostile et froid envers cet homme qui n'est pas foutu de comprendre la quintessence de mes paroles. Mais au final, en y réfléchissant un peu plus intensément, je me suis rendu compte qu'effectivement, personne n'aurait pu comprendre exactement ce que j'ai dis. C'est donc avec calme et tranquillité que je le reprend et que je lui explique un peu plus différemment le fond de mes pensées. Et il comprend son erreur et c'est, dans un désolé, qu'il s'excuse pour son jugement hâtif. Pour toute réponse je lui offre un sourire bienveillant et hoche la tête en soufflant un  «C'est rien ». Ça arrive à tout le monde de mal comprendre tout comme ça arrive à tout le monde de mal s'exprimer.

Changeant alors de sujet, je lui demande ensuite s'il parvient, lui, a comprendre les différents pleurs de ses enfants et mon cœur se sert douloureusement lorsqu'il m'apprend que oui, il y arrive. Posant mon regard sur Elliot qui semble raconter une histoire à Pilou, je soupire doucement, enviant presque le jeune père à mes côtés. Comprenant sans doute ce qui se passe par ma tête, Bailey fini par me conseiller de ne pas trop me casser la tête car il faut que mon fils et moi nous nous apprivoisons.  «oui t'as raison » je me passe une main sur les yeux puis grimace légèrement  « Peut-être que dans le fond j'suis toujours pas totalement prêt à être père» je déglutis  «J'ai jamais voulu d'enfants, c'était une évidence pour moi que jamais je n'en aurais. Mais mon ex femme en voulait trop et elle a cessé de prendre la pillule derrière mon dos. Et sans doute que le préservatif était défectueux  » j'hausse les épaules  «J'ai quitté Eirean en mars 2019 pour revenir à Brisbane sans savoir qu'elle vivait sa meilleure vie en étant enceinte de moi » pourquoi je lui raconte ça, sérieux ?  «Et là elle débarque fin Mars avec Elliot en mode 'salut t'es père que tu le veuille ou non' » je prends une profonde inspiration puis laisse échapper un rire jaune et las  «Désolé, je sais pas pourquoi je te raconte ça, c'est nul. Je sais bien qu'avoir des enfants est une évidence pour beaucoup de gens mais pas pour moi. Et c'est pas que je ne les aime pas, au contraire j'ai toujours eu un bon feeling avec eux, mais j'ai juste jamais voulut en avoir moi-même surtout pour des raisons écologiques et ...bref, peut importe »

Je prends une profonde inspiration et détache finalement mon regard d'Elliot pour le poser sur Bailey qui vient de m'avouer que la mère de ses enfants n'a pas eu la fibre maternelle car l'accouchement était compliqué, qu'il y a eu des complications avec Bowie, qu'elle ne sait pas faire la connexion avec les enfants et surtout qu'il ne sait pas quoi faire pour l'aider.  «J'ai aucun conseil à te donner personnellement » dis-je après quelques instants de réflexion  «Juste ...laisse lui le temps peut-être ? Je sais pas, peut-être que ça viendra plus tard ? Je ... » je lance un coup d’œil vers mon fils  «Je sais pas. » concluais-je le cheminement des mes pensées pour éviter de faire des faux pas.

C’est étonnant parfois comment deux étrangers peuvent se confier l’un à l’autre en abaissant les barrières. Au final, nous somme deux jeunes pères, un peu paumé, un peu trop fatigué surtout. Sans aucun filtre, il me parle de son parcours. Comment il ne s’était jamais imaginé avec un tel rôle dans sa vie et surtout le piège que lui avait tendu son ex compagne. Je ne comprends pas comment quelqu’un peut porter la vie pendant neuf mois sans prendre conscience qu’il faudrait prévenir l’autre personne concerner par cette nouvelle vie. Je l’admire d’avoir trouvé la force de vouloir rencontrer son fils. Il faut croire qu’au vu des circonstances, il s’en sort admirablement bien. « Tu n’as pas à te justifier. » que je lui assure alors que son regard ne cesse de se perdre sur son fils bien trop heureux d’avoir retrouvé son doudou. « A mes yeux, tu t’en sors admirablement bien. » que je lui avoue même si cette confession, venue d’un parfait étranger, ne changera probablement rien à sa vie. « Puis il a l’air en pleine forme ce petit bonhomme maintenant qu’il a retrouvé son doudou. » Autrement dit, il n’a à avoir honte de rien.

Une confession en cachant une autre, je réussis à lui parler de Jill et de ce qui se passe à huit clos dans notre maison. C’est bien plus simple d’en parler à quelqu’un de neutre, plutôt qu’à nos proches. Il tente tant bien que mal de me répondre, mais personne ne semble savoir quoi faire dans cette situation. Tout le monde parle de temps et j’ai du mal à l’entendre désormais. « Oui, on verra bien avec le temps. » que je murmure doucement alors que Bowie commence à ronchonner un peu trop dans son berceau. Je me lève pour le prendre dans mes bras et lui sourire un peu. Dans sa poussette Eliott, semble complètement passionné à la vision de mon fils. « Il n’a jamais vu un autre bébé ? » Bien plus petit que lui d’ailleurs. Je me penche un peu, pour montrer Bowie. « Mon dieu le mien paraît minuscule à côté. » que je plaisante un peu.

 « A mes yeux tu t'en sors admirablement bien » A ces paroles, je tourne mon visage vers Bailey, le scrutant avant de sourire en observant la sincérité dans son regard. Et c'est à ce moment là que toute la pression semble quitter mon être, comme si j'étais libéré d'un poids invisible. C'est là tout ce que j'avais besoin d'entendre. Certes, mon frère et Loan se tuent à me répéter que je m'en sors bien avec Elliot, que tous les débuts sont compliqué mais que je ne dois pas abandonner et que je dois nous laisser le temps de nous apprivoiser. Mais l'entendre de la bouche d'un parfait inconnu est autrement plus puissant. Il n'a aucune raison de vouloir me rassurer en vrai. Il ne me connaît pas, il ne sait rien sur ma vie, et pourtant la sincérité qu'il dépeint n'est en rien jouée.  « Merci. Vraiment» répondais-je sur un ton presque ému avant de sourire avec douceur lorsque Bailey reprend que de toute manière Elliot a l'air en pleine forme  «Il l'est » affirmais-je simplement  « Tout est parfait depuis la grossesse jusqu'à maintenant. En plus iI se développe exactement comme le voudrait la théorie » je laisse échapper un rire avant de me pencher pour caresser la grosse joue du petit garçon qui se met à rigoler joyeusement.

J'apprends par la suite que chez Bailey tout ne s'est pas déroulé comme on le souhaiterait à de nouveaux parents et ça me désole sincèrement pour lui. Il a l'air d'être un père dévoué à qui la vie ne cesse de mettre des bateaux dans les roues. Je remarque bien aussi quand je dis qu'il devrait laisser le temps à la mère des petits que ce n'est pas le genre de réponse qui lui convienne. Toutefois, il change rapidement de sujet lorsqu'il remarque le regard intrigué d'Elliot lorsque celui-ci le voit le petit Bowie dans les bras de son père.  « Ah non je ne pense pas» haussais-je les épaules lorsque Bailey demande s'il a déjà vu un autre bébé de sa vie  « en même temps Elliot est plutôt grand pour son âge aussi» reprenais-je en rigolant doucement alors que je me redresse pour le sortir de la poussette. Je l'installe ensuite confortablement sur mes genoux et souris doucement  « Il y a quelques mois encore t'avais la même taille que le petit là, tu sais ?» lui expliquais-je  « Ils ont quel âges au fait, les tiens ?» demandais-je alors que mon fils se penche en avant, tendant Pilou vers Bailey comme s'il voulait le donner à l'autre petit garçon.

@Bailey Fitzgerald

« Tout est parfait depuis la grossesse jusqu'à maintenant. En plus il se développe exactement comme le voudrait la théorie » Je retiens un léger rire alors qu’il décrit la condition de son fils de manière si mécanique. Je ne sais pas qu’elles sont ses croyances ni même ce qu’il fait dans la vie, mais il est clair que la paternité est complètement venue chambouler la vie de Martin. Bien entendu, que l’arrivée d’un nourrisson est un vrai chamboulement, il faut croire qu’on le vit tous de manière très différente. Tant que les enfants vont bien, après il s’agit simple de temps d’adaptation. C’est ce que j’essaye de me dire depuis le départ. Jill a besoin de temps pour trouver sa place en tant que mère. Si je le répète assez souvent, je finirai probablement par le croire, il n’en est pas possible autrement, non ? En rien, ce n’est simple d’en parler avec mes proches, et même si l’évoquer auprès de Martin fut dans l’ensemble assez facile, je ne suis pas prêt à m’épancher bien plus longtemps sur le sujet. C’est tellement plus simple de se concentrer sur les trois petits êtres qui nous entourent encore plus lorsque son fils semble complètement admiratif du mien. « Il y a quelques mois encore t'avais la même taille que le petit là, tu sais ? » que Martin explique à son bonhomme qui est en train de tendre son doudou à Bowie qui l’observe émerveiller. « C’est gentil ça Eliott, mais tu devrais garder ton doudou. » que je souris au petit garçon alors que Bowie finit par bien vite revenir blottir sa petite main contre mon torse. « Ils ont quel âge au fait, les tiens ? » « Trois semaines. » Déjà… Le temps passe si vite, c’est tout simplement incroyable. « Ils ont déjà tellement changé. » Et me revoilà papa gâteau qui balbutie devant ses merveilles. « D’un côté, j’ai hâte de les voir interagir un peu plus comme Eliott et de l’autre, je voudrais qu’ils restent tous petits comme ça. » que je plaisante un peu. « Je passe pour un papa niais, non ? »

C'est avec amusement mais aussi soulagement que j'observe mon fils entrain d'interagir avec le petit garçon qui se trouve dans les bras de l'autre père. Évidement que mon enfant n'a jamais vu d'autre nourrisson. Il a sans doute vu des gamins de son âges, mais des progénitures aussi petites. Du coup, il s'émerveille, il est curieux et, comme à son habitude, prévenant en voulant partager son doudou avec l'autre garçon. Bailey rigole, interagit un peu avec lui puis m'explique que les jumeaux n'ont que trois semaines mais qu'ils ont déjà beaucoup changé et j'arque un sourcil lorsqu'il me dit qu'il aimerait qu'ils restent toujours petits comme ça.

 «Moi au contraire j'ai très hâte qu'il grandisse » avouais-je en serrant mon fils contre moi  «Le voir s'émerveiller, s'épanouir et découvrir la vie y a rien de plus gratifiant en vrai.  » haussais-je les épaules  «De toute manière on ne met pas un enfant au monde pour qu'il reste tout le temps petit et le garder avec nous » je pose mon regard sur Elliot  «J'espère qu'il saura s'épanouir comme moi dans sa vie et qu'il trouvera un but qu'il va suivre corps et âme»

Qu'il devienne musicien, pâtissier, caissier, médecin, journaliste ou simplement nomade à vivre au jour le jour, je sais déjà maintenant que je l'accepterais sans aucun problème. Après avoir déposé un baiser sur le front du bébé, je me redresse et le remet dans la poussette  « Bon, je vais y aller moi» déclarais-je en me levant  «Merci encore de m'avoir appeler tu as sauvé ma nuit et la vie d'Elliot » je laisse échapper un rire amusé puis gratifie Bailey une dernière fois du regard avant de m'en aller, tranquille et serein, près a affronté le reste de la journée en compagnie de mon fils.