Elle a vu Dorian alors qu’elle voulait voir Ezra. Elle voulait lui demander si elle pouvait rester au moins une nuit chez lui. Elle ne voulait pas débarquer en plein milieu de la soirée, et elle repousse son retour chez elle. Elle ne sait pas ce que ça va donner, elle a peur de le revoir. De tous les revoir. Elle l’a quitté en lui disant qu’il s’épanouirait avec sa famille, et ses enfants. C’est ce qu’il y a de mieux pour lui, pour eux. Elle en est toujours persuadée la McGrath. Elle fait le bon choix, c’est la meilleure chose à faire. Dorian n’est pas d’accord avec ça, et elle s’en doutait. C’est pour ça qu’elle ne lui a rien dit, qu’elle n’a rien dit à personne quand elle est partie. Ezra non plus ne savait pas, et pourtant c’est lui qu’elle voulait trouver en premier.

Elle est partie de l’appartement après avoir dit des tas de choses horribles à Dorian. C’est une tornade Jill depuis l’accouchement, elle détruit tout ce qui est sur son passage. Même ses amis les plus chers. Elle a préféré fuir une nouvelle fois, et observer les étoiles dans un coin de kangaroo point qu’elle affectionne tout particulièrement. Elle vient là quand elle a besoin d’être seule et de se changer les idées. Elle ne veut pas retourner tout de suite dans sa maison. Tout sera différent, elle le sait bien. Alors elle repousse toujours un peu plus les retrouvailles.

Ca fait peut-être quelques heures qu’elle est allongée sur le banc. C’est le début de la nuit et quelques personnes éméchées, des couples ou encore des familles qui profitent de la soirée fraiche pour se balader avant la fin du week end, se retrouvent à passer autour de la brune. Elle ne s’en occupe pas, elle attend juste que le bon moment arrive pour rentrer chez elle, ou trouver un autre endroit où dormir. Elle entend quelques pas derrière elle, et elle n’a pas besoin de se retourner pour savoir que c’est Ezra. “T’aurais pu être à ton appartement en fin de journée.”


@Ezra Beauregard

S’il fallait établir une échelle des choses étranges dans ce monde, Jillian se pointant à sa porte un soir après avoir fait la morte auprès de tous ses proches pendant trois jours se retrouvait en première proposition - mention spéciale pour le fait que Dorian la connaisse également que ce soit lui qui lui ait ouvert la porte et qu’il l’ait de nouveau fait fuir. Il s’était retenu de s’énerver, Ezra, parce-que le pauvre gamin n’y était pour rien dans cette histoire. A la place, il avait râlé dans sa moustache un instant, en avait pris un deuxième pour rassembler ses esprits et lorsque le troisième instant était arrivé, il savait quel était le plan d’attaquer à aborder.

Ou plutôt, il pensait le connaître et avait de grandes chances d’avoir tord sur toute la ligne. La tentative était risquée mais il ne voyait pas réellement d’autre option s’offrant à lui présentement. Il avait pensé à passer un coup de téléphone à Ginny, à peine sa soeur était-elle partie de son quartier. Il avait pensé à lui expliquer la situation et à lui proposer d’unir leurs forces. Pourtant, il n’en avait rien fait car si Jill était venue chez lui plutôt qu’ailleurs, c’était qu’une bonne raison se situait derrière tout ça - raison qu’il ne connaissait point encore.

Mais son instinct lui criait d’agir comme il le sentait alors Ezra vint attraper sa veste et ses clefs de voiture. Il s’engouffra dans la circulation désormais nocturne pour se rendre au seul endroit où il sentait qu’elle pouvait se trouver. C’était vraiment un essai risqué, mais c’était le seul joker qu’il possédait et le seul qui lui semblait être d’une utilité quelconque. Calquant la portière du véhicule, le Beauregard vint s’engouffrer dans le parc que proposait Kangaroo Point et dans la foule parsemée du lieu.

« T’aurais pu être à ton appartement en fin de journée. » Il n’avait eu qu’à marcher qu’une petite dizaine de minutes pour atteindre l’endroit visé. Et même si c’était risqué, il avait bien fait de jouer car c’était ici que Jill se trouvait. « T’aurais pu appeler avant de passer. » Ping-pong parfait entre les deux, comme toujours - comme à l’époque surtout. Car c’était ici en permanence qu’ils arrivaient à se retrouver l’un l’autre quand elle avait besoin de calme ou qu’il avait besoin de penser. Ce lieu était, en quelques sortes, leur point de repère lorsqu’ils avaient l’impression de se perdre dans la foule. « T’aurais pu m’y attendre surtout. »

Spoiler:

Elle est allongée sur le banc et son regard oscille entre les étoiles et les gens qui se baladent. Elle aimerait que sa vie soit aussi facile que ces gens qui ont une famille. Un bébé qui reste calmement dans sa poussette, et une autre petite fille qui court dans tous les sens. Cette image ne la fait même pas sourire. Elle se dit juste qu’elle n’aura jamais le droit d’avoir cette vie, qu’elle ne sera jamais capable d’être comme cette mère qui a l’air absolument parfaite.

Le parc est calme et elle profite Jill. Elle profite en essayant d’oublier les mots de Dorian, en ne repensant pas non plus à tout ce qu’elle a pu lui dire. Elle est en train de détruire tout ce qui se trouve autour d’elle. Les gens, les relations, et tout ce qui a le malheur d’avoir été important pour elle. C’est toujours plus simple de tout casser, plus elle détruit moins elle a de choses à perdre.

Elle entend Ezra qui arrive dans son dos. Ca ne peut être que lui ou Matt, mais son grand frère est trop occupé par sa femme pour se préoccuper de l’état de Jill. Il n’a pas eu de nouvelles pendant une semaine lui non plus, et il n’a pas cherché à en avoir. “J’aurais dû.” Si elle l’avait fait elle aurait su qu’elle serait tomber sur Dorian. Elle ne serait pas venue dans l’appartement, elle aurait donné rendez-vous à Ezra ailleurs. Elle ramène un peu ses jambes vers elle pour lui laisser une place sur le banc. Comme ils ont toujours fait. Ils les retrouvent facilement leurs habitudes depuis quelques temps. C’est dans ces moments là qu’elle se rend compte qu’il lui avait manqué, que toute cette amitié lui avait manqué. “Je pouvais pas rester Dorian aurait fini par me tuer.” Elle ferme les yeux, elle ne sait pas si elle pourra réparer tout ça non plus. “Et puis, je voulais vérifier que tu te souvenais du banc.”

« J’aurais dû. » Il était vrai, elle aurait du plutôt qu’elle aurait pu, mais le résultat était le même et elle ne l’avait quand même pas fait. A la place de ça, elle s’était contentée de se pointer chez Ezra sans prévenir après plusieurs jours sans donner de nouvelles à personnes. Finalement, elle vint replier quelque peu ses jambes, laissant l’espace nécessaire au jeune homme pour venir s’asseoir à ses côtés - ce qu’il fait l’instant d’après sans trop attendre.

« Je pouvais pas rester Dorian aurait fini par me tuer. » Un léger soupire s’échappa d’entre les lèvres d’Ezra, lui qui venait approuver les paroles de Jillian d’un hochement de tête. « Il a très envie de te faire ta fête, oui. Je savais même pas que vous vous connaissiez, tous les deux. » Là n’était pas le sujet principal de leur conversation, mais il était vrai qu’il avait été étonnée de savoir que les deux jeunes gens se connaissaient alors qu’il ne les avait jamais vu échanger jusque maintenant. « Et puis, je voulais vérifier que tu te souvenais du banc. »

Là, enfin, le regard d’Ezra vint se détourner vers la jeune femme, vint tenter d’accrocher le sien au vol, de s’y perdre un instant. Il savait que la suite des opérations pourraient être risquées. Jill avait fui, s’était même enfuie ces quelques derniers jours et elle était tout à fait capable de recommencer sous les yeux d’Ezra - et ce n’était pas le but du jeu. Mais en même temps, cela faisait des jours que tout le monde s’inquiétait pour elle et elle réapparaissait comme une fleur une semaine plus tard, comme si de rien n’était. Et sur ça, il ne pouvait pas rester sans rien dire.

« Je me rappelle du banc, sans soucis. » Il vint tourner trois fois sa langue dans sa bouche - ce n’était pas sept mais c’était mieux que rien - avant de venir exprimer la suite de ses pensées. Il agissait en roue libre à partir de maintenant, sans certitude des résultats. « La question est plutôt pourquoi j’ai eu besoin de m’en rappeler. Qu’est-ce qu’il va pas Jill, sérieux ? » Cette fois ci, oui il l’admettrait, ses mots contenaient une légère partie de reproches - parce-que lui aussi, il s’était inquiété ces derniers jours.

Spoiler:

Elle ne voit pas bien les étoiles ce soir et elle trouve ça dommage. Le soleil n’est sûrement pas encore assez bas, ou le ciel est un peu trop nuageux. Elle aurait aimé se retrouver là au beau milieu de la nuit, quand tout est vide et qu’il n’y a rien de plus que le bruit de la nature. C’est dans ces moments là qu’elle réfléchit le mieux. Son visage ne se tourne pas une seule seconde pour s'apercevoir que c’est Ezra qui se tient juste derrière elle. Il n’y avait que lui qui pouvait la trouver ici. C’est leur endroit, qu’ils avaient déserté depuis de trop nombreuses années. “C’est la première fois que je reviens ici depuis 2009.” Elle n’a en aucun cas envie de parler de ces années qui les ont détruit tous les deux de manière différente. Mais ça veut dire quelque chose non ? Ca veut dire que quelque chose a changé ou a évolué pendant ces dernières semaines. Elle a l’impression d’avoir retrouvé cet ami qu’elle avait perdu à cause d’une erreur de parcours.

Ses jambes reviennent vers elle pour que le brun puisse s’asseoir sur le banc lui aussi. “Je le connais depuis des années. C’est comme un petit frère.” Et ça lui pince le coeur de dire une chose pareille après tout ce qu’ils se sont dit dans l’appartement il y a de ça quelques heures. Elle sait que Ezra n’est pas là pour la plaindre, et ce n’est en rien ce qu’elle demande. Mais elle ne veut pas hurler, elle ne veut pas que ça se passe comme avec Dorian. “Si seulement je le savais.” Pourquoi elle va mal ? C’est une question qu’elle se pose certainement depuis toujours. Et ce soir Ezra aimerait savoir pourquoi il a dû la retrouver sur le banc. Et elle n’en sait rien. Parce qu’elle a l’impression que rien ne va, et que rien ne se passe comme ça devrait se passer. “C’est pas moi tout ça, c’est pas fait pour moi.” Elle gâche tout, et elle fait du mal à ceux qu’elle devrait aimer plus que sa propre vie. “C’était pas une connerie, il fallait que je parte.” Et elle est persuadée d’avoir pris la bonne décision.

« C’est la première fois que je reviens ici depuis 2009. » Il laissa échapper un léger soupire. « Moi aussi, c’est la première fois. Je me rappelais plus qu’on avait une vue aussi pourrie sur le parc et pas sur la rivière. » Il haussait les épaules, comme si cela n’importait pas - mais ça importait, ça montrait que les souvenirs étaient toujours présents bien qu’un peu biaisés par le temps, que qu’importe les années qui pouvaient s’écouler, certaines choses ne changeraient pas.

Et avec Jill, ces choses qui ne changeaient pas pouvaient être nombreuses, les habitudes ayant la peau dure. « Je le connais depuis des années. C’est comme un petit frère. » Il vint s’asseoir à ses côtés sur le banc, prenant ses aises, ne sachant pas pour combien de temps il allait en avoir. Il y avait des choses dont il fallait qu’ils discutent, elle et lui, et Ezra espérait pouvoir aller au bout de ses idées. « Et bien ton petit frère est bien remonté contre toi, j’attendrais avant de retourner le voir si j’étais toi. » Dorian avait même carrément envie de lui arracher les yeux de la tête, mais les détails n’importaient pas sur cette histoire là.

Les détails qu’il préférait savoir, Ezra, c’était pourquoi il se trouvait là sur ce banc en compagnie de Jillian, après toutes ces années. Il aurait préféré s’y rendre parce-qu’elle lui avait demandé, pas parce-qu’il n’y avait pas d’autre endroit possible pour la retrouver. « Si seulement je le savais. » Ses yeux vinrent se braquer dans sa direction, scrutant la moindre expression de son visage. « C’est pas moi tout ça, c’est pas fait pour moi. » Le soupire était lourd, le soupire était las. « C’était pas une connerie, il fallait que je parte. » Il vint se frotter les yeux d’une main, prenant un instant pour rassembler ses idées et remettre en ordre ses émotions. La disparition soudaine de la jeune femme, une semaine plus tôt, avait remué pas mal de monde et Ezra en faisait partie. « C’est pas pour toi quoi, Jill ? Ta vie actuelle ? » Un sourcil haut placé, inquisiteur, sur le visage, mais un ton qui restait à un volume plus que correct. Le but n’était pas - pour l’instant - de la froisser, mais bien d’obtenir des réponses aux questions de tous. « Parce-que partir était une connerie, et tu le sais en plus. Tu peux pas quitter ta vie comme ça juste parce-qu’un élément te met dans tous tes états. » Il vint secouer la tête. « Ca fonctionne pas comme ça. Enfin, ça fonctionne plus comme ça. Pas maintenant qu’on est adultes. »

Spoiler:

”T’aurais pu mieux choisir.” Elle grogne mais elle sourit la McGrath. Cet endroit n’est pas le plus beau de Kangaroo point mais c’est le leur et c’est ce qui fait qu’ils n’auraient pas pu trouver mieux. Elle aurait pu revenir ici de nombreuses fois depuis qu’elle est rentrée dans la ville de son enfance. Mais, c’était comme si le fait de revoir Ezra avait ravivé quelques souvenirs qu’elle s’était efforcée d’oublier pendant des années. “Je sais.” Elle ne peut pas retourner voir Dorian tout de suite, et elle sait pertinemment que le jeune homme mettra du temps à lui pardonner tout ce qu’elle a pu lui dire.

Et forcément en venant ici il lui demande pourquoi elle va mal. Tout le monde aimerait avoir la réponse à cette question, et surtout elle. Elle continue de regarder les étoiles en passant ses jambes par dessus les genoux d’Ezra. Elle essaie de trouver des explications, de lui faire comprendre qu’elle a l’impression que rien de toute sa vie n’a l’air d’être fait pour elle. Elle est incapable d’être une mère et de s’occuper de ses enfants. Ils ne sont pas la chose la plus importante dans son monde à elle alors que ça devrait être le cas depuis quelques semaines déjà. Elle déteste ne pas vivre ça comme tout le monde, de ne pas le vivre comme Bailey. Lui il sait qu’il les aime, et il ferait tout pour eux. Même briser le couple qu’ils ont mis tant de temps à créer. “Une mère devrait pas avoir envie de partir à l’autre bout du monde alors que ses enfants ont seulement quelques semaines.” Elle ne cache pas ce qu’elle pense et ce qu’elle ressent vraiment à son ancien meilleur ami. “J’aurais dû faire quoi alors ? Rester dans la maison à faire comme si tout allait bien et finir par devenir folle ?” Parce que c’est exactement ce qu’il se serait passé si n’était pas partie, elle en est persuadée. “J’ai pas envie d’être adulte.” Pas ce soir, pas ces dernières semaines. Elle a envie de revenir au temps où ils passaient leurs nuits à boire et à s’amuser. Le temps passe bien trop vite. “Mes parents sont venus avant que je parte…” Ca non plus il ne le sait sûrement pas.

Il observait la jeune femme, Ezra. Il venait poser à la fois un regard doux et compatissant, inquiet et impatient. Il ne comprenait pas pourquoi elle avait préféré s’enfuir, fuir les responsabilités. Il ne comprenait pas pourquoi elle avait préféré tout jeter aux ordures plutôt que de tenter de réparer quoi que ce soit. « Une mère devrait pas avoir envie de partir à l’autre bout du monde alors que ses enfants ont seulement quelques semaines. » « C’est vrai. » Il se mordit un instant la joue depuis l’intérieur de sa bouche. Si elle partait au quart de tour avec cette remarque, Ezra s’en voudrait. Il ne désirait pas que Jill ne vienne prendre mal le fait d’approuver de telles paroles - mais il avait toujours été vrai, authentique, à ses côtés et il ne se voyait pas faire autrement même après toutes ces années. « J’aurais dû faire quoi alors ? Rester dans la maison à faire comme si tout allait bien et finir par devenir folle ? » Un nouveau soupire s’échappa d’entre ses lèvres. Ça aussi, il s’en voudrait sûrement par la suite, de n’avoir pas su le retenir, car il entrait dans un comportement de reproche envers la jeune femme alors que son intention n’était pas là sur le départ.

« J’ai pas envie d’être adulte. » Son petit rire se dit railleur, quelque peu moqueur, mais tout de même un brin amusé. « Je crois qu’aucun d’entre nous ne voulait devenir adulte, tu sais. » Ezra le premier, en y pensant avec une touche de nostalgie, aurait préféré ne pas avoir à devenir adulte. Il aurait préféré rester au temps de l’insouciance de l’adolescence, toucher de nouveau à l’allure de l’enfance. Il aurait préféré rester toute sa vie la tête dans les nuages et l’avenir les bras grands ouverts, l’attendant comme on attend un proche impatiemment sur un quai de gare. Mais tout ceci n’était guère possible. Tout ceci n’était qu’une utopie destinée à nous faire croire que l’innocence de la jeunesse pouvait être a jamais ancrée dans les idéaux des jeunes gens. Tout ceci était faux. « Mais on peut pas fermer les yeux et ignorer le fait qu’on peut pas démissionner de sa vie d’adulte. Pas sûr un coup de tête, pas parce-que c’est trop dur ou qu’importe la raison. On est obligé d’y mettre du sien. »

Les yeux d’Ezra cherchaient ceux de la demoiselle, tentaient de s’y accrocher, d’y décrocher la moindre information. D’y voir quelque-chose que les paroles de Jillian ne voulaient pas lui révéler. Il l’avait connu plus têtue que ça, et surtout il avait connu une version de la demoiselle qui ne se serait pas laissée faire par une simple situation compliquée. Elle aurait trouvé un chemin détourné, pas forcément toujours très adapté, mais elle aurait trouvé quelque-chose. Une autre information se cachait derrière tout ça et, alors qu’il s’apprêtait à questionner Jill pour creuser davantage la question, elle vint la lui délivrer sur un plateau d’argent. « Mes parents sont venus avant que je parte… » Ah. Information capitale, cartes redistribuées et fausse donne en bout de course. Les parents McGrath - et rien que d’y penser, un frisson vint parcourir l’échine d’Ezra. « Ils voulaient quoi ? » Toute marque d’amabilité disparaissait en quatrième vitesse lorsque le Beauregard en venait à parler d’eux. Il connaissait mieux que personne les misères qu’ils étaient capables d’infliger à leur proches, ou à quelconque personne croisant leur chemin sur cette terre.

Spoiler:

« C’est vrai. » Jill ne ment pas à Ezra, elle lui expose ce qu’elle pense sans prendre de gants, et elle ne pourrait pas faire ça avec n’importe qui. Ezra, en retour, ne lui ment pas non plus. Elle sait qu’elle n’est pas normal, qu’une mère qui aime ses enfants n’aurait jamais osé faire un truc pareil. Alors elle se demande Jill, si elle est vraiment faite pour être mère. Elle n’a pas envie de passer 18 ans à porter des masques pour faire plaisir au monde entier et montrer que tout le monde peut se sauver de ses démons. Elle avait déjà abandonné l’illusion de devenir mère il y a des années, même si le perdre n’avait pas été sa réelle décision, même si le destin avait fait le choix pour elle, histoire de lui montrer qu’elle n’était vraiment pas capable d’assumer un tel rôle. Les démons de Jill font partie d’elle, et ils seront toujours là, dans un coin de sa tête. Elle ne peut pas y échapper, et peut-être qu’elle n’en a même pas vraiment envie. Elle regarde le ciel et garde sa tête ancrée sur les genoux d’Ezra. Elle ferme les yeux une seconde en lui parlant, mais il ne répond pas. Au fond, c’est juste comme si elle parlait de tout ce qui ne va pas à voix haute, et c’est la première fois qu’elle le fait vraiment.

« Je crois qu’aucun d’entre nous ne voulait devenir adulte, tu sais. » Et elle encore moins. “On peut pas retourner à l’époque ou la seule chose à laquelle on devait réfléchir c’était le nombre de bière qu’il fallait pour faire la plus grande pyramide de tous les temps ?” Elle échange un regard avec Ezra, une seconde, avant de reporter son attention sur les étoiles encore une fois. « Mais on peut pas fermer les yeux et ignorer le fait qu’on peut pas démissionner de sa vie d’adulte. Pas sûr un coup de tête, pas parce-que c’est trop dur ou qu’importe la raison. On est obligé d’y mettre du sien. » “J’ai essayé, je te jure que j’ai vraiment essayé.” Et ça sonne comme une tragédie, quelque chose qui finit forcément mal. Elle a presque les larmes aux yeux à l’idée de devoir retourner dans sa maison, avec les enfants qu’elle a mis au monde mais qu’elle n’est même pas capable de regarder dans les yeux. Elle soupire, qu’est ce qu’elle pourrait bien faire pour changer ? Rien du tout justement. C’est ce qui est beau chez Jill, qui la rend aussi inaccessible. C’est que, même si elle faisait tous les efforts du monde, elle finirait par s’écrouler et revenir à ce qu’elle a toujours été. Un démon dans toute sa splendeur, une femme brisée qui ne pourra jamais être totalement réparée. Elle est destinée au néant, et pourtant, elle essaie de temps à autre de sortir la tête de l’eau.

Elle avoue, elle parle de ses parents. Parce qu’au fond, c’est à cause d’eux que tout a commencé. Parce qu’ils sont la voix des démons qui traînent dans sa tête, ils sont ceux qui n’ont pas peur de parler de ce qu’il se passe vraiment, ceux qui osent lui rappeler qui elle est vraiment. Elle a toujours été la même, et elle le voit encore aujourd’hui, elle détruit absolument tout ce qu’elle touche. Son coeur est brisé, sa vie aussi, et qu’est ce qui lui reste aujourd’hui de plus que l’oreille attentive d’un ami qu’elle a lâchement abandonné pendant des années après lui avoir dit que tout était de sa faute dans un garage ? Il est là, et elle se demande encore comment et pourquoi. Elle, elle ne lui aurait jamais pardonné d’avoir dit des choses comme ça. Mais tout le monde pardonne toujours tout à la McGrath, parce qu’ils l’ont tous accepté comme elle était vraiment. Un monstre. « Ils voulaient quoi ? » Cette question lui refait vivre ce moment, celui où elle s’est retrouvée face au mur et où elle n’a rien pu faire d’autre que se retrouver face à la réalité des choses. “Détruire ma vie, et me rappeler qui je suis vraiment.” Et ils ont réussi, ils y arrivent toujours. Ils ont un pouvoir que personne d’autre n’aura jamais sur Jill. Elle s’est toujours protégée, assez pour que personne d’autre que ses parents puissent la blesser à ce point là. C’est elle qui blesse en temps normal, elle qui fait mal, mais c’est tout le contraire quand ses parents sont dans les parages. “J’aurais jamais dû revenir à Brisbane.” Elle est là la vérité. Elle aurait dû rester à Londres, dans cette chambre d’hôpital. Elle n’aurait jamais dû s’échapper pour rejoindre la famille à laquelle elle tenait vraiment. Elle les brise tous, et Bailey en premier. Il ne mérite pas ça, il n’a jamais mérité d’aller aussi mal à cause d’elle. C’est peut-être ça qu’elle devrait faire finalement, s’enfuir et ne plus jamais revenir.

Spoiler:

« On peut pas retourner à l’époque ou la seule chose à laquelle on devait réfléchir c’était le nombre de bière qu’il fallait pour faire la plus grande pyramide de tous les temps ? » Un petit sourire tendre vint s’étirer sur les lèvres du jeune homme. Il était loin, le temps dont parlait Jillian, il pouvait même être qualifié de révolu - et pourtant, les souvenirs revenaient si facilement à la surface alors le moindre mot portant sur ce sujet prononcé. Ezra avait parfaitement l’image de tous ces moments passés côte-à-côte, Matt jamais vraiment bien loin, Ginny quelque peu reculée de la scène, et surtout Jill lui jetant un regard complique. Ils avaient été nombreux ces moments là et ils avaient été bien plus simples que tout ce qu’ils devaient vivre désormais. Le temps avait filé, ils avaient grandi et devaient agir en conséquence désormais. « J’ai essayé, je te jure que j’ai vraiment essayé. » « Je te crois. » Il n’avait pas hésité un instant avant de venir répondre à la demoiselle. Ses mots sonnaient supplice, sonnaient déchirés. Son coeur devait l’être surtout tout autant. Ezra n’avait aucun mal à la croire lorsqu’elle disait avoir essayé, parce-qu’il le voyait dans son regard. Elle ne s’était juste pas accrochée assez longtemps pour voir les résultats. La parentalité était un domaine compliqué, qui plus était lorsque le nouvel arrivant dans la famille s’accompagnait d’un double et que le nombre de membres de la fratrie se multipliait par deux d’un coup. Elle était, dans cette situation, également plus compliquée que Jill n’avait guère confiance en elle et préférait se reposer sur des éléments du passé plutôt que de se concentrer sur l’avenir et ce qu’il pouvait lui apporter. « Mais il va falloir que t’essaies plus fort. Tu peux pas abandonner et baisser les bras. Pas cette fois. » Même si ses paroles étaient justes et franches, sa voix continuait de se parer d’un ton de douceur. Il était ici pour l’aider, pour la réassurer, en aucun cas pour la juger.

Et finalement, de fil en aiguille au fur et à mesure de la conversation, l’élément posant soucis fut pointé du doigt. Les parents McGrath s’étaient pointés chez la jeune femme et Ezra ne fut même pas étonné, finalement. Pour que la situation prenne cette tournure là, pour que Jill en vienne à fuir totalement son petit cocon et en vienne à préférer se faire portée disparue pendant plusieurs jours, c’était qu’un événement de cette ampleur devait être arrivé. Ils avaient toujours tout défait sur leur passage, Marianne et Isaïah, ils avaient toujours fait en sorte que leurs enfants soient, justement, leurs enfants - à leur image, à leurs valeurs, à leurs conventions. Ils avaient juste oublié en cours de route qu’un enfant ne venait pas au monde pour être le parfait petit pantin de ses parents mais bien pour exister par lui-même. Il n’y avait qu’à voir les chemins empruntés par leurs trois enfants pour comprendre qu’ils s’étaient fourrés le doigt dans l’oeil jusqu’au coude depuis le début. Alors, peut-être et sûrement par esprit de vengeance, leur nouvelle passion était de venir ruiner l’avenir de leurs progénitures - et de leurs familles, par la même occasion. « Détruire ma vie, et me rappeler qui je suis vraiment. » Bingo, la jeune femme n’avait même pas besoin en réalité de répondre réellement à la question d’Ezra qu’il connaissait déjà la réponse. La confirmation de la brune vint le faire grincer quelque peu des dents, laisser son regard désormais noir s’éloigner un brin dans le vague. Oh, il était plutôt du genre aimable et gentil avec les gens en général, Ezra. Très peu de monde figurait sur la liste rouge de son existence - mais ces deux McGrath là possédaient leur propre liste noire. « Comme c’est étonnant venant d’eux tiens. » Il secoua la tête, soupira comme d’énervement. « Ils savent pas se mêler de leurs affaires c’est pas possible. » Et ils réussissaient à rendre Ezra dans tous ses états, comme des années auparavant -l’effet ne changerait donc jamais.

« Je… » « J’aurais jamais dû revenir à Brisbane. » Il n’avait eu le temps de prononcer sa phrase que Jillian venait s’interposer, se prononcer - et ses paroles vinrent sortir Ezra de cet état quelque peu second dans lequel il était présentement en train de se plonger. « Pardon ? » Fronçant quelque peu les sourcils, il vint reporter son regard dans celui de la jeune femme, toujours tête reposée sur ses genoux. C’était avec ce genre de réponse là qu’on pouvait mesurer l’impact de l’attaque des parents McGrath sur leurs enfants. « C’est eux qui sont en tord et c’est toi qui pense que t’es pas à ta place ? » Un rire - jaune, faux, désabusé - se fit entendre pendant l’espace de quelques secondes. Il n’en revenait pas. « Je te promets que t’as tord, Jill. Je sais que t’aimes pas quand on te dit ça mais c’est le cas. » Comme elle avait déjà eu tord des années plus tôt; les répercutions n’étaient cependant pas les mêmes aujourd’hui, allant dans un sens contraire à celui des années passées. Londres était loin, Londres était maudite pour beaucoup de choses. En aucun cas, Londres était un endroit où elle devait se projeter de nouveau - pas comme ça, pas pour ces raisons là. « Toi comme moi savons que fuir n’est pas la solution. Je te le dis de suite, parce-que je vois dans tes yeux que t’es déjà en train de l’envisager. » Il en faudrait plus pour le duper, Ezra. Les années avaient beau avoir passé, il reconnaissait encore certaines choses dans les yeux de la jeune femme qu’il avait descellé ce qui lui semblait être le siècle dernier.

Spoiler:

Jill ne veut pas descendre de cette colline. Elle veut rester là avec Ezra à parler du bon vieux temps. Plus rien ne va dans sa vie, et tout s’effrite petit à petit. Elle perd sa famille, une partie de ses amis, et elle le fait exprès. Elle est faite pour l’auto destruction Jill, et elle est en pleine phase de destruction de tout ce qui la rend heureuse. Par chance, Ezra est toujours à ses côtés, même si elle a cherché à les détruire il y a de ça des années. Il aurait pu ne jamais lui pardonner, et pourtant, il est là, comme avant, comme quand tout était encore parfait dans leurs deux vies. Et elle aimerait vivre à cette période pour toujours. Si elle n’était pas partie à Londres, si elle s’était enfuie pour toujours avec Pete, rien de tout ça ne serait arrivé. « Je te crois. » Et c’est certainement le seul. Elle croise son regard tout en restant encore allongée sur ses genoux. Les étoiles sont de plus en plus visibles et elle profite de cette bulle, de ce moment hors du temps tant qu’elle le peut. « Mais il va falloir que t’essaies plus fort. Tu peux pas abandonner et baisser les bras. Pas cette fois. » Elle ferme les yeux, elle soupire et elle sert les dents parce que Ezra n’a pas peur de la mettre face à la réalité des choses. Elle ne peut pas abandonner, elle n’a pas le droit, et pourtant, elle s’imagine encore que c’est possible. “Ils seraient tous bien plus heureux si j’étais pas là.” Elle est persuadée qu’elle a raison depuis des mois déjà. Elle ne fait qu’exprimer ce qu’elle ressent à voix haute pour la première fois.

Elle avoue que c’est à cause de ses parents qu’elle a tout réalisé et que tout à explosé au même moment. Elle a fait sa valise, et elle est partie. Elle a fuit son chez elle pour retrouver la capacité de respirer et de penser correctement. Mais, ce qu’elle pense, c’est particulièrement négatif. Elle pense que toutes les personnes qu’elle aime seraient bien mieux si elle disparaissait du jour au lendemain sans donner aucune nouvelle.  « Comme c’est étonnant venant d’eux tiens. » “Ils seront toujours là au pire moment.” C’est toujours pareil, ils arrivent quand personne ne les attend, quand elle est déjà au plus bas et qu’il lui suffit de quelques mots pour être complètement détruite. « Ils savent pas se mêler de leurs affaires c’est pas possible. » “On est apparemment leurs affaires.” Elle serre les dents, ils ne se débarrasseront jamais de leurs parents.

Elle parle peu, mais Ezra l’écoute. Il l’écoute et est là pour elle. Pour tenter de lui expliquer qu’elle a tort. « Pardon ? » Il l’a entendu. Elle ferme les yeux à nouveau regretterait presque qu’il l’ait entendu finalement. « C’est eux qui sont en tord et c’est toi qui pense que t’es pas à ta place ? » Il rit, mais elle, ça ne la fait pas du tout rire. “C’est pas drôle.” Elle grogne. « Je te promets que t’as tord, Jill. Je sais que t’aimes pas quand on te dit ça mais c’est le cas. » Elle commence à s’énerver, elle ne comprend pas comment il ne peut pas voir, comment personne n’est capable de voir qu’elle n’est pas faite pour cette vie là. Elle se relève rapidement et se tourne vers lui. “Comment tu peux en être sûr ?” Elle secoue la tête encore une fois en soupirant. « Toi comme moi savons que fuir n’est pas la solution. Je te le dis de suite, parce-que je vois dans tes yeux que t’es déjà en train de l’envisager. » Elle le regarde dans les yeux. “C’est pas fuir que de sacrifier quelque chose pour que ceux que j’aime soient heureux.” Il la connait, trop bien. Puisqu’elle était réellement en train d’envisager de fuir loin de Brisbane, sans retour possible cette fois.

« Ils seraient tous bien plus heureux si j’étais pas là. » « Tu sais très bien que c’est pas vrai. » Elle avait tord, Jillian, et plutôt mille fois qu’une. Personne ne serait plus heureux si elle ne se trouvait pas dans les parages et le fait qu’elle minimise son importance aux yeux des autres avait le don de faire bouillir Ezra de l’intérieur. Elle avait toujours joué à ce petit jeu là, et si à l’époque il lui semblait que c’était uniquement pour attirer de l’attention sur elle, c’était désormais différent.

Ce qui ne changeait pas, en revanche, c’était l’impact de la moindre visite des parents McGrath sur leurs enfants - il n’avait devant lui que Jill mais il imaginait sans peine les conséquences sur les deux autres énergumènes. « Ils seront toujours là au pire moment. » Vrai. « On est apparemment leurs affaires. » Ezra vint grogner, quelque peu. « Vous avez jamais été leurs affaires. » La façon dont Marianne et Isaïah percevaient leurs enfants avait toujours été un mystère pour lui. Ezra avait été élevé dans une famille où l’indépendance primait, où les enfants devaient apprendre à vivre par eux même tout en respectant leurs proches. Même si certaines de ces valeurs avaient été perdues en cours de route par personne d’autre que son père, elles étaient restées ancrées à l‘intérieur de son esprit à lui. Et déjà à l’époque, lorsqu’il côtoyait de près et quotidiennement les McGrath, il ne comprenait pas le système de fonctionnement mis en place par les parents - ce n’était pas pour y adhérer aujourd’hui, loin de là.

Ils ne s’éternisèrent cependant pas sur le sujet des parents de la demoiselle car cette dernière vint tirer une carte de son jeu qui ne plaisait guère à Ezra - voire encore moins que celle des parents McGrath, c’était pour dire. « C’est pas drôle. » Il vint secouer la tête. « Bien sur que non c’est pas drôle. » Car son rire était bien plus nerveux et énervé qu’autre chose, entre autres choses. La jeune femme avait tord et elle ne s’apercevait même plus de l'énormité des choses qu’elle disait désormais. Ca n’avait rien de drôle et la situation, jusque maintenant presque adorable tournait bien plus décevante que prévue. « Comment tu peux en être sûr ? » Comment il pouvait être sûr que le problème venait de ses parents et pas d’elle ? « Parce-que je le sais, c’est tout. Y’a pas besoin d’avoir fait math supp pour comprendre que t’as tord dans la situation. » S’il ne cherchait pas à l’énerver jusque maintenant, ça allait rapidement être chose faite - mais ce n’était que le cadet de ses soucis, à Ezra.

« C’est pas fuir que de sacrifier quelque chose pour que ceux que j’aime soient heureux. » Il avait l’impression de rêver, et que ce rêve en vienne à tourner cauchemar sans le prévenir par avance. « C’est pas ? Oh non non non, Jill. » Forçant la jeune femme à se redresser sur le banc pour qu’il puisse se dégager de sa tête, il vint se planter devant elle, droit comme un i, les bras croisés sur son torse. Il avait l’impression d’halluciner. « C’est pas fuir que de sacrifier quelque chose pour que ceux que j’aime soient heureux ? Tu oses sérieusement me dire ça à moi, Jillian ? » S’il ne s’était pas encore pris une gifle pour continuer de l’appeler comme ça après tout ce temps, elle ne garderait pas non plus à lui en mettre une - il savait qu’elle détestait ça, mais les circonstances étaient de mises pour qu’elle mérite qu’il l’appelle par son prénom complet. « "Sacrifier" comme tu dis, dans la situation actuelle, c’est fuir. Tu me la feras pas à moi, je sais très bien faire la différence. » Il avait vécu et subi, la différence. Lorsqu’il pensait que sacrifier son amour pour Ginny suffirait à la rendre heureuse alors qu’elle avait décidé de l’abandonner en arrière. Il s’était avéré qu’il avait simplement fui un problème plus gros que lui et dont ni Ginny ni Ezra n’était in fine responsable.

Secouant la tête, le Beauregard se mit finalement à faire les cent pas. devant ce banc qui en avait vu des plus vertes et des moins mures. « Et si tu penses qu’ils sont heureux parce-que tu fuis, » Il vint particulièrement appuyer sur ce dernier mot pour qu’elle imprime ses conséquences directement. « c’est de la lâcheté, Jillian, et hurle moi dessus si tu penses le contraire j’en ai rien à foutre. » Parce-que si elle se mettait à fuir les personnes qui tenaient à elle, c’en était fichu pour la retrouver, la rattraper. Il la connaissait assez pour savoir que désormais, la conversation qu’ils entretenaient ici, au milieu du parc et au milieu de la nuit, pouvait être décisive dans un futur plutôt très proche. « Je sais que t’as mal au coeur de la situation, mais punir les autres parce-que tu te sens mal en agissant comme une idiote, c’est pas la solution. Demande à ton frère, il pourra mieux t’expliquer que moi comment ça fonctionne. »

Spoiler:

« Tu sais très bien que c’est pas vrai. » Pourquoi est ce qu’il lui donnent tous tort de cette manière ? Pourquoi ils pensent tous qu’ils ont raison et qu’elle n’y connait rien à la vie ? Elle fulmine mais reste calme en apparence. Elle n’a pas le choix, sinon, elle va finir par hurler sur le jeune homme qui se tient juste à côté d’elle. Ils parlent des parents McGrath, de tout ce qui ne va pas dans la vie de Jill, tout ce qui tourne autour de son malêtre et de sa fuite. Fuite qui n’en est pas vraiment une dans son esprit. « Vous avez jamais été leurs affaires. » Elle lève les yeux au ciel. “Tant qu’ils ne seront pas mort ils seront toujours dans les parages, à débarquer dans les pires moments.” Elle grogne, elle était allongée sur ses genoux et elle se relève doucement. Elle sent que la tension monte mais elle ne dit rien à Ezra, elle le laisse parler, parce qu’au fond, elle sait qu’il a raison et qu’elle a besoin d’entendre tout ça.

Elle évite les contact visuels avec le jeune homme, elle préfère perdre son regard dans le ciel étoilé. « Bien sur que non c’est pas drôle. » Elle ne rit pas, et son rire à lui est nerveux. Rien n’est drôle dans cette situation, et c’est terrifiant. « Parce-que je le sais, c’est tout. Y’a pas besoin d’avoir fait math supp pour comprendre que t’as tord dans la situation. » “J’ai pas tort.” Elle n’a peut-être pas totalement raison, mais elle n’a pas complètement tort et c’est un fait. Ezra la connait, et il devrait savoir à quel point elle pourrait être destructrice pour ses propres enfants et la famille qu’elle est en train de construire. Après tout, comment elle pourrait être une bonne mère après avoir eu des parents comme les siens et une adolescence aussi chaotique ? Comment est ce qu’elle pourrait changer du tout au tout à seulement quelques semaines ?

Elle parle sans filtre, exprime exactement ce qu’il est en train de se passer dans sa tête. « C’est pas ? Oh non non non, Jill. » Oh si si si qu’elle aurait envie de répondre la demoiselle. Mais elle se tait, le regarde se lever et croiser les bras sur sa poitrine. Elle a l’impression de se faire engueuler comme une enfant. Et plus le temps passe, plus elle rage. « C’est pas fuir que de sacrifier quelque chose pour que ceux que j’aime soient heureux ? Tu oses sérieusement me dire ça à moi, Jillian ? » “Oui.” Elle n’en démord pas, Elle regarde au sol et serre les dents. « « Sacrifier » comme tu dis, dans la situation actuelle, c’est fuir. Tu me la feras pas à moi, je sais très bien faire la différence. » “Je pars pour les protéger de moi.” Il ne comprend pas. Pourquoi lui non plus ne comprend pas ce qu’elle peut ressentir et pourquoi elle agit de la sorte. « Et si tu penses qu’ils sont heureux parce-que tu fuis, c’est de la lâcheté, Jillian, et hurle moi dessus si tu penses le contraire j’en ai rien à foutre. » “J’ai pas besoin d’hurler, c’est pas de ma faute si personne comprend rien.” Elle s’enfonce sur le banc et croise les bras à son tour.

« Je sais que t’as mal au coeur de la situation, mais punir les autres parce-que tu te sens mal en agissant comme une idiote, c’est pas la solution. Demande à ton frère, il pourra mieux t’expliquer que moi comment ça fonctionne. » Il parle de Londres sans trop rien dire, il la traite d’idiote et c’est à ce moment là qu’elle tourne la tête pour chercher un moyen de lui échapper. “T’aurais pas dû venir ici si c’était pour raconter autant de conneries.” Elle retient les quelques larmes qui aimeraient se frayer un chemin sur son visage, parce qu’il touche exactement où ça fait mal et il le sait très bien. Et elle se lève pour s’éloigner, finalement, c’est peut-être elle qui est la réelle professionnelle de la fuite.

« J’ai pas tort. » Elle avait tort, et elle le savait. Il pouvait le voir à la façon dont elle renait éviter son regard, ou elle gardait étrangement son calme là où Ezra ne savait garder le sien intact. Elle avait tort dans toutes les versions de cette situation, car abandonner mari et enfants ne donnait jamais raison, dans aucun monde connu à ce jour. Et il se permettait de s’énerver, Ezra, car il ne connaissait que trop bien ce que cela pouvait apporter pour les personnes qui restaient en arrière. C’était ce qu’il voulait qu’elle comprenne, qu’elle voit, qu’elle intègre. Ses actions lui semblaient peut-être légitimes à ses yeux, mais il n’y avait que pour les siens qu’elles pouvaient prétendre à ce titre là - et encore, si elle savait prendre un minimum de recul, elle s’apercevrait même de son point de vue que son attitude n’avait rien de normale.

Et même si ça lui valait par la suite de se faire insulter par la jeune femme, même si elle désirait lui refaire le portrait dans les minutes qui s’écouleraient à la suite, Ezra restait honnête et franc avec Jill. Il l’avait toujours été, il ne changerait pas son comportement parce-qu’ils avaient grandi et que la vie d’adultes les avait rattrapés. Il continuerait de lui montrer là où elle faisait une erreur, même si parfois personne d’autre ne s’osait à le faire. « Oui. » Et elle resterait dans son comportement de petit effrontée quoi qu’il adviendrait, de son côté, apparemment. « Je pars pour les protéger de moi. » Il vint soupirer, lever les yeux au ciel et les bras qui allaient avec, maintenant qu’il était debout devant le banc. « Ils ont pas besoin d’être protégés de toi, ils ont besoin de toi tout court. Tu le vois pas ? » Il était excédé de voir qu’elle reproduisait les mêmes comportements que quelques années auparavant. N’avait-elle donc rien appris des leçons de la vie que les parents McGrath, justement, avaient pris  à leurs enfants ? Ils n’avaient pas été de bons parents, loin de là, mais Ezra mettrait sa main à couper qu’ils leur avaient au moins montrer qu’ils avaient besoin des autres et que l’inverse était tout aussi vraie pour vivre.

« T’aurais pas dû venir ici si c’était pour raconter autant de conneries. » Le regard d’Ezra vint arrêter de divaguer à l’instant où Jillian prononça ces derniers paroles. Et un silence, bref mais intense, s’installa entre eux. « Joue pas à ça. » Il était dupe, mais pas avec elle. « T’as pas le droit de jouer à ça avec moi, Jillian. » Il la connaissait encore que trop bien pour comprendre tous les tenants et aboutissants de cette phrase qui, à première vue, pouvait sembler innocente. « Tu peux pas me chasser comme ça alors que c’est toi qu’est venue me voir. » Il touchait des point sensibles, mais ce n’était pas pour autant qu’il s’arrêterait en cours de route. Elle lui avait pire, la gamine, dans le temps. Elle connaissait les points sensibles et les avaient touché de nombreuses fois. On pourrait croire qu’Ezra se contentait de lui rendre la pareille, mais ce n’était même pas la vérité. Il voulait juste lui faire comprendre ce qu’il se passait réellement derrière son comportement de petit enfant gâté.

« Et c’est toi qu’est en train de faire les conneries, Jillian. » Il insistait plus que de raison sur ce prénom qu’elle n’appréciait que si peu. « Je fais que les souligner parce-qu’apparemment, tu t’en fous des conséquences qu’elles peuvent avoir sur ton entourage. »

Spoiler:

Elle est braquée Jill. Elle est braquée et terriblement têtue. Ezra le sait, mais il n’abandonne pas. Elle serre les dents et le et évite son regard pour réfléchir. Elle en aurait terrifié plus d’un avec ses regards, mais pas lui, et ça l’énerve encore plus. Elle souffle « Ils ont pas besoin d’être protégés de toi, ils ont besoin de toi tout court. Tu le vois pas ? » ce n’est pas ce qu’elle pense. “Comment tu peux être aussi sûr de ça ?” Elle se sait dangereuse Jill. Elle ne sait pas vraiment ce que sa maladie peut la pousser à faire, et elle est imprévisible la demoiselle. Ca, elle l’a prouvé à de nombreuses reprises. Le regard qu’elle lance à Ezra cette fois est presque suppliant, elle a autant besoin d’être rassurée que d’être engueulée et elle compte sur lui pour faire les deux.

Elle le repousse, elle finit toujours par repousser tout le monde quand elle est dans cet état là. Dorian a fuit, Bailey l’a jeté de la maison, Matt a bien d’autres soucis en tête et Ginny est déjà ailleurs. Elle est presque seule à ce moment là, mais Ezra continue de s’accrocher. « Joue pas à ça. » Mais c’est exactement ce qu’elle fait quand cette fois elle plante ses yeux dans ceux d’Ezra, plus défiants, plus méchants que les fois d’avant. « T’as pas le droit de jouer à ça avec moi, Jillian. » “Et pourquoi pas ?” Elle cherche à blesser, à faire mal pour qu’il s’éloigne, peut-être qu’il finira par partir lui aussi et c’est tout ce qu’elle aura mérité. « Tu peux pas me chasser comme ça alors que c’est toi qu’est venue me voir. » “J’étais seule sur le banc, c’est toi qui m’as retrouvé.” Elle grogne, alors qu’elle est venue là justement parce qu’elle savait que s’il se mettait vraiment à la chercher il la retrouverait.

Elle lui tourne le dos et s’apprête à s’éloigner et marcher pendant des heures entre les arbres. « Et c’est toi qu’est en train de faire les conneries, Jillian. » “Arrête.” Elle ferme les yeux et reste sans bouger. Elle soupire et baisse la tête pour regarder ses pieds. « Je fais que les souligner parce-qu’apparemment, tu t’en fous des conséquences qu’elles peuvent avoir sur ton entourage. » “C’est quoi les conséquences si je reste ? Si je fais une connerie ? Si un soir j’ai tellement envie de sortir que je les laisse avec n’importe qui ? Si je me mets à faire une crise et à hurler encore plus fort qu’eux juste parce qu’ils pleurent parce qu’ils ont faim ? C’est quoi les conséquences de ça ?”